DHDI
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Etaient présents : Caravajal Liliah (IHEAL), de Graverol Gaël
(INALCO), Eberhard Christoph (LAJP), Gbago Barnabé Georges (LAJP),
Huyghebaert Patricia (Juristes-Solidarités), Martin Boris
(Juristes-Solidarités), Nké Eyebe Véronique (LAJP) et
Soykan Muazzez (INALCO).
(1) Exposé
"Les droits de l'homme sont à leur zénith, mais ils font
problème" (Michel Villey). La conscience humaine est, nous semble-t-il,
la seule autorité capable de décider quelle vérité
est assez bonne pour mériter d'être imposée à
l'humanité entière. Mais les valeurs fondatrices d'une conscience
d'aussi vastes dimensions nous manquent aujourd'hui (A. Camus). L'universalisme
dont il est question ne sert-il pas d'alibi pour détruire l'autre
dans sa culture ? Il n'est qu'à relire les articles 16 et 17 de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (relatifs respectivement
au mariage et à la propriété) pour s'en rendre compte.
Qu'un "jus cogens" ou qu'un "noyau intangible" des droits de l'homme traverse
toutes les cultures humaines, c'est un fait désormais constaté
mais non encore construit. Une approche diatopique suppose avant tout l'existence
d'une communauté universelle des droits puis un consensus sur le contenu
de ces droits : c'est l'approche dialogale qui a manqué à
l'actuelle Déclaration dite Universelle des Droits de l'Homme.
Les droits africains (donc béninois), les vécus et les relations
juridiques de cette partie du monde ne sont pas reflétés par
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. A titre d'exemple,
l'ordre imposé d'en haut par l'Etat se conjugue ici avec un ordre
négocié au sein des sociétés. La catégorie
du sacré, si importante dans l'univers béninois, n'existe nulle
part dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Avant
tout consensus, il faut une définition interculturelle du Droit, cette
normativité spéciale (le système juridique) qui ne
naît pas ex nihilo mais dans un "champ juridique", au sein d'autres
systèmes normatifs (morale, religion, jeu...). Les Béninois
cèdent une partie de leurs cultures afin de mieux s'imprégner
de la culture occidentale véhiculée par le droit international
des droits de l'homme (le statut des femmes, le statut des enfants, la place
des cadets...).
En retour ils sont conscients de tout l'apport que leurs cultures pourraient
donner à ce couple Personne/Pouvoir si fondamental dans la théorie
et dans la praxis des droits de l'homme : la structuration sociale et le
"pluralisme cohérent de la personne" (L.V. Thomas). A titre
d'illustration, la richesse sémantique de la notion de personne :
cinq à sept vocables pour décrire les composantes de la personne
humaine qui se prolonge au-delà de la mort. Il existe donc un
surcroît d'être, part sacrée et immuable. Le corps se
fond dans l'entourage, l'héritage et l'innéité pour
faire corps avec le monde. Ainsi, des contraintes imposées à
l'homme participent de son fonctionnement psychique. La scission de la
personnalité (cf. le double de Dostoïevski, le Horla de G. de
Maupassant ...) trop fréquente dans les sociétés
individualistes et en voie de déstructuration, menace les élites
béninoises gagnées par l'universalisme.
La notion de dignité humaine (noyau intangible) est restaurée
dans un espace de communication et d'échange, logique fonctionnelle
et permanence du droit de la solidarité. Témoins, la persistance
de l'ordre territorial béninois et de l'ordre religieux (la parenté,
de moins en moins) comme antidotes au pouvoir et comme protection des personnes.
L'enrichissement de l'idée de l'homme et les conditions sociales de
liberté constituent les insuffisances théoriques de la
théorie des droits de l'homme. La conception de modèles et
de concepts homéomorphes permettront de relever ces défis de
la complexité et d'aborder la discussion à partir des valeurs
propres. Aujourd'hui il est vain de vouloir chercher à conquérir
culturellement les pays lointains. A moins que l'objectif ne soit d'appauvrir
l'idéal démocratique.
