14/10/2004

 

 

 La pauvret comme violation des droits de lhomme 

Enjeux et perspectives dune dynamique mancipatrice

 

(Contribution pour la Journe Internationale pour lElimination de la Pauvret

18-19 Octobre 2004, Maison de l'UNESCO, Paris)

 

Christoph Eberhard

 

Facults universitaires Saint Louis, Bruxelles

Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris

 

c.eberhard@free.fr

http://www.dhdi.org

 

 

              Prendre les droits de lhomme au srieux implique au niveau fondamental de garantir chaque tre humain les moyens dun existence digne. Face aux phnomnes de pauprisation de masse auxquels nous assistons aujourdhui, il semble primordial de reconnatre lurgence dune lutte contre la pauvret. Ceci lest dautant plus lorsquon prend note du fait que si la situation de  pauvret de masses  caractrise de nombreux pays, elle sapplique aussi la situation globale, dans laquelle sinscrit notre discours universel des droits de lhomme. Le foss ne cesse de grandir en termes absolus et relatifs entre  ceux qui ont  et  ceux qui nont pas  et on assiste lexclusion croissante dun nombre toujours plus grand dՐtres humains de notre  village global .

 

Il y a plus de dix ans dj Upendra Baxi (1991 : 152-153) remarquait partir dune perspective indienne que  La problmatique des besoins est trs drangeante pour les modles reus de pense et daction des droits de lhomme. Elle est souvent traduite dans un conflit entre pain et libert ; la libert gagne avec les conceptions librales des droits, malgr la conscience que sans pain, la libert dassemble, dassociation, de conscience et de religion, de participation politique - mme travers le suffrage symbolique adulte - pourrait tre existentiellement sans sens pour ses victimes. Mais les problmes ne sont pas vraiment pain et / ou libert dans labstrait, mais plutt qui a combien de chaque, pour combien de temps, quel prix pour les autres, et pourquoi. Quelques-uns ont autant le pain que la libert ; dautres ont la libert mais peu de pain ou pas du tout ; dautres encore ont un demi pain (...) avec ou sans libert ; et dautres encore ont un mlange prcaire o le pain est assur si certaines liberts (pas toutes) sont troques. Le problme des droits de lhomme, dans des situations de pauvret de masse, est ainsi un problme de redistribution. En dautres termes, cest un problme de dveloppement (...) [1]

 

Dans cette courte citation, Upendra Baxi rsume dj un certain nombre denjeux dans une lutte des droits de lhomme contre la pauvret. Il souligne le lien invitable entre le juridique, le politique et lՎconomique dans toute approche des droits de  lhomme dans des contextes sociaux marqus par la pauvret de masse et il nous avertit du foss entre thories et pratiques des droits de lhomme si on ne prend pas au srieux le problme de la pauvret. Prendre les droits de lhomme au srieux oblige ainsi de sinterroger sur leur lien avec les logiques du march et du dveloppement (Kothari 1990b ; Latouche 1991 ; 1998 ; Sachs 1997a ; Terre des hommes France 1998). Il met aussi en vidence que la lutte contre la pauvret et les droits de lhomme sont doublement lis. Si dans la prsente rencontre laccent est mis sur la reconnaissance de la pauvret comme violation des droits de lhomme pour approfondir la dynamique mancipatrice des droits de lhomme, il ne faut pas oublier lautre versant de la problmatique  droits de lhomme et pauvret  : les mcanismes de protection des droits de lhomme ncessitent des ressources importantes qui ne sont pas disponibles dans de nombreux contextes. Ainsi, si lactivisme au niveau juridique et institutionnel se rvle primordial, sarrter des dclarations de droits sans sinterroger sur leur applicabilit, sur les conditions de leur mise en uvre, nՎquivaut quՈ faire la moiti du chemin. On ne peut faire lՎconomie de sinterroger sur les conditions de rception des politiques juridiques dans les divers contextes socio-culturels. Et, pour ce faire, il semble important dՎlargir la rflexion non seulement la prise en compte du politique et de lՎconomique mais aussi du culturel.

 

Dans ma contribution, jaimerais mettre laccent sur lenjeu interculturel qui se cache derrire la problmatique  droits de lhomme et pauvret . Sa prise en compte me semble une condition sine qua non pour toute action efficace de lutte contre la pauvret travers une dynamique mancipatrice des droits de lhomme. Ce dcentrement interculturel permettra de donner un nouvel clairage aux enjeux bien identifis dans la rsolution 57/211 adopte par lassemble gnrale des Nations Unies sur les  Droits de lhomme et lextrme pauvret  le 4 dcembre 2002. Rappelons les ici comme point de dpart de nos dveloppements.

 

La rsolution, aprs avoir not que  lexistence de situations dextrme pauvret gnralise fait obstacle la pleine jouissance et lexercice effectif des droits de lhomme et peut, dans certaines circonstances, porter atteinte au droit la vie et que, par consquent, la communaut internationale doit continuer daccorder un rang de priorit lev la rduction de la pauvret dans limmdiat, et, par la suite, son limination dfinitive , et que  () la dmocratie, le dveloppement et le respect des droits de lhomme et des liberts fondamentales sont interdpendants et se renforcent mutuellement, () , raffirme dans son paragraphe 2, qui nous parat concentrer tous les enjeux quon retrouve dans les autres points,  quil est indispensable que les tats favorisent la participation des plus dmunis la prise de dcisions au sein de la socit dans laquelle ils vivent, la promotion des droits de lhomme et la lutte contre lextrme pauvret, comme il est indispensable que les plus dmunis et les groupes vulnrables se voient donner les moyens de sorganiser et de participer tous les aspects de la vie politique, conomique et sociale, et en particulier la planification et la mise en oeuvre des politiques qui les concernent, pour pouvoir ainsi devenir de vritables partenaires du dveloppement . Le point 4 insiste sur limportance de lՎlimination de lextrme pauvret pour assurer le plein exercice des droits politiques, civils, conomiques, sociaux et culturels, et raffirme linterdpendance de ces objectifs et le point 5 raffirme que lexistence de situations de misre absolue gnralise fait obstacle la pleine jouissance et lexercice effectif des droits de lhomme et fragilise la dmocratie et la participation populaire ce qui induit, point 6, quil faut promouvoir le respect des droits de lhomme et des liberts fondamentales afin de sattaquer aux besoins sociaux les plus pressants des personnes qui vivent dans la pauvret, notamment en concevant et en mettant en place des mcanismes appropris pour renforcer et consolider les institutions dmocratiques et la gouvernance.

