LA LETTRE ƒLECTRONIQUE DE LÕASSOCIATION FRANCOPHONE DÕANTHROPOLOGIE DU DROIT

 

n¡ 15 - le  8 mars 2005

 

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S O M M A I R E

 

Entretien :  Marie-HŽlne Fra•ssŽ & Jean Giraud / Claude LŽvi-Strauss

Vient de para”tre : pratique cosmopolitiques du droit / frontires en attente / contr™ler les agents du pouvoir / les matŽrialismesÉ

Appel ˆ contributions : repenser le droit de punir / psychohistoire / les justices militaires en Europe

Formation : les codifications du point de vue de la thŽorie du droit / histoire de l'Espagne contemporaine / droit comparŽ des libertŽs fondamentales

Information : Jean Malaurie

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Entretien


   Nous sommes tous des Indiens !

       par Marie-HŽlne Fra•ssŽ et Jean Giraud     (La vie, n¡ 3100, 27 janvier 2005)

 

La vie.

Marie-HŽlne Fra•ssŽ que vous inspire ce pasteur ŽvangŽlique qui crŽe un orphelinat pour les jeunes Indiens ? Projet auquel va sÕopposer Blueberry.

 

Marie-HŽlne Fra•ssŽ. JÕai trouvŽ ce rŽcit trs juste. Aux Etats-Unis, aprs les guerres entre Indiens et Blancs, ˆ la fin du XIXe sicle, ces derniers se sont lancŽs dans une politique dÕintŽgration forcŽe. Ils pensaient que les tribus Žtaient en voie dÕextinction et quÕil fallait Ç civiliser ces sauvages È. On a dŽplacŽ des populations, crŽer des rŽserves. Et ces pensionnats ont ŽtŽ lÕun des moyens dÕaccŽlŽrer la dŽculturation des jeunes Indiens, au motif de leur apporter la connaissance et le progrs. Le pire est que le systme a perdurŽ. Au Canada, par exemple, jÕai rencontrŽ des Indiens qui sont passŽs dans ces Žtablissements. Ils nÕont ŽtŽ fermŽs quÕen 1980 ! Tous racontent la mme histoire. La faon dont, avec lÕaide de la police, on sŽparait les enfants de leurs parents. Les brimades et les sŽvices endurŽs.

Jean Giraud. LÕarrivŽe de ces colons blancs a reprŽsentŽ un changement radical du systme socio-Žconomique. Les Indiens vivaient de la cueillette et de la chasse, ce qui suppose un vaste territoire. On les a fait entrer de force dans le systme agraire. Et ce ne fut pas seulement une histoire de modification dÕespace. CÕest tout leur rapport ˆ la nature qui a ŽtŽ changŽ et, avec, leurs traditions et leurs mythes. ‚a nÕa pas dž tre bien diffŽrents lorsque les hommes de Neandertal se sont affrontŽs aux Cro-Magnons !

M.-H.F. Les religieux ont ŽtŽ tŽmoins et acteurs de cette Žradication de civilisation. Certains lÕont encouragŽe, mais d'autres ont courageusement avertis du massacre. Ils avaient compris quÕil fallait apporter la connaissance aux jeunes Indiens, mais dans le cadre de leur tribu. In enfant indien, cÕest un tre humain qu vit en harmonie avec sa famille, sa communautŽ, la nature, et quÕon laisse libre.

J.G.  Alors quÕun des projets occultes dans la sociŽtŽ occidentale est, jÕen suis convaincu, de mettre sous stress les enfants pour crŽer des Ç nŽvroses utiles È, fabriquer de lÕaviditŽ, de lÕinsatisfaction. Sur cette aliŽnation, et au nom du progrs, on b‰tit une sociŽtŽ de consommateurs, dÕun c™tŽ, dÕexploiteurs, de lÕautre. Et je suis persuadŽ quÕaujourd'hui nous sommes, nous Ocidentaux, dans une phase aigu‘ de ce processus. Cette course sans fin, qui nous auto-mutile et nous auto-intoxique, peut dŽboucher, je le crois, sur une issue mortelle pour toute la plante.

M.-H.F. NÕest-ce pas pour cela que nous Žprouvons aujourd'hui une fascination pour les Indiens ? Parce que, prŽcisŽment, leur histoire nous questionne : Ç Quelle est cette folie qui vous pousse, vous les Blancs, ˆ cette destruction ? È Tout le monde conna”t le discours du chef Seattle, en 1854. De plus en plus de personnes aujourd'hui prennent conscience de la richesse quÕils incarnent.

J.G. Je crois fortement que certains peuples ont une vocation mythologique, messianique. Les Indiens en font partie. Ces peuples sont en rŽserve de notre Žvolution. Ils constituent un recours pour lÕhumanitŽ. Car il est Žvident que nous allons arriver ˆ un point de rupture et que nous allons avoir extraordinairement besoin de nous caler sur d'autres valeurs. Ces peuples qui ont souffert, qui ont connu de grandes Žpreuves, mais, qui en mme temps, ont su prŽserver un lien avec la nature et la spiritualitŽ, exprimŽ dans le chamanisme, dŽtiennent sans doutes des clŽs pour notre avenir.

M.-H.F. Les rites de passage qui sont au c¦ur de la vie de lÕindividu et de la collectivitŽ chez les Indiens en sont un exemple. Une fois par an, autour des malades, on convoque toute la communautŽ, qui rassemble ses Žnergies. Nous avons beaucoup ˆ apprendre de ces approches. Et cÕest vrai quÕen assistant ˆ de telles cŽrŽmonies, on ressent quelque chose de trs profond rŽagir en nous. Ces rituels ont probablement ŽtŽ ceux de nous anctres dans un lointain passŽ.

J.G. Nous sommes tous des Indiens ! Mais cette question du rapport entre sociŽtŽs dites Ç civilisŽes È et sociŽtŽs premires est primordiale. Le paternalisme, la pensŽe surpuissante, universaliste de lÕOccident nÕont conu comme rŽponse que le cadre de la rŽserve et de lÕethnologie. Il faut dŽsormais renverser la proposition. Aller vers lÕŽcoute, le respect de ces peuples. Inverser la subordination. RŽtablir une ŽgalitŽ. CÕest ainsi que ces sociŽtŽs pourront se perpŽtuer. CÕest ainsi que ces sociŽtŽs pourront se perpŽtuer pour le bien de tous. Car bs avons besoin dÕeux.

 

   Propos recueillis par Christian ToubŽ.

 

   Journaliste et productrice de lÕŽmission Appel dÕair sur France Culture, Marie-HŽlne Fra•ssŽ a publiŽ de nombreux ouvrages sur les communautŽs amŽrindiennes.

    Jean Giraud est dessinateur et auteur de bandes dessinŽes. Depuis 1963, il est le dessinateur de Blueberry dont il a continuŽ la publication aprs la mort de son scŽnariste Jean-Michel Charlier en 1989. Sous son pseudonyme de Moebius, Jean Giraud a crŽŽ une deuxime ¦uvre graphique fondamentale qui inspira en leur temps des rŽalisateurs comme Steven Spielberg, Ridley Scott, Georges Lucas, Luc Besson, etc. www.miyazaki-moebius.com

 

   Claude LŽvi-Strauss, grand tŽmoin de lÕAnnŽe du BrŽsil

 

A la veille des cŽlŽbrations du "pays du bois de braise" en France, l'auteur de "Tristes Tropiques" revient sur sa relation essentielle ˆ ce pays, o il a fait ses premiers pas d'ethnologue. Aujourd'hui, souligne-t-il, la civilisation ˆ l'Žchelle mondiale a mis fin ˆ ce type de dŽcouverte.

LE MONDE | 21.02.05 | 15h12

 

L'imbrication de la France et du BrŽsil n'est-elle pas trs ancienne ?

    Cette AnnŽe du BrŽsil intervient presque exactement cinq cents ans aprs le premier contact entre la France et le BrŽsil lors du voyage du Normand Paulmier de Gonneville.

    Ce dernier touchait, en 1504, les c™tes brŽsiliennes au sud, quatre ans ˆ peine aprs le Portugais Pedro Alvares Cabral, qui les avait abordŽes prs de Salvador de Bahia. Ainsi les tŽmoignages les plus anciens que nous possŽdons sur le BrŽsil datent du XVIe sicle et sont franais.

    En 1555, il y eut l'entreprise de l'amiral Villegaignon pour Žtablir une France antarctique, dont a tŽmoignŽ AndrŽ Thevet dans son grand ouvrage - Les Singularitez de la France Antarctique, publiŽ en 1557 -. En 1578, Jean de LŽry livre l'Histoire d'un voyage faict en la terre du BrŽsil. Puis, au XVIIe sicle, il y a, plus au nord, les tentatives d'installation de missionnaires. Plus tard, au XVIIIe sicle et au dŽbut du XIXe sicle, quand le BrŽsil devient un empire, on note la prŽsence de peintres franais - la mission artistique dŽpchŽe ˆ partir de 1815 par Louis XVIII, o figurait notamment Jean-Baptiste Debret -, qui nous ont laissŽ beaucoup d'illustrations de ce qu'Žtait la vie ˆ Rio de Janeiro et ˆ l'intŽrieur du pays.

