Christoph Eberhard                                                                                      16/07/2002

E-mail : c.eberhard@free.fr

Site internet : http://www.dhdi.org

 

 

 

 

Les droits de lhomme face la complexit : une approche anthropologique et dynamique*

(premire version dun aticle paratre dans Droit & Socit n 51-52 / 2002)

 

Mots clefs : droits de lhomme, anthropologie dynamique du Droit, dialogue interculturel, pluralisme, pragmatisme, complexit, Inde.

 

Larticle invite une odysse prospective dans la problmatique des droits de lhomme. Il se situe un niveau thorique et a pour vocation d'ouvrir de nouveaux espaces de pense pour aborder la problmatique des droits de l'homme dans des contextes d'interculturalit croissante o il faut relever les dfis du pluralisme, du pragmatisme et de la complexit.  Pour ce faire, il sappuie sur les approches dune anthropologie dynamique du Droit telle que reflte dans le modle du jeu des lois dՃtienne Le Roy. Pour rendre plus concrets les dveloppements, ceux-ci sont illustrs travers des exemples touchant la problmatique des droits des femmes en Inde. Au terme du  jeu des lois  propos, lauteur propose quelques rgles du jeu pouvant baliser les approches des droits de lhomme dans les contextes contemporains tels quils mergent dans le dialogue entre les diffrentes traditions spirituelles de lhumanit.

 

Key words : human rights, dynamic anthropology of Law, intercultural dialogue, pluralism, pragmatism, complexity, India.

 

The article is an invitation to a prospective odissey in the field of human rights. Its aim is to open up new spaces at a theoretical level in order to rethink human rights approaches in a context of growing interculturality where the challenges of pluralism, pragmatism and complexity must be confronted. For doing so it builds on the model of the  game of laws  (jeu des lois) developped by tienne Le Roy. To highlight the relevance of the theoretical developments the latter are illustrated by examples in the domain of womens rights in India. To conclude the proposed  game of laws , the author proposes a few rules for the contemporary human rights game as they emerge in the dialogue between the different spiritual traditions of the world.

 

 

Dans le prsent article, nous tenterons dinviter le lecteur une odysse prospective dans la problmatique des droits de lhomme telle quelle commence dj merger aujourdhui et qui pourrait constituer un premier balbutiement dune nouvelle approche des droits de lhomme laube de ce nouveau millnaire. Nous ne savons pas si nous nous acheminons vers un  millnaire des droits de lhomme  mais ce qui est sr cest que la manire daborder la question des droits de lhomme est en train de se renouer dune manire originale dans le contexte contemporain de globalisation. Cette contribution se situera donc un niveau thorique et a pour vocation d'ouvrir de nouveaux espaces de pense pour aborder la problmatique des droits de l'homme dans des contextes d'interculturalit croissante. Cependant, afin de rendre plus concrets nos dveloppements nous les illustrerons par la problmatique des droits des femmes en Inde qui a fait l'objet de deux de nos publications rcentes en collaboration avec Nidhi Gupta[1].

 

Il semble quon puisse discerner deux dfis majeurs dans lapproche contemporaine des droits de lhomme et qui ne pourront aller quen sintensifiant : ceux du pluralisme et du pragmatisme. Dun ct si le monde  rtrcit  de plus en plus il devient par ce fait aussi davantage interculturel. Continuer raisonner dans des termes universalistes et relativistes napparat donc plus comme satisfaisant. Une mise en tension cratrice des diverses traditions, leur enrichissement mutuel et leur articulation rciproque, bref une approche pluraliste base sur une dmarche dialogale semble indispensable. Dun autre ct, la faillite des modles de dveloppement et lՎchec de la transplantation des modles juridiques occidentaux modernes vers le reste de la plante en vue de raliser de vritables tats de Droit (dans le sens de  situations de Droit [2] oblige interroger les relations entre  thories  et  pratiques  et voir sil nexisterait pas des voies permettant de dpasser le foss qui semble souvent les sparer. Ce qui nous oblige repenser les droits de lhomme laune dun certain pragmatisme[3].

 

Ayant dj dvelopp autre part les exigences du pluralisme et du dialogisme dans une approche des droits de lhomme qui ne se veuille pas uniquement occidentalisation du monde[4], ainsi que les diverses ruptures pistmologiques ncessaires quant nos paradigmes modernes fondateurs tels que le  droit entendu comme systme de normes ,  la culture comme entit holistique [5], nous focaliserons ici notre attention sur limportance dune approche dynamique des droits de lhomme et plus largement du  jeu juridique  consistant reproduire notre humanit dans la diversit de ses expressions.

 

Nous tenterons de faire dcouvrir au lecteur une rflexion sur les droits de lhomme dans le cadre dune approche anthropologique et dynamique du Droit, telle que mise en oeuvre par tienne Le Roy dans son ouvrage Le jeu des lois. Une anthropologie  dynamique du Droit [6] et qui nous semble indispensable pour entrer de front dans la complexit des situations et dimaginer des rponses sa hauteur[7]. Ce modle nous semble permettre en effet dune part de relever le dfi dune prise en compte de laltrit et du pluralisme travers une approche dialogale qui permet de sՎmanciper du  pige  de lalternative entre universalisme et relativisme, et dautre part de porter notre attention sur les dynamiques du Droit, des droits de lhomme et de leurs divers acteurs, ce qui permet de dpasser le gouffre existant parfois entre thories et pratiques et daborder de front la question des droits de lhomme dans la complexit de nos socits contemporaines.

 

Le jeu des lois constitue une approche dynamique des phnomnes juridiques qui les replace dans leur  vritable  totalit sociale, complexe et dynamique, et non rduite, par exemple, au  culturel  ou aux simples  reprsentations . Elle est fondamentalement interdisciplinaire et convie diverses disciplines (sociologie, conomie, psychologie sociale, logique, gographie humaine, histoire, science politique, anthropologie du droit, polmologie) pour clairer le  mystre du droit en action . Il ny a donc pas uniquement juxtaposition de disciplines (multidisciplinarit) mais bien regards croiss et senrichissant mutuellement (interdisciplinarit) sur la problmatique commune de la juridicit.  Notre objet nest donc pas le Droit en gnral et reprsent si gnralement que le corpus iuris (le Droit comme corps de rgles) en parat dsincarn (car un corps sans chair nest plus la vie) mais le Droit-comme-rgle-du-jeu  de la reproduction de nos vies en socit[8] tienne Le Roy[9] postule   quon entrait dans le jeu par le statut des acteurs (1) et quon poursuivait par les ressources (2), les conduites (3), les logiques (4), les chelles (5) (...) Puis on continuerait par les processus (6), les forums dits aussi arnes (7), les ordres sociaux (8), et les enjeux (9) pour dboucher sur les rgles du jeu (10). (...) chaque fois quune donne varie cest chacune des donnes associes chacun des paramtres qui est susceptible de changer en obligeant reprendre en considration les nouveaux ajustements. Une telle dmarche dynamique est incontournable ds lors que nous prenons au srieux la dmarche dialogale[10], dont le postulat de base est limpossibilit de rduire la Ralit la pense et de rduire les sujets que nous sommes de purs objets de connaissance, car il faut alors sintresser aux  vrais acteurs  dans leurs  vritables situations existentielles , ce qui nous oblige sauter de pieds joints dans la complexit et le dynamisme de nos vies.

 

Nous reprendrons ici le modle gnral dՃtienne Le Roy, tout en lenrichissant dune premire case relative nos positionnements mtaphysiques, importante pour une rflexion sur de possibles nouveaux fondements des droits de lhomme dans le futur. Il ne faut pas oublier que si la culture des droits de lhomme est largement anthropocentre, dautres cultures et leurs approches sont plus cosmo- ou thocentres, ce qui change radicalement les questionnements[11]. Mais commenons le voyage, tout en notant que si nous suivons ici linairement les diffrentes cases, en pratique ce modle se  joue  comme le jeu de loie, sauf que les dplacements ne se font pas au gr des ds mais au gr des alas de la vie et de notre recherche scientifique.

 

Case un : Les positionnements mtaphysiques

 

Les positionnements mtaphysiques fondamentaux et leurs implications sur la  connaissance  constituent un enjeu important si nous voulons, linstar de Raimon Panikkar[12], pouvoir nous ouvrir une approche  cosmothandrique  des droits de lhomme et nous ouvrir de nouveaux horizons pour penser le  juridique  ou le  politique [13].

 

La plupart des philosophes saccordent sur le caractre fondamental de la problmatique de la  nature humaine  dans la pense des droits de lhomme[14], car si lon veut fonder les droits de lhomme sur la personne humaine, encore faut-il avoir un concept dfendable de celle-ci, qui puisse effectivement lier nos discours et pratique de  droits  dans nos ralits existentielles. Certains dentre eux cherchent mme des fondements aux droits de lhomme aux niveaux cosmique et spirituel. Carlos Ignacio Massini-Correas[15] remarque avec justesse que daprs les rgles de la logique la plus lmentaire les  conclusions fondes ne peuvent tre plus fortes que les prmisses sur lesquelles elles sont fondes [16]. Ainsi, toutes les thories qui tentent de justifier les droits de lhomme de faon purement  procdurale ,  contractuelle  ou  intersubjective  lui semblent fondamentalement striles car elles apportent au mieux des justifications  plausibles ,  raisonnables  voire  possibles  des droits de lhomme, ce quadmettent dailleurs leurs auteurs[17]. Pour sortir de la situation contemporaine o nous avons sap toute assise fondamentale une  dignit humaine ontologique  (cest moi qui emploie cette expression) il propose ainsi de rorienter la philosophie moderne vers ses racines mtaphysiques[18]. En ce qui nous concerne, il ne sagira pas de tenter de proposer un nouveau  droit naturel , mais plus modestement de souligner limportance de nous ouvrir un vritable dialogue avec les diverses traditions spirituelles de notre plante en vue de pouvoir contribuer dgager une  morale partage  sur laquelle on puisse fonder des  droits de lhomme .

 

Ce nest pas une mince affaire car si notre tradition scientifique moderne est profondment enracine dans le paradigme dialectique, dans le domaine de la Raison, toutes les traditions spirituelles partagent la vue que pour une connaissance approfondie de lHomme et de lunivers, voire de  Dieu  il faut dpasser le simple domaine de la Raison, du logos. De plus pour quun dialogue authentique puisse merger, reconnatre les diverses traditions spirituelles comme des traditions de savoir linstar de nos traditions de savoir  scientifiques  est primordial. Ces traditions de savoir sont fondes sur des expriences reproductibles et visant la connaissance de ce que nous sommes au niveau le plus profond (ce qui entrane forcment une connaissance de notre place dans la  vie , de nos liens avec les  autres , le  cosmos ,  Dieu ).  Toutes les traditions, quelles soient chrtienne, hindouiste, judaque, musulmane, bouddhique..., enseignent que la comprhension de ce que nous sommes au niveau le plus profond est le point essentiel : cette comprhension de la nature de lesprit claire de lintrieur et illumine les enseignements de toutes les traditions. Dans chacune delles, quiconque parvient la comprhension intime de lesprit et en fait lexprience immdiate aboutit une vision essentielle, sans commune mesure avec celle quil pouvait avoir avant cette exprience directe. La connaissance de la nature de lesprit est la clef qui ouvre la comprhension de tous les enseignements. Elle claire ce que nous sommes, la nature de toutes nos expriences et rvle la forme la plus profonde damour et de compassion.  note Kalou Rinpoche[19], partir dune perspective de bouddhiste tibtain mais qui fait cho aux enseignements de toutes les traditions spirituelles.

 

Nous reviendrons dans notre dernire case des rgles du jeu une rflexion sur lՎmergence possible dun horizon commun pour une praxis des droits de lhomme dans le dialogue des diverses traditions spirituelles et morales de lhumanit. Notons ici, que dans le contexte de notre jeu de lois il est primordial de se rendre compte que les droits de lhomme ne constituent pas lunique voie de Paix - et que par ailleurs la voie quils reprsentent est fondamentalement anthropocentre. Or dautres traditions nouent  la relation juste avec les autres et son environnement  de manire plus cosmo- ou thocentre et en sexprimant dans un langage diffrent de celui de  droits .

