ANTHROPOLOGIE DU DROIT 5 LE SENS DU JEU DES LOIS
cours offert à la Faculté de Droit de l'Université de Montréal : DRT 3012 - Anthropologie du droit
AUTOMNE 2001 JEUDI 27 SEPTEMBRE - 16 H. À 19 H.
Alain Bissonnette
alain.bissonnette4@sympatico.ca
Introduction
Questions relativement à louvrage dÉtienne Le Roy
En préparation de votre examen à la maison, qui devra mêtre remis au plus tard le lundi 1er octobre, et non pas, tel que prévu au départ, au plus tard le jeudi 27 septembre, voici une série de questions et de réponses qui devraient vous être utiles.
Questions formulées par Dahyonn Min au sujet de louvrage dÉtienne Le Roy
Dans lintroduction générale à son ouvrage, Étienne Le Roy explique que son anthropologie dynamique du Droit sinscrit dans deux traditions qui lont inspiré : dune part, lanthropologie processuelle et, dautre part, lapproche juridique telle que pratiquée par des juristes civilistes non dogmatiques. En dautres termes, il ne sagit pas ici de comparer, ni dopposer ces deux traditions, mais simplement de comprendre que Le Roy a puisé à lune et à lautre de ces traditions pour " construire " son modèle à lui, modèle qui a pour ambition dexpliquer en quoi, jusquoù et comment le Droit contribue au jeu social en tenant compte des variations historiques, des spécificités culturelles et des implications conscientes et inconscientes de la part variable du Droit dans la vie en société. Il convient de souligner ici que lhéritage de ces juristes civilistes qui a été utilisé par Le Roy est bien non dogmatique et va au-delà dune approche de droit strictement positif. Le Roy mentionne spécifiquement quatre auteurs et identifie ce quil a puisé chez eux : chez Henri Lévy-Bruhl, sa juristique, soit la recherche des lois scientifiques qui gouvernent les lois juridiques; chez Jean Carbonnier, surtout son étude des phénomènes dinternormativité; chez François Terré, sa méfiance à légard du discours des juristes et le souci de considérer comment lon fait et ce que lon fait du droit; chez Michel Alliot, son précepte voulant que le Droit soit mise en forme des luttes et consensus sur le résultat des luttes dans les domaines que la société tient pour vitaux.
Je doute davoir lexpertise nécessaire pour répondre adéquatement à cette question, mais je vais quand même essayer de vous donner quelques repères vous permettant ensuite de poursuivre vous-même une recherche qui soit plus exhaustive.
Voici donc en quelques pages les principaux arguments développés par Claude Lévi-Strauss pour démontrer luniversalité de cette règle :
" Posons donc que tout ce qui est universel, chez lhomme, relève de lordre de la nature et se caractérise par la spontanéité, que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier. Nous nous trouvons alors confrontés avec un fait, ou plutôt un ensemble de faits, qui nest pas loin, à la lumière des définitions précédentes, dapparaître comme un scandale : nous voulons dire cet ensemble complexe de croyances, de coutumes, de stipulations et dinstitutions que lon désigne sommairement sous le nom de prohibition de linceste. Car la prohibition de linceste présente, sans la moindre équivoque, et indissolublement réunis, les deux caractères où nous avons reconnu les attributs contradictoires de deux ordres exclusifs : elle constitue une règle, mais une règle qui, seule entre toutes les règles sociales, possède en même temps un caractère duniversalité. Que la prohibition de linceste constitue une règle na guère besoin dêtre démontré; il suffira de rappeler que linterdiction du mariage entre proches parents peut avoir un champ dapplication variable selon la façon dont chaque groupe définit ce quil entend par proche parent; mais que cette interdiction, sanctionnée par des pénalités sans doute variables, et pouvant aller de lexécution immédiate des coupables à la réprobation diffuse, parfois seulement à la moquerie, est toujours présente dans nimporte quel groupe social.
On ne saurait, en effet, invoquer ici les fameuses exceptions dont la sociologie traditionnelle se contente souvent de souligner le petit nombre. Car toute société fait exception à la prohibition de linceste, quand on lenvisage du point de vue dune autre société dont le règle est plus stricte que la sienne. On frémit en pensant au nombre dexceptions quun Indien Paviotso devrait, à ce compte, enregistrer. Quand on se réfère aux trois exceptions classiques : Égypte, Pérou, Hawaï, auxquelles il faut dailleurs ajouter quelques autres (Azandé, Madagascar, Birmanie, etc.), on ne doit pas perdre de vue que ces systèmes sont des exceptions par rapport au nôtre propre, dans la mesure où la prohibition y recouvre un domaine plus restreint que ce nest le cas parmi nous. Mais la notion dexception est toute relative, et son extension serait fort différente pour un Australien, un Thonga, ou un Eskimo.