    Bien sžr, il y eut des conflits entre la France et le BrŽsil, par exemple ˆ propos des territoires voisins de la Guyane franaise que revendiquaient les deux pays. Mais la fondation de l'universitŽ de Sao Paulo au XXe sicle a permis de renouer des contacts trs Žtroits.

 

C'est prŽcisŽment ˆ l'universitŽ de Sao Paulo que vous tes allŽ enseigner la sociologie, ds 1935. Que signifie le BrŽsil pour vous aujourd'hui ?

   Le BrŽsil reprŽsente l'expŽrience la plus importante de ma vie, ˆ la fois par l'Žloignement, le contraste, mais aussi parce qu'il a dŽterminŽ ma carrire. Je ressens ˆ l'Žgard de ce pays une dette trs profonde. Cela Žtant, j'ai quittŽ le BrŽsil au dŽbut de l'annŽe 1939, et je ne l'ai revu trs brivement qu'en 1985, quand j'ai accompagnŽ le prŽsident Mitterrand, qui y faisait une visite d'Etat de cinq jours. Bien que trs court, ce sŽjour a produit en moi une vŽritable rŽvolution mentale : le BrŽsil Žtait devenu entirement, totalement, un autre pays.

    Ce Sao Paulo, que j'avais connu ˆ une Žpoque o il atteignait tout juste 1 million d'habitants, en comptait dŽjˆ plus de 10 millions. Les traces et les vestiges de l'Žpoque coloniale avaient disparu. Sao Paulo Žtait devenue une citŽ assez effrayante, hŽrissŽe de kilomtres de tours, ˆ tel point que, dŽsireux de revoir non pas la maison o j'avais habitŽ - elle n'existait sans doute plus -, mais la rue o j'avais vŽcu pendant quelques annŽes, j'ai passŽ la matinŽe bloquŽ dans des embouteillages sans pouvoir y arriver.

 

L'urbanisation de Sao Paulo en a fait dispara”tre la nature ; le fleuve Tiet, qui fut fondamental dans la conqute de l'intŽrieur du BrŽsil ˆ partir de Sao Paulo, est moribond... Ce rel‰chement des liens entre l'homme et la nature n'est-il pas une caractŽristique de notre Žpoque ?

   Mme de mon temps, la nature de Sao Paulo avait dŽjˆ beaucoup changŽ. Il y avait eu l'Žpoque du cafŽ, et tous les territoires alentour avaient ŽtŽ consacrŽs ˆ cette industrie agroalimentaire. Mais, de cette nature si forte, il subsistait les flans de la Serra do Mar, entre Sao Paulo et le port de Santos. Et il y avait lˆ, sur quelques kilomtres, une dŽnivellation de 800 mtres, tellement abrupte que la civilisation avait dŽdaignŽ l'endroit, au profit de la fort vierge. De sorte que, lorsqu'on dŽbarquait ˆ Santos pour monter ˆ Sao Paulo, on avait un contact bref, mais immŽdiat, avec ce que le BrŽsil de l'intŽrieur, ˆ des milliers de kilomtres de lˆ, pouvait encore rŽserver.

    Le lien entre l'homme et la nature s'est peut-tre rompu et, en mme temps, on peut comprendre que le BrŽsil, qui s'est dŽveloppŽ de manire si considŽrable, ait ˆ l'Žgard de la nature la mme politique que l'Europe au Moyen Age, c'est-ˆ-dire la dŽtruire pour installer une agriculture.

 

Etes-vous retournŽ chez vos amis les Indiens Caduveos, Bororos ou Nambikwaras, que vous aviez ŽtudiŽs au BrŽsil ?

   En 1985, Brasilia Žtait l'une des Žtapes du voyage prŽsidentiel. Le quotidien O Estado de Sao Paulo m'a proposŽ de me ramener chez les Bororos, un voyage qui m'avait beaucoup cožtŽ en 1935, mais qui, en avion, pouvait se faire en quelques heures. Nous sommes donc montŽs un matin dans un petit avion qui ne pouvait prendre que trois passagers : ma femme, une collgue brŽsilienne et moi. L'avion est arrivŽ au-dessus des territoires bororos, nous avons mme pu apercevoir quelques villages avec encore leur structure circulaire, mais chacun dotŽ maintenant d'un terrain d'atterrissage. Et, aprs les avoir survolŽs, le pilote nous a dit : je pourrais y atterrir, mais les pistes sont si courtes que je ne pourrai peut-tre pas repartir ! Nous avons donc renoncŽ, et nous sommes rentrŽs ˆ Brasilia en traversant un orage Žpouvantable.

    J'ai pensŽ que notre vie n'avait jamais ŽtŽ aussi exposŽe, mme ˆ l'Žpoque de mes expŽditions. Finalement, nous sommes arrivŽs juste ˆ temps pour que ma femme se mette en robe du soir et moi en smoking pour assister au grand d”ner offert par le prŽsident du BrŽsil au prŽsident franais. Tout cela montrait ˆ quel point le pays avait changŽ.

    Je n'ai donc pas revu les Bororos en chair et en os, mais j'ai revu leur territoire, j'ai survolŽ ce Rio Vermelho, un affluent du fleuve Paraguay que j'avais mis plusieurs jours ˆ remonter en pirogue, et j'ai constatŽ qu'il Žtait maintenant longŽ par une route asphaltŽe.

 

Peut-on tre marquŽ physiquement et ˆ jamais par un pays ?

   Sžrement. Mon premier choc en arrivant au BrŽsil, je vous l'ai dit, a ŽtŽ la nature, telle qu'on pouvait encore la contempler sur les flancs de la Serra do Mar ; puis, quand j'ai pu m'enfoncer dans l'intŽrieur, ce fut de nouveau une nature si totalement diffŽrente de celle que j'avais connue... Mais il y a aussi une dimension ˆ laquelle on ne prte pas toujours attention et qui a ŽtŽ pour moi capitale : celle du phŽnomne urbain.

    Quand je suis arrivŽ ˆ Sao Paulo, on disait que l'on construisait une maison par heure. Et, ˆ cette Žpoque, il y avait une compagnie britannique qui, depuis quatre ou cinq ans seulement, ouvrait les territoires ˆ l'ouest de l'Etat de Sao Paulo. Elle construisait une ligne de chemin de fer et amŽnageait une ville tous les 15 kilomtres. Dans la premire, la plus ancienne, il y avait 15 000 habitants, dans la deuxime 5 000, dans la troisime 1 000, puis 90, puis 40, et dans la plus rŽcente 1 seul - un Franais.

    A cette Žpoque, l'un des grands privilges du BrŽsil Žtait de pouvoir assister, de manire quasi expŽrimentale, ˆ la formation de ce fantastique phŽnomne humain qu'est une ville. Chez nous, la ville rŽsulte certes parfois d'une dŽcision de l'Etat, mais surtout de millions de petites initiatives individuelles prises au cours des sicles. Dans le BrŽsil des annŽes 1930, on pouvait observer ce processus, raccourci, se produire en quelques annŽes.

    Bien sžr, et puisque je pratiquais l'ethnographie, les Indiens ont ŽtŽ pour moi essentiels, mais cette expŽrience urbaine a tenu une trs grande place, et les deux BrŽsil cohabitaient, mais ˆ bonne distance.

    Quand je suis allŽ vers le Mato Grosso pour la premire fois, Brasilia n'existait pas encore, mais il y avait eu une premire tentative de crŽer une ville ˆ partir de rien, Goiania, qui n'a pas abouti. Le plateau central, le Planalto, est magnifique : le ciel y prend toute son importance. C'est un autre ordre de grandeur.

    Des romanciers tels qu'Euclides da Cunha - auteur d'Os Sertoes, traduit en franais sous le titre de Hautes terres - ont magnifiquement dŽcrit ce BrŽsil.

    J'ai bien connu aussi Mario de Andrade - musicologue, pote, fondateur de la SociŽtŽ d'ethnographie et de folklore du BrŽsil - : il dirigeait le dŽpartement culturel de la ville de Sao Paulo. Nous avons ŽtŽ trs proches. Son roman Macuna•ma est un grand livre.