 

Dans le cas de luttes pour la reconnaissance des droits de femmes intouchables[20] en Inde R. S. Khare note que bien que les proccupations de ces femmes renvoient pour nous des problmatiques des droits de lhomme et peuvent y tre rattaches puisque le discours des droits de lhomme fait aussi partie de la ralit indienne, il reste nanmoins que fondamentalement elles ne posent pas les questions en ces termes mais plutt en termes de dharma / karma[21] et dans une vision plus cosmo- et thocentre quuniquement anthropocentre. Nous devons noter cependant que, loin dՐtre figes, ces notions de karma / dharma se trouvent rinterprtes travers les discours galitaires vhiculs par les droits de lhomme et toute la politique sculaire indienne - ou peut-tre devrions nous dire quil y a plutt une rinterprtation mutuelle de ces notions / symboles, le centre de gravit demeurant dans la conscience populaire indienne ancre dans les conceptions indiennes traditionnelles. Selon R.S. Khare[22],  La culture populaire trouve les problmes de la justice et de linjustice profondment relis au karma et au dharma. Cependant la relation est loin dՐtre simple et inconditionnelle ds lors quon lexamine en rapport avec les besoins et les qutes quotidiennes des gens. Dans lidologie traditionnelle hindoue, le karma et le dharma forment la base complte et indiscutable pour la justice et linjustice rencontres dans la vie. Karma et dharma sont ainsi considrs comme fondement de la justice. Dans la vie cependant, la qute pour la justice, ou du moins lesquive dune injustice intolrable, prend une tournure plus urgente et plus pratique. Sauf si cest compltement sans espoir, les gens soit se rvoltent, soit fuient la situation insoutenable. Ils font quelque chose pour remdier la situation. Et ils le font comme faisant partie de leur dharma, car se battre contre linjustice fait aussi partie de son dharma propre. Une injustice causant la torture et la dtresse extrme nest pas subie indfiniment simplement comme destin, comme le fruit du karma pass individuel (ou de la communaut). Dans une telle vue pratique, la justice (nyaya) devient le coeur du dharma, modifiant ainsi lacceptation passive de la condition assigne par le karma. (...) Par dfinition, linjustice ne peut jamais triompher du dharma, parce que le dharma est la justice vidente en soi, et est la source de toute cration et du cosmos. Mais (...) le dharma ne triomphe dfinitivement que lorsque linjustice dborde (...) Dans un tel systme, se plaignent des rformateurs intouchables, linjustice est tolre jusquՈ ce quil sen accumule assez pour remettre la balance du dharma en quilibre. Un tel dharma, est nanmoins considr aujourdhui comme une boussole ncessaire mais non suffisante pour la justice sociale des opprims, jusquՈ ce quil devienne aussi sensible la peine et la souffrance des gens, ici et maintenant. [23]

 

            Surtout des intouchables plus gs continuent envisager les devoirs moraux et les dettes prescrites travers les principes du karma et du dharma et relvent limportance du rle du divin (bhagvan) lequel reste le pouvoir dintervention suprme dans les calculs du karma et du dharma, mais dont la volont demeure mystrieuse pour les humains[24]. Quoi quil puisse se passer au plan humain, la justice cosmique et divine aura toujours le dernier mot. R.S. Khare note aussi que, plutt que dans les termes dune division entre justice et injustice, les intouchables ont tendance raisonner, sur larrire fonds des conceptions que nous venons dexposer, en termes de gradations de leurs vies entre ces deux ples dont certaines relvent de la routine, dautres sont tolrables ou ngociables et dautres encore intolrables et inacceptables[25].

 

            De manire plus gnrale, on peut noter que dans le contexte indien actuel la recherche de la  justice sociale  est devenue quelque chose de normal. Et le militantisme pour les droits de lhomme autant de la part de lՃtat indien que de dynamiques civiques ny est pas pour rien. Cependant, sociologiquement parlant, le mouvement des droits de lhomme reste pour linstant confin ceux qui font dj partie de la structure du pouvoir tatique ou de ses institutions judiciaires. Dautres, linstar des intouchables restent la priphrie. Cet tat de fait ne changera pas moins que  les avocats des droits de lhomme traduisent leurs proccupations dans des termes populaires et en rfrence des conditions sociales vcues, et quils soient prts sՎduquer eux-mmes en ce qui concerne les expriences, expressions et attentes des gens.  [26]

 

            Nous sommes donc bien invits plonger dans un  plurivers [27] pour comprendre la complexit des dynamiques dՎmancipation, du rle que peuvent y jouer les droits de lhomme, et loriginalit des diverses situations qui sont autant denrichissement dans notre effort de connatre lhumain  Mme si cela est exasprant pour un rformateur social moderne et un avocat des droits de lhomme, ce lexique culturel  intrioris du complexe karma-dharma et justice divine est largement partag par les Hindous, les Bouddhistes, les Jans, et les Sikhs ordinaires en Inde. Cest la jurisprudence des gens, qui donne forme aux notions prvalentes dՎquit et de justice sociales. Il traverse des cycles priodiques de rigidit, de rforme, de flexibilit, avec les explications pisodiques de divers saints, rformateurs et leaders. Il rencontre des ptitions, des protestations, des soulvements, aussi bien que la croissance de la foi dvotionnelle dans la puissance intervenante de la volont divine. [28]

 

            Si nous ignorons cet univers, nous restons ct de la proccupation des gens et nous nous fermons en nous fermant lautre, une part de notre propre humanit, qui devrait sous-tendre toute approche des droits de lhomme. Ainsi est aussi pose la question du dialogue entre diffrentes cosmovisions non pas uniquement au niveau du cadre global dune rflexion sur les droits de lhomme o on sent quon ne peut plus postuler a priori la supriorit dune culture sur les autres et quil est donc ncessaire de souvrir au dialogue avec les autres traditions de lhumanit[29], mais pour sengager aussi dans une pratique qui puisse tre effective des droits de lhomme en prenant en compte les reprsentations, les pratiques, les ressources, les stratgies des acteurs effectivement impliqus. Quant la ncessit de souvrir un horizon plus large o puissent sinscrire nos approches dialogales sur les droits de lhomme et qui puisse permettre darticuler des visions plus anthropocentres, plus cosmocentres ou plus thocentres nous y reviendrons dans notre case onze des  rgles du jeu [30].

 

 

Case deux : Les acteurs et leurs statu(t)s

 

Une fois accept un positionnement anthropocentr, nous pouvons entrer, linstar dՃtienne Le Roy, dans le jeu des loispar les acteurs. Ceci nous oblige prendre conscience de leurs diffrents statuts ou positions juridiques voire status ou positions sociales selon une distinction quՃtienne Le Roy emprunte Henri Mendras[31], lacteur tant en effet si on se rfre sa dfinition premire avant tout  celui qui joue un rle [32]. Le rle  dindividu abstrait et universel  incarn dans les droits de lhomme ne constitue quun de ces rles. Toute la notion de personne juridique, qui est au fondement de notre individualisme abstrait et nous fait postuler linhrence chaque tre humain de droits inalinables et imprescriptibles, dcoule dailleurs de la notion latine de persona qui dsignait le masque, le masque tragique, le masque rituel et le masque danctre[33]. Ainsi, nous trouvons au fondement de notre propre conception lide de la personne juridique, lide de rle, de masque, que nous endossons, pour jouer certaines parties dans notre grand jeu de / en socit. Ce nest que petit petit que nous avons monopolis lensemble du jeu juridique par lapproche en termes de  personnes juridiques . Or lapproche interculturelle nous fait percevoir la relativit de ce rle et sa complmentarit fonctionnelle avec dautres rles[34] car  (...) chaque acteur dtient une pluralit de statuts en rapport avec les divers collectifs auquel il appartient, par hritage ou par libre adhsion. Plutt que de pluralisme juridique, il sagit l de situations de multijuridisme. Cette expression est destine  traduire le fait que chaque individu est partie prenante, dans sa vie familiale, professionnelle ou publique, de multiples groupes dont les rgles, rglements, habitudes ou habitus simposent lui de manire plus ou moins concurrentielle. (...) Par rapport un mode individualiste didentification des statuts fonds sur la notion, abstraite et gnrale, de personne juridique, notre approche suggre la ncessaire prise en compte du rle dans son contexte social, donc du statut dans sa dimension individuelle et collective. Ceci est essentiel pour traiter des socits africaines o le communautarisme comme recherche, toujours tensionnelle, dun quilibre entre les intrts du groupe et ceux de lindividu a t et reste le plus souvent la forme privilgie dorganisation des rapports sociaux. [35].

 

Dans une rflexion sur les droits de lhomme aussi nos diffrents statuts (nous ne distinguerons plus dsormais entre  statut  et  status ) sont primordiaux. Tout dabord il nous semble ncessaire de reconnatre le statut  dՐtre humain , indpendamment du fait quon attache cet tre humain des droits inalinables ou non, comme me le rappelait des amis intouchables indiens. Cest la reconnaissance dune humanit partage qui est au coeur de toute pense possible sur la problmatique des droits de lhomme. Or si ceci peut nous sembler aller de soi - il nest par exemple plus  politiquement correct  de parler en termes de races, dՎvolutionnisme etc. - il reste que la reconnaissance dune humanit que nous partageons tous est loin dՐtre un acquis universel. Au coeur de toute approche visant lidal des droits de lhomme il doit y avoir une pdagogie visant la reconnaissance de notre humanit partage. Si les enseignements de nos diverses traditions spirituelles nous semblent des voies permettant de dgager un horizon partag, comme nous lavons indiqu dans la case prcdente, cest bien lattitude dialogale de respect et dՎcoute de lautre, qui nous semble sous-tendre une telle reconnaissance.

 

Si nous commenons par les statuts  modernes  (selon la distinction dՃtienne Le Roy), il nous faut distinguer lindividu dtenteur de droits de lhomme inalinables et imprescriptibles davec le  citoyen . Et nous devons reconnatre juridiquement certains groupes pour pouvoir reconnatre des droits collectifs. On peut rattacher  lindividu  plus spcialement au discours global sur les droits de lhomme, tel quil peut se manifester dans les actions dAmnesty International, ou la reconnaissance de lՎmergence dun  droit commun de lhumanit  tel quil peut nous apparatre par exemple dans la poursuite dun Pinochet ou dautres dictateurs ou criminels de guerre. Sil parat pertinent de distinguer le citoyen de ce  sujet de droits , cest en rfrence limportance accrue que prend la notion de  bonne gouvernance  dans les discours et pratiques internationaux. Si les droits de lhomme se rfrent avant tout lindividu en tant que tel, la bonne gouvernance qui est intimement lie la garantie du respect des droits de lhomme, se rfre elle plutt une gestion responsable des tats par rapport leurs citoyens qui auraient un droit de regard sur leur gestion. La manire de nouer la problmatique des droits de lhomme sen trouve donc modifie. Enfin, ne devons nous pas oublier les personnes collectives, tels les peuples autochtones, qui mergent avec les droits culturels et les droits des peuples autochtones. Mais nous devons aussi prendre en compte les statuts traditionnels, lis une approche de lhomme en terme de  personne , noeud de relations dans lՎtoffe du vivant. Dans de nombreuses socits la socialisation et la scurisation juridique seffectuent par linscription concrte de lindividu (au sens sociologique dagent individualis sans connotation de valeur individualiste) dans divers groupes dappartenance et rseaux.

 

La diversit des statuts des acteurs constitue notre sens une diversit de ressources qui peut tre utilise soit pour contourner les  droits de lhomme  soit au contraire pour pouvoir  les mettre en oeuvre  de manire efficace. Lenjeu qui se cache derrire la reconnaissance des statuts des acteurs est celui de passer dune approche plus instutionnalisante des droits de lhomme qui essaye de raliser un certain ordre homogne et universel pour assurer la protection de la dignit de tous, une vision plus fonctionnelle o les droits de lhomme apparaissent plutt comme autant de ressources mobilisables (intellectuelles et matrielles) pour raliser ou maintenir une vie digne dans des contextes spcifiques et travers les mtissages qui en rsultent inluctablement.

 

Par rapport cette diversit des statuts R.S. Khare sest vite rendu compte dans le cadre de ses tudes sur les femmes intouchables quil nՎtait pas possible de ranger clairement la situation de ces femmes dans un schma dinterprtation unique que ce soit celui du systme de castes dans la continuit de Manu, le lgislateur hindou[36] qui le codifia (probablement entre le deuxime sicle avant et le deuxime sicle aprs Jsus-Christ), ni ceux de thories postmodernes sur  lobjectification  linstar de celles dveloppes par Foucault, Bourdieu ou Derrida[37]. On ne pouvait pas les ranger simplement dans la catgorie des exploits sans voix et dociles :  Leur impuissance tait paradoxale : elle les handicapait autant quelle les enhardissait. Avec une position sociale ngative, elles se sentaient libres de la moralit purdah[38] des hautes castes et de ses contraintes. Elles protestaient sans effort, faisait des mimiques, raillaient, faisaient des satires et dfiaient (lorsque cՎtait faisable) ceux qui les exploitaient. (...) Se mfiant des leaders politiques et de la plupart des Indiens ayant reu une ducation moderne qui ne montrrent que des sympathies vides (khokhli hamdardi), elles taient farouchement  contre de tels pseudo-protecteurs de leurs droits et dignit. Elles trouvrent parfois lIndien duqu plus ignorant, condescendant, droutant, et dangereux quun Hindou orthodoxe. Pour certains rformateurs radicaux, lIndien moderne duqu, tait le nouvel usurpateur et camelot de la voie de ceux qui souffrent. [39]

 

            Il se rendit aussi compte quon manquait curieusement dautoreprsentations de ces femmes et de leurs situations. Ces dernires taient uniquement abordes travers un regard extrieur quil soit moderne ou de haute caste - et de plus probablement en large mesure masculin. Comme le lui faisait remarquer un sociologue-rformateur de basse caste :  Les sociologues de haute caste, valorisant ce qui domine socialement, rendent lordre de castes tellement rel, puissant et envahissant, quil ne reste que peu de place pour notre point de vue alternatif (evazi). Les rformateurs indiens modernes duqus sont encore pires : ils exploitent aussi bien lordre des castes que nous pour leurs propres intrts gostes. [40] De plus, les femmes de basses castes ne veulent pas se rattacher aveuglement au monde des femmes de haute caste et leur combat et sont conscientes des univers qui les sparent. Une rformatrice de basse caste notait que  Les femmes riches de haute caste ne pourront pas tre nos vritables soeurs aussi longtemps quelles nous excluent et nous humilient. [41] Il faut srieusement prendre en considration ce genre de remarques par rapport notre rflexion des droits de lhomme. Nous construisons des catgories de droits, pour les femmes, les enfants et considrons que ces catgories sont homognes et renvoient des contextes similaires, et absolutisons des droits abstraits et dconnects de tout contexte. Nous faisons dailleurs la mme chose de manire gnrale avec les droits de lhomme, ce qui nous fait ignorer des processus de domination et dexploitation qui peuvent mme se retrouver justifis travers les droits de lhomme : le droit absolu de proprit pour un heureux propritaire constitue certes une grande libert, pour celui qui na rien il devient un outil dexclusion.

