EBERHARD Christoph (c.eberhard@free.fr) & LIWERANT Sara (sliwerant@ifrance.com)
Le droit international
confronté aux crimes contre lhumanité et génocides
- lémergence dune exigence
interculturelle
Contribution à la 9ème
conférence générale de lEADI (European Association
of Development Research and Training Institutes), Paris 22-25 septembre
1999
(première version du texte
a paraître dans les Actes de la
Conférence)
« Il
y a désordre, souffrance, haine en ce monde et à tous les niveaux.
On ne saurait être aveugle ou dans la pure passivité à
son égard. Une lutte contre lui, au même niveau ou avec les
mêmes armes, ne fait que doubler le mal. Le mal est - par définition
- inexplicable. Si on pouvait en donner une explication on l'expliquerait
hors de lui-même. Il est certainement une 'privation', mais aussi une
privation d'intelligibilité. Le mal nous force à faire l
'expérience de notre contingence, de notre incapacité à
avoir un portrait cohérent et net de la Réalité. Il
nous ouvre à l'abîme du divin, mais comme si c'était
par l'autre versant pour ainsi dire. Il nous guérit de tout
superficialisme et de tout sens d'autosuffisance. En même temps, il
nous pousse à prendre le saut personnel dans la Vie et ne couvre pas
le risque. Il fait partie du Mystère. (...) Dans le futur 'humain',
l'être de l'Etre est en jeu. Et c'est là le fardeau de la
philosophie - à moins qu'on ne veuille faire une farce de la sagesse,
une moquerie de l'Amour, et un robot de
l'Homme. » (Panikkar
1996 : 62)
Les génocides et crimes contre
lhumanité marquant notre actualité nous obligent à
prendre au sérieux le défi lancé par l'UNESCO de
réfléchir à des cultures de la Paix. Pour ce faire il
nous semble important de réfléchir au traitement des crimes
contre l'humanité et génocides par la communauté
internationale et plus particulièrement à travers le droit
pénal international. Les catégories juridiques de
« crimes contre l'humanité » et
« génocide » sont approchées ici à
travers une même problématique qui ne justifie pas de les
distinguer, alors même quils sont de natures différentes
et que nous ne souhaitons pas confondre.
Il apparaît que le droit, pour pouvoir
jouer son rôle et contribuer à la pacification des
sociétés, doit être perçu comme légitime
par les populations concernées. Or dans une perspective d'anthropologue
du droit cette exigence de légitimité ne se résume pas
à la problématique de rendre légitime le « droit
à l'occidentale » pour d'autres cultures mais de souvrir
aux pensées juridiques diverses les caractérisant. Il
apparaît comme primordial de prendre en considération les
différentes façons de « penser le droit »
autant au niveau local, pour y permettre la réalisation effective
de la Justice ou du Rule of law,
qu'au niveau global pour asseoir la légitimité dun droit
international qui pourra ainsi être perçu comme émanant
véritablement de tous les acteurs de la communauté humaine,
et non pas uniquement des acteurs les plus puissants. Notons tout de suite,
affirmation que nous développerons au long de cet article, que le
Droit ne peut se résumer aux textes, codes et institutions car il
est bien plus quun simple instrument de gestion de la société,
un outil de management social, une technique neutre et rationnelle pour organiser
les rapports sociaux. Le Droit, entendu comme « phénomène
juridique », est ce qui permet la mise en forme et la mise de formes
à la reproduction de lhumanité en permettant de nouer
le biologique, le social et linconscient selon une formule
dérivée des définitions de Pierre Bourdieu et de Pierre
Legendre[1]
. Ainsi tout Droit est lexpression dun projet de société,
sinscrit dans un certain ordre archétypique, se formalise suivant
certaines logiques et en dernière analyse sexprime à
travers les pratiques des acteurs qui en jouant le jeu social lappliquent
ou lignorent, le légitiment ou le
délégitiment[2]
...
A travers cette lecture du droit, notre regard
sarticulera en cinq points. Ceux-ci permettront de dégager au
niveau paradigmatique les limites des approches contemporaines du droit
pénal international face aux génocides et aux crimes contre
l'humanité et mettront en lumière une exigence interculturelle
émergeante porteuse de nouvelles pistes de réflexion.
L'évolution des discours et des pratiques
internationales, fait apparaître le droit pénal
international[3] comme l'instrument privilégié, voir
comme l'unique réponse aux crimes contre l'humanité et
génocides. Le recours à la seule intervention du droit, en
loccurrence la branche pénale du droit international, comme
en témoigne les tentatives dinstauration dune Cour
pénale internationale permanente, fait ainsi apparaître une
dimension de discours de vérité.
Le droit pénal international émerge
lors de la première guerre mondiale à loccasion des
violations du droit de la guerre et ce sont les prescriptions de ce dernier,
entendues au sens large et codifiées dans le droit international qui
sont à lorigine des incriminations actuelles de « crimes
de guerre », de « crimes contre la paix »,
de « crimes contre l'humanité », et de
« génocide ». Les deux dernières infractions
ont été créées pour parer au
« dérèglement » des règles de la
guerre, pour réprimer les exactions commises à l'encontre de
populations civiles et des militaires qui agissent dans un cadre dépassant
la finalité militaire. Le Traité de Versailles prévoyait
de juger les individus ayant violé les conventions et les règles
du droit de la guerre, mais cette première tentative dinstauration
dune justice pénale internationale échoua. Malgré
dimportants débats doctrinaux entre les deux guerres et des
projets de codification et de création dune juridiction pénale
internationale, ce nest quau lendemain de la seconde guerre mondiale
que la victoire militaire des Alliés permet à ces derniers
dinstaurer les deux tribunaux militaires internationaux de Nuremberg
et de Tokyo (créés respectivement, conformément à
la déclaration de Moscou en 1943, par lAccord de Londres du
8 août 1945 et la déclaration du 19 janvier 1946) auxquels
sajoutent les tribunaux militaires de la zone doccupation des
Alliés. Par la suite, les multiples tentatives de codification du
droit pénal international témoignent dune volonté
de créer une juridiction pénale internationale à
caractère permanent. Il faut néanmoins attendre la
férocité et la proximité (
occidentale) de la
guerre en ex-Yougoslavie, cristallisant la volonté des juristes
relayée par celles des politiques, pour aboutir à la création
en 1993 du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.).
Celle-ci se double en 1994 par linstauration du Tribunal international
pour le Rwanda (T.P.I.R.), en attendant la création d'une Cour
pénale internationale permanente (C.P.I.), qui verra peut-être
le jour si soixante Etats ratifient son statut.
