TABLEAU REGROUPANT
LES PRINCIPALES DÉFINITIONS ET LES PARAMÈTRES
DU JEU DES LOIS DÉTIENNE LE ROY
(1ÈRE VERSION)
par
Alain Bissonnette
avocat et anthropologue
Montréal, novembre 2001.
Le défi que nous avons à relever est dexpliquer comment chaque société sy prend pour jouer sa propre partition et comment le Droit y contribue, en formulant lhypothèse que si le Droit y contribue toujours, le niveau de cette contribution et la forme quelle prend varient de société à société. Le modèle à concevoir doit donc tenir compte de ces impératifs.
Le modèle = une représentation du phénomène à la fois simplifiée et globale.
Le Roy a postulé quon entrait dans le jeu des lois par le statut des acteurs, et quon poursuivait par les ressources, les conduites, les logiques, les échelles, puis quon continuerait par les processus, les forums, les ordres sociaux et les enjeux pour déboucher sur les règles du jeu.
N.B. ce qui compte en juxtaposant ces paramètres, cest moins les caractéristiques inhérentes à chacun dentre eux que la pondération que prennent sur léchiquier, à lune ou lautre des échelles, les filières dacteurs ou les réseaux dopérateurs sociaux.
des acteurs discipline: socio Appartenance des acteurs à plusieurs mondes ou cités. |
Cité inspirée qui renvoie au principe de créativité et est guidée par un principe supérieur dinnovation et de nouveauté. |
Cité domestique dominée par le prince et qui renvoie à lart des relations familiales, à la tradition au nom du respect et de lattache-ment aux règles. |
Cité dopinion qui vise la reconnaissance sociale. |
Cité civique qui renvoie au principe quune action est justi-fiée en fonction de la recherche de lintérêt général. |
Cité industrielle qui renvoie à limpéra-tif de lefficacité et de la productivité. |
Cité marchande qui justifie une action par le donnant-donnant du contrat commercial. |
Status jeu des différents rôles sociaux rempli par un individu ou la recomposition de ses positions. ou statut position juridique dun individu Le passage de status à statut = prise en charge par le droit des positions sociales ainsi désignées. |
On doit supposer que chaque acteur doit disposer dune position et dun rôle dans chacun des mondes et que la combinaison des mondes est dabord une combinaison des status. |
On doit supposer également et récipro-quement que tout changement de monde induit un changement de position sociale (status) et/ou de position juridique (statut). |
Dans chacun des mondes qui traduisent les comportements attendus dans la cité, il existe une sorte de vade mecum du bien commun qui y est privilégié, etc. Se référer aux mondes ainsi identifiés plutôt quà des groupes. |
Dans une société différenciée, chaque personne doit affronter quotidiennement des situations relevant de mondes distincts, savoir les reconnaître et se montrer capable de sy ajuster. |
Un modèle à plusieurs mondes donne aux acteurs la possibilité de se soustraire à une épreuve et, en prenant appui, sur un principe extérieur, den contes-ter la validité ou même de retourner la situation en engageant une épreuve valide dans un monde différent. |
Les acteurs doivent côtoyer des mondes différents sinscrivant dans une même tradition et également côtoyer des mondes appartenant à des traditions, donc à des visions de lunivers différentes. |
Position notion préférée à celle de fonction p.c.q. elle oriente la démarche plus vers lacteur que vers laction. |
Rapporter les positions, rôles et status aux mondes dans lesquels ils prennent leur signification. |
Rapporter chaque monde à larchétype qui lui donne sa signification Identifier les mondes qui coexistent au sein de la société étudiée. |
Si la modification de lun ou lautre des paramètres de notre jeu des lois oblige à une adaptation des positions des acteurs, cette position devrait être |
interprétable en termes de référents compor-tementaux (le " monde ") et de " traditions " exprimant les archétypes de nos civilisations. |
Sil y a pluralité des mondes, il y a ipso facto pluralité des régulations, donc multijuridisme. |
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Rôle = une certaine représentation des rapports sociaux selon linterprétation qui en est donnée par lobservateur extérieur et, surtout, par les acteurs. |
Si situations de pluralité, on ne peut plus être assuré que les registres statutaires des acteurs sont suscepti-bles dêtre préconstruits et identifiés p.c.q. |
on ne peut plus prédire quels " mondes " vont dialoguer et selon quels accords (donc quels statuts) ils vont avancer en commun. |
Découvrir lacteur derrière le statut, sa position réelle (status), les rôles et positions assumés dans le contexte, les rôles et positions voisines ou alternatives |
et les conséquences qui en sont tirées par la législation ou les principes dinterpré- tation de la norme en vigueur. |
En cas de doute, approfondir la logique de situation et sinformer de lordonnancement social applicable. |
discipline : léconomie |
Réciprocité N.B. il ny a pas de progrès (ni moral ni social) à passer dune phase à lautre et il ny a pas dunilinéarité dans le processus. Il faut tenir compte de la diversité des ressources et de la pluralité des formes de gestion des ressources et, enfin, des |
Redistribution Toute société contemporaine combine les trois formes économiques (réciprocité, redistribution, marché). modifications entre ces différentes formes qui apparaissent sur la longue durée dans toutes les sociétés. |
Marché Le capitalisme introduit un équilibre totalement neuf dans les relations entre les ressources matérielles, humaines et mentales en subordonnant ces deux dernières aux ressources matérielles entendues comme marchandises (ou biens, selon les juristes). |
Remarques préliminaires |
Les trois principes (réciprocité, redistribution, marché) partagent une idée centrale : il faut organiser la rareté en mettant en uvre des procédures |
qui répondent au besoin dune spécialisation des fonctions dautorité et de gestion proportionnelle aux exigences des systèmes de production, de circulation et de consommation. |
Si ces trois principes sont apparus successivement dans une société, ils peuvent coexister dès lors quils émergent à des échelles différentes. Se demander si la transformation des ressources en marchandises et en capitaux est si générale quil ny paraît. |
Matérielles (nourriture, moyen de transport, outillages, etc.) |
Léconomie fondée sur le principe de réciprocité est fondamentalement associée à une société privilégiant les liens de voisinage et de proximité. Cest une économie de petite échelle tant pour les volumes que pour les distances. |
Les ressources de subsistance circulent dans les réseaux de léconomie domestique, les ressources liées à certains produits spécifiques (la gomme ou les esclaves) circulent dans les réseaux mercantiles. |