 

Il ressort de ce diagnostic quune condition sine qua non pour satteler au travail dHercule de lՎradication de la pauvret est de donner leur place tous les citoyens dans la vie de la cit, et notamment ceux qui en sont le plus exclus. LՎradication de la pauvret doit passer par la participation  des pauvres  au  dveloppement , la  dmocratie  et la  gouvernance .

 

Or, dans de nombreux contextes non-occidentaux les mcanismes modernes, tel lInstitution de la Justice, lՃtat providence avec un systme de scurit sociale, un systme daccs des soins modernes restent lointains, voire inexistants pour la majorit de la population[2]. La fragilit des situations de vie des plus dfavoriss se double dune exclusion de la sphre publique de grandes parties de la population. Cette dernire reste en effet souvent sous le monopole des institutions et langage modernes et ignore dans une trs large mesure les visions du monde, logiques, langages, manires de faire autres. Parfois on constate que cest lintrusion mme de dynamiques modernes telles celles du march, du dveloppement qui contribuent la dstabilisation de modes de vie  non-modernes  et fragilise ainsi certaines populations. Il apparat incontournable, si lon prend lexigence de participation au srieux, de sintresser aux pratiques, logiques, visions du monde de ces populations fragilises et qui sont rejetes la priphrie du systme moderne, sans vritable espoir dy entrer un jour[3].

 

Il faut satteler comprendre les mcanismes traditionnels de solidarit, dentraide, de vie en socit et se permettre dapprendre deux si on veut engager une lutte contre la pauvret et lexclusion. Au minimum, faut-il apprendre les considrer comme autant de ressources plutt que de ne les voir que comme obstacles dpasser en vue dun dveloppement loccidentale. De mme il faut se montrer sensible aux diffrents aspects du Droit, entendu comme phnomne juridique qui met des formes et met en forme nos projets de socit. Si nos institutions modernes et lapproche en terme des droits de lhomme mettent laccent sur une approche institutionnelle o le droit apparat avant tout comme un ensemble de normes gnrales et impersonnelles, il faut tre conscient que dautres socits nouent autrement  le biologique, le social et linconscient pour la reproduction de lhumanit pour reprendre une belle formule de Pierre Legendre. Il est important de sintresser ces autres mises en forme juridique qui reprsentent dans certains tats la partie immerge de liceberg de la vie juridique pour pouvoir les articuler avec les approches plus institutionnelles, plus  classiques , dans le sens des juristes.

 

Je commencerai par poser les enjeux dune approche interculturelle des droits de lhomme en vue de la ralisation de lidal des droits de lhomme dans des contextes non-occidentaux et nayant pas les mmes ressources matrielles que les pays riches. Jaborderai ensuite les questions du dveloppement et de la gouvernance comme enjeux dune vritable participation de tous notre  vivre-ensemble . Ce cheminement me mnera conclure par une rflexion sur les enjeux et les perspectives dune approche mancipatrice de la dynamique de  la pauvret comme violation des droits de lhomme , cest--dire dune approche visant vritablement assurer la participation de tous des projets de socit sensibles lՎradication de la pauvret et de lexclusion et o lՃtat, ouvert au dfi interculturel, aura un rle essentiel jouer.

 

 

1. Les droits de lhomme face la diversit culturelle et la pauvret

 

              Je mettrai laccent dans cette prsentation sur limportance de prendre en compte les ressources humaines et culturelles permettant une endoculturation des droits de lhomme dans de nombreux contextes non-occidentaux. Cependant jaimerais attirer lattention du lecteur sur lenjeu plus profond que je ne dvelopperai pas ici, dune ouverture des droits de lhomme et de la question de la pauvret au dialogue interculturel[4].

 

Lanthropologie du Droit nous enseigne que dune culture lautre ce ne sont pas uniquement les valeurs, donc les contenus juridiques et thiques qui sont variables, mais que la manire mme de penser le Droit, les mises en forme de la reproduction des socits et de la rsolution de leurs conflits ainsi que les projets de socit et les visions du monde sous-jacentes ne sont pas les mmes.  Ainsi, il faut tre conscient que prendre les ressources locales au srieux demande lhorizon plus large dun vritable dialogue interculturel qui permette lenrichissement mutuel de nos diverses traditions humaines donc aussi de notre tradition occidentale des droits de lhomme et lacceptation que mme pour arriver des buts semblables les formes doivent pouvoir varier dun contexte lautre.

 

Prenons un exemple indien pour illustrer notre propos. De manire plus gnrale, on peut noter que dans le contexte indien actuel la recherche de la  justice sociale  est devenue quelque chose de normal. Et le militantisme pour les droits de lhomme autant de la part de lՃtat indien que de dynamiques civiques ny est pas pour rien. Cependant, sociologiquement parlant, le mouvement des droits de lhomme reste pour linstant confin ceux qui font dj partie, du  monde moderne ,  de la structure du pouvoir tatique ou de ses institutions judiciaires. Dautres, linstar de la majorit des intouchables[5] restent la priphrie. Cet tat de fait ne changera pas moins que  les avocats des droits de lhomme traduisent leurs proccupations dans des termes populaires et en rfrence des conditions sociales vcues, et quils soient prts sՎduquer eux-mmes en ce qui concerne les expriences, expressions et attentes des gens.  (Khare 1998 : 195-196).

