Droits de lhomme, droit public musulman, droit administratif libanais
Georges Saad
Maître de conférences
Université libanaise et filière francophone de droit
(intervention présentée au Colloque International "2001, l'Odyssée des Droits de l'Homme, Grenoble 22-23-24 octobre 2001)
Introduction
Dans ce présent travail jentends par droit public musulman les textes constitutionnels et administratifs en vigueur dans la plupart des pays arabo-musulmans, qui adoptent lislam comme référence juridique, philosophique et politique dans leurs systèmes juridiques. Je mempresse de dire quà notre époque il nexiste pratiquement plus de droit public musulman ou de régime politique musulman au sens propre du terme (règne du califat, droit purement religieux, refus de tout emprunt aux systèmes juridiques occidentaux, etc..). En Egypte, en Syrie, en Irak, le droit public musulman se limite, à mes yeux, à une référence à lislam assez ambiguë : la plus haute fonction politique est réservée certes à un musulman, le statut personnel est régi par le texte musulman... Mais à part cela, reconnaissons que les notions fondamentales adoptées par les différentes constitutions relatives à la séparation des pouvoirs, à lEtat de droit, au fonctionnement de la justice, ladhésion à des textes tel que la Déclaration universelle des droits de lhomme, les différents codes (civil, pénal, etc) très européanisés, etc, enfin tout cela fait perdre le caractère authentiquement musulman de ces régimes.
Pour ce qui concerne le droit musulman la première difficulté provient du fait que le droit musulman nest pas unique puisque les communautés appartenant à la foi islamique sont très nombreuses, occupent de vastes territoires sur les quatre continents et vivent dans des situations politiques et sociales et économiques bien variables.
Je nentrerai pas ici dans une approche publiciste, politique et historique, du droit musulman, telle que celle que nous a laissé Emile Tayan. Je me contenterai dans cette étude de survoler quelques points techniques en rapport notamment avec les droits de lhomme. Je poserai la question du rapport entre les droits de lhomme et le texte religieux ; cette question pose avant tout le de linterprétation du texte religieux..
Les droits de lhomme posent dabord le rapport au texte religieux et donc problème dinterprétation. La question des droits de lhomme et des rapports avec le texte est avant tout une question dinterprétation. Il nexiste pas un seul mode dinterprétation. Cest heureusement quil nexiste pas un mode dinterprétation révélé. Linterprétation qui est un acte de connaissance visant à découvrir un sens est soumise à une notion de liberté. Selon la théorie réaliste de linterprétation, la plus juste à nos yeux, le texte supporte toujours plusieurs sens, pour plusieurs raisons : les mots ont plusieurs sens (polysémie) ; le contexte de la phrase, des mots ; le contexte extra-linguistique détermine aussi le sens. Il y a du volontarisme dans linterprétation ; il ne sagit pas de dire que tel mot veut dire cela mais devrait dire cela..
Les droits de lhomme ont besoin dun terrain propice quils ne trouvent que dans les possibilités dinterprétation. Lhistoire du droit musulman offre un large éventail : cest justement la différence dans les points de vue (la contradiction) qui a fait naître plusieurs écoles (mazhaheb : hanafite, malikite, shafiite, hanbalite). Citons lécole hanafite, école " libérale " qui fait appel principalement à la raison. Après le coran et la Sunna Abou Hanafa se réfère au jugement personnel et au principe du " précédent " qui a rapport avec la notion de listihsan (choisir la solution la meilleure). Le raisonnement par analogie est un point commun entre toutes les écoles : il sagit donc dune démarche consistant à partir dune source officielle du droit (Coran, Hadith..) à retrouver un précepte, un mode de pensée qui pourrait sappliquer aux cas despèce non envisagés par les textes. Cette possibilité dinterprétation heurte parfois la tradition au nom de la modernité et réussit à imposer de nouvelles codifications modernes : songeons aux nouvelles codifications fixant lâge légal du mariage à 18 ans révolus pour les hommes et 16 ans pour les femmes.
Malgré lintangibilité incontournable de la Parole de Dieu révélée par le prophète des changements radicaux ont pu avoir lieu : la rédaction de codes divers souvent inspirés par des codes occidentaux, notamment français ; comme exemple prenons lavènement dun droit syndical et dune législation du travail ; les progrès réalisés sur le plan des droits de la femme : abandon du voile, la reconnaissance du droit de la femme au travail, à la participation aux élections et à la vie publique. Et lon sait que la codification du statut personnel musulman a permis daméliorer ou daménager certaines règles de la Charia (Exemple de lEgypte, la Jordanie, la Tunisie et lIrak).
