Christoph Eberhard 19/05/1998
E-mail : c.eberhard@free.fr
Pluralisme et Dialogisme : Les Droits de lHomme dans un contexte de mondialisation qui ne soit pas uniquement occidentalisation
(Première version dun texte paru dans La revue du MAUSS semestrielle,
n° 13, 1er semestre 1999, p 261-279)
Mots clefs : globalisation, dialogue interculturel, pluralisme sain, équivalents homéomorphiques, archétypes sociétaux, droit tripode, multijuridisme, complémentarité des différences, paix
A laube du troisième millénaire les phénomènes de mondialisation ou globalisation, tout en faisant rétrécir notre monde nous font de plus en plus prendre conscience de sa diversité et nous lancent ainsi le défi de repenser nos paradigmes pour entrer en relation avec l"Autre", pour inventer avec lui un avenir partagé. Si la condition préalable la plus évidente pour ce faire est de dégager des voies nous permettant de nous émanciper de notre ethnocentrisme, il nous semble que ceci nest possible quà travers lémancipation des paradigmes relativiste et universaliste. Il ne suffit plus aujourdhui de penser en termes dunité ou de diversité. Nous devons plutôt apprendre à penser ensemble unité et diversité et ainsi nous engager sur les voies dun pluralisme sain. Il nous semble que le topos des Droits de lHomme est particulièrement pertinent pour commencer à déblayer une telle voie. En effet, les Droits de lHomme, représentent pour linstant le discours global dominant quant à "la bonne vie" mais sont en même temps de plus en plus questionnés par différentes traditions culturelles - et le dilemme entre universalisme et relativisme semble insurmontable...
Mais commençons, pour entrer dans le vif du sujet par nous pencher sur un enseignement plus de deux fois millénaire de TCHOUANG-TSEU :
"Si je discute avec toi et que tu lemportes sur moi au lieu que je lemporte sur toi, as-tu nécessairement raison et ai-je nécessairement tort ? Si je lemporte sur toi, ai-je nécessairement raison et toi nécessairement tort ? ou bien lun de nous deux a raison et lautre tort ? ou bien avons-nous raison tous les deux ou tort tous les deux ? Ni toi ni moi nous ne pouvons le savoir et un tiers serait tout autant dans lobscurité. Qui peut en décider sans erreur ? Si nous interrogeons quelquun qui est de ton avis, du fait quil est de ton avis, comment peut-il en décider ? Sil est de mon avis, du fait quil est de mon avis, comment peut-il en décider ? Il en sera de même sil sagit de quelquun qui est à la fois de ton avis et du mien, ou dun avis différent de chacun de nous deux. Et alors, ni moi ni toi, ni un tiers ne peuvent trancher. Faudra-t-il attendre un quatrième ?" (TCHOUANG-TSEU 1997 : 44).
Cet enseignement sur la manière daborder la problématique de la relation "unité/diversité" ne paraît rien avoir perdu de son actualité et semble nous renvoyer directement à notre condition actuelle de globalisation / pluripolarisation du monde, se cristallisant dans le domaine des Droits de lHomme plus spécifiquement sous la forme du débat complexe entre "universalistes" et "relativistes" : les droits de lhomme sont-ils universels et inhérents à tout être humain, ou alors ne sont-ils que les fruits de lhistoire dune tradition spécifique, de la modernité occidentale ? Peuvent-ils accéder à luniversel ? Et alors quelle place pour nos différences ? Nos valeurs ne sont-elles pas toutes relatives ? Sommes nous condamnés à attendre un "quatrième", qui saura trancher les interminables discussions entre universalistes et relativistes ou proposer une solution meilleure ? Heureusement, au delà des questionnements quil suscite, lenseignement de TCHOUANG-TSEU nous suggère une "réponse" : il semble quil nous invite à repenser nos questions : Se pourrait-il que ce ne soit pas tellement des réponses aux questions ci-dessus dont nous ayons besoin mais plutôt dune nouvelle perspective sur ces questions, voir dune nouvelle démarche ? Serions nous invité à abandonner la quête dune vérité par une méthode principalement dialectique, pour nous engager dans une démarche plus dialogale avec les autres et avec la Réalité, qui pourrait nous éveiller à son caractère fondamentalement pluraliste et pourrait nous permettre dans un contexte de globalisation à nous ouvrir à travers le dialogisme à un pluralisme sain ? Cest le pari que nous ferons et cest lintuition que nous développerons au cours des pages suivantes.
Nous commencerons par brosser un tableau de la situation dans laquelle sinscrit notre réflexion sur les Droits de lHomme en la rattachant à la problématique de la globalisation. Ceci nous permettra de bien cerner les enjeux liés aux paradigmes du dialogisme et du pluralisme. Nous expliciterons ensuite les fondements dune démarche véritablement dialogique dans la rencontre des cultures autour de la problématique des Droits de lHomme. Ainsi poserons nous les fondements qui nous permettront de nous atteler à "penser le Droit" de manière non-ethnocentrique et de proposer un cadre pluraliste pouvant servir à formaliser une rencontre des cultures autour de la problématique des Droits de lHomme. Enfin, nous pousserons encore plus loin les exigences de notre démarche en ouvrant des perspectives sur une émancipation de la problématique des Droits de lHomme hors du simple discours juridique, en nous appuyant sur un mythe pluraliste de lHomme et de la Réalité même et en lançant des ponts entre réflexions sur les Droits de lHomme et sur les "cultures de la paix".
DROITS DE LHOMME ET GLOBALISATION
Pour rappeler limportance pratique de notre démarche et pour éviter de donner une impression dintellectualisme déconnecté des réalités partons dun constat : les droits de lhomme apparaissent de plus en plus comme un requis que comme un acquis. Premièrement ils ne sont pas garantis dans les faits à chaque être humain. Ils sont violés, et souvent de manière extrême, partout dans le monde. Deuxièmement, même leur universalité théorique est de plus en plus questionnée ces dernières années, surtout par des traditions non-occidentales, ce qui semble en partie sexpliquer par la pluripolarisation du monde suite à la chute du mur de Berlin. La conférence mondiale sur les droits de lhomme à Vienne en 1993 où des gouvernements dAsie, du Moyen Orient et dAfrique du nord ont relevé la relativité culturelle des droits individuels a illustré cette tendance (LE ROY 1997 : 15-16). Sil ne faut pas négliger les intérêts politiques détats autoritaires dans cette remise en question on ne peut cependant pas ignorer les valeurs de civilisation spécifiques qui y sont exprimées. Il est intéressant de noter à ce sujet que dès le début des années 1980 une certaine décentralisation et réinterprétation culturelle des droits de lhomme a commencé à sopérer sous forme de déclarations non-occidentales de droits de lhomme visant à rendre compte des diverses perspectives culturelles tout en sinspirant du modèle occidental. En témoignent par exemple la rédaction de la "Charte africaine des droits de lhomme" de 1981, des diverses déclaration islamiques dont le texte le plus connu est la "Déclaration universelle des droits de lHomme en Islam" présenté en 1981 à lUNESCO par le Conseil islamique pour lEurope, ou de la "Déclaration des devoirs fondamentaux des peuples et des Etats asiatiques" adoptée en 1983 par le Conseil régional des droits de lHomme en Asie (pour plus de détails voir ROULAND 1995 : 202-206).