 

Dans le cas de luttes pour la reconnaissance des droits de ces femmes intouchables R. S. Khare note que bien que les proccupations de ces femmes renvoient pour nous des problmatiques des droits de lhomme et peuvent y tre rattaches puisque le discours des droits de lhomme fait aussi partie de la ralit indienne, il reste nanmoins que fondamentalement elles ne posent pas les questions en ces termes mais plutt en termes de dharma / karma[6] et dans une vision plus cosmo- et thocentre quuniquement anthropocentre. Mais ces notions de karma / dharma loin dՐtre figes se trouvent rinterprtes travers les discours galitaires vhiculs par les droits de lhomme et toute la politique sculaire indienne - ou plutt, on assiste une rinterprtation mutuelle de ces notions / symboles, le centre de gravit demeurant dans la conscience populaire indienne ancre dans les conceptions indiennes traditionnelles. Selon R.S. Khare (1998 : 179-180),  La culture populaire trouve les problmes de la justice et de linjustice profondment relis au karma et au dharma. Cependant la relation est loin dՐtre simple et inconditionnelle ds lors quon lexamine en rapport avec les besoins et les qutes quotidiennes des gens. Dans lidologie traditionnelle hindoue, le karma et le dharma forment la base complte et indiscutable pour la justice et linjustice rencontres dans la vie. Karma et dharma sont ainsi considrs comme fondement de la justice. Dans la vie cependant, la qute pour la justice, ou du moins lesquive dune injustice intolrable, prend une tournure plus urgente et plus pratique. Sauf si cest compltement sans espoir, les gens soit se rvoltent, soit fuient la situation insoutenable. Ils font quelque chose pour remdier la situation. Et ils le font comme faisant partie de leur dharma, car se battre contre linjustice fait aussi partie de son dharma propre. Une injustice causant la torture et la dtresse extrme nest pas subie indfiniment simplement comme destin, comme le fruit du karma pass individuel (ou de la communaut). Dans une telle vue pratique, la justice (nyaya) devient le coeur du dharma, modifiant ainsi lacceptation passive de la condition assigne par le karma. (...) Par dfinition, linjustice ne peut jamais triompher du dharma, parce que le dharma est la justice vidente en soi, et est la source de toute cration et du cosmos. Mais (...) le dharma ne triomphe dfinitivement que lorsque linjustice dborde (...) Dans un tel systme, se plaignent des rformateurs intouchables, linjustice est tolre jusquՈ ce quil sen accumule assez pour remettre la balance du dharma en quilibre. Un tel dharma, est nanmoins considr aujourdhui comme une boussole ncessaire mais non suffisante pour la justice sociale des opprims, jusquՈ ce quil devienne aussi sensible la peine et la souffrance des gens, ici et maintenant. 

 

Surtout des intouchables plus gs continuent envisager les devoirs moraux et les dettes prescrites travers les principes du karma et du dharma et relvent limportance du rle du divin (bhagvan) lequel reste le pouvoir dintervention suprme dans les calculs du karma et du dharma, mais dont la volont demeure mystrieuse pour les humains (Khare 1998 : 180). Quoi quil puisse se passer au plan humain, la justice cosmique et divine aura toujours le dernier mot. R.S. Khare note aussi que, plutt que dans les termes dune division entre justice et injustice, les intouchables ont tendance raisonner, sur larrire fonds des conceptions que nous venons dexposer, en termes de gradations de leurs vies entre ces deux ples dont certaines relvent de la routine, dautres sont tolrables ou ngociables et dautres encore intolrables et inacceptables (Khare 1998 : 186).

 

Nous sommes ainsi invits plonger dans un  plurivers [7] pour comprendre la complexit des dynamiques dՎmancipation, du rle que peuvent y jouer les droits de lhomme, et loriginalit des diverses situations qui sont autant denrichissement dans notre effort de connatre lhumain.  Mme si cela est exasprant pour un rformateur social moderne et un avocat des droits de lhomme, ce lexique culturel  intrioris du complexe karma-dharma et justice divine est largement partag par les Hindous, les Bouddhistes, les Jans, et les Sikhs ordinaires en Inde. Cest la jurisprudence des gens, qui donne forme aux notions prvalentes dՎquit et de justice sociales. Il traverse des cycles priodiques de rigidit, de rforme, de flexibilit, avec les explications pisodiques de divers saints, rformateurs et leaders. Il rencontre des ptitions, des protestations, des soulvements, aussi bien que la croissance de la foi dvotionnelle dans la puissance intervenante de la volont divine.  (Khare 1998 : 180-181)

 

Si nous ignorons ces diffrents univers de sens et daction, nous restons ct de la proccupation des destinataires des droits de lhomme et nous les excluons par l du  jeu des droits de lhomme . La question du dialogue entre diffrentes cosmovisions ne se pose donc pas uniquement au niveau du cadre global dune rflexion sur les droits de lhomme o la ncessit dun dialogue interculturel avec les autres traditions de lhumanit se fait de plus en plus sentir. Elle a son importance pour sengager aussi dans une pratique qui puisse tre effective des droits de lhomme en prenant en compte les reprsentations, les pratiques, les ressources, les stratgies des acteurs effectivement impliqus.

 

Mais outre le fait que la protection des droits de lhomme pour tre efficace doit tre ouverte au dialogue interculturel pour ne pas passer ct de ses bnficiaires, voire de les exclure du  jeu social  redfini de manire uniquement moderne, la protection moderne des droits de lhomme ncessite des moyens matriels extraordinaires. Un tat de Droit loccidentale, qui permet la traduction institutionnelle des droits de lhomme dans les faits, ncessite une infrastructure bureaucratique et administrative trs lourde, que ne peuvent se permettre une grande majorit des tats de notre plante qui nen ont pas les ressources matrielles ncessaires. Et il ne sagit pas ici dun jugement moral mais dune constatation des faits. Si on garde lesprit que dans de nombreux pays, les fonctionnaires (dont ceux de la Justice) sont sous-pays voire impays, que le nombre de magistrats est notoirement insuffisants, quils manquent de formation, que les infrastructures de base (ex : journaux officiels) sont trs rduites voir inexistantes, raisonner uniquement en termes dune approche institutionnelle des droits de lhomme apparat comme insuffisant. Jacques Vanderlinden (1996 : 87) note cet gard avec des mots trs durs par rapport lAfrique que  Quel que soit langle sous lequel on laborde - celui du scientifique, ou du praticien - la faillite des droits tatiques africains est devenu un truisme () Elle est troitement lie la dlitescence de leur producteur, lՃtat africain . Or poursuit-il  Sans tat, pas de droit tatique qui dpasse le stade du vu pieux ou du nuage de fume lintention des distraits ou des tartuffes prts se laisser abuser par des apparences qui leur conviennent. 

 

Il semble donc primordial de se tourner vers les autres ressources que les ressources modernes dans de tels contextes pour avancer en direction de lidal des droits de lhomme dune garantie de vie digne pour tous. Ces ressources peuvent tre matrielles, humaines et idelles. La transformation des divers facteurs matriels, intellectuels et spirituels en autant de ressources pour nous acheminer vers une praxis interculturelle des droits de lhomme est notre avis fondamentalement lie une attitude dialogale. Tant que lon considre dautres visions du monde, dautres pratiques culturelles, comme rtrogrades, comme sopposant la civilisation et au progrs, celles-ci loin de pouvoir constituer des ressources positives dans la recherche de la ralisation dune vie digne pour tous, sont autant dobstacles. La ressource primordiale nous semble donc bien tre, notre attitude fondamentale qui se devra dՐtre dialogale.