A dire vrai beaucoup de pays islamiques ont pris loption de se détacher de la Charia et ont codifié avec succès leurs lois. Preuve en est le mouvement de codification dans les pays du Proche-Orient où le législateur a su adapter un droit local à linfluence occidentale, notamment française (laïque). Le Majallat ottoman fut adopté par plusieurs pays : Libye, Syrie, Liban (jusquà 1932), Irak. Dautre part la plupart des pays arabes sont actuellement dotés de constitutions (sauf lArabie Séoudite et Oman pour lesquels le Coran est lunique constitution), toujours plus ou moins islamiques, mais en même temps de couleur laïque. Dailleurs même dans le passé et alors que loi islamique ne prévoit initialement aucune séparation des pouvoirs, une séparation de fait sest produite lorsque les califes étaient obligés de déléguer certains pouvoirs à dautres autorités : Imam, ministres (wisirs, sultans..).
Cette volonté de laïciser le droit en gestation est spectaculaire dans larticle premier du Code civil égyptien : " A défaut dune disposition législative applicable, le juge statuera daprès la coutume et, à son défaut, daprès les principes du droit musulman. A défaut de ces principes, le juge aura recours au droit naturel et aux règles de léquité ". Les principes du droit musulman viennent en troisième lieu, preuve de la prise de conscience du législateur, inconsciente peut être, de lincapacité croissante des textes religieux à régir les détails complexes et variés des multiples situations.
Certes il existe des principes contraires aux droits de lhomme : exemple relatif au statut personnel: " linexistence dune vocation successorale entre un musulman et un non-musulman ". Aussi le fait que la famille est nécessairement légitime, quil nexiste pas de parenté " naturelle " hors mariage, juridiquement reconnue. Lexclusion du droit du mariage de toute possibilité dadoption serait contraire aux droits de lhomme : art 1 de la dudh, et art. 2 (non discrimination, art. 3 " droit à la vie ". Dailleurs pour ce qui concerne le mariage et la famille le statut personnel musulman (et chrétien aussi qanoun al aila) ne respectent pas larticle 16-1 de la dudh qui énonce que lhomme et la femme ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Ceci serait contraire aussi à larticle 7 de la constitution libanaise.
Sil est difficile dimaginer un statut islamique admettant la laïcité, la neutralité des pouvoirs publics à légard de la religion, la séparation du spirituel et du temporel, du fait du caractère global de lIslam, il est un exemple où un Etat musulman laïc a pu être imaginé par un homme pas comme les autres : Mustapha Kemal Ataturk. Il a pu instituer dans un pays musulman un régime laïc séparant la religion islamique de lEtat : il a supprimé les contraintes vestimentaires concernant les femmes, interdit la polygamie, supprimé les privilèges des ordres religieux, autorisé la vente des boissons alcoolisées.
Lon sait aussi que pour de nombreux musulmans lislam reste un texte religieux, non un texte politique ; donc une vision complètement laïque des choses qui pèse positivement sur le droit musulman et rend la réception des droits de lhomme plus aisée.
Voici quelques mots de manière très générale sur le droit musulman, les possibilités dinterprétation du texte religieux et sur le fait que le droit musulman sest laïcisée inconsciemment, par la force des choses, inéluctablement, transformation naturelle je dirais, à travers les codifications, et surtout lemprunt aux systèmes juridiques occidentaux, notamment français. Je reviendrai sur ces questions au cours de mon exposé, plus techniciste, sur la réception des droits de lhomme en droit administratif libanais.
La réception des droits de lhomme en droit administratif libanais
Comment se fait la réception des droits de lhomme en droit administratif libanais ? Quelles sont les dispositions constitutionnelles daccueil ? Comment le juge administratif libanais prend-il en considération lévolution des droits de lhomme dans ses décisions jurisprudentielles? Dans quels domaines ? Quel accueil peut offrir le contexte multicommunautaire libanais ? Dautres interrogations surgiront. Cet article veut surtout lancer des pistes de recherches, à travers une recherche juridique comparative, notamment entre le droit libanais et français.