On peut interpréter ce développement
comme une marche vers l' « universalisation », le souci
dune justice internationale « universelle » signifiant
qu'à tout moment et en tout endroit du globe des droits puissent
être exigibles par tout membre de la communauté humaine. C'est
cette interprétation qui nous semble la plus largement partagée
et qui se reflète particulièrement dans la littérature
juridique (voir par exemple Bassiouni 1981), et certains auteurs incitent
à relever les défis pour la construction dun droit mondial
(voir, notamment Delmas-Marty 1998). Cette universalisation du droit
saffirme par les exigences sans cesse renouvelées de la
communauté internationale pour réaliser les Droits de lHomme
et la démocratie. Si ces concepts reflètent un élan
légitime, il faut néanmoins sinterroger sur leur
applicabilité pour leurs destinataires et au-delà, de leur
équivalence.
En outre, traditionnellement une des conditions
dapplication du droit international pour poursuivre les auteurs de
crimes contre l'humanité et de génocide, est lexistence
dun conflit international armé. Sauf à utiliser les
Conventions de Genève relatives à la protection des personnes
civiles en temps de guerre et les protocoles additionnels I et II de 1977
comme fondement dintervention, le droit international na pas
vocation à sappliquer dans des conflits intra-Etatiques. Seuls
les Etats sont considérés comme sujets de droit international
et par conséquent comme garants des standards proclamés. Or
aujourdhui la majorité des crimes contre l'humanité se
produit lors de conflits intra-Etatiques et on semble surtout demander au
droit pénal international dêtre un instrument de pacification
pour des sociétés déchirées - ce qui n'est pas
sans poser le problème des « droit - voire devoir -
d'ingérence » que nous ne traiterons pas directement ici
mais dont il est utile de rappeler qu'ils sont en conflit avec le principe
de base du droit international classique, la souveraineté des Etats.
La déclaration des principes du droit pénal international
établie une dichotomie implicite entre les « Nations
civilisées » (expression utilisée dans des textes
internationaux) et les autres, et dévoile le souci dune
sécurité internationale liée à un équilibre
économique et géo-politique. Le discours du « besoin
de Justice », fondement dintervention pour pacifier une
région, peut ainsi masquer des enjeux de sécurité
internationale. On peut dailleurs lire dans
le Monde du 8 novembre 1994 que
la création du T.P.I.Y.
« relève dune
logique plus diplomatique que judiciaire : sa création entre
dans le cadre dun chapitre de la charte des Nations Unies consacré
au maintien et au rétablissement de la paix et de la sécurité
internationales. » (voir aussi Ray 1999).
Les approches contemporaines prédominantes
relatives à une « universalisation » du droit
international semblent plutôt promouvoir une globalisation du modèle
occidental, quune construction dun projet partagé dans
le dialogue de cultures pouvant contribuer à la pacification des
sociétés et étant réellement accepté par
tous les membres de la communauté internationale. A ce titre l'extrait
d'un discours de Bill Clinton prononcé le 26 février 1999
(cité dans Klare 1999, 9 et consultable sur www.whitehouse.gov) est
éloquent :
« Il
est facile de dire que nous ne nous soucions pas de savoir qui habite dans
telle ou telle vallée de Bosnie, est propriétaire de telle
partie de la brousse dans la corne de l'Afrique ou d'une parcelle de terre
aride sur les rives du Jourdain. Mais ce qui compte pour nous, ce n'est pas
que ces pays soient éloignés ou minuscules ou que leur nom
semble difficile à prononcer. La question que nous devons nous poser,
c'est de connaître les conséquences que le fait de laisser des
conflits s'envenimer et se propager peut avoir sur notre sécurité.
Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas tout faire ou être partout.
Mais lorsque nos valeurs et nos intérêts sont en jeu et lorsque
nous pouvons agir, nous devons être prêts. »
A quoi semble répondre Raimon Panikkar
(1998 : 199) :
« Linjustice
peut être individuelle, personnelle, intérieure, mais elle peut
aussi être institutionnalisée pour ainsi dire et, très
souvent légitimée. Mais nous savons que la
légititmité, catégorie juridique qui trouve
son application dans le domaine pénal, nest pas la justice.
La légitimité dune procédure, dune institution,
dune législation ne fournit aucune garantie de justice, et moins
encore la légalité.(...) Un mot pour rire un peu,
au milieu de ces choses si graves. Quelquun qui ne prononcerait pas
bien langlais illustrerait le débat qui nous occupe : pour lui,
justice
deviendrait just us, seulement nous ! Or trop souvent cest le
seulement nous qui prévaut dans les esprits et les attitudes
: nous les hommes, nous les Orientaux, nous les Occidentaux, nous les
Français, nous les riches, nous les mâles ... Or si lon
veut la polémique : just us, just U.S. ... »
Les crimes contre l'humanité, au sens
premier du terme c'est-à-dire les atteintes à lessence
de lhumanité, pose la question de ce quil est possible
de penser et de ce que lon sautorise à élaborer.
Ces situations procèdent dune crise du sens faisant obstacle
à tous discours et toutes représentations dans un lieu qui
interroge le registre de lêtre dans son rapport à
laltérité. Que nous reste-t-il de la pensée face
à lhorreur de ces massacres ?
Réfléchir sur le droit face
aux génocides et crimes contre l'humanité oblige à se
confronter à limpensé et à limpensable qui
leurs sont intrinsèques. Dans son ouvrage
Modernity and the Holocaust, Zygmunt
Bauman (1991 : 3) constate
« que l'Holocauste a plus
à dire sur l'état de la sociologie que la sociologie dans son
état actuel est capable d'apporter à la compréhension
de
l'Holocauste. »[4] . Il considère que l'impossibilité
des sciences sociales à aborder le génocide des Juifs résulte
en grande partie de leur enracinement dans la
« modernité » occidentale. En le construisant
comme un cas aberrant, résurgence d'un passé barbare, tout
lien entre cette « horreur » et la civilisation moderne
est occulté. Bauman poursuit (1991 : 7) :
« La terreur non dite qui
imprègne notre mémoire de l'Holocauste (et relié
contingentement au désir primordial de ne pas regarder la mémoire
en face) est la suspicion lancinante que l'Holocauste pourrait être
plus qu'une aberration, plus qu'une déviation d'une voie autrement
droite vers le progrès, plus qu'une excroissance cancéreuse
sur le corps par ailleurs sain d'une société civilisée
; qu'en bref, que l'Holocauste n'était pas l'antithèse de la
civilisation moderne et tout ce qu'elle représente (ou que nous voulions
qu'elle représente). »
La nécessité de nommer ces
situations - afin de ne pas rester dans le discours de lindicible
prolongeant la logique génocidaire - questionne singulièrement
la nature du traitement de ces phénomènes qui échappent
à la pensée. La question du « comment faire
après », la récurrence du discours du « plus
jamais ça » interroge les modes sociaux de nomination et
lintervention du droit, dautant quil apparaît comme
le seul instrument dont lexercice est légitimé, tout
au moins dans son
principe[5].