Ainsi que ce soit au niveaux locaux en ce qui concerne la réalisation de l"Etat de Droit" ou au niveau global où apparaît de plus en plus la nécessité de repenser un projet de société véritablement partagé par toutes les cultures, une réflexion de fonds sur les Droits de lHomme dans le Dialogue Interculturel apparaît de plus en plus primordiale. Le problème de l "universalité" des droits de lhomme ne se cantonne pas à la sphère purement académique. Et on ne peut séparer la question de leur universalité pratique (ou effectivité) et leur universalité théorique (en tant que symbole). Comme le remarque Raimon PANIKKAR (1984 : 3) :
"Tout en faisant la part de lavidité humaine et du mal pur et simple dans cette transgression universelle, ne faut-il pas voir une autre raison de la non-observation des Droits de lHomme dans le fait que, sous leur forme actuelle, ils ne représentent pas un symbole universel assez puissant pour susciter la compréhension et laccord ? Il nest pas de culture, de tradition, didéologie ou de raison qui puisse aujourdhui, ne disons même pas résoudre les problèmes de lhumanité, mais parler pour lensemble de celle-ci. Il faut nécessairement quinterviennent le dialogue et les échanges humains menant à une fécondation mutuelle."
Nous semblons ainsi invités à radicalement repenser l"universalité des droits de lhomme", voir à apprendre à radicalement "penser autrement" - de façon dialogale. Cette nécessité de dialogue et déchange mutuel apparaît dautant plus clairement si on partage le point de vue dun Norbert ROULAND (1993, 214) très critique quant à l existence dun "village planétaire" et qui se demande :
"Et si le village planétaire nétait quune illusion ? Certes on peut de nos jours se déplacer plus vite, communiquer des informations et des images en quelques secondes en des points très éloignés. Mais cela ne signifie nullement que toutes les cultures soient prêtes à vibrer à lunisson. Au contraire, en réaction, cest bien à une montée des particularismes que nous assistons, quon se félicite ou le déplore. Sous nos yeux émerge un archipel planétaire."
Si on embrasse la perspective pessimiste que développe Samuel P. HUNTINGTON dans son The clash of civilizations and the remaking of world order (1997) selon laquelle lémergence dun "archipel planétaire" ouvre potentiellement une ère de choc des civilisations, la mise en oeuvre dun véritable dialogue entre cultures apparaît non seulement comme nécessaire, mais comme vitale dans le contexte contemporain.
Il apparaît clairement quen ce qui nous concerne, toute réflexion sur les Droits de lHomme dans le dialogue interculturel étant inextricablement liée aux phénomènes de mondialisation, nous ne pouvons pas nous limiter à une approche juridique trop restrictive, mais sommes invités dapprofondir le "mystère du Droit" de manière à éclairer sous un jour nouveau la "structuration du monde comme un tout ", définition de la globalisation donnée par ROBERTSON (1996 : 20). Dans notre optique danthropologue du Droit, le Droit est plus que des textes, des codes ou des déclarations. Il est, pour reprendre une expression de Pierre BOURDIEU à propos de la codification (1986 : 41), ce qui permet de "mettre en forme et mettre des formes", voir daprès Pierre LEGENDRE , "lart dogmatique de nouer le social, le biologique et linconscient pour assurer la reproduction de lhumanité" (in LE ROY 1998a : 38-39).
Nous nous proposerons donc, en nous appuyant principalement sur des démarches développées par Raimon PANIKKAR et suivies par Robert VACHON et sur celles du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris, déclairer au fil des pages suivantes, la voie du dialogue interculturel dans le domaine des droits de lhomme, en vue de la fécondation mutuelle de nos différentes traditions. Ceci nous permettra de recentrer les débats sur les droits de lhomme des paradigmes universalistes et relativistes vers celui dun pluralisme sain et de repenser la relation "unité/diversité" en nous évitant de tomber, pour reprendre des termes dEtienne LE ROY (1994a), dans les écueils soit d"un universalisme hâtif", soit du "ghetto des particularismes". Bref, il sagira de dégager une approche pertinente pour approfondir les conditions dune "culture de la paix" au niveau global à travers la mise en place de fondements dialogiques et pluralistes propices à lémergence et à la réalisation dun projet de société pacifiée véritablement interculturel.
SORTIR DU PARADIGME UNIVERSALISME/RELATIVISME :
DIALOGISME ET PLURALISME
Pourquoi dépasser le clivage universalisme/relativisme ? Et en quoi ce dépassement à travers le dialogisme et le pluralisme constitue-t-il un véritable dépassement plutôt quun consensus mou, une position intermédiaire entre les deux ? Caractérisons schématiquement le paradigme universaliste/relativiste pour le contraster au paradigme dialogique/pluraliste.
La position de luniversaliste, très représentée dans le monde des juristes, est le plus souvent très éthnocentriste. En partant des valeurs de sa propre société pour ensuite les généraliser et les universaliser, luniversaliste se ferme au dialogue. En ignorant la perspective de lautre il senferme dans un monologue qui est potentiellement oppressif à tous ceux qui ne partagent pas ses points de vues et ses valeurs et sinscrit ainsi dans une logique duniformisation, dexclusion et de pouvoir qui ne permet pas léchange et lenrichissement mutuels. Il est mené, à son insu, à favoriser ce quil veut le plus combattre, les particularismes et les replis identitaires qui peuvent être lus dans beaucoup de cas, dans le contexte des droits de lhomme ou de la mondialisation, comme des réactions défensives contre ce que Serge LATOUCHE appelle le "rouleau compresseur occidental" (LATOUCHE 1991 : 8, ABOU 1992 : 16).