Approche théorique
Si lidéologie des droits de lhomme a comme fondement " lidée que tous les êtres humains possèdent une nature universelle qui est conforme à la raison ", il savère que ces droits ne sont pas si universels quils en donnent lair. Sinon, comme le dit François Vallançon, " les juristes feraient mieux de se croiser les bras et daller à la pêche à la ligne". En effet, on peut légitimement ne pas donner loreille à ceux qui doutent de luniversalité des droits de lhomme, mais on ne peut nullement ne pas voir que ces droits sont de mille couleurs, selon les pays, les contextes. Les deux positions sont justes. A chacun son angle " honnête " de vue. Quest-ce la liberté de la personne humaine ? Quest-ce une administration responsable des dommages causés par elle aux particuliers? Quel rapport établir entre dignité des hommes, revenu minimum vital, effort personnel, liberté de commerce ? Si, déjà, nous ne sommes pas daccord sur la définition des droits
de lhomme, à quoi bon analyser leur universalité!
Mais justement, et si on commençait par les droits de lhomme les moins problématiques ? Or la plupart dentre eux, à mes yeux, sont compréhensibles, saisissables: la liberté dexpression, légalité, la dignité des citoyens, la liberté syndicale, la présomption dinnocence.. Disons quil faut bien se faciliter la tâche. Soit donc les droits de lhomme " synthétisés dans les trois mots : liberté, égalité, fraternité ", et actuellement moulés dans la Déclaration universelle des droits de lhomme de 1948. Soit aussi, en guise de rappel rationnel, que chaque pays a participé directement ou indirectement, et dans une certaine mesure, à lélaboration de ces droits, étant donné que toute révolution dans le monde est, entre autres, le fruit des efforts accumulés par lhumanité tout entière. Cependant, ces droits, dans leur forme actuelle, ont été façonnés par une main occidentale. Dans les pays du sud les attitudes sont diverses : pour les uns ce sont des droits étrangers, les droits de lhomme occidental; pour les autres, qui les adoptent sans réserve, ce sont des droits dorigine universelle, et quasi-orientale avant tout (héritage perse, grec, voire phénicien); pour dautres encore il y a une sélection à opérer: certains droits seraient bons à prendre, dautres, trop occidentaux et différents pour avoir droit de cité.
Le Liban adopte volontiers les droits de lhomme de 1948; plus: il considère quil en était un des fondateurs. Toutefois, le contexte du pays, sa formation multiconfessionnelle, lhéritage totalitaire dans la région arabo-musulmano-ottomane, tout cela fait que la réception des droits de lhomme dans le système juridique libanais se fait dans un contexte " psychologique " difficile. Certains sont fanatiquement pro-droits de lhomme; dautres violemment hostiles; La problématique devient cruciale lorsque lon sait que parmi la première catégorie, certains (juges, hommes politiques..) sont fanatiquement pro-droits de lhomme en général mais rejettent aussi fanatiquement certains dentre eux jugés inapplicables au Liban. Plus encore: même ceux qui voudraient les appliquer (juges administratifs) sont parfois refoulés et contraints par le contexte politique (liberté dexpression), économique (responsabilité administrative) et social (égalité entre les sexes) à opérer une sélection rigide, qui ne peut que prendre la forme dun collage, dun bricolage, qui paraît à la fois sympathique et égocentrique.
Le schéma ainsi dessiné, les difficultés annoncées, je survolerai certains domaines du droit libanais, afin de percevoir la manière dont certains droits de lhomme sont reçus dans les textes et par le juge, notamment administratif, et les itinéraires pris par rapport à la source, le droit français. Démarche critique, je tenterai de déceler lattitude socio-philosophique du juge libanais: nécessairement, la démarche sera comparative. Non seulement puisque cette recherche porte sur le droit libanais, qui a beaucoup emprunté au droit français, mais puisque toute recherche relative aux droits de lhomme, donc à lapplication de la Déclaration universelle des droits de lhomme, ne peut quêtre comparative, en dehors du débat entre " unification/harmonisation". Dautre part, il nest de recherche juridique en dehors de la philosophie; il nest de recherche en dehors de la science; car le droit ne poursuit pas la vérité, celle-ci ressortissant de la philosophie, et Kelsen nous abuse, comme le dit Michel Villey, " lorsquil veut faire du juriste un savant pur ".
A- Les composantes de la légalité
Ce sont les règles que ladministration, dans les différentes facettes de son action, doit respecter. Certaines de ces règles proviennent de lextérieur comme la constitution et les lois, dautres émanent de ladministration elle-même, je veux dire les actes administratifs unilatéraux. Lon devine ici quil sagit de la notion de lEtat de droit considérée aujourdhui comme incarnant le renouveau du droit constitutionnel, source de tous les droits.