La logique génocidaire renferme le
projet dextermination indissociable de la négation du meurtre.
Le génocidaire falsifie la loi en inversant la règle en interdit
(le tabou en totem pour reprendre une terminologie freudienne) avec une
« mise en scène » de la cruauté dans le
territoire du corps de lautre. Elle vise à exterminer toutes
traces, toute mémoire, annuler tout témoin de lexistence
des victimes, de léventualité dun
« ayant-été-vivant » (Piralian 1994 :112)
et opère un crime généalogique. Le génocidaire
vise à supprimer toute inscription dans lhumanité rendant
ainsi impossible tout accès au symbolique. A travers une grille de
lecture lacanienne, limpensable des génocides renvoie à
un Réel, indicible. La forclusion du Symbolique projette
lImaginaire dans le Réel. Il sagit donc dune
confrontation permanente avec le Réel, dun imaginaire
emprisonné dans ce dernier. Si la symbolisation savère
vitale pour les victimes et leurs héritiers, elle est aussi indispensable
pour lespace dun penser, pour lélaboration dune
verbalisation afin de ne pas suspendre le projet génocidaire. Cest
dans cette perspective quil faut souligner limportance de la
lutte pour la reconnaissance du génocide des Arméniens ou encore
limpact de la culture de limpunité au
Rwanda.
Les crimes contre l'humanité et
génocides - dénominations qui répondent, avec une
coïncidence non fortuite, aux qualifications juridiques - mettent en
échec la pensée, tant en ce qui concerne lappréhension
de ces phénomènes, quen ce qui concerne leur
« traitement », et a
fortiori leur prévention - linefficacité de la Convention
de
1948[6] étant par ailleurs reconnue par tous. Si
les violences collectives relèvent du registre de l'impensable il
reste néanmoins qu'une régulation sociale est mise en place
par le droit qui qualifie ces situations. Il sagit donc de
sinterroger sur ce que le droit encadre, sur le rôle de sa mise
en forme, sur ses logiques, et enfin sur leur impact pouvant conduire à
une obstruction de la pensée.
Le rôle du droit est de faire barrage
au déni du meurtre constitutif de la logique génocidaire. Il
réinscrit symboliquement linterdit, et fait obstacle à
lassassinat de la mémoire. Il permet pour les victimes, de
recréer symboliquement le lien avec la communauté humaine.
Le droit nomme le meurtre par une mise en formes, qui bénéficie
pour reprendre lexpression de Pierre Bourdieu (1986 : 43), dune
« efficacité proprement
symbolique ». « La force de la forme,
cette vis formae
dont parlaient les anciens, est cette
force proprement symbolique qui permet à la force de sexercer
pleinement en se faisant méconnaître en tant que force et en
se faisant reconnaître, approuver, accepter, par le fait de se
présenter sous les apparences de luniversalité
celle de la raison ou de la morale. »
Le droit nomme
limpensable en créant les infractions de crimes contre
l'humanité et de génocide. Cette élaboration est
conçue à partir de la spécificité de lhorreur
à laquelle les éléments constitutifs de linfraction
doivent répondre. Pour ce faire la formulation des caractéristiques
de cette horreur est élaborée à partir du discours
génocidaire (indispensable à tout projet génocidaire)
qui les classifie et les systématise. La règle pénale
se présente et est reçue comme une réflexion sur
lessence de la logique génocidaire, alors quelle ne permet
pas le passage entre limpensable au pensé. Ainsi, le travail
de qualification effectué aujourdhui par les juristes des T.P.I.
continue à faire obstacle à une interrogation sur lessence
des génocides car le droit se limite à nommer en désignant
une qualification juridique. Ceci revient à superposer une mise en
forme à une réalité ainsi redéfinie, éludant
toutes autres possibilités dinterrogation. Une redéfinition
de la réalité par limposition dun ordre symbolique
néquivaut pas à sa nomination au sens symbolique. Il
reste que la force de cette seule mise en forme permet lillusion
dune résolution. Cest en ce sens que lon peut dire
que le droit, forme par excellence de la violence symbolique, ne traduit
pas une symbolisation mais prolonge limpensé par la non
confrontation à limpensable. Ce qui pose la question si penser
limpensable relève du registre du
droit
« La
production dune res
judicata - où la sentence tient
lieu du vrai, du juste et vaut comme vérité quand même
elle est dune injustice et dune fausseté patentes-, telle
est la fin dernière du droit. Dans cette créature hybride,
à la fois fait et norme, le droit trouve son accomplissement ;
au-delà, il est muet. (
) La fin dernière de la norme
est de produire le jugement ; mais celui-ci ne se propose ni de punir
ni de récompenser, ni de rendre la justice ni de faire éclater
la vérité. Le jugement est une fin en soi, et là est
son mystère, le mystère du procès. (
)
Il se pourrait que les procès eux-mêmes (
) soient
en partie responsables de cette confusion des esprits qui pendant plusieurs
décennies empêcha de penser Auschwitz. Aussi nécessaires
quils fussent, et ce malgré leur insuffisance patente (
)
ils ont accrédité lidée que le problème
était réglé. (
) A quelques exceptions près,
il aura fallu presque un demi siècle pour que lon comprenne
que le droit na pas réglé le problème, que le
problème est tellement énorme quil met en cause le droit
lui-même, quil le mène à la ruine. »
(Agamben 1999 : 19-22)
Si le droit est considéré comme
un discours explicatif, détenteur du monopole de la résolution
des génocides, selon certains auteurs, il est lexpression du
projet moderne qui contient le noyau totalitaire. Il sagit alors de
réfléchir sur ce que le droit véhicule, en tant
quexpression dun projet de
société.
Si le droit joue un rôle de mise en
forme et de mises de formes qui se veut neutre et universel, il s'inscrit
cependant dans le contexte historique d'une culture particulière.
C'est à travers les prismes d' « individu »,
de « responsabilité », de
« peine » (plus particulièrement sa fonction)
et d« Etat » quest élaborée
la réponse juridique internationale face aux génocides. Ces
notions étant spécifiques il est nécessaire de dégager
le topos (lieu) culturel dans lequel elles
senracinent.
Le discours du « devoir de
Justice », récurrent depuis 1945, soutient le
développement dun droit pénal international naissant.
