DHDI
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Etaient présents : Carvajal Liliam (IHEAL), de Graverol Gaël
(INALCO), Eberhard Christoph (LAJP), Gbago Barnabé Georges (LAJP),
Huyghebaert Patricia (Juristes-Solidarités), Martin Boris
(Juristes-Solidarités), Ngo Innack Rose (LAJP), Ngono Solange
(Université de Yaoundé II) et Nké Eyebe Véronique
(LAJP).
(1) La problématique des Droits de l'Homme au LAJP
Conscients de l'écart entre droit vivant et droit
théorisé et de l'éthnocentrisme dont étaient
teintées les approches des droits originellement africains et s'appuyant
sur d'importants travaux de terrain effectués dans les années
1970, Michel Alliot et Etienne Le Roy s'attellent, au début des
années 1980, à expliciter les manières différentes
dont le Droit est pensé dans les sociétés modernes
occidentales et dans les sociétés traditionnelles africaines.
Pour rendre cette comparaison possible, ils sont menés à
entreprendre un travail de modellisation qui petit à petit
s'émancipe du simple contexte comparatif africo-occidental pour poser
les fondements à une réflexion interculturelle plus
générale sur le Droit. C'est dans le contexte de cette constitution
d'une anthropologie (voir science) du droit cherchant à permettre
de penser le Droit et à penser l'Homme de manière
non-éthnocentrique que se noue au LAJP la problématique des
droits de l'homme dans une perspective interculturelle. Pour l'instant ce
sont surtout Michel Alliot et Etienne Le Roy qui ont fait avancer la
problématique des droits de l'homme au Laboratoire, bien que depuis
le début des années 1990 des étudiants aient commencé
à s'y atteler. De plus le travail du Laboratoire sur les Droits de
l'Homme a jusqu'à la mise en place de notre groupe de travail surtout
résulté de la réponse à des demandes
extérieures.
On peut distinguer deux phases dans l'approche des droits de l'homme au LAJP,
la première correspondant aux années 1980 où la question
des droits de l'homme n'était pas vraiment d'actualité, ni
dans le domaine politique, ni dans le domaine de la recherche scientifique,
et la deuxième aux années 1990 (l'après du chute du
mur de Berlin), où la demande quant à une réflexion
interculturelle sur les droits de l'homme s'accroît avec l'émergence
d'un monde de plus en plus pluripolaire.
On peut caractériser la première phase par un cheminement en
trois temps, comme le constate Michel Alliot. Le premier consistait à
prendre conscience que bien que la problématique de la dignité
humaine et de sa protection soit universelle, la proclamation d'une
déclaration universelle des droits de l'homme pour reconnaître
et garantir cette dignité, était un fait situé dans
l'espace et dans le temps spécifique à l'occident et pouvait,
ce qu'il n'a d'ailleurs pas manqué de faire, poser problème
à d'autres cultures. Le deuxième temps consistait à
se rendre compte qu'il ne s'agissait pas d'un simple problème de contenu,
mais qu'en fait la manière d'assurer les droits de l'homme
était fondamentalement liée à une manière de
voir le droit qui différait d'une société à l'autre.
Enfin, le troisième temps consistait à comprendre que les
différentes logiques juridiques, les différentes visions du
Droit, correspondaient à différentes visions du monde. Michel
Alliot illustre ceci par l'exemple des univers des traditions du Livre (Occident
chrétien et Islam), de l'Egypte et de l'Afrique et de la Chine qui
lui permettent de dégager trois archétypes du Droit : celui
de la soumission, celui de la différenciation et de la manipulation
et celui de l'identification, et deux logiques, l'une institutionnelle et
l'autre fonctionnelle. Etienne Le Roy fait le lien entre ces démarches
et celles développées par Raimon Panikkar relatives à
la recherche d'équivalences homéomorphiques entre cultures
et fondées dans le diatopisme et le dialogisme, et ouvre ainsi la
voie à une réflexion sur la problématique "droits de
l'homme et dialogue interculturel". De plus il met l'accent dans sa recherche
sur les droits de l'homme sur une anthropologie dynamique et une analyse
de processus pouvant permettre d'élaborer une théorie des pratiques
juridiques (et non simplement des discours). Dans les années 1990,
les résultats de la décennie précédente sont
appliqués de manière plus spécifique et plus explicite
aux questionnements relatifs aux droits de l'homme qui sont de deux sortes
: les uns portant plutôt sur l'élaboration d'une théorie
ou d'une théorisation interculturelle des droits de l'homme, les autres
s'intéressant plutôt aux problématiques de
