DHDI


groupe de travail Droits de l'Homme et Dialogue Interculturel

Compte rendu du séminaire du 18/03/1998 animé par Christoph Eberhard et portant sur
La problématique des Droits de l'Homme au LAJP
et de la réunion du 25/03/1998 sur le groupe de travail

Etaient présents : Carvajal Liliam (IHEAL), de Graverol Gaël (INALCO), Eberhard Christoph (LAJP), Gbago Barnabé Georges (LAJP), Huyghebaert Patricia (Juristes-Solidarités), Martin Boris (Juristes-Solidarités), Ngo Innack Rose (LAJP), Ngono Solange (Université de Yaoundé II) et Nké Eyebe Véronique (LAJP).

(1) La problématique des Droits de l'Homme au LAJP

Conscients de l'écart entre droit vivant et droit théorisé et de l'éthnocentrisme dont étaient teintées les approches des droits originellement africains et s'appuyant sur d'importants travaux de terrain effectués dans les années 1970, Michel Alliot et Etienne Le Roy s'attellent, au début des années 1980, à expliciter les manières différentes dont le Droit est pensé dans les sociétés modernes occidentales et dans les sociétés traditionnelles africaines. Pour rendre cette comparaison possible, ils sont menés à entreprendre un travail de modellisation qui petit à petit s'émancipe du simple contexte comparatif africo-occidental pour poser les fondements à une réflexion interculturelle plus générale sur le Droit. C'est dans le contexte de cette constitution d'une anthropologie (voir science) du droit cherchant à permettre de penser le Droit et à penser l'Homme de manière non-éthnocentrique que se noue au LAJP la problématique des droits de l'homme dans une perspective interculturelle. Pour l'instant ce sont surtout Michel Alliot et Etienne Le Roy qui ont fait avancer la problématique des droits de l'homme au Laboratoire, bien que depuis le début des années 1990 des étudiants aient commencé à s'y atteler. De plus le travail du Laboratoire sur les Droits de l'Homme a jusqu'à la mise en place de notre groupe de travail surtout résulté de la réponse à des demandes extérieures.
On peut distinguer deux phases dans l'approche des droits de l'homme au LAJP, la première correspondant aux années 1980 où la question des droits de l'homme n'était pas vraiment d'actualité, ni dans le domaine politique, ni dans le domaine de la recherche scientifique, et la deuxième aux années 1990 (l'après du chute du mur de Berlin), où la demande quant à une réflexion interculturelle sur les droits de l'homme s'accroît avec l'émergence d'un monde de plus en plus pluripolaire.
On peut caractériser la première phase par un cheminement en trois temps, comme le constate Michel Alliot. Le premier consistait à prendre conscience que bien que la problématique de la dignité humaine et de sa protection soit universelle, la proclamation d'une déclaration universelle des droits de l'homme pour reconnaître et garantir cette dignité, était un fait situé dans l'espace et dans le temps spécifique à l'occident et pouvait, ce qu'il n'a d'ailleurs pas manqué de faire, poser problème à d'autres cultures. Le deuxième temps consistait à se rendre compte qu'il ne s'agissait pas d'un simple problème de contenu, mais qu'en fait la manière d'“assurer les droits de l'homme” était fondamentalement liée à une manière de voir le droit qui différait d'une société à l'autre. Enfin, le troisième temps consistait à comprendre que les différentes logiques juridiques, les différentes visions du Droit, correspondaient à différentes visions du monde. Michel Alliot illustre ceci par l'exemple des univers des traditions du Livre (Occident chrétien et Islam), de l'Egypte et de l'Afrique et de la Chine qui lui permettent de dégager trois archétypes du Droit : celui de la soumission, celui de la différenciation et de la manipulation et celui de l'identification, et deux logiques, l'une institutionnelle et l'autre fonctionnelle. Etienne Le Roy fait le lien entre ces démarches et celles développées par Raimon Panikkar relatives à la recherche d'équivalences homéomorphiques entre cultures et fondées dans le diatopisme et le dialogisme, et ouvre ainsi la voie à une réflexion sur la problématique "droits de l'homme et dialogue interculturel". De plus il met l'accent dans sa recherche sur les droits de l'homme sur une anthropologie dynamique et une analyse de processus pouvant permettre d'élaborer une théorie des pratiques juridiques (et non simplement des discours). Dans les années 1990, les résultats de la décennie précédente sont appliqués de manière plus spécifique et plus explicite aux questionnements relatifs aux droits de l'homme qui sont de deux sortes : les uns portant plutôt sur l'élaboration d'une théorie ou d'une théorisation