EBERHARD Christoph (c.eberhard@free.fr)  &  LIWERANT Sara (sliwerant@ifrance.com)

 

 

 

Le droit international confronté aux crimes contre l’humanité et génocides - l’émergence d’une exigence interculturelle

 

 

Contribution à la 9ème conférence générale de l’EADI (European Association of Development Research and Training Institutes), Paris 22-25 septembre 1999

(première version du texte a paraître dans les Actes de la Conférence)

 

 

 

 

 

« Il y a désordre, souffrance, haine en ce monde et à tous les niveaux. On ne saurait être aveugle ou dans la pure passivité à son égard. Une lutte contre lui, au même niveau ou avec les mêmes armes, ne fait que doubler le mal. Le mal est - par définition - inexplicable. Si on pouvait en donner une explication on l'expliquerait hors de lui-même. Il est certainement une 'privation', mais aussi une privation d'intelligibilité. Le mal nous force à faire l 'expérience de notre contingence, de notre incapacité à avoir un portrait cohérent et net de la Réalité. Il nous ouvre à l'abîme du divin, mais comme si c'était par l'autre versant pour ainsi dire. Il nous guérit de tout superficialisme et de tout sens d'autosuffisance. En même temps, il nous pousse à prendre le saut personnel dans la Vie et ne couvre pas le risque. Il fait partie du Mystère. (...) Dans le futur 'humain', l'être de l'Etre est en jeu. Et c'est là le fardeau de la philosophie - à moins qu'on ne veuille faire une farce de la sagesse, une moquerie de l'Amour, et un robot de l'Homme. » (Panikkar 1996 : 62)

 

Les génocides et crimes contre l’humanité marquant notre actualité nous obligent à prendre au sérieux le défi lancé par l'UNESCO de réfléchir à des cultures de la Paix. Pour ce faire il nous semble important de réfléchir au traitement des crimes contre l'humanité et génocides par la communauté internationale et plus particulièrement à travers le droit pénal international. Les catégories juridiques de « crimes contre l'humanité » et « génocide » sont approchées ici à travers une même problématique qui ne justifie pas de les distinguer, alors même qu’ils sont de natures différentes et que nous ne souhaitons pas confondre.

 

Il apparaît que le droit, pour pouvoir jouer son rôle et contribuer à la pacification des sociétés, doit être perçu comme légitime par les populations concernées. Or dans une perspective d'anthropologue du droit cette exigence de légitimité ne se résume pas à la problématique de rendre légitime le « droit à l'occidentale » pour d'autres cultures mais de s’ouvrir aux pensées juridiques diverses les caractérisant. Il apparaît comme primordial de prendre en considération les différentes façons de « penser le droit » autant au niveau local, pour y permettre la réalisation effective de la Justice ou du Rule of law, qu'au niveau global pour asseoir la légitimité d’un droit international qui pourra ainsi être perçu comme émanant véritablement de tous les acteurs de la communauté humaine, et non pas uniquement des acteurs les plus puissants. Notons tout de suite, affirmation que nous développerons au long de cet article, que le Droit ne peut se résumer aux textes, codes et institutions car il est bien plus qu’un simple instrument de gestion de la société, un outil de management social, une technique neutre et rationnelle pour organiser les rapports sociaux. Le Droit, entendu comme « phénomène juridique », est ce qui permet la mise en forme et la mise de formes à la reproduction de l’humanité en permettant de nouer le biologique, le social et l’inconscient selon une formule dérivée des définitions de Pierre Bourdieu et de Pierre Legendre[1] . Ainsi tout Droit est l’expression d’un projet de société, s’inscrit dans un certain ordre archétypique, se formalise suivant certaines logiques et en dernière analyse s’exprime à travers les pratiques des acteurs qui en jouant le jeu social l’appliquent ou l’ignorent, le légitiment ou le délégitiment[2]  ...

 

A travers cette lecture du droit, notre regard s’articulera en cinq points. Ceux-ci permettront de dégager au niveau paradigmatique les limites des approches contemporaines du droit pénal international face aux génocides et aux crimes contre l'humanité et mettront en lumière une exigence interculturelle émergeante porteuse de nouvelles pistes de réflexion.

 

 

1. LE DROIT : UN DISCOURS DE VÉRITÉ

 

L'évolution des discours et des pratiques internationales, fait apparaître le droit pénal international[3] comme l'instrument privilégié, voir comme l'unique réponse aux crimes contre l'humanité et génocides. Le recours à la seule intervention du droit, en l’occurrence la branche pénale du droit international, comme en témoigne les tentatives d’instauration d’une Cour pénale internationale permanente, fait ainsi apparaître une dimension de discours de vérité.

 

Le droit pénal international émerge lors de la première guerre mondiale à l’occasion des violations du droit de la guerre et ce sont les prescriptions de ce dernier, entendues au sens large et codifiées dans le droit international qui sont à l’origine des incriminations actuelles de « crimes de guerre », de « crimes contre la paix », de « crimes contre l'humanité », et de « génocide ». Les deux dernières infractions ont été créées pour parer au « dérèglement » des règles de la guerre, pour réprimer les exactions commises à l'encontre de populations civiles et des militaires qui agissent dans un cadre dépassant la finalité militaire. Le Traité de Versailles prévoyait de juger les individus ayant violé les conventions et les règles du droit de la guerre, mais cette première tentative d’instauration d’une justice pénale internationale échoua. Malgré d’importants débats doctrinaux entre les deux guerres et des projets de codification et de création d’une juridiction pénale internationale, ce n’est qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale que la victoire militaire des Alliés permet à ces derniers d’instaurer les deux tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo (créés respectivement, conformément à la déclaration de Moscou en 1943, par l’Accord de Londres du 8 août 1945 et la déclaration du 19 janvier 1946) auxquels s’ajoutent les tribunaux militaires de la zone d’occupation des Alliés. Par la suite, les multiples tentatives de codification du droit pénal international témoignent d’une volonté de créer une juridiction pénale internationale à caractère permanent. Il faut néanmoins attendre la férocité et la proximité (… occidentale) de la guerre en ex-Yougoslavie, cristallisant la volonté des juristes relayée par celles des politiques, pour aboutir à la création en 1993 du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.). Celle-ci se double en 1994 par l’instauration du Tribunal international pour le Rwanda (T.P.I.R.), en attendant la création d'une Cour pénale internationale permanente (C.P.I.), qui verra peut-être le jour si soixante Etats ratifient son statut.