 

 

Case trois : les ressources

 

Les ressources peuvent tre matrielles, humaines et idelles. La transformation des divers facteurs matriels, intellectuels et spirituels en autant de ressources pour nous acheminer vers une praxis interculturelle des droits de lhomme est notre avis fondamentalement lie lattitude dialogale. Nous pouvons lillustrer propos des ressources que peuvent offrir nos diffrentes visions du monde pour enrichir notre idal des droits de lhomme et nous permettre davancer en sa direction[42]. Tant que lon considre dautres visions du monde, dautres pratiques culturelles, comme rtrogrades, comme sopposant la civilisation et au progrs, celles-ci loin de pouvoir constituer des ressources positives dans la recherche de la ralisation dune vie digne pour tous, sont autant dobstacles. La ressource primordiale nous semble donc bien tre, notre attitude fondamentale envers les choses. Lenjeu consiste nous ouvrir une attitude dialogale, nous permettant dintgrer tout ce que nous trouvons sur notre chemin pour avancer en direction de lidal que nous nous sommes fix. Ceci ncessite une grande ouverture et flexibilit desprit mais aussi la facult darticuler ces diffrents lments pour pouvoir les  jouer  ensemble. La protection moderne des droits de lhomme, outre le fait quelle ne trouve pas toujours un terreau idel fertile en soi dans dautres cultures, ncessite des moyens matriels extraordinaires : un tat de Droit loccidentale, qui constitue la traduction institutionnelle des droits de lhomme dans les faits, ncessite une infrastructure bureaucratique et administrative trs lourde, que ne peuvent se permettre une grande majorit des tats de notre plante (il ne sagit pas dun jugement moral mais dune constatation des faits) qui nen ont pas les ressources matrielles ncessaires. Il est vain de raisonner en termes de droits de lhomme loccidentale qui seraient protgs par une institution judiciaire si on garde lesprit que dans de nombreux pays, les fonctionnaires (dont ceux de la Justice) sont sous-pays voire impays, que le nombre de magistrats est notoirement insuffisants, quils manquent de formation, que les infrastructures de base (ex : journaux officiels) sont trs rduites voir inexistantes. Et la situation ne va pas en samliorant. Jacques Vanderlinden[43] note cet gard par rapport lAfrique que  Quel que soit langle sous lequel on laborde - celui du scientifique, ou du praticien - la faillite des droits tatiques africains est devenu un truisme () Elle est troitement lie la dlitescence de leur producteur, lՃtat africain  or poursuit-il  Sans tat, pas de droit tatique qui dpasse le stade du vu pieux ou du nuage de fume lintention des distraits ou des tartuffes prts se laisser abuser par des apparences qui leur conviennent. 

 

Il est donc primordial de se tourner vers dautres ressources telle la coutume qui continue organiser la vie sociale. La question est de savoir comment articuler la coutume et les pratiques mergentes qui valorisent les ressources existantes avec les ralits des ordres juridiques nationaux et internationaux qui sont eux aussi une ralit invitable et peuvent constituer des ressources, afin de sacheminer vers la ralisation dՎtats de Droit, ou lidal des droits de lhomme pourrait sincarner[44].

 

Et noublions pas de rflchir aux conditions conomiques des droits de lhomme et limportance de repenser notre conomie librale si nous sentons sincrement concerns par lidal des droits de lhomme de garantir tous une vie digne[45]. Il faut tre conscient que si on peut voir la situation de  pauvret de masses  comme celle caractrisant divers pays, notre situation globale, dans laquelle sinscrit le discours universel des droits de lhomme, se caractrise par la pauvret de masses, par lexclusion croissante dun nombre toujours plus grand dՐtres humains, et par un foss grandissant en termes absolus et relatifs entre  ceux qui ont  et  ceux qui nont pas . Prendre les droits de lhomme au srieux nous oblige ainsi aussi dmythifier deux autres de nos  vaches sacres  modernes et y dgager des alternatives : le march et le dveloppement[46].

 

Dans le cas des droits de la femme en Inde il est important de prendre conscience des ressources internes aux traditions indiennes pour leurs luttes dՎmancipation et de garder lesprit quaucune tradition nest homogne, ni statique, mais que toutes les traditions sont diverses, dynamiques et changeantes (et ceci sapplique aussi notre modernit). Souvent, on a tendance pingler certaines pratiques dune autre culture qui peuvent crer des problmes, telle celle de la Sati[47], de la dot, des tests de virginit[48] etc. et dans le mme lan mettre en question toute la tradition concerne comme rtrograde ce qui fait apparatre les droits de lhomme ou lՎmancipation des femmes loccidentale comme lunique manire dadresser ces problmatiques. Or il faut tre conscient que des points de vue traditionnels, les visions de la modernit sont tout autant biaises : souvent les discours de la modernit et du dveloppement sont perus en bloc comme destructeurs de la moralit, des liens communautaires, des tradition et sont donc plus assimils une image de crateur potentiel de chaos et de difficults que daide bienvenue. Dans un tel contexte, il est difficile de sacheminer vers des approches pertinentes des problmes des femmes. Sans pouvoir approfondir ici la question, jaimerais juste citer lintroduction on ne peut plus explicite dun ouvrage crit en 1882 par une femme indienne, Tarabai Shinde, quon pourrait voir comme un texte fministe prcurseur et, ce qui nous intresse plus particulirement, est entirement enracin dans un point de vue indien et critique des pratiques indiennes de son poque dun point de vue traditionnel indien :  Dieu a cr cet univers fantastique, et cest lui aussi qui a cr les hommes et les femmes. Est-il donc vrai que ce sont seulement les corps des femmes qui sont le foyer de toutes sortes de vices pervers ? Ou les hommes ont-ils les mmes dfauts que nous trouvons dans les femmes ? Je voulais montrer ceci de manire absolument claire, et cest pour cela que jai crit ce petit livre, pour dfendre lhonneur de toutes mes surs concitoyennes. Je ne mattache pas ici des castes ou familles particulires. Il sagit juste dune comparaison entre hommes et femmes. [49]. Il nous semble que ce nest quen souvrant une dmarche dialogale avec ces dynamiques mancipatrices que les luttes pour les droits de la femme peuvent prendre tout leur sens - nous continuerons approfondir cette intuition dans notre prochaine case des conduites.

 

Case quatre : Les conduites

 

Cest travers la prise en compte des conduites qui peuvent se rpartir au plus simple en  tactiques  (conduites ractives ou adaptatives) et  stratgies  (plus volontaristes et rflchies) que nous entrons vritablement dans la dynamique du jeu des lois en nous mancipant des lectures qui bien que plurales pouvaient jusquici encore rester structurales. tienne le Roy[50] cite Michel Crozier et Erhard Friedberg[51] pour introduire cette rupture. Pour ces derniers Au lieu de nous centrer sur une srie de concepts bien dlimits, structure, rle, personne, qui ne nous permettent pas dapprhender les phnomnes que nous jugeons essentiels et qui sont les phnomnes de relations, de ngociations, de pouvoir et dinterdpendance, nous nous centrons sur les mcanismes dintgration de ces phnomnes eux-mmes. Le jeu pour nous est beaucoup plus quune image, cest un mcanisme concret grce auquel les hommes structurent leurs relations de pouvoir et les rgularisent tout en leur faisant - en se laissant - leur libert. (...) Le jeu concilie la libert et la contrainte. Le joueur reste libre, mais doit, sil veut gagner, adopter les rgles de celui-ci. Cela veut dire quil doit accepter pour lavancement de ses intrts les contraintes qui lui sont imposes. 

 

Cest donc travers les conduites que sactualisent nos habitus et nos modles de conduites et de comportements et que sont utilises, rinterprtes, contournes toutes les situations qui se prsentent. Lanalyse des conduites dans des contextes donns et par rapport au monde o lon sinscrit[52] doit nous permettre en tant quanthropologues du droit, visant comprendre limpact de diverses dynamiques de droits de lhomme dans divers contextes, de  (...) relever les anticipations volontaristes des acteurs, leur capacit de mobilisation des ressources ou de slection des statuts les plus opratoires afin de construire des positions susceptibles de promouvoir certaines fins explicitement choisies comme objet de leur investissement social, politique ou conomique. (...) Tactiques et stratgies sont pour nous les modes opratoires par lesquels les acteurs tantt appliquent les modles de conduite tantt anticipent leur adaptation ou encore tentent de les modifier, si possible leur profit. Si ces modles de conduites et de comportements ne sont que des abstractions plus ou moins explicites par le jeu des acteurs, cest par la mdiation des tactiques et des stratgies quon peut identifier leur contenu, leur rcurrence, leur efficacit ou leur concurrence. Ils ont aussi pour mrite de nous introduire dans les logiques sociales loeuvre dans le champ social. [53].

 

Cest dans les conduites quotidiennes que des changements sont possibles et cest aussi dans ces conduites quon peut valuer lefficacit et la pertinence dapproches plus globales. Dans notre cas, cest uniquement si les femmes peuvent traduire leur idal dՎmancipation tel quil peut tre en partie cristallis dans les droits de la femme dans leurs conduites que celui-ci fait vritablement sens. Ceci suppose dune part que lidal puisse tre dune manire ou dune autre intrioris et quil existe des ressources qui sont mobilisables et adquates pour le raliser. On peut citer en exemple de russite, le genre dapproches dveloppes par lassociation AWARE en Inde[54]. Son travail vise surtout a cosncientiser  les femmes du fait quelles ont des droits, quelles ont une dignit qui doit tre respecte. Ceci se fait dans un travail patient dapproche mutuelle et de dialogue et en liant cette conscientisation aux problmes concrets spcifiques rencontrs tels que des questions daccs au crdit pour les femmes pour dvelopper leurs propres activits, daccs au soins, de bannissement de lalcool dans le village pour viter des maris ivres et violents. Toutes les approches ont en commun que dune part les femmes ne sont pas vues comme objets passifs de rgulation ou daide mais comme des partenaires actifs et que dautre part plutt que de raliser des objectifs abstraits, de  convertir une idologie  on met en uvre des approches visant amliorer de facto des situations concrtes - approches qui ont donc aussi toujours un certain caractre local et non reproductible tel quel dans des contextes diffrents. Ce qui invite louverture de nos logiques juridiques institutionnelles des logiques plus fonctionnelles.

 

 

Case cinq : Les logiques

 

On peut dfinir les logiques comme des  rationalisations pour laction [55]. Ce sont  la manire dՎlucider les explications relatives aux causes et consquences en introduisant une cohrence qui ne relve pas seulement de la rationalit scientifique mais aussi par exemple, du sens pratique. (...) A chaque fois quon est tenu, pour soi-mme ou pour les autres, de justifier ses choix et de lgitimer ses priorits, on doit construire une explication qui ne vaut que par la manire selon laquelle elle sera accueillie et mise en oeuvre par le ou les collectifs impliqus par ses incidences, soit en terme de concurrence, soit sur le mode de la complmentarit. [56]

 

On peut distinguer plusieurs formes de logiques[57], mais nous insisterons surtout ici sur les logiques institutionnelle et fonctionnelle qui rpondent deux faons fort diffrentes denvisager la juridicit, mais qui peuvent tre joues de manire complmentaire[58], le grand enjeu nous paraissant douvrir la pense des droits de lhomme qui reste trs institutionnelle une approche plus fonctionnelle[59]. La pense juridique moderne (et surtout celle systmique continental-europenne) sinscrit dans une vision institutionnelle de lordre. Et derrire la dynamique des droits de lhomme et lessai de leur universalisation, on peut aussi dmasquer lidal de lՎtablissement dun ordre juridique universel. Or penser la reproduction de nos vies partir de lordre et partir dՐtres qui y trouvent leur place par leur soumission ce dernier na rien duniversel[60]. Pour de nombreuses socits, cest linorganis qui est au fondement de la vie et cest travers nos fonctions diverses que nous vivons ensemble. De plus si nous prenons les perspectives interculturelles et  de la base  au srieux, nous sommes obligs de reconnatre que nous vivons assurment plutt dans un plurivers que dans un univers[61]. Il semble donc important douvrir nos dmarches institutionnelles des droits de lhomme, se refltant dans lidal de lՎtablissement dun systme universel de protection de droits de lhomme et par une activit soutenue de rdaction de dclarations etc., par des approches plus fonctionnelles. En effet, linstitution dune ralit ncessite tout dabord un consensus quant ce que lon veut instituer afin que linstitution puisse jouir dune autorit suffisante pour tre accepte. Or pour linstant il semble que nous ne soyons pas encore - et je ne sais pas si nous le serons un jour - en mesure de proposer un systme unique des droits de lhomme qui pourrait tre institutionnalis et qui pourrait faire sens pour tous et donc avoir une autorit et lgitimit suffisante. Cependant les droits de lhomme constituent un horizon et offrent des ressources pour laction  mancipatrice [62] ds lors quon les aborde de manire plus fonctionnelle. Cest--dire ds lors que nous attachons notre attention davantage sur lobjectif quils sont censs remplir que sur le rve de la cration dun systme parfait  en soi , donc abstraitement et sans lien avec nos ralits existentielles concrtes.