A linverse la position du relativiste, plutôt occupé par les anthropologues, "avocats naturels" des sociétés quils étudient, court le risque dabsolutiser la différence. En focalisant son attention sur les différences, le relativiste ne voit plus que les "différences", en oubliant ce qui rend ces différences intelligibles et pertinentes, notre commune condition humaine. Absorbés quil est par les différentes perspectives il en oublie notre horizon commun. Réfléchir à une quelconque universalité des droits de lhomme devient impossible pour un relativiste radical et son droit à la différence risque de se transformer imperceptiblement en "droit à lindifférence" pouvant justifier des "droits à lenfermement", "à loppression", voir "à la mort", comme le fait remarquer Sélim ABOU (1992 : 34-37). Cest pour sortir de ces deux logiques dexclusion, que ce soit par la soumission ou par lindifférence, que nous nous proposons de suivre Raimon PANIKKAR dans sa démarche dialogale et pluraliste pour "repenser" les Droits de lHomme et la "structuration de notre monde comme un tout". Pour Raimon PANIKKAR (1984 : 5) :
"les Droits de lHomme sont une des fenêtres à travers lesquelles une culture particulière se donne la vision dun ordre humain juste pour les individus qui y participent. Mais ceux qui vivent au sein de cette culture ne voient pas la fenêtre. Ils ne peuvent la voir quen faisant appel à laide dune autre culture qui, elle, voit à travers une autre fenêtre. Or, je pose comme postulat que le paysage humain tel quil est aperçu à travers une fenêtre donnée est à la fois semblable à, et différent de la vision quen offre une autre fenêtre. Si tel est bien le cas, devons-nous alors faire voler en éclats les fenêtres et faire de ces multiples points de visée une seule ouverture béante - avec, pour conséquent, le danger deffondrement structurel - ou devons-nous élargir les points de vue autant quil sera possible et, surtout, faire prendre conscience aux gens quil y a - et quil faut quil y ait - une pluralité de fenêtres ? Se rallier à cette dernière évolution est opter en faveur dun pluralisme sain ."
Peut-être est-il utile, avant de continuer notre investigation et afin de mieux expliciter les enjeux de la démarche pluraliste de circonscrire plus précisément notre emploi de "pluralisme" à travers une définition empruntée à Robert VACHON (1997 : 7) :
"Cest léveil non pas au relativisme mais à la relativité ou relationnalité radicale de toute chose, léveil non pas à lautonomie, ni à lhétéronomie mais à lontonomie. La réalité est un tout qui na pas de parties mais des membres. Cest léveil à lautre non pas comme simple objet ou terme dintelligibilité, mais comme source dautocompréhension, comme un tu, irréductible à quelque définition, concept que ce soit. On pourrait dire que cest léveil à lautre, non comme un vide à remplir, mais comme une plénitude à découvrir. Le pluralisme est certes basé sur la perception de la pluralité, mais il inclut aussi une conviction que quelque soit le degré de réalité que nos idées puissent avoir, elles ne sont pas toute la réalité. Cest une attitude fondamentale, une conscience ontique, qui nappartient à aucun échafaudage particulier. Elle surgit quand on reconnaît les limites de la raison et quon ne les identifie pas avec les limites de lEtre, cest-à-dire quand on ne met pas sur le même pied la Pensée et lEtre, quand on ne présuppose pas lintelligibilité totale du réel. Le pluralisme apparaît lorsque la pluralité devient un problème non seulement intellectuel mais existentiel, quand la contradiction devient aiguë et la coexistence impossible, quand on découvre lirréductibilité ultime de nos différences, lunicité totale de chaque être."
Ainsi nous ne nous contenterons pas dans les pages suivantes à relativiser les droits de lhomme en voyant comment ils sont interprétés dans dautres cultures, gardant ainsi toujours implicitement comme référent notre propre culture. En dautres termes, nous ne nous limiterons pas à une simple "relativisation contextuelle" (VACHON 1991 : 1) mais procéderons à un questionnement plus radical des droits de lhomme à travers les yeux dautres cultures. Il ne sagira cependant pas de montrer que les droits de lhomme nont aucune sorte duniversalité. Au contraire, la problématique quils constituent, et dont ils sont lexpression, trouve ses équivalents dans dautres cultures. Cest justement cette reconnaissance dune réalité que nous partageons tous, mais chacun à partir dune perspective qui lui est propre, qui caractérise le pluralisme et appelle une démarche dialogique. Comme le constate Michel ALLIOT (1981 : 169) :
"La question de la protection du droit de la personne correspond à un problème fondamental de la vie en société auquel aucun néchappe : celui de la confiance dans lavenir. Mais en la formulant ainsi, en se référant à des "droits de la personne", on la lie à un modèle sociétal que lOccident prône depuis deux ou trois siècles."
Sil semble exister une problématique universelle liée à la confiance dans notre avenir, les manières de la poser et dy répondre varient dune société à lautre. Le dialogue interculturel simpose donc pour que nous puissions mieux comprendre nos manières respectives de laborder, de la penser, de la poser et dy répondre, ainsi que pour pouvoir enrichir mutuellement nos différentes manières de voir. Notre dilemme actuel de choisir entre universalisme et relativisme nest peut-être, comme nous essayerons de le montrer, lui même que relatif à notre propre point de vue, marqué par limpérialisme de la Raison. Nous devons apprendre dans le dialogue avec les autres cultures à penser le et à côté du ou, à compléter notre logique dexclusion des contraires par une logique de complémentarité des différences et à accepter le caractère fondamentalement plural de la réalité, comme nous lavons déjà suggéré. Mais avant tout devons nous maintenant dégager les fondements dun véritable dialogue interculturel.
LES FONDEMENTS DU DIALOGUE INTERCULTUREL
Notons que par le recentrement de la problématique des Droits de lHomme autour du dialogue et par notre inscription dans le paradigme pluraliste nous sommes dès le départ menés à replacer les acteurs au centre de notre réflexion, restant fidèle en cela à notre perspective danthropologue du Droit et adoptant ainsi un point de vue opposé aux point de vue juridique classique : celui dun droit vivant des acteurs plutôt que celui dun ensemble de normes. Cette démarche ouvre en outre la perspective sur un "Droit négocié" entre nous en vue dun futur partagé, et nous en rendant ainsi responsable, au lieu de nous cantonner dans une perspective dun Droit comme instance tierce et extérieure, comme le "système de protection des droits de lhomme", et qui est en dernière analyse déresponsabilisant. Nous nous plaçons ainsi dans le contexte de lhistoire de TCHOUANG-TSEU dans une position permettant de trancher le noeud gordien de lattente éternelle dun "quatrième" pour nous départager par la reconnaissance du dialogue.