La question nest donc pas de savoir sil existe des groupes permettant des mariages que dautres excluent, mais plutôt sil y a des groupes chez lesquels aucun type de mariage nest prohibé. La réponse doit être, alors, absolument négative, et à un double titre : dabord, parce que le mariage nest jamais autorisé entre tous les proches parents, mais seulement entre certaines catégories (demi-sur à lexclusion de sur, sur à lexclusion de mère, etc.); ensuite, parce que ces unions consanguines ont, soit un caractère temporaire et rituel, soit un caractère officiel et permanent, mais restent, dans ce dernier cas, le privilège dune carégorie sociale très restreinte. Cest ainsi quà Madagascar, la mère, la sur, parfois aussi la cousine, sont des conjoints prohibés pour les gens du commun, tandis que, pour les grands chefs et les rois, seule la mère mais la mère tout de même est fady, " défendue ". Mais il y a si peu " exception " à la prohibition de linceste que celle-ci fait lobjet dune extrême susceptibilité de la part de la conscience indigène : quand un ménage est stérile, on postule une relation incestueuse, bien quignorée; et les cérémonies expiatoires prescrites sont automatiquement célébrées. [citation omise]
Le cas de lÉgypte ancienne est plus troublant, parce que des découvertes récentes [citation omise] suggèrent que les mariages consanguins particulièrement entre frère et sur ont peut-être représenté une coutume répandue chez les petits fonctionnaires et artisans, et non limitée, comme on la jadis cru [citation omise], à la caste régnante et aux plus tardives dynasties. Mais en matière dinceste, il ne saurait y avoir dexception absolue. Notre éminent collègue M. Ralph Linton nous faisait remarquer un jour que dans la généalogie dune famille noble de Samoa, étudiée par lui, sur huit mariages consécutifs entre frère et sur, un seul mettait en cause une sur cadette, et que lopinion indigène lavait condamné comme immoral. Le mariage entre un frère et sa sur aînée apparaît donc comme une concession au droit daînesse; et il nexclut pas la prohibition de linceste puisque, en plus de la mère et de la fille, la sur cadette reste un conjoint interdit, ou tout au moins désapprouvé. Or, un des rares textes que nous possédions sur lorganisation sociale de lancienne Égypte suggère une interprétation analogue; il sagit du Papyrus de Boulaq No. 5, qui relate lhistoire dune fille de roi qui veut épouser son frère aîné. Et sa mère remarque : " Si je nai pas denfants après ces deux enfants-là, nest-ce pas la loi de les marier lun à lautre ? " [citation omise] Ici aussi, il semble sagir dune formule de prohibition autorisant le mariage avec la sur aînée, mais le réprouvant avec la cadette. On verra plus loin que les anciens textes japonais décrivent linceste comme lunion avec la sur cadette, à lexclusion de laînée, élargissant ainsi le champ de notre interprétation. Même dans ces cas, quon pourrait être tenté de considérer comme des limites, la règle duniversalité nest pas moins apparente que le caractère normatif de linstitution. "
" Le problème de la prohibition de linceste nest pas tellement de rechercher quelles configurations historiques, différentes selon les groupes, expliquent les modalités de linstitution dans telle ou telle société particulière. Le problème consiste à se demander quelles cause profondes et omniprésentes font que, dans toutes les sociétés et à toutes les époques, il existe une réglementation des relations entre les sexes. "
" La prohibition de linceste nest, ni purement dorigine culturelle, ni purement dorigine naturelle; et elle nest pas, non plus, un dosage déléments composites empruntés partiellement à la nature et partiellement à la culture. Elle constitue la démarche fondamentale grâce à laquelle, par laquelle, mais surtout en laquelle, saccomplit le passage de la nature à la culture. "
" [A]vant elle, la culture nest pas encore donnée; avec elle, la nature cesse dexister, chez lhomme, comme un règne souverain. La prohibition de linceste est le processus par lequel la nature se dépasse elle-même; elle allume létincelle sous laction de laquelle une structure dun nouveau type, et plus complexe, se forme, et se superpose, en les intégrant, aux structures plus simples de la vie psychique, comme ces dernières se superposent, en les intégrant, aux structures plus simples quelles-mêmes, de la vie animale. Elle opère, et par elle-même constitue, lavènement dun ordre nouveau. "
" La prohibition de linceste ne sexprime donc pas toujours en fonction des degrés de parenté réelle; mais elle vise toujours les individus qui sadressent les uns aux autres par certaines termes. ( ) Cest le rapport social, au delà du lien biologique, impliqué par les termes de " père ", de " mère ", de " fils ", de " fille ", de " frère " et de " sur ", qui joue le rôle déterminant. Pour cette raison surtout, les théories qui tentent de justifier la prohibition de linceste par les conséquences nocives des unions consanguines (y compris de nombreux mythes primitifs qui suggèrent cette interprétation) ne peuvent être considérées que comme des rationalisations. "
" Envisagée du point de vue le plus général, la prohibition de linceste exprime le passage du fait naturel de la consanguinité au fait culturel de lalliance. ( ) Il y a donc dans la nature mutations mises à part un principe dindétermination, et un seul; et cest dans le caractère arbitraire de lalliance quil se manifeste. ( ) [L]a nature impose lalliance sans la déterminer; et la culture ne la reçoit que pour en définir aussitôt les modalités. Ainsi se résout lapparente contradiction entre le caractère de règle de la prohibition et son universalité. Luniversalité exprime seulement le fait que la culture a, toujours et partout, empli cette forme vide, comme une source jaillissante comble dabord les dépressions qui entourent son origine. Contentons-nous pour linstant de cette constatatioin quelle la emplie de ce contenu quest la Règle ( ). Le fait de la règle, envisagé de façon entièrement indépendante de ses modalités, constitue, en effet, lessence même de la prohibition de linceste. Car si la nature abandonne lalliance au hasard et à larbitraire, il est impossible à la culture de ne pas introduire un ordre, de quelque nature quil soit, là où il nen existe pas. Le rôle primordial de la culture est dassurer lexistence du groupe comme groupe; et donc de substituer, dans ce domaine comme dans tous les autres, lorganisation au hasard [citation omise]. "
" [L]e mariage, dans la plupart des sociétés primitives (comme aussi mais à un moindre degré dans les classes rurales de notre société), présente une toute autre importance, non pas érotique, mais économique. La différence entre le statut économique du célibataire et celui de lhomme marié, dans notre société, se réduit presque exclusivement au fait que le premier doit, plus fréquemment, renouveler sa garde-robe. La situation est tout autre dans des groupes où la satisfaction des besoins économiques repose entièrement sur la société conjugale et sur la division du travail entre les sexes. Non seulement lhomme et la femme nont pas la même spécialisation technique, et dépendent donc lun de lautre pour la fabrication des objets nécessaires aux tâches quotidiennes, mais ils se consacrent à la production de types différents de nourriture. Une alimentation complète, et surtout régulière, dépend donc de cette véritable " coopération de production " que constitue un ménage. "
" Mais que ce soit sous une forme directe ou indirecte, globale ou spéciale, immédiate ou différée, explicite ou implicite, fermée ou ouverte, concrète ou symbolique, cest léchange, toujours léchange, qui ressort comme la base fondamentale et commune de toutes les modalités de linstitution matrimoniale. Si ces modalités peuvent être subsumées sous le terme général dexogamie (car, ainsi quon la vu dans la première partie de ce travail, lendogamie ne soppose pas à lexogamie, mais la suppose), cest à la condition dapercevoir, derrière lexpression superficiellement négative de la règle dexogamie, la finalité qui tend à assurer, par linterdiction du mariage dans les degrés prohibés, la circulation, totale et continue, de ces biens du groupe par excellence que sont ses femmes et ses filles. "
" [L]échange ( ) a, par lui-même, une valeur sociale : il fournit le moyen de lier les hommes entre eux, et de superposer, aux liens naturels de la parenté, les liens désormais artificiels, puisque soustraits au hasard des rencontres ou à la promiscuite de lexistence familiale, de lalliance régie par la règle. "
" La loi dexogamie ( ) est omniprésente, elle agit de façon permanente et continuelle, bien plus, elle porte sur des valeurs les femmes qui sont les valeurs par excellence, à la fois du point de vue biologique et du point de vue social, et sans lesquelles la vie nest pas possible, ou tout au moins est réduite aux pires formes de labjection. ( ) [E]lle est larchétype de toutes les autres manifestations à base de réciprocité, ( ) elle fournit la règle fondamentale et immuable qui assure lexistence du groupe comme groupe. "
" La prohibition de linceste est moins une règle qui interdit dépouser mère, sur ou fille, quune règle qui oblige à donner mère, sur ou fille à autrui. Cest la règle du don par excellence. Et cest bien cet aspect, trop souvent méconnu, qui permet de comprendre son caractère. "
" Il ny a rien dans la sur, ni dans la mère, ni dans la fille, qui les disqualifie en tant que telles. Linceste est socialement absurde avant dêtre moralement coupable. Lexclamation incrédule arrachée à linformateur : Tu ne veux donc pas avoir de beau-frère ? fournit sa règle dor à létat de société.