 

Mario de Andrade avait imaginŽ avec beaucoup d'humour Macuna•ma, un Indien Tapanhuma d'Amazonie plut™t menteur et paresseux, devenu par son mariage empereur de la fort vierge, dŽbarquant dans la ville de Sao Paulo pour rŽcupŽrer une amulette avant d'tre transformŽ en constellation - la Grande Ourse. Cet esprit indigne, ce lien entre ville, fort et mythe, perdure-t-il ? Avez-vous suivi son Žvolution ?

   Je suis l'Žvolution des indignes que j'avais alors ŽtudiŽs de faon trs rŽgulire, par la pensŽe, et gr‰ce ˆ mes collgues beaucoup plus jeunes que moi, notamment ceux de l'universitŽ de Cuiaba, dans le Mato Grosso, qui travaillent entre autres chez les Nambikwaras. Ils m'Žcrivent, m'envoient rŽgulirement leurs travaux. Ces peuples ont subi des Žpreuves terribles. Ils ont ŽtŽ plus ou moins exterminŽs, au point que seulement 5 % ou 10 % de la population originelle subsistaient. Mais ce qui se produit actuellement est d'un immense intŽrt. Ces peuples ont pris des contacts les uns avec les autres. Ils savent dŽsormais ce qu'ils ont longtemps ignorŽ : ils ne sont plus seuls sur la scne de l'Univers. En Nouvelle-ZŽlande, en Australie ou en MŽlanŽsie, il existe des gens qui, ˆ des Žpoques diffŽrentes, ont traversŽ les mmes Žpreuves qu'eux. Ils prennent donc conscience de leur position commune dans le monde.

    Alors, bien entendu, l'ethnographie ne sera plus jamais celle que j'ai pu encore pratiquer de mon temps, o il s'agissait de retrouver des tŽmoignages de croyances, de formations sociales, d'institutions nŽes en complet isolement par rapport aux n™tres, et constituant donc des apports irremplaables au patrimoine de l'humanitŽ. Maintenant, nous sommes, si je puis dire, dans un rŽgime de "compŽnŽtration mutuelle". Nous allons vers une civilisation ˆ l'Žchelle mondiale. O probablement appara”tront des diffŽrences - il faut du moins l'espŽrer. Mais ces diffŽrences ne seront plus de mme nature, elles seront internes, non plus externes.

 

La rapiditŽ de dŽplacement, la vitesse de propagation des cultures, la communication sont des facteurs dŽterminants...

   Auparavant, nous prenions, mes collgues et moi, des cargos mixtes qui, aprs beaucoup d'escales, mettaient dix-neuf jours pour arriver en AmŽrique du Sud, en s'arrtant sur les c™tes espagnoles, algŽriennes, africaines. De l'Afrique, d'ailleurs, je ne connais vraiment que les haltes que j'y ai faites en allant et revenant du BrŽsil.

 

La photographie, que vous avez pratiquŽe, comme en tŽmoignent vos nombreux clichŽs publiŽs, peut-elle fixer ces mondes perdus ?

   Je n'ai jamais attachŽ beaucoup d'importance ˆ la photographie. Je photographiais parce qu'il le fallait, mais avec toujours le sentiment que cela reprŽsentait une perte de temps, une perte d'attention. Pourtant, j'ai beaucoup aimŽ et pas mal pratiquŽ la photographie dans mon adolescence. Mon pre Žtait artiste peintre et bricolait beaucoup la photo. Mais la photographie constitue un mŽtier ˆ part, si je puis dire. Ce que j'ai fait est un travail de photographe au degrŽ zŽro. J'ai publiŽ un livre de photos - Saudades do Brasil, que l'on peut traduire par "Nostalgie du BrŽsil", paru en 1994 - parce que, autour de moi, on a beaucoup insistŽ. L'Žditeur a choisi un peu moins de 200 clichŽs parmi tant d'autres.

    Lors de ma premire expŽdition chez les Bororos, j'avais emportŽ une trs petite camŽra portative. Et il m'est arrivŽ de temps en temps de presser sur le bouton et de tirer quelques images, mais je m'en suis trs vite dŽgožtŽ, parce que, quand on a l'¦il derrire un objectif de camŽra, on ne voit pas ce qui se passe et on comprend encore moins. Il en est restŽ des bribes qui font au total ˆ peu prs une heure de morceaux de films. Elles ont ŽtŽ retrouvŽes au BrŽsil, o je les avais abandonnŽes, et ont ŽtŽ montrŽes une fois au Centre Pompidou. D'ailleurs, je vais vous faire une confession : les films ethnologiques m'ennuient ŽnormŽment.

 

Qu'en est-il du MusŽe de l'Homme ?

   Le MusŽe de l'Homme va vers un nouveau destin. Il a ŽtŽ conu selon une formule trs ambitieuse, mais qui je crois ne rŽpond plus aux rŽalitŽs du moment. Son objet Žtait d'unir la prŽhistoire, l'anthropologie physique, l'ethnographie, qui chacune ont depuis pris des voies divergentes. Pour ce qui est de l'ethnographie, le MusŽe de l'Homme prŽtendait montrer comment vivaient encore en 1920 et 1930 les peuples lointains qu'allaient Žtudier les ethnologues.

    Cela ne rŽpond plus au prŽsent. Si on veut montrer comment vit aujourd'hui une population mŽlanŽsienne, encore inconnue en 1930, il faudrait mettre dans la vitrine des sacs de cafŽ, des Toyota ˆ c™tŽ de quelques ustensiles traditionnels. Et ce serait une image mensongre. L'idŽe directrice du futur musŽe du quai Branly est de recueillir tout ce que ces civilisations ont produit de grand et de beau, en prenant en compte que ce sont des tŽmoignages du passŽ.

    Cela rŽpond trs bien au rapport que ces civilisations peuvent et doivent entretenir avec leur passŽ, et que nous pouvons aujourd'hui entretenir avec elles.

 

Peut-on considŽrer qu'un objet coupŽ de son contexte rituel, communautaire, garde son sens ?

   Un masque qui a une fonction rituelle est aussi une ¦uvre d'art. L'approche esthŽtique ne me trouble pas du tout. Le MusŽe du Louvre est avant tout un musŽe des beaux-arts. Il a donc un esprit, une fonction esthŽtisants. Cela n'a jamais empchŽ l'histoire ni la sociologie de l'art de se dŽvelopper, ni les conservateurs de ce musŽe d'tre de trs bons savants. Le fait de susciter l'intŽrt ou l'Žmotion du public ˆ travers de beaux objets ne m'inquite pas du tout. L'esthŽtique est une des voies qui lui permettra de dŽcouvrir les civilisations qui les ont produits. Et ainsi certains deviendront des historiens, des observateurs, des savants qui se consacreront ˆ ces civilisations.

 

Vous avez aimŽ et collectionnŽ des objets au point de comparer les mythes, sujets de vos recherches, ˆ de "trs beaux objets que l'on ne se lasse pas de contempler". Les aimez-vous encore ?

   J'aime toujours les objets, depuis l'enfance, le bric-ˆ-brac. A une Žpoque, les objets que nous appelions primitifs Žtaient accessibles aux petites bourses. Avec AndrŽ Breton par exemple, quand nous Žtions aux Etats-Unis, nous savions que ces objets Žtaient aussi beaux que ceux des autres civilisations. Et qu'on pouvait les acquŽrir pour presque rien. Tous les objets ont maintenant un cours si ŽlevŽ qu'on ne peut plus que les contempler de loin sans penser les possŽder. Si les conditions Žtaient restŽes les mmes, trs certainement, je collectionnerais toujours. En 1950, j'ai eu des problmes personnels et je devais ˆ tout prix acheter un appartement. C'est ainsi que j'ai dž me sŽparer de ma collection.

    Je vois aujourd'hui passer des objets qui m'ont appartenu. Le Quai Branly a achetŽ un haut de coiffure d'Indien de la c™te nord-ouest du Canada, qui se trouvait, je ne sais pourquoi, dans une collection en province. Il y a au Louvre un masque ˆ transformation kwaktiul. On va en revoir d'autres dans l'exposition organisŽe en mars dans le cadre de l'AnnŽe du BrŽsil au Grand Palais.

    Il y aura lˆ aussi des objets que j'ai collectŽs pour le MusŽe de l'Homme au cours de mes expŽditions. Ceux-ci ont beaucoup souffert pendant la guerre, puis des mauvaises conditions de chauffage. Les coiffures de plumes se sont beaucoup ab”mŽes, les plumes Žtaient collŽes avec de la rŽsine ou de la cire. A l'Žpoque o je ramenais mes collections, on s'imaginait qu'il fallait inonder mes bo”tes d'un dŽsinfectant dont les vapeurs dissolvent prŽcisŽment ces rŽsines.

 

Vous tes mŽlomane, Mythologiques commence par une ouverture et se cl™t sur un finale. Dans Le Cru et le Cuit, le premier des quatre volumes de Mythologiques, vous commencez par le rŽcit d'un chant bororo - l'air du dŽnicheur d'oiseau. Avez-vous analysŽ leur musique ?