 

Dans des contextes africains se tourner vers des ressources telle la coutume qui continue organiser la vie sociale ou les droits mergents de la pratique et les articuler avec les ralits des ordres juridiques nationaux et internationaux qui sont eux aussi une ralit invitable et peuvent constituer des ressources, afin de sacheminer vers la ralisation dՎtats de Droit, ou lidal des droits de lhomme pourrait sincarner semble prometteur[8]. tienne Le Roy parle de ce processus comme dune  refondation  qui est  () prise en compte, au-del du jeu des institutions, des bases de fonctionnement de la socit susceptibles la fois dinstituer la vie des Africains et de fonder cette vie sur les valeurs et pratiques effectivement partages. Elle suppose la fois une redcouverte de ces pratiques endognes et une rflexion neuve sur les valeurs qui peuvent faire sens pour construire (voire reconstruire) le futur des socits.  (Le Roy 2004 : 258)

 

 

2. Les enjeux de la participation comme condition de la lutte contre la pauvret

 

Nous avons cit en introduction les rflexions dUpendra Baxi qui indiquaient la ncessit de se pencher sur les questions du dveloppement et du politique dans une rflexion sur les droits de lhomme et la pauvret et qui rejoignait par l le diagnostic de la rsolution de lAssemble gnrale des nations Unies sur les droits de lhomme et lextrme pauvret insistant sur la ncessit de la participation des exclus la vie conomique et sociale. Mon propos sera ici encore dintroduire dans la rflexion la dimension interculturelle : quel dveloppement et quelle participation sont ceux qui permettraient effectivement tous de participer un projet labor ensemble et de soutenir ainsi une dynamique dՎradication de la pauvret ?

 

Il faut sinterroger dans cette optique sur notre manire daborder les notions de dveloppement et de gouvernance qui dessinent le champ dans lequel sinscrivent aujourdhui les rflexions de la participation des citoyens la vie commune. Ceci nous permettra ensuite de nous interroger sur les responsabilits des tats et de la communaut internationale dans lՎradication de la pauvret en lien avec une dynamique des droits de lhomme.

 

Le dveloppement

 

Le dveloppement peut apparatre comme un idal souhaitable pour tous sil est conu comme croissance organique permettant un tre vivant ou une socit de se dvelopper jusquՈ maturit. Mais le terme nest pas neutre. Il a une histoire : au sortir de la deuxime guerre mondiale, linvention du concept de dveloppement a cr dans son sillage lՎmergence dun monde sous-dvelopp et donc dvelopper. La matrice est profondment occidentale, et le dveloppement a pu prendre la suite du rle que pouvait jouer lors de lՎpoque des colonisations lide de civilisation. Cest par rapport au modle du dveloppement occidental que le fait de ne pas avoir deau courante ou dՎlectricit a pu tre dcrt au sortir de la deuxime guerre mondiale comme une pauvret quil fallait radiquer. Pour  civiliser  peut-tre, mais aussi, ne nous leurrons pas, pour le but pragmatique de pouvoir ouvrir de nouveaux marchs.

 

Si le plan Marshall a eu dincontestables succs en Europe tant au niveau macroconomique quau plan des retombes sociales pour les Europens, le dveloppement du reste du monde a apport des rsultats plus mitigs[9]. Il a conduit ce que dans de nombreux contextes la pauvret a t petit petit chasse par la misre pour reprendre la terminologie de Majid Rahnema (2003). De nombreux habitants de pays en voie de dveloppement ne sont plus pauvres[10] uniquement daprs nos standards, tout en vivant une vie qui fasse sens pour eux et leur permet de satisfaire leurs besoins en conformit avec leurs visions du monde et de la socit. Ils sont devenus misrables, cest--dire placs dans des conditions o ils ne peuvent plus assurer leur propre survie de manire digne en conformit avec leurs valeurs, leurs aspirations et leurs ressources[11] et de plus ils se sont vus marginaliss par rapport au nouveau mode de vie moderne rig en modle. Leur  sous-dveloppement  marque leur exclusion par rapport au modle du vivre-ensemble moderne et dvelopp. En Inde par exemple, mais la situation illustre une tendance plus universelle,  La logique de classement et de dclassement de la modernisation exclut () les trois quarts ou les quatre cinquimes de la population  (Heuz 1993 : 43). Dans le contexte de lInde, la rfrence la modernit signifie () lintroduction de polarisations jusqualors inconnues. On est ou lon nest pas moderne. Ce qui nest pas moderne est traditionnel (arrir) et se trouve de ce fait fossilis et sorti de lhistoire. La perspective progressiste conceptualise et impose un temps linaire au long duquel chacun se trouve tiquet. () depuis peu, on est ou on nest pas dans la ville[12]. On ne veut plus des gens du bas ou de la frange qui ont longtemps compos lessentiel du paysage urbain. En tout cas on ne veut plus les voir. La leon que bien de gens en tirent, cest que la modernisation, concrtise par exemple par lintroduction de titres de proprit, a souvent signifi laccentuation de dpossessions en tous genres. Si les brahmanes et les despotes du pass ne manquaient pas darrogance et dautoritarisme, ils navaient gure dambition quant au dveloppement conomique. Ils ne touchaient pas non plus aux ensembles locaux.  (Heuz 1993 : 44).