interculturelle des droits de l'homme, les autres s'intéressant plutôt aux problématiques de l'interculturalité par rapport à des situations concrètes relatives aux droits de l'homme. Concernant les premiers, on peut constater que la recherche s'oriente de la remise en question de l'universalisme vers un questionnement sur des approches interculturelles possibles des droits de l'homme, voir avec une accentuation croissante de l'exigence de dialogue interculturel, vers une réflexion plus générale sur la réalisation d'ordres sociaux apparaissant comme justes aux différentes cultures - ce qui nous mène à réfléchir aux liens entre droits de l'homme et "cultures de la paix", la terminologie de "droits de l'homme" semblant trop marquée par notre propre tradition pour pouvoir constituer un véritable symbole interculturel. Les interrogations plus "concrètes" portent dans cette période surtout sur des problématiques de démocratisation et de réalisation de l'Etat de Droit et sur des problématiques relatives aux droits de la femme et de l'enfant, de l'immigration et du droit face au génocide. Enfin, la demande croissante de recherche anthropologique sur les droits de l'homme a mené dans cette période à la création au début des années 1990 d'un cours sur les fondements anthropologiques des droits de l'homme à l'Institut International des Droits de l'Homme de Strasbourg assuré par Etienne Le Roy, et à des collaborations avec la Division des droits de l'homme et de la paix de l'UNESCO, avec le Centre International des Droits de la Personne et du Développement Démocratique de Montréal, et avec le programme de l'UNESCO pour une culture de la paix qui a vu le jour en 1994.
(Cette présentation est un résumé de l'article “Les droits de l'homme au Laboratoire d'Anthropologie Juridique de Paris - Origines et développements d'une problématique”, 13 p, de Christoph Eberhard, à paraître dans Bulletin de liaison du Laboratoire d'Anthropologie Juridique de Paris, n° 23.)
(2) La réunion du groupe de travail
Nous avons commencé les débats sur notre groupe de travail le 18/03/1998 et les avons poursuivi le 25/03/1998. Il s'est dégagé la nécessité de compléter nos séminaires actuels par des séminaires plus méthodologiques nous permettant de trouver une démarche interdisciplinaire partagée (proposition d'alterner l'année prochaine un séminaire "exposition de recherches" avec un séminaire "de recherche", en passant à un rythme hebdomadaire pour nos rencontres, les séminaires de présentation des recherches étant ouverts à tous, ceux de recherche plus particulièrement aux chercheurs du groupe de travail). Notre contact avec des ONG reste à développer. Nous présenterons cependant déjà notre dynamique dans une rubrique du Courrier de Juristes-Solidarités de Mai - des contacts pourront peut-être se nouer.
Dans l'optique du partage d'une démarche dans l'interdisciplinarité, il nous apparaît comme fondamental de nous regrouper autour d'un projet de recherche. Pour ce faire nous avons décidé de définir un thème sur lequel chacun écrira pendant les vacances d'été un article à partir de sa propre perspective, l'idée étant de sortir un recueil d'articles et de lier ce recueil à l'organisation d'un plus ou moins grand "colloque" à la rentrée. Il serait intéressant d'approfondir l'idée d'une collaboration avec Serge Diebolt et "son" réseau de recherche sur la complexité autour d'un thème comme "Droits de l'Homme, Dialogue Interculturel et Complexité". Nous pourrions ainsi mener une démarche liant à l'écriture de nos articles, la mise en place d'un forum sur notre site internet et pouvant déboucher sur une rencontre, un "colloque" l'année prochaine. En outre, il serait intéressant d'initier des collaborations plus poussées entre personnes travaillant sur des problématiques liées. Notons enfin, que les préoccupations semblant relier les différents chercheurs du groupe de travail sont leur souci de mettre en perspective leurs démarches par une ouverture interdisciplinaire et interculturelle, de porter leur attention sur les pratiques concrètes du droit en relation avec les discours officiels et d'insérer leur réflexion dans le cadre plus vaste de la problématique d'une globalisation qui ne soit pas simple uniformisation du monde.
Enfin il nous semble important de nous constituer en association et de rédiger une petite "carte de visite" de notre groupe de travail. - Une première "carte de visite" existe maintenant contenant un court résumé de ce que nous sommes, un calendrier de nos séminaires et notre adresse sur internet. A propos d'internet : notre site existe - n'oubliez pas de nous faire parvenir vos travaux.