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groupe de travail Droits de l'Homme et Dialogue Interculturel

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LES FONDEMENTS ANTHROPOLOGIQUES ET PHILOSOPHIQUES DES DROITS DE L'HOMME

 

 

 

L'universalité des droits humains peut-elle être fondée sur le principe de la complémentarité des différences ?

 

 

Sommairede l'enseignement donné pour la 28ème session

de l'Institut International des Droits de l'homme de Strasbourg en 1997

 

 

 

 

                                               par Étienne Le Roy (leroylaj@univ-paris1.fr)

                                               Professeur d'anthropologie du droit

                                               Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

 

 

 

 

 

Introduction

 

A la suite de premiers travaux africanistes soulignant le dialogue de sourds entre les conceptions endogènes et celles officialisées par les législations des nouveaux États, c'est la revue québéquoise Interculture (1) qui a posé les termes actuels d'un débat que nous retrouverons dans le premier chapitre. On soulignera en outre le rôle, exceptionnel à nos yeux, de la division des droits de l'homme et de la paix de l'UNESCO qui a fait sienne en 1991 une proposition écrite du Mouvement international des juristes catholiques, sous le titre "anthropologie juridique et droits de l'homme", en vue de "promouvoir une recherche internationale et multidisciplinaire dont les résultats seraient exposés dans une série de conférences tenues sous l'égide de l'UNESCO, échelonnées sur trois ou quatre ans. Ce thème de recherche est ainsi proposé aux directeurs des instituts de droits de l'homme afin de surmonter les clivages inter-ethniques et leurs conséquences" (2).

 

- Le débat

Ces propositions sont d'autant plus urgentes à concrétiser que la critique du caractère occidental de la déclaration "universelle" de 1948 a été portée en 1993 sur la scène politique internationale dans le cadre de la préparation à Bangkok puis de la tenue à Vienne de la conférence mondiale sur les droits de l'homme. Selon les termes d'un observateur, Christopher Reardon, cette conférence a relancé "un difficile débat". Pour l'apprécier, il convient de citer quelques extraits de cet article :

 

"L'un des principaux clivages idéologiques qui est apparu opposait certains gouvernements d'Asie, du Moyen Orient et d'Afrique du nord à pratiquement tous les autres participants. Mené par la Chine et l'Indonésie, ce groupe représentait que les droits individuels sont relatifs culturellement et que l'application de normes internationales dans ce domaine devrait prendre en considération les facteurs économiques. Suivant ce raisonnement, les fragiles démocraties du monde en développement doivent accorder plus de poids aux droits de la collectivité qu'à ceux des individus qui risquent de menacer leur stabilité. "Les droits individuels sont d'une importance vitale, dit le ministre des Affaires étrangères d'Indonésie Ali Alatas, mais les efforts visant à accélérer le développement national le sont tout autant. Quand les intérêts sont en conflit, dit-il, c'est le développement qui doit primer" (3).

 Ce faisant, ces autorités n'expriment pas seulement les exigences d'États autoritaires mais aussi des valeurs de civilisation spécifiques que nous retrouverons, par exemple celui de la réciprocité des droits et des obligations :

 Pour Ali Alatas, "L'application des principes des droits de l'homme implique des relations équilibrées entre les droits individuels et les obligations des individus envers leur communauté. Sans cet équilibre, les droits de la communauté pourraient être méconnus, ce qui conduit à l'instabilité et à l'anarchie..." (ibidem).

 

Certes, la formulation finale retenue par la conférence de Vienne, très diplomatique et ainsi enrobée dans la "langue de bois"(4), réduit la portée de cette remise en situation historique et culturelle de la déclaration universelle de 1948. Citons les termes du point 5 de la déclaration finale adoptée à Vienne le 25 juin 1993 :

 

" -5 : Tous les droits de l'homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés. La communauté internationale doit traiter des droits de l'homme globalement, de manière équitable et équilibrée, sur un pied d'égalité et en leur accordant la même importance." S'il convient de ne pas perdre de vue l'importance des particularismes nationaux et régionaux et la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des États, quel que soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales." (5)

 

Cette formulation est d’une grande prudence. Elle n'en est pas moins une indication impérieuse d'un besoin renouvellé de fonder les instruments internationaux sur des conceptions moins occidentales.

 

 

- L'anthropologie et le défi de la post-modernité.

 

Dans les dernières lignes de cette introduction, il ne s'agit que de caractériser, en quelques mots, comment l'anthropologie contemporaine, assumant son héritage historique, aborde la contradiction fondamentale de prétendre à la fois rendre compte des phénomènes d'altérité dans le langage de cultures occidentales qui les ont largement niés et, d'autre part, construire des explications de la rencontre des cultures qui puissent prétendre à l'universalité.

 

S'il s'agit bien d'une "prétention" qui reste toujours relative aux contextes d'énonciation de ces "savoirs sur l'homme" (anthropos / logoi), on peut cependant relever trois orientations complémentaires qui contribuent sinon à régler tous les problèmes, au moins à mieux orienter les problématiques.

 

- Tout d'abord, l'anthropologie associe de manière interdépendante la question de l'altérité (posée par J.-J. Rousseau mais dévoyée ensuite comme nous le constaterons ultérieurement) à celles de la complexité et de l'humanité. Posant le postulat que toutes les sociétés sont des constructions complexes et aléatoires, appréhendées à partir de "faits sociaux totaux", notre point de vue d'anthropologues expérimente de nouvelles "épistomologies" dites "de l'opacité", en acceptant de remettre en cause certains savoirs pour mieux en appréhender les nouvelles virtualités (7). Quant au troisième terme de la problématique, la notion d'humanité, c'est sans doute celle qui continue à nous poser les questions les plus angoissante puisque nous n'avons cessé, depuis Diogène, de "chercher l'homme" mais que nous avons enfermé cette quête dans des anthropoligies particulières sans nous interroger sur le sens des visions du monde qui la déterminent.

 

- L'anthropologie actuelle se veut, en outre, "dynamique" ou diachronique. S'inscrivant dans le temps long des savoirs, et confrontant leurs conditions d'énonciation, au nord comme au sud, elle sélectionne un ensemble de variables qui d'une part peuvent fonder une démarche réellement transdisciplinaire et, d'autre part, valorisent l'incidence des logiques sur le comportement des acteurs ; la confrontation des enjeux de société et l'identification des "règles du jeu" au fondement de nos régulations. Aux États-Unis et en France, on parle d'une analyse "processuelle" comme caractérisant le mieux cette nouvelle anthropologie que nous appliquerons dans la suite de cet enseignement.

 

- Enfin, notre anthropologie s'est efforcée de rompre avec le "principe de l'englobement du contraire" fondant la science moderneet dont on s’expliquera. De ce fait, la démarche comparative s'est développée à partir de nouveaux outils : la conception de modèles comme "représentations simplifiées mais globales" des questions traitées ; l'usages de "concepts homéomorphes" pour traiter de réalités différentes ; et l'exigence d'une approche à la fois "diatopique" (pour prendre en considération les divers sites culturels, topoÏ) et dialogale (pour tenir un langage explicatif commun à l'ensemble des cultures et des discours, logoï) (8).

 

L'anthropologie est ainsi affrontée à la question de la "post-modernité", que nous préférons considérer comme "sortie de modernité" ou “ trans-modernité ”et que nous retrouverons également au fil et cet enseignement, en particulier dans la seconde partie.

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE : EN QUOI L'UNIVERSALITÉ DES DROITS DE L'HOMME EST-ELLE UN PROBLÈME

 

 Pourquoi l'universalisme est-il un "requis" plutôt qu'un "acquis" ?

