DHDI
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Etaient présents : DIOT Bénédicte (INALCO),
Eberhard Christoph (LAJP), Innak Rose (LAJP), Madjri Loïc (LAJP), Maldonado
Maria Mercedes (LAJP) et Nké Eyebe Véronique.
L'un des bénéfices qu'offre la session d'enseignement estivale
sur les droits de l'homme à Strasbourg est la diversité des
origines de ses participants qui sont environ 400, qui viennent de toutes
les régions du monde et dont certains sont juristes, d'autres praticiens
du droit (avocats, magistrats, policiers ...), d'autres étudiants,
journalistes, fonctionnaires, militants d'ONG nationales et internationales
...
Le thème de la session était "Le cinquantième anniversaire
de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme" et sa
problématique consistait à voir "dans quelle mesure la mise
en oeuvre des droits de l'homme est (...) affectée par les grands
défis de la fin de siècle". La réponse à une
telle question ne peut être obtenue qu'en trois étapes : la
première nous amenant à nous demander ce qu'est la
déclaration universelle des droits de l'homme, quels sont ses fondements
et ses objectifs (1) ; la deuxième nous conduisant à
nous interroger sur les conséquences directes ou indirectes de cette
déclaration dans le cadre international, régional et même
national (2) ; la troisième et dernière étape
nous amenant à recenser les obstacles à cette mise en oeuvre,
les freins, les grands défis du 21ème siècle et les
solutions qui peuvent être ébauchées (3).
(1) Qu'est ce que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
(DUDH) ? Quels sont ses fondements, ses objectifs ?
Au lendemain de la seconde guerre mondiale tout le monde est unanime sur
le respect de la dignité humaine en se disant "plus jamais cela".
Lors de la conférence de San Francisco en 1945 créant l'ONU,
l'unanimité est totale sur le fait d'adopter un texte fondamental
de protection des droits de l'homme. Ce voeu s'accomplit le 10 décembre
grâce à l'oeuvre de René Cassin et de Mme Roosevelt.
Quant aux fondements, il existe des discussions et différentes
thèses sur ceux-ci néanmoins on retient des fondements historiques,
philosophiques, anthropologiques et théologiques. Pour ce qui est
de notre groupe de travail seuls les fondements philosophiques et
anthropologiques nous concernent. Quand on regarde des philosophes comme
Thomas Hobbes dans le Léviathan (l'homme y est vu comme étant
un loup pour l'homme) ou comme John Locke ou Jean-Jacques Rousseau sa
véritable motivation apparaît comme étant la recherche
de sécurité. C'est parce que l'homme recherche la
sécurité qu'il est obligé de passer par une
déclaration détaillant les droits à protéger,
d'où une déclaration universelle de ces droits.Mais la question
principale est celle de la nature humaine. Est-elle universelle, connaissable
par la raison ?
Les objectifs : premièrement il s'agit de protéger la dignité
humaine, la valeur que chacun possède en tant qu'être humain
(cf. l'impératif de Kant pour qui il ne faut pas considérer
l'Homme comme un moyen mais comme une fin). C'est pourquoi on condamne la
torture. Cependant une véritable révolution vient des travaux
du philosophe indien Raimundo Panikkar qui dit que la déclaration
des droits de l'homme n'est pas universelle mais universaliste. Pour lui
aucun concept n'est universel, tout concept est valable par rapport au lieu
où il a été conçu. Les postulats qui servent
de base à la DUDH sont absents dans les autres sociétés
comme par exemple dans les société indienne ou africaine qui
ont d'autres moyens de protection des individus. Pour lui l'universalité
est "requise" et non "acquise". Il évoque le droit à la
différence. Sa méthode est l'herméneutique diatopique
(une méthode qui consiste à rechercher des équivalents
fonctionnels de nos propres réalités dans d'autres
sociétés (homéomorphie). En occident, par exemple, c'est
la déclaration universelle des droits de l'homme qui protège
la dignité humaine - en Afrique celle-ci passe à travers la
coutume. Il est intéressant de se reporter à des auteurs comme
Norbert Rouland, Etienne Le Roy, Boaventura de Sousa Santos. Pour ces chercheurs
les droits de l'homme peuvent accéder à l'universel à
travers deux approches du dialogue interculturel : la première vise
à la compréhension de l'autre, la deuxième à
un métissage des conceptions pour arriver à une nouvelle conception
des droits de l'homme (Le Roy, de Sousa Santos).