Dans les conditions actuelles de laccumulation primitive de capital dans lagriculture et lélevage, les paysanneries ouest-africaines ne peuvent prendre le risque de rompre avec les formes " traditionnelles " de solidarité |
Humaines (solidarités familiales, clientèles religieuses ou politiques, associations dusagers ou des groupes problématiques, etc.) |
Elle est facilitée par le modèle institutionnel de la symétrie. Division des rôles fortement marquées entre les sexes, les activités professionnelles et les âges, contrebalancée par le principe de la complémentarité des différences. |
Léconomie selon le principe de redistribution implique des éléments nouveaux de structuration : une certaine concentration du pouvoir entre les mains de certains acteurs et une certaine division de la société. |
et de sécurisation, même si une très large part des procès de production agricole et pastoral sont monétarisés et " marchandisés ". Disposer entièrement dun bien suppose den être indépendant. |
Mentales (connaissances, savoir et savoir-faire) |
Lidée de réciprocité repose sur un principe de partage du produit du travail tenu pour juste dans la mesure où il reproduit un principe daccord collectivement débattu et individuellement accepté. Le partage fournit la base de lallocation des ressources dans un contexte de rareté, même relative et il est le critère de la socialité par excellence . |
Dès quelle est autonomisée, léconomie de redistribution induit son propre système juridique. Des catégories sémantiques originales décrivent des relations juridiques qui nexistaient pas initialement. ---------------------------------------------------- Le Droit = un champ de production symbolique et nous devons donc étudier leffet structurant de ce champ, sa genèse et ses propriétés. |
Ce qui constitue la propriété par opposition à la possession, cest quelle est autre chose que la possibilité de détenir et de faire usage des biens, elle est possibilité et pouvoir daliéner. ---------------------------------------------- On assiste à des effets de tension ou de torsion des ressources des acteurs au sein du champ juridique. |
discipline : psychologie sociale Préférence accordée à la notion de conduite p.c.q. en rupture avec la théorie des rôles et p.c.q. liée au jeu comme instrument de laction organisée. |
Négociation (implicite ou explicite) Beaucoup dactions pour réussir ou se pérenniser doivent rester dans le flou. La négociation implicite = le détour et la médiation de linterprétation du comportement qui respecte la liberté des deux parties. Utile p.c.q. la négociation ouverte se heurte au risque de se trouver prisonnier des canaux institutionnels empêchant tout changement. La négociation explicite est la condition daccords fondés sur des compromis |
Convention où chacun sachant à quoi il renonce peut aussi être valorisé par ce quil a gardé ou gagné, ces compromis étant inscrits dans une convention. La convention = ensemble déléments qui vont ensemble et sur lesquels les participants à la convention partagent un commun accord. N.B. la convention permet de coordonner des intérêts contradictoires qui relèvent de logiques opposées, mais qui ont besoin dêtre ensemble pour pouvoir être satisfaits. |
Contractualisation Le contrat est une des formes juridiques de la convention. N.B. limites du contrat : - la contractualisation a pris une place démesurée dans nos sociétés; - conventions et contrats ont un coût dont lincidence est déterminante; - plus généralement, cest toute linstitutionnalisation des rapports sociaux à travers les mécanismes contractuels ou conventionnels qui demande à être réévaluée à travers les coûts de transaction qui lui sont liés. |
Remarques préliminaires |
Le facteur culturel comporte une double dimension de conservation des acquis dune part, dadaptation et de transformation dautre part. La seconde dimension est un révélateur de situations changeantes. |
Le droit des pratiques révèle deux caractéristiques des nouvelles expériences juridiques en cours démergence : lincidence de la forme sur la règle substantielle; limportance des acteurs quils soient utilisateurs ou spectateurs moins engagés mais arbitres dans linterprétation publique de la scène juridique ou judiciaire. Le Droit = moins ce quen disent les textes que ce quen font les acteurs. |
Les phénomènes essentiels = ceux des relations, des négociations, de pouvoir et dinterdépendance. Le jeu = un mécanisme concret grâce auquel les hommes structurent leurs relations de pouvoir et les régularisent tout en leur permettant de concilier liberté et contrainte. Le joueur reste libre, mais doit, sil veut gagner, adopter les règles du jeu. N.B. il faut intégrer à cette problématique les statuts des acteurs. |
Stratégies Pour provoquer un changement et une négociation de ce changement, il faut avoir compris les intérêts en présence et les enjeux. Les acteurs sont pris dans un jeu social à la fois indéterminé et structuré par eux. |
N.B. il faut faire place aux logiques non cartésiennes, au désordre, il faut entendre " intérêts " de manière large comme des enjeux et il ne faut pas réduire lanalyse des processus au changement et au développement, car la répétition et la reproduction sont aussi des processus. |
Une approche stratégique se focalise sur la recherche de ressources disponibles dans un milieu donné et sur les enjeux que représente la mobilisation de ces ressources entre les acteurs concernés par le changement. |
Il faut distinguer les pratiques des dominés de celles des dominants. Les dominés pratiquent souvent lévitement, le contournement des dispositifs institutionnels ou le détournement du sens des textes ou de leur interprétation. |
Tactiques Ce sont des conduites réactives ou adaptatives quand elles sont envisagées seules. Elles sont aussi la condition de la réalisation des stratégies. Elles sont le support de notre activité pratique, elles supposent toujours la connaissance dopportunités à saisir, un sens du jeu social. Elles sont loccasion de mettre en uvre les systèmes de disposition durable ou habitus. |
Tactiques et stratégies sont des modes opératoires par lesquels les acteurs tantôt appliquent les modèles de conduites et de comportements, tantôt anticipent leur adaptation ou encore tentent de les modifier, si possible à leur profit. |
Cest par la médiation des tactiques et des stratégies quon peut identifier le contenu, la récurrence, lefficacité ou la concurrence des modèles de conduites et de comportements. |
Le Droit positif décrit abstraitement les sujets, lobjet des droits et les relations contractuelles, mais il ne dit rien de la manière selon laquelle les sujets ou les acteurs nouent des relations entre eux, négocient plus ou moins officiellement et aboutissent à des solutions qui vont pouvoir être pérennisées par des conventions et des contrats. |