Il ny a donc pas de solution possible au problème de linceste à lintérieur de la famille biologique ( ). Le contexte culturel ( ) résulte dun fait très simple, et qui lexprime tout entier, à savoir que la famille biologique nest plus seule, et quelle doit faire appel à lalliance dautres familles pour se perpétuer. "
Lire également : Norbert Rouland, Anthropologie juridique, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 1988, 496 p. : 236-241.
Si je comprends bien la question, il me suffit dindiquer ici que Le Roy estime que la démarche structuraliste est susceptible dêtre appliquée au Droit comme elle la été dans le passé, par exemple, aux structures de la parenté. Mais il indique également quil faut approfondir cette démarche en lenglobant dans une analyse dynamique des processus. Il faut, selon lui, conjuguer les deux approches.
Cette distinction a été établie par Claude Lévi-Strauss dans son ouvrage Anthropologie structurale. Étienne Le Roy retient cette distinction entre modèle mécanique et modèle statistique simplement parce quils se situent, lun et lautre, à des échelles différentes, mais il récuse laffirmation de Lévi-Strauss selon laquelle le modèle mécanique est utilisable à légard des sociétés " primitives " et le modèle statistique aux sociétés " complexes ". En fait, ces deux modèles peuvent servir envers toute société, leur intérêt résidant dans la possibilité quils offrent dappréhender des éléments se situant à des échelles différentes, et ce au sein de toute société.
Cette expression " philosophie spontanée des juristes " - fait référence à un article publié par Le Roy et des collègues en 1980. Le peu qui en est dit dans son ouvrage laisse entendre que cette philosophie spontanée amène les juristes à repérer la cohérence interne du Droit, compris comme système de normes, à travers ses grands concepts, ceux qui lui donnent son orientation générale. Le Roy estime quil faut utiliser cette philosophie spontanée du juriste, quelle est utile, puisquil y a lieu en effet de comprendre lorientation générale du Droit, compris comme système de normes. Mais il indique quil faut aller plus loin également et quil convient de repérer la vision du monde qui se cache derrière le visible et le quotidien des pratiques associées au Droit. Dans les deux cas, lanalyse structurale peut permettre de faire de belles découvertes.
À la page 29 de son ouvrage, Étienne Le Roy indique simplement quil fait lhypothèse que les trois archétypes élaborés par Michel Alliot : lidentification, la différenciation et la soumission, ainsi que les traditions auxquelles ces archétypes sont généralement associés, à savoir la tradition asiatique, la tradition animiste et la tradition du Livre, sont aujourdhui en voie de restructuration. Une telle restructuration de ces archétypes et des traditions qui les expriment entraîne une acculturation des projets de société, acculturation quil dit observer aussi bien en Europe quen Afrique. Par son analyse, Le Roy cherche à déchiffrer le sens de ce mouvement, de cette dynamique. Dans les pages de son introduction générale, Le Roy explique simplement ce quil cherche à réaliser par sa démarche propre. Dans la première partie de son ouvrage, il explique comment il procède pour atteindre les résultats annoncés en introduction. Je reviendrai plus loin sur ce comment procéder.
Quant au tableau dessiné en classe, il a été fait spontanément et navait dautre but que de vous permettre de mieux comprendre le sens de la démarche générale de Le Roy.
Oui, lanthropologue se situe toujours lui-même dans un site, un lieu culturel et historique donné, mais il a pour ambition de se déplacer dans dautres lieux ou sites culturels et historiques et dy découvrir les logiques multiples qui les traversent et les animent. Ce que Le Roy reproche à certains comparatistes, cest de ne pas tenir compte dans leurs analyses du fait que dans des sites culturels et historiques différents, des logiques multiples différentes peuvent être à luvre. Autrement dit, il reproche à ces comparatistes danalyser les sociétés étrangères en présumant quon y retrouve les mêmes logiques qui caractérisent leur propre société.
En effet, pour Le Roy, sappuyant ici sur Karl Polanyi et Louis Dumont, il ne peut y avoir de comparatisme entre les divers éléments caractérisant des sociétés différentes, sans que ces éléments ne soient dabord rattachés à la totalité sociale dont ils font partie. Pour aller plus loin, lire louvrage de Jacques Vanderlinden, Comparer les droits, Diegem, Kluwer Éditions Juridiques Belgique et E. Story-Scientia, 1995, 467 p.
Ce passage mapparaît fort important (synthèse), mais jai de la misère à faire le lien entre tous ces concepts.
Afin de vous éclairer, je ne vois pas de meilleur moyen que de vous donner un exemple où justement Le Roy, dune part, déconstruit des processus à luvre et, dautre part, identifie le mouvement ainsi provoqué. Le texte en question est reproduit dans votre recueil de textes portant sur la Côte-dIvoire : Étienne Le Roy, " Lappropriation et les systèmes de production ", in E. Le Bris, E. Le Roy, P. Matthieu (éd.), Lappropriation de la terre en Afrique noire. Manuel danalyse, de décision et de gestion foncières, Paris, Karthala, 1991, 359 p. : 27-35..
" 3. De lappropriation traditionnelle à la propriété moderne : limpact de la théorie coloniale de la domanialité
Au tournant du XXe siècle, la politique française butait sur un obstacle fondamental : comment généraliser une propriété privée avec les moyens quoffrait le code civil, lequel organisait les rapports juridiques mais navait pas eu à créer la propriété foncière qui avait été définitivement constitué lors de la Révolution française ?
Pour contourner cette difficulté, A. Ley rappelle, dans Enjeux fonciers en Afrique noire (op. cit., p. 135), comment est né le " système Torrens " à partir de louvrage de lavocat français Courdemanche. Torrens est linventeur dun mode denregistrement des terres de la couronne en Australie. Connu en France à loccasion des travaux dune commission sénatoriale en 1894-1895, ce mode denregistrement va être transféré en Afrique et donnera naissance au décret foncier de 1906 et au régime de la propriété foncière en Afrique occidentale. Ce régime, accessoirement amendé ensuite, avait trouvé son équilibre avec le décret foncier de 1932.