(2) Discussion
Les débats ont essentiellement porté sur la perception africaine
des droits de l'homme aujourd'hui, et sur la problématique de l'arbitraire
de l'Etat néocolonial et de ses suppôts locaux (policiers,
gendarmes, fonctionnaires ...). La question de la pertinence au Bénin
(et en Afrique) de la théorie contemporaine des droits de l'homme
a été abordé. La théorie des droits de l'homme
est elle inutile aujourd'hui au Bénin (et en Afrique) ? Cela dépend
de la définition donnée. La référence à
une subjectivité individuelle et l'expression suprême d'un droit
subjectif relèvent d'une construction ou d'une fiction juridique
occidentale peu compréhensible par les Béninois, i.e. d'une
approche abstraite et spéculative, loin des réalités
de terrain.
De toute évidence, il convient d'effectuer une dichotomie entre les
instances étatiques et sociétales. Les premières gagneraient
à être formées au respect de la dignité de toute
personne humaine - riche ou pauvre - et devraient contribuer à
désarmer toute tendance hégémonique des dirigeants
politiques. Quant aux secondes, il convient de prévoir en leur sein
des mécanismes de régulation sociale par consensus et
peut-être devraient-elles être associées au premières
dans l'exercice du pouvoir. Ainsi le constituant béninois n'a pas
à s'inquiéter de prévoir une seconde Chambre où
seraient représentés les ressortissants de toutes les instances
sociétales.
Quant à la question de savoir ce qui pourrait protéger efficacement
contre les pouvoirs, il faut noter que la société a toujours
joué le rôle de limite à l'absolutisme politique, autour
principalement de la notion du sacré (et de la magie) au pays du vodoun.
Et ce n'est pas un hasard que l'Archevèque de Cotonou eut à
calmer les passions lors de la Conférence Nationale du Bénin,
contribuant ainsi à la pacification du pays. Outre l'ordre religieux,
l'ordre territorial ou parental constitue également un antidote visible
ou invisible au pouvoir arbitraire (quoi qu'à un moindre niveau de
nos jours).
Enfin a été abordé la nécessité dans le
contexte béninois de repenser les termes "droit" et "homme" en ne
les pensant non plus dans la tradition moderne occidentale, mais à
partir des traditions animistes du Bénin.
N.B. : La thèse Contributions Béninoises à la
Théorie des Droits de l'Homme, où sont approfondies les
idées exposées ci-dessus, est consultable au LAJP. Rappelons
aussi que les enregistrements de tous les séminaires sont disponibles
au LAJP.
(3) Informations relatives au groupe de travail
Pour refléter la diversité de nos perspectives et afin de permettre
l'émergence d'un véritable dialogue au sein de notre groupe
de travail, nous avons décidé que ce sera toujours celui qui
animera le séminaire qui en fera le compte rendu : ainsi le
résumé de son intervention reflétera vraiment sa propre
perspective et le compte rendu des débats chaque fois écrit
par un autre membre du groupe nous permettra d'approcher ce que nous partageons
au travers de nos différentes perspectives (quelle meilleure façon
de pratiquer le diatopisme si indispensable à l'émergence de
tout véritable dialogue ?? !!!).
Exceptionnellement nous nous réunirons à nouveau la semaine
prochaine (11/02/1998). Patricia et Boris nous ferons une présentation
de Juristes-Solidarités et Serge Diebolt qui s'occupe du site internet
"Droit et Société" nous rejoindra. Nous en profiterons pour
discuter de possibles collaborations. Puis deux semaines de vacances et retour
à notre rythme habituel le 04/03/1998.
Enfin, pour les retardataires, essayez de penser aux 10 FF et à la
cassette (normale, pas chrome) de 90 minutes pour enregistrer les
séminaires !!! A bientôt !!!