 

Le fait dessayer de sacheminer maintenant vers un dveloppement durable prenant en compte non seulement les dynamiques conomiques mais aussi les enjeux sociaux et environnementaux du dveloppement naborde toujours pas la problmatique de lexclusion du modle de tous ceux qui nen parlent pas le langage, nen partagent pas la vision du monde. La dimension culturelle et ses consquences sociales pour de nombreux tres humains reste largement absente des rflexions. Nous restons enracins dans le mythe (occidental) du dveloppement et on ne commence quՈ sinterroger sur la question si ce nest pas la conception moderne du dveloppement mme et tout ce quil implique, qui pourrait constituer le problme ou du moins une partie du problme et on reste aveugle des  alternatives au dveloppement [13] quon peut retrouver dans dautres visions du monde. Insistons sur le fait que ces alternatives ne sont pas des utopies, mais des ralits. Mais il faut se permettre de les voir pour pouvoir ensuite sengager dans un dialogue avec elles. Ce dernier devrait consister pour le moins de les reconnatre, de les encourager et de rflchir leur articulation, leur mise en dialogue avec les processus de dveloppement contemporains, qui sen trouveront forcment relativiss pour rparer les pots casss dun dveloppement nolibral dict par des considrations purement conomiques et accroissant les exclusions et les seuils de pauvret au profit dune minorit. Prendre au srieux ces alternatives vivantes suppose quon rflchisse un vritable droit de participation des populations lՎlaboration et la mise en uvre de leur vivre-ensemble. Actuellement cette rflexion se fait surtout en termes de  gouvernance  et de  socit civile .

 

Le requis de la participation pour lՎradication de la pauvret : remise en perspective de la  gouvernance  et de la  socits civile  ?

 

LՃtat na plus le monopole de la rgulation juridique dans les processus contemporains de globalisation. Son action se trouve affecte par lՎmergence de droits transnationaux aux niveaux global ou rgional, ainsi que par lՎmergence de droits locaux lis des processus accrus de dcentralisation (Arnaud 1997). Il sorienterait davantage vers la gouvernance, cest--dire la mise en uvre dune gestion efficace de la socit, et laisserait de plus en plus de ct le gouvernement peru comme plus hirarchique, plus impos  mais aussi plus politique. Pour la Commission sur la Gouvernance Globale, la gouvernance est  lensemble des diffrents moyens par lesquels les individus et les institutions publiques et prives, grent leurs affaires communes. Cest un processus continu de coopration et daccomodements entre des intrts divers et conflictuels. Elle inclut les institutions officielles et les rgimes dots de pouvoirs excutoires tout aussi bien que les arrangements informels sur lesquels les peuples et les institutions sont daccord ou quils peroivent tre de leur intrt  (cit et traduit par Froger 2003 : 12). Si la gouvernance est prsente comme prfrable au gouvernement cest quelle apparat comme un processus plus participatif et donc plus dmocratique, dans le sens dune dmocratie directe et non pas seulement dune dmocratie reprsentative o les lecteurs ne participent que priodiquement lՎlection de ceux qui ensuite les dirigeront. Mais participation de qui quoi ?

 

Majid Rahnema dans son analyse historique de lutilisation du concept de participation dans la sphre du dveloppement note quil faut consciencieusement distinguer entre participations spontane, manipule voire tlguide dans les cas o les participants sans tre forcs de faire quelque chose y sont incits ou dirigs par des centres hors de leur contrle (Rahnema 1997 : 116). Si lorigine le concept de participation avait un caractre subversif et rsultait dans les annes 50 de travailleurs sociaux qui pointaient vers la ncessit de la prise en compte des ralits locales dans les programmes de dveloppement, il a petit petit t coopt par les gouvernements et institutions de dveloppement qui taient ds les annes 1970 explicitement confrontes aux checs de leurs programmes et sentaient le besoin de relais pour leur activit. Et ceci, daprs Majid Rahnema (1997 : 117-120), pour six raisons principales : le concept nest plus peru comme menace ; il est devenu un slogan politique attractif ; il est devenu une proposition attrayante conomiquement ; il est maintenant peru comme linstrument dune plus grande effectivit ainsi que comme une nouvelle source dinvestissement ; il devient un bon moyen pour chercher des financements (fundraising) ; enfin, une notion largie de la notion de participation permet au secteur priv de devenir directement acteur dans le business du dveloppement[14]. Il apparat alors comme primordial de bien dfinir de quoi on parle lorsquon parle de  participation  dans une rflexion sur la gouvernance.

 

Bonnie Campbell (1997b) souligne ce point dans son analyse critique de la mise en place de plans dajustements structurels (PAS) dans les tats africains. En effet, confront aux chec des PAS et leur  non-faisabilit politique  au dbut des annes 1980, se met en place un effort majeur de rflexion sur la construction de lgitimit politique de ces programmes. Cette dernire sappuiera la fin des annes 1980 sur les notions d  empowerment  et de  consensus building , puis partir des annes 1990 surtout sur la notion de  participation . Or comme le souligne Bonnie Campbell (1997b : 219-220)  () il sagit dun empowerment pour assurer et pour faciliter le dveloppement, qui semble tre, comme nous lavons vu, une finalit dfinie davance, et non pas une participation effective lexercice du pouvoir en vue de participer la dfinition et la mise en uvre dun projet de socit. () Dans ce sens, la notion de participation se rfre 1. un moyen pour obtenir un appui local et une coopration locale ; 2. un moyen pour asseoir une lgitimit populaire, mais lgitimit pour ceux qui introduisent, non pas ceux qui rsistent ou qui sopposent aux PAS. Cest dans ce mme sens technique et fonctionnel que lon peut expliquer la porte limite de la notion d accountability ou de responsabilisation. Sa dfinition qui, premire vue, apparat assez large : Accountability at its simplest means holding public officials responsible for their actions. Mais cette notion ne sera pas prcise et donc manquera defficacit politique pour ce qui est de son interprtation au sens large. Afin dՐtre oprationnelle sur le plan politique, il aurait t essentiel de prciser : responsabilisation de qui, quoi, par quels mcanismes, quel degr et selon quels normes ? On comprend mieux ce manque de prcision lorsque lon se rend compte quil sagit essentiellement de responsabilisation budgtaire et conomique () : Similarly, the Bank is rightly concerned with financial and economic accountability, but political acountability is outside its mandate. () Cest ce type de considrations qui nous amne conclure que la notion d empowerment utilis par la Banque dans les annes 80 et celle de participation dans les annes 90, manent non pas dun souci de participation effective mais renvoient un concept de managrialisme populiste. 