Mais, ce régime de la propriété foncière ne pouvait, à lui seul, servir de charpente à la politique foncière : que faire des terres qui ne relevaient pas de ce régime ? Là encore, les dispositions du code civil étaient vagues, larticle 538 se clôturant par lindication que " généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles dune propriété privée sont considérées comme des dépendances du domaine public ".
Avec pour seule référence la " domanialité ", un nouveau régime va voir le jour entre 1899 au Congo français et 1901 en Côte-dIvoire, dans un contexte marqué par une vive concurrence entre les objectifs techniques des nouveaux services des domaines et les nécessités du maintien de l'ordre public que doivent assumer les administrateurs. Après avoir tenté de provoquer la transformation volontaire des droits coutumiers en droits de propriété, puis avoir prétendu que la colonie était propriétaire des terres par application de la théorie de la succession dÉtats, on redécouvre derrière la référence au domaine les notions du droit féodal.
Ce droit féodal distinguait deux domaines. Le premier domaine est le dominium directum ou domaine éminent appartenant au seigneur et auquel sont rattachées toutes les prérogatives de la seigneurie. Ces prérogatives correspondent à des compétences politiques, militaires, judiciaires et économiques qui ont été, à lâge moderne, transférées à lÉtat et qui, sans aucun doute, étaient assurées par lÉtat colonial. Le second est le dominium utile reconnu à un vassal dans le cadre dun rapport de dépendance personnel en principe librement conclu et contre le versement dun cens. Ces deux domaines " éminent " et " utile " sont complémentaires lun de lautre et doivent être distingués de " lalleu ", terre libre de toute relation féodale et où peut sexercer le plenum dominium (pleine propriété).
Cette brève présentation du droit féodal a pour objectif dillustrer trois points.
Lopposition centrale des politiques foncières repose sur deux conceptions de lappropriation. Dans la conception endogène et traditionnelle, laffectation de lespace vise principalement à assurer la reproduction du groupe dans ses dimensions matérielles, sociales et idéologiques. La conception européenne vise essentiellement à traiter lespace comme un capital à exploiter et à rentabiliser.
Deux conclusions peuvent ainsi être dégagées.
Premièrement, cest en fonction de la notion dappropriation quil convient danalyser les rapports fonciers contemporains.
Deuxièmement, les deux conceptions de lappropriation que nous venons de dégager ne sont pas toujours et nécessairement contradictoires. Ne renvoyant ni aux mêmes opportunités ni aux mêmes enjeux, elles pourront parfois être utilisées et mises en uvre par le même acteur si les contextes lautorisent : on peut même être capitaliste au village et socialiste au ministère, ou inversement. Il ny a pas ainsi de tendance unilinéaire au passage de formes communautaires à des modes capitalistes daffectation de lespace. Si lindividualisation fait partout des progrès, elle se réalise principalement sous la forme dune maîtrise sur la terre. Cette maîtrise peut, suivant les cas, être temporaire, prioritaire, exclusive ou absolue. Seule une maîtrise à la fois exclusive et absolue correspond à la propriété civiliste.
Cest pourquoi nous considérerons lhypothèse que lanalyse des rapports fonciers reste déterminée par les besoins de sécurisation propres à chaque système de production en milieu rural, ou en milieu urbain, par les contraintes du site et de linsertion dans lespace résidentiel. "
Selon André Régnier, que cite Le Roy, il importe de séparer les propositions qui appartiennent à la théorie des propositions qui jugent du rapport entre la théorie et les faits. Les propositions qui appartiennent à la théorie liée au modèle en lui-même doivent assurer la seule rigueur logique, alors que les propositions qui jugent du rapport entre la théorie et les faits doivent utiliser des méthodes ou des règles permettant didentifier ce rapport entre théorie et faits, et ce au-delà de la seule rigueur logique.
10. " Ce qui compte en juxtaposant ces paramètres, cest moins les caractéristiques inhérentes à chacun dentre eux que la pondération que prennent sur léchiquier, à lune ou lautre des échelles, les filières dacteurs ou les réseaux dopérateurs sociaux . "
Le Roy indique avoir sélectionné les paramètres à partir de lobservation de la vie quotidienne et après avoir expérimenté lordre de leur agencement dans deux publications qui ont précédé la composition de son ouvrage Le jeu des lois. Pourquoi placer ces paramètres en relation les uns par rapport aux autres ? Parce que, selon Le Roy, ils permettent ainsi daborder en même temps différentes questions, qui appartiennent à lun ou lautre des paramètres, et ce dune manière totalisante et itérative. Cette façon de procéder a, entre autres, pour avantage déviter daborder ces questions de manière hiérarchique ou dualiste. En outre, comme les questions inscrites dans chacun des paramètres sont en interrelations avec toutes les autres, un changement apporté à lune a un effet sur toutes les autres. De cette façon, lensemble forme un système, chaque élément étant lié à tous les autres éléments qui composent le modèle. Cest bien là une démarche structuraliste.
Lexigence supplémentaire qui permet de parler dinterdisciplinarité consiste à utiliser lensemble des disciplines inscrites dans les neuf premiers paramètres du modèle dans le but, cette fois, " déclairer le mystère du Droit comme facteur totalisant ou englobant (selon lexigence anthropologique) de régulation de la vie en société et selon des modalités que chaque société particularise selon le sens quelle donne aux valeurs associées aux divers paramètres ", ce qui est lobjet de la case 10 dans le modèle.
12. Post-modernité? Transmodernité? Diacritique? Diachronique? (la recherche dans le dictionnaire naidant pas )
Noter quà la page 409 de louvrage de Le Roy, on retrouve un index des principaux concepts.
Pour ce qui est de la post-modernité, bien quon ne retrouve aucune définition en tant que telle dans louvrage de Le Roy, on peut induire de ses propos quil sagit des caractéristiques des sociétés contemporaines qui ont remis en question lidentité construite au moment des Lumières et qui a débouché sur une approche positiviste du Droit. À la page 176 de son ouvrage, il écrit que, dans la pensée moderne, " le mouvement est conduit par un principe quasi métaphysique du progrès social, moral et juridique ", notion qui lui apparaît être " la transposition eschatologique des conceptions chrétiennes du salut et de la grâce. " La pensée post-moderne ne croit plus à ces conceptions. Norbert Rouland a indiqué notamment que " [l]es grandes théories anthropologiques du XXe siècle le fonctionnalisme, et surtout le structuralisme insistent toujours plus sur le fait que les principes organisateurs de la réalité sociale se dérobent à lexpérience directe. " Il ajoute quon a également pris conscience du fait que les sociétés traditionnelles possèdent elles aussi une sagesse et, enfin, que les représentations fluctuantes de ce que nous nommons le Réel sappuient sur le fait que nous reconnaissons désormais lexistence et la pertinence de la variabilité culturelle et juridique.