Laspect répressif du droit pénal permet de transformer
la réprobation en une incrimination assortie dune sanction qui
sefforce dêtre exécutoire. Depuis Nuremberg, la
fonction de la peine évolue de la dissuasion à une
réparation, une rétribution permettant de reconstruire les
bases dun nouveau contrat social. La « justice des
vainqueurs » de 1945 recherchant les responsables dans un but de
punition et de sécurité internationale, laccent portait
sur la désignation et la détermination de la responsabilité
des auteurs. Les conflits intra-Etatiques renversent quelque peu la perspective.
En effet, lexigence de pacification des sociétés suite
à un conflit intra-Etatique implique des enjeux différents
des guerres inter-Etatiques et la lutte contre limpunité revêt
dans ces contextes une fonction différente, faisant prévaloir
la fonction réparatrice de la peine sur sa fonction dissuasive. Dans
ces situations, il sagit dun après-rupture qui rend crucial
la nécessité dune pacification et dune restauration
des fondements pour reconstruire une communauté et un projet de
société. Or, poser la question de la pacification en termes
de responsabilité conduit dune part aux difficultés
conceptuelles et pratiques de « juger une nation » et
dautre part, sous-tend une hiérarchisation des responsabilités
se superposant implicitement à une échelle de gravité
des exactions. A ce titre, les propos du Procureur général
du T.P.I.Y., publiés par
Libération le 8 novembre
1994, sont significatifs et actuellement des discours similaires sont tenus
pour ce qui concerne la situation au Kosovo
: « les personnes inculpées seront celles qui
apparaissent les plus coupables sur la base des preuves disponibles. (
)
étant donné la gravité des crimes, les plus coupables
sont ceux qui ont donné les ordres. Mais tous les efforts seront
également entrepris pour que ceux qui les ont exécutés
soient retenus dans les filets de la justice. »
Lapplication actuelle du droit pénal
international implique une réconciliation posée essentiellement
en termes de responsabilité pénale. La désignation des
auteurs de crimes contre l'humanité et génocide suppose de
déterminer la responsabilité pour des actes qualifiés
dinfraction dun individu susceptible alors de sanctions
répressives. La détermination de la responsabilité des
auteurs dinfractions internationales interroge les priorités
du droit international, tant en ce qui concerne la nature des
responsabilités (degré de participation) quen ce qui
concerne la priorité politique des Etats (rapport exclusif Etat à
Etat). La responsabilité pénale de lexécutant
est peu discutée dans la littérature juridique, à
linstar de la définition des incriminations ou de la
procédure. Cependant cette question ainsi que les critères
employés renvoient en filigrane aux destinataires des juridictions
internationales et au dessein de ces dernières. Le droit international
n'a cessé d'affirmer depuis la seconde guerre mondiale la
responsabilité pénale des individus. Ce mouvement soriente
dune responsabilité pénale pour crimes contre
l'humanité et génocide circonscrite aux grands criminels de
guerre à une responsabilité pénale de lindividu
incluant les simples exécutants dans les discours et les textes si
ce nest dans la pratique. Le principe de la responsabilité
pénale internationale du subordonné pour des actes
caractérisant une infraction internationale commis sur ordre d'un
supérieur hiérarchique, a été affirmé
par le droit de Nuremberg mais n'a pas fait l'objet d'une énonciation
dans un texte conventionnel de droit international. Toutefois, ce principe
a été repris par les statuts et la jurisprudence des deux T.P.I.
et est prévu dans le statut de la future C.P.I.. Si le droit issu
de Nuremberg proclamait explicitement la priorité de juger les grands
criminels de guerre, la Loi n°10 du Conseil de contrôle du 20
décembre 1945, instaurait des juridictions Alliées
compétentes pour juger les officiers de rangs inférieurs et
les exécutants (environ 17000 personnes ont été poursuivies,
15000 jugées coupables, 800
exécutées)[7].
On peut s'interroger sur le choix actuel
de ce droit marqué par une ambivalence entre la volonté de
juger les exécutants et la primauté de juger les responsables
hiérarchiques. Si les statuts de ces juridictions prévoient
cette responsabilité, on remarque que jusquà présent
la grande majorité des décisions rendues concerne des responsables
hiérarchiques (jusquen janvier 1999, trois décisions
relatives à des exécutants ont été rendues par
le
T.P.I.Y.[8], aucune par le T.P.I.R.).
On peut citer le second rapport annuel du T.P.I.Y
« Il a fallu se résoudre
à adopter comme règle d'or de ne déférer au Tribunal
que les affaires les plus exemplaires », et la mettre en
parallèle avec la décision du 16 novembre 1998 du T.P.I.Y.
qui réaffirme l'importance de juger les simples soldats. Or, se poser
la question de la détermination des responsables cest savoir
ce que lon veut juger au risque, une fois encore, déluder
la question de lessence de la logique génocidaire.
A propos de la surcharge de travail du T.P.I.Y.,
le président dune des chambres daccusation sest
exprimé ainsi dans les colonnes de
Libération le 21 juin
1999 « Mais le T.P.I. nest
pas là pour faire du chiffre. Il est là pour se
concentrer sur les infractions les plus graves, les échelons les plus
élevés. (
) La justice est comme une fusée
à plusieurs étages : tout en haut le Tribunal pénal
international doit soccuper des crimes les plus graves. A des niveaux
inférieurs, les justices nationales, pour autant quelles soient
capables de le faire, y compris celles des ex-belligérants, peuvent
juger des criminels de guerre. (
) A un niveau inférieur, une
commission vérité et réconciliation pourrait
donner une écoute et une reconnaissance plus large à toutes
les victimes. (
)
Cétait (la création
de cette juridiction) un alibi pour
une communauté internationale impuissante devant les crimes qui
étaient en train dêtre commis en Bosnie. (
) La
stratégie pénale a été orientée vers le
haut, vers les responsables politiques et militaires qui ont planifié
les crimes. (
) Je crois quon pourrait souligner davantage encore
notre mission dexemplarité et de stigmatisation des
criminels. »
La déclaration de responsabilité
permet daffirmer une exemplarité à légard
de lopinion publique internationale plutôt que de constituer
un mode de réconciliation nationale. On constate que les discours
tendent vers une fonction réparatrice, justifiant lexistence
et lapplication du droit pénal international. Cependant la pratique
judiciaire révèle une fonction dissuasive de la peine afin
dassurer une sécurité internationale. En outre, il revient
aux juridictions nationales de juger les simples exécutants alors
que le T.P.I. a pour mission prioritaire de juger les grands responsables.