 

On peut interpréter ce développement comme une marche vers l' « universalisation », le souci d’une justice internationale « universelle » signifiant qu'à tout moment et en tout endroit du globe des droits puissent être exigibles par tout membre de la communauté humaine. C'est cette interprétation qui nous semble la plus largement partagée et qui se reflète particulièrement dans la littérature juridique (voir par exemple Bassiouni 1981), et certains auteurs incitent à relever les défis pour la construction d’un droit mondial (voir, notamment Delmas-Marty 1998). Cette universalisation du droit s’affirme par les exigences sans cesse renouvelées de la communauté internationale pour réaliser les Droits de l’Homme et la démocratie. Si ces concepts reflètent un élan légitime, il faut néanmoins s’interroger sur leur applicabilité pour leurs destinataires et au-delà, de leur équivalence.

 

En outre, traditionnellement une des conditions d’application du droit international pour poursuivre les auteurs de crimes contre l'humanité et de génocide, est l’existence d’un conflit international armé. Sauf à utiliser les Conventions de Genève relatives à la protection des personnes civiles en temps de guerre et les protocoles additionnels I et II de 1977 comme fondement d’intervention, le droit international n’a pas vocation à s’appliquer dans des conflits intra-Etatiques. Seuls les Etats sont considérés comme sujets de droit international et par conséquent comme garants des standards proclamés. Or aujourd’hui la majorité des crimes contre l'humanité se produit lors de conflits intra-Etatiques et on semble surtout demander au droit pénal international d’être un instrument de pacification pour des sociétés déchirées - ce qui n'est pas sans poser le problème des « droit - voire devoir - d'ingérence » que nous ne traiterons pas directement ici mais dont il est utile de rappeler qu'ils sont en conflit avec le principe de base du droit international classique, la souveraineté des Etats. La déclaration des principes du droit pénal international établie une dichotomie implicite entre les « Nations civilisées » (expression utilisée dans des textes internationaux) et les autres, et dévoile le souci d’une sécurité internationale liée à un équilibre économique et géo-politique. Le discours du « besoin de Justice », fondement d’intervention pour pacifier une région, peut ainsi masquer des enjeux de sécurité internationale. On peut d’ailleurs lire dans le Monde du 8 novembre 1994 que la création du T.P.I.Y. « relève d’une logique plus diplomatique que judiciaire : sa création entre dans le cadre d’un chapitre de la charte des Nations Unies consacré au maintien et au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. » (voir aussi Ray 1999).

 

Les approches contemporaines prédominantes relatives à une « universalisation » du droit international semblent plutôt promouvoir une globalisation du modèle occidental, qu’une construction d’un projet partagé dans le dialogue de cultures pouvant contribuer à la pacification des sociétés et étant réellement accepté par tous les membres de la communauté internationale. A ce titre l'extrait d'un discours de Bill Clinton prononcé le 26 février 1999 (cité dans Klare 1999, 9 et consultable sur www.whitehouse.gov) est éloquent :

 

« Il est facile de dire que nous ne nous soucions pas de savoir qui habite dans telle ou telle vallée de Bosnie, est propriétaire de telle partie de la brousse dans la corne de l'Afrique ou d'une parcelle de terre aride sur les rives du Jourdain. Mais ce qui compte pour nous, ce n'est pas que ces pays soient éloignés ou minuscules ou que leur nom semble difficile à prononcer. La question que nous devons nous poser, c'est de connaître les conséquences que le fait de laisser des conflits s'envenimer et se propager peut avoir sur notre sécurité. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas tout faire ou être partout. Mais lorsque nos valeurs et nos intérêts sont en jeu et lorsque nous pouvons agir, nous devons être prêts. »

 

A quoi semble répondre Raimon Panikkar (1998 : 199) :

 

« L’injustice peut être individuelle, personnelle, intérieure, mais elle peut aussi être institutionnalisée pour ainsi dire et, très souvent légitimée. Mais nous savons que la ‘légititmité’, catégorie juridique qui trouve son application dans le domaine pénal, n’est pas la justice. La légitimité d’une procédure, d’une institution, d’une législation ne fournit aucune garantie de justice, et moins encore la ‘légalité’.(...) Un mot pour rire un peu, au milieu de ces choses si graves. Quelqu’un qui ne prononcerait pas bien l’anglais illustrerait le débat qui nous occupe : pour lui, justice deviendrait just us, ‘seulement nous’ ! Or trop souvent c’est le ‘seulement nous’ qui prévaut dans les esprits et les attitudes : nous les hommes, nous les Orientaux, nous les Occidentaux, nous les Français, nous les riches, nous les mâles ... Or si l’on veut la polémique : just us, just U.S. ... »

 

 

2. UN INDICIBLE … DIT PAR LE DROIT

 

Les crimes contre l'humanité, au sens premier du terme c'est-à-dire les atteintes à l’essence de l’humanité, pose la question de ce qu’il est possible de penser et de ce que l’on s’autorise à élaborer. Ces situations procèdent d’une crise du sens faisant obstacle à tous discours et toutes représentations dans un lieu qui interroge le registre de l’être dans son rapport à l’altérité. Que nous reste-t-il de la pensée face à l’horreur de ces massacres ?

 

Réfléchir sur le droit face aux génocides et crimes contre l'humanité oblige à se confronter à l’impensé et à l’impensable qui leurs sont intrinsèques. Dans son ouvrage Modernity and the Holocaust, Zygmunt Bauman (1991 : 3) constate « que l'Holocauste a plus à dire sur l'état de la sociologie que la sociologie dans son état actuel est capable d'apporter à la compréhension de l'Holocauste. »[4] . Il considère que l'impossibilité des sciences sociales à aborder le génocide des Juifs résulte en grande partie de leur enracinement dans la « modernité » occidentale. En le construisant comme un cas aberrant, résurgence d'un passé barbare, tout lien entre cette « horreur » et la civilisation moderne est occulté. Bauman poursuit (1991 : 7) : « La terreur non dite qui imprègne notre mémoire de l'Holocauste (et relié contingentement au désir primordial de ne pas regarder la mémoire en face) est la suspicion lancinante que l'Holocauste pourrait être plus qu'une aberration, plus qu'une déviation d'une voie autrement droite vers le progrès, plus qu'une excroissance cancéreuse sur le corps par ailleurs sain d'une société civilisée ; qu'en bref, que l'Holocauste n'était pas l'antithèse de la civilisation moderne et tout ce qu'elle représente (ou que nous voulions qu'elle représente). »

 

La nécessité de nommer ces situations - afin de ne pas rester dans le discours de l’indicible prolongeant la logique génocidaire - questionne singulièrement la nature du traitement de ces phénomènes qui échappent à la pensée. La question du « comment faire après », la récurrence du discours du « plus jamais ça » interroge les modes sociaux de nomination et l’intervention du droit, d’autant qu’il apparaît comme le seul instrument dont l’exercice est légitimé, tout au moins dans son principe[5].