 

Notons que lorientation de la dmarche interculturelle sur les pratiques des acteurs   la base  ou aux  grassroots  conduit un dcalage de notre centre de gravit de linstitutionnel vers le fonctionnel. Ce qui ne signifie pas que linstitutionnalisation, la cration dinstruments internationaux ou de juridictions internationales nous paraisse inutile. Bien au contraire. Mais il faut insister sur limportance de nous ouvrir une approche plus fonctionnelle, car lՎcrasante majorit des rflexions sur les droits de lhomme et des pratiques des droits de lhomme est fermement enracine dans la vision institutionnelle - ce qui pige nos yeux autant nos pratiques que nos rflexions. Car nous restons dans des dbats abstraits sur un  meilleur systme possible , qui nous parat de toute faon irralisable, et o nous nous embourbons dans des questionnements sur universalisme et particularismes, thorie et pratiques etc. Notons que des associations telle que  Juristes - Solidarits , travaillent activement travers le monde entier en vue de promouvoir des pratiques alternatives au Droit, en dmythifiant le droit tatique auprs des populations et en travaillant faire reconnatre des droits populaires ou  de la pratique  par les institutions[63]. Ce genre de dmarches fait cho celles prsentes plus haut de lassociation AWARE qui sont aussi lies la prise de conscience que si elle existe et joue un certain rle, la Justice officielle reste nanmoins une ressource qui ne peut tre mobilis quexceptionnellement, car pas facile daccs pour des raisons conomiques, sociales et culturelles et quil faut donc btir ses actions mancipatrices sur les pratiques effectives des acteurs.

 

 

Case six : Les chelles spatiales de contextualisation du jeu juridique

 

Les  mmes  phnomnes se transforment en ralits trs diffrentes selon les chelles spatiales o lon se situe. Un mme discours des droits de lhomme renvoie des ralits trs diffrentes, quon aborde ses implications un niveau global (toute la plante), aux niveaux rgionaux (par exemple continentaux, en rfrence ainsi aux systmes rgionaux de protection des droits de lhomme), aux niveaux nationaux, voire aux niveaux infranationaux (qui peuvent tre des tats fdraux - qui ne loublions pas peuvent avoir des dimensions suprieures (comme dans le cas de lInde) de nombreux tats nationaux - voire des rgions ou des villes).  Ce qui est vrai une chelle ne lest pas ncessairement une autre en vertu dune qualification diffrente, donc dun usage spcifique. [64]. Il faut donc garder lesprit la pluralit des espaces et de leurs chelles o sinscrivent les droits de lhomme, et du fait que ceux-ci ne sont pas indpendants les uns des autres. Et ceci non seulement linstar dune poupe russe ou le plus global engloberait des dimensions de plus en plus locales aboutissant en dernire analyse aux individus. Car les mmes problmatiques peuvent tre joues simultanment sur diffrents plans. On peut avoir intrt, pour faire aboutir une revendication, sՎmanciper du  local  pour sadresser au fdral, voire au national ou au rgional (dans le cadre europen se rfrer par exemple la convention europenne des droits de lhomme pour se faire reconnatre des droits qui ne le sont pas encore dans le pays dorigine). Inversement on peut avoir intrt ramener certaines problmatiques de linternational ou rgional au niveau par exemple du national (en soutenant ainsi que les droits de lhomme sont avant tout affaire nationale afin de se garder une libert daction plus grande, voire sa  souverainet ). Il va sans dire que chaque changement dՎchelle implique de nouvelles slections de statuts dacteurs, de stratgies, de logiques, de forums et donc un changement dans la manire de jouer le jeu des droits de lhomme. De plus, de manire plus gnrale toute situation concrte choisie dans une chelle donne est influence par des phnomnes qui se situent dautres chelles. Ainsi si nous ngligeons les acteurs et leurs diverses utilisations des  droits de lhomme  des chelles diffrentes en vue datteindre des objectifs de  protection  ou dՎmancipation , et que nous nous contentons du point de vue dune  politique globale  de la dynamique des droits de lhomme, nous sommes confronts des problmes similaires ceux quon peut rencontrer dans la problmatique du dveloppement o  (...) lune des questions-clefs sur lesquelles butent les politiques de dveloppement est de rendre compatibles des dterminations mergeant des chelles diffrentes : les injonctions de la Banque mondiale en matire dajustement structurel sont fondes selon les critres de macro-conomie et de mondialisation des changes mais contredisent des pratiques politiques lՎchelle nationale et risquent de ne pas prendre en considration les capacits dadaptation des producteurs lՎchelle locale (question de lajustement social et culturel). Elles risquent donc le rejet ou le sabotage si elles ne sont pas relayes par des politiques adaptes au contexte local. [65]

 

Rflchir aux chelles, nous incite prendre en considration les effets que peuvent entraner des discours et pratiques de droits de lhomme un certain niveau pour dautres niveaux. et qui peuvent tre parfois des effets pervers. Un exemple est que par lhomognisation de lespace juridico-politique que produit le discours des droits, des problmatiques qui ne sont pas exprimes dans ce langage se trouvent vacus de la scne autant au niveau de laction que de celui mme de la rflexion. Je renvoie ici le lecteur aux rflexions dveloppes plus haut relatives aux auto-reprsentations des femmes intouchables indiennes par rapport leurs problmes et qui ne sinscrivent pas et ne sexpriment pas fondamentalement en termes de droits loccidentale. De faon gnrale, il nous semble important de prendre conscience des enjeux dune approche du droit comme  carte de lecture dforme  des ralits juridiques et sociales et du rle quy jouent les chelles (que nous ne limiterions pas en ce qui nous concerne au local, national et international comme indiqu plus haut)[66].

 

 

Case sept : Les chelles temporelles ou processus

 

Tout aussi importante que linscription des phnomnes juridiques dans leurs chelles spatiales est leur inscription dans les chelles temporelles et plus gnralement dans le temps. Commenons par une rflexion sur les chelles temporelles (1) avant de nous poser la question plus vaste de linscription du droit et des droits de lhomme dans le temps (2).

 

(1) Les processus sont lanalyse historique ce que sont les chelles aux analyses gographiques. Il est important de noter quune analyse processuelle ne signifie pas simplement une analyse du changement social, comme le fait remarquer Sally Falk Moore, mais implique de porter lattention sur les processus qui concourent la reproduction de nos socits.  Les processus de rgularisation incluent toutes les manires dans lesquelles des efforts conscients sont fournis pour construire et / ou reproduire des ordres sociaux et symboliques durables. (...) Cette fabrication et ritration constante dordre social et symbolique est vue comme un processus actif, et non comme quelque chose, qui une fois ralise, est fixe. Le point de vue adopt est celui que les ordres existants sont tout jamais vulnrables au fait dՐtre dfaits, refaits, et transforms, et que mme leur maintien et leur reproduction, rester ce quils sont,  devraient tre vu comme un processus. [67].

 

Pour comprendre des phnomnes juridiques dans cette lumire, il est utile de distinguer quatre formes de processus : les mga-processus, les macro-processus, les mso-processus et les micro-processus[68]. Un mga-processus se situe sur le trs trs long terme. Il consiste en  cette exploration de tout homme la recherche de ses racines et sa priodisation est de lordre du millnaire [69], voire plus. Les macro-processus servent caractriser lenchanement de phnomnes sur une trs longue priode se situant au-del dune gnration. Ils peuvent sՎtendre de lordre de plusieurs gnrations celui de plusieurs sicles. Cest une srie de priodes tendues dans la longue dure et qui  senchanent et se compltent en remontant lorigine du processus considr [70]. On pourrait citer comme exemple lՎmergence de la notion moderne dindividu ou de droit au coeur de notre approche des droits de lhomme. Pour notre approche interculturelle des droits de lhomme il est important dՐtre conscient que nos diverses civilisations humaines sinscrivent dans des mga et macro-procesus diffrents.  Le mso-processus a pour terme la gnration, priode au-del de laquelle le sens des vnements fondateurs se dissipe. [71]. Il est donc de quelques dcennies au plus. Il est  mso  par rapport aux macro-processus et aux micro-processus entre lesquels il sintercale. Pour tienne Le Roy[72] on peut aussi le caractriser par la  priode  quil dfinit comme  le temps ncessaire pour quun vnement soit disparaisse de la mmoire ou de la conscience des acteurs, soit quil soit transpos dans un champ mythique ou symbolique.   Un msoprocessus dans lequel nous sommes inscrit est celui de la globalisation / pluripolarisation du monde dont on peut retracer lorigine fondatrice la chute du mur de Berlin en 1989. Il nous semble que dune certaine manire linscription dans ce mso-processus, nous a mancip du mso-processus prcdent dune plante divise en deux blocs dont lorigine se trouvait dans la fin de la deuxime guerre mondiale et o a pris naissance la dynamique mondiale des droits de lhomme. Le micro-processus enfin, sinscrit dans une priodicit restreinte, sՎtendant de quelques mois une anne.  Lenchanement des phnomnes seffectue partir dun vnement fondateur toujours mmoris justifiant le partage de solidarits, de luttes ou de conflits et produisant des ajustements situationnels qui peuvent sinstitutionnaliser ou non et qui ainsi relvent tantt de logiques fonctionnelles, tantt de logiques institutionnelles. Cest l o lart de lacteur sadapter au contexte toujours changeant du jeu social est mis lՎpreuve. [73]. Notons, concernant ces divers processus que eux aussi, linstar des chelles, ne sont pas mutuellement interdpendants, mais sont nous par les acteurs dans les situations concrtes.

 

(2) Mise part limportance de prendre en compte les divers processus pour clairer les dynamiques des droits de lhomme, il nous semble important, linstar de Franois Ost[74] dintroduire une rflexion plus large sur le temps et le droit. En effet, un des signes diacritiques du droit moderne, est, outre son universalit dans lespace, son  universalit dans le temps . Nous avons tendance le percevoir comme ternel. Par rapport notre rflexion sur les droits de lhomme, nous sommes par cette attitude encore une fois pigs dans une approche dont lidal est la ralisation dun ordre parfait pour tous et une fois pour toutes. Or le plurivers voqu plus haut, nest pas uniquement spatial, il est aussi temporel : si nous voulons nous ouvrir une approche plus fonctionnelle des droits de lhomme en btissant sur nos diverses ressources, nous sommes invits les repenser en relation avec nos diverses mmoires et traditions qui incluent des lments plus  locaux  et plus  globaux  et sinscrivent dans des temporalits plus ou moins longues et nos diverses aspirations et projets pour nos futurs plus ou moins lointains. Le prsent nous apparat ainsi comme un nouvel  entre-multiple  entre diverses temporalits.

 

Il sagit donc aussi pour nous dapprendre vivre ensemble harmonieusement, en respectant et en accordant nos rythmes rciproques. Nous nous ouvrons ainsi encore dune autre manire au jeu de la vie et de nos Droits. Le temps nest plus une ralit extrieure, nos traditions ne sont plus uniquement dans notre pass, et nos projets plus uniquement dans notre futur. Ils font partie de notre prsent et il sagit dans nos approches nous ouvrir ce prsent trs riche. Ainsi pourrons-nous peut-tre petit petit au lieu de rver et de lutter pour un futur meilleur, que promet entre autre la mythologie des droits de lhomme, nous ouvrir des  bonnes  vies ici et maintenant. En mme temps, nayons pas peur douvrir nos perspectives des horizons plus larges. Les droits de lhomme nexistent que depuis un peu plus de deux sicles. Les phnomnes de globalisation contemporains comme  structuration du monde comme un tout [75] et la pense mondiale des droits de lhomme que depuis quelques dcennies. Quest tout cela en rapport avec les millnaires de lexprience humaine ? Pour Raimon Panikkar[76] nous touchons la fin dune priode historique de 6000 ans et nous sommes peut-tre en train dentrer dans une nouvelle priode  trans-historique . Nous ne pouvons pas dvelopper ces ides ici, mais ce que nous aimerions retenir cest que si nous devons retrousser les manches pour relever les dfis contemporains pour dgager des voies nous permettant de vivre ensemble dignement pour maintenant, il ne faut pas oublier de rflchir aux implications plus profondes de nos actions moyen et long, voire trs long terme et de dgager des horizons pour notre praxis[77].

 

Un problme trs concret par rapport aux diffrentes temporalits (mga, macro, mso, micro) et la coexistence de nos diffrentes histoires est la question des phnomnes dacculturation rciproques, de transformations rciproques de nos diverses traditions des niveaux diffrents[78]. Comme nous le verrons dans la case neuf des ordonnancements sociaux, le Droit, entendu comme phnomne juridique, ne repose pas uniquement sur des rgles gnrales et impersonnelles mais aussi sur de modles de conduite et de comportement et des habitus. Or si on peut assez rapidement changer des rgles de droit positif, les modles de conduite et de comportement partags dans un contexte donn voluent moins rapidement, et les habitus encore moins. Or dans le cadre des droits de lhomme quelle est lutilit de beaux textes si ceux-ci ne font pas sens et ne sont pas utilisables par leurs destinataires faute de faire cho aux modles de conduite et de comportement et aux habitus qui font sens ?