au sens de manière de raisonner, telle quelle sexerce en fait, conformément ou non aux règles de la logique formelle discipline : la philosophie |
Institutionnelle Le recours à la logique institutionnelle, ouvrant à la généralité de la forme organisationnelle selon lexigence de normes générales et impersonnelles est une condition de lÉtat de droit. |
Fonctionnelle Complémentairement, lusage de la logique fonctionnelle est seule susceptible de faire dépendre nos interventions des besoins utilisateurs. |
Métisse Trop de logique institutionnelle met lacteur en " lévitation " par rapport à la société, trop de logique fonctionnelle referme l'horizon des possibles ou réduit lacteur à nêtre que le consommateur au titre de ses besoins. |
Remarques préliminaires Il faut mettre à distance le mode de raisonnement du juriste et sa philosophie spontanée qui est idéaliste dans la mesure où par labstraction de la norme juridique, par lanhistorisme des énoncés et par la prétention à la neutralité des effets sociaux du Droit, la manière " droite " de penser le Droit exclut tout ce qui lui est extérieur ou étranger à la science juridique. |
Il faut toujours rapporter lobservation des phénomènes juridiques aux logiques qui les fondent. Éviter de réduire notre démarche à la seule rationalité cartésienne. Rompre avec lopposition des contraires pour rechercher le pourquoi de la complémentarité des différences. |
N.B. il ne suffit de décrire une situation; il ne suffit pas didentifier puis de commenter lapplicabilité de la norme juridique; il ne suffit pas de mettre en perspective historique les institutions étudiées; lanthropologue du droit tente de comprendre à qui et à quoi sert le Droit. |
Linstitution et la fonction sont complémentaires. Seule une approche dynamique permet de conjuguer les exigences des deux définitions. Il faut savoir de quoi on part, quest-ce quon transmet, comment on va létablir et comment cela va durer (dimension de linstitution) et il faut savoir à quel besoin cela doit répondre, quest-ce quon en fera, à qui et surtout à quoi cela servira, effectivement (dimension fonctionnelle). |
Rationalisations Explicites : celles qui expriment les règles du jeu affichées, les normes, et applications écrites. Pratiques : les raisons pour lesquelles on participe au jeu. Affectives : pourquoi, entré dans le jeu, on en poursuit les conséquences jusquà son terme. |
Le sens premier de logos est parole, discours, entretien, récit, voire texte scientifique. Le second emploi désigne la notion de raison dans des contextes à élucider. Ici, Le Roy privilégie dutiliser la notion des logiques comme " rationalisations pour laction ". |
Représentations : De sens commun / jugements de réalité Intellectualisées / jugements defficacité De lindicible / impensé ou impensable |
La série des représentations relevant dune approche statique et discursive doit être confrontée à leur utilisation processuelle et cest le sens quelles prennent dans le court, moyen ou très long terme rapportée aux échelles et aux forums qui induit des significations que lon peut retenir comme des rationalisations, sous la forme : Représentations / processus = Rationalisations |
Deux figures logiques : Lanalogie a pour fonction de faire cohabiter dans un même espace discursif des concepts et des représentations juridiques fondamentalement divergentes. Elle assume la transposition dune logique extérieure ou étrangère dans le langage puis dans la logique du locuteur. |
Lanalogie répond à une exigence de conformisme dans ladhésion de lacteur aux mots de la modernité en labsence dune véritable acculturation. Elle permet lintroduction dans les procédures, spécialement dans le règlement des conflits, des catégories et des solutions empruntées à la modernité juridique en limitant précisément leur effectuation. |
La dialogie est une des deux grandes exigences de la démarche anthropologique avec le diatopisme qui en est la condition. Cest en sachant partager les positions culturelles et les diverses visions du monde et de lunivers qui sont en confrontation quon est en situation de dialogisme en partageant les diverses rationalités et donc sans privilégier lune de ces logiques par rapport aux autres. |
Consigne : si le juriste est convaincu quil faut regarder la juridicité au-delà du Droit, il lui faudra considérer les enjeux avec une corrélation forte entre les processus, les échelles et les forums de règlement. Ainsi sera-t-il apte à déceler les rationalisations (bonnes ou mauvaises) des acteurs, en interpréter les implications pour trouver la solution la plus pertinente pour son client en fonction des ordonnancements sociaux. |
discipline : géographie |
Locale |
Nationale |
Internationale |
Mondiale |
Remarques préliminaires La démarche permet de mesurer laction sociale à léchelle considérée en contextualisant les critères pris en considération. |
La série de référents spatiaux forme une suite continue et progressive, cette progression et son inversion étant orientées par des valeurs. Utilisation de la métaphore de léchelle de Jacob pour expliquer linfluence du capitalisme à léchelle locale, capable de dissoudre progressivement les pratiques foncières endogènes. |
Ces valeurs sont le primat du développement pour justifier celui de la mondialisation, le primat de la participation pour justifier les politiques de décentralisation et la localisation des projets, ce qui produit des effets particuliers. |
Chaque référent exprime un rapport particulier entre un type despace, son inscription temporelle et sa représentation socio-politique, |
ce qui implique à la fois une sélection de statu(t) dacteurs, des processus, des systèmes de décisions (forums) et des logiques ou rationalisations pour laction. |
Rapport à lespace N.B. il est plus difficile de se préparer à considérer léchelle locale comme un lieu pertinent pour le règlement de certains dossiers, donc en empruntant les voies et moyens de gestion des différends à cette échelle. |
En matière foncière, lespace local en Afrique est particulièrement disputé (discussion/conflit). Léchelle locale est un référent explicatif des contradictions rencontrées par la pénétration et la dynamique de léconomie marchande. |
Il fait lobjet dune confrontation entre des représentations foncières dorigine, dâge et de portée différentes et ouvrant une dispute comme " lutte dopinion, confrontation darguments entre les acteurs ". |
Lespace est ce que les hommes contruisent à partir de la matière première quest létendue en fonction de leurs activités, de leurs techniques, de leur organisation sociale, de leurs projets; |
il est du domaine de la société, de lhistoire. Lespace peut donc être défini comme " étendue socialisée et historicisée ". |
Matrice spatio-temporelle |