1- La constitution et son préambule
Les dispositions que contient la constitution prévalent sur toutes les autres règles, et ladministration doit sans aucun doute se comporter conformément à ces dispositions. Dautre part la constitution contient des règles fondamentales philosophiques, sociales et politiques au sein de ses articles ou bien dans le préambule (art 7-13 de la constitution libanaise par exemple). Le juge peut y puiser de nombreuses règles en cas dabsence ou dambiguϊté de texte.
Le problème du préambule de la constitution se pose alors: a-t-il une force juridique? Cette problématique se pose pleinement en droit libanais depuis le dernier amendement constitutionnel du 21/9/1990 conformément aux accords de Taëf qui a introduit dans notre constitution un préambule. Dans le préambule de la constitution française de 1958 le peuple français déclare son attachement aux droits de lhomme et aux principes de la souveraineté nationale, tels quils sont déterminés par la Déclaration de 1789; ces principes furent affirmés et complétés par le préambule de la constitution française de 1946. Malgré les hésitations et les contradictions dans les opinions des auteurs, la tendance générale aujourdhui (opinion du doyen Vedel par exemple) trouve que les dispositions contenues dans le préambule ne sont pas seulement des expressions générales sans influence sur le droit positif, bien au contraire elle ont une force juridique. On sait que cette question acquiert une plus grande importance en présence dun conseil constitutionnel. En labsence dun conseil constitutionnel les lois restent insusceptibles dannulation, surtout que la juridiction administrative et judiciaire ne peuvent contrôler la constitutionnalité des lois. Nous partageons lidée selon laquelle les droits et les libertés que garantit la constitution dans son préambule ou dans les textes auxquels se réfère le préambule ont une valeur positive et constitutionnelle (sinon pourquoi figureraient-ils dans le préambule?). Vedel dirait "ils prendraient un sacré coup". Le Conseil constitutionnel français a déjà affirmé cette valeur, notamment dans la célèbre décision du 16 juillet 1971 où il a intégré pour la première fois au bloc de constitutionnalité le préambule de la constitution de 1958 et " par une cascade de renvois, la Déclaration des Droits de lhomme et du Citoyen de 1789, le Préambule de la constitution de 1946, ainsi que les principes reconnus par les lois de la République; le jeune Conseil constitutionnel libanais a suivi en déclarant dans deux décisions 1/97 et 2/97 de 1997 que " les principes figurant dans le préambule de la constitution sont une partie intégrante de la constitution et jouissent de la même valeur constitutionnelle que celle des autres dispositions de la constitution ". On peut peut-être dire que si pour le Conseil constitutionnel français les principes de 1789 formait le noyau de référence, la " fierté " de référence, pour le Conseil constitutionnel libanais cette fierté est constituée par la Déclaration universelle des droits de lhomme (et les Chartes de lONU). Dans ces deux décisions les recours étaient présentés contre deux lois n° 654 et 655 du 24/7/1997 relatives à la prorogation du mandat des conseils municipaux (pour la première) et des moukhtars (pour la seconde) jusquau 30/4/1999. Il faut dire que les dernières élections municipales et des moukhtars avaient eu au Liban en 1963. Depuis cette date on ne faisait que proroger ces mandats surtout que les événements sont venus justifier, dans une certaine mesure, de telles mesures. Ainsi toutes les municipalités étaient soit dissoutes, soit fonctionnaient avec les mêmes personnes depuis plus de 35 ans. Après le dernier amendement constitutionnel de 1990 effectué sur la base des accords de Taëf un " événement constitutionnel" radical sest produit: la constitution libanaise sest doté dun préambule. Six ans après la fin de la guerre et devant les réclamations incessantes des citoyens et des parlementaires pour organiser des élections municipales et des moukhtars le gouvernement libanais décide de soumettre un projet de loi urgent qui aboutirait à lorganisation de nouvelles élections. Mais la surprise fut que le chef du gouvernement décida de retirer ce projet, et finalement le parlement libanais décida de donner son accord à la demande du gouvernement et de proroger les mandats des conseils municipaux et des moukhtars jusquau 30/4/1999. Des parlementaires présentèrent une demande dannulation de cette loi. Dans ces deux décisions le conseil constitutionnel, utilisant les mêmes termes, commence par dire que " les principes contenus dans le préambule de la constitution sont considérés comme étant partie intégrante de la constitution et jouissent dune valeur constitutionnelle, de la même manière que les autres dispositions de la constitution ". Il est intéressant de suivre le raisonnement du Conseil constitutionnel libanais afin de pouvoir dégager sa position à légard des droits fondamentaux contenus dans le préambule ou auxquels ce dernier se réfère. Limportance de ces deux décisions réside surtout dans cette attitude qui engage le juge constitutionnel sur la voie du respect des droits de lhomme, attitude qui apporte un changement radical dans lordonnancement juridique libanais.