Cette répartition des tâches revèle-t-elle une certaine
échelle de valeur ? Ou bien considère-t-on les responsables
hiérarchiques comme ne relevant pas de la réconciliation
nationale ? De plus, cette distribution en fonction du degré
de responsabilité reflète la notion de corps
hiérarchisé dans une société scissionnant
tête/corps, Etat/citoyen.
Notons enfin, que loutil du droit
pénal international ne facilite pas lévolution de la
logique de coopération inter-Etatique vers un « droit
élément de pacification ». Le traitement juridique
du génocide est miné par la difficulté de la réunion
des éléments constitutifs de cette infraction. Dune part,
la fragmentation des tâches dans la réalisation du génocide
des Juifs accentue la difficulté à caractériser
lélément moral (volonté de participer à
lextermination dune population) pour les « simples
exécutants » et donc leur responsabilité comme auteurs
de génocide. Et le zèle de la torture continue de faire fonction
de critère pour caractériser lélément
matériel de linfraction pénale et conduit à souligner
limportance de la charge de la preuve, la « vérité
du droit » résidant dans la preuve. Dautre part, la
non-fragmentation des tâches lors du génocide rwandais interroge
la pertinence de la notion de responsabilité issue du droit pénal
classique, pétrie de philosophie des Lumières. Elle remet en
question la distinction entre exécutants et responsables
hiérarchiques pour rendre compte de la logique génocidaire
ainsi que la nécessité de la dichotomie entre bourreaux et
victimes pour la recomposition dun tissu social.
4.
L'EXISTENCE D'AUTRES TOPOI CULTURELS
: LES LIMITES DU DROIT PÉNAL
INTERNATIONAL
Si le point précédent nous
a fait prendre conscience de l'enracinement culturel du droit international,
il est temps maintenant de réfléchir aux limites d'une telle
approche monoculturelle dans un contexte d'une globalisation qui tout en
faisant rétrécir notre monde met en exergue par ce
rétrécissement même la diversité de nos manières
de le vivre. Il nous semble que la situation actuelle nous fait prendre de
plus en plus conscience du pluralisme humain qu'il s'agit maintenant d'apprendre
à vivre et à penser pour ne pas tomber, après les
excès d'un rêve universalisateur, dans ceux d'un relativisme
se cristallisant dans des replis identitaires et des affrontements
culturels.
Concernant plus particulièrement notre
problématique, il nous semble instructif de tirer des leçons
du traitement juridique du génocide rwandais pour souligner l'importance
de s'engager petit à petit sur les voies du diatopisme (démarche
qui traverse dia les différents
sites culturels topoi) et qui est
la précondition à toute démarche dialogale (Vachon 1990).
En effet, il semble primordial de commencer à sérieusement
prendre en compte les différents
topoi culturels lorsqu'il s'agit de vouloir "rendre la justice"
ou contribuer à la pacification d'une société. Car si
la conscience d'une humanité partagée se reflétant dans
la mise en place de juridictions internationales pour répondre aux
génocides perpétrés au Rwanda et en ex-Yougoslavie,
nous semble légitime et importante, il ne s'agit pas d'oublier qu'avant
tout ce sont les populations directement concernées qui doivent pouvoir
réunir des conditions pour surpasser leurs traumatismes et
réinventer à nouveau ensemble un futur partagé. Ainsi
faut-il se demander si la Justice proposée sous la forme du droit
pénal international remplit bien la précondition nécessaire
à toute pacification qui est celle de faire sens pour les populations
concernées et de jouir d'une autorité qui lui confère
sa légitimité (voir par exemple : Getti
1997).
François-Xavier Nsanzuwera, ancien
procureur de la République rwandaise, réfléchissant
à l'impunité comme source de violations des droits de l'homme
et comme obstacle à l'émergence d'un Etat de droit au Rwanda,
écrit (1997 : 62-64) :
« (...)
nous concevons la justice comme un préalable nécessaire à
la réconciliation nationale et au pardon. (...) Mais comme nous avons
eu souvent l'occasion de le souligner, la justice n'est pas la panacée
des maux dont souffre la société rwandaise. Il ne suffira pas
de juger les cent vingt mille personnes détenues et poursuivies de
génocide pour dire que la justice est rendue au Rwanda. Les Rwandais
ont plus besoin d'une justice sociale. (...) Il nous semble aujourd'hui que
les Rwandais, tout en faisant part de leur revendication légitime
de justice, semblent ignorer toutes les dimensions de la justice. Ils ignorent
ou font semblant d'ignorer que la question de la justice est
intrinsèquement liée à l'altérité, à
la présence d'un autre et avec lequel il faut composer et vivre dans
un cadre spatio-temporel déterminé. Parler de justice sociale
nous amène à poser la question du concept de justice et de
la conception de la
justice. »
Il continue sa réflexion en relevant l'importance de l'idée
qu'on se fait de la Justice dans une société donnée
et ce que l'on s'en attend, et remarque que réduire le besoin de justice
uniquement au jugement des auteurs du génocide c'est passer à
côté des aspirations du peuple qui s'interroge aussi sur la
distribution des avantages sociaux et sur la place de l'individu dans la
collectivité (p 64-65). Or ces problèmes, cristallisés
de manière très concrète dans le problème de
la répartition du pouvoir et des richesses nationales sont occultés
par la place monopolistique qu'occupe le jugement des auteurs du génocide
comme instrument de Justice et de restauration du lien
social[9]
- nous avons éclairé plus haut comment ce monopole
découle directement d'une vision du monde et du droit dans lequel
prévalent des lois générales et impersonnelles et des
individus et où la réparation
« pénale » qui permet la réinstauration
du lien social est pensée en termes de l'établissement des
responsabilités individuelles et le prononcé de peines
correspondantes.
En approfondissant les remarques de
François-Xavier Nsanzuwera à travers une démarche
anthropologique, nous pouvons noter que dans le cadre rwandais se côtoient
voire se confrontent au moins deux visions du monde : la vision endogène
et la vision « moderne », exogène, introduite
avec la colonisation allemande à la fin du siècle dernier.