 

La distinction entre le "requis" et "l'acquis" a été élaborée par le philosophe Raymundo Panikkar dans un texte de la revue Diogène, reprise ensuite par Interculture (précité). Son intitulé, présenté sous une forme interrogative, "La notion de droits de l'homme est-elle un concept occidental ?", pose une question dont nous pouvons deviner la réponse.

 

Approfondir cette question, ce n'est pas récuser toute possibilité d'universalisation mais s'interroger sur l'anthropologie singulière qui a donné naissance, dans les cultures judéo-chrétiennes, voire indo-européennes, à la vision du monde qui autorise la conception des droits de l'homme.

 

Chapitre un : l’universalité en question

I- Les arguments de R. Panikkar

 

Pour l'auteur, c'est "en tant que symbole" que les droits de l'homme peuvent accéder à l'universel. Si par symbole nous entendons un signifiant qui renvoie à de multiples signifiés et ne peut ainsi être épuisé par l'un d'entre eux, on peut en déduire que les droits de l'homme renvoient à une symbolique, c'est à dire des valeurs et des représentations qui, pour être universelles, doivent être effectivement universalisées non par la seule oeuvre de la Raison, toujours liée à une conception inhérente à une culture ou à une tradition mais par la confrontation des valeurs et des représentations que nous partageons à partir de la reconnaissance de notre commune humanité et que nous devrons protéger contre toute dénaturation.

 

- Panikkar souligne tout d'abord que l'universalisme est discuté au sein de la tradition occidentale, par la théologie, le marxisme ou au nom de l'histoire. "Si, en outre, on adopte une attitude d'esprit transculturelle, le problème apparaîtra comme exclusivement occidental, c'est-à-dire que c'est la question elle-même qui est en cause (...) Ce qui est en question, ce n'est pas seulement la réponse, c'est le problème lui-même" (9).

 

Or, "la critique transculturelle n'invalide pas la déclaration des droits de l'homme mais propose de nouvelles perspectives pour une critique interne et trace les limites de la validité des droits de l'homme, tout en offrant de nouvelles possibilités à la fois en vue d'un élargissement de son domaine de juridiction (...) et en vue d'une fécondation mutuelle entre la Déclaration et d'autres conceptions de l'homme et de la réalité" (op. cit. p.14).

 

“ Les droits de l'homme , dit-il, accèdent à l'universel comme expression de valeurs communes au genre humain : toute la nouveauté de la Déclaration réside précisément en cela ; dans l'affirmation que tout être humain, du simple fait qu'il est humain, est doté de droits inaliénables qui tous doivent être respectés" (op. cit. p. 15). Mais ils n'y accèdent plus quand on examine leurs modes d'expression : "parce que toute culture exprime son expérience de la réalité et de l'humanum par des concepts et des symboles qui appartiennent à cette tradition et, comme tels, ne sont pas universels, et, très vraisemblablement pas universalisables" (Ibidem).

 

Ainsi, aborder les droits de l'homme comme un symbole, c'est poser le vrai problème d'une déclaration générale qui s'est, en fait, déterminée dans une culture et qui s'est développée "au nom du Dieu unique, de l'Empire unique, de la Religion unique, et ce qui est fait aujourd'hui sous l'égide de la science unique et de la technologie unique" (op. cit. p.16).

 

II - Ce qui fait problème : une certaine vision du monde impliquant des modes spécifiques de protection des droits de l'homme.

 

La pratique d'une "anthropologie du détour", pour R. Panikkar par les sociétés indiennes, dans notre cas par les sociétés africaines, permet de dévoiler les fondements anthropologiques de la conception occidentale. En effet, seul ce détour par d'autres civilisations permet d'identifier ce qui apparaît autrement comme si "évident" au sein d'une tradition qu'on ne songe à l'interroger.

 

Mais, en approfondissant l'analyse, sur les plans historique et conceptuel, on a souligné dans les travaux les plus récents que ce qui fait problème, dans la tradition qui a donné naissance à la conception actuelle, ce n'est pas son caractère "occidental" mais, plus précisément, son origine judéo-chrétienne puis son usage moderne.

 

- L'origine judéo-chrétienne, déjà devinée par Panikkar dans la dernière citation, a été soulignée par l'anthopologue-juriste Michel Alliot qui explique à ses étudiants que pour comprendre les conceptions du Droit il faut remonter aux visions du monde et à la conception de "Dieu" qui la synthétise. Or, notre cosmologie, exprimée dans le livre de la Genèse de la Bible, est explicite en montrant que le monde a été créé par un Dieu unique, sur la base d'un acte discrétionnaire. “ Pour l'Occident chrétien, Dieu est celui qui Est avant d'être celui qui Crée. Il Est de toute éternité, il aurait pu ne pas créer, ou créer autrement. En lui l'être prime l'action(...) Le Dieu unique est radicalement extérieur à sa création, il la recrée à chaque instant et il la gouverne souverainement par la contrainte uniforme de ses lois et de ses décrets(...) ” (10). Si on songe seulement à la transmission au peuple élu, par Moïse et sur le Sinaï, des tables de la loi, dont la symbolique sera largement utilisée au XVIIIème siècle pour populariser les déclarations américaine ou française des Droits de l’homme, on peut comprendre l'intime relation existant entre la représentation d'un Dieu unique et les conceptions de l'État et du Droit, donc de l'idée de déclaration universelle en matière de droits de l'homme. De ce fait, pour M. Alliot, "les juristes français (...) ne pourront concevoir l'État, avatar laïcisé du Dieu chrétien, leur accordant à chaque instant la personnalité qui leur permet d'être et les droits qui leur permettent d'agir et les gouvernant souverainement par la contrainte uniforme de lois et de décrets" (Ibidem).

 

- Cependant, la construction de l'État, cet "avatar laÏcisé" de l’Eglise du Christ, est indissociable de la modernité et donc le fruit d'une double rupture, avec l'antiquité païenne d'une part, avec les idées médiévales de l'autre.

 

La première rupture avait été soulignée par le philosophe Michel Villey pour qui "les droits de l'homme ne viennent pas des droits de Rome". Commentant cette citation, Blandine Kreigel écrit : "il ne peut y avoir de droits de l'homme quand on n'inscrit pas dans le droit l'idée théologique ou philosophique de l'unité de l'humanité, introuvable dans le monde païen, pour lequel il y a des dieux et des cités différents par nature hétérogènes par principe. L'idée d'une humanité est une monothéiste et, dans notre tradition, biblique" (11). Quant à la rupture avec la pensée médiévale, thématisée autour de la doctrine papale des deux glaives puis dans la théorie des deux corps du roi, qui "enracine le sacré de la politique dans la mystique du corps sacré du souverain" (selon A. Kriegel, op. cit. p.21), il faut attendre que la Réforme, la Contre-Réforme puis le siècle des lumières apportent leurs solutions propres.

 

Il revient à la Réforme d'avoir réintroduit l'individu comme "être-au-monde" Selon L. Dumont, "Luther et Calvin attaquent l'Église catholique avant tout comme institution du salut. Au nom de l'autosuffisance de l'individu-en-relation-à-Dieu, ils mettent fin à la division du travail institué au plan religieux par l'Église. En même temps, ils acceptent, ou au moins Calvin très distinctement, l'unification obtenue par l'Église du côté politique" (12).