Le Conseil constitutionnel suit le raisonnement suivant: il est vrai que le parlement, dit-il, jouit de compétences larges au niveau législatif, mais il reste tenu de respecter la constitution et les dispositions de valeur constitutionnelle. Le Conseil rappelle ce que dit le paragraphe "c" du préambule. La démocratie, dit le prestigieux tribunal, se réalisant surtout " dans la participation des citoyens à la vie publique et à la gestion des affaires publiques ". "La démocratie na pas uniquement un aspect politique, elle a un aspect administratif qui concerne la participation des collectivités locales à la gestion de leurs propres affaires à travers des conseils élus "..." Etant donné que dans la législation actuelle les collectivités locales sont représentées par les municipalités qui jouissent de la personnalité morale et de lautonomie financière et administrative.. ". Puis le Conseil constitutionnel cite larticle 7 de la constitution qui stipule que " tous les Libanais sont égaux devant la loi, ils jouissent également des droits civils et politiques et sont également assujettis aux charges et devoirs publics, sans distinction aucune", avant dinsister sur le fait que le droit de vote est un des droits constitutionnels qui incarnent le principe démocratique, et est lié à un autre principe constitutionnel, celui de la périodicité des élections qui signifie que le droit électoral (délire et dêtre élu) doit sexercer périodiquement: ici le Conseil invoque à lappui de lexigence de la périodicité des élections le paragraphe "b" de larticle 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de lONU du 16/12/1966 ratifié par le Liban en 1972. Pour le Conseil le parlement ne pouvant déroger à ces principes que dans les circonstances exceptionnelles. Or la prorogation en question ne saurait être justifiée aux yeux du conseil par des circonstances exceptionnelles, ce qui contredit " larticle 7 de la constitution et empêche les collectivités locales de gérer leurs propres affaires en application de la conception démocratique qui figure dans le préambule ". Ainsi le Conseil constitutionnel annule sur la base de ces motifs les deux lois 654 et 655 relatives aux élections municipales et des moukhtars.
Deux choses nous intéressent particulièrement dans ces deux décisions : 1) dabord le fait que le préambule de la constitution est considérée par le Conseil constitutionnel libanais comme ayant valeur constitutionnelle; 2) la vision extensive adoptée par le Conseil à légard du préambule de la constitution et notamment du paragraphe b,lorsque, pour justifier lexigence de la périodicité des élections, il se réfère au paragraphe "b" de larticle 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de lONU ratifié par le Liban en 1972, ce qui prouve que le préambule englobe aussi les textes auxquels il renvoie, notamment la Déclaration universelle des droits de lhomme et les Chartes et conventions (mawathiq) de lONU.
Au contraire du Conseil constitutionnel, le Conseil dEtat sappuie bien rarement sur le préambule de la constitution; en revanche il sappuie sur les principes généraux du droit. Mais si le Conseil dEtat français ne sappuie pas systématiquement sur le préambule, il cite explicitement les principes de 1789, et les principes particulièrement nécessaires à notre temps formulés dans le préambule de 1946 auquel se réfère celui de 1958. Quoi quil en soit, il faudrait reconnaître que le préambule de la constitution fait partie intégrante de la constitution et constitue une grande réserve dans laquelle le juge constitutionnel et administratif puisent des idées, toutes les fois où ils constatent une violation flagrante des principes philosophiques généraux pivotant autour des droits de lhomme. Mais on ne peut quaffirmer en même temps que les principes déclarés dans les préambules ne sont pas toujours dune clarté décisive; ce sont des idées-orientations générales qui ouvrent souvent la possibilité de linterprétation. Toutefois, il serait important de relativiser cette idée: la possibilité de linterprétation ne doit pas nous faire oublier que, si certains droits (ou concepts) peuvent recevoir diverses interprétations (certaines applications de la dignité de la personne humaine par exemple), la plupart dentre eux devraient imposer une interprétation globalement unique.