 

 

Case huit : Les forums

 

Nous nous trouvons un peu avec cette case au lieu o se rencontrent les cases prcdentes et celles quil nous reste encore dcouvrir (ordonnancements sociaux, enjeux et rgles du jeu). tienne Le Roy[79] note concernant les forums qui sont aussi les  arnes  o se jouent les  luttes pour la mise en forme et la mise de formes de la reproduction de nos socits  qu En des lieux gnralement faciles identifier, des acteurs dans leurs statuts, avec les ressources quils peuvent mobiliser et traduire en discours, mettent en oeuvre des conduites, selon des logiques (le pluriel tant de rigueur) pour, en considrant lՎchelle de rfrence et la temporalit en cause, se projeter dans un futur plus ou moins proche et formuler (ou interprter) des rgles. De manire indissoluble, les questions poses dans de tels forums sont bases sur la confrontation (parce que les intrts sont diffrents) et sur la ngociation (parce quil faut trouver des consensus minima sans lesquels il ny a pas de contrat social). On verra cependant que, selon les ordonnancements sociaux privilgis (...), les solutions pourront tre formalises de manire particulire, voire contradictoire aux objectifs viss. Sans forum (au sens romain de place publique, lieu de rencontre et de commerce et de tribunal, lieu de rglement de conflits) il ny a pas de rgulation du jeu social. Mais encore faut-il que le forum soit adapt au problme assumer, que ses modes de fonctionnement lui confrent une certaine autorit et quainsi ses dcisions soient tenues pour obligatoires et opposables aux tiers. . Les forums relatifs aux droits de lhomme existent dj, le plus connu et le plus global tant celui que reprsente lOrganisation des Nations Unies (ONU). Et ils sen crent inlassablement de nouveaux selon les besoins, maintenant aussi dans le monde  virtuel  que constitue linternet. Limportant, nous semble-t-il, nest donc pas tellement de crer toujours de nouveaux forums, mais plutt douvrir les forums existant une prise de conscience dialogale, telle quelle sous-tend tout cet article. Comme nous le notions dj dans lintroduction notre premier mmoire sur la question des droits de lhomme et du dialogue interculturel[80], cest l, notre sens, le rle majeur de lanthropologue du Droit dans la rflexion sur les droits de lhomme : contribuer lՎlaboration dun forum de dialogue interculturel sur la question des droits de lhomme, dun espace mental qui permette douvrir nos thories et nos pratiques linterculturalit et qui pourra se reflter dans nos divers forums  rels . Si nous relevons ce dfi, notre praxis des droits de lhomme peut faire sens et acqurir une lgitimit interculturelle  universelle  dans le monde contemporain. Or ceci est indispensable car comme nous le savons :  auctoritas non veritas facet ius. 

 

Dans le cadre des droits de la femme en Inde, on peut noter que lՃtat indien a mis en place toute une srie de forums spciaux, de juridictions plus ou moins institutionnalises pour rpondre plus spcifiquement des problmes de femmes, tels que des tribunaux pour des atrocits spciales faites aux femmes (ex : pour les pratiques de Sati voques plus haut),  des tribunaux  informels  pour rgler rapidement des conflits familiaux, des cours  semi-tatiques  pour contribuer la rduction des ingalits de genre et des commissions nationales et fdrales pour rsoudre surtout des conflits familiaux travers la mdiation et la conciliation, quoi on peut ajouter les diverses lok adalat ou cours populaires. Cependant si ces nouveaux forums jouent un rle indniable ils sont encore loin de rpondre vraiment aux attentes. Et il semble primordial de procder ici aussi l interculturation  dautres forums existant, telles les instances de gouvernement dcentralis, les panchayat, o il existe dj lobligation de rserver un certain nombre de places aux femmes - il semble que, mme si pour linstant il y ait encore beaucoup dinstrumentalisations et que souvent les femmes demeurent des  femmes de paille  pour les hommes qui se cachent derrire et continuent effectivement exercer le pouvoir, on ne peut pas dnier que des changements se font lentement dans les esprits[81]. Notons que plutt quune rponse, lapproche dialogale que nous prconisons tout au long de cet article est plutt une mthode et une exigence pour aborder nos pratiques - mais comme peut le constater le lecteur elle a des implications trs relles au niveau tant de nos approches thoriques quՈ celui des politiques juridiques.

 

 

Case neuf : Les ordonnancements sociaux

 

Dans une perspective anthropologique[82], loin de constituer un phnomne homogne, le Droit apparat comme la rsultante du jeu des trois fondements ou des trois  pieds  que sont les normes gnrales et impersonnelles (NGI), les modles de conduite et de comportement (MCC) et les habitus ou systmes de dispositions durables (SDD), chaque socit pondrant diffremment ces trois ples selon leur archtype juridique[83]. Ces trois pieds peuvent tre mis en parallle avec trois types dordonnancement de lorganisation sociale, ou  ordres sociaux , dgags par les chercheurs du LAJP lors de leurs travaux sur la justice des mineurs : lordre impos (NGI), lordre ngoci (MCC) et lordre accept (SDD) auxquels on peut ajouter un quatrime ordre, qui est dailleurs plutt une contestation de lordre, lordre contest[84].

 

Si les trois premiers ordres sont dhabitude ceux qui sont perus comme permettant la reproduction harmonieuse des socits et donc comme garants de la dignit humaine, il est important de noter que, par rapport notre rflexion, lordre contest joue un rle primordial : en effet, en grande partie les droits de lhomme sont des outils qui peuvent permettre la dnonciation et la contestation dordres injustes. Mme sil semble quils ne soient pas trs efficaces pour protger la dignit humaine en tant que telle, protection qui ncessite la participation de toute la  structuration  sociale (pour intgrer lide de processus celle de structure), ils sont nanmoins des catalyseurs et des incitateurs laction pour changer les ordres tablis en vue de la ralisation dune vie plus digne pour tous les tres humains. Notons que si les droits de lhomme peuvent sous certains conditions jouer un rle mancipatoire, ils peuvent facilement tre pervertis ds lorsquils deviennent des outils de rgulation pour reprendre une distinction de Boaventura de Sousa Santos[85] qui distingue dans la modernit les piliers de la  rgulation  et de l  mancipation . Contentons nous de noter ici - vu tous les exemples que nous avons dj fournis par rapport la problmatique des droits des femmes en Inde - que pour que la contestation de lordre travers les droits de lhomme puisse se rvler fructueuse et puisse permettre lՎmergence d  tats de Droit  il est indispensable, pour faire rfrence la dfinition du Droit de Michel Alliot[86], que cette contestation sinscrive dans les terreaux endognes autant quant la mise en forme de la  lutte  pour les  droits de lhomme  ou pour la  dignit humaine , que quant aux  consensus sur les rsultats de cette lutte  auxquels on peut aboutir.

 

 

Case dix : Les enjeux

 

Les enjeux des thories et pratiques des droits de lhomme sont varis et plus ou moins avouables. Il est triste de le constater, mais ces derniers sont trs souvent instrumentaliss par les grandes puissances[87] pour leurs propres intrts conomiques, politiques, stratgiques etc. Ceci dautant plus facilement que relevant du  sacr  il nest pas facile de questionner des interventions au nom des droits de lhomme, alors quil est facile de justifier des non-interventions de ces puissances par largument  quon ne peut pas tre partout . Boaventura de Sousa Santos[88], fait aussi remarquer, en suivant les analyses de Richard Falk, que les grandes puissances ont eu tendance jouer un double jeu entre politiques  dinvisibilit  et de  supervisibilit , grossissant certaines situations et se dsintressant dautres selon leurs intrts conomiques et gopolitiques.

 

Enfin, notons que lune des revendications des nations asiatiques dans la dclaration de Bangkok consistait en une exigence de dmocratisation du systme onusien, sans laquelle tout discours sur un gal respect des diverses cultures nՎtait que vains mots. Et encore faudrait-il que tout le monde veuille bien jouer selon les rgles des Nations Unies, et ne pas se croire au-dessus du lot, comme ont tendance le faire surtout les tats Unis. Peut-tre que les temps ont un peu chang, mais ce nest pas si sr.

 

Lenjeu principal pour les droits de lhomme nous semble donc dans notre perspective interculturelle, de nous acheminer petit petit travers une attitude dialogale et une attention porte aux vies concrtes des gens, destinataires (et bnficiaires !) supposs des droits de lhomme, vers une approche cosmopolite et non-hgmonique des droits de lhomme pour reprendre la terminologie de Boaventura de Sousa Santos. Ce nest quainsi que les droits de lhomme (compris au sens large) pourront esprer tre la hauteur pour contribuer relever leurs autres enjeux,  avouables  cette fois ci : protection de lindividu face aux pouvoirs tatiques, voire aux pouvoirs des grandes entreprises multinationales, protection face des pouvoirs sociaux, mancipation de conditions opprimes, construction de projets fdrateurs des niveaux rgionaux voire au niveau global dans lՎmergence par exemple dun projet fdrateur pour toute lhumanit de vivre ensemble dans le respect et le partage mutuel de nos communes humanits.

 

            Il peut tre pertinent de mettre ici en contraste les proccupations des femmes intouchables indiennes que dgage R.S. Khare[89] et celles des  missionnaires des droits de lhomme  tels que le mettent en lumire tienne Le Roy et Camille Kuyu dans un contexte africain mais porte plus gnrale. Le combat principal et quotidien de la grande majorit des intouchables concerne, en leurs propres termes le  droit de survivre  (zindagi jeeney ke adhikar). Ce qui implique laccs  suffisamment de nourriture, des vtements, un hbergement, lՎducation, une vie en scurit, mais jamais au dtriment de lhonneur de la communaut [90], ce qui constitue dans les termes de Upendra Baxi[91], le  droit tre humain . Les femmes intouchables avec lesquelles travaillait R.S. Khare nommaient quatre proccupations majeures, qui constituent la trame  normale  de leurs vies[92] : (1) tre confrontes des insultes personnelles et des humiliations de soi-mme ou de parents ; (2) devoir accomplir du travail forc et non pay, des services et ce quelles appellent lesclavage (gulami) ; (3) subir le harclement sexuel, lexploitation et labandon ; et (4) tre victime de violences physique et risquer sa scurit personnelle voire sa vie. Face ces proccupations, la remarque dՃtienne Le Roy et de Camille Kuyu traitant de la coopration judiciaire en Afrique nous interpelle :  Par exemple, un autre rapport gnral de la confrence du Caire, relatif aux Institutions et mcanismes contribuant la consolidation de lEtat de Droit et la protection des Droits de lhomme en matire de Justice (Paris, avril 1995) suggre principalement dassurer la promotion et la vulgarisation des droits auprs des populations (p 17). Le rdacteur ne sinterroge pas sur le contenu du message mais sur les seules modalits de conversion la nouvelle idologie. La mentalit du missionnaire juridique colonial na dcidment pas disparu. [93]

 

Un des enjeux majeurs de nos approches des droits de lhomme est vraisemblablement de nous manciper dune approche missionnaire pour nous engager dans une approche dialogale et de partage permettant dadresser les problmatiques concrtes des  bnficiaires  supposs des droits de lhomme.

 

 

Case onze : Les rgles du jeu

 

Nous voil arrivs notre dernire case de ce jeu de lois pour remettre en perspective dynamique notre approche interculturelle des droits de lhomme. Nous avons insist sur ce caractre dynamique quelle doit revtir et sur le fait quil est ncessaire de complter une logique institutionnelle par une logique plus fonctionnelle pour pouvoir rpondre et sadapter la diversit des situations. Dans notre perspective, il apparat donc, que ce que nous devrions valoriser dans notre praxis interculturelle des droits de lhomme, ce sont des rgles du jeu en termes de modles de conduite et de comportement caractrisant lordre ngoci. En effet, les normes gnrales et impersonnelles de lordre impos sont trop lointaines dans beaucoup de contextes pour permettre dune part une identification avec elles, ou dautre part, mme si cette dernire existe, leur mise en oeuvre. Quant aux systmes de dispositions durables ou habitus, relevant de lordre accept, ils sont trop divers et lis des contextes particuliers pour pouvoir servir de fondements une approche des droits de lhomme sur une chelle globale telle que nous labordons ici.

 

Apparat donc ici un nouvel enjeu, ce qui nous fait bien prendre conscience quel point toutes les cases sont lies entre elles, celui de dgager des modles de conduite et de comportement qui puissent tre accepts par tous, donner autorit et lgitimit une praxis interculturelle des droits de lhomme et fonder ses rgles du jeu. Ce qui nous ramne la question du dialogue entre traditions morales et spirituelles de lhumanit[94].

 

Vu la diversit de nos caractres et de nos contextes il est invitable et mme ncessaire quil existe une multitude de voies spirituelles. Mais il est important de garder lesprit, que si elles insistent sur des aspects diffrents de la  nature humaine  elles partagent cependant toutes une thique fondamentale commune[95] quon pourrait rsumer dans le mot  altruisme  : faire passer lautre avant soi mme avec tout ce que cela implique. Pour le dire avec les mots de Swmi Viveknanda qui font cho dans toutes les traditions spirituelles et renvoient une thique que lon retrouve comme idal dans toutes les cultures  La devise de tout bien-tre, de tout bien moral est : Pas moi, mais toi.  [96]. Cette thique de laltruisme est fonde sur une comprhension profonde de nos ralits existentielles. Le renoncement  lՎgo  quenseignent toutes les traditions nest pas uniquement un acte  moral  tel que nous lentendons dhabitude, mais est une exigence incontournable pour atteindre la connaissance de soi ou dans une perspective thiste de  Dieu . Il nous semble quՈ travers ces approches, qui rappelons-le, sont avant tout exprimentales, il est possible de dgager un horizon pour une approche interculturelle des droits de lhomme.Nous disons bien : un horizon. Des tres humains partout dans le monde ont incarn un  idal dhumanit  et ces divers idaux se retrouvent dans leurs intuitions et leur thique fondamentales. Ce quil nous semble important cest de reconnatre lhorizon que constituent leur inspiration, tout en reconnaissant la ncessit intrinsque de la diversit des manifestations de cet idal dans le concret autant dans lespace que dans le temps. Pour cela il est cependant ncessaire doser au moins se dtacher un tout petit peu de cet attachement aux formes qui semble si bien caractriser lՐtre humain et de souvrir ce que Raimon Panikkar[97] appelle la confiance cosmique[98] et qui fondamentalement sous-tend toute dmarche vritablement dialogale.