Quant à la trans-modernité, elle me semble être constituée, dans la pensée de Le Roy, par le principe de la complémentarité des différences, permettant, par exemple, la rencontre et lutilisation dans des situations pratiques et concrètes aujourdhui de visions du monde ou de modes de pensée très contemporains et très anciens.
Quant à la signification du mot " diacritique ", le Petit Robert en donne la définition suivante : " qui sert à distinguer, à caractériser ". Dans les mots diachronique, diatopique et dialogique, dia réfère à une variété, à une pluralité. Ainsi dia-chronique : une variété de temps, dia-topique : une variété de lieux, dia-logique : une variété de logiques. Lambition de Le Roy, comme nous lavons bien vu pendant le cours, est précisément de tenir compte de toutes ces variétés.
Relire la réponse à la question 10. Sans aller dans les détails, disons simplement pour ce qui est des ressources, dune part, quelles sont diversement identifiées ou valorisées au sein des différentes sociétés, et en outre que les acteurs nont pas un accès identique à chacune de ces ressources. Le Roy propose didentifier à quelles ressources les acteurs impliqués dans une situation concrète particulière ont accès, selon quelles modalités, et quelles conclusions il est permis de tirer de leurs interactions. Ce paramètre devant également être mis en relation avec les autres comme nous lavons vu en répondant à la question 10.
Quant à la définition du champ juridique, il suffit de rappeler que les acteurs se retrouvent liés les uns aux autres, chacun avec ses propres ressources, mais que ces ressources et la force de ces acteurs sont elles-mêmes différemment prises en compte selon le champ où elles sont mises en uvre. Par exemple, si vous amorcez une négociation entre des acteurs provenant de sociétés différentes, le lieu même où prendra place la négociation ne sera pas neutre (différences, par exemple, entre larbre à palabres et le palais de justice), ce lieu reconnaissant et du coup multipliant les effets de certaines ressources et pas dautres, ainsi que certaines forces et pas dautres.
14. Pour la dissertation que faut-il entendre par " perspectives " ?
Quels sont les nouveaux lieux dobservation, les nouveaux domaines de réflexion ou les nouvelles façons de voir (approches) qui viennent à votre esprit après avoir lu et analysé la théorie du jeu des lois dÉtienne Le Roy ?
Question formulée par Kimon Kling :
En classe, lorsque je parlais d'un droit englobant qui serait seul responsable de la reproduction de la société (avec une participation minime des autres facteurs), vous avez dit que le droit n'avait pas d'existence seul. Par contre, si on regarde l'Afghanistan ; Allah a transmis la Loi au prophète, qui l'a transmise au peuple. Ainsi le "grand patron" (je crois que c'est le "mollah") ne fait qu'appliquer la Loi d'Allah, sans pouvoir la discuter et encore moins la changer. La Loi s'applique, peu importe si elle conduit le pays au bord du gouffre et menace la reproduction de la société. Dans ce sens, ne peut-on pas dire que la Loi a une existence propre et que les autres acteurs ne jouent qu'un rôle moindre dans le "jeu" ?
Sans des acteurs sinscrivant eux-mêmes dans lensemble des paramètres élaborés par Étienne Le Roy, je ne vois vraiment pas comment la Loi peut avoir une existence propre et autonome. Ceci dit, oui, il existe bien entendu des sociétés (ou des sites culturels et historiques) où des acteurs cherchent à présenter la Loi comme étant directement mise en uvre, et ce sans intermédiaires, sans interprétation, sans lieux particuliers pour en assurer la transmission et la sanction. Sil peut arriver que des personnes socialisées à ce type de droit estiment en conséquence que cest la Loi seule qui sapplique à elles, est-ce que lanthropologue, lui, partagera la même opinion ? Ceci étant dit, ce même anthropologue devra cependant rendre compte des conceptions des acteurs quil étudie notamment à légard de la Loi comme devant sappliquer delle-même, mais il soulignera également comment cette conception est transmise et perpétuée au sein des groupes ou de la société concernée, comment les divergences dinterprétation de cette Loi sont habilement cachées ou dévalorisées, comment des lieux et des gestes précis servent à transmettre et incarner la Loi en question, etc.
TABLEAU (page suivante) :
REPRÉSENTATION DES DIVERS PARAMÈTRES DU JEU DES LOIS (version préliminaire et provisoire)
À DISCUTER ENSEMBLE
|
Cité domestique |
Cité civile |
Cité marchande |
Status ou statut |
|||
Rôle |
|||
Position |
|||
|
Réciprocité |
Redistribution |
Marché |
Matérielles |
|||
Humaines |
|||
Mentales |
|||
|
Négociation (implicite ou explicite) |
Convention |
Contractualisation |
Objectifs |
|||
Stratégies |
|||
Tactiques |
|||
|
Institutionnelle |
Fonctionnelle |
Métisse |
Rationalisations |
|||
Représentations |
|||
Vision du monde sous-jacente |
|||
|
Locale |
Nationale |
Internationale |
Rapport à lespace |
|||
Rapport au temps |
|||
Rapport au pouvoir |
|||
|
Microprocessus |
Mésoprocessus |
Macroprocessus |
Enchaînements |
|||
Contradictions |
|||
Transformation ou Stagnation |
|||
|
Confrontation |
Négociation |
Règlement des conflits |
Autorités |
|||
Lieu |
|||
Procédures |
|||
|
Imposé |
Négocié |
Accepté ou contesté |
Quel ordre recherché ? |
|||
Selon quel projet ? |
|||
Avec quels procédés ? |
|||
|
Matériels |
Symboliques |
Différés |
Ce qui peut être gagné (compromis acceptables) |
|||
Ce qui peut être perdu (compromis acceptables) |
|||
|
Normes générales et impersonnelles |
Modèles de conduites et comportements |
Systèmes de dispositions durables |
Critères de juridicité |
|||
Apprentissage de la juridicité |
|||
Gestion de la juridicité |
|||
Processus de sécurisation |
|||
Devenir de la juridicité |
Informations ou données pouvant être tirées du texte de H. Patrick Glenn en utilisant comme " filet " lensemble des paramètres de la théorie de Le Roy (1ère version à améliorer)
H. PATRICK GLENN, " AN ASIAN LEGAL TRADITION : MAKE IT NEW (WITH MARX ?) ", in LEGAL TRADITIONS OF THE WORLD, OXFORD, OXFORD UNIVERSITY PRESS, 2000 : 279-317.