Le dialogue interculturel ne peut pas se résumer à un simple échange de paroles, ni à un dialogue simplement dialectique mais se devra, pour reprendre une distinction de Raimon PANIKKAR (1984b), dêtre dialogique. Dans la terminologie de Raimon PANIKKAR, le dialogue dialectique est fondé sur lassomption que nous sommes tous des êtres rationnels qui peuvent atteindre à la connaissance en vertu du principe de non-contradiction. Ceci présuppose une vue de la réalité comme ayant un caractère objectif et en dernière analyse entièrement connaissable par la Raison, soumettant ainsi la réalité au règne de la Raison et réduisant l"être" à la pensée. Dans cette perspective "deux têtes pensent mieux quune", puisque le débat entre deux "têtes bien faites" permettra de mieux éclairer la nature de lobjet du débat, que cela naurait été possible à un seul penseur. Cependant le dialogue dialectique se limite au domaine du logos. Il se déploie dans le seul cadre délimité par la Raison et présuppose des postulats de départ partagés, rationnels : si lun des interlocuteurs a raison, lautre a forcément tort. On est dans une logique dexclusion des contraires et il devient difficile dans ce cadre de penser en termes de et ce que notre raison a lhabitude de penser en termes de ou (sujet/objet, moi/autre, universalisme/relativisme). Pour pouvoir nous ouvrir au pluralisme, il semble donc que nous soyons invités à compléter notre démarche dialectique par une démarche dialogique (PANIKKAR 1984b : 208-209, VACHON 1995c : 3-4) que nous expliciterons après avoir relevé les dangers dune démarche purement dialectique dans le domaine interculturel - et dautant plus présents dans une réflexion interculturelle sur les droits de lhomme fermement ancrés dans notre tradition moderne rationaliste.
Ignorer les pièges dune démarche purement dialectique dans nos rapports interculturels risque fort de nous barrer à jamais la voie à un véritable dialogue avec l "Autre" nous condamnant à lenfermer dans des constructions ethnocentriques et à lui imposer notre vue du Droit - et de lHomme. Comme lont montré les travaux danthropologie du Droit "comparaison nest pas raison", la mesure de la diversité et des ressemblances nétant "possible, voir même concevable, quà lintérieur dune même culture juridique ou dun ensemble de cultures ayant une origine commune et dont on peut reconstruire la matrice originelle" (LE ROY 1994b : 680). Au delà, la simple comparaison aboutit à des constructions ethnocentriques qui relèvent du principe de "lenglobement du contraire" dégagé par Louis DUMONT dans ses travaux sur la hiérarchie et sur lidéologie moderne (1979 : 396 ss, 1991 : 140-141) : Tout en posant l'"autre" comme égal, et en l'englobant ainsi rationnellement dans la catégorie générale d'"humanité", on se construit implicitement soi même comme point de référence de cette humanité, introduisant ainsi une hiérarchie cachée. On ne tient pas compte du témoignage de l"autre", de son originalité propre. En fait, on considère que nos propres présupposés, nos propres mythes, considérés comme universels, peuvent servir de cadre de référence ultime pour entrer en relation avec lui et pour l"expliquer". Le dialogue est ainsi biaisé et "l'autre" est réduit à une construction comme image inversée de soi même, ne permettant pas de découvrir l "Autre" derrière l "autre". Ce piège est si intimement lié à notre modernité occidentale et à notre manière de construire lautre, quil est utile de sy attarder. Etienne LE ROY (1997a : 26) écrit :
"Sous lapparence dun traitement identique, les sociétés occidentales sont étudiées comme si elles pouvaient naturellement offrir un modèle dorganisation simposant à lensemble des autres civilisations. Fondée initialement sur la "Raison", puis sur la révolution industrielle et sur le progrès matériel, cette conception exprime une "idéologie moderne" qui a été également illustrée par la doctrine des droits de lhomme et du citoyen de 1789 et par les développements de lanthropologie jusquà la fin de la période coloniale au milieu du XXème siècle. De ce fait les différentes écoles anthropologiques qui se sont succédées depuis le milieu du XIXème siècle nont pu aller au delà de laffirmation dun égalitarisme de façade qui, au mieux, adhérait aux idéologies anti-esclavagistes. Que ce soit lévolutionisme (1850-1896), qui considère les sociétés non européennes comme "sauvages" ou "barbares", le diffusionisme (1890-1930) qui suppose que leur capacité dinvention est réduite, le fonctionnalisme (1910-1955) qui survalorise leurs différences ou le structuralisme (1948-1978) opposant les sociétés traditionnelles "froides" aux sociétés "chaudes", prométhéennes et créatrices dhistoire, la "volonté didentification à lautre" passe par le souci de survalorisation de sa propre culture. Il ny a donc pas de place pour une analyse "équitable" des fondements anthropologiques des droits de lhomme tant que loccidentalocentrisme reste de règle."
Il semble donc que si le dialogue dialectique peut se révéler un outil fort utile pour éclairer des objets à lintérieur dun cadre de référence déterminé, il se révèle insuffisant voir contreproductif dès lors quon essaye de dialoguer entre cultures différentes ayant des cadres de référence différents. Comme le remarque Robert VACHON à propos du Droit (1990 : 164-165) :
"Il existe (...), à travers le monde, non seulement plusieurs variantes, modalités et applications de ce que lOccident nomme le droit, mais plusieurs systèmes, ou mieux, "cultures juridiques", dont les différences ne sont pas simplement procédurales mais se situent au niveau substantiel, à savoir au niveau profond de leurs postulats réciproques. Différences si radicales quon pourrait même dire quil ny a rien même danalogue entre elles. Ce sont des cultures juridiques homéomorphes (...), cest à dire si substantiellement différentes au niveau de leurs natures mêmes et de leurs postulats, quon ne saurait parler que déquivalence fonctionnelle entre elles."