 

Ainsi ce qui semble sous-jacent dans le champ smantique de la gouvernance est, plutt quune participation politique accrue, une gestion plus efficace de la socit. On passe dun mythe politique du vivre-ensemble un mythe conomique cristallis dans lidologie du dveloppement. La bonne politique, ou  bonne gouvernance  au sens du Fonds Montaire International (FMI) ou de la Banque Mondiale est celle qui est efficace en termes de rentabilit macro-conomique, cest celle qui rduit le plus possible le rle de lՃtat et du politique. La question de choix de  projets de socit , qui est peut-tre la question politique fondamentale est compltement vacue il ne sagit que de grer le plus efficacement possible en vue dun dveloppement conforme aux  lois naturelles  du march[15] Lide sous-jacente des meilleures pratiques auxquelles veut duquer la Banque mondiale lient  troitement laide internationale une ouverture fortement accrue des conomies des pays pauvres non seulement au commerce international mais aussi aux investissements directs de lՎtranger () qui correspondent aux crations locales de filiales ou aux prises de contrle dentreprises opres par les grandes multinationales ()  (Gaudin 2002 : 78).  Paradoxalement , la bonne  gouvernance a tendance vider la gouvernance de toutes ses potentialits mancipatrices et porteuses dune plus grande participation des socits civiles au vivre-ensemble. Elle instaure en effet, par son caractre prescriptif, des blocages la participation et assure un contrle de fait sur les tats par les institutions financires internationales. La possibilit de participation des socits civiles travers le processus de gouvernance se trouve remis en cause. Il faut noter cependant que la Banque mondiale et le FMI nont pas le monopole de la dfinition de la  bonne gouvernance . Rien nempche dy inclure des exigences plus explicitement politiques et on peut faire le choix de sinterroger plutt sur la spcificit de ce que peut apporter la notion de gouvernance pour repenser de nos jours les problmatiques dun vivre ensemble en dignit et en paix, plutt que de sengager dans les sentiers idologiques dune  bonne gouvernance  prdfinie. Dans son acceptation mancipatrice qui ne voit pas uniquement la gouvernance comme courroie de transmission du nolibralisme et comme faon de rduire de plus en plus le rle de lՃtat et du politique face au march et aux logiques conomiques, mais comme une manire plus participative dorganiser le vivre ensemble, le rle de la socit civile apparat comme crucial. Cest en la mobilisant quon arriverait sacheminer vers une gestion plus participative des problmes de la cit, et ainsi une dmocratie plus directe, plus vivante.

 

Mais ici aussi les choses sont loin dՐtre aussi videntes quelles peuvent paratre premier abord. Le concept de socit civile, dfini par rapport lՃtat, comme une sphre autonome qui soppose lui renvoie la societas, assemblement dindividus lis par un contrat social (Dumont 1991 : 98-99), et la civitas, la cit politique. On est dans une construction particulire, occidentale, du rapport au politique, au juridique et au social. On pense immdiatement en rfrant la socit civile des associations, des organisations non gouvernementales, des mouvements citoyens Mais quid des structures politiques, sociales, conomiques et juridiques plus traditionnelles, telles les rseaux familiaux, religieux, de castes, dentraide qui ne sont pas forcment moules dans des formes modernes[16] ? Soit on ne les prend pas en compte, soit on nen peroit que la pointe merge de liceberg travers leur ventuelle participation, entre autre, des  jeux modernes , par exemple une participation dans une activit dONG. Il nen demeure pas moins que fondamentalement on les ignore, autant quelles ignorent les dynamiques modernes comme le constatait Babacar Sall (1997 : 252-245) pour lAfrique o  () le contexte politique et conomique est tel que tous les mots drivs de la modernit dominante tels que dveloppement, dmocratie, ԃtat, ne veulent plus rien dire socialement, parce que justement, ils nont pas russi amliorer le social dans sa relation problmatique aux besoins fondamentaux. Ce qui compte, par consquent, nest pas la longue dure, le programme, le sens de lhistoire, mais le quotidien avec son impratif alimentaire et sanitaire. On est en prsence dun contexte de controverse et dinversion o le social se dpolitise et o le politique se dsocialise sans que la rupture ou la dperdition de lun en lautre ne ruine dfinitivement le systme global. Il y a l, manifestement, une rupture structurelle entre ces deux ples dominants du socital qui fait que le social se pense, se dit et se fait sans le politique et vice-versa. () la dsocialisation ne traduit pas uniquement un manque darticulation entre lՎtatique et le social, mais un rinvestissement discriminatoire des structures de lՃtat par des groupes dominants qui en font leur proprit et un instrument de violence en vue de rgler leur avantage des diffrends sculaires les opposant dautres cits concurrentes. Vus sous cet angle, on peut affirmer que les registres idologiques de lՃtat contemporain en Afrique, avec son systme partisan, sa bureaucratie, ses rites, ses mthodes de lgitimation, procdent dun jeu virtuel de luniversalit dominante impose par les puissances dmocratiques. Mais cest seulement en des cas rares quils ont effectivement prise effective sur le corps social parce que lessentiel de la vie sociale, culturelle et conomique, seffectue en dehors du cadre institutionnel fix par lՃtat. .

 

La dernire rflexion de Babacar Sall est une bonne transition pour la question sous-jacente la question de la  participation . Dans des contextes tels quillustrs ci-dessus o lessentiel de la vie sociale se droule hors du moule moderne, peut-on raisonnablement considrer que la vraie participation populaire doive reposer sur une conversion de masse des populations lidologie moderne ? Ou ne devrait-on pas se demander si ce ne serait pas, du moins en partie, aussi aux institutions modernes importes de sadapter aux attentes, besoins et reprsentations de ses supposs  destinataires [17] ?

 

tre sensible la diversit des projets de socit[18] et aux manires de les mettre en forme, vritablement prendre les  socits civiles  et leur  participation  au srieux pour pouvoir dgager les responsabilits des uns et des autres dans notre vivre-ensemble implique de sintresser la partie immerge de liceberg de la rgulation juridico-politique des socits, comprise au sens large. Pour ce faire il est indispensable dintroduire une fibre anthropologique dans nos rflexions sur le Droit et dexplorer le grand jeu de la juridicit en posant les questions, non pas en partant des institutions modernes, mais en partant de problmatiques spcifiques partir de la totalit sociale (voir par exemple Le Roy 1990b, Vanderlinden 1996).