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" Guanxi or relations are thus the key intermediaries between the individual and larger harmonious groupings, and remain so throughout Asia today. Grounded in natural human affections, the entire society is meant to have a dynamic of its own, requiring little external intervention or threat of force to make it coherent. " (Glenn 2000 : 297). |
" There is, however, a long tradition of formal law and formal sanctions, or fa, in China, though it has played a subordinate role to the li, or persuasion, of the confucians. " (Glenn 2000 : 283) " Fa is thus concerned with criminal conduct and administrative regulation; it is primarily directed not to the people, but to administrative officials; it was closely associated with militarism (" enrich the state; reinforce the army "); and in practice exhibited a measure of doctrinal intolerance which matched that know in the west, including burning of the books of confucianism. For many of these reasons, and also for brutal repression above and beyond the rule by law, the Chin empire was of short duration, collapsing after fourteen years. Since that time (peoples have long memories) fa has been labouring under a heavy load, and has essentially never recovered the credibility it might then have had. " (Glenn 2000 : 284) " With the new regime, that of the Han, confucianism became the official doctrine of the new empire, so it became a question of how confucianism could be used in a new political order, which was rapidly losing its feudal characteristics. " (Glenn 2000 : 284) " The tradition of criminal/administrative codes thus continued, and through to the last of the dynasties, that of the Ching, which terminated in 1911. The codes became sophisticated documents, often treated as near-sacred in character, and eventually became greatly admired in eighteenth and nineteenth century Europe, where their ultimate versions were translated into French, Russian and English. From the legalist perspective this can been seen as a kind of vindication; their programme was (only) one of criminal and administrative law, supportive of governmental order, and it was preserved within the broader context of confucian teaching. Yet the cause of fa was irreparably damaged by the failure of the Chin dynasty. It could never expand beyond its criminal and administrative beginnings. Much of the field of private law was closed to it, now the privileged field of confucian li. " (Glenn 2000 : 284-285) " The normative world of China, and Asia, is as a pluralist form of legal order, in which different forms of normativity co-exist and even constantly rub against one another, each being recognized by the other as necessary yet each busily pushing at the boundary which separates them " (Glenn 2000 : 288).
" The rationality inherent in this entire confucian process, which disdains the " mysticism " of religions, particularly Asian ones, is mistrusful of universals. That there is a rationality, both in terms of worked-out objectives and detailed methods, seems clear enough, though it is a rationality of social conduct and not a rationality of enquiry. So China, in its confucian mode and until very recently, had no concept of philosophy, in the wide, western, sweeping sense. It had only a philosophy, which concentrated on the concrete, the particular, the dynamic, the practical, and this for a single objective, the harmonious survival of social relations, necessarily lasting over millennia. " (Glenn 2000 : 295)
Représentations : " The debate about human rights in China and Asia is therefore a very deeply rooted one, and it is multi-faceted. If you are a westerner arguing the human rights case, you will be met by opposition which is either confucian, or communist, or both subtly combined. You may also find a surprising amount of agreement on what you are arguing for. Since confucianism is based on the idea of the innate goodness of human nature, it cannot be said to be opposed to the value of human life. Its basic premises have been said to be " somewhat akin " to those of the " inherent dignity of man " and the " intrinsic worth of the individual ". In 1948 Chinese (non-communist) representatives to the United Nations could argue, along with those of India, that the principle of respect for human life and innate human virtues was accepted in their countries. More recently, sinologists have pleaded for the underlying compatibility of Chinas tradition with that of human rights. Recent confucian criticism of rights doctrine, however, echoes that of talmudic tradition in denying that rights can provide what they promise. They would dehumanize and compromise our ability to define appropriate conduct and ultimately prove incompatible with the goal of protection of human dignity. Communist rights critique has been directed only towards the individualistic or subjective definition of rights. If rights are seen as collective (they can be seen many ways), then rights of development, self-determination, peace and racial equality are to be strongly supported. Even individually defined rights can be accepted, as in the General Principles of Civil Law, if they are seen as societally derived and in no way as pre-existing. " (Glenn 2000 : 312-313)
" Asian tradition thus did not generate a notion of individual rights or " droits subjectifs " and it has even been said that the notion of individual autonomy, unresponsiveness to others, is suggestive of " idiocy or immorality ". It is too radical a proposition for human ordering to be successful over an extended period of time, implicitly denied by the non-transcendental character of Asian moral philosophy and by the refusal to conceptualize individuals in any way other than relational as children, parents, friends, lovers, youngsters, oldsters, employees, employers and on and on. Yet confucianism denies that it is at the collective end of a spectrum between collectivity and individualism and has, particularly in its modern variants, sought to ensure individual values within the relational cadre it proposes. Inequality is recognized as necessarily existing in society, but is either justified or to be corrected. It is justified where it is simply forbearance, to allow people and things to be themselves, a kind of co-ordinated diversity. Justification may also exist where privileges and duties even up, equitably, over time, as where the duties of the child become the rights or privileges of the parent. It may be not justified when the virtues of saving and competition are pushed to the extreme, such that the accumulation of wealth generates social inequities and ill will. Inequality may also be corrected by specific means, such as the democratization of teaching or the use of competitive examinatioins for changes of employment. And within the disparate roles which society will inevitably contain, the individual person is to be praised in all contributions which are made. The entire confucian structure rests on a notion of underlying human good, which the relational structure is meant to facilitate and serve. It is self-cultivation which is the key to governance, collapsing the means-end distinction so that each person is both an end in themselves and a means for everyone else. Li is a means of registering ones importance, leaving a mark on the tradition " (Glenn 2000 : 297-298). |
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" There is something of the chtonic in it [confucianism], yet Asia has greatly refined the chthonic. " (Glenn 2000 : 280) " [an] ongoing relationship between chthonic tradition and confucianism. " (Glenn 2000 : 281) " Another form of chthonic law could be found in Chinese feudalism, which may be seen as the original source of the normativity developed by, and derived from, the man known in the west as Confucius. " (Glenn 2000 : 282).