Pour pouvoir aborder ces autres "cultures juridiques" dans leur originalité on sera donc mené à compléter la démarche dialectique par une démarche dialogale. Celle-ci repose sur le postulat "que nous sommes des êtres croyants et relationnels" et que la réalité nest pas "totalement objectifiable, ultimement parce que moi-même, et toi-même, sujets connaissants, en faisons aussi partie en tant que sujets connaissants, et quaucun connaissant ne saurait être connu en tant que connaissant - il deviendrait alors le connu et non le connaissant - et que donc je suis et tu es (et pas seulement un cela est)." (VACHON 1995c : 4). Ainsi le dialogue dialogal ne consiste pas tellement en un dialogue sur un objet (qui remarquons le nest jamais "objectif" mais toujours construit par un des interlocuteurs à partir de son cadre de référence et (im)posé au dialogue a priori), mais plutôt en un dialogue entre sujets, où laccent est déplacé de ce dont on parle vers ceux qui parlent et qui devient ainsi un lieu de partage et de dévoilement mutuel des sujets, les menant à se découvrir soi-même en découvrant lautre (PANIKKAR 1984b : 209). Le dialogue dialogique se situe donc plutôt au niveau de la rencontre de témoignages que de léchange darguments rationnels, et nous invite à un voyage à travers nos différentes logiques (dia-logoi) qui en se rencontrant permettent le dévoilement mutuel des mythes (mythoi) respectifs doù ils originent, dans lesquels nous nous inscrivons et à travers desquels nous appréhendons la réalité. Il est donc fondamentalement diatopique, puisquil nous oblige pour comprendre les discours et les pratiques de lautre de les replacer dans la vision du monde dans laquelle ils sinscrivent, dans le mythe qui leur donne cohérence et sens, et nous oblige à ne plus raisonner en simple termes de comparaison à nos institutions mais en termes déquivalences homéomorphiques (ALLIOT 1983, LE ROY 1990, PANIKKAR 1984, VACHON 1990).
Comme le note Norbert ROULAND (1989 : 77) "On ne peut définir le droit, mais seulement le penser". Attelons nous alors maintenant à nous émanciper dune pensée uniquement occidentale et dialectique du Droit pour le penser de manière non-ethnocentrique et dialogale en lapprochant à travers les différentes perspectives culturelles. Ceci nous permettra de suivre André-Jean ARNAUD dans son invitation à "Repenser un droit pour lépoque post-moderne" (1990) et de proposer un modèle plural et plus particulièrement "tripode" du Droit, qui pourrait servir de cadre pour réfléchir de manière interculturelle à la problématique des Droits de lHomme et à en donner une vue plus complète quune approche simplement "moderne" .
"PENSER DIEU - PENSER LE DROIT" ...
COMME TRIPODE ?
Notons que le but de cet article étant de nous ouvrir à une démarche dialogale pouvant nous mener vers un pluralisme sain, cest avant tout un paradigme de pensée que nous essayons dapprocher en proposant des modèles qui peuvent nous y aider. Or comme nous le rappelle André REGNIER (1971 : 18-19) :
"Le modèle constitue une représentation du phénomène à la fois simplifiée et globale. En effet, on ne fait pas un modèle pour présenter toutes les propriétés dun phénomène, toutes les relations que les êtres ont entre eux, tous les aspects du fait concret. Au contraire, on envisage le phénomène dun certain point de vue (...) On abstrait certains aspects du concret, ce qui simplifie. Par ailleurs les aspects retenus ne sont pas arbitraires ; ils sont choisis dun certain point de vue, mais tous ceux qui importent à ce point de vue doivent être choisis, ce qui rend globale la représentation fournie par le modèle."
De même, la présentation de ce qui suit est elle aussi une présentation simplifiée et synthétique des démarches relatives aux Droits de lhomme développées au Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris depuis plus dune quinzaine dannées en vue de nous permettre de nous engager sur la voie dun pluralisme sain. Le lecteur aura donc tout intérêt de mettre en perspective cette présentation par une lecture des autres travaux du Laboratoire, plus particulièrement de ceux de Michel ALLIOT et dEtienne LE ROY (voir bibliographie).
Dans son article "Anthropologie et Juristique" (1983), texte fondateur pour les démarches du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris relatives à la problématique des Droits de lHomme dans le dialogue interculturel et où il réfléchit aux conditions de lélaboration dune science du droit non-ethnocentrique, Michel ALLIOT constate que :
"Sil y a un trait commun entre toutes les sociétés, cest bien que chacune construit son propre univers mental, porteur de modèles fondamentaux et dispensateur de sens, que révèlent à la fois la vision du monde visible et invisible de chacun de ses membres (...) Si les luttes et les consensus dont les effets constituent lobjet de la science du Droit sont ceux qui interviennent dans les domaines quune société considère comme vitaux pour elle, cest bien la vision quelle a du monde et delle même qui définit pour elle les limites de la juridicité. (...) Qui veut comprendre la forme et les institutions juridiques dune société a donc intérêt à les rapporter non aux institutions de sa propre société - le rapprochement serait superficiel - mais à lunivers de celle dans laquelle il les observe." (1983 : 214-215) ce qui le mène à satteler à une "exploration des archétypes à loeuvre dans les systèmes juridiques, (à) une analyse des logiques qui les caractérisent et (à) une étude des rapports entre archétypes et logiques à partir desquels devraient être élaborés les modèles nécessaires à la constitution dune science du Droit." (1983 : 208).
Nous allons nous intéresser plus particulièrement à trois archétypes et à deux logiques déjà dégagées par Michel ALLIOT dans ce texte, ce qui nous permettra de proposer le modèle dun droit tripode pour formaliser la rencontre des cultures autour de la problématique des droits de lhomme. Ces trois archétypes sont larchétype didentification illustré par lunivers confucéen, larchétype de différenciation illustré par lunivers des sociétés animistes et larchétype de soumission illustré par lunivers des religions du Livre. Quant aux logiques, nous distinguerons celle institutionnelle des sociétés valorisant lêtre sur la fonction et remettant leur destin à un pouvoir supérieur et celle fonctionnelle des sociétés valorisant la fonction sur lêtre et responsables delles-mêmes.