Pour comprendre les mécanismes de socialisation de létendue comme matière première, création de la notion de matrice spatio-temporelle : une sorte de machine combinant praxis et logos donc des savoir faire et des savoir penser. |
En Afrique : 3 manières de penser lespace et les rapports sociaux : lune géométrique, moderne, capitaliste et fondée sur la propriété privée; |
une autre topocentrique, issues du néolithique et valorisant les maîtrises foncières (dites droits dusage); |
une dernière dite " odologique " propre à une science des chemine-ments, antérieure à la révolution du néolithique, nautorisant pas à conce-voir de droits sur un espace, le groupe appartient autant au chemin que le chemin au groupe. |
Les trois étages de léconomie (toute société connaît une organisation à trois étages conçus autour de létage central ou intermédiaire de léconomie déchange) Il convient de voir lensemble. |
Il existe une activité élémentaire de base dun volume fantastique que lon rencontre partout: cette zone au ras du sol, cette civilisation matérielle, cette infra-économie, cette autre moitié informelle de lactivité économique, est celle de lautosuffisance, du troc des produits et des services dans un rayon très court. |
Léconomie de marché = les mécanismes de la production et de léchange liées (au Moyen Âge en Europe) aux activités rurales, aux échoppes, aux ateliers, aux boutiques, aux Bourses, aux banques, aux foires et naturellement aux marchés. |
Au dessus des marchés, se sont élevées des hiérarchies sociales actives qui faussent léchange à leur profit, bousculent lordre établi, créant des anomalies, des turbulences. |
À cet étage élevé (au-dessus des marchés), quelques gros marchands peuvent bousculer, au loin des pans entiers de léconomie européenne, voire mondiale. Leurs circuits et leurs calculs sont ignorés du commun des hommes. Cest là le domaine par excellence du capitalisme. |
La distinction des échelles (ce qui caractérise une échelle : la règle des trois unités : unités de temps, de lieu et dacteurs) et la transposition dune échelle à lautre (tout changement déchelle relève de linitiation, se prépare grâce à une socialisation ou formation adaptée). |
Possibilité de sérier les données et leurs observations en partant du plus local du local, obtenant ainsi un enchaînement dunités spatiales avec des fonctions et des statuts dacteurs qui produisent des espaces-temps sur la base de topo-centres (cf. tableau # 5 p. 114). |
Le changement déchelle peut seffectuer entre la ville (niveau local), larrondissement, la région, la nation. Il faut associer à chaque fois les unités spatiales, aux fonctions, aux acteurs et aux topocentres. |
À léchelle internationale, on peut distinguer en Afrique quatre divisions : bilatérales, sous-régionales, continentales, intercontinentales. Ici aussi il faut mettre en évidence les acteurs, les logiques, les ressources spécifiques. |
Léchelle mondiale sest concrétisée institutionnellement avec la création du système de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale). N.B. lONU appartient à léchelle internationale. |
Inversement, ce nest pas p.c.q. une solution juridico-judiciaire est légitime par son ancienneté que cette longue durée interdit tout effort dinnovation. Enchaînements |
De même que les échelles doivent semboîter, les processus doivent senchaîner : |
les micro dans les méso, |
les méso dans les macroprocessus. |
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Contradictions |
Quand des processus de même ordre deviennent contradictoires, cest ladaptation ou le changement qui peut en être compromis, |
le blocage menaçant si on ne cherche pas, par une négociation favorable, à modifier le sens du processus, à mobiliser un processus adjacent, |
à modifier linterprétation du blocage en changeant déchelle ou de temporalité Il faut avoir le sens du jeu, que seule lexpérience apporte. |
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Transformation |
Les sociétés évoluent plus ou moins vite, avec des périodes dimmobilité apparente, |
des fausses ruptures, bref, toute une alchimie dévolutions et dadaptations |
Lanalyse processuelle nous aide à comprendre tout cela. |
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Stagnation |
Lentropie qui guette toute société ne serait Peut-être que la conséquence dune série |
de renoncements à exercer sa part de liberté |
et la dynamique sociale serait cette petite fleur à cultiver soigneusement, entre confusions, renoncements, mobilisation et création |
discipline : science politique |
Confrontation Tout choix suppose de renoncer à une part pour un avantage estimé comparativement supérieur. |
Négociation |
Règlement des conflits |
Autorités |
Les lieux de décision sont sous le regard de lautorité (à Rome les fori imperii sont géographiquement situés au pied du Capitole). |
N.B. Ne pas être victime des apparences. Il y a des espaces qui paraissent des " non-lieux " sans signification institutionnelle, ainsi les espaces de lexpertise où sont mis en état voire mis en scène les arguments et les stratégies qui seront développés devant le magistrat. |
Lauctoritas est, à partir de sa racine augere, ce qui augmente, ce qui fait croître, ce qui donne sa force à lexercice dun pouvoir. Pas de permanence ni deffectivité du Droit sans autorité. |
Lieu |
Les lieux de la décision sont dabord des espaces de confrontation des choix envisagés, confrontations souvent tensionnelles, parfois mortelles (doù métaphore de larène). |
Mais ces lieux sont aussi le cadre de léchange, de la communication, de la recherche plus ou moins consensuelle de la solution, sur la base dune transaction comme partage des avantages. |
Limage du forum romain simpose. Ce forum, espace libre, donc espace de liberté où sont suspendues certaines contraintes ou obligations liées aux appartenances familiales correspond à trois fonctions : économique, politique et judiciaire. N.B. les lieux de la décision sont marqués par leur fonction. |
Représentations du politique |
Les lieux de la décision sont porteurs de représentations du politique, N.B. les lieux prennent des sens différents avec les ordonnancements sociaux quils abritent. |
représentations qui doivent être abordées dans leurs enchaînements, dans les transcriptions dun registre à un autre |
selon les enseignements des analyses processuelles et des variations déchelle, du micro-local à lassemblée générale de la Banque mondiale ou du FMI. |
Médiation entre palabre et maisons de justice |
La palabre ne se tient pas nimporte où, et le choix du lieu fait déjà lobjet dune mini-palabre. Lespace de la palabre : un lieu ordinaire qui sérige en espace signifiant, qui se convertit en une arène où saffrontent à travers des hommes le même et lautre, lici et lailleurs. Larbre à palabre symbolise lenracinement, il surplombe le conflit par le vouloir-vivre ensemble. Même les lieux dévoués à la pacification sont " polémiques ". |