Etienne Le Roy relève un impensé voir un impensable pour la
communauté internationale dans la réflexion sur l'impunité
en matière de crimes contre l'humanité et génocide au
Rwanda (1996 : 3) : « que
l'impunité des crimes contre l'humanité soit déterminée
non seulement par des considérations politiques (internes ou
internationales) ou par des insuffisances de la réglementation mais
aussi par la conception du Droit qui est invoquée pour assurer la
sanction-punition des génocidaires. » Et ce problème
se situe à un double niveau : d'une part à celui d'un droit
international qui n'est pas universel par nature mais est le fruit d'une
tradition particulière et qui a vocation à s'appliquer ; mais
d'autre part aussi à celui du droit interne rwandais qui
« n'est pas l'analogue de
notre 'droit positif' mais un placage ou une greffe subissant les conditions
de réception - et de rejet - caractéristiques des transferts
de modèles juridiques. » (Le Roy 1996 : 4). Ainsi, outre
la question délicate des « droits - voire - devoirs
d'ingérence » se pose aussi la question de la mise en place
en Afrique d'Etats de droit à l'africaine qui déborde le cadre
de notre sujet (voir Le Roy 1997), mais rend bien compte de l'importance
de la rupture épistémologique qui s'annonce quand on commence
à s'engager sincèrement sur les voies du diatopisme. Il s'agira
de repenser le droit en repartant des différents
topoi culturels et en construisant
dans le cadre africain sur les conceptions traditionnelles africaines tout
en les gardant ouvertes aux métissages, de toute façon
inévitables, avec des conceptions exogènes. Si ce n'est pas
la démarche suivie « au niveau officiel » Etienne
Le Roy (1996 : 5) note que :
« Loin de dominer, la vision
occidentale de la société et du Droit doit donc composer avec
la vision endogène donnant lieu à des pratiques métisses
où c'est le modèle endogène qui paraît, de plus
en plus, absorber les apports extérieurs et les soumettre à
sa logique de formalisation et
d'utilisation. »
Pour pénétrer dans le
topos des droits traditionnels
africains il est utile de suivre Michel Alliot, un des pionniers de leur
étude non-éthnocentrique, à travers quelques citations.
Celles-ci nous révéleront que notre manière de penser
le Droit comme « un, abstrait et extérieur » et
lié à la forme de l'écrit, et des notions primordiales
pour nous telles que celles de « personne juridique »,
de « faute » et de
« responsabilité » sont liés à une
cosmovision judéo-chrétienne et ne se retrouvent pas dans les
droits traditionnels africains sous-tendus par d'autres cosmovisions et
marqués par des logiques plurales, communautaire et
fonctionnelle[10].
Il n'y a pas, note Michel Alliot (1983 : 95) dans les cosmogonies africaines
de création ex nihilo mais
création sous forme de la différenciation progressive de forces
contenues en puissance dans un chaos primordial. Ceci se reflète dans
la manière de penser le Droit :
« Ces
cosmogonies qui retracent l'histoire du chaos des origines aux temps où
nous vivons, on peut les lire comme des cosmologies enseignant que
l'inorganisé est au fondement de l'être et que l'apparence n'est
stable que dans la mesure fragile ou les forces d'ordre l'emportent sur les
puissances de désordre. (...) Dans cette incertitude, l'homme tient
une place exceptionnelle. Par la parole il rend la réalité
cohérente, faisant passer sa représentation du monde invisible
de la pensée au monde visible du réel. Par les rites qu'il
accomplit il permet aux puissances divines de faire triompher l'ordre. (...)
Les sociétés africaines obéissent ainsi à une
logique plurale à l'opposé de la plupart des sociétés
européennes ou en tout cas de ce qu'elles disent d'elles-mêmes
(...) les législations uniformisantes sont ressenties comme destructrices
de l'unité (...) La vie juridique en Afrique, c'est-à-dire
l'existence de la société est (...) la plupart du temps de
la responsabilité des hommes. (...) Non seulement de soi-même,
mais plus encore du groupe ou des groupes auxquels on appartient, non seulement
du temps présent mais surtout de l'avenir. Non seulement du monde
visible immédiat, mais du monde lointain et du monde invisible car
l'univers issu d'une même origine est un écosystème dont
tous les éléments sont en résonance : l'invisible pèse
constamment sur le visible et réciproquement, les morts protègent
ou attaquent les vivants mais en dépendent, chaque groupe est soumis
aux influences de tous les autres et le bien lui-même sort souvent
du mal. Le Droit est fortement marqué par cette interdépendance
qui pèse sur les hommes et par le sentiment de très grande
responsabilité qui en découle et dont ne les décharge
vraiment aucun système de règles
préétablies. » (Alliot 1983 : 96-98).
Concernant plus particulièrement le
domaine du « droit pénal » Michel Alliot note
que « de nombreuses
sociétés s'intéressent plus au désordre qu'à
son auteur et de ce fait ignorent les catégories de la culpabilité
et de la responsabilité. En revanche, toutes les sociétés
connaissent des normes, des déviances et des sanctions. (...) Dans
beaucoup de sociétés, la transgression fait plutôt changer
de statut (comme en passant la frontière de son pays le national devient
étranger). Celui qui transgresse les interdits les plus graves entre
dans un monde surhumain (il fait la preuve qu'il est de destin royal) ou
tombe au contraire dans un monde inférieur et par là souille
la communauté ; mais dans cette communauté il joue encore un
rôle important. Nul ne peut se définir par rapport à
lui-même, on ne se définit que par rapport à autrui,
en se distinguant de lui. Les interdits alimentaires, les prohibitions de
mariage permettent au groupe de s'identifier par rapport à
l'étranger qui n'a pas les mêmes interdits. De même la
déviance permet au groupe de se reconnaître dans ses normes
en se distinguant du déviant dont l'exemple est utile à
l'enseignement des jeunes et à la conscience de tous. (...) En bref,
dans beaucoup de sociétés la perspective occidentale est
inversée : c'est le désordre qui retient l'attention plus que
son auteur ou sa victime. » (Alliot 1980b :
72,73)
Etienne Le Roy (1996 : 20-22) dans son rapport
sur l'impunité au Rwanda pour le Centre International pour les Droits
de la Personne et le Développement Démocratique de Montréal
tire de la prise en compte de son
topos culturel et de sa vision traditionnelle du droit six principes
de politique judiciaire pour pacifier la société rwandaise
: (1) de centrer la démarche de pacification sur l'oralisation de
la réalité du génocide et non sur la poursuite judiciaire
des génocidaires, (2) de valoriser les rapports socio-juridiques
basés sur des valeurs de partage au sein du groupe qui a vu naître
le différend, (3) de s'atteler à remettre en pratique le principe
traditionnel de complémentarité des différences pour
pouvoir repenser une complémentarité entre Hutu et Tutsi, (4)
de redonner place au pluralisme en reconnaissant le pluralisme de l'être
humain (son inscription multiple dans des réseaux différents)
et en réintroduisant celui du pouvoir, (5) de restituer aux groupes
leurs Droits afin qu'ils puissent dégager les modèles de conduite
et de comportement qui font sens pour eux et enfin (6) de toujours
préférer initialement à une solution importée
de l'extérieur une solution émergeant de la confrontation et
de la négociation internes au
groupe.