 

La logique génocidaire renferme le projet d’extermination indissociable de la négation du meurtre. Le génocidaire falsifie la loi en inversant la règle en interdit (le tabou en totem pour reprendre une terminologie freudienne) avec une « mise en scène » de la cruauté dans le territoire du corps de l’autre. Elle vise à exterminer toutes traces, toute mémoire, annuler tout témoin de l’existence des victimes, de l’éventualité d’un « ayant-été-vivant » (Piralian 1994 :112) et opère un crime généalogique. Le génocidaire vise à supprimer toute inscription dans l’humanité rendant ainsi impossible tout accès au symbolique. A travers une grille de lecture lacanienne, l’impensable des génocides renvoie à un Réel, indicible. La forclusion du Symbolique projette l’Imaginaire dans le Réel. Il s’agit donc d’une confrontation permanente avec le Réel, d’un imaginaire emprisonné dans ce dernier. Si la symbolisation s’avère vitale pour les victimes et leurs héritiers, elle est aussi indispensable pour l’espace d’un penser, pour l’élaboration d’une verbalisation afin de ne pas suspendre le projet génocidaire. C’est dans cette perspective qu’il faut souligner l’importance de la lutte pour la reconnaissance du génocide des Arméniens ou encore l’impact de la culture de l’impunité au Rwanda.

 

Les crimes contre l'humanité et génocides - dénominations qui répondent, avec une coïncidence non fortuite, aux qualifications juridiques - mettent en échec la pensée, tant en ce qui concerne l’appréhension de ces phénomènes, qu’en ce qui concerne leur « traitement », et a fortiori leur prévention - l’inefficacité de la Convention de 1948[6] étant par ailleurs reconnue par tous. Si les violences collectives relèvent du registre de l'impensable il reste néanmoins qu'une régulation sociale est mise en place par le droit qui qualifie ces situations. Il s’agit donc de s’interroger sur ce que le droit encadre, sur le rôle de sa mise en forme, sur ses logiques, et enfin sur leur impact pouvant conduire à une obstruction de la pensée.

 

Le rôle du droit est de faire barrage au déni du meurtre constitutif de la logique génocidaire. Il réinscrit symboliquement l’interdit, et fait obstacle à l’assassinat de la mémoire. Il permet pour les victimes, de recréer symboliquement le lien avec la communauté humaine. Le droit nomme le meurtre par une mise en formes, qui bénéficie pour reprendre l’expression de Pierre Bourdieu (1986 : 43), d’une « efficacité proprement symbolique ». « La force de la forme, cette vis formae dont parlaient les anciens, est cette force proprement symbolique qui permet à la force de s’exercer pleinement en se faisant méconnaître en tant que force et en se faisant reconnaître, approuver, accepter, par le fait de se présenter sous les apparences de l’universalité – celle de la raison ou de la morale. »

 

Le droit nomme l’impensable en créant les infractions de crimes contre l'humanité et de génocide. Cette élaboration est conçue à partir de la spécificité de l’horreur à laquelle les éléments constitutifs de l’infraction doivent répondre. Pour ce faire la formulation des caractéristiques de cette horreur est élaborée à partir du discours génocidaire (indispensable à tout projet génocidaire) qui les classifie et les systématise. La règle pénale se présente et est reçue comme une réflexion sur l’essence de la logique génocidaire, alors qu’elle ne permet pas le passage entre l’impensable au pensé. Ainsi, le travail de qualification effectué aujourd’hui par les juristes des T.P.I. continue à faire obstacle à une interrogation sur l’essence des génocides car le droit se limite à nommer en désignant une qualification juridique. Ceci revient à superposer une mise en forme à une réalité ainsi redéfinie, éludant toutes autres possibilités d’interrogation. Une redéfinition de la réalité par l’imposition d’un ordre symbolique n’équivaut pas à sa nomination au sens symbolique. Il reste que la force de cette seule mise en forme permet l’illusion d’une résolution. C’est en ce sens que l’on peut dire que le droit, forme par excellence de la violence symbolique, ne traduit pas une symbolisation mais prolonge l’impensé par la non confrontation à l’impensable. Ce qui pose la question si penser l’impensable relève du registre du droit…

 

« La production d’une res judicata - où la sentence tient lieu du vrai, du juste et vaut comme vérité quand même elle est d’une injustice et d’une fausseté patentes-, telle est la fin dernière du droit. Dans cette créature hybride, à la fois fait et norme, le droit trouve son accomplissement ; au-delà, il est muet. (…) La fin dernière de la norme est de produire le jugement ; mais celui-ci ne se propose ni de punir ni de récompenser, ni de rendre la justice ni de faire éclater la vérité. Le jugement est une fin en soi, et là est son mystère, le mystère du procès. (…) Il se pourrait que les procès eux-mêmes (…) soient en partie responsables de cette confusion des esprits qui pendant plusieurs décennies empêcha de penser Auschwitz. Aussi nécessaires qu’ils fussent, et ce malgré leur insuffisance patente (…) ils ont accrédité l’idée que le problème était réglé. (…) A quelques exceptions près, il aura fallu presque un demi siècle pour que l’on comprenne que le droit n’a pas réglé le problème, que le problème est tellement énorme qu’il met en cause le droit lui-même, qu’il le mène à la ruine. » (Agamben 1999 : 19-22)

 

Si le droit est considéré comme un discours explicatif, détenteur du monopole de la résolution des génocides, selon certains auteurs, il est l’expression du projet moderne qui contient le noyau totalitaire. Il s’agit alors de réfléchir sur ce que le droit véhicule, en tant qu’expression d’un projet de société.

 

 

3. UN DROIT ENRACINÉ DANS UN TOPOS PARTICULIER

 

Si le droit joue un rôle de mise en forme et de mises de formes qui se veut neutre et universel, il s'inscrit cependant dans le contexte historique d'une culture particulière. C'est à travers les prismes d'  « individu », de « responsabilité », de « peine » (plus particulièrement sa fonction) et d’« Etat » qu’est élaborée la réponse juridique internationale face aux génocides. Ces notions étant spécifiques il est nécessaire de dégager le topos (lieu) culturel dans lequel elles s’enracinent.