   Non, pas du tout, je ne suis pas un ethnomusicologue ; je n'ai pas ŽtudiŽ leurs chants. Quelquefois ils m'ont frappŽ, parfois ils m'ont Žmu. D'ailleurs une de mes premires Žmotions a ŽtŽ les cŽrŽmonies qui se dŽroulaient quand je suis arrivŽ chez les Bororos. Ils accompagnaient leurs chants avec des hochets qu'ils manipulaient avec autant de virtuositŽ qu'un grand chef d'orchestre sa baguette.

    Il se trouve qu'il y a quelques mois j'ai eu la visite de deux Indiens Bororos en compagnie de deux chercheurs de l'universitŽ de Campo Grande du Mato Grosso, la plus proche de leur territoire, et o eux-mmes enseignent. Ils ont voulu pour moi, dans mon bureau du Collge de France, de leur propre initiative, chanter et danser. Eh bien lˆ, c'est prŽcisŽment l'un de ces paradoxes dans lesquels nous vivons : ces collgues bororos conservaient dans toute leur fra”cheur et toute leur authenticitŽ des chants et une musique que j'avais entendus soixante-dix ans auparavant. C'Žtait trs Žmouvant.

    Cela dit, la musique est le plus grand mystre auquel nous soyons confrontŽs. La musique populaire brŽsilienne de mon temps Žtait d'ailleurs extrmement savoureuse.

 

Que diriez-vous de l'avenir ?

   Ne me demandez rien de ce genre. Nous sommes dans un monde auquel je n'appartiens dŽjˆ plus. Celui que j'ai connu, celui que j'ai aimŽ, avait 1,5 milliard d'habitants. Le monde actuel compte 6 milliards d'humains. Ce n'est plus le mien. Et celui de demain, peuplŽ de 9 milliards d'hommes et de femmes - mme s'il s'agit d'un pic de population, comme on nous l'assure pour nous consoler - m'interdit toute prŽdiction...

 

Propos recueillis par VŽronique Mortaigne   Û ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 22.02.05

 

Claude LƒVI-STRAUSS Ethnologue, anthropologue

    Biographie

   NŽ ˆ Bruxelles (de parents franais), le 28 novembre 1908. ƒtudes secondaires ˆ Paris (lycŽe Janson de Sailly), Žtudes supŽrieures ˆ la facultŽ de droit de Paris (licence) et ˆ la Sorbonne (agrŽgation de philosophie, 1931, doctorat s lettres, 1948).

    Aprs deux ans d'enseignement aux lycŽes de Mont-de-Marsan et de Laon, est nommŽ membre de la mission universitaire au BrŽsil, professeur ˆ l'universitŽ de Sˆo Paulo (1935-1938). de 1935 ˆ 1939, organise et dirige plusieurs missions ethnographiques dans le Mato Grosso et en Amazonie.

    De retour en France ˆ la veille de la guerre, mobilisŽ en 1939-1940. Quitte la France aprs l'armistice pour les ƒtats-Unis o il enseigne ˆ la New School for Social Research de New York. EngagŽ volontaire dans les Forces franaises libres, affectŽ ˆ la mission scientifique franaise aux ƒtats-Unis. Fonde avec Henri Focillon, Jacques Maritain, J. Perrin et d'autres l'ƒcole libre des hautes Žtudes de New York, dont il devient le secrŽtaire gŽnŽral.

    RappelŽ en France, en 1944, par le ministre des Affaires Žtrangres, retourne aux ƒtats-Unis en 1945 pour y occuper les fonctions de conseiller culturel prs l'ambassade. Il dŽmissionne en 1948 pour se consacrer ˆ son travail scientifique, devient sous-directeur du musŽe de l'Homme en 1949, puis directeur d'Žtudes ˆ l'ƒcole pratique des hautes Žtudes, chaire des religions comparŽes des peuples sans Žcriture. Il est nommŽ professeur au Collge de France, chaire d'anthropologie sociale, qu'il occupe de 1959 ˆ sa mise ˆ la retraite en 1982. Claude LŽvi-Strauss est membre Žtranger de l'AcadŽmie nationale des sciences des ƒtats-Unis d'AmŽrique, de l'American Academy and Institute of Arts and Letters, de l'AcadŽmie britannique, de l'AcadŽmie royale des Pays-Bas, de l'AcadŽmie norvŽgienne des lettres et des sciences. Il est docteur honoris causa des universitŽs de Bruxelles, d'Oxford, de Chicago, de Stirling, d'Upsal, de MontrŽal, de l'universitŽ nationale autonome du Mexique, de l'universitŽ Laval ˆ QuŽbec, de l'universitŽ nationale du Za•re, de l'universitŽ Visva Bharati (Inde), et des universitŽs Yale, Harvard, Johns Hopkins et Columbia. Il a reu, en 1966, la mŽdaille d'or et le prix du Viking Fund, dŽcernŽ par un vote international de la profession ethnologique ; en 1967, la mŽdaille d'or du C.N.R.S. ; en 1973, le prix ƒrasme ; en 1986, le prix de la fondation Nonino, en 1996, le prix Aby M. Warburg et, en 2002, le prix Meister Eckhart.

    Il a ŽtŽ Žlu ˆ l'AcadŽmie franaise, le 24 mai 1973, en remplacement de Henry de Montherlant (29e fauteuil).

    Grand-croix de la LŽgion d'honneur

    Commandeur de l'ordre national du MŽrite

    Commandeur des Palmes acadŽmiques

    Commandeur des Arts et des Lettres

    Commandeur de l'ordre de la Couronne de Belgique

    Commandeur de l'ordre de la Croix du Sud du BrŽsil

    Ordre du Soleil levant, ƒtoile d'or et d'argent

    Grand-croix de l'ordre du MŽrite scientifique du BrŽsil

 

   Ôuvres

1948    La Vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara 

1949    Les Structures ŽlŽmentaires de la parentŽ 

1952    Race et Histoire 

1955    Tristes Tropiques 

1958    Anthropologie structurale  (Plon)

1961    Entretiens avec Claude LŽvi-Strauss (Georges Charbonnier) 

1962    Le TotŽmisme aujourdÕhui  (PUF)

1962    La PensŽe sauvage  (Plon)

1964    Le Cru et le Cuit 

1967    Du miel aux cendres 

1968    LÕOrigine des manires de table 

1971    LÕHomme nu 

1973    Anthropologie structurale, II 

1975    La Voie des masques (Ždition augmentŽe)  (Plon)

1983    Le Regard ŽloignŽ  (Plon)

1984    Paroles donnŽes  (Plon)

1985    La Potire jalouse  (Plon)

1988    De prs et de loin  (Odile Jacob)

1991    Histoire de Lynx  (Plon)

1993    Regarder, Žcouter, lire  (Plon)

1994    Saudades do Brasil 

1995    Saudades de S‹o Paulo 

 

 

 

Vient de para”tre

 

 

        Le Code NapolŽon, un anctre vŽnŽrŽ ?

            MŽlanges offerts ˆ Jacques Vanderlinden

 

AnnŽe : 2004 Collection : MŽlanges Edition : Bruylant  ISBN : 2-8027-1940-8    Pages : 592 Prix : 95 Û (TVA comprise)

 

RŽsumŽ : En 1967, Jacques Vanderlinden publiait sa thse intitulŽe Le concept de code, et inaugurait plusieurs dŽcennies dÕintense rŽflexion consacrŽe aux sources du droit. Le Centre de droit comparŽ et dÕhistoire du droit de lÕUniversitŽ Libre de Bruxelles, quÕil a fondŽ en 1991, a tenu ˆ rendre hommage ˆ cette partie de son ¦uvre en organisant les 19, 20 et 21 fŽvrier 2004, un colloque international commŽmorant le bicentenaire du Code civil dans une perspective ˆ la fois historique et comparative.

    Le prŽsent ouvrage est le rŽsultat de cette rencontre. Une premire partie analyse la manire dont lÕhistoire du Code NapolŽon a ŽtŽ Žcrite et lÕimage de la codification dans les pays soumis ˆ lÕinfluence de la common law. Une deuxime partie est consacrŽe ˆ la question de la capacitŽ des codes ˆ Žvacuer lÕancien droit. Enfin, la dernire partie examine lÕidŽologie des tentatives actuelles de codification.