Les dernières réflexions d'Etienne
Le Roy nous mènent déjà du simple diatopisme à
l'exigence de dialogisme puisqu'il ne s'agira pas uniquement de voir à
travers les yeux de l'autre mais de trouver des moyens d'articuler ces
différentes visions en vue d'un enrichissement mutuel permettant la
pacification sociale. Mais la leçon principale que nous devons retenir
est qu'il est indispensable de sortir de l'évolutionnisme plus ou
moins conscient dans lequel nous restons pour la plupart encore emprisonnés
et nous faisant postuler la supériorité de notre civilisation
moderne et de ses modèles de perception et d'organisation du monde.
Nous devons accepter que ceux-ci ne sont que le produit d'un
topos culturel particulier, qu'il
y a d'autres topoi culturels et
qu'il devient de plus en plus urgent d'entrer en dialogue avec eux pour les
découvrir dans leur originalité et de nous enrichir mutuellement
pour répondre à nos interrogations
contemporaines.
5. LEXIGENCE DIALOGALE : UNE
APPROCHE PLURALISTE DU DROIT ET DE LA
PAIX[11]
Tout d'abord une remarque préliminaire
: lorsque nous parlons d'exigence dialogale et de prise de conscience du
pluralisme nous allons bien au-delà d'un simple vu pieu à
la mode. Nous proposons une transformation radicale dans nos perceptions
de la Vie et de la Réalité, une
metanoia pour reprendre les termes
de Raimon Panikkar (1982 : 6), philosophe interculturel à l'origine
de ces
démarches[12].
Nous avons noté précédemment que le diatopisme était
le fondement même de tout dialogue interculturel et nécessitait
des changements de perspectives radicaux.
Dans un ouvrage récent,
Grassroots Post-Modernism. Remaking
the Soil of Cultures, les auteurs, Gustavo Esteva et Madhu Suri Prakash
(1998), illustrent la profondeur de la révolution paradigmatique qui
nous attend. En nous invitant de quitter notre perspective d'élites
occidentalisées et à embrasser une perspective de la
« base » ils nous font repenser ce que nous dénommons
la « globalisation » en quittant le domaine de
représentations liés à notre approche en termes d'univers
pour nous établir dans la vision d'un
« plurivers ». En effet, la perspective uniformisatrice
de la construction intellectuelle d' « univers » ne
résiste pas à l'épreuve des faits dès lors que
l'on s'intéresse à la manière dont vivent effectivement
les différentes populations humaines et qui révèlent
de multiples manières différentes de « vivre le
monde ». Ainsi ce qui sous-tend le passage au
« plurivers » est la remise en question du
mythe rationnel et dialectique
dans lequel nous sommes présentement enracinés et nous mène
à une interrogation au cur du mystère que constitue la
réalité et son pluralisme. Cette remise en question s'accompagne
de la nécessité d'une nouvelle méthode pour compléter
nos démarches dialectiques. Raimon Panikkar (1984) propose celle du
dialogue dialogal.
Le postulat du paradigme dialectique - dans
lequel s'enracine aussi le droit pénal international - est que la
Réalité est entièrement épuisable par les
lumières de la Raison, que les différences sont ainsi de l'ordre
conceptuel et peuvent donc être réduites à l'unité.
De plus par l'assimilation de notre raison à la Raison ce sont nos
conceptions qui sont universalisées au détriment de celles
d'autres cultures. Il n'y a pas vraiment place pour les Sujets puisqu'on
ne raisonne qu'en termes de réalités objectives « qui
s'imposent ». Pour Raimon Panikkar le dialogue dialogal ne
soppose pas au dialogue dialectique mais le complète et joue
le rôle de garde-fou contre le totalitarisme de la Raison. Il n'est
pas tellement dialogue sur un « objet » que dialogue
entre sujets. Cest un dialogue de « toi à
moi » où il sagit avant tout de nous dévoiler
mutuellement, de dévoiler nos présupposés respectifs,
nos « mythes », nos présupposés inconscients.
Outre l'attitude fondamentale de respect de l'autre que véhicule cette
démarche, elle permet un dévoilement mutuel et l'enrichissement
de nos approches du mystère de nos vies. On sort ainsi dune
logique de soustraction où lon postule l'universalité
a priori d'un modèle - où
l'on exclue tous les éléments qui ny rentrent pas, voire
où on réduit les éléments quon y fait entrer
- pour s'engager dans une logique daddition où on articule les
différents éléments et où l'on ne retrouve
lunité que là où elle simpose comme somme
de données bien identifiées (pour cette exigence voir Le Roy
1998 : 37).
Il nous paraît primordial d'introduire
cette approche dialogique dans notre domaine de réflexion du droit
international face aux génocides et aux crimes contre l'humanité
qui touche directement ce qu'il y a de plus profond dans nos vies : son sens
et la place qu'y joue le « mal », comme nous le rappelions
dans notre introduction à travers une citation de Raimon Panikkar.
Nous ne pouvons nous arrêter au "bavardage" de notre
logos lorsqu'il s'agit de se confronter aux réalités
de génocides et à une réflexion sur des voies possibles
de pacification. Le problème est existentiel et non pas purement
intellectuel. Robert Vachon (1997 : 9-10), fidèle à
lenseignement de Raimon Panikkar, note que le dialogue dialogal
:
« C'est
une approche holiste de tout l'être à tout l'être. Le
mythe du pluralisme nous révèle qu'une des tâches les
plus urgentes de notre temps -
qui veut tout objectiver (même la subjectivité), - pourrait
bien être de restaurer ou d'instaurer ce dialogue dialogique, non seulement
entre humains, mais aussi entre humains et le cosmos, puis entre le cosmique,
l'humain et le divin. Cela nous permettrait non seulement d'éviter
le totalitarisme de la pensée, mais aussi de sauver la liberté
(que ce soit de la Réalité ou de l'Homme) de sa réduction
à la pensée et à l'option
humaine. »
Cet élan vers une vision
cosmothéandrique - qui sous-tend tous les travaux de Raimon Panikkar
(1993) - nous invite à ne pas réserver le dialogue interculturel
à des « situations interculturelles », tels que
reflétés dans notre cas par la problématique de
l'application d'un droit d'origine occidentale dans une société
africaine en vue de sa pacification, mais d'enrichir la perception de nos
propres problèmes à travers des détours anthropologiques
qui nous enseignent comment d'autres posent leurs questions et y répondent.
Notre brève immersion dans l'univers traditionnel africain et les
conséquences qu'en tire Etienne Le Roy pour les exigences d'une
pacification de la société rwandaise au point précédent
nous a donné un avant-goût de ce genre de démarche. Mais
de manière plus générale l'anthropologie du droit nous
enseigne que le Droit ne se résume pas à l'élaboration
et à l'application de règles générales et
impersonnelles, tel que nous le concevons dans notre tradition occidentale.