Malgré cela lengagement du Liban à respecter la Déclaration universelle des droits de lhomme constituera sans nul doute une boussole qui oriente les décisions du juge dans le sens de cette Déclaration. Les deux décisions du Conseil constitutionnel 1/97 et 2/97 citées plus haut engagent inéluctablement la jurisprudence libanaise dans le sens de laffirmation des droits humains. En labsence dune loi qui fait écran " étanche " le juge libanais, sappuyant sur le précédent constitutionnel de 1997, va pouvoir se promener comme bon lui semble sur le boulevard des droits de lhomme.
En droit libanais, de même quen droit français, le juge ordinaire ne peut pas contrôler la constitutionnalité des lois, la loi faisant écran entre lacte administratif et la constitution; Mais à vrai dire cette règle ne sapplique que lorsque la loi est contraire à la constitution de manière qui ne prête à aucune ambiguïte; dès que la loi supporte plusieurs interprétations, rien ninterdit le juge libanais dinterpréter les règlements dans le sens de la conformité à la constitution, et donc à la Déclaration des droits de lhomme et aux grandes Chartes de lONU.
De même quen France la Convention européenne des droits de lhomme occupe une place primordiale, tant elle est invoquée devant le juge administratif (recours pour excès de pouvoir contre des actes administratifs), nous estimons quen droit libanais les dispositions de la Déclaration universelle des droits de lhomme, surtout en labsence dune convention arabe des droits de lhomme ayant valeur de règle positive et impérative, doivent occuper la place qui est aujourdhui celle de la Convention européenne des droits de lhomme, en tant quensemble de règles protégeant les libertés et les droits du citoyen européen.
2- Les traités
Larticle 2 du code de procédure libanais accorde la primauté aux conventions internationales sur les lois; à fortiori les traités prévalent sur les actes administratifs. Cependant la jurisprudence administrative libanaise est encore loin derrière la jurisprudence française "Nicolo". Dans cet arrêt le CEF décide que les dispositions de la loi électorale postérieure (adoptée en 1977) ne sont pas incompatibles avec les stipulations claires du traité de Rome du 25 mars 1957 instituant les Communautés économiques européennes. Il est important que le juge libanais suive son homologue français, plus courageux: dans des décisions récentes le Conseil dEtat français a même accordé la suprématie aux règlements et directives émanant dorganismes européens sur les lois internes postérieures, à cause du rapport étroit existant entre ces règlements et les traités européens. Les droits de lhomme ne peuvent frayer leur chemin tant que le juge libanais reste attaché " chauvinement " à la loi parlementaire, voire aux actes administratifs pris par les autorités administratives, puisque le juge libanais, na pas encore fait le pas qui consiste à accorder de manière générale la primauté aux conventions internationales sur des lois, même antérieures. Et surtout il na pas encore fait le pas qui consiste à interpréter extensivement (dans le sens de la sauvegarde des droits de lhomme) les conventions internationales, et notamment les deux pactes internationaux évoqués plus haut. Si le juge libanais se mettait à accorder la primauté aux traités, interprétés extensivement dans le sens des droits de lhomme, sur les lois antérieures, il y aurait eu révolution jurisprudentielle. mais cest trop demander: la loi est encore là comme un mur insurmontable. Le juge libanais, même lorsquil adopte un système juridique continental, son comportement timide est bien visible: il suffit de constater quil napplique pas les traités internationaux, même en labsence dune loi. Prenons un exemple relatif au droit du travail (relations individuelles de travail, droit de la fonction publique) : le juge libanais ne donne pas droit de cité au principe de non-discrimination entre les hommes dans lemploi, alors que ce principe se trouve dans plusieurs textes internationaux ratifiés par le Liban (convention de lOIT n°111).. Or il serait absurde de porter plainte au Liban contre un employeur (Etat ou employeur privé) qui pratique la discrimination à lembauche, en refusant par exemple dembaucher des salariés syndiqués. Cest dire que, quand bien même les traités sont ratifiés, la dudh signée, le droit sexpose à des obstacles relatifs au contexte du pays, à son histoire, ses conceptions, ses moyens, son économie. Le juge ne plane pas au-dessus de la société. Le juge, cest un style de vie.