    La codification est traditionnellement prŽsentŽe comme un instrument favorisant lÕaccs au droit et participant donc dÕune entreprise de dŽmocratisation. Or, les Žtudes les plus rŽcentes conduisent ˆ nuancer sŽrieusement cette affirmation, en dŽmontrant notamment que les codes rŽalisŽs sont au premier chef destinŽs aux techniciens et emportent des transformations du droit auxquelles le lŽgislateur ordinaire, le parlement composŽ de reprŽsentants de la Nation, est de moins en moins associŽ. Le Code NapolŽon a contribuŽ ˆ alimenter une vision mythique de lÕeffectivitŽ et de lÕopportunitŽ de la codification. A lÕheure o de nouveaux projets sont en chantier, une dŽconstruction de ce mythe contribue ˆ mettre en lumire des alternatives, au sein desquelles la lŽgitimitŽ des diffŽrents modes de formulation du droit est vŽritablement questionnŽe.

 

 

 

 

Appels ˆ communication

 

   30 ans aprs Surveiller et punir de Michel Foucault : repenser le droit de punir

        Colloque international en janvier 2006      Date limite de soumission  :  mardi 15 mars 2005

 

IAHCCJ (International Association for the History of Crime and Criminal Justice) / UNIVERSITE DE GENEVE/ FACULTE DES LETTRES : DŽpartement d'Histoire gŽnŽrale/ FACULTE DE DROIT : DŽpartement de droit pŽnal, DŽpartement d'histoire du droit / GEHMC (Groupe d'Žtudes d'histoire moderne et contemporaine)

CONCEPTION - COORDINATION : Michel Porret (Uni. de Genve)

COMITE ORGANISATEUR : Pierre LASCOUMES (Science po., Paris/CNRS), Pierrette PONCELA (Uni. Paris X/Nanterre), Robert ROTH (Uni. de Genve), Christian-Nils ROBERT (Uni. de Genve), Michel PORRET ; Xavier ROUSSEAUX (Uni. catholique de Louvain)

ASSISTANCE : Fabrice BRANDLI Ð Franoise BRIEGEL - Marco CICCHINI (Uni. de Genve)

COMITE SCIENTIFIQUE : Philippe ARTIERES (CNRS/Paris), FrŽdŽric CHAUVAUD (Uni. de Poitiers), Christoph CONRAD (Uni. de Genve), Clive EMSLEY (Open University/Milton Keynes), Jean-Claude FARCY (Uni. de Bourgogne/Dijon), Beno”t GARNOT (Uni. de Bourgogne/Dijon), Christian GROSSE (Uni. de Genve), Dominique KALIFA (Uni. Paris I, Sorbonne), RenŽ LEVY (CESDIP/CNRS/Paris), Alessandro PASTORE (Uni. de VŽrone), Michelle PERROT (Uni. Paris VII Diderot), Jacques-Guy PETIT (Uni. d'Angers), Mario SBRICCOLI (Uni. de Macerata),Pieter SPIERENBURG (Uni. Erasmus/Rotterdam), Vincent MILLIOT (Uni. de Caen), BŽnŽdict WINIGER (Uni. de Genve).

SECRETARIAT : Colloque 30 ans aprs Surveiller et punir : UniversitŽ de Genve, FacultŽ des Lettres, DŽpartement d'Histoire gŽnŽrale,

Uni Bastions, 3 rue de Candolle, CH-1211 Genve 4. (B‰timent du secrŽtariat : 5, rue Saint-Ours, CH-1211 Genve 4)

TŽl. : ++41(0)22/379.73.71. Fax : ++41(0)22/379.73.71.

CONTACTS PAR COURRIEL : Fabrice.Brandli@lettres.unige.ch    Marco.Cicchini@lettres.unige.ch     Michel Porret@lettres.unige.ch

    Programme en ligne sur le site de l'unitŽ d'histoire moderne : www.unige.ch/lettres/istge/hmo

APPEL A CONTRIBUTIONS :

   Nom, prŽnom et titre de l'auteur, adresse institutionnelle et Žlectronique, titre et rŽsumŽ de 2500 signes : les projets de contributions seront adressŽes avant le 15 mars 2005 ˆ l'une des trois adresses Žlectroniques indiquŽes ci-dessus. Une trentaine de communications seront retenues par le ComitŽ scientifique. Lors du colloque prŽvu pour fin janvier 2006, chaque contribution synthŽtique ne dŽpassera pas 20 minutes afin de laisser le temps ˆ la discussion. Un volume d'actes couronnera le colloque : chaque article mis en forme par son auteur selon les normes fournies en temps opportun ne dŽpassera pas 40 000 signes.

 

   LE 8 FEVRIER 1971, Michel Foucault fonde avec Jean Marie Domenach et Pierre Vidal-Naquet le Groupe d'information sur les prisons (G.I.P.). Il s'agit de rŽpondre ˆ la crise carcŽrale du temps qui dŽfigure l'ƒtat de droit . En 1975, il publie dans la Bibliothque des histoires (Paris, Gallimard) Surveiller et punir. Naissance de la prison. Chez Foucault, l'engagement politique nourrit ainsi le travail intellectuel qui en retour vitalise l'engagement politique. En 315 pages serrŽes et Žcrites ˆ partir de sources normatives qui placent l'intention punitive avant les pratiques du droit de punir, le philosophe-militant repense l'histoire de la pŽnalitŽ classique. Afin de montrer que notre modernitŽ recoupe le projet politique d'une sociŽtŽ disciplinaire et disciplinŽe en ses moindre recoins, fascinŽ par des textes-limites qui universalisent un objet singulier, il inscrit l'histoire de la pŽnalitŽ moderne entre deux emblmes du droit de punir : le supplice anachronique du rŽgicide Damiens (2 mars 1757) qui scandalise l'opinion Ç ŽclairŽe È d'Europe et le Panopticon de Jeremy Bentham, Ç figure architecturale È qui signalerait, ˆ la fin du sicle des Lumires, la Ç naissance de la prison È. AnŽantissement du rŽgicide comme dŽmonstration de la puissance de l'absolutisme de droit divin, utopie utilitariste comme laboratoire de la rŽgŽnŽration sociale de l'homo criminalis, Ç temps des supplices È, Ç temps des prisons È : deux moments successifs du droit pŽnal que Michel Foucault lie dans la dialectique de l'histoire politique du corps puni et de l'‰me redressŽe dans la gŽnŽalogie de la morale et de la discipline modernes. MalgrŽ son caractre unique, le supplice du rŽgicide serait la miniature du rŽgime pŽnal classique dont le syncrŽtisme serait la prison. Depuis trente ans, l'apport de Surveiller et punir a ŽtŽ considŽrable dans la manire d'Žcrire, de rŽŽcrire et de penser l'histoire du droit de punir dans ses liens avec le crime, l'homo criminalis, la sociŽtŽ et les institutions Žtatiques. Les historiens n'ont cessŽ de penser sa mŽthode Ç philosophique È ŽloignŽe des sources de la pratique et marquŽe par une ŽpistŽmologie de la rupture dans l'histoire du droit de punir moderne Ð la rŽvolution comme fin de l'Ancien RŽgime et la prison Ç naissante È comme fin du rŽgime suppliciaire . Par l'Žclat de sa poŽtique narrative et par l'usage excessif de la voix impersonnelle (Ç on È) qui fait parler l'auteur de partout et donc de nulle part, l'ouvrage en a hŽlas occultŽ d'autres plus concrets sur la prison (i.e. Pierre Deyon, Le Temps des prisons, Paris, 1975 ; Robert Roth, Pratiques pŽnitentiaires et thŽorie sociale. L'exemple de la prison de Genve, Genve 1981). En stimulant les recherches, il a entra”nŽ l'enqute minutieuse dans les sources judiciaires pour Žcrire l'histoire sociale, institutionnelle et intellectuelle de rŽgime suppliciaire puis carcŽral (i.e. Michael Ignatieff, A Just Measure of Pain. The Penitentiary in the Industrial Revolution 1750-1850, Londres, 1978 ; Pieter Spierenburg, The Spectacle of Suffering (É), Cambridge, 1984; Jacques-Guy Petit, Ces Peines obscures. La Prison pŽnale en France 1780-1875, Paris, 1990).

    La recherche et l'historiographie contemporaines sur l'histoire des dŽlits et des peines ne peuvent que faire Žcho ˆ la rŽflexion de Michel Foucault sur les Ç quatre grandes formes de tactique punitive È qui forgent toute Ç sociŽtŽ punitive È depuis l'AntiquitŽ jusqu'ˆ aujourd'hui . Il est pourtant restŽ quasi silencieux sur la forme suprme de la sociŽtŽ punitive que l'ƒtat totalitaire institutionnalise dans le rŽgime concentrationnaire du camp. Innombrables sont aujourd'hui les Žtudes (thses, monographies, synthses, articles, mŽmoires de licence et de ma”trise, projets de recherches, enqutes d'histoire orale en milieu policier, judiciaire ou carcŽral, etc.) que marque Surveiller et punir. Par ailleurs, la prison Ð institution punitive qui constitue ds le dŽbut du 19e sicle le Ç revers sombre et obligatoire È du contrat social et de l'ƒtat de droit Ð ne cesse d'tre en crise sur le plan de son fonctionnement, de ses valeurs Ç correctives È et sur celui de sa reprŽsentation sociale. Contre le positivisme juridique et sa conception de l'ƒtat de droit, Michel Foucault pense de manire critique l'histoire et l'actualitŽ du droit de punir que ce colloque abordera 30 ans aprs Surveiller et punir. AdressŽ aux historiens, philosophes et praticiens pŽnalistes, le colloque de Genve interrogera de faon interdisciplinaire l'apport intellectuel de Michel Foucault dans deux domaines :

I. Celui de l'histoire sociale, politique, juridique institutionnelle et culturelle, ainsi que de l'historiographie du crime et du droit de punir.