Les représentations de la justice en Occident noffrent rien de commun avec la palabre ni avec la médiation et cest une confusion tragique qui ferait considérer la médiation comme une " justice douce " et qui justifierait son contrôle par la justice dans le cadre de la médiation pénale. Violence faite à sa propre violence sous lautorité dun tiers, la médiation nest jamais douce. Surtout, elle nest pas une justice, même de proximité. Elle ne dit pas qui est en faute. Son objet est de concilier, de reconstruire le lien par le lieu de la médiation. |
La maison de justice constitue un lieu où sarticulent laccomplissement par le pouvoir des actes de violence et le théâtre symbolique qui rend sensibles les fins supérieures au nom de quoi il fonde leur légitimité. Son histoire reflète celle de la conquête par les organes de lÉtat en Occident du monopole de lexercice de la contrainte. |
discipline : lanthropologie du Droit |
Imposé |
Négocié |
Accepté |
Contesté |
De lordre à lordonnancement |
Il sagit ici de passer de la notion dordre à celle dordonnancement. Lordonnancement est un rangement et une mise en ordre selon un plan préexistant, avec une finalité, un objectif, un " ordre " à respecter. |
En Occident, la notion dordre juridique absorbe le couple de lordre et du désordre et, au nom du primat de lordre, dissout la place réservée au désordre. |
Il faut échapper à cette représentation totalisante de lordre en inscrivant lanalyse dans les deux couples : |
ordre/désordre et ordre/conflit, mettant en évidence le rôle homéomorphe du conflit à la fois comme facteur de désordre et comme facteur dun ordre nouveau quand un ancien système doit être remplacé parce quinjuste. |
Quel ordre recherché ? |
Chez les héritiers des trois religions du Livre, on partage une même cosmogonie où lordre du monde est imposé par une force extérieure, supérieure, omnipotente et omnisciente. N.B. cette cosmogonie a maintenant été laïcisée. Lanthropologue du droit tente de dégager les corrélations entre ordre imposé et lordre de la loi. |
Chez les Africains et les animistes en général, on partage une cosmogonie où le monde est organisé par les acteurs, selon des principes dantériorité et dintériorité. Complémentarité des contraires.
Lanthropologue du droit tente de dégager les corrélations entre lordre négocié et la coutume. |
En Chine archaïque, le pouvoir sexerçait directement à travers les structures familio-cultuelles. Importance des rites (le li). Lordre social résulte de la conformité des structures de la communauté humaine à celles de lunivers, et de la minutieuse adaptation formelle des activités des hommes aux mouvements cosmiques. Lanthropologue du droit tente de dégager les corrélations entre lordre accepté et les habitus. |
On peut aussi assister à la contestation dun ordonnance-ment à luvre, à lexistence dun projet comme anti-projet de ce qui existe. |
Entrecroisement des modèles dans la pratique quotidienne |
On est en droit de se demander si une société est ou peut être organisée sur la base dun seul ordonnancement. |
Rendre justice à ces divers ordonnancements, cest retrouver la consigne méthodologique de la sociologie juridique. |
Un des grands problèmes des sociétés complexes : celui de combiner des réponses institutionnelles qui relèvent de modèles dordonnancements sociaux différents. (cf. la médiation pénale). |
Il existe différentes façons de régler des conflits, ces différences étant associées aux ordonnance-ments sociaux et aux projets de société. |
disciplines : la géostratégie et la polémologie |
Matériels (immédiats/différés) (implicites/explicites) |
Symboliques (immédiats/différés) (implicites/explicites) |
Ce qui peut être gagné / Ce qui peut être perdu |
Lenjeu cest lobjet de la compétition mais aussi le support de conduites qui expriment la maîtrise sociale, le sens du jeu, une culture de gagnant ou de gagneur. |
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Tout ne peut pas être mis en jeu |
Il y a des enjeux inacceptables ou impensables. |
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Juridicité |
Les faits sociaux deviennent du Droit sous le bénéfice dun facteur de " juridicisation ", même sil est réputé fuyant. Le meilleur repère de juridicité selon Le Roy, celui de la reproduction de la vie en société. Le Droit traduit dans le registre des relations entre les choses les rapports entre les personnes quil considère comme autorisant la reproduction de la société. |
Cette notion de reproduction de lhumanité permet didentifier trois grands registres, vitaux pour la société et relevant à ce titre de la juridicité : la reproduction biologique, la reproduction idéologique et la reproduction écologique. |
linterdisciplinarité est ici invoquée afin déclairer le mystère du Droit comme facteur totalisant ou englobant (selon lexigence anthropologique) de régulation de la vie en société et selon des modalités que chaque société particularise selon le sens quelle donne aux valeurs associées aux divers paramètres que nous avons relevés. Lespace de cette dernière case est bien encombré (cf. limage du château bâti par 70 générations et dont on dit quil sétend sur des kilomètres, contient tout et que rien nexiste au-delà de cet horizon ). N.B. il y a un sens caché dans le jeu des lois. Si la reproduction de la vie en société repose sur des règles et le sens de ces règles, la manière de les appliquer, on ne peut cependant sarrêter à ces règles manifestes. Ce jeu entre les sens manifeste et caché, entre des contraintes et la capacité de les accepter, explique cette part de flexibilité, délasticité, cette aptitude à ladaptation, cette part de liberté irréductible qui caractérise lhomme civilisé. On ne peut apprécier les implications du Droit-comme-règle-du-jeu de la vie en société quen ayant parcouru les 9 cases précédentes et les opportunités que chacune propose en vue de faire ou de ne pas faire, chaque choix rétroagissant sur lensemble des autres, au moins potentiellement. |
Normes générales et impersonnelles Des macro-normes, alors que la coutume = des méso-normes, et les habitus des micro-normes. Le droit est tripode : il se fonde : 1) sur lhabitus; 2) les modèles coutumiers de conduites et de comportements; 3) les normes/règles générales ou impersonnelles (les " lois "). Chacun de ses fondements peut être privilégié (cf. tableau p. 202) Il ny a pas de relations établies, dans notre tradition juridique, entre les normes générales et impersonnelles et les habitus. La coutume, napparaît pas systématiquement comme lindispensable relais entre les normes légales et les systèmes de dispositions durables. Il y a deux visions du Droit, lune minimaliste et une autre qui ouvre aux fondements du Droit tripode (NGI, MCC et SDD), qui peut être considérée comme maximaliste et qui permet dexpliquer ce qui doit être transmis dans la socialisation, les normes et valeurs qui doivent être gérées, les facteurs assurant la sécurité juridique. Notre expérience quotidienne du Droit en Occident est une réalité étrangère à la majorité de lhumanité. En lui-même, le Droit ne fait rien et ne prédit rien. Ce sont les hommes qui décident et qui font. |