 

 

3. Pour une approche mancipatrice de  la pauvret comme violation des droits de lhomme 

 

Dans lintroduction au point I de la dclaration du millnaire de lAssemble gnrale des Nations Unies (A/55/L.2) relatif aux valeurs et principes, on lit  que le principal dfi que nous devons relever  aujourdhui est de faire en sorte que la mondialisation devienne une force positive  pour lhumanit tout entire. Car, si elle offre des possibilits immenses,   lheure actuelle ses bienfaits sont trs ingalement rpartis, de mme que les  charges quelle impose. Nous reconnaissons que les pays en dveloppement et les pays en transition doivent surmonter des difficults particulires pour faire face ce dfi majeur. La mondialisation ne sera donc profitable tous, de faon quitable, que si un effort important et soutenu est consenti pour btir un avenir commun fond sur la condition que nous partageons en tant quՐtres humains, dans toute sa diversit. Cet effort doit produire des politiques et des mesures, lՎchelon mondial, qui  correspondent aux besoins des pays en dveloppement et des pays en transition et sont  formules et appliques avec leur participation effective. 

 

Si, dans cette perspective, les organismes internationaux semblent devoir jouer un rle important dans la rgulation dune mondialisation qui ne doit pas se rsumer la simple expansion du march nolibral, il semble incontournable de rhabiliter, voire de  refonder  le rle de lՃtat. Les tats ont une responsabilit primordiale et peuvent jouer un rle dterminant pour une lutte contre la pauvret dans une dynamique mancipatrice des droits de lhomme, cest--dire une dynamique qui encourage effectivement la participation de tous aux choix de projets de socit et de leur mise en uvre, ce qui implique la prise en compte de la dimension interculturelle de cette praxis.

 

Si, dans le cadre de la globalisation, lՃtat se trouve concurrenc ou complt dans ses activits par dautres pouvoirs et que lexercice de sa souverainet sen trouve ainsi remodel, il nen demeure pas moins quil reste un acteur primordial et incontournable. Raffirmer le rle des tats semble primordial dans toute rflexion visant la rduction de la pauvret et on ne saurait souscrire la demande nolibrale de  dstatisation  : si lՃtat na pas su remplir ses fonctions lmentaires par le pass (et au prsent) dans de nombreux contextes non-occidentaux, ce nest pas le moment de saper encore plus ses assises. Dans certains contextes, on peut lgitimement se demander si au lieu de  moins dՃtat  il nen faudrait pas plus tout en prenant conscience que cest surtout dun tat diffrent, russissant incarner une certaine lgitimit, dont on a besoin. Il ne sagit donc pas dun tat plus fort au sens de plus totalitaire, mais plus fort dans le sens quil puisse effectivement assurer le minimum de services, tout en fonctionnant en complmentarit avec les autres ressources sociales.

 

De plus, le discours de laffaiblissement de lՃtat et de sa dresponsabilisation croissante cache aussi une autre ralit. Si dune part de nombreux tats, dans les Nords comme dans les Suds se disculpent de politiques mal perues en en rejetant la responsabilit sur  la globalisation , la courroie de transmission entre le global et le local, reste lՃtat (voir Ost & van de Kerchove 2002 : 168 ss). Cest bien lui qui met finalement en uvre les plans dajustement structurels travers ses lgislations et lemploi de son monopole de violence lgitime. Suite aux analyses de Shalini Randeria (2002), on peut distinguer au moins trois formes dՃtat : ceux qui sont suffisamment forts et o on assiste simplement lՎmergence dun champ politico-juridique plus plural, plus complexe et plus flou, o lՃtat reste un acteur central bien que relativis ; ceux o lՃtat a pratiquement perdu toute son autonomie et se rsume pratiquement au rle de courroie de transmission des  forces globales  ; et enfin ceux qui sont dans une catgorie intermdiaire telle les grands tats du Sud, comme lInde ou le Brsil, qui ont en fait une indpendance non ngligeable, mais se dresponsabilisent parfois en se rfugiant derrire lexcuse de la globalisation pour ouvrir leur pays au march global tout en fragilisant ainsi leurs propres populations qui sont sacrifies sur lautel du dveloppement macroconomique qui est souvent contradictoire avec lautodveloppement et lautosuffisance[19]. Pour les tats forts ou dans la catgorie intermdiaire, il sagit de les confronter leurs responsabilits dans leur choix de projet de socit qui doivent prendre en compte les aspirations de tous leurs citoyens. Et cest spcialement pour les tats les plus faibles quil sagira pour la communaut internationale de veiller ce quau lieu de se trouver encore plus fragiliss on leur permette de se construire sur les bases dune action perue comme lgitime par leurs populations.

 

Toute dynamique de  pauvret comme violation des droits de lhomme  passe ainsi par la raffirmation du rle et de la responsabilit des tats en ce qui concerne le choix de leurs projets de socit, en collaboration si ncessaire avec les institutions internationales telles que la Banque Mondiale ou le FMI. Ceux-ci doivent viser une participation vritable de tous les citoyens la vie en commun et demandent donc de prendre en compte les pratiques, logiques, visions du monde de ces citoyens.

 

Rappelons que lՃtat de Droit repose sur trois piliers. Il est fond sur des normes gnrales et impersonnelles inscrites dans la hirarchie du systme juridique, supposes connues par tous et prexistants aux litiges, sur lobligation de lautorit instituante (lՃtat) de respecter les rgles quelle a formule et enfin sur  lexigence de conformit du Droit des valeurs de socit correspondant une thique commune au plus grand nombre  (Le Roy 1999 : 266). Cest sur ce dernier fondement quil sagira de sappuyer pour sorienter dune rflexion uniquement en termes de  transplantation du modle moderne de lՃtat de droit  sur toute la plante vers une rflexion en termes de ralisation d tats de Droit  comprises comme situations de Droit (Le Roy 1999 : 264) btissant sur les reprsentations et pratiques des acteurs concerns. Cette exigence nest pas uniquement  thique  pour rendre justice aux exigences du dialogisme et de linterculturalisme mais est aussi hautement pragmatique comme nous lavions voqu plus haut : sans mme rentrer dans dautres considrations, il est un fait que lՃtat de Droit moderne ncessite une infrastructure extrmement lourde et coteuse que ne peuvent se permettre de nombreux tats (fonctionnaires, publication de journaux, cadastres etc.). LՃtat ne peut donc pas grer toute la socit dans un monopole - il est important que des pouvoirs soient dlgus que des articulations entre  droit moderne  et  droits vivants  soient trouvs afin de tendre vers lidal dune scurisation de tous les acteurs dans le jeu social travers la participation de tous[20]. Et de mme que lՃtat devra reconnatre ses limites pour pouvoir travailler en complmentarit avec dautres dynamiques sociales, de mme faudra-t-il aussi repenser la notion de  dveloppement  et lui prendre son monopole dans la rflexion sur lassurance des bases dune vie digne pour tous.

