DHDI
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Etaient présents : Carvajal Liliah (IHEAL), de Graverol Gaël
(INALCO), Eberhard Christoph (LAJP), Gafsia Nawel (Paris I), Innack Rose
(LAJP), Martin Boris (Juristes-Solidarités), Obiang Jean-François
(Paris I), Soykan Muazzez (INALCO).
1. Exposé
L'exposé s'est articulé autour de trois mots, trois temps forts de l'histoire houleuse unissant les droits culturels aux droits de l'homme : Constat, Oubli, Espoir.
- Constat : Pour reprendre la classification opérée par Kéba Mbaye, on peut voir la situation idéale, rêvée des droits de l'homme dans la concordance de 3 universalismes : à un universalisme des concepts essentiels relatifs aux droits de l'homme correspondrait, presque " naturellement " un universalisme des formulations que les nations élaborent ensemble pour contenir ces " concepts homéomorphes ", le tout facilitant grandement -dans les limites que peuvent encore constituer les régimes politiques, la diplomatie, la souveraineté- un universalisme de l'effectivité de ces concepts.
La réalité est toute autre puisque l'on observe, manifestes, des discordances entre ces 3 termes : " le chant des droits de l'homme est donc polyphonique " (N. Rouland).
Ces discordances trouvent leur origine dans une donnée consubstantielle
des sociétés que l'universalisme, tout acquis à sa mission
de diffusion " erga omnes " des droits de l'homme, a sans cesse
esquivé et qui, au détour de conflits, se rappelle à
son bon souvenir : la culture.
- Oubli : La culture, grande oubliée de cette évolution des droits de l'homme! Mais il faut ici entendre, non pas la culture définie comme " enrichissement de l'esprit par des exercices intellectuels " (appelée aussi " culture-bénéfice ") mais celle définie par S.Abou comme " ensemble des modèles de comportement, de pensée et de sensibilité qui structurent les activités de l'homme dans son triple rapport à la nature, à l'homme, au transcendant " (" culture-identité ").
Les premières déclarations des droits de l'homme (Déclaration américaine de 1776, Déclaration française de 1789) sont significatives de cet oubli. Leur caractère messianique très marqué, mélangeant la transcendance de principes naturels situés au-dessus de l'association politique, et l'individualisme conférant une place de choix à l'individu par rapport au groupe, dessinent une approche globalisante, idéaliste. La culture est écartée comme facteur de discordance, comme frein au mouvement de généralisation du système ainsi élaboré. La culture-identité, et toute notion susceptible de lui servir de support (droits culturels), fait peur!
La défiance à l'égard des droits culturels s'explique pour 4 raisons :
* ils seraient destructeurs de l'unité des droits de l'homme (droits révolutionnaires en puissance, ils seraient la porte ouverte au droit à la différence et remettraient ainsi en cause l'identité de l'Etat-Nation)
* ils ouvriraient la porte à des notions encore rejetées par les nations occidentales (droits collectifs, droits des peuples, des minorités...)
* la culture peut-elle être érigée en droit ou n'est-elle qu'un besoin?
* les droits culturels serviraient à justifier toutes les pratiques culturelles entrant en conflit avec les droits de l'homme (cas de l'excision).
Ces arguments feraient des droits culturels des " ennemis " de l'universalisme des droits de l'homme.
Le paradoxe fondamental réside en ce que ce sont les occidentaux,
" tenants de l'universalisme ", qui se sont interdits de prendre
en compte la diversité culturelle. Par atavisme culturel, ceux-ci
ont strictement interprété l'Egalité, conçu
l'Unité comme l'uniformité et proclamé unilatéralement
l'Universalisme des droits de l'homme. Autant de principes qui étaient
potentiellement porteurs de cette indispensable prise en compte de la
diversité culturelle, seule à même de fonder un
véritable universalisme pluriel, réel des droits de l'homme.
- Espoir : Les droits culturels se définissent comme " droit individuel et collectif à l'identification culturelle " et plus précisément encore comme " droit de voir identifié/devoir d'identifier l'environnement culturel lorsqu'une pratique culturelle entre en conflit avec un ou plusieurs droits de l'homme ".
Erigés en mode d'interprétation et de mise en oeuvre des droits de l'homme, ils participeraient de cette gestion des conflits avec les particularismes culturels et de cette construction d'un universalisme pluriel.
Ils représenteraient ainsi un substitut intéressant à
la théorie du droit naturel et contribueraient à la
concrétisation des droits de 3 ème génération,
dits " de solidarité ".
2. Discussion
La première question a porté sur l'accès aux mémoires de 3ème cycle présentés au sein du LAJP : peut-être pourrait-on demander, à l'occasion, si, comme prévu, un exemplaire a été remis à la bibliothèque CUJAS?
Le débat s'est largement focalisé autour d'une opposition entre partisans d'un certain pragmatisme passant par une juridicisation de la culture, afin d'offrir à celle-ci un vecteur lui permettant de jouer un rôle sur la scène des droits de l'homme qui fonctionne encore sur le mode juridique, et questionnements sur la légitimité (ex des aborigènes d'Australie sommés de prouver le caractère sacré des terres afin d'en être reconnu propriétaires), l'utilité et la pertinence (comment, concrètement les droits culturels vont agir; est-ce que cela favorise vraiment le dialogue interculturel?) de cette juridicisation.
Une interrogation portait sur la proposition de substituer les droits culturels au droit naturel comme fondement des droits de l'homme. La réponse faisait valoir le caractère dépassé et, dans une certaine limite, " antiuniversaliste " de cette théorie naturaliste (par le fait notamment qu'elle s'appuie sur l'idée d'une transcendance divine, nécéssairement relative puisque non partagée par tous les hommes, ainsi les athées...) tout en reconnaissant son apport fondamental et qui demeure, consistant à voir dans l'homme un être doué de droits à l'égard des autres hommes et des Etats du seul fait qu'il est Homme. A cette position " antinaturaliste " a aussi été opposée la crainte contemporaine de la métaphysique du fait de cette tendance permanente à vouloir rationaliser et séculariser.
Une question a soulevé l'idée d'ethnocentrisme par référence à la notion de culture-identité, en faisant remarquer que l'universalisme des droits de l'homme étaient moins la négation de toutes les cultures que la prévalence organisée d'une culture (occidentale) sur toutes les autres.
En forme de conclusion unanimiste (!), l'accord s'est fait sur la
légitimité et la complémentarité des deux grandes
démarches qui émanaient de ce débat (d'un côté
une démarche anthropologique, de l'autre une démarche plus
juridique) sans nécéssairement qu'elles finissent un jour par
se rencontrer!!
3. Informations relatives au groupe de travail
Il nous semble important de nous revoir le 25 mars pour une séance sans aucun intervenant, simplement pour réfléchir et discuter sur le groupe de travail en tant que tel, faire le point sur les projets qui peuvent être envisagés (des centres de recherches nous ont contactés). Il est donc important de savoir ce que nous voulons faire, au-delà des activités actuelles, centrées autour de la restitution orale de nos recherches respectives. Toutes les envies, initiatives (créer des mini-groupes de travail en fonction des intérêts et démarches de chacun d'entre nous) pourront être " jetées sur le tapis " afin de construire un plan de travail, et d'avoir du répondant sur nos activités, nos potentialités représentées par chacun de nous et nos projets lorsque nous sommes contactés par des personnes ou institutions intéressées par notre groupe.
Rendez-vous, frais et dispos pour la prochaine séance du 18 mars!!
A Bientôt!!