II. Celui de la philosophie du droit et de la pratique contemporaine du droit de punir.

    CE COLLOQUE veut ainsi nourrir la rŽflexion contemporaine sur la gŽnŽalogie, la motivation, la doctrine et le fonctionnement des normes pŽnales de l'ƒtat de droit. En outre, il permettra de mesurer la dimension anticipatrice de la pensŽe de Michel Foucault sur la gense et la rŽalitŽ d'une sociŽtŽ sŽcuritaire (ou de surveillance gŽnŽrale) qui en Europe et aux Etats-Unis s'est maintenant banalisŽe. En rŽunissant les spŽcialistes du pŽnal autour de Surveiller et punir, ce colloque veut contribuer au dŽbat actuel sur le Ç sens de la peine È dans notre sociŽtŽ dŽmocratique .

MP (20 novembre 2004)

 

 

    ActualitŽs de la "psychohistoire"

    Paris    Date  limite de soumission  :  dimanche 27 mars 2005

 

Le groupe SFPhi (Science-Fiction-Philosophie) du DŽpartement d'Etudes Cognitives (ENS) et de l'Institut d'Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques (CNRS/Paris1/ENS) organise ˆ l'Ecole Normale SupŽrieure (Paris) un atelier samedi 28 mai sur le thme : Ç ActualitŽs de la psychohistoire : Uchronie et space opera, histoire longue durŽe et anthropologie Žvolutionniste, philosophie de l'histoire È

    La science-fiction est souvent vue comme une spŽculation sur le progrs technique ou les thŽories des sciences naturelles. Pourtant, de nombreuses ¦uvres de science-fiction sont des spŽculations sur les savoirs produits par les sciences humaines, que ce soit les uchronies qui s'interrogent sur les possibilitŽs ouvertes par la victoire d'Hannibal ou la dŽcouverte de l'AmŽrique par les Vikings, les space-opera qui imaginent l'Žvolution de mŽga-entitŽs politiques ou encore les ¦uvres de hard science qui spŽculent sur les rapports entre progrs techniques et Žvolution historique.

    Peut-tre parce qu'elle est une spŽculation d'abord enthousiaste sur la science, la science-fiction a souvent mis en avant l'idŽe de dŽterminisme historique et de convergences Žvolutives. Alors que les grandes thŽories comme celles de Condorcet ou de Toynbee sont tombŽes en dŽsuŽtude, les auteurs de science-fiction continuent ˆ jouer avec ces possibilitŽs et certains chercheurs, en Žconomie, en archŽologie, en sciences politiques renouvellent cette approche.

    Un demi-sicle aprs Fondation d'Isaac Asimov et son idŽe de la psychohistoire, science capable de prŽvoir l'Žvolution des sociŽtŽs ˆ grande Žchelle par la combinaison de la psychologie et des mathŽmatiques, qu'en est-il du rapport de la science-fiction ˆ cette idŽe d'Žvolution historique ? La science-fiction peut-elle tre une philosophie de l'histoire et offrir un espace de spŽculation scientifique sur cette question ?

    L'appel s'adresse en prioritŽ aux Žtudiants et aux chercheurs en sciences humaines lisant de la science-fiction et non ˆ des spŽcialistes : il ne s'agit pas d'un atelier sur les ¦uvres de science-fiction, mais sur les idŽes scientifiques et philosophiques dŽveloppŽes dans les ¦uvres de science-fiction contemporaines. Les contributions, qui dureront 20 minutes et seront suivies de 20 minutes de discussion, s'attacheront ˆ discuter la pertinence (mŽta)scientifique de la science-fiction contemporaine en examinant les rapports entre une (ou des) ¦uvre(s) de science fiction et la recherche en sciences humaines.

    Les propositions doivent comporter un titre, un rŽsumŽ (entre 10 et 30 lignes), l'affiliation institutionnelle et/ou science-fictive du participant. Elles sont ˆ envoyer jusqu'au dimanche 27 mars. Nous adresserons notre rŽponse le 3 avril au plus tard.

    Contact : Nicolas Baumard (nicolas.baumard@free.fr) 45, avenue de la RŽpublique, 75011 Paris

 

 

    Les justices militaires en Europe, de l'Ancien RŽgime ˆ nos jours

        Appel ˆ communications/Call for papers Date  limite  de soumission :  jeudi 01 septembre 2005

 

Le GEHMC est heureux d'annoncer l'appel ˆ communication suivant : Fondation de la Maison des Sciences de l'Homme / International Association for the History of Crime and Criminal Justice (IAHCCJ) / Groupe EuropŽen de Recherche sur les NormativitŽs (GERN-CNRS)

Responsable scientifique    RenŽ LŽvy (CESDIP-GERN, CNRS, France)

ComitŽ de pilotage  Jean-Marc Berlire (Univ. de Bourgogne et CESDIP, France), Clive Emsley (Open University, UK), Dominique Kalifa (Univ. Paris 1, France), Michel Porret (Univ. de Genve, Suisse), Herbert Reinke (FU Berlin, Allemagne), Xavier Rousseaux (UCL, Belgique), Mario Sbriccoli (Univ. di macerata, Italie), Jim Sharpe (University of York, UK)

    Parce qu'elle touche ˆ l'un des attributs fondamentaux de la souverainetŽ Žtatique, l'Žtude de la justice militaire se situe au croisement de l'histoire militaire, bien sžr, mais aussi de l'histoire  politique, et de l'histoire de la criminalitŽ et de la justice pŽnale, dont elle constitue en quelque sorte la variante militarisŽe, et dont les questionnements pourraient lui tre utilement appliquŽs.

    Mais alors que les travaux d'histoire de la criminalitŽ et de la justice pŽnale se sont trs fortement dŽveloppŽs au plan international depuis un quart de sicle, l'Žtude de la justice militaire est largement restŽe en friche . Les historiens de la chose militaire, comme ceux de la justice pŽnale semblent avoir fait leur le mot cruel de Georges ClŽmenceau, "La justice militaire est ˆ la justice ce que la musique militaire est ˆ la musique" et ont, en consŽquence dŽdaignŽ cet objet.

    Le prŽsent sŽminaire, qui s'inscrit dans un programme plus ample lancŽ par la maison des Sciences de l'Homme,  voudrait commencer ˆ combler cette lacune, en  mobilisant les chercheurs  des diffŽrents domaines concernŽs et en croisant leurs perspectives. Son objet principal sera de faire le point des Žtudes disponibles au plan europŽen et international  sur le sujet, en vue de la prŽparation Žventuelle d'un colloque ultŽrieur .

 

Programme provisoire

Premire sŽance: Pour une histoire de la justice militaire: modles, sources, pistes (Paris,  2-3  ou 9-10 dŽcembre 2005)

Deuxime  sŽance: Ordre  civil et ordre militaire: les limites de la justice et du droit militaire (Lieu ˆ dŽterminer,  7-8 avril 2006)

Troisime sŽance: Le sytme de justice militaire : criminalitŽ jugŽe , populations-cibles, pŽnalitŽs (Lieu ˆ dŽterminer, 13-14 octobre 2006)

    Les sŽances se dŽrouleront sur une journŽe et demie. Les langues de travail seront le franais et l'anglais (sans traduction).

    Merci d'adresser vos propositions de communications de prŽfŽrence par courrier Žlectronique ˆ

    RenŽ LŽvy CESDIP Immeuble Edison 43 Bd. Vauban F-78280 Guyancourt rlevy@cesdip.com

   Toutes les propositions seront soumises au ComitŽ de pilotage qui est responsable du choix final des intervenants.