Dans lunivers confucéen, le monde est infini dans lespace et dans le temps et se fait et se défait inlassablement au cours de périodes cosmiques dans un dynamisme qui lui est propre. Il nest pas gouverné par des lois extérieures mais s"autogouverne" spontanément à travers le jeu du yin et du yang (ALLIOT 1983 : 216, LE ROY 1995a : 15). Dans cet univers "il y a identité entre lordre cosmique et lordre humain et recherche dune harmonie entre ces ordres par le principe de lautodiscipline qui est inscription de lindividu dans le cosmos" (LE ROY 1995a : 15). Cest dans ce sens quon peut parler darchétype didentification. Lautodiscipline sacquiert par une éducation et par un respect des rites (li), visant à un perfectionnement de lindividu et rendant ainsi toute contrainte inutile (ALLIOT 1983 : 216). Ainsi le droit (fa) ne se voit assigné quun rôle très relatif par rapport au li dans lorganisation des rapports sociaux et est relégué à gérer les rapports avec les impies et les mécréants, qui nobservent pas le li, ou avec les étrangers qui ne le connaissent pas. (LE ROY 1995a : 16).
Lunivers animiste, caractérisant des sociétés diverses de notre planète, est fondée sur lidée que lunivers est construit sur la base dune circulation permanente dénergies distinctes, qui dans leur mouvement visent "à lharmonie et à léquilibre de lensemble des facteurs par la recherche de leur interdépendance et de leur complémentarité" (LE ROY 1995a : 19). Conçu sur la base dinstances multiples, spécialisées et interdépendantes, il est ainsi fondé sur un archétype de différenciation. Dans cette vision du monde cest la différence qui est conçue comme base de lunité, valorisant ainsi pour maintenir la cohésion de la société laffirmation de groupes divers qui ont besoin lun de lautre et sont donc nécessairement complémentaires et solidaires, et attribuant aux hommes qui ne peuvent se retourner vers une instance supérieure une grande responsabilité dans le maintien de lordre (ALLIOT 1983 : 219-221). Cette vision du monde sexprime dans la manière de penser le Droit à travers la coutume qui "nest pas un être, comme serait un corpus de lois" mais "la manière dêtre, de parler, dagir qui permet à chacun de contribuer au mieux au maintien de la cohésion du groupe" et qui valorise toujours la recherche dune "solution qui se dégage "dans le ventre du village", cest à dire à lintérieur du groupe qui a vu naître le problème et en valorisant la référence aux "modèles de conduite et de comportement" (ALLIOT 1984 : 277, LE ROY 1995a : 19). Cet archétype plural et sa logique de responsabilisation sont aux antipodes de notre propre vue du monde.
Cette dernière est fondée sur la vision dun monde créé et régi par lextérieur par un créateur unique et éternel. Elle se caractérise donc par un archétype de soumission qui saccompagne dune logique duniformisation et de déresponsabilisation. Michel ALLIOT écrit:
"(...) pour loccident chrétien Dieu est Celui qui est avant dêtre celui qui crée : il Est de toute éternité, il aurait pu ne pas créer, ou créer autrement. En lui lEtre prime laction. A son image, les occidentaux affirmeront le primat de lêtre sur la fonction. (...) De même il nest pas indifférent de savoir que pour loccident chrétien le Dieu unique est radicalement extérieur à sa création, quil la recrée à chaque instant et quil la gouverne souverainement par la contrainte uniforme de ses lois et décrets." (1984 : 271) "Le modèle de ces sociétés est le recours au père : elles sen remettent à un Dieu ou à un Etat du soin de les guider (...) La société est alors décentrée : elle projette son centre en dehors delle même; au dessus delle même. Les rapports entre ces membres changent totalement. Il ne sagit plus de rechercher à chaque instant entre soi lattitude juste. Lattitude juste, cest de se conformer au système de règles établi par le pouvoir ou, si elles ne sont pas satisfaisantes, de réclamer une nouvelle loi, une nouvelle réglementation." (1983 : 234).
Or cest uniquement à partir de cette troisième vision du monde, et plus spécifiquement à travers le prisme de lEtat moderne, "avatar" laïcisé du Dieu judéo-chrétien (ALLIOT 1983 : 226) et qui dans sa "renaissance" sest métamorphosé dun archétype "unitaire" en archétype "unitariste" (LE ROY 1995a : 14-15) que nous avons pour linstant pensé les droits de lhomme, ce qui nous confronte aujourdhui à un double problème : non seulement devons nous enrichir nos démarches dans le dialogue avec les autres cultures, mais encore et surtout devons nous apprendre à penser le pluralisme, le caractère fondamentalement plural du Droit, pour pouvoir entrer véritablement en dialogue avec les autres cultures sans les englober dans la notre et ainsi nous interdire de reposer la problématique des droits de lhomme de façon véritablement interculturelle. Il ne sagit pas uniquement de nier explicitement lunité en parlant par exemple de pluralisme juridique - tout en la gardant implicitement comme référent - mais plus fondamentalement de nous émanciper dune pensée de la diversité ou de la pluralité en référence à un cadre déterminée par des idées dégalité ou duniformité. Pour Etienne LE ROY (1998a : 37) :
"Il savère donc indispensable, pour penser de manière plurale le pluralisme, de rompre avec le credo de lunitarisme pour ne retrouver lunité que la où elle simpose comme somme de données identifiées (principe daddition) et non comme un ensemble dont une partie des constituants font lobjet de récusation ou de réduction (principe de soustraction).
Pour ce faire, il faut accepter de penser le jeu social comme fondé sur des éléments constitutifs à la fois spécifiques et irrémédiablement complémentaires (...)"
Dans notre cas cela signifie de ne pas nous arrêter à penser le Droit de manière plurale par une reconnaissance dune pluralité de ses sources dans le champ étatique, mais plus fondamentalement en prenant en compte la pluralité des appartenances et la diversité des modes de régulation dans la société (LE ROY 1997a : 28). Il ne sagit donc pas non plus de se contenter de la reconnaissance dune pluralité des sources dun Droit (même non-étatique) et de lexistence de situations soumises à différents droits simultanément - tout en continuant à penser le Droit lui même comme quelque chose dhomogène et duniforme.