Etienne Le Roy (1998b : 8) précise :
« En
Afrique, les valeurs rectrices s'expriment dans des modèles de conduites
et de comportements qui constituent en fait l'ossature de la coutume. En
Chine confucéenne, où le rite
(li)
est toujours préféré au Droit
(fa), ce sont les pratiques
rituellement réglées comme systèmes de dispositions
durables qui constituent le cadre de la régulation. Cependant, si
chaque tradition valorise ainsi un des fondements du Droit, aucune tradition
n'ignore les deux autres, chaque tradition variant par l'aménagement
des trois fondements du Droit qu'on peut dénommer Loi, coutumes et
habitus ou plus anthropologiquement : Normes Générales et
Impersonnelles (NGI) proposant des 'macro' normes, Modèles de Conduites
et de Comportement (MCC) proposant des 'méso' normes, Systèmes
de Dispositions Durables (SDD) contenant des 'micro'
normes. »
Encore faut-il pour comprendre cette approche
"multijuridique" du Droit et ne pas la figer dans un modèle structuraliste
mais de lapprocher de manière dynamique. Une telle approche,
peu commune aujourdhui, est illustrée par Etienne Le Roy dans
Le jeu des lois. Une anthropologie
'dynamique ' du Droit - ainsi sommes-nous donc invités à
accepter lidée de repenser fondementalement nos Droits. (voir
aussi Eberhard 1998c). Mais rappelons nous quavant tout la
réalisation de la paix ne peut se résumer à une quelconque
technique juridique car :
« La
question de la Paix ébranle (
) les fondements de la
Société et de la Réalité elle-même. C'est
une épée qui transperce la moëlle de nos âmes et
nous oblige à une
metanoia,
une mutation. Elle est fondée sur une connaissance qui est bienheureuse
ignorance. Sur une sagesse qui est constitutivement en quête de sagesse.
Elle commence lorsqu'on croit vraiment à l'impossible, car la vraie
liberté ne se situe pas dans le domaine de la possibilité d'un
choix - entre différentes initiatives - mais ... au-delà. Sa
sphère est celle de l'espérance contre toute espérance,
de l'impossible, du non-manipulable, de
l'incompréhensible. »(Vachon 1985 :
42)[13]
Et ainsi, réfléchir à
la Paix, vivre la paix oblige peut-être plus encore que dans
dautres domaines - à prendre au sérieux les mots qui
essayent de la dire, car :
« Lorsque
la parole cesse d'être l'extase du silence, elle devient inauthentique.
Quand je sépare la parole du silence, je n'ai plus que ce que l'on
appelle le bavardage (...) L'homme devra répondre de toute parole
qui n'est pas un sacrement, qui n'est pas une incarnation du silence, car
de telles paroles n'ont aucune
valeur. »(Panikkar 1998
:12).
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p.
[1] Pierre Bourdieu (1986 : 41)
écrit « Codifier,
c'est à la fois mettre en forme et mettre des fomes. »
et pour Pierre Legendre (Cours à la Vème section de l'école
pratique des hautes études, année 1981-1982, cité dans
Le Roy 1998a : 39) le droit est
« l'art dogmatique de nouer
le social, le biologique et l'inconscient pour assurer la reproduction de
l'humanité. »
[2] Pour approfondir le jeu de ces
quatre pôles dans une reflexion sur les politiques juridiques à
lâge de la globalisation à partir de lexemple africain
voir Eberhard 1999c et pour une présentation plus détaillée
Le Roy 1999.
[3] Nous choisissons le terme droit
pénal international de préférence à celui
de droit international pénal, pour insister sur
linternationalisation du droit pénal système international
de justice pénale plutôt que sur les obligations
conférées par les Traités aux Etats pour faire respecter
les dispositions du droit international.
[4] Toutes les citations ont été
traduites de l'original par les auteurs.
[5] H. Piralian (1994) analyse de façon
appronfondie, notamment, les conséquences du déni du génocide
des Arméniens et la transmission du trauma chez les héritiers.
[6] La Convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide a été
adoptée le 9 décembre 1948 et est entrée en vigueur
le 12 janvier 1951. En introduction cette convention
dispose :Considérant
que lAssemblée générale de lOrganisation
des Nations Unies, par sa résolution 96 en date du 11 décembre
1946, a déclaré que le génocide est un crime du droit
des gens, en contradiction avec lesprit et les fins des Nations Unies
et que le monde civilisé condamne,
Reconnaissant
quà travers toutes les périodes de lhistoire le
génocide a infligé de grandes pertes à
lhumanité,
Convaincues que
pour libérer lhumanité dun fléau aussi odieux
la coopération internationale est
nécessaire(
)
[7] Ces chiffres sont cités par
Bassiouni (1981).
[8] Voir les décisions: T.P.I.Y. Chambre de
première instance II,
Tadic
IT-94-1-T, 7 mai 1997, T.P.I.Y. Chambre de première instance
I Erdemovic, IT-96-22-T, 29 novembre
1996 et T.P.I.Y 5 mars 1998, T.P.I.Y.
Delalic, Mucic Delic, Landzo,
IT-96-21-T, 16 novembre, 1998.
[9] Voir aussi Chossudovsky (1999)
qui met à jour le rôle joué par l'évolution du
système économique postcolonial dans la crise
rwandaise.
[10] Nous renvoyons nos lecteurs à
d'autres articles qui explicitent plus en détail l'originalité
de la manière africaine traditionnelle de penser le Droit, comme par
exemple Alliot 1980a, 1985 ; Eberhard 1999b ; Le Roy
1984.
[11]
Voir dans ce sens Eberhard 1999a où sont développées
les exigences du pluralisme et du dialogisme dans le cadre dune reflexion
sur les droits de lhomme dans un contexte de mondialisation qui ne
soit pas uniquement une occidentalisation du monde et 1999b qui prolonge
ce premier texte en proposant un paradigme pluraliste pour notre reflexion
sur la Justice et les Droits de lHomme qui est inspiré du
modèle communautaire caractérisant les sociétés
traditionnelles africaines. Pour une introduction succinte voir Eberhard
1998a, voire 1998b.
[12] Nous conseillons vivement au
lecteur intéressé par le dialogue interculturel au sens fort
de prendre connaissance des travaux de l'Institut Interculturel de Montréal
(http://www.iim.qc.ca) dont le numéro 135 de sa revue
Interculture contient une synthèse.
[13] Nous renvoyons le lecteur à
louvrage de Raimon Panikkar (1995) pour approfondir l'approche de la
Paix à travers une démarche
interculturelle.