 

Le discours du « devoir de Justice », récurrent depuis 1945, soutient le développement d’un droit pénal international naissant. L’aspect répressif du droit pénal permet de transformer la réprobation en une incrimination assortie d’une sanction qui s’efforce d’être exécutoire. Depuis Nuremberg, la fonction de la peine évolue de la dissuasion à une réparation, une rétribution permettant de reconstruire les bases d’un nouveau contrat social. La « justice des vainqueurs » de 1945 recherchant les responsables dans un but de punition et de sécurité internationale, l’accent portait sur la désignation et la détermination de la responsabilité des auteurs. Les conflits intra-Etatiques renversent quelque peu la perspective. En effet, l’exigence de pacification des sociétés suite à un conflit intra-Etatique implique des enjeux différents des guerres inter-Etatiques et la lutte contre l’impunité revêt dans ces contextes une fonction différente, faisant prévaloir la fonction réparatrice de la peine sur sa fonction dissuasive. Dans ces situations, il s’agit d’un après-rupture qui rend crucial la nécessité d’une pacification et d’une restauration des fondements pour reconstruire une communauté et un projet de société. Or, poser la question de la pacification en termes de responsabilité conduit d’une part aux difficultés conceptuelles et pratiques de « juger une nation » et d’autre part, sous-tend une hiérarchisation des responsabilités se superposant implicitement à une échelle de gravité des exactions. A ce titre, les propos du Procureur général du T.P.I.Y., publiés par Libération le 8 novembre 1994, sont significatifs et actuellement des discours similaires sont tenus pour ce qui concerne la situation au Kosovo : « les personnes inculpées seront celles qui apparaissent les plus coupables sur la base des preuves disponibles. (…) étant donné la gravité des crimes, les plus coupables sont ceux qui ont donné les ordres. Mais tous les efforts seront également entrepris pour que ceux qui les ont exécutés soient retenus dans les filets de la justice. »

 

L’application actuelle du droit pénal international implique une réconciliation posée essentiellement en termes de responsabilité pénale. La désignation des auteurs de crimes contre l'humanité et génocide suppose de déterminer la responsabilité pour des actes qualifiés d’infraction d’un individu susceptible alors de sanctions répressives. La détermination de la responsabilité des auteurs d’infractions internationales interroge les priorités du droit international, tant en ce qui concerne la nature des responsabilités (degré de participation) qu’en ce qui concerne la priorité politique des Etats (rapport exclusif Etat à Etat). La responsabilité pénale de l’exécutant est peu discutée dans la littérature juridique, à l’instar de la définition des incriminations ou de la procédure. Cependant cette question ainsi que les critères employés renvoient en filigrane aux destinataires des juridictions internationales et au dessein de ces dernières. Le droit international n'a cessé d'affirmer depuis la seconde guerre mondiale la responsabilité pénale des individus. Ce mouvement s’oriente d’une responsabilité pénale pour crimes contre l'humanité et génocide circonscrite aux grands criminels de guerre à une responsabilité pénale de l’individu incluant les simples exécutants dans les discours et les textes si ce n’est dans la pratique. Le principe de la responsabilité pénale internationale du subordonné pour des actes caractérisant une infraction internationale commis sur ordre d'un supérieur hiérarchique, a été affirmé par le droit de Nuremberg mais n'a pas fait l'objet d'une énonciation dans un texte conventionnel de droit international. Toutefois, ce principe a été repris par les statuts et la jurisprudence des deux T.P.I. et est prévu dans le statut de la future C.P.I.. Si le droit issu de Nuremberg proclamait explicitement la priorité de juger les grands criminels de guerre, la Loi n°10 du Conseil de contrôle du 20 décembre 1945, instaurait des juridictions Alliées compétentes pour juger les officiers de rangs inférieurs et les exécutants (environ 17000 personnes ont été poursuivies, 15000 jugées coupables, 800 exécutées)[7].

 

On peut s'interroger sur le choix actuel de ce droit marqué par une ambivalence entre la volonté de juger les exécutants et la primauté de juger les responsables hiérarchiques. Si les statuts de ces juridictions prévoient cette responsabilité, on remarque que jusqu’à présent la grande majorité des décisions rendues concerne des responsables hiérarchiques (jusqu’en janvier 1999, trois décisions relatives à des exécutants ont été rendues par le T.P.I.Y.[8], aucune par le T.P.I.R.). On peut citer le second rapport annuel du T.P.I.Y « Il a fallu se résoudre à adopter comme règle d'or de ne déférer au Tribunal que les affaires les plus exemplaires », et la mettre en parallèle avec la décision du 16 novembre 1998 du T.P.I.Y. qui réaffirme l'importance de juger les simples soldats. Or, se poser la question de la détermination des responsables c’est savoir ce que l’on veut juger au risque, une fois encore, d’éluder la question de l’essence de la logique génocidaire.

 

A propos de la surcharge de travail du T.P.I.Y., le président d’une des chambres d’accusation s’est exprimé ainsi dans les colonnes de Libération le 21 juin 1999 « Mais le T.P.I. n’est pas là pour ‘faire du chiffre’. Il est là pour se concentrer sur les infractions les plus graves, les échelons les plus élevés. (…) La justice est comme une fusée à plusieurs étages : tout en haut le Tribunal pénal international doit s’occuper des crimes les plus graves. A des niveaux inférieurs, les justices nationales, pour autant qu’elles soient capables de le faire, y compris celles des ex-belligérants, peuvent juger des criminels de guerre. (…) A un niveau inférieur, une commission ‘vérité et réconciliation’ pourrait donner une écoute et une reconnaissance plus large à toutes les victimes. (…) C’était (la création de cette juridiction) un alibi pour une communauté internationale impuissante devant les crimes qui étaient en train d’être commis en Bosnie. (…) La stratégie pénale a été orientée vers le haut, vers les responsables politiques et militaires qui ont planifié les crimes. (…) Je crois qu’on pourrait souligner davantage encore notre mission d’exemplarité et de stigmatisation des criminels. »

 

La déclaration de responsabilité permet d’affirmer une exemplarité à l’égard de l’opinion publique internationale plutôt que de constituer un mode de réconciliation nationale. On constate que les discours tendent vers une fonction réparatrice, justifiant l’existence et l’application du droit pénal international. Cependant la pratique judiciaire révèle une fonction dissuasive de la peine afin d’assurer une sécurité internationale. En outre, il revient aux juridictions nationales de juger les simples exécutants alors que le T.P.I. a pour mission prioritaire de juger les grands responsables. Cette répartition des tâches revèle-t-elle une certaine échelle de valeur ? Ou bien considère-t-on les responsables hiérarchiques comme ne relevant pas de la réconciliation nationale ? De plus, cette distribution en fonction du degré de responsabilité reflète la notion de corps hiérarchisé dans une société scissionnant tête/corps, Etat/citoyen.