3- Application de la loi
Dans Ie système juridique Iibanais Ia loi occupe une place primordiale en raison de labsence de dispositions constitutionnelles qui déterminent pour le pouvoir législatif les matières législatives, à linstar de larticle 34 de Ia constitution française. Dans certains cas, le juge a la possibilité de faire bonne réception des droits de lhomme en appliquant tout simplement la loi interne, et à vrai dire en appliquant la loi dans le sens des droits de lhomme; même dans ces cas, une certaine dose de courage est exigée, voire damour pour les droits de lhomme. Nous nous contentons dun exemple: selon larticle 2 de la loi libanaise relative aux associations du 3 août 1909, la constitution des associations nest pas soumise à une autorisation préalable; il suffit de déposer le dossier de constitution de lassociation pour que lacte de constitution soit accompli: acquisition de la personnalité juridique et droit dester en justice. Cest ce que décide le juge administratif libanais dans un arrêt récent. Lorsque les fondateurs dune association déposent leur demande, ils portent tout simplement à la connaissance des autorités publiques la constitution de leur association (ils donnent " llm wa khabar "). Or les autorités libanaises, surtout dans la période après guerre, ne permettaient le fonctionnement des associations quune fois celles-ci reçevaient une réponse positive (sorte dautorisation appelée paradoxalement " Ilm wa khabar ", cest-à-dire " dépôt de dossiers "), donc après enquêtes qui peuvent durer plus dun an. Cet arrêt du Conseil dEtat libanais met fin à une pratique autoritaire, en faisant tout simplement appel à lapplication de la loi. Pour lEtat lassociation nest pas constituée puisquelle na pas encore reçu le " Ilm wa khabar " (publié nécessairement dans le journal officiel). Le juge passe outre cette exigence et se fie à une interprétation extensive de la loi pour sauver un droit fondamental des citoyens, la liberté de constitution des associations. On ne peut quespérer que cet état desprit libéral continue à évoluer dans le sens dun plus grand respect des droits de lhomme. Mais nous allons voir que cela na pas été toujours le cas, notamment en ce qui concerne lapplication des principes généraux du droit, où le raisonnement du juge aboutit à adopter des décisions peu libérales.
- Linconstitutionnalité des lois
Notre article 2 du code de procédure civile interdit au juge de déclarer la nullité dun acte législatif pour non conformité à la constitution, mais si la déclaration de nullité est prohibée, la non-application de la loi à travers lexception dinconstitutionnalité devrait être tout à fait admise, ce qui est plus respectueux des droits de lhomme. De même larticle 105 du statut du Conseil dEtat libanais stipule quon ne peut présenter un recours en excès de pouvoir que contre des actes administratifs exécutoires et interdit de présenter des recours en annulation contre des actes à caractère législatif ou judiciaire. Ce qui est prohibé cest donc laction directe, non laction indirecte. Pourquoi le juge administratif libanais prend-il une attitude hostile alors quil pouvait très bien admettre lexception dinconstitutionnalité. Si le juge français se mettait à admettre lexception dinconstitutionnalité, le juge libanais suivra-t-il? Létude comparative apporte une réponse affirmative: le juge libanais suivra, mais timidement et sélectivement.
4- Les principes généraux du droit
Limportance des principes généraux du droit (PGD) se trouve dans le fait quils enrichissent le contenu de la légalité administrative et renforcent le pouvoir du juge administratif dans le sens de la restriction de la marge du pouvoir discrétionnaire de ladministration. Nul besoin de signaler ici le lien étroit existant entre les droits de lhomme et les PGD. Le juge administratif français a fondé cette notion en particulier pour améliorer la relation citoyen-administration dans un sens plus juste et égalitaire, donc qui met fin au rapport de domination qui gouvernait cette relation. Les principes généraux du droit sont à notre avis un outil pour mettre en application les droits de lhomme et notamment les principes qui figurent dans la Déclaration universelle des droits de lhomme. Le juge administratif libanais a adopté cette théorie sans hésitation, en se réservant la faculté de choisir ce qui convient au contexte libanais, quoique parfois de manière fort sélective. Il fait siennes des décisions telles que "Veuve Trompier-Gravier" (droit de la défense), ou " société des concerts du conservatoire " (principe de légalité).