Modèles de comportements et de conduites ou la coutume Avec laffirmation du Droit de lÉtat se met en place un processus de dénaturation, de domestication, denglobement, qui vise à lexclusion de la coutume de la vie juridique au moins dans le domaine du Droit savant. Dans la coutume, ce nest pas la répétition qui apparaît importante, mais la sanction qui la représente comme obligatoire, i.e. conforme à la représentation collective du Droit. Elle nest pas tournée vers le passé, elle ne cesse dévoluer en emportant avec cette évolution la réinterprétation des mythes qui la fondent. La coutume est définie comme lensemble des manières de faire et de conduire ses comportements en société, chaque groupe ayant sa coutume. La manière délucider la coutume et de la mettre en uvre dans la résolution des conflits met en évidence comment aborder les manières de faire, tout en laissant le groupe libre de régler pratiquement le conflit en fonction de facteurs spécifiques. Lessence de la coutume est de proposer des modèles de conduites et de comportements à suivre (les bons comportements), tolérés ou à rejeter. Dans ce dernier cas, on parle de modèles en creux, car on doit déduire du mauvais modèle stigmatisé le bon modèle à suivre. |
Systèmes de dispositions durables Lhabitus est manières dêtre, dagir et de penser, produit des modes de socialisation et des expériences ultérieures de vie en société et induisant des comportements au moins durables sinon permanents qui traduisent des visions du monde ou de la société, à travers les archétypes culturels dans la forme quils ont après avoir été revisités par chaque groupe social particulier. Nous avons quelque peine à analyser les processus dinternormativité et déchanges entre les " systèmes " juridiques faute davoir cherché à comprendre, dès lors que seule notre tradition occidentale a une conception du Droit comme ensemble autonome de règles, ce qui fait lessence de la juridicité de " lautre ", en quoi il est digne dêtre compris, admiré et respecté ou contesté et critiqué. Il faut non seulement penser lautre mais il convient de le penser autrement. Cf. notion de multijuridisme pour exprimer que le principe dunité du Droit ne repose pas sur celui de hiérarchie des normes à la Kelsen mais sur une universitas, qui intègre la " pluralité des mondes ". Universitas : la société comme totalité dynamique composée de tous ses éléments. |
Démarche scientifique Lobjet des recherches anthropologiques du droit comprend la totalité du tripode juridique, donc la loi au même titre que la coutume et lhabitus. |
Chercher à expliquer le Droit dans sa contribution au grand jeu de la vie en société, à la fois comme produit social et comme producteur de socialité. Le Droit ne peut être considéré comme un topo-centre. Le point de départ dune démarche scientifique ne peut être que la société. Quant aux fondements du Droit, Le Roy est parti des catégories familières au juriste européen pour identifier les réalités quelles connotent plus généralement et tenter de leur donner un statut anthropologique interculturel. |
Refus de chercher dans le droit le sens de la totalité sociale et, au contraire, volonté de chercher dans la totalité sociale le sens de ce qui est chez nous et pour nous juridique. Quant aux fondements du Droit, la démarche doit répondre aux exigences dune analyse comparative selon les critères de lanthropologie du droit, à savoir que les catégories doivent être effectivement de nature interculturelle et quelles ne privilégient pas une tradition au détriment des autres traditions. |
Le fait que le Droit soit une construction autonome à laquelle on pourrait prêter une efficacité propre nest pas reconnu hors de la tradition et du mode de penser qui lui a donné naissance (en Occident). Dans dautres traditions, le Droit nest pas indépendant des rapports sociaux dans lesquels il reste enchâssé. |
Critères de juridicité |
Il faut concevoir une théorie de la juridicité qui tienne compte des articulations nouvelles, à partir du lien social et selon une problématique du multijuridisme. La production de ladministration est-elle substantiellement du Droit ? Non, si on y applique le critère selon lequel le Droit est lart dogmatique de nouer le social, le biologique et linconscient pour assurer la reproduction de lhumanité. Distinction entre les principes normatifs qui conduisent aux choix de politique (le droit principiel) et les applications particulières qui peuvent être confiées à des autorités et dont on doit simplement déterminer les procédures de travail, de prise de décision et les possibilités de recours. Conséquence : la prétention de lÉtat à tout encadrer devrait être réduite pour donner au législateur la fonction première de poser les principes de politique juridique et à lexécutif la fonction den concrétiser les objectifs en choisissant les moyens appropriés. |
Dès lors que la place du Droit varie, dans le temps et lespace, selon les contraintes du projet que se donne chaque société, aucune définition du Droit ne peut extrapoler les critères de juridicité de lune dentre elles, même si son économie domine le monde. Pour que la coutume soit juridique, elle doit exprimer lexigence de reproduction institutionnelle (le noyau dur des modes de reproduction de la vie en société) et, singulièrement, de respect du projet de société. |
Cest sous langle de la diversité des critères de la juridicité quil convient daborder les mystères du Droit. Le concept de juridicité : un outil de spécification du " champ juridique " distinct à la fois du droit et du social non juridique. Lhabitus est juridique sil participe à la reproduction de la vie en société. Le champ de juridicité de lhabitus nest pas pré-déterminé, il vit de flux et de reflux, à la manière des phénomènes dinternormativité. |
Apprentissage de la juridicité La fonction de reproduction est fondamentalement un acquis qui doit être transmis par un processus éducatif, faute de quoi le tripode juridique bascule : il faut trois pieds pour faire fonctionner le Droit. |
Il nexiste pas dexpérience performante, favorisant le sens du jeu social, sans apprentissages, donc sans socialisation, juridique en particulier. Tout le rapport au Droit passe par les conditions de la socialisation juridique et par les modalités dintégration de la civilité au quotidien dans les modes de régulation. |