 

Il faut prendre conscience de lexistence dautres options fondamentales pour nouer les problmatiques touchant au partage dune vie digne et qui ne partiraient pas de la rflexion intellectuelle et de ses dductions, mais de nos diverses expriences spirituelles et de leur partage et enrichissement mutuels pouvant nous mener vers une approche cosmothandrique  intgrant  les trois dimensions irrductibles mais complmentaires de la Ralit que forment  lhumain ,  le cosmique  et  le divin  et qui sont diffremment valoriss par nos diffrentes traditions. Dans ce contexte lattitude dialogale nous semble bien la rgle de jeu fondamentale. Mais notre sens, et nous nous inscrivons l dans la continuit des travaux de Raimon Panikkar et de Robert Vachon, cette attitude dialogale nest pas uniquement fonde dans les exigences dune intersubjectivit que nous devons reconnatre, mais a des fondements ontologiques dans la ralit mme puisquelle est fondamentalement base sur ce que Raimon Panikar appelle la  conscience symbolique [99]. Trois symboles, lAmour, la Sagesse et la Paix nous paraissent essentiels comme fondements une praxis interculturelle des droits de lhomme et nous terminerons notre article en quittant un peu lanalyse scientifique et en nous engageant dans une brve mditation sur ces symboles comme horizon o inscrire toutes nos dmarches et qui leur donne tout leur sens[100].

 

Ces trois symboles sont des ralits existentielles qui ont dune part une porte universelle dans lespace, elles nous concernent tous, et dautre part dans le temps, ce sont des ralits  ternelles . Dans ce sens, elles peuvent constituer une assise solide pour lhorizon de toute rflexion pour une vie dans le respect et le partage mutuels, quon laborde travers loptique des droits de lhomme ou toute autre optique. De plus ces trois ralits tout en restant des idaux universaux sont incarns de manires fort diffrentes dans les divers contextes historiques et culturels, et sy sont cristalliss sous formes de  modles  locaux qui sont source dinspiration dans ces diverses  localits .

 

Concernant lAmour et la Sagesse, ce sont les deux aspects de la  Vrit , voire les deux pieds qui nous font marcher sur la voie de la dcouverte de nous-mmes. Omraam Mikhal Avanhov[101] note ainsi que  La vrit est une mdaille dont un ct est lamour et lautre la sagesse. Si vous cherchez la vrit indpendamment de lamour et de la sagesse, vous ne la trouverez pas. Mais ds que vous possdez lamour et la sagesse, que vous cherchiez ou non la vrit, vous la possdez aussi. 

 

Swmi Viveknanda[102], refltant une perspective hindoue, peut nous aider faire le lien, travers lide dharmonie, entre lAmour et la Sagesse et la Paix en notant que  Ce quil nous faut maintenant, cest combiner le coeur le plus grand et lintelligence la plus haute, lamour infini et le savoir infini. Le vdntiste ne donne pas Dieu dautres attributs que ces trois-ci : Il est Existence Infinie, Connaissance Infinie et Batitude Infinie, et le vdntiste considre que ces trois ne font quUn. Lexistence sans la connaissance et sans lamour ne saurait tre ; la connaissance sans lamour et lamour sans la connaissance ne sauraient exister. Ce que nous voulons, cest lharmonie de lExistence, de la Connaissance et de la Batitude Infinies. Cest cela notre but. 

 

Or lharmonie est intrinsquement lie la Paix et nous pouvons voir la Paix comme harmonie de lExistence, de la Connaissance et de la Batitude Infinies, rsultant de  lՎveil  notre vritable nature. Le bouddha historique, aprs avoir atteint lillumination et juste avant davoir commenc enseigner a dit  Une paix profonde et sans limite, tel est lEnseignement que jai trouv. [103] Et nous pouvons pour les clairer, mettre en perspective ces paroles avec la dclaration de Ramana Maharshi[104] pour qui  La paix est toujours prsente. Vous navez quՈ carter les obstacles qui la troublent. Cette paix, cest le Soi.  La paix est donc non seulement intgration harmonieuse de divers lments en un tout, mais aussi lespace qui peut accueillir cette intgration[105]..

 

Dveloppons maintenant les symboles de lAmour, de la Sagesse et de la Paix tels quils apparaissent dans  lenqute de Soi  comme pierres angulaires, ou comme  rgles du jeu   permettant de nous acheminer vers une praxis interculturelle des droits de lhomme.

 

 

LAmour comme lien, responsabilit et respect

 

LAmour est la comprhension, le sentiment dՐtre li : dՐtre li aux autres, soi-mme, la vie, son environnement, au cosmos, au divin. Dans son expression la plus haute on pourrait rsumer lAmour comme le fait Swmi Viveknanda[106], par lintuition  Je suis lunivers, lunivers est un.  Ceci implique que nous ne fassions pas dautres ce que nous ne voudrions pas que soit fait nous. Cela implique que nous nous mettions la place des autres, de ne pas tout ramener nous-mmes, nos propres intrts, nos propres points de vue, notre  petite personnalit . Nous prenons ainsi conscience, travers le lien, de la responsabilit que nous avons lՎgard de nous mme, des autres et de tout lunivers. Nous sommes lis. Nous ne pouvons vivre indpendamment des autres. Nous avons donc une responsabilit de nous occuper des autres, de contribuer leur bien tre. Mais si lAmour met laccent sur lunit, nous ne devons pas en oublier que nos existences se caractrisent par leur diversit. La perception de lunit inhrente lAmour ne doit pas nous mener une vision unitaire du monde. Ceci risquerait en effet de faire de nous, sous prtexte dAmour, les tyrans les plus totalitaires. Il ne sagit pas dimposer son amour aux autres, de faon parfois tyrannique. Le vritable Amour commence avec lAutre et non pas avec soi mme. Ainsi lAmour appelle le respect. Cest uniquement en respectant lautre dans son individualit que nous pouvons vraiment laimer. Le respect est lՎlment de prudence dont besoin lAmour pour ne pas devenir excessif et oppressif. Ceci nous mne rflchir lAmour  veill , qui est lAmour illumin par la Sagesse.

 

 

La Sagesse comme thorie, praxis et dialogue

 

La Sagesse est thorie, si nous comprenons cette dernire comme therein, comme observation ou contemplation[107]. Cest le dtachement, la mise en perspective, la comprhension. Si nous pouvons relier lAmour la chaleur, nous pouvons relier la Sagesse la lumire. Elle nous permet de voir o nous allons. Si la chaleur, lAmour, met les choses en mouvement, la lumire, la Sagesse, permet dorienter ce mouvement. Ainsi la Sagesse ne consiste pas en thorie abstraite de laction. La Sagesse est plutt la thorie lie laction. Elle loriente autant quelle en merge[108]. La Sagesse est donc praxis. Elle est lie au fait de porter, travers nos vies, tmoignages de nos vies et ainsi des multiples manifestations de la Vie. Ainsi la Sagesse appelle le dialogue : dialogue avec la vie elle mme, tel quil merge dans notre praxis, dialogue avec les autres, qui tmoignent leur faon de la Vie. Nous sommes ainsi de nouveau renvoy lAmour par la prise de conscience de lunit, mais surtout vers la Paix qui est intgration harmonieuse de la diversit et de lunit.

 

 

La Paix comme harmonie, libert et justice*

 

La Paix est harmonie. Elle prsuppose les intuitions de lAmour et de la Sagesse que tout est li et que tout est unique. Elle suppose aussi une perception globale du Rel qui comprend la complmentarit de la diversit manifeste. Btissant sur ces intuitions, la Paix apparat comme lintgration harmonieuse de la ralit. Il sagit de reconnatre les diffrences et de les articuler par leur mise en tension cratrice et non pas de les ignorer ou de tenter de les liminer. Ainsi lharmonie prsuppose la libert, ou lespace pour lexistence. Sans la libert la vie ne peut se dployer librement car elle se heurterait des rsistances. Mais la libert et lespace sont ncessaire non pas uniquement de manire globale mais pour chaque constituant de la Ralit. Ainsi la libert prsuppose lexistence de multiples espaces qui constituent autant de cadres au dploiement de la Vie. Cette reconnaissance fait apparatre le lien entre la Paix et la justice, quil faut tout dabord comprendre comme ce qui est juste, appropri, la  juste mesure , le  juste rythme .  Lharmonie des divers espaces ncessite une articulation, une mise en tension  juste  permettant la ralisation de la libert de tous en relation avec la ralisation de la libert du tout.

 

Nous esprons que les rgles du jeu, ou du moins les quelques balises, que nous venons de dgager peuvent contribuer un dialogue qui nous permettra de dgager un horizon o inscrire une praxis interculturelle des droits de lhomme. Mais pour conclure, mditons une petite histoire du Mulla Nasrudin[109], pour nous prmunir contre la tentation de nous prendre trop au srieux et de commencer rver des solutions toutes faites, surtout ds lors que nous commenons intgrer dans notre rflexion des  vrits transcendantales  :

 

 Nasrudin se mit haranguer les gens sur la place du march. H ! vous autres ! Voulez-vous la connaissance sans peine, le vrai sans le faux, la ralisation sans effort, le progrs sans sacrifice ?

            En un clin doeil, une foule immense sՎtait assemble autour de lui. Et tous de crier: Oui ! oui !

            Parfait ! dit le Mulla. Je voulais seulement me faire une ide. Si jamais je dcouvre une chose pareille, vous pouvez compter sur moi pour nen rien vous cacher. 


Bibliographie complmentaire :

 

 

 

 

Alliot Michel,  Protection de la personne et structure sociale (Europe et Afrique) , 1953-1989 Recueil darticles, contributions des colloques, textes du Recteur Michel Alliot, Paris,  LAJP, 1989, p 169-187

 

Cowan Jane K., Dembour Marie-Bndicte & Wilson Richard A., Culture and Rights. Anthropological Perspectives, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, 258 p

 

Eberhard Christoph,  Pluralisme et dialogisme. Les droits de lhomme dans une mondialisation qui ne soit pas uniquement une occidentalisation , Revue du MAUSS semestrielle, n 13, 1er semestre, 1999, p 261-279.

 

Eberhard Christoph, 1999,  Les politiques juridiques lՉge de la globalisation. Entre archtypes, logiques, pratiques et projets de socit. , Bulletin de liaison du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris, n 24, p 5 - 20

 

Eberhard Christoph,  Justice, Droits de lHomme et globalisation dans le miroir africain : limage communautaire , Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques, n 45, 2000, p 57-86

 

Eberhard Christoph,  Construire le dialogue interculturel : le cas des droits de lhomme , Colloque International Diversit culturelle et mdiation : modles, approches et stratgies pour quelle socit ? , Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris Paris / cole Nationale de la Magistrature, 11-13 dcembre 2000, paratre

 

Eberhard Christoph,  Vers une nouvelle approche du Droit travers ses pratiques. Quelques implications des approches alternatives , Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques n 48, 2002, p 205-232.

 

Eberhard Christoph,  Human Rights and Intercultural Dialogue. An Anthropological Perspective , Indian Socio-Legal Journal, Vol. XXVIII, Nos 1 & 2, 2002, p 99-120.

 

Eberhard Christoph, Challenges and Prospects for the Anthropology of Law. A Francophone Perspective , Newsletter of the Commission on Folk Law and Legal Pluralism, nXXXV, 2002, p 47-68

 

Gupta Nidhi,  Womens Human Rights in India: Global Discourse, Local Demands , paratre dans Indian Socio-Legal Journal, 2002.

 

Kothari Smitu, Sethi Harsh, Rethinking Human Rights. Challenges for Theory and Action, Delhi, Lokayan, 1991, 187 p

 

Krieger David J.,  Fondements mthodologiques pour le dialogue interreligieux , Interculture, n 135, 1998, p 76-100.