" ( ) the old traditions in Asia are challenged by perhaps the most aggressive of the new, in the forms of Chinese and Vietnamese communism, and we see once again, as with hindu law and common law, one of the oldest legal traditions of the world subject to immediate and powerful challenge. " (Glenn 2000 : 280). " China followed Japans lead in following western legal models, in some measure, as a means of obtaining relief from western, treaty-guaranteed presence. The turn to western law began in the last years of the Ching empire, which even established a minister for law reform from 1900-10. There was of course opposition, itself also swept away with the fall of the empire in 1911 and the installation of the nationalist, Guomintang regime, which proceeded to codify large areas of law (the Six Codes), using mainly Japanese and German models. The Six Codes remained essentially paper law. To the inherent resistance of Chinese society to formal normativity was now added the resistance of Chinese communism, itself politically successful in 1949. " (Glenn 2000 : 305)
" Soviet communism, however, was formal communism, heavily influenced by western ideas and western concepts of law. Socialist law in Asia is different, necessarily a kinder, gentle form of communism, though of course equally savage when necessary. Asian communism is different because Asia is different, and there is less place for formal law in it, whether of socialist or capitalist tendency. The Chinese communists originally followed Soviet models, for about a decade from 1949, until they realized how different things were and how they just couldnt make Soviet institutions function in Chinese society. The break with formal communism occurred in 1957, coinciding with a ferocious campaign against " rightists " (legalists) and landlords, and great efforts were made, at great cost, towards bringing about an egalitarian, communist society by informal, educational means. Confucianism was in no way seen as an ally in this process, being historically linked with hierarchical relationships, not all of which were familial or affectionate. The disaster of this effort to somehow steer an informal type of communism came to an end with that of the political careers of its main proponents, and since the late 1970s there has been re-emergence of traditional Chinese teaching, still within a cadre of communist government. Confucianism, if not explicitly, has become an ally in the effort to generate loyalty and preserve structures. With the revival of confucianism has come a (limited) rebirth of its old nemesis and necessary ally, fa, now expanded under western and Guomintang influence to many aspects of private law, at least with respect to legal relations with the west. The new socialist legislation looks in many instances just like western legislation. It doesnt, however, do the same work, nesting as it does in deeper forms of normativity and subject to the pushing and shoving of the communist party. Just as communism had to bend to deep-rooted Asian thought, however, so too is western-style law clearly the object of confucianization, as filtered through communist authority. " (Glenn 2000 : 307-308)
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" The confucians were weak, however, on the controls which could be exercised over a despotic ruler, and tended to talk about their own disapproval, or refusal to visit and counsel the despot. Despots werent much impressed, and there seems to have a lot of them. In the absence of any clear notion of separation of powers, the despots orders were to be applied by magistrates who exercised both of what we call today administrative and judicial functions. The magistrates were clearly not independent officials. They were held strictly to the text of the codes; questions of interpretation were to be referred to the government. To ensure correctness of decision, a carefully defined system of appeals existed, and erring magistrates could be subjected to administrative or even criminal punishment. " (Glenn 2000 : 285-286) " [C]onfucianism placed responsibility entirely on single, noble ruler, while judaism places responsibility on entire people); and on the (highly exceptional) duty of opposition to tyranny " (Glenn 2000 : 285, note 26). " (absence of judicial impartiality in China has contributed to distrust of formal judicial system, practice of seeking justice from intelligent, individual officials). " (Glenn 2000 : 286, note 32)
" The formal process of adjudication thus shades into the informal process of dispute resolution, since in both it is the particularity of the specific events and specific relations which are considered primary, rather than any notion of normativity above and beyond the human relations examined. Models are preferred to rules; teaching to sanctions; symbols to concepts; and even fa is expected to change its nature, to increase its efficiency and contribute to the greater aspirational objective. " (Glenn 2000 : 294-295) " Judicial decisions, of allegedly independent judges, are subject to party control and revision. " (Glenn 2000 : 307) " And as in more explicitly confucian times, litigation has been a last, derided resort. There are some signs of change, at the legislative level, but mediation remains where its at; courts exist, but are notoriously unwelcoming (the story goes that an agricultural creditor recently tied ten (live) bulls to a courthouse in an effort to file a claim); judges are subject to the " telephone law " (telefonnoe pravo, as it was known in the Soviet Union) of the party; lawyers have been state workers of low status, even after their revival; case reporting is deliberately bad, much worse (even) than in civil law countries; precedents are nowhere to be found. " (Glenn 2000 : 309-310)
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" Underlying the confucian position is a fundamentally positive view of human nature, the basic virtues of which can be refined and heightened by persuasion and example, or li. Li is profoundly relational, and the fulfilment of personal life is seen as fulfilment of role, whether familial, professional or political. Since li is not sovereign command (though may be written down, even in book form) it may be flexibly interpreted, in a consensual manner, such that harmony in society is preserved through mutual reinforcement of norms rather than dispute over their content. This is how li is an enterprise of creating a society, in which all must share, so that even formal ritual becomes an expression and affirmation of underlying objectives, and of the importance of each of the participants in it, at whatever level of society. And since li is flexible it allows personal variation, such that it may be poetical and beautiful in expression, never being rendered uniform and monotonous in its precise detail. Li, in short, is an instrument of aspiration. Business relations are therefore best not reduced of mutual advantage. If one of the parties insists on formal documentatioin of the terms of an initial agreement, the writing should not impede adjustments necessary for ongoing harmonious relationships. All claims are thus personalized, contextualized, and placed within their ongoing, supportive, human frame of reference. A kind of " fireside equity " smothers any sharp, textually driven differences. All parties should be driven by the long term; the exemplary person seeks harmony rather than agreement on immediate detail, the small person does the opposite. " " In seeking social harmony, buddhism and taoism teach the egoless self or the virtue of doing nothing as means of understanding the interdependent character of the world. In its attention to detail, particularity and relations, confucianism comes close to the same result. " (Glenn 2000 : 295)
" Early Chinese tradition, to which Confucius was sensible, appears clearly chthonic in character, in simply integrating human beings into a larger, cyclical cosmos, which both required support and wreaked vengeance when it did not receive it. Confucianism developed, however, by articulating a specific and detailed social philosophy which departed from chthonic tradition, constituting a larger and identifiable body of teaching as Chinese society grew in complexity. Since maintaining harmony in the universe was becoming overshadowed in importance by the task of maintaining harmony in the warring kingdoms, it was necessary to concentrate more specifically on the human means for doing so. These were found in recognized forms of human relations and this theme has not lost its currency - below the level of formal state or national structures. There are many such relationships : family, guild, employment, age, village, friendship all of which contain implicit or even explicit information as to their own maintenance and survival. So the confucians essentially say that social harmony has to come from the society itself, without being laid upon it, and that there is no way of creating social harmony which does not to a considerable degree already exist. The work of the confucians, and the lawyers that might be necessary, is to facilitate and recognize the means of social harmony which presently prevail. This includes the recognition and fostering of individual human aspiration, since all institutions and relations which exist are necessarily composed of individuals. There is proclamation of the primacy of communities and relations within which individuals can easily recognize themselves, while individual worth and aspiration are recognized and praised in the maintenance and prospering of these communities and relations. The individual is not meant to be left out of this reasoning, but rather swept in it. It is all part of the inseparable, interdependent world. You can no more separate individuals from the relations in which they exist than you can separate day from night, yet this in no way denigrates day or night, or individual people. " (Glenn 2000 : 296-297)