l'interculturalité par rapport à des situations concrètes
relatives aux droits de l'homme. Concernant les premiers, on peut constater
que la recherche s'oriente de la remise en question de l'universalisme vers
un questionnement sur des approches interculturelles possibles des droits
de l'homme, voir avec une accentuation croissante de l'exigence de dialogue
interculturel, vers une réflexion plus générale sur
la réalisation d'ordres sociaux apparaissant comme justes aux
différentes cultures - ce qui nous mène à
réfléchir aux liens entre droits de l'homme et "cultures de
la paix", la terminologie de "droits de l'homme" semblant trop marquée
par notre propre tradition pour pouvoir constituer un véritable symbole
interculturel. Les interrogations plus "concrètes" portent dans cette
période surtout sur des problématiques de démocratisation
et de réalisation de l'Etat de Droit et sur des problématiques
relatives aux droits de la femme et de l'enfant, de l'immigration et du droit
face au génocide. Enfin, la demande croissante de recherche
anthropologique sur les droits de l'homme a mené dans cette période
à la création au début des années 1990 d'un cours
sur les fondements anthropologiques des droits de l'homme à l'Institut
International des Droits de l'Homme de Strasbourg assuré par Etienne
Le Roy, et à des collaborations avec la Division des droits de l'homme
et de la paix de l'UNESCO, avec le Centre International des Droits de la
Personne et du Développement Démocratique de Montréal,
et avec le programme de l'UNESCO pour une culture de la paix qui a vu le
jour en 1994.
(Cette présentation est un résumé de l'article Les
droits de l'homme au Laboratoire d'Anthropologie Juridique de Paris - Origines
et développements d'une problématique, 13 p, de Christoph
Eberhard, à paraître dans Bulletin de liaison du Laboratoire
d'Anthropologie Juridique de Paris, n° 23.)
(2) La réunion du groupe de travail
Nous avons commencé les débats sur notre groupe de travail
le 18/03/1998 et les avons poursuivi le 25/03/1998. Il s'est dégagé
la nécessité de compléter nos séminaires actuels
par des séminaires plus méthodologiques nous permettant de
trouver une démarche interdisciplinaire partagée (proposition
d'alterner l'année prochaine un séminaire "exposition de
recherches" avec un séminaire "de recherche", en passant à
un rythme hebdomadaire pour nos rencontres, les séminaires de
présentation des recherches étant ouverts à tous, ceux
de recherche plus particulièrement aux chercheurs du groupe de travail).
Notre contact avec des ONG reste à développer. Nous
présenterons cependant déjà notre dynamique dans une
rubrique du Courrier de Juristes-Solidarités de Mai - des contacts
pourront peut-être se nouer.
Dans l'optique du partage d'une démarche dans l'interdisciplinarité,
il nous apparaît comme fondamental de nous regrouper autour d'un projet
de recherche. Pour ce faire nous avons décidé de définir
un thème sur lequel chacun écrira pendant les vacances
d'été un article à partir de sa propre perspective,
l'idée étant de sortir un recueil d'articles et de lier ce
recueil à l'organisation d'un plus ou moins grand "colloque" à
la rentrée. Il serait intéressant d'approfondir l'idée
d'une collaboration avec Serge Diebolt et "son" réseau de recherche
sur la complexité autour d'un thème comme "Droits de l'Homme,
Dialogue Interculturel et Complexité". Nous pourrions ainsi mener
une démarche liant à l'écriture de nos articles, la
mise en place d'un forum sur notre site internet et pouvant déboucher
sur une rencontre, un "colloque" l'année prochaine. En outre, il serait
intéressant d'initier des collaborations plus poussées entre
personnes travaillant sur des problématiques liées. Notons
enfin, que les préoccupations semblant relier les différents
chercheurs du groupe de travail sont leur souci de mettre en perspective
leurs démarches par une ouverture interdisciplinaire et interculturelle,
de porter leur attention sur les pratiques concrètes du droit en relation
avec les discours officiels et d'insérer leur réflexion dans
le cadre plus vaste de la problématique d'une globalisation qui ne
soit pas simple uniformisation du monde.
Enfin il nous semble important de nous constituer en association et de
rédiger une petite "carte de visite" de notre groupe de travail. -
Une première "carte de visite" existe maintenant contenant un court
résumé de ce que nous sommes, un calendrier de nos séminaires
et notre adresse sur internet. A propos d'internet : notre site existe -
n'oubliez pas de nous faire parvenir vos travaux.