 

Ce monde politique unifié autour des royautés et principautés sera organisé selon des principes nouveaux, issus des travaux de la Contre-Réforme et seront ainsi systématisés plus particulièrement dans les sociétés latines, romano-catholiques. Sur la base d'une représentation "purifiée" de Dieu, de son Église et de son pontife, on voit émerger une explication nouvelle du souverain puis de l'État dont le Léviatan de Hobbes (1650) est l'expression. Émerge ainsi un "archétype" (ou modèle organisationnel) qui valorise les idées antérieures d'unité par une uniformité autorisant à faire disparaître les différences de conditions et de statuts. Par un travail sur le mythe "trinitaire" où Dieu est père, fils et esprit, on pose une figure renouvellée de l'autorité unique et ainsi l'archétype d'unitaire devient "unitariste", en réduisant la diversité à l'unité imposée de l'autorité qui l'organise.

 

Il reviendra enfin à la philosophie des lumières de donner à l'homme et à ses droits la place qui doit leur revenir dans la société "moderne" où l'homme, selon la formule de Descartes, est "maître et possesseur du monde". La révolution française viendra couronner le tout et, selon une remarque de Luc Ferry et Alain Renault "l'esprit des déclarations françaises relève d'une représentation de la Révolution comme rectification radicale de la société au nom d'un idéal moral" ou, selon Mathieu de Montmorency, d'une volonté "d'invoquer plus hautement la raison" (13)

 

Au nom de leur conception de la Raison et de la Civilisation, les européens exportent puis imposeront leur vision du monde et du Droit à l'ensemble de la planète durant deux siècles.


Mais, ce qui est raisonnable et légitime dans une tradition ne l'est pas nécessairement dans d'autres traditions.

 

Chapitre deux : L'apport des autres traditions

 

L'objet de ce chapitre  n'est pas de traiter systématiquement des conceptions du monde et des visions du Droit, de l'homme ou des modalités propres de protection de l'individu contre tout pouvoir. Plus simplement, nous allons repérer quelques différences qui pourront nous faire saisir les différences entre ces civilisations et celle de l'Occident judéo-chrétien en vue ensuite d'appréhender les traits communs ou "propriétés" dans le langage de Rousseau qui seront la matière de nos dernières leçons.

 

L'ordre que nous allons choisir ne tient pas à une hiérarchie entre ces civilisations mais est fonction de l'incidence des prises de position de certains de leurs représentants dans les forums internationaux, spécialement à Vienne où les Asiatiques furent plus présents que, par exemple, les Africains.

 

I - La tradition confucéenne, ou les rîtes préférés à la loi

 

Confucius vécut en Chine de 551 à 479 avant J.C. Sa philosophie, sans exclure d'autres formes d'expression, a marqué et continue de marquer la conception "chinoise" de la société et de son organisation. Elle peut être caractérisée par l'importance d'un archétype spécifique fondé sur le principe de dualité et de complémentarité (les fameux ying et yang) mais aussi que l'idée d'harmonie.

 

- La vision du monde s'exprime par le concept zhi qui exprime "l'ordre comme expression de l'harmonie de toutes les formes rationnelles de l'être et de toutes les formes rituelles des mouvements" (14). Dans un univers qui a toujours existé et qui continuera à exister, il y a identité entre l'ordre cosmique et l'ordre humain et recherche d'une harmonie entre ces ordres par le principe de l'auto-discipline qui est inscription de l'individu dans le cosmos.

 

- Or, l'autodiscipline est principalement liée au li, ou ensemble des convenances rituellement gouvernées. Les rites organisent l'essentiel de l'action des hommes. Ce sont des "moules" où l'action humaine s'inscrit dans une structure formelle qui lui donne sens et cohérence. Initialement associés à des cultes de divination, les rites ont pris progressivement une place centrale, en façonnant des modèles de conduites et de comportements et en relation avec l'importance reconnue à l'autorégulation de divers collectifs dans lesquels l'action des hommes se trouve organisée (au premier chef la famille, mais aussi les corporations professionnelles ou les communautés ethniques).

 

- C'est donc en raison de la prévalence de l'autodiscipline et de l'autorégulation que l'intervention de l'appareil administratif (le mandarinat) et de la fonction sacerdotale, donc du Droit, est minimisée.

 

Le Droit (ou fa) était originellement associé à des cultes divins et ainsi à la représentation de Di, "toute puissance commandant à l'ensemble de la nature et imposant aux hommes sa volonté". (14). Un double mouvement de désacralisation et de méfiance à l'égard du pouvoir tout puissant des mandarins "père et mère du peuple", conduiront à réduire la place de ces autorités et du Droit. Ainsi le Droit ne s'appliquait-il, classiquement, qu'aux impies ou à ceux qui ignorent les rites et leur usage social, les étrangers. Jusqu'en 1912, le li fut à la base de l'action des gouvernants et le fa l'exception. Malgré la première modernisation du Kuomintang puis la période socialiste, il ne semble pas que les conceptions aient fondamentalement changés. Ainsi les devoirs des individus sont-ils au moins aussi importants que leurs droits et l'intérêt de la collectivité doit passer avant celui de ses membres.

 

Il n'y a pas de place, dans cette tradition, pour la notion d'Etat de Droit. L'idée d'une déclaration de droits est secondaire par rapport au rappel du respect des rites et le principe de l'autodiscipline est au coeur des régulations sociales plutôt que le rapport à la loi.

 

Indépendamment des applications politiques par les élites chinoises de leur tradition, on doit reconnaître que la vision chinoise du monde est du Droit n'est pas facilement conciliable avec la tradition occidentale.

 

II - L'Islam, les droits de Dieu et les droits d'Adam.

 

L'Islam offre, au moins actuellement et dans certains contextes particuliers, des difficultés de conciliation avec la tradition occidentale analogues à celles de la pensée confucéenne.

 

Bien que monithéiste et partageant certaines représentations des religions du livre, l'Islam n'a pas connu, après la fermeture des portes de l'effort (ijtihad) au Xème siècle une évolution comparable à l'Occident en matière de laÏcisation, voire de sécularisation, et de modernisation. Ainsi son modèle sociétaire de base ou archétype est-il intermédiaire entre l'unitarisme de l'Occident moderne et la structure duelle de la pensée confucéenne. Il applique une conception du double ou du dédoublement institutionnel. Il affirme le principe d'unité tout en laissant apparaître l'existence d'un autre référent qui, à la différence de la pensée chinoise, n'est pas complémentaire et égal mais second hiérarchiquement. S'il n'y a qu'un seul Dieu, Mahomet est son prophète. S'il n'y a qu'une seule communauté des croyants, la umma, il y a divers rites, écoles ou confréries qui interprètens spécifiquement le message coranique. S'il n'y a qu'une seule parole et qu'un seul Droit, il y a, à côté du Qoran et de la Sharia, d'autres bases juridiques qui peuvent être trouvées dans le raisonnement des juristes ou dans les coutumes locales. Plus que d'autres cultures, l'Islam a expérimenté l'unité dans la diversité, en valorisant l'unité à chaque fois que l'identité de la communauté était menacée.

 

-C'est dans ce contexte problématique et en fonction d'une histoire de confrontation avec d'autres civiliations, en particulier dans la Méditerranée, qu'il faut apprécier la question contemporaine des droits de l'homme. L'idée d'une déclaration universelle s'imposant à tous, croyants ou non, rencontre plusieurs difficultés. La révélation divine, donnée une fois pour toutes, n'a pas à être complétée mais seulement approfondie et transmise aux non musulmans ; par ailleurs, les droits de Dieu (huquq  al-llah) doivent toujours être préférés aux droits d’Adam (huquq Adam) pris comme figure emblématique de tous les hommes. Mais, la difficulté la plus fondamentale se situe peut-être au sein du Fiqh, la science du droit (au sens large). Comme le montre Mohamed Arkoun (15), le fiqh contient deux grands registres, la science des preuves (usul al-fiqh) et la théologie (usul ad-din) dont le jeu complexe autorise les interprétations les plus diverses, donc un conflit potentiel, entre raison et foi religieuse, entre modernisme et conservatisme.