(2) La mise en oeuvre de la DUDH. Ses conséquences directes
ou indirectes dans les cadre international, régional et national
Forte de ses trente articles , la DUDH peut être considérée
comme le texte de base de la protection des droits de l'homme. Sur le plan
international c'est elle qui inspire les instruments internationaux relatifs
aux droits de l'homme (la Charte des Nations unies, les deux pactes relatifs
aux droits économiques et aux droits civils et politiques, la Convention
contre la torture, la discrimination). Sur le plan régional elle inspire
la Convention Européenne des Droits de l'Homme, la Convention
Interaméricaine des Droits de l'Homme, la Charte Africaine des Droits
de l'Homme. Sur le plan national les principes de la déclaration
apparaissent dans presque toutes les constitutions modernes. Son influence
se manifeste également dans le droit interne de certains pays à
travers la ratification de conventions et de traités internationaux
et de leur applicabilité directe (cf par exemple l'article 55 de la
Constitution française conforté par l'arrêt Nicolo de
1989). On retrouve également ce principe dans la Convention
Interaméricaine des Droits de l'Homme qui développe une
jurisprudence pour la protection des droits de l'homme permettant à
tous les ressortissants des états signataires d'introduire des
requêtes individuelles sans conditions de nationalité en s'appuyant
sur n'importe quel article de ces conventions qui souvent reprennent les
articles de la DUDH.
(3) Les obstacles à la mise en oeuvre de la DUDH. Les grands
défis face au 21ème siècle.
La DUDH était une réponse au massacre de la deuxième
guerre mondiale. Mais on assiste encore aujourd'hui à des guerres,
à des purifications ethniques, à des guerres économiques
à travers la mondialisation. S'y ajoutent la mauvaise répartition
des richesses et la misère qui touche plus de la moitié de
la population mondiale sans oublier les avancées scientifiques (comme
par exemple dans le domaine de la génétique), l'apparition
de nouveaux médias (internet) qui lancent de nouveaux défis
pour la protection de la dignité humaine. Il faut repenser une nouvelle
fraternité entre les peuples au moment où il y a plus de guerres
en Afrique et en Europe et des massacres fondés sur les religions.Il
faut repenser à l'éducation et à la promotion des droits
de l'homme pour la paix et la sécurité internationale, lutter
contre le sous-développement et les inégalités sociales
et repenser la prédominance de la solidarité. Sinon la
Déclaration va rester lettre morte au lieu de jouer le rôle
qui lui a été assigné : conforter la fraternité
entre les individus en vu de protéger les droits de l'homme et la
dignité humaine. L'universalité des droits de l'homme doit
passer par le dialogue interculturel sinon sinon les violations des droits
de l'homme se multiplieront.
Débat
Il a surtout permis de faire partager "l'ambiance qui régnait pendant
cette formation". Il semblait qu'une question centrale préoccupant
tous les participants était celle de savoir comment rendre
"concrète" la DUDH et effective la protection des droits de l'homme.
Il semblait y avoir une unanimité sur le fait qu'avant tout les droits
de l'homme doivent être une réalité de tous les jours.
Le rôle de l'éducation semblait primordial dans cette perspective.
La prévention doit être repensée et valorisée
(au niveau éthique, économique, juridique). Les droits de l'homme
ne peuvent (ne doivent) pas se résumer "à ce qui est écrit
dans les livres". Certains intervenants semblaient un peu déconnectés
des réalités de la base ou pratiquaient de par leur fonction
la langue de bois. Les échanges entre participants se sont
révélés très enrichissants et on y a aussi
débattu l'émergence d'une nouvelle éthique.