 

Lenjeu principal la fin de cet article semble, dans les contextes non-occidenatux, de mettre au centre de la dynamique de  la pauvret comme violation des droits de lhomme  la question de la participation en y intgrant la dimension interculturelle. Les perspectives qui se dessinent si on prend cette exigence au srieux seraient des approches qui ne se limitent pas des rponses modernes et occidentales, mais tiendraient compte des expriences de nos diverses cultures. Et ceci non pas abstraitement, mais de manire concrte sur les divers terrains de la conception et de la mise en uvre des politiques juridiques. Lanthropologie du Droit, pourrait se rvler une ressource fort utile dans cette dmarche.

 

 

 

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Les pistes bauches dans ce texte peuvent tre approfondies dans Eberhard 2002a, 2002b et 2004.

[1] Toutes les citations en langue trangre ont t traduites en franais par lauteur.

[2] Si je me base dans cet article surtout sur une rflexion partir de contextes non-occidentaux cest dune part parce que ce sont l mes terrains de rflexion privilgis et dautre part parce quil me semble primordial dinterculturaliser les approches de notre vivre en commun qui continuent pour linstant emprunter essentiellement limaginaire occidental. Cependant, je suis tout fait conscient des dfis qui se posent aussi en Occident et plus particulirement par rapport aux dynamiques de pauprisation quon observe dans les anciens pays de lEst.

[3] Et on peut dailleurs se demander pourquoi lhorizon moderne devrait forcment tre lhorizon universel pour tout vivre-ensemble ? La base de tout vritable dialogue interculturel en vue de lՎlaboration dun horizon daction partag passe dabord par la reconnaissance et le respect des perspectives dautres visions du monde.

[4] Voir pour de telles approches par exemple Eberhard 2002a, Rahnema 2003, Vachon 1990.

[5] Donnons une dfinition simplifie de lintouchabilit. La socit indienne des castes est structure autour du principe de puret / impuret. Les diffrentes castes, jti, se positionnent mutuellement selon leur degr relatif de puret. Lappartenance une caste est hrditaire et la rgle est lendogamie. Ce systme se double dune division intellectuelle de la socit indienne en quatre varna,  couleurs , ou tats : au sommet les Brahmanes ou prtres, suivis des Kshatrya ou guerriers, suivis des Vaisha, les marchands qui constituent les  deux fois ns  qui ont accs aux Vda. Puis viennent les Shudra, les serviteurs ou gens de peu. Il existe encore une autre catgorie, hors varna, plus basse et impure encore : les Intouchables (voir Dumont 1979 : 93) Rpertoris comme scheduled castes, ils reprsentent environ 16,5 % de la population indienne, soit plus de 160 millions de personnes. Outre le fait dՐtre  idologiquement les plus bas  ce sont aussi ceux qui se retrouvent socialement et conomiquement dans les situations les plus prcaires et les plus exploites.

[6] Voir pour des dfinitions Lingat Robert, 1998 ; Eberhard 2002: 195-198.

[7] Voir Eberhard,  Justice, droits de lhomme   op. cit. : 79 ss.

[8] Voir Le Roy  Le justiciable africain et la redcouverte dune voie ngocie de rglement des conflits , Afrique Contemporaine, 4e trimestre, n 156 (spcial), 1990, p 111-120 : 118-120 pour une illustration de ce que pourrait tre la dmarche dune approche interculturelle des droits de lhomme acceptant de btir sur les diverses ressources disponibles, travers la prsentation quil fait de lՎmergence au Sngal dune voie ngocie de rglements des conflits et dune nouvelle  culture commune .

[9] Sur les multiples visages de  laide au dveloppement et de ses enjeux  voir Sogge 2003.

[10] Pour une discussion des notions de pauvret, de besoins et de standard de vie lՉge de la globalisation voir Rahnema 1997, Illich 1997 et Latouche 1997.

[11] Un des effets du dveloppement a t de crer du sous-dveloppement. Mme la Banque Mondiale et le Fonds Montaire International (FMI) sont contraints de reconnatre que statistiquement le nombre des pauvres dans le monde na cess daugmenter en termes absolus et relatifs et que lՎcart entre riches et pauvres na pas cess de sagrandir. Le dveloppement semble donc surtout profiter aux dvelopps, ceux qui sont au centre des structures de pouvoir mais aux dpens de ceux qui sont supposs tre sous-dvelopps.

[12] Alors quil faut garder lesprit que les trois quarts de la population indienne est rurale.

[13] Voir par exemple Vachon 1990 et La ligne dhorizon 2003.

[14] Il est intressant de contraster et de complter cette approche par lapproche de la planification par Arturo Escobar (1997).

[15] Voir Gervais 1997, Osmont 1997, Campbell 1997a.

[16] Sur la difficult de la prise en compte des structures ou dynamiques traditionnelles quand on raisonne en termes de  socit civile  voir par exemple Mandani & Wamba-Dia-Wamba 1997, Sall 1997.

[17] Dans ce contexte, le lecteur pourra tre intress par le dernier ouvrage dՃtienne Le Roy, Les Africains et l'Institution de la Justice (2004).

[18] Et voir mme dans Eberhard 1999 ma mfiance de parler en termes de  projet de socit  dans certains contextes, cette notion tant elle aussi probablement trop moderne pour tre interculturellement valable.

[19] Ces analyses gagnent tre mises en perspective par les dveloppements de Bertrand Badie sur les tats entre ruse et responsabilit dans un monde sans souverainet (1999). Voir aussi de Senarclens (2002) qui analyse les mutations et reconfigurations du rle lՃtat dans les nouveaux rapports de pouvoir qui mergent avec les dynamiques de globalisation.

[20] On peut dailleurs sur un plan plus fondamental se poser la question sil est souhaitable quune instance (que ce soit lՃtat moderne ou une autre construction) monopolise elle seule le droit et dresponsabilise ce faisant les autres acteurs sociaux. De notre point de vue la rponse est dfinitivement non. Voir sur ces questions par exemple Huyghebaert & Martin 2002 ; ILSA 2003. Cette problmatique rejoint aussi toutes les proccupations contemporaines plus gnrales sur la  technocratie  et le  dficit dmocratique  de nos institutions.