 

- C'est ce balancement entre humanisme musulman et théologie qui est au coeur de la vision contemporaine des droits de l'homme en terre d'Islam. Si l'idée d'une déclaration universelle et laïque apparaît comme contradictoire avec les représentations de Dieu et de sa Loi, il n'en apparaît pas moins possible de faire jouer ici aussi  le principe structuel ou archétype que nous avons commencé à décrire ci-dessus. Il conviendrait donc que les discours sur les droits de l'homme, d'Adam, soient perçus comme un  dédoublement de leur science du Droit et des principes de la Sharia, en s'appuyant sur des procédés connus par la science du Fiqh, l'ijma, ou consensus de la communauté, le qiyas, ou raisonnement par analogie (16). Mais, pour ce faire, trois conditions doivent être remplies : les problèmes identitaires des sociétés islamiques doivent être maîtrisés ; les ressources juridiques propres des communautés doivent être à nouveau reconnues et exploitées ; le problème du partage de l'autorité et la question de l'autorité doivent être abordées de manière frontale.

 

En bref, les musulmans sont condamnés à réouvrir la porte de l'effort, fermée au Xème siècle PC, s'ils veulent partager les enjeux de l'universalisme qui s'annoncent à travers la mondialisation. Le plus grand nombre y est préparé. Il reste aux juristes et aux théologiens à prendre le risque du ressourcement de leur matrice commune.

 

III - L'idéal cosmo-théo-andrique de la pensée indienne

 

Pour R. Panikkar, cette pensée "indienne" est partagée par l'hindouisme, le jaïnisme et le bouddhisme.

 

- Elle est fondée sur un "ordre dharmique" qui est un principe de cohérence '"qui maintient, confère la cohésion et, par là, la force à toute chose donnée, à la réalité et, en dernière analyse, aux trois mondes (triloka). (...) Un monde dans lequel la notion de dharma occupe une place centrale n'a rien à faire de la mise en évidence d'un "droit" d'un individu contre un autre ou de l'individu vis-à-vis de la société, mais se préoccupe plutôt d'établir le caractère dharmique (vrai, juste, consistant) ou adharmique d'une chose ou d'une action au sein de l'ensemble du complexe théo-anthropocentrique de la réalité" (loc cit. p. 17)

 

- L'archétype indien est ainsi de type ternaire prenant en compte les trois mondes (triloka) tout en cherchant, à la différence des pensées animistes, "la conjonction des contraires en les hiérarchisant" car "le dharma embrasse à la fois le conflit et sa résolution, à la fois le prescrit et le défendu (...) ce qui maintient l'ensemble du monde" (Ibidem).

 

- Dans un tel contexte,  la conception occidentale des droits de l'homme doit être reformulée de la manière suivante :

"1 Les droits de l'homme ne sont pas seulement des droits de l'homme individuels. L'humanum n'est pas seulement incarné dans l'individu (...) L'individualité n'est pas une catégorie substantielle mais une catégorie fonctionnelle.

2 Les droits de l'homme ne sont pas des droits de l'homme seulement.Ils concernent également la totalité du déploiement cosmique de l'univers...

3 Les droits de l'homme ne sont pas seulement des droits. Ils sont également des devoirs et les deux aspects sont interdépendants...

4 Les droits de l'homme ne peuvent être isolés les uns des autres (...) Ils composent un tout harmonieux. C'est l'harmonie universelle qui compte en définitive...

5 Les droits de l'homme ne sont pas absolus. Ils sont intrinséquement relatifs, ils sont des relations avec des entités...

6 Chacun des deux systèmes (l'occidental et l'indou) possède sens et cohérence en fonction et à l'intérieur d'un mythe reçu et accepté. Chacun des deux implique un certain genre de consensus. Quand ce consensus est contesté, il faut trouver un nouveau mythe ” (17).

 

C'est dans cette perspective qu'il faut lire l'intervention du ministre des Affaires étrangères indonésien à la conférence de Vienne. Ne mésestimons pas le sens de ces rappels à l'ordre et préoccupons nous de fonder ces nouveaux mythes indispensables à la rencontre des cultures.

 

IV - Pluralisme et pensées animistes

 

Les systèmes de pensée et les conceptions de l'homme et du Droit que nous examinons ici concernent des sociétés différentes, réparties sur l'ensemble du globe. Ce sont des systèmes d'organisation très anciens, archaïques au sens littéral, mais aussi des actuels tant par les pratiques qu'ils induisent que par les leçons qu'ils sont susceptibles d'apporter à la solution de nos problèmes contemporains.

 

La vision du monde que ces sociétés partagent est fondée sur l'idée que l'univers est construit sur la base d'une circulation d'énergies et où le principe vital, l'anima (d'où le terme animisme) est régulé par le mouvement même de ces énergies. Ce mouvement vise à l'harmonie et à l'équilibre de l'ensemble des facteurs par la recherche de leur interdépendance et de leur complémentarité. C'est pourquoi l'univers, visible comme invisible, est toujours conçu sur la base d'instances multiples, spécialisées et interdépendantes. C'est dans cette perspective que les Amérindiens conçoivent la "bonne vie".

L'harmonie n'est cependant pas le fruit d'une création volontaire et assurée une fois pour toutes car les principes d'ordre et de désordre se sont opposés avant de se conjuguer dans un équilibre toujours tensionnel, ce qu'exprime tant les conceptions religieuses que l'organisation socio-politique dominée par l'idéal du communautarisme.

 

Dans les cosmologies de l'Afrique de l'ouest, par exemple chez les Bambara du Mali, le monde tel qu'il est le résultat de plusieurs tentatives qui ont échoué. La première tentative était fondée sur le principe antagoniste du désordre car ce monde était ingérable. Le monde actuel, résultante de l'ordre et du désordre, repose sur la recherche de la complémentarité des contraires (et non sur leur opposition comme dans la pensée aristotélicienne).

 

Les Aborigènes australiens racontent, quant à eux, qu'au "temps du rêve", les règnes animal, végétal et humain ne faisaient qu'un et qu'à la suite d'un cataclysme, ces trois mondes ont été séparés, pénalisant ainsi les hommes qui doivent par les pratiques totémiques et rituelles réintroduire l'interdépendance entre les acteurs et les facteurs.

 

- L'archétype sociétaire, ou modèle d'organisation, est ainsi d'essence plurale. Les chiffres clefs de la pensée initiatique sont trois et quatre et leurs multiples. Comme l'exprime l'image des trois pierres du foyer au coeur du récit de fondation de l'Empire du Dyoloff au Sénégal au XIVème siècle, il n'y a pas de vie en société tant qu'une structure à base ternaire n'a pas permis d'organiser les différentes forces énergétiques, sociales, morales ou politiques qui doivent complémentairement concourir au bon fonctionnement de la société.

 

- Le Droit n'est pas le résultat uniforme d'une fonction organisatrice monopolisée par un organe politique, comme dans les sociétés de tradition judéo-chrétienne. Chaque groupe a son Droit et l'adapte constamment aux nouveaux enjeux de société. Cet idéal d'auto-régulation s'exprime d'une part dans la "coutume", d'autre part dans la valorisation de la médiation pour le réglement des conflits. La coutume est "la manière de dire les manières de faire des ancêtres" ; c'est donc plus une forme qu'un contenu normatif et cette forme, à l'inverse de ce que supposaient les rédacteurs de coutumiers juridiques, est maléable. En outre, la coutume valorise particulièrement les "modèles de conduite et de comportements", véritable référence dans l'évaluation des pratiques sociales. Ces pratiques sociales pouvaient entrer en conflit mais l'idéal était de toujours préférer leur réglement au sein du groupe qui l'a vu naître (cii bir u keur, dans le ventre de la famille, comme disent les Wolof du Sénégal). L'intervention de décisions judiciaires n'était qu'exceptionnelle, souvent définitive, et ne donnait pas lieu à l'émergence de catégories générales et impersonnelles.