 

Le Roy tienne,  Laccs luniversalisme par le dialogue interculturel , Revue gnrale de droit, vol. 26, 1995, p 5-26

 

Le Roy tienne,  Les droits de la personne lՉge de la transmodernit face la complexit des socits, un outil politique dans lentre deux de luniversalisme et des particularismes , rsum de la communication la journe  La dclaration universelle des droits de lhomme : bilan aprs cinquante ans , Ottawa, 4 Juin 1998, consultable sur : http://www.dhdi.org

 

Menon Nivedita (ed.), Gender and politics in India, Oxford University Press, Delhi, 2001, 539 p

 

Nanda Ved P., 1995,  Hinduism and Human Rights , Nanda Ved P., Sinha Surya Prakash (ds.), Hindu Law and Legal Theory, Great Britain, Dartmouth, The International Library of Essays in Law and Legal Theory Series, 1996, 357 p (237-247)

 

Panikkar Raimon, The Intrareligious Dialogue, New York, N.Y. / Ramsey, N.J., Paulist Press, 1978, 104 p

 

Panikkar Raimon, Myth, Faith and Hermeneutics - Cross-cultural studies, USA, Paulist Press, 1979, 500 p

 

Panikkar Raimon, Invisible Harmony. Essays on Contemplation and Responsibility, USA, Fortress Press, 1995, 210 p

 

Prabhu Joseph (d.), The Intercultural Challenge of Raimon Panikkar, USA, Orbis Books, 1996, 307 p

 

Preis Ann-Belinda S.,  Human Rights as Cultural Practice : An Anthropological Critique , Human Rights Quarterly, Vol. 18, 1996, p 286-315

 

Vachon Robert,  Le mythe mergent du pluralisme et de linterculturalisme de la ralit , Sminaire Pluralisme et Socit, Discours alternatifs la culture dominante, Institut Interculturel de Montral, 15 Fvrier 1997, consultable sur http://www.dhdi.org

 

Vachon Robert,  LIIM et sa revue : Une alternative interculturelle et un interculturel alternatif , Interculture, n 135, 1998, p 4-75.



Collaborateur Scientifique du Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS, Belgique), chercheur aux Facults Universitaires Saint Louis Bruxelles et au Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris.

* Cet article est une version approfondie et sensiblement enrichie de la communication prsente au colloque 2001, LOdysse des droits de lhomme, Universit Pierre-Mends-France, Grenoble - 22-23-24 octobre 2001.

[1] Eberhard  Christoph & Gupta Nidhi,  Towards a Pluralist and Intercultural Approach to Law : Tackling the Challenge of Women's Rights in India, Twentieth Congress of the International Association for Philosophy of Law and Social Philosophy, 19-23 June 2001, Vrije Universiteit, Amsterdam, Pays Bas, paratre & Womens Rights in India in-between Transnational Law and Custom. A Pluralist and Dialogical Challenge, Thirteenth Congress of the Commission on Folk Law and Legal Pluralism, 7-10 April 2002, Chiang Mai, Thailande, paratre. Voir aussi Eberhard Christoph Droits de lhomme et dialogue interculturel. Vers un dsarmement culturel pour un Droit de Paix, Thse de Doctorat en Droit, Universit Paris 1 Panthon-Sorbonne, 2000, 464 p : 284 ss.

[2] voir Le Roy tienne, Le jeu des lois. Une anthropologie  dynamique  du Droit, France, LGDJ, Col. Droit et Socit, Srie anthropologique, 1999, 415 p : 266 ; Eberhard Christoph,  Vers une nouvelle approche du Droit travers ses pratiques. Quelques implications des approches alternatives , Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques n 48, 2002.

[3] Voir dj dans ce sens Eberhard Christoph,  Human Rights and Intercultural Dialogue. An Anthropological Perspective , Indian Socio-Legal Journal, Vol. XXVIII, Nos 1 & 2, 2002, p 99-120.

[4] Eberhard Christoph,  Pluralisme et dialogisme. Les droits de lhomme dans une mondialisation qui ne soit pas uniquement une occidentalisation , Revue du MAUSS semestrielle, n 13, 1er semestre, 1999, p 261-279.

[5] Eberhard Christoph,  Justice, Droits de lHomme et globalisation dans le miroir africain : limage communautaire , Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques, n 45, 2000, p 57-86 ;  Construire le dialogue interculturel : le cas des droits de lhomme , Colloque International Diversit culturelle et mdiation : modles, approches et stratgies pour quelle socit ? , Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris Paris/cole Nationale de la Magistrature, 11-13 dcembre 2000, paratre ;  Towards an Intercultural Legal Theory - The Dialogical Challenge , Social & Legal Studies. An International Journal, n 10 (2), 2001, p 171- 201 ; pour une approche plus complte ou plus approfondie voir, Droits de lhomme et dialogue interculturel op. cit.

[6] Le jeu des lois op. cit.

[7] Pour une mise en perspective plus gnrale de lapproche de la problmatique des droits de lhomme et de la diversit culturelle au Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris voir Eberhard Christoph,  Les droits de lhomme au Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris - Origines et dveloppements dune problmatique , Bulletin de liaison du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris, n 23, 1998, p 23 - 34 et le numro thmatique Droits de lhomme et cultures de la Paix du Bulletin de liaison du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris, n 25, 2000 (aussi consultable sur http://www.dhdi.org).

[8] Le jeu des lois op. cit. : 36.

[9] Le jeu des lois op. cit. : 44, 46, 47.

[10] Pour approfondir la mthode dialogale, ses contraintes pistmologiques et ses enjeux : Raimon Panikkar The Intrareligious Dialogue, USA, Paulist Press, 1978, 104 p &  The Dialogical Dialogue , Whaling F. (d.), The Worlds Religious Traditions, Edinburgh, T. & T. Clark, 311 p (201-221) &  La notion des droits de lhomme est-elle un concept occidental ? , Interculture, Vol. XVII, n1, Cahier 82, 1984 p 3-27. Pour une transposition dans les domaines politique et juridique : Vachon Robert,  LՎtude du pluralisme juridique - une approche diatopique et dialogale , Journal of Legal Pluralism and Unofficial Law, n 29, 1990, p 163-173 &  Le mythe mergent du pluralisme et de linterculturalisme de la ralit , Sminaire Pluralisme et Socit, Discours alternatifs la culture dominante, Institut Interculturel de Montral, 15 Fvrier 1997, consultable sur http://www.dhdi.org &  LIIM et sa revue : Une alternative interculturelle et un interculturel alternatif , Interculture, n 135, 1998, p 4-75. Voir aussi Krieger David J.,  Fondements mthodologiques pour le dialogue interreligieux , Interculture, n 135, 1998, p 76-100. Pour une mise en relation explicite par rapport une thorie interculturelle du Droit Eberhard  Towards an Intercultural Legal Theory   op. cit. & Droits de lhomme et dialogue  interculturel op. cit. plus spcialement p 109 ss.

[11] Voir Panikkar Raimon, The Cosmotheandric Experience - Emerging Religious Consciousness, New York, Orbis Books, 1993, 160 p.

[12] Panikkar, The Cosmotheandric Experience op. cit.

[13] voir par exemple Panikkar  Les fondements de la dmocratie (force, faiblesse, limite) , Interculture, n 136, 1999, p 4-23 &  La dcouverte du mtapolitique , Interculture, n 136, 1999 p 24-60.

[14] Rosenbaum Alan S., 1981,  Introduction - The Editors Perspectives on the Philosophy of Human Rights , Rosenbaum Alan S. (d.), The Philosophy of Human Rights - International Perspectives, London, Aldwych Press, 272 p (3-41) : 25.

[15] El pensamiento contemporneo acerca de los derechos humanos (ensayo de caracterizacin) , Persona y Derecho - Suplemento Humana Iura de derechos humanos 1, 1991, p 255-273 : 268-269.

[16]  () las conclusiones fundamentadas no pueden resultar mas fuertes que las premisas fundantes () .

[17] Massini-Correas  El pensamiento contemporneo   op. cit. : 265 - 266.

[18] Massini-Correas,  El pensamiento contemporneo   op. cit. : 267-273.

[19] La voie du bouddha, vreux, Seuil, Col. Points, Srie Sagesses,1993,  423 p : 32.

[20] Donnons une dfinition simplifie de lintouchabilit. La socit indienne des castes est structure autour du principe de puret / impuret. Les diffrentes castes, jti, se positionnent mutuellement selon leur degr relatif de puret. Lappartenance une caste est hrditaire et la rgle est lendogamie. Ce systme se double dune division intellectuelle de la socit indienne en quatre varna,  couleurs , ou tats : au sommet les Brahmanes ou prtres, suivis des Kshatrya ou guerriers, suivis des Vaisha, les marchands qui constituent les  deux fois ns  qui ont accs aux Vda. Puis viennent les Shudra, les serviteurs ou gens de peu. Il existe encore une autre catgorie, hors varna, plus basse et impure encore : les Intouchables (voir Dumont Louis, 1979 (1966), Homo hierarchicus - Le systme des castes et ses implications, Saint-Amand (Cher), Gallimard, Col. Tel, 1979 (1966), 449 p : 93 ; Fuchs Martin, Kampf um Differenz. Reprsentation, Subjektivitt und soziale Bewegungen. Das Beispiel Indien, Allemagne, Suhrkamp Taschenbuch Wissenschaft, 1999, 449 p : 52 ss). Rpertoris comme scheduled castes, ils reprsentent environ 16,5 % de la population indienne, soit plus de 160 millions de personnes. Outre le fait dՐtre  idologiquement les plus bas  ce sont aussi ceux qui se retrouvent socialement et conomiquement dans les situations les plus prcaires et les plus exploites.

[21] Voir pour des dfinitions Lingat Robert, 1998 (1973), The Classical Law of India, New Delhi, Oxford University Press, 305 p ; Rocher Ludo, 1978,  Hindu Conceptions of Law , Nanda Ved P., Sinha Surya Prakash (ds.), Hindu Law and Legal Theory, Great Britain, Dartmouth, The International Library of Essays in Law and Legal Theory Series, 1996, 357 p (3-25) ; Eberhard, Droits de lhomme et dialogue interculturel op. cit. : 195-198.

[22] Khare R.S.,  Elusive Social Justice, Distant Human Rights : Untouchable Womens Struggles and Dilemmas in Changing India , Cultural Diversity and Social Discontent. Anthropological Studies on Contemporary India, New Delhi, Sage Publications, 1998, 282 p : 179-180.

[23] Toutes les citations originales ont t traduites en franais par lauteur.

[24] Khare  Elusive Social Justice   op. cit. : 180.

[25] Khare  Elusive Social Justice  op. cit. : 186.

[26] Khare  Elusive Social Justice  op.cit. : 195-196.

[27] Voir Eberhard,  Justice, droits de lhomme   op. cit. : 79 ss.

[28] Khare  Elusive Social Justice  op. cit. : 180-181.

[29] voir Eberhard Christoph,  Ouvertures pour la Paix. Une approche dialogale et transmoderne , Bulletin de liaison du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris, n 25, 2000, p 97-113.

[30] Pour se sensibiliser limportance de la prise en compte dautres cosmovisions, dautres cultures juridiques homomorphes voir Eberhard Christoph & Ndongo Aboubakri,  Relire Amadou Hampat B pour une approche africaine du Droit. Images rflchies de la pyramide et du rseau , Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques, n47, 2001, p ; Eberhard Christoph,  Le cercle comme ouverture pour la Paix - Dtour par des visions amrindienne et tibtaine du Droit , Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques, n49, 2002 ; Vachon,  Le pluralisme juridique   op. cit.

[31] Le Roy tienne, Le jeu des lois op. cit. : 51.

[32] Le Roy tienne, Le jeu des lois op. cit. : 49.

[33] Mauss Marcel,  Une catgorie de lesprit humain : la notion de personne, celle de Moi ,  Sociologie et anthropologie, Vendme, PUF, Col. Quadrige, 1995, p 333-362 : 348.

[34] Comparer cette approche avec lanalyse en termes de pluralit des mondes de Boltanski Luc, Thvenot Laurent, 1991, De la justification - Les conomies de la grandeur, Mesnil-sur-lEstre, Gallimard, Col. nrf essais, 483 p, spcialement 266-267

[35] Le Roy tienne,  Prolgomnes une analyse dynamique de la gestion foncire , Le Roy tienne, Karsenty Alain, Bertrand Alain (ds.), La scurisation foncire en Afrique - Pour une Gestion viable des ressources renouvelables, Clamecy, Karthala, 1996, 388 p (185-211) : 191-193.

[36] figure mythique et historique, voir Lingat Robert, The Classical Law of  India, op. cit. : 77 ss.

[37] Khare R.S.,  The Body, Sensoria, and Self of the Powerless : Remembering / Re-membering Indian Untouchable Women ,  Cultural Diversity and Social Discontent. Anthropological Studies on Contemporary India, New Delhi, Sage Publications, 1998, 282 p (147-171) : 149.

[38] Purdah est la pratique du voilement des femmes dans les hautes castes.

[39] Khare,  The Body, Sensoria, and Self of the Powerless , op. cit. : 148.

[40] Khare,  The Body, Sensoria, and Self of the Powerless , op. cit. : 156.

[41] cit dans Khare  Elusive Social Justice   op. cit. : 173.

[42] voir Eberhard  Pluralisme et dialogisme  op. cit. & Droits de lhomme et dialogue interculturel op. cit. : 150 ss.

[43]  Rendre la production du droit aux peuples , Politique Africaine, n 62, 1996, p 83-94 : 87.

[44] Voir Le Roy  Le justiciable africain et la redcouverte dune voie ngocie de rglement des conflits , Afrique Contemporaine, 4e trimestre, n 156 (spcial), 1990, p 111-120 : 118-120 pour une illustration de ce que pourrait tre la dmarche dune approche interculturelle des droits de lhomme acceptant de btir sur les diverses ressources disponibles, travers la prsentation quil fait de lՎmergence au Sngal dune voie ngocie de rglements des conflits et dune nouvelle  culture commune .

[45] Voir Baxi  From Human Rights   op. cit. : 152-153.

