DHDI


groupe de travail Droits de l'Homme et Dialogue Interculturel

Compte-rendu du séminaire du 11/02/1998
portant sur la présentation de Juristes-Solidarités et discussion sur la création d'un site internet avec l'aide de Droit& Société

Présents : Caruajal Liliah (IHEAL), de Graverol Gaël (INALCO), Eberhard Christoph (LAJP), Gbago Barnabé Georges (LAJP), Huyghebaert Patricia (Juristes-Solidarités), Martin Boris (Juristes-Soldarités), Nké Eyebe Véronique (LAJP), Soykan Muazzez (INALCO), Ngo Innack Rose (LAJP), Corinne et Serge Diebolt (Paris I Sorbonne, Droit & Société), Parmentier Ingrid (LAJP), Zelmar Stéphane (INALCO), Anne Lally.

Présentation de Juristes-Solidarités

Créé en 1989, Juristes-Solidarités est un réseau international d'information et de formation à l'action juridique et judiciaire qui soutient, dans les pays des Suds et des Nords, des groupes ayant des pratiques alternatives de droit .

Par pratiques alternatives de droit, il faut entendre toutes démarches visant à rendre les populations actrices, voire productrices de droit(s).Ces pratiques qui partent des gens et de leurs préoccupations comprennent d'abord l'information, la formation, la démystification du droit, de ses appareils et de ses professionnels, puis débouchent sur l'utilisation du droit quand il est bénéfique, sa neutralisation quand il est négatif, voire sur la production de droit(s).

Les groupes ayant de telles pratiques sont des groupes locaux, pluridisciplinaires, basés dans les différentes régions du monde et visant à favoriser un changement d'attitude des plus démunis concernant leurs propres droits (réappropriation du droit face à une attitude souvent de méfiance vis-à-vis du droit et de résignation à ne pas avoir de droits eux-mêmes).

C'est du désir de ces groupes de rompre leur relatif isolement, de se connaître, d'échanger qu'est né en 1989 le réseau Juristes-Solidarités, comme lieu d'appui et mémoire collective de ces pratiques alternatives de droit, comme lieu de réflexions et d'échanges.

Enfin, nous ne sommes pas une ONG traditionnelle de défense des droits de l'homme : les groupes locaux avec lesquels nous sommes en relation informent et forment les populations concernées à leurs droits, couvrant tous les domaines de la vie quotidienne. Dans ce sens, ils ont une perception très large des droits de l'homme qui englobe tous les droits essentiels au développement de la personne humaine.

Quelques exemples de pratiques

1 - la maîtrise de l'accès au droit par les populations marginalisées : les raccordements électriques spontanés (dahulage) dans les quartiers populaires de Bukavu (Zaïre, 1992) ; une action légitime illégale ayant permis un retour à la légalité

2 - une pratique de résolution des conflits hors système judiciaire en milieu rural : les Rondas Campesinas ou rondes paysannes au Pérou. Devant l'impunité dont bénéficient les voleurs de bétail qu'elles livrent à la police, les rondas mettent en place une justice paysanne fondée sur leurs propres valeurs de défense des intérêts de la communauté paysanne et de recherche d'une paix sociale - les peines évoluant vers des peines visant la réinsertion des voleurs dans la communauté. L'activité des Rondas (elles se sont fédérées), qui concerne plusieurs milliers de personnes, ne se restreint pas à la lutte contre le vol de bétail, qui a d'ailleurs quasiment disparu.

Elles interviennent dans les conflits quotidiens et contribuent à résoudre les conflits dans le cadre d'une assemblée publique, par la recherche de conciliation entre les parties. Les Rondas, au Pérou, sont devenues de véritables promoteurs du développement de la communauté. Cette pratique montre la capacité d'un groupe à générer son propre ordre juridique.

3 - une pratique en Inde de résolution des conflits, le Lok adalat ou l'Open Court. Un tribunal réunissant 3 ou 4 personnes du village et qui vont résoudre des conflits matrimoniaux ou de propriété. Le tribunal rend une décision, et c'est le village qui sera le garant de l'application de la sanction. Voici un exemple de règlement des conflits à l'intérieur d'une communauté sans recours à des normes externes, sans recours à l'Etat. Cet exemple renvoit à tout ce mouvement d'intérêt en Europe, en faveur de la médiation.

La raison même de ces pratiques alternatives de droit est de prendre le contre-pied de la notion occidentale du droit, soit des normes édictées à l'assemblée, appliquées par des juges et des forces de l'ordre...C'est ici que la démarche anthropologique sous-tend l'action de Juristes-Solidarités, amenée à porter le regard sur toutes les autres façons de penser le droit : comme les anthropologues, Juristes-Solidarités est entré dans les cultures par le droit et a fait des détours par les sociétés africaine, asiatique, latino-américaine... Le travail des anthropologues a permis à Juristes-Solidarités d'argumenter la présentation des pratiques identifiées et d'éviter de développer un discours universaliste et ethnocentrique. Cette approche anthropologique permet d'éviter le transfert des droits occidentaux et de relativiser la prétendue supériorité de ces droits. Ce constat vaut aussi pour les droits de l'homme, où il s'agit là aussi de combattre la tendance à l'ethnocentrisme ; ceci en vue de repenser l'approche des droits de l'homme. D'où l'intérêt de décloisonner le monde chercheurs de celui des ONG. Car il reste un grand travail de sensibilisation à faire auprès des Ong de Solidarité internationale afin qu'elle prennent en compte la dimension anthropologique dans les projets de coopération. Le dialogue inter-culturel est aussi présent au sein du réseau puisque Juristes-Solidarités est un carrefour d'expériences et de savoir-faire, un redistributeur de l'information et son le travail s'inscrit dans une dynamique d'échanges Sud-Sud/Nord-Sud/Sud-Nord/Nord-Nord.

Présentation Droit et Société : http://www.msh-paris-fr/red&s/

Notre projet de création d'un site internet (cf. compte-rendu du 10/12/1997) se concrétise. Nous avons rencontré Serge, responsable du site internet Droit & Société qui nous a brièvement présenté le site. Jusqu'à création de notre propre site, on sera hébergé chez Droit & Société sur lequel on mettera nos productions (on aura tout l'espace souhaité) : compte-rendus des séminaires ; - cassettes des séminaires consultables actuellement au LAJP ; - notre agenda ; - Mémoires/thèses des chercheurs du LAJP. Et lorsque notre site sera créé, un transfert sera effectué mais un lien (" link ") sera conservé avec Droit & Société . Serge propose sa collaboration pour le faire. Rendez-vous donc bientôt sur le web !

Pour information, Serge et Corinne ont aussi été à l'initiative d'un serveur d'aide juridique aux étrangers et aux personnes défavorisées " SOS Net ".

Concernant la diffusion, Juristes-Solidarités peut également consacrer un article aux travaux et à la dynamique de notre groupe de travail dans le prochain numéro de son bulletin de liaison " Le Courrier de Juristes-Solidarités ", numéro 17 prévu en mai 1998.

C'est autour de délicieux brownies que s'est poursuivi la discussion avec quelques questions/réponses !

Pour l'agenda, le groupe de travail continuera à se réunir toutes les deux semaines. Progressivement , une réunion supplémentaire se tiendra de temps en temps, par exemple pour déterminer notre méthodologie.