 

- La conception de l'homme s'inscrivait directement dans l'ensemble de ces représentations. Chez les Wolof, le nit, être humain, est la somme de trois éléments, l'enveloppe corporelle, le yaram, le rab, esprit ancestral venant habiter le corps du nouveau né et fit, énergie vitale, partie de l'énergie cosmique susceptible de croître ou de décroître selon les comportements sociaux et les pratiques rituelles. L'être humain, en tant que tel, ne peut accéder à la vie juridique que par son inscription dans une communauté et par l'exercice de responsabilités au sein puis au nom de cette communauté. Inscrit à la naissance dans sa famille de procréation, dans les lignages de ses parents et dans sa classe d'âge, l'enfant appartient toujours au moins à ces trois communautés. Mais ce n'est qu'après l'initiation qu'il peut accéder à des fonctions et à l'exercie de droits analogues à ceux reconnus en Occident dès la naissance (voire dès la conception) à la "personne juridique". Chez les Wolof, l'accès à ces responsabilités est connotée par le statut de borom. Cet accès est progressif et lié au mariage, mais le statut le plus complet, celui de borom keur, chef de famille étendue, responsable et représentant de sa communauté dans le jeu social,  n'interviennent que tardivement, d'où le caractère gérontocratique généralement associé à de telles sociétés.

 

Dans ces pensées animistes, l'idée de déclaration générale de droits, le principe d'universalisme ou la croyance que tous les hommes sont nés libres et égaux n'ont aucune équivalence. Pourtant, des régulations fonctionnaient de manière satisfaisante, au moins tant que la traite négrière en Afrique, le génocide des Amérindiens ou l'assimilation des Aborigènes australiens n'aient remis en cause leur organisation. Le principe plural aboutissait en effet à l'existence de contre-pourvoirs au sein de la société interdisant un monopole de la violence et ainsi l'apparition d'un État de type occidental. De même il impliquait qu'un individu, selon le principe de la réciprocité des droits et des obligations, ne pouvait exercer ses droits qu'après avoir fait face à ses obligations correspondantes.

 

Comme le souligne Michel Alliot, "nous sommes donc aux antipodes du système dans lequel, à l'image d'un Dieu dont tout dépend dans une création continue de chaque instant, les droits des uns et des autres ne leur sont maintenus que par la grâce de l'État. Le droit des communautés n'a pas besoin d'un pouvoir qui veuille le maintenir. Il est la conséquence nécessaire de leur structure" (18)

 

Si l'ensemble de ces représentations et les formes d'organisation qui leur sont liées ont été ignorées depuis la période coloniale, elles n'en sont pas moins constitutives de l'être-au-monde animiste et ainsi continuent à peser lourdement sur les pratiques juridiques et politiques. Particulèrement, en Afrique, il ne pourra y avoir d'État de Droit sans prise en compte des conceptions endogènes du Droit et de l'homme.

 

 

 

 

Chapitre trois : Une conception trans-moderne de l'universalité

 

 

La présente leçon explore des terrains encore largement inconnus. La post-modernité a été le fait de créateurs et d'artistes avant de devenir une question ardue traitée par les sociologues et les anthropologues du Droit. Nous en rappellons les incidences avant d’indiquer comment nous abordons la trans-modernité par l’ouverture de la tradition occidentale  au dialogue des cultures.

 

 I - La post-modernité et le Droit

 

Nous avons, précédemment, appréhendé comment avait émergé la modernité en Occident, dans un mouvement de sécularisation et de laïcisation qui n'a pas d'équivalent dans d'autres civilisations. Ce mouvement apparaît au XVIème siècle pour trouver l'essentiel de ses dispositifs à la fin du XVIIIème siècle, avec les premières déclarations des droits de l'homme. Il va ensuite, jusqu'à la seconde moitié du XXème siècle, être le cadre d'une montée en puissance d'une civilisation qui peut être caractérisée par trois facteurs, l'individualisme, le capitalisme et l'étatisme.

 

Or, ces trois facteurs sont entrés, de manière différente, en crise profonde. Crise des valeurs, crise des régulations, montée du chômage, crises politico-administratives sont autant de signes de changements en cours dans nos sociétés du nord et du sud. A l'image de la techtonique des plaques qui constituent le globe terreste, on peut supposer que la "plaque" de nos pratiques sociales n'est plus recouverte par la "plaque" de nos modèles institutionnels. Il n'y a plus renvoi des unes dans les autres mais bien des situations plus ouvertes et potentiellement dangereuses si nous ne savons pas accompagner le mouvement des sociétés en apportant des réponses institutionnelles à la hauteur des défis contemporains.

 

- André-Jean Arnaud écrit ainsi : "Nous avons appris que les rêves de l'époque moderne n'étaient que des illusions. Le temps a dévoilé les imperfections du droit "moderné". Il a montré combien l'universalisme était un leurre, et que le règne suprême de la loi ne réglait pas tout. L'observation de la réalité juridique quotidienne a amené de nombreux juristes qui s'intéressent au problème des fondements du droit, à reconnaître que tout droit est relatif, qu'il existe un pluralisme des sources du droit, et qu'un retour au pragmatisme s'impose. (...)

 

Tout cela fait l'objet, depuis un certian nombre d'années, l'objet de recherches minutieuses de la part de ceux qui ont choisi de penser le droit (...) L'époque post-moderne est caractérisée par la coexistence du retour à la peur, qui impose le sacrifice, et de la perception de l'infinie multiplicité de l'expérience, qui postule le rejet du renoncement (...) (19).

 

- Pour le sociologue portugais B. de Sousa Santos, "as the ideological claim of legal fetichism becomes more untenable, the alternatives to it will become correspondingly more credible. Such alternatives can be summarized by the conepts of micro-revolutions and neoludism. ” (20)

 

 

II - Ouvrir la tradition occidentale à une trans-modernité par une conception interculturelle des droits de l'homme

 

Si nous orientons cette dernière section sur la tradition occidentale, c'est pour plusieurs raisons. La première tient aux péripéties de la conférence de Vienne dont nous avons parlé et qui rendent manifestes des difficultés internes à dialoguer avec les autres traditions. La deuxième peut être trouvée dans l'incapacité qui est la nôtre de concevoir une théorie interculturelle de portée réellement universelle dans l'état des connaissances disponibles et en prenant en considération notre impossibilité de parler "au nom des autres traditions". Enfin, selon l'adage bien connu, "il faut balayer devant sa porte" ou selon une image biblique, ne pas critiquer la paille dans l'oeil des autres traditions sans identifier la poutre dans notre propre regard.

 

La fécondation de la tradition occidentale passe par deux conditions. D'une part, il s'agit de remettre en question deux aspects de notre conception des droits de l'homme qui ne touchent pas fondamentalement notre vision du monde mais peuvent être considérées dans une société post-moderne, comme obsolètes et dépassées, l'individualisme et le juridisme.

D'autre part, sur ces bases, on cherchera à identifier les valeurs et les représentations que la tradition occidentale peut partager avec les autres traditions. On dégagera, ce faisant, les éléments d'un "modèle" (au sens d'une représentation simplifiée mais globale) que la poursuite de la recherche scientifique permettra d'enrichir et d'amender.

 

 

SECONDE PARTIE : CONCILIER LES TRADITIONS SELON UNE EXIGENCE INTERCULTURELLE

 

Dans la première partie, nous avons appris à reconnaître certaines différences. Nous allons ici en approfondir les implications de trois manières.