La transmission non seulement des valeurs mais aussi des enjeux apparents et cachés du jeu social est donc discriminante en faisant des acteurs de bons ou mauvais joueurs selon le contenu et lefficacité de leur socialisation. Tout mode de socialisation repose sur des contraintes. Il convient de combiner des logiques différentes (NGI; MCC; SDD) dès lors quon sattache plus à lintériorisation des rôles et statuts. |
Remettre la société sur " ses pieds ", i.e. la faire reposer sur ses véritables fondements régulateurs (cf. le tripode juridique) et réinscrire les jeunes dans les contraintes de la socialisation juridique sont donc des prérequis à la sortie de crise de la société contemporaine. |
Gestion de la juridicité |
Sil faut trouver une " maîtrise raisonnable du jeu social ", cest à condition de dégager une nouvelle formulation du Droit qui implique un équilibre entre la tendance du Droit à tout réglementer et lautre tendance qui est dabdiquer lapplication du Droit dès quil peut remettre en question un consensus mou, qui est en fait une démission de la recherche et du respect dun intérêt général. La gestion de la juridicité se situe entre adaptation et conservation selon un mouvement et un degré dadaptabilité, voire délasticité quil conviendra dapprécier. Gestion de la juridicité et management des ressources juridiques sont liées dans un contexte de pragmatisme (alors que le chercheur est souvent préoccupé de politique juridique et de de lege ferenda) et de philosophie sociale (i.e. alors que le chercheur est soucieux dinterroger le sens de la trans-modernité qui émerge), le tout en se situant dans la complexité et la très longue durée. Il convient de gérer la juridicité " en bon père de famille ", " en bon américain ", ou " en bon membre du parti ". N.B. le Droit = à la fois invention et conservation : il ne peut être lun, linvention de solutions neuves, que par lautre, la conservation de lesprit des lois. Sur la longue durée, il ne peut y avoir dapprofondissement dune tradition juridique sans commerce adjacent au sens de relations extérieures lui permettant dêtre iriguée, parfois interpellée. |
Nimporte qui nest pas gestionnaire de la juridicité. Il faut se préoccuper de lutilisation optimum, précautionneuse, un peu économe, mais qui doit réussir, des ressources matérielles et humaines. On reconnaît le bon juriste à sa capacité à mobiliser ces ressources. Le juriste doit faire avancer lévolution adaptative des solutions juridiques sans perdre le fil de sa tradition ni lexigence de sécurité. Plusieurs modèles de conduites et de comportements peuvent être associés ou conjugués pour répondre à ladaptation harmonique (plutôt quharmonieuse) dune société. La question de la légitimité du Droit ne trouvera de réponse que si on envisage le Droit comme assurant ces armistices sociaux répondant à un projet de société conforme aux exigences du contexte plus général et privilégiant sans doute un ordonnancement négocié et une participation responsable des acteurs-citoyens. N.B. demandes neuves pour donner à linstance de la juridicité une place darbitrage dans les mutations de la société. N.B. La trans-modernité en émergence nous oblige à redécouvrir des solutions anciennes pour en exploiter lesprit et les apports à chaque fois quils répondent à des attentes ou à des problèmes de société qui nont pas reçu de réponse satisfaisante dans le cadre de la modernité. |
La parenté = un construit que chaque individu peut valoriser selon les circons-tances de la vie. La parenté offre un certain nombre de solutions valorisant des rapports de partage selon des critères de proximité et dexclusivité différents. Par exemple, les Wolof composent leurs solutions matrimoniales à partir de différents modèles qui répondent à trois caractéristiques : ils se sont succédés dans le temps et sinscrivent dans la très longue durée; ils répondent à des fonctions particulières non concurrentes; ils sont dinspiration et de valence communautaire. Le modèle le plus valorisé est celui qui combine les quatre formes de mariage. Chaque option implique le consentement (ou lavis même implicite dun groupe (le lignage donneur de femme dans le mariage par échange, la famille du marié qui va contribuer à réunir la compensation dans le mariage dotal, la confrérie religieuse et ses marabouts pour le mariage musulman, les classes sociales et groupes professionnels en cas de mariage à la mairie ou de mariage enregistré. Le législateur sénégalais a eu la sagesse de ne pas prétendre faire table rase du passé. Il a complété le dispositif existant en proposant que le mariage puisse faire lobjet, indépendamment de sa célébration, dune procédure denregistrement donnant valeur légale aux choix des conjoints (et de leurs familles), introduisant ainsi une liberté de choix plus grande que ce quoffrait la tradition en élargissant les options matrimoniales. |
Processus de sécurisation La sécurité juridique = un état particulier où le sentiment (réel ou illusoire) de protection à légard du danger est associé ou attribué au Droit. On attend du Droit la sécurité, laquelle se situe entre abstraction et casuistique, entre des principes généraux et des réponses très concrètes. Sur quoi fonder lautorité de ce besoin de sécurité ? Si la sécurité juridique est un état qui repose sur un sentiment de confiance, cette confiance est à la fois une espérance dans les vertus de lautre à tenir ses engagements, et un acte de foi. De ce fait, la confiance repose sur une croyance de nature fondamentalement religieuse au sens de ce qui nous rattache à la face cachée des choses. Les Occidentaux ont censuré la présence du sacré par la laïcité sans pouvoir labolir. La séparation de lÉglise et de lÉtat est un simple dédoublement de la fonction religieuse. Cette dimension religieuse est restée présente dans lÉtat mais " en secret ", donc selon un effet de censure pouvant produire inhibitions et fantasmes. La loi " une " ne sera égale que si elle est uniforme dans sa rédaction comme dans son application. Unité, Égalité, Uniformité sont les cadres anthropologiques du fondement religieux de la sécurité juridique en France. Toute expérience juridique privilégie, énonce et protège des valeurs sociales. La construction des valeurs est un facteur essentiel de la fabrique de la sécurité juridique. Certaines valeurs ne sont pas bonnes à prendre en considération car elles sont délétères à légard des contraintes de la juridicité.Pour les industriels et commerçants africains, la sécurité juridique ne peut pas encore être garantie par la voie judiciaire, même supranationale, tant sont puissants les effets des habitus et des modèles de comportements hérités des périodes coloniale et post-coloniale. Pour linstant, en Afrique, cest sur la base de relations de confiance et