 

Notons enfin, que l’outil du droit pénal international ne facilite pas l’évolution de la logique de coopération inter-Etatique vers un « droit élément de pacification ». Le traitement juridique du génocide est miné par la difficulté de la réunion des éléments constitutifs de cette infraction. D’une part, la fragmentation des tâches dans la réalisation du génocide des Juifs accentue la difficulté à caractériser l’élément moral (volonté de participer à l’extermination d’une population) pour les « simples exécutants » et donc leur responsabilité comme auteurs de génocide. Et le zèle de la torture continue de faire fonction de critère pour caractériser l’élément matériel de l’infraction pénale et conduit à souligner l’importance de la charge de la preuve, la « vérité du droit » résidant dans la preuve. D’autre part, la non-fragmentation des tâches lors du génocide rwandais interroge la pertinence de la notion de responsabilité issue du droit pénal classique, pétrie de philosophie des Lumières. Elle remet en question la distinction entre exécutants et responsables hiérarchiques pour rendre compte de la logique génocidaire ainsi que la nécessité de la dichotomie entre bourreaux et victimes pour la recomposition d’un tissu social.

 

 

4. L'EXISTENCE D'AUTRES TOPOI CULTURELS : LES LIMITES DU DROIT PÉNAL INTERNATIONAL

 

Si le point précédent nous a fait prendre conscience de l'enracinement culturel du droit international, il est temps maintenant de réfléchir aux limites d'une telle approche monoculturelle dans un contexte d'une globalisation qui tout en faisant rétrécir notre monde met en exergue par ce rétrécissement même la diversité de nos manières de le vivre. Il nous semble que la situation actuelle nous fait prendre de plus en plus conscience du pluralisme humain qu'il s'agit maintenant d'apprendre à vivre et à penser pour ne pas tomber, après les excès d'un rêve universalisateur, dans ceux d'un relativisme se cristallisant dans des replis identitaires et des affrontements culturels.

 

Concernant plus particulièrement notre problématique, il nous semble instructif de tirer des leçons du traitement juridique du génocide rwandais pour souligner l'importance de s'engager petit à petit sur les voies du diatopisme (démarche qui traverse dia les différents sites culturels topoi) et qui est la précondition à toute démarche dialogale (Vachon 1990). En effet, il semble primordial de commencer à sérieusement prendre en compte les différents topoi culturels lorsqu'il s'agit de vouloir "rendre la justice" ou contribuer à la pacification d'une société. Car si la conscience d'une humanité partagée se reflétant dans la mise en place de juridictions internationales pour répondre aux génocides perpétrés au Rwanda et en ex-Yougoslavie, nous semble légitime et importante, il ne s'agit pas d'oublier qu'avant tout ce sont les populations directement concernées qui doivent pouvoir réunir des conditions pour surpasser leurs traumatismes et réinventer à nouveau ensemble un futur partagé. Ainsi faut-il se demander si la Justice proposée sous la forme du droit pénal international remplit bien la précondition nécessaire à toute pacification qui est celle de faire sens pour les populations concernées et de jouir d'une autorité qui lui confère sa légitimité (voir par exemple : Getti 1997).

 

François-Xavier Nsanzuwera, ancien procureur de la République rwandaise, réfléchissant à l'impunité comme source de violations des droits de l'homme et comme obstacle à l'émergence d'un Etat de droit au Rwanda, écrit (1997 : 62-64) :

 

« (...) nous concevons la justice comme un préalable nécessaire à la réconciliation nationale et au pardon. (...) Mais comme nous avons eu souvent l'occasion de le souligner, la justice n'est pas la panacée des maux dont souffre la société rwandaise. Il ne suffira pas de juger les cent vingt mille personnes détenues et poursuivies de génocide pour dire que la justice est rendue au Rwanda. Les Rwandais ont plus besoin d'une justice sociale. (...) Il nous semble aujourd'hui que les Rwandais, tout en faisant part de leur revendication légitime de justice, semblent ignorer toutes les dimensions de la justice. Ils ignorent ou font semblant d'ignorer que la question de la justice est intrinsèquement liée à l'altérité, à la présence d'un autre et avec lequel il faut composer et vivre dans un cadre spatio-temporel déterminé. Parler de justice sociale nous amène à poser la question du concept de justice et de la conception de la justice. »

 

Il continue sa réflexion en relevant l'importance de l'idée qu'on se fait de la Justice dans une société donnée et ce que l'on s'en attend, et remarque que réduire le besoin de justice uniquement au jugement des auteurs du génocide c'est passer à côté des aspirations du peuple qui s'interroge aussi sur la distribution des avantages sociaux et sur la place de l'individu dans la collectivité (p 64-65). Or ces problèmes, cristallisés de manière très concrète dans le problème de la répartition du pouvoir et des richesses nationales sont occultés par la place monopolistique qu'occupe le jugement des auteurs du génocide comme instrument de Justice et de restauration du lien social[9]  - nous avons éclairé plus haut comment ce monopole découle directement d'une vision du monde et du droit dans lequel prévalent des lois générales et impersonnelles et des individus et où la réparation « pénale » qui permet la réinstauration du lien social est pensée en termes de l'établissement des responsabilités individuelles et le prononcé de peines correspondantes.