 

Tout d'abord, et sans prétendre entrer dans l'histoire de la discipline, il nous faut comprendre comment l'anthropologie comme "science de l'homme en société" a abordé le paradoxe de l'altérité et comment elle a tenté de  conjuguer la dialectique des ressemblances et des différences.

 

Ensuite, nous chercherons dans quel cadre normatif il serait possible de se faire rencontrer des traditions qui ne partagent pas l'idéal de la déclaration ou ne concoivent pas le "Droit" sous la forme de normes générales et impersonnelles. La notion de "Droit tripode" nous fournira les pistes nécessaires.

 

Enfin, nous dégagerons quelles valeurs seraient susceptibles de fonder cette conception issue d'un dialogue plus assuremment "interculturel". Nous redécouvrirons la vertu du "respect" et nous réfléchirons sur les enjeux  d'une philosophie des droits humains fondée sur le principe de la complémentarité des différences.

 

Chapitre un: Le paradoxe anthropologique : la découverte de l'autre passe par le dépassement de l'identification à soi

 

I - le paradoxe

Claude Lévi Strauss, un des plus grands illustrateurs de l'anthropologie contemporaine, considère Jean-Jacques Rousseau comme le fondateur de ce qui, à l'époque, se nommait encore l'ethnologie ou science de l'homme en société. C'est donc au milieu du XVIIIème siècle qu'apparaît une attention nouvelle pour l'analyse et la comparaison des phénomènes sociaux, dans un contexte original, celui de la modernité.

 

"Rousseau ne s'est pas borné à prévoir l'ehtnologie : il l'a fondée. D'abord de façon pratique, en écrivant ce "discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes" qui pose le problème des rapports de la nature et de la culture et où on peut voir le premier traité d'ethnologie générale ; et ensuite sur le plan théorique, en distinguant avec une clarté et une concision admirable l'objet propre de l'ethologue de celui du moraliste et de l'historien : "quand on veut étudier les hommes, il faut regarder près de soi ; mais pour étudier l'hommer; il faut apprendre à porter sa vue au loin ; il faut d'abord observer les différences pour découvrir les propriétés" (Essai sur l'origine des langues, chapitre VIII)" (21).

 

Depuis son origine , l'oeuvre de Jean Jacques Rousseau en étant l'illustration la plus typique, l'anthropologie est ainsi confrontée à une contradiction redoutable qu'exprime Lévi Strauss à propos d'une démarche où "la volonté d'identification à l'autre (doit aller) de pair  avec un refus obstiné d'identification à soi" (Ibidem).

 

Il s'agit en effet d'une contradiction redoutable dans la mesure où la pensée moderne (dont nous reparlerons), issue de diverses ruptures avec les conceptions médiévales européennes depuis le début du XVIème siècle, tente de traiter de manière égale les rapports entre les différentes sociétés tout en sacrifiant "en secret" et de manière détournée au principe hiérarchique sur lequel repose l'organisation de la plupart des autres sociétés. L'anthropologue Louis Dumont, spécialiste des sociétés individualistes occidentales(22)  pratiquent dans leur perception des autres sociétés "le principe de l'englobement du contraire" : tout en considérant "les autres" comme partageant une commune humanité, ces sociétés n'en sont pas moins appréhendées comme "le contraire" des formes occidentales d'organisation, ces dernières étant ainsi implicitement survalorisées et finalement tenues pour un cadre supérieur de régulation des rapports sociaux. Sous l'apparence d'un traitement identique, les sociétés occidentales sont étudiées comme si elles pouvaient naturellement offrir un modèle d'organisation s'imposant à l'ensemble des autres civilisations. Fondée initialement sur la "Raison", puis sur la révolution industrielle et sur le progrès matériel, cette conception exprime une "idéologie moderne" qui a été également illustrée par la doctrine des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par les développements de l'anthropologie jusqu'à la fin de la période coloniale au milieu du XXème siècle.De ce fait, les différentes écoles anthropologiques (23)  qui se sont succédées depuis le milieu du XIXème siècle n'ont pu aller au delà de l'affirmation d'un égalitarisme de facade qui, au mieux, adhérait aux idéologies anti-esclavagistes. Que ce soit l'évolutisme (1850-1896), qui considère les sociétés non européennes comme "sauvages" ou "barbares", le diffusionisme (1890-1930) qui suppose que leur capacité d'invention est réduite, le fonctionnalisme (1910-1955) qui survalorise leurs différences ou le structuralisme (1948-1978) opposant les sociétés traditionnelles "froides" aux sociétés "chaudes", prométhéennes et créatrices d'histoire, la "volonté d'identification à l'autre" passe par le souci de survalorisation de sa propre culture. Il n’y a donc pas de place pour une analyse “ équitable ” des fondements anthropologiques des droits de l’homme tant que l’occidentalocentrisme reste de règle.Tant que cette révision de point de vue n’a pû être obtenue, nous devons, selon les termes de l’anthropologue Michel Leiris “ être constamment en posture de défenseurs de ces sociétés et de leurs aspirations, même si de telles aspirations heurtent les intérêts donnés pour nationaux et sont l'objet de scandale ” (24)

 

II - La dévouverte, par l'anthropologie, de la problématique des droits de l'homme, son actualité.

 

L'anthropologie actuelle a découvert la problématique des droits de l'homme dans deux contextes fort différents.


- Le premier courant est lié un ensemble de travaux anthropologiques portant sur la situation culturelle des sociétés amérindiennes au nord comme au sud du continent américain. Souvent qualifié sous le terme de "l'école de l'ethnocide", ses illustrateurs critiquent la destruction des cultures de ces sociétés et se font les défenseurs de leurs civilisations, au risque de sacrifier au "sauvage à la mode" et de survaloriser un"droit à la différence".

 

- Le second courant est illustré par les travaux concernant le droit des minorités et la question de l’intégration des populations immigrées, spécialement en France. Le professeur Norbert Rouland écrit ainsi dans un rapport pour la commission française pour l’UNESCO :

"La pensée française de l'universel, matrice de la théorie occidentale des droits de l'homme, se nourrit d'une représentation homogène et rationelle de l'humanité. En l'homme, l'unité l'emporte sur la diversité, d'où l'affirmation que tout être humain a des droits inaliénables et imprescriptibles, du seul fait qu'il appartient au genre humain. Par ailleurs, ces droits de l'homme sont découverts par le travail de la Raison, beaucoup plus que par l'expérience de la tradition, souvent assimilée à l'arbitraire. La pensée juridique française décrète donc l'universel avant de l'expérimenter. Notre droit constitutionnel (et la jurisprudence du conseil constitutionnel) affirment la prééminence de l'indivisible sur le pluriel ; de l'égalité des droits sur toute distinction fondée sur l'origine, la race ou la religion ; il se refuse à reconnaître la prééminence d'une religion  et se déclare incompétent quant au fond du débat religieux.

 

Enfin, c'est par l'individu que la tradition française accède à l'universel : les droits individuels sont la claire expression de la transcendance de l'homme, alors que les droits collectifs l'obscurcissent.