" Probably the greatest traditional source of normativity in Asia is confucianism, which is not a religion, while Asian religions, such as buddhism, taoism or shintoism, have concerns which are largely other than legal. At the same time, Asian legal tradition differs from western legal tradition, at least formal structures and sanctions. You are left with pure tradition not present positivism and not revealed truth and tradition which seeks primarily to persuade and not oblige. It is a tradition of great and friendly persuasion, just based on all of us. " (Glenn 2000 : 280) " [confucianism] : a social and moral philosophy which sought to induce and persuade, rather than command and punish. " (Glenn 2000 : 282). " The confucians preferred conciliation; if legal complaint was possible it was to be deterred by all possible means. Dont even think about a legal profession, though over time informal advisers inevitably developed, for those unfortunately caught in legal machinery. Absent a profession, the magistrate did everything investigating, prosecuting, interrogating, judging. The expression " inquisitorial " may here be justifiable. " (Glenn 2000 : 286) " You can guess at traditional criminal procedure, under the influence of militarily conditioned fa and notions of communist legality. Confessions and re-education are important (this is confucian); if they are not forthcoming, watch out. Defence counsel have been expected to produce proof of guilt; judgments in cases of serious crime have been given without citing the accused, without announcing the trial and without communication of the act of accusation. Major legislative changes which came into effect in 1997, however, may be of major benefit to accused persons (who would no longer be referred to as " offenders "). Criminal law has also extended, beyond treason, to counter-revolutionary acts and violation of the socialist economic order. Confucianism is meant to provide justice without laws; communist fa gives rise to discussion of laws without justice. You also cant forget about corruption. Communism in China has always tended to the dogmatic, without leading theoriticians. And the communist bureaucracy is even larger than the ancient ones, multiplying the potential effect of gratifying relationships. " (Glenn 2000 : 310-311)
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" Confucianism has long struggled with the problem of simplifying and revivifying its teaching, struggling against the tendency toward vulgar, popular custom. The bureaucracy of the world of fa, accepted by the confucians, is also one which offers all the temptations of large organizations, and confucians themselves, it is said, have long tolerated corruption of the judiciary and judicial system. Most importantly, a society of relations, of guanxi, may easily slide towards cronyism, the ongoing cultivation of reciprocal, unjustified advantage, to the exclusion of considerations of the outside world. Confucianism is necessarily weak on this; its control of crime is harsh, but is not itself free of corruption, and loyalty is a thing which in principle is to be nurtured and promoted, not prosecuted. It becomes difficult to distinguish the loyalties which are rooted and justifiable, even though less responsive to outside need, from those which are transient or parasitic, designed simply to leach away the resources of the outside world. " (Glenn 2000 : 301) |
" We have to think of law as li, a learned, even written, but informal tradition of normativity, whose persuasiveness was so great that it could effectively control all those areas of life which were not given over to the formal world of fa-edicted sanction. " (Glenn 2000 : 288) " Confucianism is, however, a learned tradition, in which learning is said to occupy a place almost equal to that of li and its underlying (Asian) humanism. So confucianism is to be learned, as are the essentials of various human relations, and all else which will contribute to the objectives of social harmony. " (Glenn 2000 : 300)
" [T]he humanism [confucianism] which develops a rational view of social harmony is also one which develops necessary and rational limits on human change. You dont presume to change the world and its relations very much; it follows that you dont change the li and the law very much either. And historically the great codes of fa lasted for centuries without change, coming to be seen themselves as perpetual and near-sacred in character. " (Glenn 2000 : 300)
" There is, however, a long tradition of formal law and formal sanctions, or fa, in China, though it has played a subordinate role to the li, or persuasion, of the confucians. In western discussion those who argued the case for fa in China are known as legalists (and sometimes realists) and they have been making the case since before Confucius, at least since the eighth century BC, which was about two centuries before the Twelve Tables and around the time of the early dharmasutras. Myth has it that fa was invented by a " barbarian people " (the confucians have had something to do with the myth), the Miao, who flourished around 2300 BC, even before Hammurabi. At some point the word fa, originally model, pattern or standard, was taken over to mean an imposed standard, closely associated with criminal conduct and conduct repugnant to established order. " (Glenn 2000 : 283) " The Chin empire was to be one of fa, and the notion of fa was a key idea in its creation. Law was seen here not as a means of regulation of private, economic activity, nor as a means of upholding religious values, but rather as an instrument of politics and public order. It is known as rule by law, and much flows from these simple phrases. Fa is thus concerned with criminal conduct and administrative regulation; it is primarily directed not to the people, but to administrative officials; it was closely associated with militarism (" enrich the state; reinforce the army ") " (Glenn 2000 : 283-284) " In short, there is denial everywhere of a primary role for what is usually known as law. " (Glenn 2000 : 287)
" Confessions and re-education are important (this is confucian); if they are not forthcoming, watch out. " (Glenn 2000 : 310)
" [Confucius] is the philosopher of the li, which means many things but most of all means denial of the lasting and effective normativity of formal law and formal sanctions. There is therefore little place for describing the detail of confucian regulation of society. You are supposed to understand its general teaching (which we will get to) and once you understand that you will no longer be concerned with the detail of formal law. " (Glenn 2000 : 282-283) " The domain of li is thus greater than the domain of law, at least as it is understood in the west. It is also normal that li is difficult to define, just as no one has been able to successfully and conclusively define law. The narrowest definition of li is unfortunately one you will see most often, defining it in terms of rites or ceremonial practices. Li certainly includes rites, but it has been said that li " does not carry the pejorative connotations such as superficiality, formalism and irrationality often associated with the Western understanding of ritual. Li is not passive deference to external patterns. It is a making of society that requires the investment of oneself and ones own sense of importance. " Broader, more accurate statements of the nature of li can thus be found and, as with chthonic law, you can get an understanding of informal normativity once you are over the initial limits of western teaching. Li has been variously defined, in its totality, as " moral law ", as " customary, uncodified law, internalized by individuals ", as " the concret institutions and the accepted modes of behaviour in a civilized state ", as the " moral and social rules of conduct ", as " propriety ", and as the " courtesy, customs and traditions we come to share following the human Way ". In Japan li becomes giri, often translated as an omnipresent obligation of thanks or loyalty. Confucianism thus stands somewhere between religious norm and positive law, necessarily defending itself in both directions. " (Glenn 2000 : 288-289)
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