Droit, gouvernance et dŽveloppement durable

SŽance du 24 octobre 2007

 

Droit, gouvernance et dŽveloppement durable dans les politiques de coopŽration au dŽveloppement : polysŽmie des concepts et ouverture interculturelle

 

(Emmanuel Klimis, CReSPo, FacultŽs universitaires St Louis)[1]

 

 

Cette leon entend montrer que les concepts de droit, gouvernance et dŽveloppement durable sont indissociables des politiques de coopŽration au dŽveloppement, mais quĠils sĠy dŽploient selon des acceptions radicalement diffŽrentes en fonction des acteurs qui les mobilisent. Par cette polysŽmie des concepts, la leon entend Žgalement aborder, mais sans les approfondir, les perspectives dĠune ouverture interculturelle.

 

1. Le cadre de la discussion : la coopŽration au dŽveloppement

 

1.1. Historique

La notion mme de coopŽration au dŽveloppement et, prŽcisŽment, son propre dŽveloppement, illustrent eux-mmes cette polysŽmie des concepts. En effet, loin du sens quĠon lui conna”t aujourdĠhui, la coopŽration au dŽveloppement trouve son origine dans le plan Marshall de reconstruction de lĠEurope aprs les ravages de la seconde guerre mondiale. CĠest dĠailleurs le prŽsident US Truman qui, dans son discours sur lĠŽtat de lĠUnion, fait pour la premire fois rŽfŽrence ˆ lĠidŽe de sous-dŽveloppement Žconomique.

LĠidŽe de coopŽration au dŽveloppement a ensuite ŽvoluŽ dans le courant des annŽes 1950, sous lĠinfluence de trois phŽnomnes conjuguŽs et liŽs entre eux :

-       lĠachvement de la reconstruction Žconomique de lĠEurope, concrŽtisŽe par la crŽation des CommunautŽs europŽennes par le traitŽ de Rome de 1957 ;

-       le processus de dŽcolonisation et lĠapparition de nouveaux Etats, en situation dite alors de sous-dŽveloppement Žconomique, et qui appellent donc ˆ une nouvelle dŽfinition de la notion de coopŽration au dŽveloppement, revendication dĠautant plus poussŽe quĠelle sĠexprime paralllement aux revendications autonomistes (par rapport aux deux Ç blocs È opposŽs dans la Guerre froide) du mouvement des pays non-alignŽs, constitutifs du Tiers Monde, tel quĠil est alors mentionnŽ ;

-       la transformation, en 1961, de lĠOECE (organisation europŽenne de coopŽration Žconomique, organisation internationale crŽŽe pour assurer la gestion du plan Marshall) en OCDE (organisation de coopŽration et de dŽveloppement Žconomiques) qui joue aujourdĠhui le r™le de promoteur et de gardien des politiques de coopŽration au dŽveloppement ˆ lĠŽchelle mondiale, par lĠaction de son comitŽ dĠaide au dŽveloppement (CAD).

1.2. CoopŽration au dŽveloppement et subjectivitŽ des perceptions

La premire intuition de dŽpart est donc que la coopŽration au dŽveloppement est indissociable dĠune approche polysŽmique et dĠune ouverture interculturelle. En effet, non seulement la relation de coopŽration au dŽveloppement crŽe une interaction de nature inŽgalitaire (bailleur de fonds vs. bŽnŽficiaire), ce qui suppose des perceptions potentiellement diffŽrentes des enjeux, mais ces diffŽrences de perception sont Žgalement exacerbŽes en raison des rŽfŽrents culturels, souvent radicalement diffŽrents, des acteurs du partenariat.

 

<Illustration : la notion dĠappropriation (ownership)>

 

Une seconde intuition est que la triade droit, gouvernance et dŽveloppement durable est intimement liŽe ˆ lĠidŽe de coopŽration au dŽveloppement, qui se fonde, mme, sur ces trois notions (cf. infra).

 

2. Le droit et les politiques de coopŽration au dŽveloppement

Trois questions principales pourraient tre soulevŽes dans le cadre de la place occupŽe par le droit dans les politiques de coopŽration au dŽveloppement :

-       mŽcanisme dĠexpression institutionnelle du rapport inŽgalitaire entre bailleurs de fonds et pays partenaires (illustration : conditionnalitŽ de lĠaide au dŽveloppement vs. souverainetŽ nationale du pays bŽnŽficiaire) ;

-       mŽcanisme  dĠexpression institutionnelle du rapport Žgalitaire des bailleurs de fonds (Etats souverains) entre eux (illustration : soft law du CAD de lĠOCDE) ;

-       enfin, rŽfŽrent culturel Žgalement soumis ˆ ce dŽcalage de perceptions (illustration : droit Ç coutumier È vs. droit Ç positif È, ou hŽritŽ de la colonisation).