Le monde doit pour toujours à la France d'avoir cru et rendu possible une pensée de l'homme et de ses droits en termes universels. Mais le monde actuel n'est plus celui du XVIIIème siècle. La profondeur des mutations nous oblige à réinterpréter l'imaginaire juridique sur lequel repose notre tradition. Il faut repenser l'universel dans un monde pluri-polaire. Un monde qui ne se conçoit plus comme homogène : pour longtemps, l'unité devra se frayer un chemin dans la diversité. Un monde dont la Raison classique n'est plus le seul démiurge : d'autres rationalités le parcourent, notamment celle qui s'attache à l'expérience issues des traditions, toujours réinterprétée. ” (25)  Cet occidentalocentrisme est particulièrement sensible actuellement. Pour y échapper, il nous faut éviter un double enfermement :

 

- Le premier enfermement serait celui des tenants des droits de l'homme qui se refuseraient dogmatiquement à se laisser interpeller par les justes mises en garde des autres traditions et qui se refuseraient ainsi à adapter leurs conceptions au nom d'une sacralisation  de leur idéologie et d'un "culte" des droits de l'homme. Cette tendance existe au sein des sociétés occidentales où la figure du "missionnaire juridique" que stigmatisait F. G. Snyder (26) à propos de la coopération juridique nord-américaine n'a pas totalement disparue. En vertu d'une protection irrécusable des plus faibles ou des plus démunis, on impose non seulement le respect des procédures et des droits de l'homme mais aussi une vision de l'organisation de la société et du monde. Comme le suggère la délicate question du devoir ou du droit d'ingérence, cette question n'est pas simple à aborder mais exige un débat public et contradictiore évitant naïvetés et complaisance pour poser le problème des contre-pouvoirs indispensables à la vie internationale respectueuse de l'idéal démocratique.

 

- L'enfermement dans le ghetto des particularismes est l'excès inverse qu'il faut également éviter. Sélim Abou en a fait une analyse pertinente où on retiendra en particulier cette réflexion : "En ne définissant l'homme que par sa culture, le relativisme radical le réduit à son être social ; il le dépouille de la raison théorique et pratique qui est identiquement liberté de pensée et d'action ; il lui interdit l'usage de cette raison/liberté qui le rend capable de prendre ses distances par rapport à sa société et à sa culture, pour les critiques et les transformer" (27).Comment en effet le droit à manifester une certaine différence avec la reconnaissance d'un "Droit à la différence" qui ne serait en fait, comme nous l'avons d'éjà noté, qu'un "droit à l'indifférence", équivalent, selon Selim Abou d'un "droit à l'enfermement", "droit à l'oppression", "droit à la mort" (ibidem, p. 34-35) ? Ces contradictions étant particulièrement sensibles au sein des sociétés occidentales (en Bosnie, en Irlande du nord mais aussi dans le quotidien de la vie des travailleurs immigrés, tels les Turcs en Allemagne, les Maliens en France...) et ces sociétés ayant tendance à imposer leur vision du monde, retenons seulement que l'universalisme reste un "requis" qui ne peut être abordé de manière interculturelle que dans la mesure où nous saurons comprendre et maîtriser ce qui, dans la modernité, pouvait s'y opposer. Plus qu'une remise en cause c'est bien un enrichissement que nous devons poursuivre dans l'esprit de ce que suggérait R. Panikkar au début de cet enseignement.

 

Chapitre deux : le tripode du Droit, un modèle opératoire pour formaliser la rencontre interculturelle autour de principes communs de régulations

 

 Après quelques remarques sur la redécouverte du “ respect comme valeur centrale on examinera  les conséquences d'une redécouverte de la complexité et de ses incidences sur le Droit (pluralisme juridique) et on s'arrétera sur la notion de tripode juridique.

 

 I -L’enjeu de valeurs communes : la redécouverte de l’exigence du respect de l’autre.

 

Les éléments suivants ont fait l'objet d'une première présentation au colloque de l'AUPELF-UREF sur  "l’effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone (28) à l'île Maurice en 1993.Son objet est de "fonder une interculture des droits de l'homme corresponde aux droits et devoirs des hommes vivant conformément à des valeurs morales que partagent l'ensemble de leurs projets de société" (29). Il applique, en l'élargissant, une conclusion de S. Abou, selon lequel "on ne peut fonder les droits de l'homme sans référence à la subjectivité transcendentale que spécifie l'homme et qui est fondamentalement intersubjectivité" (30).

 

- Il s'agit de trouver des "ensembles sécants" entre les valeurs, les représentations et les formulations des modes de protection des droits de l'homme en tentant, au moins en première approximation et pour réduire le caractère "révolutionnaire" de ce type de démarche, de respecter certains énoncés de la tradition occidentale. C'est donc bien d'enrichissement dont il s'agit.En effet ses valeurs de liberté et d'égalité restent toujours aussi efficientes si elles peuvent être appréhendées de manière pluraliste (en remettant en cause l'archétype "unitariste" judéo-chrétien) et elles peuvent intégrer les valeurs de solidarité et de responsabilité que d'autres traditions ont su aménager. On s'intéressera en particulier aux valeurs d'auto-discipline de la pensée confucéenne et à l'idéal de la réciprocité des droits et des devoirs dans les pensées "indienne" et "animistes". Les représentations islamiques de l'équité seront également précieuses à exploiter. Quant à l'exigence d'harmonie, si largement partagée par les traditions animistes et indiennes, il conviendra de l'exploiter au mieux sans gommer certaines différences et en récusant les valeurs contraires à la liberté, à l'égalité ou au respect de la dignité individuelle.

 

- Son contexte : la complexité La complexité est caractéristique des sociétés actuelles. Elle suppose que seuls les initiés ont accès à la connaissance, donc au Droit, donc aux droits de l'homme. Elle ne pourra être assumée qu'en reconnaissant la multiplicité des appartenances communautaires, civiques et politiques et en appliquant dans chaque secteur de la régulation le principe de subsidarité qui a émergé dans l'Union européenne pour régler leproblème des rapports du sujet à la multiplicité des appartenances dans la perspective d’une construction institutionnelle égalitaire et équitable. Il faudra également renforcer le sens de la responsabilité des citoyens en leur restituant la capacité de maîtriser leurs conflits et leur réglement. Les expériences des sociétés non européennes seront ici précieuses comme la troisième leçon a pu le suggérer.


Enfin il conviendra de repenser les conditions d'un véritable pluralisme juridique qui ne soit pas seulement reconnaissance de la pluralité des sources du Droit dans le champ étatique, mais bien prise en compte de la pluralité des sources du Droit dans le champ étatique, mais bien prise en compte de la pluralité des appartenances et de la diversité des modes de régulation.

 

- Dans un tel contexte, la seule véritable valeur susceptible de répondre à l’ensemble des containtes paraît être la valeur du respect .

 

Traitant de “ la fin des territoires (qui) sanctionne le déclin d’un ordre sur lequel reposaient pourtant la plupart des grands équilibres internationaux ”, le politiste Bertrand Badie conclue une analyse impressionnante par cette réflexion : l’évolution suppose que “ la dimension universaliste dont était autrefois  porteur le principe de territorialité soit réinvestie ailleurs : que le respect de l’autre devienne une valeur transnationale, à un moment où aucune institution n’a les moyens de l’imposer par la contrainte “ (31).

 

II - Le tripode juridique

 

Pour fonder la valeur du respect et la traduire dans une structure institutionnelle, et à la différence des révolutionnaires français, il faut prendre en considération l'inscription des individus dans leurs diverses communautés d'appartenance en posant cette pluralité d'appartenances comme constitutive du lien social et en recherchant la complémentarité de ces inscriptions par l'affirmation qu'aucun collectif quel qu'en soit la nature n'est à lui seul capable de déterminer l'ensemble des comportements de ses membres. Ce travail ne sera cependant possible qu'à condition d'analyser les fondements et l'usage de la logique "institutionnelle" qui est associée à notre conception de l'organisation sociale et que les recherches de Michel Alliot, pré-citées, ont contribué à éclairer.