 

En approfondissant les remarques de François-Xavier Nsanzuwera à travers une démarche anthropologique, nous pouvons noter que dans le cadre rwandais se côtoient voire se confrontent au moins deux visions du monde : la vision endogène et la vision « moderne », exogène, introduite avec la colonisation allemande à la fin du siècle dernier. Etienne Le Roy relève un impensé voir un impensable pour la communauté internationale dans la réflexion sur l'impunité en matière de crimes contre l'humanité et génocide au Rwanda (1996 : 3) : « que l'impunité des crimes contre l'humanité soit déterminée non seulement par des considérations politiques (internes ou internationales) ou par des insuffisances de la réglementation mais aussi par la conception du Droit qui est invoquée pour assurer la sanction-punition des génocidaires. » Et ce problème se situe à un double niveau : d'une part à celui d'un droit international qui n'est pas universel par nature mais est le fruit d'une tradition particulière et qui a vocation à s'appliquer ; mais d'autre part aussi à celui du droit interne rwandais qui « n'est pas l'analogue de notre 'droit positif' mais un placage ou une greffe subissant les conditions de réception - et de rejet - caractéristiques des transferts de modèles juridiques. » (Le Roy 1996 : 4). Ainsi, outre la question délicate des « droits - voire - devoirs d'ingérence » se pose aussi la question de la mise en place en Afrique d'Etats de droit à l'africaine qui déborde le cadre de notre sujet (voir Le Roy 1997), mais rend bien compte de l'importance de la rupture épistémologique qui s'annonce quand on commence à s'engager sincèrement sur les voies du diatopisme. Il s'agira de repenser le droit en repartant des différents topoi culturels et en construisant dans le cadre africain sur les conceptions traditionnelles africaines tout en les gardant ouvertes aux métissages, de toute façon inévitables, avec des conceptions exogènes. Si ce n'est pas la démarche suivie « au niveau officiel » Etienne Le Roy (1996 : 5) note que : « Loin de dominer, la vision occidentale de la société et du Droit doit donc composer avec la vision endogène donnant lieu à des pratiques métisses où c'est le modèle endogène qui paraît, de plus en plus, absorber les apports extérieurs et les soumettre à sa logique de formalisation et d'utilisation. »

 

Pour pénétrer dans le topos des droits traditionnels africains il est utile de suivre Michel Alliot, un des pionniers de leur étude non-éthnocentrique, à travers quelques citations. Celles-ci nous révéleront que notre manière de penser le Droit comme « un, abstrait et extérieur » et lié à la forme de l'écrit, et des notions primordiales pour nous telles que celles de « personne juridique », de « faute » et de « responsabilité » sont liés à une cosmovision judéo-chrétienne et ne se retrouvent pas dans les droits traditionnels africains sous-tendus par d'autres cosmovisions et marqués par des logiques plurales, communautaire et fonctionnelle[10]. Il n'y a pas, note Michel Alliot (1983 : 95) dans les cosmogonies africaines de création ex nihilo mais création sous forme de la différenciation progressive de forces contenues en puissance dans un chaos primordial. Ceci se reflète dans la manière de penser le Droit :

 

« Ces cosmogonies qui retracent l'histoire du chaos des origines aux temps où nous vivons, on peut les lire comme des cosmologies enseignant que l'inorganisé est au fondement de l'être et que l'apparence n'est stable que dans la mesure fragile ou les forces d'ordre l'emportent sur les puissances de désordre. (...) Dans cette incertitude, l'homme tient une place exceptionnelle. Par la parole il rend la réalité cohérente, faisant passer sa représentation du monde invisible de la pensée au monde visible du réel. Par les rites qu'il accomplit il permet aux puissances divines de faire triompher l'ordre. (...) Les sociétés africaines obéissent ainsi à une logique plurale à l'opposé de la plupart des sociétés européennes ou en tout cas de ce qu'elles disent d'elles-mêmes (...) les législations uniformisantes sont ressenties comme destructrices de l'unité (...) La vie juridique en Afrique, c'est-à-dire l'existence de la société est (...) la plupart du temps de la responsabilité des hommes. (...) Non seulement de soi-même, mais plus encore du groupe ou des groupes auxquels on appartient, non seulement du temps présent mais surtout de l'avenir. Non seulement du monde visible immédiat, mais du monde lointain et du monde invisible car l'univers issu d'une même origine est un écosystème dont tous les éléments sont en résonance : l'invisible pèse constamment sur le visible et réciproquement, les morts protègent ou attaquent les vivants mais en dépendent, chaque groupe est soumis aux influences de tous les autres et le bien lui-même sort souvent du mal. Le Droit est fortement marqué par cette interdépendance qui pèse sur les hommes et par le sentiment de très grande responsabilité qui en découle et dont ne les décharge vraiment aucun système de règles préétablies. » (Alliot 1983 : 96-98).

 

Concernant plus particulièrement le domaine du « droit pénal » Michel Alliot note que « de nombreuses sociétés s'intéressent plus au désordre qu'à son auteur et de ce fait ignorent les catégories de la culpabilité et de la responsabilité. En revanche, toutes les sociétés connaissent des normes, des déviances et des sanctions. (...) Dans beaucoup de sociétés, la transgression fait plutôt changer de statut (comme en passant la frontière de son pays le national devient étranger). Celui qui transgresse les interdits les plus graves entre dans un monde surhumain (il fait la preuve qu'il est de destin royal) ou tombe au contraire dans un monde inférieur et par là souille la communauté ; mais dans cette communauté il joue encore un rôle important. Nul ne peut se définir par rapport à lui-même, on ne se définit que par rapport à autrui, en se distinguant de lui. Les interdits alimentaires, les prohibitions de mariage permettent au groupe de s'identifier par rapport à l'étranger qui n'a pas les mêmes interdits. De même la déviance permet au groupe de se reconnaître dans ses normes en se distinguant du déviant dont l'exemple est utile à l'enseignement des jeunes et à la conscience de tous. (...) En bref, dans beaucoup de sociétés la perspective occidentale est inversée : c'est le désordre qui retient l'attention plus que son auteur ou sa victime. » (Alliot 1980b : 72,73)

 

Etienne Le Roy (1996 : 20-22) dans son rapport sur l'impunité au Rwanda pour le Centre International pour les Droits de la Personne et le Développement Démocratique de Montréal tire de la prise en compte de son topos culturel et de sa vision traditionnelle du droit six principes de politique judiciaire pour pacifier la société rwandaise : (1) de centrer la démarche de pacification sur l'oralisation de la réalité du génocide et non sur la poursuite judiciaire des génocidaires, (2) de valoriser les rapports socio-juridiques basés sur des valeurs de partage au sein du groupe qui a vu naître le différend, (3) de s'atteler à remettre en pratique le principe traditionnel de complémentarité des différences pour pouvoir repenser une complémentarité entre Hutu et Tutsi, (4) de redonner place au pluralisme en reconnaissant le pluralisme de l'être humain (son inscription multiple dans des réseaux différents) et en réintroduisant celui du pouvoir, (5) de restituer aux groupes leurs Droits afin qu'ils puissent dégager les modèles de conduite et de comportement qui font sens pour eux et enfin (6) de toujours préférer initialement à une solution importée de l'extérieur une solution émergeant de la confrontation et de la négociation internes au groupe.