[46] Kothari Rajni, Rethinking Development. In search of Humane Alternatives, India, Aspect Publications Ltd, 1990, 220 p ; Latouche Serge, La plante des naufrags - Essai sur laprs-dveloppement, Saint-Amand (Cher), La Dcouverte, Col. Essais, 1991, 235 p &  Les dangers du march plantaire, France, Presses de Sciences Po, Col. La bibliothque du citoyen, 1998, 131 p ; Sachs Wolfgang (d.), The  Development Dictionary. A Guide to Knowledge as Power, Great Britain, Zed Books, 1997 (1992), 306 p ; Terre des Hommes France (d.), Halte la mondialisation de la pauvret. Reconnatre les droits conomiques, sociaux et culturels pour tous, U.E., Karthala, 1998, 386 p.

[47] La crmation des veuves en Inde qui focalise de mme manire les motions dans un contexte indien que lexcision dans un contexte africain mais dont limpact effectif est en fait trs limit et la pratique interdite depuis 1829.

[48] sur cette question voir plus particulirement Eberhard & Gupta,  Towards a Pluralist and Intercultural Approach  , op. cit.

[49] Shinde Tarabai, A Comparison Between Women and Men. An Essay to Show Who Is Really Wicked and Immoral, Women or Men ?, traduit et introduit par OHanlon Rosalind, Oxford India Paperbacks, New Delhi, 1994, 147 p : 75.

[50] Le jeu des lois op. cit. : 82.

[51] Lacteur et le systme, Paris, Seuil, 1992 (1977), p 113.

[52] voir Boltanski & Thvenot, op. cit. : 266-267.

[53] Le Roy,  Prolgomnes   op. cit. : 195-196.

[54] Pour la prsentation et lanalyse de lactivit de AWARE en Inde voir Narasimhan Sakuntala, Empowering Women. An Alternative Strategy from Rural India, Sage Publications, New Delhi, 1999, 236 p.

[55] Le jeu des lois op. cit. : 92.

[56] Le Roy,  Prolgomnes   op. cit. : 196.

[57] voir Eberhard Droits de lhomme et dialogue  interculturel op. cit. : 175 ss.

[58] Le Roy tienne,  Logique institutionnelle et logique fonctionnelle, de lopposition la complmentarit , Tessier Stphane (d.), A la recherche des enfants des rues, Union Europenne, Karthala, 1998, 477 p (243-258).

[59] Pour plus de dtails sur les logiques et les divers archtypes juridiques voir Eberhard Droits de lhomme et dialogue interculturel op. cit. : 150 ss. Pour une brve prsentation de la thorie des archtypes voir Eberhard  Pluralisme et dialogisme   op. cit. ou Rouland Norbert, Anthropologie juridique, France, PUF, Col. Droit fondamental Droit politique et thorique, 1988, 496 p : 401 ss. Nous y reviendrons aussi rapidement dans notre  Case neuf  des  ordonnancements sociaux  ci-dessous.

[60] voir Vachon Robert,  Au-del de luniversalisation et de linterculturation des droits de lhomme, du droit et de lordre ngoci , Bulletin de liaison du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris, n 25, 2000, p 9-21.

[61] Esteva Gustavo, Prakash Madhu Suri, Grassroots Post-Modernism - Remaking the Soil of Cultures, United Kingdom, Zed Books, 1998, 223 p.

[62] de Sousa Santos Boaventura,   Vers une conception multiculturelle des droits de lhomme , Droit et socit, n 35, 1997, p 79-96.

[63] Huyghebaert Patricia, 1989-1999 : Capitalisation de 10 annes dexpriences. Un tat des lieux des pratiques alternatives de droit (Afrique, Amrique Latine, Asie, Europe, Maghreb), Juristes-Solidarits, Paris, 2000, 110 p. Voir aussi le site internet de lassociation : http://www.agirledroit.org

[64] Le Roy,  Prolgomnes   op. cit. : 198

[65] Le Roy,  Prolgomnes  , op. cit. : 198.

[66] voir de Sousa Santos,  Droit : une carte de lecture dforme. Pour une conception post-moderne du droit , Droit et Socit, n 10, 1988, p 363-390 : 371-373.

[67] Moore Sally Falk, Law as Process - An Anthropological Approach, Great Britain, Routledge & Kegan Paul, 1983, 263 p : 6.

[68] Le jeu des lois op. cit. : 125 ss.

[69] Le jeu des lois op. cit. : 127.

[70] Le jeu des lois op. cit. : 126.

[71] Le Roy,  Prolgomnes   op. cit. : 201.

[72] Le jeu des lois op. cit. : 125.

[73] Le Roy,  Prolgomnes   op. cit. : 202.

[74] Le  temps du droit, France, Odile Jacob, 1999, 376 p.

[75] Robertson Roland,  Mapping the Global Condition : Globalization as the Central Concept , Featherstone Mike (d.), Global Culture - Nationalism, Globalization and modernity, Great Britain, Sage Publications, A Theory, Culture & Society special issue, 1996, 411 p (15-30).

[76] Panikkar Raimundo,  Alternatives la culture moderne , Interculture, Vol. XV, n 4, Cahier 77, 1982, p 5-16 : 6-7 & The Cosmotheandric Experience, op. cit. : 79.

[77] Ce qui nous renvoie de nouveau, mme si nous ne le dvelopperons pas ici, des rflexions sur les dimensions spirituelles de nos vies nous permettant de nous relier notre ralit cosmothandrique et la conscience de la  tempiternit  qui nous fait prendre conscience que notre situation dՐtre humain nest pas uniquement  temporelle  mais renferme aussi une dimension  dՎternit  qui peut sactualiser dans un prsent vcu pleinement (voir Panikkar, The Cosmotheandric Experience, op. cit. : 121).

[78] Pour lacculturation de la culture indienne avec celle moderne occidentale voir par exemple Alam Javeed, India. Living with modernity, India, Oxford University Press, 1999, 241 p ; Madan T.N., Modern Myths, Locked Minds. Secularism and Fundamentalism in India, New Delhi, Oxford University Press, 1997 323 p ; Singh Yoghendra, Modernization of Indian Tradition, Rawat Publications, Jaipur & New Delhi, 1999, 267 p.

[79]  Prolgomnes   op. cit : 202-203 & Le jeu des lois  : 131 ss.

[80] Eberhard Christoph, De luniversalisme luniversalit des droits de lhomme par le dialogue interculturel - Un dfi de sortie de modernit, Mmoire de Diplme dՎtudes approfondies (DEA), Universit Paris I - Panthon Sorbonne, 1996, 95 p, consultable sur http://www.dhdi.org : 2.

[81] Pour plus de dtails sur ces questions voir Eberhard & Gupta  Womens Rights in India   op. cit.

[82] Le Roy tienne,  La face cache du complexe normatif en Afrique noire francophone , Robert Philippe, Soubiran-Paillet Francine, van de Kerchove Michel (ds.), Normes, Normes juridiques, Normes pnales - Pour une sociologie des frontires - Tome I, CEE, LHarmattan, Col. Logiques Sociales, Srie Dviance/GERN, 1997, 353 p (123-138) : 129 & Le jeu des lois op. cit. : 189 ss.

[83] Pour illustrer cette pondration tienne Le Roy propose un tableau permettant de  prendre en considration la variabilit des montages de la juridicit  dans les traditions occidentale, animiste, confucenne et musulmane qui peut tre consult dans Le jeu des lois op. cit. :  202.

[84] Le Roy tienne,  Espace public et socialisation dans les mtropoles: quelques prliminaires une problmatique interculturelle , Tessier Stphane (d.), Lenfant des rues et son univers - ville, socialisation et marginalit, France, Syros, 1995, 227 p (31-45) : 34 ss. Pour le lien entre ces ordonnancements sociaux et la thorie des archtypes juridiques de Michel Alliot ( Anthropologie et juristique. Sur les conditions de lՎlaboration dune science du droit , Bulletin de Liaison du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris, n 6, 1983) voir Eberhard Droits de lhomme et dialogue interculturel, op. cit. : 201 ss.

[85] Toward a New Commnon Sense - Law, Science and Politics in the Paradigmatic Transition, New York-London, Routledge, After the Law Series, 1995, 614 p : 22 ss.

[86]  Anthropologie et juristique   op. cit. : 83.

[87] Voire par dautres acteurs. Le premier exemple qui vient lesprit est la rdaction par certains tats de belles constitutions qui servent souvent de poudre aux yeux la communaut internationale pour dmontrer la respectabilit de ses auteurs, mais restent lettre morte dans les ralits internes des pays.

[88]  Vers une conception multiculturelle  , op. cit. : 87.

[89] Khare  Elusive Social Justice   op. cit.

[90] Khare  Elusive Social Justice   op. cit. : 177.

[91] Baxi Upendra,  From Human Rights to the Right to be Human : Some Heresies , Kothari Smitu, Sethi Harsh, Rethinking Human Rights. Challenges for Theory and Action, Delhi, Lokayan, 1991, 187 p (151-166) : 152.

[92] cit dans Khare  Elusive Social Justice   op. cit. : 177-178.

[93] Le Roy tienne, Kuyu Camille Mwissa, La politique franaise de coopration judiciaire : bilan et perspectives, 29 p, publi dans Observatoire permanent de la Coopration franaise, Rapport 1997, Paris, Karthala, 1997, p 36-65 et consultable sur http://www.dhdi.org

[94] Pour une premire approche voir Bock Eleonore, Die Mystik in den Religionen der Welt - Hinduismus. Buddhismus. Judaismus. Islam. Christentum., Augsburg, Goldmann, 1991, 491 p ; Panikkar Raimon, The Intrareligious Dialogue, op. cit.

[95] Dala Lama, 1994, Au-del des dogmes, Mayenne, Albin Michel, Col. Spiritualits vivantes, 288 p : 84 ; Viveknanda Swmi, 1972 (1936), Jnna-Yoga, Saint-Amand (Cher), Albin Michel, Col. Spiritualits vivantes, Srie Hindouisme, 446 p : 374-375.

[96] Jnna-Yoga, op. cit. : 352.

[97] Panikkar Raimon, La religion de lavenir. Deuxime partie, Interculture, Vol. XXIII, n 3, Cahier n108, 1990 : 83-84.

[98]  Je veux dire par l une certaine confiance fondamentale dans la ralit, qui nous pousse faire confiance mme ce que nous ne comprenons pas ou napprouvons pas (...) Cette confiance cosmique a certes une dimension intellectuelle ()  Pourtant, on na pas la mettre en paroles. (...) Il y a une confiance fondamentale que, mme si nous ne comprenons pas, ni mme napprouvons, souvent, ce que dautres pensent et font, nous ne perdons pas espoir (lequel est une vertu du prsent tempiternel et non du futur temporel), que la convivance humaine a un sens, que nous appartenons ensemble mais devons leffort. Des penseurs peuvent tre tents de dire que cest l une option. Je prfrerais suggrer que cest l un instinct, le travail de lEsprit.  Panikkar Raimon, La religion de lavenir. Deuxime partie, Interculture, Vol. XXIII, n 3, Cahier n108, 1990

[99] voir Vachon Robert, 1995, Guswenta ou limpratif interculturel - Volet III : Une nouvelle mthode, Interculture, Vol. XXVIII, n 4, cahier n 129, 1995, 47 p : 12 ; Panikkar Raimon, 1996,  Un dfi la modernit : lesprit contemplatif , Interculture, Vol. XXIX, n 1, Cahier n 130, p 38-50.

[100] Pour des dveloppements plus pousss voir Eberhard Christoph, Droits de lhomme et dialogue interculturel op. cit : 311 - 325 et 355 - 363.

[101] Aivanhov Omraam Mikhal,  Les deux faces de la Vrit : LAmour et la Sagesse  in id.  Connais-toi toi-mme  - jnani yoga, France, Prosveta, Col. Oeuvres compltes, 1994, 270 p (222-226) 222 ; voir aussi dans ce sens partir dautres traditions Kalou Rinpoche, La voie du bouddha, op. cit. : 202-204 ; Rmakrishna, 1972 (1949), Lenseignement de Rmakrishna. Paroles groupes et annotes par Jean Herbert, Saint-Amand (Cher), Albin Michel, Col. Spiritualits vivantes, Srie Hindouisme, 604 p : 378 ss ; Trungpa Chgyam, 1993, Le Coeur du sujet, France, Seuil, 315 p : 4.

[102] Jnna-Yoga, op. cit. : 114.

[103] cit dans Trungpa Chgyam, 1981, Mditation et action, vreux, Seuil, Col. Points, Srie Sagesses, 171p : 52.

[104] Maharshi Ramana, 1993 (1972), Lenseignement de Ramana Maharshi, Saint-Amand-Montrond (Cher), Albin Michel, Col. Spiritualits vivantes, 602 p : 416.

[105] Pour de plus amples dveloppements pour une dmarche de Paix dans le domaine du Droit voir Eberhard,  Ouvertures pour la Paix  , op. cit. &  Le cercle comme ouverture pour la Paix  , op. cit.

[106] Jnna-Yoga, op. cit. : 45.

[107] Voir la dfinition de  thorie  dans le  Petit Robert  : Dictionnaire alphabtique et analogique de la langue franaise par Paul Robert, France, Socit du nouveau Littr, 1973, 1969 p.

[108] Voir Trungpa, Mditation et action, op. cit.

* Cette prsentation sinspire de la prsentation de Panikkar de la Paix comme harmonie, libert et justice dans Panikkar Raimon, Cultural Disarmament - The Way to Peace, USA, Westminster John Knox Press, 1995, 142 p: 63 ss.

[109] Shah Idries, Les plaisanteries de lincroyable Mulla Nasrudin, Alenon (Orne), Le Courrier du Livre, 2e d., 1989, 220 p : 125.