dans le cadre de réseaux commerciaux très personnalisés que sont réalisés les actes de commerce et quest assurée la solution des différends possibles. Cest donc par une régulation corporative des modèles de conduites et de comportements dans les chambres de commerce et dindustrie ou au sein des réseaux de " El Hadj " (grands commerçants musulmans sahéliens ayant fait donc ayant eu les moyens financiers de faire le pèlerinage à La Mecque au moins une fois) quest assurée la sécurité juridique au quotidien. Chaque tradition juridique contient des référents logiques de nature religieuse en cela quils sont associables à des visions du monde (cosmologies) et à des projets de société. Étant infiniment plus imperméables aux influences extérieures que les productions juridiques, ils jouent un rôle décisif dans les processus dacculturation comme des ralentisseurs si les traditions sont opposées, comme un fixateur si les traditions sont présentées comme complémentaires. Dans les sociétés animistes, ce sont les MCC qui sont le cadre de la formalisation de la sécurité juridique. Dans les sociétés dExtrême-Orient, ce sont les SDD. Donc la loi ny est pas le meilleur support pour assurer la sécurité juridique. |
On peut poser quen cherchant la cohérence de la sécurité juridique dans un principe de structure, les sociétés dhéritage monothéiste trouvent cette cohérence dans le principe dunité, ou dunitarisme si cette unité ne simpose pas delle-même et doit être provoquée plus ou moins volontairement voire violemment. Les sociétés héritant de la philosophie confucéenne en Chine ou au Japon, trouvent dans le principe de dualité cette assurance de sécurité, dans le li (rites) combiné au fa (droit), de même que le ying principe masculin doit être combiné au yang principe féminin. Les sociétés dhéritage animiste cherchent et trouvent dans le principe de pluralité, dans le jeu dinstances multiples, spécialisées et interdépendantes, le fondement de leur sécurisation. Les pensées indiennes, bouddhiques par exemple semblent jouer cumulativement sur les trois registres et on peut faire lhypothèse que dans ces sociétés la sécurité juridique doit combiner les principes dunité, de dualité et de pluralité. N.B. ce qui est source de sécurité pour lun est source dinsécurité pour lautre. La pluralité coutumière de lanimiste est facteur de désordre pour le monothéiste dont le culte de la loi et le monopole de la légalité peuvent apparaître comme les racines dun autoritarisme exagéré pour lhéritier de Confucius. Il ne peut y avoir de modèle universel de sécurisation tant que de tels héritages nauront pas été définitivement effacés. |
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Devenir de la juridicité N.B. le Droit nest pas un donné (par lÉtat), mais un construit au jour le jour et par un effort conjoint de tous les acteurs. Les citoyens doivent donc participer à produire le Droit et à donner à lÉtat de Droit un sens neuf, à la hauteur des contraintes du tripode juridique : nouer la loi, la coutume et les habitus. Pour être un de ces nouveaux " universaux " dune société mondialisée, lÉtat de Droit doit souvrir à tous les changements quinduit la complexité de nos sociétés. Ainsi, en France, le mode légal dénonciation devra faire une place aux deux autres fondements du Droit et la forme étatique, ainsi que le monopole de la juridicité, devra évoluer. |
Signification de lÉtat de droit à lépoque contemporaine. Le Droit = ce paradigme du jeu social qui met en forme et met des formes pour assurer la reproduction de nos sociétés. Toute solution institutionnelle doit être accompagnée dune pédagogie apte à traduire les choix de normes générales et impersonnelles dans les registres de la coutume et des habitus. Le recopiage dune solution externe ne saurait faire léconomie dune option réellement originale et qui accepte de retravailler la nature du lien social dans une référence à la complexité. Une approche strictement juridique, survalorisant le rôle du Droit et de la justice ne saurait être, en soi, une réponse satisfaisante, le Droit nétant que le reflet de la société et lexpression de ses modes de reproduction privilégiés. Il faut prendre en considération linéluctable dépassement du référent étatique et chercher les équivalences nouvelles de luniversitas dans les constructions supra-nationales. |
Importance dexaminer les fondations idéelles des acteurs notamment en ce qui concerne laméricanisation de la société française, pour savoir si les solutions pensées " à la protestante " sont compatibles avec des systèmes de pensée " à la catholique " privilégiant lunité. légalité abstraite et luniformité. Le contrat et les juristes se sont substitués aux Etats-Unis aux principes de régulation intra-communautaires et exercent la même fonction de méfiance à légard de tout pouvoir constitué et de défiance à légard des médiateurs se présentant comme les seuls intermédiaires obligés. Du côté latin, ce sont les élites qui se sont substitués aux médiateurs cléricaux en exerçant la même fonction dintermédiaires obligés. Lénarchie en est en France laccomplissement achevé. Trois notions juridiques doivent être auscultées pour en comprendre la profonde originalité de part et dautre de lAtlantique et ainsi éviter les pièges dune transposition mimétique. Il sagit des notions de personne juridique, de droit comme titre pour laction (right) et de contrat. Le Roy conclut que le contractualisme et les deux matrices de la civilisation américaine, règle de droit et marché, sont de fausses universalités, des leurres, qui cachent le besoin de fonder une universitas pour la période trans-moderne. |
Si les droits de lhomme, par leur origine occidentale, ne sont pas encore rendus universels dans leur formulation, par contre, en raison des valeurs quils proclament quant à légale dignité de lhomme, ils doivent à terme être universalisés. Il en va de même pour lÉtat de Droit. N.B. une telle " requête duniversalité " exige un grand volontarisme. Obstacles pour linstant : En survalorisant le mode légal dénonciation de la norme, le premier principe de lÉtat de Droit sous-estime la place et le rôle de la coutume et des habitus. Le deuxième principe suppose, en contradiction avec la réalité dans de nombreux pays, que le modèle laïc et démocratique de lÉtat est le seul horizon de la vie en société, en oubliant les exigences de cette vie en société. Quant au troisième principe, il suppose que les valeurs se sont mondialisées. N.B. dans nombre de sociétés, les valeurs proclamées dans les textes protecteurs des droits de lhomme ou de lÉtat de Droit ne représentent que les valeurs partagées par une élite très restreinte, valeurs respectables mais en décalage avec les valeurs effectivement poursuivies par la grande majorité de la population ici ete maintenant. |