Il sagit plutôt de rendre compte du pluralisme du Droit même : le Droit nest pas une réalité monolithique, mais ne peut être compris que si lon tient compte des différents "éléments" qui le constituent et qui sont conceptualisés pour linstant au Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris comme différents ordonnancements sociaux (LE ROY 1995b : 34-36). Les enseignements que nous a apporté notre détour par les autres cultures juridiques, nous permet déclairer ces différents ordonnancements que constituent lordre imposé, négocié et accepté. En effet, si comme nous lavons montré, différentes cultures juridiques pensent différemment le Droit, elles mettent par là en lumière les différents modèles de socialisation quelles valorisent particulièrement. Or ces modèles ne semblent pas contradictoires mais plutôt complémentaires et les travaux anthropologiques récents semblent montrer quon les retrouve dans toutes les sociétés bien que valorisés de manières différentes (LE ROY 1997b : 128 - 130). Ceci nous permet, en suivant Etienne LE ROY, de commencer à réfléchir en termes de "multijuridisme" (LE ROY 1998a) plutôt quen termes de simple pluralisme juridique en pensant un "Droit tripode" dont les trois pieds, les lois et les codes, les coutumes et les habitus correspondent aux ordres imposé, négocié et accepté et ont été respectivement illustrés ci-dessus par les archétypes de soumission, de différenciation et didentification :
"Ma démarche comparative, spécialement pour ce qui concerne les fondements anthropologiques des droits de lhomme (...), mautorise à considérer que, de manière générale, la socialisation des êtres humains dans la perspective de reproduction de lhumanité peut sopérer fondamentalement par les lois et les codes qui réunissent et ordonnent des règles prescriptives, générales et impersonnelles, par les coutumes qui expriment et condensent des modèles de conduites et de comportements, et enfin par les habitus qui sont, dans la définition de Pierre Bourdieu, des systèmes de dispositions durables, plus ou moins ritualisés." (1997b : 129).
Cette approche, tout en nous obligeant à approfondir lanalyse des fondements et de la mise en oeuvre de la logique institutionnelle caractéristique de notre tradition occidentale en rapport avec une explicitation de la logique fonctionnelle particulièrement caractéristique des sociétés animistes (voir déjà LE ROY 1998b), pourrait permettre de "traduire les exigences éthiques de la tradition occidentale tout en louvrant à dautres valeurs et à dautres représentations, de nature pluraliste" et on pourrait peut-être ainsi "échapper aux effets de larchétype "unitariste" de lOccident et fonder une approche largement interculturelle." des droits de lhomme (LE ROY 1995a : 26). Notons que dans le cadre de la réflexion sur un droit tripode, il peut se révéler intéressant dapprofondir larchétype indien, dégagé par Raimon PANIKKAR (1984), que nous avons laissé de côté dans cette présentation. En effet, celui-ci semble constituer une sorte de plaque tournante entre les trois archétypes présentés ci-dessus, et sarticule autour de lidée de dharma qui "est ce qui maintient, confère la cohésion et, par là, la force à toute chose donnée, à la réalité, et en dernière analyse aux trois mondes (triloka)" (PANIKKAR 1984 : 17), nous ouvrant ainsi à une perspective cosmothéandrique de la réalité que nous développerons dans notre prochaine et dernière partie. Car si notre approche nous a pour linstant ouvert à un pluralisme dans le champ juridique, il nous a par là aussi ouvert, comme nous allons maintenant le montrer, la porte à un pluralisme dans notre manière de penser lHomme doù en dernière analyse aussi la Réalité.
VERS UN PLURALISME SAIN DANS NOTRE VISION
DE LHOMME ET DE LA RÉALITÉ
Comme nous lavons remarqué plus haut notre démarche dialogique, en valorisant la perspective, le témoignage des participants au dialogue, a mis au centre de nos préoccupations lacteur, justifiant ainsi le choix de notre démarche anthropologique, et nous a obligé à aborder le pluralisme. Comme le remarque justement Jacques VANDERLINDEN (1989 : 153), cest en prenant la perspective de lindividu, plutôt que celle du "système juridique" quémerge la problématique du pluralisme dans le domaine du Droit, lindividu se trouvant confronté dans sa vie quotidienne à une multitude dordres régulatoires relatifs à ses différentes inscriptions sociales. Comme le notent Luc BOLTANSKI et Laurent THEVENOT à propos de nos sociétés occidentales dans un travail sur la justification (1991 : 266-267) :
"(...) dans une société différenciée, chaque personne doit affronter quotidiennement des situations relevant de mondes distincts, savoir les reconnaître et se montrer capable de sy ajuster. On peut qualifier ces sociétés de "complexes" au sens où leurs membres doivent posséder la compétence nécessaire pour identifier la nature de la situation et traverser des situations relevant de mondes différents (...) Bien que le jeu soit étroitement limité par le dispositif de la situation, un modèle à plusieurs mondes donne aux acteurs la possibilité de se soustraire à une épreuve et, prenant appui sur un principe extérieur, den contester la validité ou même de retourner la situation en engageant une épreuve valide dans un monde différent. Il inclut par là la possibilité de la critique dont les constructions déterministes ne parviennent pas à rendre compte."
Penser le pluralisme du Droit - puisque dans notre présentation nous sommes partis de la réflexion sur le Droit - nous oblige à penser le pluralisme de la personne, à penser le "je" comme ayant du "jeu" nous permettant ainsi de jouer le je(u) social voir les je(ux) sociaux. Cette reconnaissance du pluralisme nécessite une analyse dynamique pour pouvoir rendre compte de la complexité des situations et des processus et peut se faire sous la forme dun "jeu de loie", comme au Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris, où l"oie" consiste dans la découverte des "Lois" régissant le jeu social et quon approche en suivant les cases du statut des acteurs, des ressources, des conduites, des logiques, des échelles, des processus, des forums, des ordres sociaux et des enjeux (voir par exemple : LE ROY 1998b : 252-254).
Mais il nous semble que dans le cadre dun dialogue interculturel sur les Droits de lHomme, nous pouvons découvrir un pluralisme encore plus radical et encore plus fondamental que celui du Droit et de la personne que nous avons développé jusquici : il sagit au delà dun pluralisme conceptuel, du mythe du pluralisme tel que défini plus haut par Robert VACHON (et voir 1995b : 6-7). En effet, tout en pensant un certain pluralisme dans le domaine du Droit et de la "personne", nous sommes cependant restés dans une perspective anthropocentrique qui caractérise notre culture occidentale. Sil est légitime de commencer à partir de ce cadre puisque cest dans ce cadre que la pensée actuelle des droits de lhomme a son origine et quil constitue encore le paradigme des théories et pratiques contemporaines des droits de lhomme, il me semble que nous devons petit à petit apprendre à nous en émanciper. Si pour linstant il peut sagir surtout - en vue de ne pas tomber dans le "ghetto des particularismes" ou de ne pas nous limiter à formuler des théories coupée des réalités pratiques des droits de lhomme - denrichir la tradition occidentale des droits de lhomme, en trouvant "des ensembles sécants entre les valeurs, les représentations et les formulations des modes de protection des droits de lhomme en tentant, au moins en première approximation et pour réduire le caractère "révolutionnaire" de ce type de démarche, de respecter certains énoncés de la tradition occidentale" (LE ROY 1997 : 27-28), il ne faut cependant pas senfermer dans cette démarche et oublier que dautres cultures adoptent une perspective plus cosmo- ou théocentrique sur la Réalité. Dans les quelques lignes suivantes nous allons tenter débaucher une perspective possible pour construire un pont à partir de notre tradition des droits de lhomme vers "autre chose" qui pourrait dans le futur compléter nos démarches actuelles relatives aux droits de lhomme et qui serait véritablement ancré dans un mythe pluraliste de la réalité . Raimon PANIKKAR (1984a : 22) remarque :
"Sil est vrai que de nombreuses cultures traditionnelles ont Dieu pour centre, et que certaines autres sont fondamentalement cosmocentriques, la culture qui est apparue avec la notion des Droits de lHomme est nettement anthropocentrique. Peut-être devons-nous maintenant nous tourner vers une vision cosmo-théo-andrique de la réalité, dans laquelle le divin, lhumain et le cosmique sont intégrés en un tout, lequel est plus ou moins harmonieux selon que nous exerçons plus ou moins complètement nos véritables "droits humains" .