 

3. La gouvernance et les politiques de coopŽration au dŽveloppement

La gouvernance,

-       concept Ç rŽinventŽ È dans le cadre de la coopŽration au dŽveloppement (Banque mondiale)

-       instrumentalisation : les politiques de conditionnalitŽ de lĠaide

-       illustration de la polysŽmie du concept selon les acteurs : Union europŽenne dans ses politiques de dŽveloppement, Ministre belge des Affaires Žtrangres, attachŽs de la coopŽration belge au dŽveloppement sur le terrain, gouvernement burundais.

 

4. Le dŽveloppement durable et les politiques de coopŽration au dŽveloppement

Le dŽveloppement durable,

-       concept Žgalement au cÏur des politiques de coopŽration (OMD, etc.)

-       thme Ç transversal ÈÉ donc de facto vidŽ de sa substance

-       droits de lĠHomme et dŽveloppement durable

 

Conclusions

Ç la gouvernance Žmancipe la mise en forme du vivre ensemble de la tutelle Žtatique et du paradigme juridique au sens strict È (invitation au colloque des 25-27 octobre).

Avec un brin de cynisme, cette affirmation a priori on ne peut plus respectable, ne peut pas tre transposŽe ˆ lĠŽtude de cas de la coopŽration au dŽveloppement.

Dans la coopŽration au dŽveloppement, la gouvernance a remplacŽ la tutelle Žtatique par une tutelle supranationale, et la dŽmocratie par une notion ˆ gŽomŽtrie variable, celle de lĠownership, qui ne conna”t mme pas la limite traditionnellement posŽe par le contr™le dŽmocratique ˆ lĠŽchelle nationale. Par ailleurs, elle nĠŽvite le paradigme juridique au sens strict que parce quĠelle remplace le droit positif par une soft law, essentiellement dŽveloppŽe au niveau supranational, et sur laquelle, ˆ nouveau, il nĠexiste que peu de contr™le dŽmocratiqueÉ ou qui devient enjeu Žlectoral par le biais de manÏuvres procŽdurales et statistiques plut™t que par un dŽbat sur le fond (enjeu du contenu de lĠaide publique au dŽveloppement).

LĠobjet dĠŽtude que constitue, pour le politologue, les politiques de coopŽration au dŽveloppement, est un terrain dĠapplication du triptyque droit, gouvernance et dŽveloppement durable; mais il rŽvle Žgalement la polysŽmie inhŽrente ˆ ces trois concepts, de mme que leur potentiel dĠinstrumentalisation.

Par ailleurs, si cette polysŽmie, dans le champ des relations internationales (dans lequel sĠinscrit la coopŽration au dŽveloppement) sĠexplique notamment par les intŽrts propres des acteurs Žtatiques souverains, elle illustre Žgalement les diffŽrences existantes en termes de perceptions culturelles, et la nŽcessitŽ dĠen tenir compte si lĠon souhaite des relations harmonieuses etÉ durables.

 

Pour aller plus loin

 

Gilles FIEVET, Ç RŽflexions sur le concept de dŽveloppement durable : prŽtention Žconomique, principes stratŽgiques et protection des droits fondamentaux È, Revue belge de droit international, 2001/1, Bruxelles : Bruylant, pp. 128-184.

 

Francis FUKUYAMA, State-building, governance and world order in the 21st century, New York : Cornell University Press, 2004.

 

Yves PALAU, Ç La gouvernance comme norme : la production normative de lĠOCDE È, communication prononcŽe ˆ lĠoccasion de la confŽrence Towards a new generation in global governance ?, organisŽe les 14 et 15 nov. 2005 ˆ lĠUniversitŽ de Gand par REGIMEN, RŽseau de recherche sur la globalisation et la gouvernance internationale et les mutations de lĠEtat et des nations.

 

Olivier PAYE, Ç La gouvernance : dĠune notion polysŽmique ˆ un concept politologique È, in Etudes internationales (ŽditŽ par lĠInstitut QuŽbŽcois des Hautes Etudes Internationales), volume XXXVI, nĦ1, mars 2005, pp. 13-40.

 

Jacques VANDERLINDEN, Ç LĠutopie pluraliste, solution de demain au problme de certaines minoritŽs ? È, MinoritŽs et organisation de lĠEtat, Bruxelles : Bruylant, 1998, pp. 665-675 (disponible sur le site web du cours).

 

 

EK, 24/10/2007



[1] Cette synthse constitue un document de travail prŽparŽ ˆ lĠoccasion de la leon du 24/10/2007, et mis ˆ disposition des Žtudiants comme support de rŽfŽrence. Il ne sĠagit en aucun cas dĠun travail achevŽ, et ne peut, ˆ ce titre, faire lĠobjet dĠaucune diffusion. LĠauteur accueille volontiers toute remarque ou suggestion sur ce texte. emmanuel.klimis@fusl.ac.be