 

 

 

 

Formation

 

 

Droit comparŽ des libertŽs fondamentales

  48 boulevard Jourdan, 75014 Paris,  salle 10, jeudis de 10h30 ˆ 12h 30

    SŽminaire dirigŽ par le professeur J.-L. HalpŽrin

 

10 mars: la libertŽ dÕopinion

17 mars: la libertŽ dÕexpression et les media

24 mars: lÕƒtat et les religions

31 mars: la la•citŽ

7 avril: lÕƒtat et lÕŽducation

12 mai: les libertŽs linguistiques

19 mai: la libertŽ de rŽunion

26 mai: la libertŽ dÕassociation

 

 

Les codifications du point de vue de la thŽorie du droit

   45, rue dÕUlm, 75005 Paris, salle Beckett, les lundis de 10h30 ˆ 12h30

  SŽminaire dirigŽ par le professeur J.-L. HalpŽrin

 

    14 mars: le code autrichien de 1811 ; autour de lÕexpansion du modle franais

    21 mars: dŽbats en Grande-Bretagne et aux ƒtats-Unis

    4 avril: autour du BGB

    9 mai: autour du ZGB

    16 mai: normativisme et codification

    23 mai: rŽalisme et codification

    30 mai: les codifications de la fin du XXe sicle

 

 

Perspectives nouvelles en histoire de la justice

   SŽminaire de l'Institut d'Histoire du Droit de l'UniversitŽ de Paris II (FRE 2818)

    Sauf prŽcision contraire, les sŽances se tiendront le vendredi de 17h ˆ 19 h, salle des commissions de l'UniversitŽ Paris II-PanthŽon-Assas, 12, place du PanthŽon, 75005 Paris.

 

M. Evanghelos KarabŽlias, le 11 fŽvrier : Ç Le rapport entre l'histoire du droit grec ancien et l'histoire du droit romain È

M. Stamatios Tzitzis, le 25 fŽvrier, avec M. Jean-Pierre Airut, chargŽ de cours ˆ l'universitŽ Paris V : Ç Retour sur Bentham. Nouvelle lecture, nouvelle critique È

M. Gabor Hamza, professeur ˆ l'UniversitŽ Eštvšs Lorand de Budapest, le 18 mars de 15 ˆ 17 heures : Ç Les traditions du droit romain et du droit romano-byzantin en Europe de l'Est È

Mme Isabelle Storez-Brancourt, le 15 avril : Ç Parlement, rŽvoltes et RŽvolution : une recherche sur Site È. Aux Archives nationales, 60, rue des Francs-Bourgeois, Paris 3e, ˆ 17 h. prŽcises

Mme Barbara Anagnostou-Canas, avec Melle Alexandra Philip-StŽphan, le 13 mai : Ç Nouveau regard sur l'histoire de la justice dans l'Egypte ancienne È

M. Robert Carvais, le 27 mai, Ç Les justices sommaires È, avec Mme Simona Cerutti, directeur d'Žtudes ˆ l'EHESS, ˆ l'occasion de la parution de son ouvrage Giustizia sommaria, Pratiche e ideali di giustizia in una societˆ di Ancien RŽgime, Milan, Feltrinelli

Mme Anne Teissier-Ensminger, le 10 juin, avec M. Robert Jacob, directeur de recherches au CNRS : Ç Les prolongements de Le droit sans la justice et des thŽories de Lucien Franois È

    Contact : Robert Carvais (rcarvais@noos.fr)

 

 

 

La force publique et ses usages

   SŽminaire le jeudi 7 avril 2005 ˆ 20h30 ˆ Paris

    Lieu : Maison fraternelle 37, rue Tournefort 75005-Paris MŽtro : Place Monge (ligne 7)

 

    Avec Fabien Jobard, docteur en science politique, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pŽnales (CNRS).

    Fabien Jobard travaille ˆ l'analyse des effets sociaux des lois sur la sŽcuritŽ et des institutions policires en France et en Europe. Sans traquer les responsabilitŽs individuelles de policiers dŽviants ni, au contraire, lire dans chaque fait violent l'aveu d'une nature systŽmatiquement rŽpressive de l'ƒtat, l'auteur Žclaire les raisons de ces violences. Ë Žgale distance du soupon et du dŽni, il restitue tout ce qui les rend possibles et contribue ainsi ˆ l'Žlaboration d'une thŽorie de la force publique.

    Fabien Jobard a consacrŽ un livre sur ce sujet qui a ŽtŽ publiŽ aux Žditions La DŽcouverte en avril 2002 (135x220 - 300 pages - 23 Û - Textes ˆ l'appui / Politique et sociŽtŽ - 2-7071-3502-X)

Participation aux frais : 5 euros Seniors, Etudiants, ch™meurs, RMI : 3 euros

    Contact  :  ACAT Paris V , 13, rue Cujas, 75005-Paris

 

 

 

 

Information

      

 

ƒDITION

Le sacre de Jean Malaurie et de "Terre humaine"     LE MONDE | 18.02.05

 

    FondŽe par le gŽographe et auteur des "Derniers rois de ThulŽ", la cŽlbre collection des Žditions Plon fte son cinquantenaire. En 85 livres, elle a rŽvolutionnŽ le rŽcit ethnographique. Elle fait alterner les grands auteurs, comme Claude LŽvi-Strauss, et les tŽmoins anonymes.

 

   Quatre-vingt-cinq couvertures de livres sont agrandies sur les murs de la Bibliothque nationale de France. Cette exposition raconte l'histoire de la collection "Terre humaine", ŽditŽe par Plon, qui fte ses cinquante ans d'existence. Une collection qui a renouvelŽ le rŽcit ethnographique et le tŽmoignage documentaire.

    Personne avant "Terre humaine" n'a su magnifier ceux que James Agee, un auteur maison, appelle justement les "grands hommes" : un mŽtayer amŽricain, un Indien d'Amazonie, un mineur de fond, un pcheur de morue, un chasseur du Gro‘nland, un paysan africain ou un SDF.

   "Cette exposition ˆ la Bibliothque nationale est un honneur que n'a eu aucune collection prestigieuse, ni la NRF ni la PlŽiade", fait remarquer avec orgueil Jean Malaurie, "anthropogŽographe" et spŽcialiste des Inuits. A 82 ans, le crŽateur de "Terre humaine" savoure un rare moment de gloire.

    Il a ŽtŽ reu ˆ l'ElysŽe, mardi 15 fŽvrier, par Jacques Chirac, qui a cŽlŽbrŽ au cours d'un hommage public cette "formidable et exaltante aventure Žditoriale". Fin 2004, une plaque a ŽtŽ apposŽe sur le mur de sa maison natale.

    Ce n'est pas tout. Plusieurs livres racontent cette aventure Žditoriale. Une anthologie de "Terre humaine" est publiŽe en livre au format de poche. Pierre AurŽgan consacre une "radiographie" de cette "vŽritable bibliothque de la condition humaine". Citons encore un album illustrŽ qui s'attache au parcours de Jean Malaurie, dont les innombrables portraits recensent toutes les Žtapes de sa vie. La presse, la radio, la tŽlŽvision multiplient depuis quelques jours les entretiens avec le patron de la collection.

    L'annŽe 2005 est donc un sacre pour Jean Malaurie, personnage ˆ l'ego surdimensionnŽ. Ce robuste octogŽnaire au teint rose, au verbe haut, nŽ ˆ Mayence, en Allemagne, est droit comme un chne. Si sa crinire a blanchi, ses Žpais sourcils sont restŽs noirs. Il est difficile de l'interrompre lorsqu'il dŽroule la saga de "Terre humaine", insŽparable de sa propre histoire.

    Son pre Žtait professeur ˆ Mayence, ville occupŽe par les Franais, au lendemain de la premire guerre mondiale. Le jeune Malaurie y passa ses huit premires annŽes. "Un de mes souvenirs les plus anciens, indique-t-il, c'est, en compagnie de mon pre, une traversŽe ˆ pied du Rhin entirement gelŽ." C'est peut-tre ici qu'il ressentit pour la premire fois l'appel du p™le.

    Plus tard, on le retrouve au lycŽe Henri-IV, o il prŽpare l'Ecole normale supŽrieure. C'est la guerre, l'Occupation, son pre est mort. Interne, absorbŽ par ses Žtudes, le jeune homme est soudain ramenŽ ˆ la rŽalitŽ par le service du travail obligatoire (STO), qui veut l'envoyer en Allemagne.

DE LA GLACIOLOGIE AUX INUITS

   Du coup, il bascule dans la RŽsistance. "J'ai mesurŽ pendant la guerre le caractre pŽrilleux de la philosophie et les limites de la pensŽe occidentale, affirme-t-il aujourd'hui. La LibŽration a ŽtŽ aussi celle des esprits, la dŽcolonisation, la dŽcouverte de l'autre. J'ai donc dŽcidŽ de reprendre mes Žtudes en commenant par le dŽbut : la gŽographie, les structures physiques, la pierre..."

   C'est sous la direction d'un gŽographe rŽputŽ, Emmanuel de Martonne, que Jean Malaurie travaille dŽsormais. Il a choisi une voie ingrate, celle de la glaciologie, les effets du froid sur la pierre. Il est sur le terrain lˆ o les Žcarts de tempŽrature sont le plus ŽlevŽs, d'abord au Sahara, puis au Groenland.