Il semble donc pertinent, comme nous lavions remarqué au début de cet article de lier la réflexion des droits de lhomme dans le dialogue interculturel à une réflexion plus générale sur notre condition globale et sur nos rapports avec les autres, la nature, les générations futures, la vie, "Dieu", sans toujours forcément aborder ces questions à travers le prisme juridique (occidental) en termes de "droit à ..." (à lidentité, à lenvironnement, à la vie...), ou "droit de" (des générations futures, de la nature ...) mais en les éclairant dans un véritable dialogue interculturel à travers les différentes perspectives - ou "fenêtres" - culturelles. Si dans son contexte nous sommes daccord avec la remarque de Federico MAYOR, directeur général de lUNESCO, qu "Une paix durable est la condition préalable de lexercice de tous les droits et devoirs de lêtre humain.", et a ainsi un caractère fondamentale, il nous semble cependant que construire de ce fait la paix comme un "droit" fondamental, lincorporant ainsi dans notre vue du monde et l "instrumentalisant" en la ramenant du domaine du mythos à celui du logos (du symbole au droit), on limite les potentialités que pourrait renfermer un dialogue entre la tradition des droits de lhomme, qui peut être lue comme une tradition de Paix, avec dautres traditions de Paix. Il semble primordial pour pouvoir entrer en véritable dialogue interculturel sur des questions aussi essentielles daccepter lexistence de manières ultimement différentes pour les poser et y répondre et ainsi de nous inscrire dans le mythe dun pluralisme sain, en nessayant pas de "trouver" une unité mais plutôt de vivre dans la complémentarité de nos différences. Il nous semblerait pertinent dans ce sens dapprofondir la notion de culture(s) de la paix (que nous préférerions mettre au pluriel) proposé par lUNESCO en 1994 et ses relations possibles avec les droits de lhomme afin de réfléchir de manière interculturelle à lidéal dune "bonne vie" et dune société pacifiée. Comme lécrit Robert VACHON (1995a : 10-11) :
"(...) la paix ou la réconciliation nest pas une simple question daménagement fonctionnel, rationnel, administratif, une question de négoce, daffaires. Ce nest pas non plus une simple question même de calcul, de mesure, de volonté et dintelligence de part et dautre. Elles requièrent certes un horizon commun, mais pas nécessairement une doctrine commune, ni que nous ayons les mêmes idées et valeurs. De plus une synthèse ne suffit pas. La paix est une question qui fait appel non seulement à une couche plus profonde de nos êtres - la confiance en soi et en lautre - mais aussi à lengagement de lêtre tout entier de chacun des interlocuteurs, et donc à la communion et à lêtre ensemble.
(...) laccord et la concorde ne requièrent pas nécessairement une unité formelle, idéologique, doctrinale, une théorie universelle, une culture commune - au sens dhomogénéité - où les différences disparaissent dans un dénominateur commun. Bien au contraire, laccord / concorde appelle des différences (irréductibles les unes aux autres ou à un troisième) mais dans la non-dualité. Donc ni monisme, ni dualisme, mais acceptation mutuelle des différences (dans la non-dualité). Les différences rehaussent justement la qualité de la concorde, de lharmonie et de la paix. Elles sont une condition requise pour lharmonie. La concorde et la paix, cest lharmonie, non pas malgré, mais dans et à cause de nos différences."
Nous voilà donc de retour à la case départ, à lenseignement de TCHOUANG TSEU que Liou KIA-HWAY explicite dans la préface comme suit :
"Ce qui divise les hommes et cause leur conflit perpétuel, cest que chacun croit avoir raison, soppose à toute opinion différente, affirme et nie catégoriquement. Dépasser toute affirmation catégorique, toute négation tranchée, et apercevoir la complémentarité dune affirmation et dune négation données, voilà le salut de lhomme. Il sait apprécier à leur juste mesure les opinions humaines qui sexcluent les unes les autres. Ainsi, nous découvrons une vérité qui découle de nos dons et de nos expériences. Mais notre propre vérité nimplique-t-elle pas une erreur, due à cette vérité même? Elle ne possède évidemment pas une autre perfection qui caractérise une autre vérité propre à un autre homme ayant dautres dons et dautres expériences. Dans ces conditions, nous devons réagir efficacement contre notre tendance naturelle à exagérer notre vérité, à minimiser notre erreur. La même raison, fondée sur la relativité universelle, nous conduit à la découverte de la vérité des autres hommes. En remarquant lerreur dautrui, nous devons nous demander si, derrière cette erreur évidente, il ne possède pas en même temps, une autre vérité qui lui soit propre, et qui appelle notre estime. En résumé, celui qui parvient à découvrir que sa propre vérité est partielle, sujette à lerreur, et que lerreur dautrui implique bien souvent une vérité à beaucoup dégards instructive, celui-là seffacera volontairement et respectera autrui." (TCHOUANG-TSEU, 1997, 18-19)
Cest sur cette invitation au respect à travers la reconnaissance du pluralisme de la réalité et de limportance du dialogue que nous conclurons cet article en espérant quil aura su poser quelques jalons pour nous permettre dans le cadre de la problématique des Droits de lHomme daborder un pluralisme sain à travers le dialogue interculturel et en vue de nous permettre linvention dun futur partagé et pacifié dans la complémentarité de nos différences.
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