 

Les dernières réflexions d'Etienne Le Roy nous mènent déjà du simple diatopisme à l'exigence de dialogisme puisqu'il ne s'agira pas uniquement de voir à travers les yeux de l'autre mais de trouver des moyens d'articuler ces différentes visions en vue d'un enrichissement mutuel permettant la pacification sociale. Mais la leçon principale que nous devons retenir est qu'il est indispensable de sortir de l'évolutionnisme plus ou moins conscient dans lequel nous restons pour la plupart encore emprisonnés et nous faisant postuler la supériorité de notre civilisation moderne et de ses modèles de perception et d'organisation du monde. Nous devons accepter que ceux-ci ne sont que le produit d'un topos culturel particulier, qu'il y a d'autres topoi culturels et qu'il devient de plus en plus urgent d'entrer en dialogue avec eux pour les découvrir dans leur originalité et de nous enrichir mutuellement pour répondre à nos interrogations contemporaines.

 

 

5. L’EXIGENCE DIALOGALE : UNE APPROCHE PLURALISTE DU DROIT ET DE LA PAIX[11]

 

Tout d'abord une remarque préliminaire : lorsque nous parlons d'exigence dialogale et de prise de conscience du pluralisme nous allons bien au-delà d'un simple vœu pieu à la mode. Nous proposons une transformation radicale dans nos perceptions de la Vie et de la Réalité, une metanoia pour reprendre les termes de Raimon Panikkar (1982 : 6), philosophe interculturel à l'origine de ces démarches[12]. Nous avons noté précédemment que le diatopisme était le fondement même de tout dialogue interculturel et nécessitait des changements de perspectives radicaux.

 

Dans un ouvrage récent, Grassroots Post-Modernism. Remaking the Soil of Cultures, les auteurs, Gustavo Esteva et Madhu Suri Prakash (1998), illustrent la profondeur de la révolution paradigmatique qui nous attend. En nous invitant de quitter notre perspective d'élites occidentalisées et à embrasser une perspective de la « base » ils nous font repenser ce que nous dénommons la « globalisation » en quittant le domaine de représentations liés à notre approche en termes d'univers pour nous établir dans la vision d'un « plurivers ». En effet, la perspective uniformisatrice de la construction intellectuelle d' « univers » ne résiste pas à l'épreuve des faits dès lors que l'on s'intéresse à la manière dont vivent effectivement les différentes populations humaines et qui révèlent de multiples manières différentes de « vivre le monde ». Ainsi ce qui sous-tend le passage au « plurivers » est la remise en question du mythe rationnel et dialectique dans lequel nous sommes présentement enracinés et nous mène à une interrogation au cœur du mystère que constitue la réalité et son pluralisme. Cette remise en question s'accompagne de la nécessité d'une nouvelle méthode pour compléter nos démarches dialectiques. Raimon Panikkar (1984) propose celle du dialogue dialogal.

 

Le postulat du paradigme dialectique - dans lequel s'enracine aussi le droit pénal international - est que la Réalité est entièrement épuisable par les lumières de la Raison, que les différences sont ainsi de l'ordre conceptuel et peuvent donc être réduites à l'unité. De plus par l'assimilation de notre raison à la Raison ce sont nos conceptions qui sont universalisées au détriment de celles d'autres cultures. Il n'y a pas vraiment place pour les Sujets puisqu'on ne raisonne qu'en termes de réalités objectives « qui s'imposent ». Pour Raimon Panikkar le dialogue dialogal ne s’oppose pas au dialogue dialectique mais le complète et joue le rôle de garde-fou contre le totalitarisme de la Raison. Il n'est pas tellement dialogue sur un « objet » que dialogue entre sujets. C’est un dialogue de « toi à moi » où il s’agit avant tout de nous dévoiler mutuellement, de dévoiler nos présupposés respectifs, nos « mythes », nos présupposés inconscients. Outre l'attitude fondamentale de respect de l'autre que véhicule cette démarche, elle permet un dévoilement mutuel et l'enrichissement de nos approches du mystère de nos vies. On sort ainsi d’une logique de soustraction où l’on postule l'universalité a priori d'un modèle - où l'on exclue tous les éléments qui n’y rentrent pas, voire où on réduit les éléments qu’on y fait entrer - pour s'engager dans une logique d’addition où on articule les différents éléments et où l'on ne retrouve l’unité que là où elle s’impose comme somme de données bien identifiées (pour cette exigence voir Le Roy 1998 : 37).

 

Il nous paraît primordial d'introduire cette approche dialogique dans notre domaine de réflexion du droit international face aux génocides et aux crimes contre l'humanité qui touche directement ce qu'il y a de plus profond dans nos vies : son sens et la place qu'y joue le « mal », comme nous le rappelions dans notre introduction à travers une citation de Raimon Panikkar. Nous ne pouvons nous arrêter au "bavardage" de notre logos lorsqu'il s'agit de se confronter aux réalités de génocides et à une réflexion sur des voies possibles de pacification. Le problème est existentiel et non pas purement intellectuel. Robert Vachon (1997 : 9-10), fidèle à l’enseignement de Raimon Panikkar, note que le dialogue dialogal :

 

« C'est une approche holiste de tout l'être à tout l'être. Le mythe du pluralisme nous révèle qu'une des tâches les plus urgentes de notre temps  - qui veut tout objectiver (même la subjectivité), - pourrait bien être de restaurer ou d'instaurer ce dialogue dialogique, non seulement entre humains, mais aussi entre humains et le cosmos, puis entre le cosmique, l'humain et le divin. Cela nous permettrait non seulement d'éviter le totalitarisme de la pensée, mais aussi de sauver la liberté (que ce soit de la Réalité ou de l'Homme) de sa réduction à la pensée et à l'option humaine. »

 

Cet élan vers une vision cosmothéandrique - qui sous-tend tous les travaux de Raimon Panikkar (1993) - nous invite à ne pas réserver le dialogue interculturel à des « situations interculturelles », tels que reflétés dans notre cas par la problématique de l'application d'un droit d'origine occidentale dans une société africaine en vue de sa pacification, mais d'enrichir la perception de nos propres problèmes à travers des détours anthropologiques qui nous enseignent comment d'autres posent leurs questions et y répondent. Notre brève immersion dans l'univers traditionnel africain et les conséquences qu'en tire Etienne Le Roy pour les exigences d'une pacification de la société rwandaise au point précédent nous a donné un avant-goût de ce genre de démarche. Mais de manière plus générale l'anthropologie du droit nous enseigne que le Droit ne se résume pas à l'élaboration et à l'application de règles générales et impersonnelles, tel que nous le concevons dans notre tradition occidentale. Etienne Le Roy (1998b : 8) précise :