    Le Grand Nord sera son chemin de Damas. "Je suis parti pour ThulŽ avec ma seule solde d'attachŽ de recherche au CNRS. Ce sŽjour a changŽ ma vie : je suis passŽ de la pierre ˆ l'homme." Il y rencontre des tres exceptionnels, endurcis par une vie prŽcaire, au sein de communautŽs fragiles. Il est stupŽfait de constater que les Inuits "primitifs" qu'il c™toie ont une pensŽe aussi complexe que n'importe quel universitaire occidental, qu'ils dŽveloppent une vŽritable philosophie de la nature.

    "Ce qui les prŽoccupe, c'est l'au-delˆ dans lequel ils s'inscrivent", insiste l'ethnologue. La dŽcouverte, en 1951, d'une base nuclŽaire secrte amŽricaine en cours de construction ˆ ThulŽ - nous sommes en pleine guerre froide -, qui menace le territoire des Inuits, dont il partage l'existence depuis des mois, le fait bondir. Ce sera la matire de son premier livre : Les Derniers Rois de ThulŽ, qui, au fil des rŽŽditions, va passer de 400 ˆ 800 pages.

    Ce livre est le premier volume de la collection "Terre humaine", dont Charles Orengo, directeur des Žditions Plon, va accepter le projet. Le second titre, publiŽ la mme annŽe (1955), Tristes tropiques, de Claude LŽvi-Strauss, un des livres majeurs du XXe sicle, assied immŽdiatement la collection.

    Sans attaches idŽologiques particulires, Jean Malaurie revendique son indŽpendance d'esprit et se veut dŽgagŽ de toute obŽdience politique : "Je suis un homme de libertŽ et de paix." Il publie aussi bien Jacques Soustelle, partisan de l'AlgŽrie franaise, que le tiers-mondiste uruguayen Eduardo GalŽano.

    La collection "Terre humaine" est exemplaire mais a des trous. Ainsi, aucun titre ne concerne les pays de l'Est. Le monde socialiste y est introuvable. La Russie est abordŽe par un seul volume, Un village russe, d'Ivan Stoliaroff, qui traite de la rŽgion de Voronej entre 1880 et 1906 - soit bien avant la RŽvolution.

    La Chine contemporaine n'est ŽvoquŽe que de manire quasi hagiographique : Fanshen, un livre de tŽmoignage sur les communes populaires rŽdigŽ par un militant mao•ste amŽricain, William H. Hinton. Jean Malaurie fait remarquer que ce livre lui a ŽtŽ recommandŽ par Jacques Soustelle et qu'il a refusŽ le second volume. Pour le reste, il affirme "ne pas avoir trouvŽ de bons titres" sur ces pays.

UN MANDARIN DES BANQUISES

   Il est vrai que le responsable de "Terre humaine", ˆ qui l'historien Fernand Braudel avait confiŽ la direction d'un Centre d'Žtudes arctiques, entretient depuis longtemps des rapports complexes avec le monde soviŽtique. Malaurie s'est rendu ds 1959 ˆ Leningrad, ˆ l'invitation de l'Institut arctique et antarctique de l'URSS.

    Un programme d'explorations pluridisciplinaires franco-russe est alors ŽvoquŽ, ainsi que la crŽation d'une "Ecole du Nord". "Le ministre franais des affaires Žtrangres a torpillŽ cette initiative, qu'il jugeait prŽmaturŽe", explique Jean Malaurie, qui nŽanmoins continuera d'Žtudier ˆ Moscou et ˆ Leningrad les archives du Grand Nord russe. Et qui restera prudent (conciliant, diront certains) vis-ˆ-vis du bloc de l'Est, dans l'espoir (toujours diffŽrŽ) de monter une expŽdition.

    En dŽpit de son dŽdain affichŽ des honneurs, Jean Malaurie mne sa carrire avec le sens consommŽ d'un mandarin des banquises. Son impressionnant carnet d'adresses pallie ses relations souvent tendues avec le monde universitaire, dont il brocarde volontiers l'"obŽsitŽ". Ce qui lui vaut quelques retours de b‰ton : en mai 1981, quelques-uns de ses confrres franais et canadiens, spŽcialistes du Grand Nord, lui ont reprochŽ dans Le Monde d'tre sinon un imposteur, du moins un illusionniste.

    Cette sortie l'a touchŽ au vif. Mais le poids de "Terre humaine" Žtait suffisant pour lui faire oublier les coups de griffe de ses confrres. "Terre humaine" est son grand ¦uvre, qui lui permet de tutoyer les dieux.

Emmanuel de Roux

 

Des rŽcits ˆ la premire personne       LE MONDE | 18.02.05

   Le tirage global des 85 ouvrages de "Terre humaine" atteint 5,5 millions d'exemplaires pour l'Ždition courante chez Plon. Avec l'Ždition de poche, on doit fr™ler les 9 millions. 40 % de ces titres sont des traductions. Les auteurs franais ont presque tous eu les honneurs d'une traduction dans une ou plusieurs langues Žtrangres : 26 pour Tristes Tropiques de Claude LŽvi-Strauss, 15 pour Les Derniers Rois de ThulŽ, de Jean Malaurie, les deux premiers - et cŽlbres - numŽros de la collection. Mais l'exploit de "Terre humaine" est d'avoir fait lire les rŽcits de ces vies ordinaires ˆ un large public.

    Les premiers volumes sont signŽs par les grands noms de l'ethnologie : Georges Balandier, Francis Huxley, Margaret Mead, Georges Condominas, Jacques Soustelle, Robert Jaulin... Et surtout - apport essentiel - "ce ne sont pas des thses universitaires, mais des livres Žcrits ˆ la premire personne, avec un ton et un style singulier", prŽcise Jean Malaurie. Le cahier photographique, systŽmatiquement placŽ au centre de chaque ouvrage, est Žgalement essentiel par sa faon de renforcer le rŽcit documentaire, au plus prs des gens.

LE TOURNANT DU "CHEVAL D'ORGUEIL"

   La collection prend un nouveau tournant en 1975 avec la publication du Cheval d'orgueil, de Pierre-Jakez HŽlias. Avec lui, les anonymes, les sans-nom prennent la parole. Ils s'expriment eux aussi ˆ la premire personne - sans pour autant tomber dans le folklore et l'anecdote. "Ce sont des livres de passeurs, indique Jean Malaurie. Il s'agit de passer de l'oralitŽ ˆ l'Žcrit et d'une culture ˆ l'autre. La grande difficultŽ est d'Žviter les contre-sens comme les fausses notes. Pour certains de ces livres, on peut parler d'interprŽtation, comme en musique." Avec 600 000 volumes vendus dans la seule Ždition cartonnŽe, Le Cheval d'orgueil est un best-seller inattendu.

    Du coup, les ventes de la collection, fragile sur le plan Žconomique, se mettent ˆ dŽcoller. "Terre humaine" a le vent en poupe. Les souvenirs du serrurier Lucas, du capitaine de pche Jean Recher, du mineur de fond Augustin Viseux, du curŽ de campagne Bernard Alexandre ou des meuniers occitans Jean et Huguette BŽzian rencontrent le succs. Quelques grands textes littŽraires, comme l'EtŽ grec, de Jacques Lacarrire, profitent de cette aura. Au passage, Jean Malaurie annexe des chefs-d'¦uvre dŽjˆ ŽditŽs : Les ImmŽmoriaux, de Victor Segalen, puis Les Iks, de Colin Turnbull, ou L'Accent de la mre, de Michel Ragon.

    Aprs les ignorŽs de l'histoire, "Terre humaine" se penche sur les marginaux, condamnŽs ˆ mort, emprisonnŽs ˆ perpŽtuitŽ, damnŽs de la terre... Parmi eux Les NaufragŽs, de Patrick Declerck, consacrŽ aux clochards parisiens : une impitoyable descente aux enfers.

    Emmanuel de Roux

    Û ARTICLES PARU DANS L'EDITION DU 19.02.05

 

 

 

 

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Documents de travail du SŽnat franais

    La lutte contre les violences conjugales

     ƒtude de lŽgislation comparŽe n¡ 144 de la division des Žtudes de lŽgislation comparŽe

    Lire le document : http://www.senat.fr/lc/lc144/lc144.html

 

 

Rapport du mŽdiateur de l'Ždition publique pour l'annŽe 2003

    Les presses universitaires ont pour la premire fois transmis leurs informations ˆ la mŽdiatrice et sont ainsi prises en compte dans cette intŽressante analyse.

   http://www.ladocumentationfrancaise.fr/brp/notices/054000142.shtml

CommŽmoration du centenaire de la mort de Jules Verne

    Les programmes du centenaire ˆ Amiens et ˆ Nantes

    http://www.julesverne.fr

 

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