Il convient également de remettre en cause une conception du Droit qui survalorise le rôle de la loi écrite et codifiée, dans la mesure où cette conception est la source de l'idéalisme juridique et que cette conception du Droit est, nous l'avons vu, peu ou pas partagée par d'autres cultures.Les travaux anthropologiques récents montrent que le Droit repose sur trois "pieds", la loi, avec ses normes générales et impersonnelles, la coutume, avec ses modèles de conduites et de comportements, et les "habitus", système de dispositions durables dans lesquels les rapports au Droit sont endoculturés et où le Droit dans son vécu quotidien est représenté et interprété en droits particuliers.Si l'incidence des habitus est essentielle pour saisir comment le Droit est habité et utilisé par chaque acteur, c'est par le modèles de conduite et de comportements que le rapport au Droit se trouve le plus universellement énoncé. Ces modèles sont en effet présents dans toutes les cultures, en majeur dans les sociétés du sud, en mineur dans la tradition occidentale.


Particulièrment utilisables dans une pédagogie des droits de l'homme, susceptibles de contenir les référents comportementaux communs indispensables tout en sacrifiant dans leur forme la diversité des expériences culturelles, ces modèles pourraient parfois traduire les exigences ethiques de la tradition occidentale en l'ouvrant à d'autres valeurs et à d'autres représentations nature pluraliste. Ainsi pourrait-on échapper aux effets de l'archétype “ unitariste ” de l'Occident et fonder une approche largement interculturelle.

C’est dans la perspective d’un modèle interculturel qu’il conviendra de renouveller, d’un point de vue philosophique, politique et pratique, le principe de la complémentarité des différences.


Déjà reconnu dans les traditions animistes et indiennes, peu éloigné des traditions confucéenne et musulmane, ce principe de la complémentarité des différences pose dans la tradition occidentale des difficultés que la recherche devra ultérieurement identifier et contribuer à résoudre. A  mesure qu’on remonte dans l’histoire des idées philosophiques, on découvre derrière la querelle des universaux  au XII° siècle PC, la pensée de Plotin (au IV° siècle PC) et, par là la permanence de la pensée platonicienne (aux V° et IV° siècle AC). C’est en fait divers courants de la pensée pré-socratique qui devront être abordés, non pour supprimer d’un trait de plume l’expérience socratique et aristotélicienne mais pour penser la complexité de l’affrontement des philosophies pré-socratiques et socratiques, ce qu’Heidegger n’a peut-être pas pû achever.

 

En conclusion,

 

Dans l’état actuel de la recherche anthropologique, et compte tenu de l’inscription de l’anthropologie dans une conception occidentale de la science, donc dans sa vision du monde, la priorité doit être accordée à un “ enrichissement ” de sa conception sous-jacente aux droits de l’homme, en revalorisant l’idée (noumen ?) de respect de l’autre et en réintroduisant le principe de la complémentarité des différences. Sans mésestimer les difficultés qui apparaissent devant nous, nous devons être convaincu que face aux turbulences qui s’annoncent, seule une exigence éthique et épistémique est susceptible de fonder un futur commun et une société pacifiée.

 

 

 

Notes

 

(1) S. Abou, "Le droit à la différence et ses avatars", Cultures et droits de l'homme, Paris, Hachette, col. Pluriel, 1992

(2) Interculture, Montréal, volumes 82, 83, 84, 1984.

(3) Cité par E. Le Roy, "Etat de droit et droits de l'homme", États des savoirs sur le développement (sous la dir. de C. Choquet, O. Dollfus, E. Le Roy et M. Vernières, Paris, Karthala, 1993

(4) Ch. Reardon, "Ré-examen des droits de l'homme, une conférence internationale relance le débat", Choix, la revue du développement humain du PNUD, janvier 1994

(5) R. Matarollo écrit "la conférence de Vienne a montré combien il est ardu de trouver une solution à des dilemmes que la langue de bois dissimule ; notamment la contradiction entre l'universalité et les particularismes..." "Pour en finir avec la barberie", Le Monde diplomatique, août 1993

(6) Déclaration et programme d'action de Vienne, Conférence mondiale sur les droits de l'homme, doc. A/CONF.157/23du 12 juillet 1993 souligné par nous.

(7) O. Dollfus et E. Le Roy, "Prolongations", État des savoirs sur le développement, cit. P. 213 et S.

(8) Des développements dans E. Le Roy, "Anthropologie juridique et droit comparé, Scritti in Onore di R. Sacco,  Milan, Einaudi, 1994.

(9) R. Panikkar, "La notion des droits de l'homme est-elle un concept occidental ? ” Interculture, vol. 82, 1984

(10) M. Alliot, "La coutume dans les droits originellement africains" La coutume, Société Jean Bodin pour l'histoire comparative des instituitions, vol. 51, Paris, Dessain et Tolra, 1990

(11) B. Kriegel, "État de Droit et Empire, République et démocratie" Séminaire L'État, le souverain, la finance et le social, Paris, 28 mai 1993, dact. p. 17

(12) L. Dumont, Essais sur l'individualisme, op. cit. p.67

(13) cités par Sélim Abou, op. cit. p. 101

(14) L. Vandermersh, Wanddao ou la voie royale, Thèse de doctorat es lettres, Paris, Université Paris VII, 1975, volume III, p. 635

(14) L. Vandermersh, op. cit. p.740

(15) M. Arkoun, Pour une critique de la raison Islamique, Paris, Maisonneuve et Larose, 1984, "Les origines islamiques des droits de l'homme", Revue des sciences morales et politique, jan. 1989, p. 25-37.

(16) T. Koraytem, Le discours des droits de l'homme dans le monde arabe contemporain. Paris, INALCO, mémoie, 1990.

(17) R. Panikkar "La notion des droits de l'homme est-elle un concept occidental op. cit., pp.18-2

(18) M. Alliot, "Modèles sociétaux ; les communautés", Bulletin de liaison du Laboratoire d'anthropologie juridique de Paris, N° 2, 1980, p.89

(19) A.-J. Arnaud, "Repensesr un droit pour une époque post-moderne" Le courrier du CNRS, N° 75, avril 1990, pp. 81-82

(20) B. de Sousa Santos, "Toward a post-modern Understanding of Law", Legal Culture in Every Day Life, Onati, I.I.S.I.L. 1989, p. 120.

(21) C. Lévi Strauss, "Jean Jacques Rousseau, fondateur des sciences de l'homme", Anthropologie structurale deux, Paris, Plon, 1973, p. 47

(22) L. Dumont, Essais sur l'individualisme, Paris, Seuil, 1983, p. 128

(23) En langue française, la meilleure présentation peut être trouvée dans l'ouvrage du tunisien Monder Kilani, Introduction à l'anthropologie, Lausanne, Payot, 1989.

(24) M. Leiris, "L'ethnographie devant le colonialisme" Cinq études d'ethnologie, le racisme et le tiers monde, Paris, Denoël-Gonthier, 1969, p. 88.

(25) N. Rouland, "La tradition juridique française et la diversité culturelle", rapport à la commission française pour l'UNESCO,  Droit et Société, 1994, p. 4 & 5.

(26) F.-G. Snyder, "The Failure of law and Development", Wisconsin Law Review, 1982, N° 3, p. 387.

(27) Selim Abou, Culture et Droits de l’homme, op. cit.

(28) E. Le Roy, "Les droits de l'homme, entre un universalisme hâtf et le ghetto de particularismes culturels, L’effectivité des droits fondamentaux dans la communauté des pays francophones,  Montréal, AUPELF-UREF,1994.

(29) op. cit..

(30) S. Abou, op. cit. p.74

(31) B. Badie, La  fin des  territoires, essai sur le désordre international et sur l’utilité sociale du respect, Paris, Fayard, 1995,253