 

« En Afrique, les valeurs rectrices s'expriment dans des modèles de conduites et de comportements qui constituent en fait l'ossature de la coutume. En Chine confucéenne, où le rite (li) est toujours préféré au Droit (fa), ce sont les pratiques rituellement réglées comme systèmes de dispositions durables qui constituent le cadre de la régulation. Cependant, si chaque tradition valorise ainsi un des fondements du Droit, aucune tradition n'ignore les deux autres, chaque tradition variant par l'aménagement des trois fondements du Droit qu'on peut dénommer Loi, coutumes et habitus ou plus anthropologiquement : Normes Générales et Impersonnelles (NGI) proposant des 'macro' normes, Modèles de Conduites et de Comportement (MCC) proposant des 'méso' normes, Systèmes de Dispositions Durables (SDD) contenant des 'micro' normes. »

 

Encore faut-il pour comprendre cette approche "multijuridique" du Droit et ne pas la figer dans un modèle structuraliste mais de l’approcher de manière dynamique. Une telle approche, peu commune aujourd’hui, est illustrée par Etienne Le Roy dans Le jeu des lois. Une anthropologie 'dynamique ' du Droit - ainsi sommes-nous donc invités à accepter l’idée de repenser fondementalement nos Droits. (voir aussi Eberhard 1998c). Mais rappelons nous qu’avant tout la réalisation de la paix ne peut se résumer à une quelconque technique juridique car :

 

« La question de la Paix ébranle (…) les fondements de la Société et de la Réalité elle-même. C'est une épée qui transperce la moëlle de nos âmes et nous oblige à une metanoia, une mutation. Elle est fondée sur une connaissance qui est bienheureuse ignorance. Sur une sagesse qui est constitutivement en quête de sagesse. Elle commence lorsqu'on croit vraiment à l'impossible, car la vraie liberté ne se situe pas dans le domaine de la possibilité d'un choix - entre différentes initiatives - mais ... au-delà. Sa sphère est celle de l'espérance contre toute espérance, de l'impossible, du non-manipulable, de l'incompréhensible. »(Vachon 1985 : 42)[13]

 

Et ainsi, réfléchir à la Paix, vivre la paix oblige – peut-être plus encore que dans d’autres domaines - à prendre au sérieux les mots qui essayent de la dire, car :

 

« Lorsque la parole cesse d'être l'extase du silence, elle devient inauthentique. Quand je sépare la parole du silence, je n'ai plus que ce que l'on appelle le bavardage (...) L'homme devra répondre de toute parole qui n'est pas un sacrement, qui n'est pas une incarnation du silence, car de telles paroles n'ont aucune valeur. »(Panikkar 1998 :12).


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[1] Pierre Bourdieu (1986 : 41) écrit « Codifier, c'est à la fois mettre en forme et mettre des fomes. » et pour Pierre Legendre (Cours à la Vème section de l'école pratique des hautes études, année 1981-1982, cité dans Le Roy 1998a : 39) le droit est « l'art dogmatique de nouer le social, le biologique et l'inconscient pour assurer la reproduction de l'humanité. »

[2] Pour approfondir le jeu de ces quatre pôles dans une reflexion sur les politiques juridiques à l’âge de la globalisation à partir de l’exemple africain voir Eberhard 1999c et pour une présentation plus détaillée Le Roy 1999.

[3] Nous choisissons le terme “ droit pénal international ” de préférence à celui de droit international pénal, pour insister sur l’internationalisation du droit pénal système international de justice pénale plutôt que sur les obligations conférées par les Traités aux Etats pour faire respecter les dispositions du droit international.

[4] Toutes les citations ont été traduites de l'original par les auteurs.

[5] H. Piralian (1994) analyse de façon appronfondie, notamment, les conséquences du déni du génocide des Arméniens et la transmission du trauma chez les héritiers.

[6] La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide a été adoptée le 9 décembre 1948 et est entrée en vigueur le 12 janvier 1951. En introduction cette convention dispose :”Considérant que l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, par sa résolution 96 en date du 11 décembre 1946, a déclaré que le génocide est un crime du droit des gens, en contradiction avec l’esprit et les fins des Nations Unies et que le monde civilisé condamne,

Reconnaissant qu’à travers toutes les périodes de l’histoire le génocide a infligé de grandes pertes à l’humanité,

Convaincues que pour libérer l’humanité d’un fléau aussi odieux la coopération internationale est nécessaire”(…)

[7] Ces chiffres sont cités par Bassiouni (1981).

[8] Voir les décisions: T.P.I.Y. Chambre de première instance II, Tadic  IT-94-1-T, 7 mai 1997, T.P.I.Y. Chambre de première instance I Erdemovic, IT-96-22-T, 29 novembre 1996 et T.P.I.Y 5 mars 1998, T.P.I.Y. Delalic, Mucic Delic, Landzo, IT-96-21-T, 16 novembre, 1998.

[9] Voir aussi Chossudovsky (1999) qui met à jour le rôle joué par l'évolution du système économique postcolonial dans la crise rwandaise.

[10] Nous renvoyons nos lecteurs à d'autres articles qui explicitent plus en détail l'originalité de la manière africaine traditionnelle de penser le Droit, comme par exemple Alliot 1980a, 1985 ; Eberhard 1999b ; Le Roy 1984.

[11]  Voir dans ce sens Eberhard 1999a où sont développées les exigences du pluralisme et du dialogisme dans le cadre d’une reflexion sur les droits de l’homme dans un contexte de mondialisation qui ne soit pas uniquement une occidentalisation du monde et 1999b qui prolonge ce premier texte en proposant un paradigme pluraliste pour notre reflexion sur la Justice et les Droits de l’Homme qui est inspiré du modèle communautaire caractérisant les sociétés traditionnelles africaines. Pour une introduction succinte voir Eberhard 1998a, voire 1998b.

[12] Nous conseillons vivement au lecteur intéressé par le dialogue interculturel au sens fort de prendre connaissance des travaux de l'Institut Interculturel de Montréal (http://www.iim.qc.ca) dont le numéro 135 de sa revue Interculture contient une synthèse.

[13] Nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage de Raimon Panikkar (1995) pour approfondir l'approche de la Paix à travers une démarche interculturelle.