a- Le principe de légalité
Sans doute, le principe de légalité est-il le plus important entre tous les principes généraux du droit auxquels le juge administratif libanais se réfère. Cest dabord larticle premier de la dudh : Tous les êtres naissent libres et égaux " ; et larticle 7 : " Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi ". Selon le Conseil dEtat libanais lorsque ladministration simpose des règles juridiques visant la sauvegarde des droits des citoyens relatifs aux services quils rendent à lEtat, elle doit, en vertu du principe dégalité, appliquer ces règles à tous les citoyens se trouvant dans la même situation ". Dans un arrêt du Conseil dEtat libanais il est décidé par exemple que le fonctionnaire qui accomplit dautres tâches que celles que sa fonction principale exige, pourra en vertu du principe dégalité entre les fonctionnaires, réclamer le surplus de salaire qui lui est dû. Mais encore faut-il que le recours sappuie sur de réelles motivations. Le Conseil aurait pu recourir aussi dans ce cas au principe de lenrichissement sans cause, qui est un droit à rattacher au principe dégalité. Mais aussi à larticle 23-2 de la dudh: " Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal ". Cependant pour appliquer le principe dégalité, le juge administratif libanais exige de réelles motivations. Bien entendu le principe dégalité doit être regardé extensivement. Rien dans la dudh névoque la notion de responsabilité de lEtat, de ladministration, en dehors de la notion dégalité. Le droit administratif fonde la responsabilité administrative sur la notion de faute et sans faute. Nous pensons que dans les deux cas la toile de fond est constituée par la notion dégalité. Lorsque ladministration commet une faute préjudiciable, nest-ce pas, sans le dire, sur la base de larticle 7 de la dudh (tous sont égaux devant la loi ) que le juge administratif engage la responsabilité de ladministration. Ne fait-il pas référence, sans le dire expressément, aux dispositions du code civil.
Ainsi le principe dégalité a pour corollaire le devoir pour ladministration dindemniser les particuliers lésés par laction administrative. En cas de force majeure, guerre par exemple, il ny a pas lieu à indemnisation. Le tout est de savoir quand, pour le juge libanais, il y a force majeure. Durant les événements de 1958 au Liban, larmée libanaise avait occupé des domiciles pour des besoins sécuritaires, et des requêtes pour indemnisation furent présentées. Dans son interprétation de lévénement militaire le Conseil dEtat libanais suit un raisonnement trop restrictif pour être conforme aux droits de lhomme, même si lon concède que "tout événement militaire ne doit pas être considéré comme un événement de guerre ". En effet les événements de 1958 ne constituent pas à ses yeux un état de guerre, mais des actes de violence nécessitant lintervention des forces armées pour rétablir lordre et la paix. Il applique dans ces cas le principe dégalité devant les charges publiques.
Il faudrait signaler que le juge libanais se réfère de moins en moins à la théorie des principes généraux du droit. Il sy réfère avec ambiguïté. Nous pouvons dire donc que cette théorie est en déclin au Liban; elle le serait aussi en France, mais pour dautres raisons. En France la raison du déclin se trouverait dans la multiplication des sources formelles du droit. Au Liban, il faudrait creuser ailleurs pour trouver des raisons: le contexte de la guerre dans les dernières vingt années, un certain mépris, chez le juge, "mépris inconscient " peut-être, des notions abstraites, et pourquoi pas une certaine crainte " politique " des droits de lhomme
b- libertés publiques et droits individuels
Les libertés publiques et les droits individuels occupent un large espace au sein des principes généraux du droit. Dès que le juge trouve que telle liberté est menacée, en labsence dun texte, il sappuie sur la notion de principe général du droit pour la consacrer, sauver, en toute fidélité aux grands textes constitutionnels, mais surtout pour ce qui concerne le juge administratif, et sans avoir toujours besoin de le dire, aux textes relatifs aux droits de lhomme: la dudh et les deux pactes internationaux. Dabord larticle 18 de la dudh. Et larticle 19 (liberté dopinion et dexpression). Le préambule de la Déclaration universelle des droits de lhomme nénonce-t-il pas " lavènement dun monde où les hommes seraient libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère ". Il sagit là dune conception civique et laïque. Laïque car peu importe les différences idéologiques; et civique puisque " la libre expression des opinions et des idées constitue la condition indispensable à lexercice des droits des citoyens ". Le juge libanais peut sappuyer, en matière de liberté de pensée et dopinion, sur les stipulations du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ayant plus de valeur que la dudh, aux yeux de certains auteurs. Mais la jurisprudence libanaise serait plutôt de lautre bord de " Barel ", puisquil avait eu des positions peu conformes aux exigences des textes sur les droits de l'homme (affaire Chawi). Nous pensons que la jurisprudence libanaise s'oriente actuellement vers une position plus respectueuse de la liberté d'opinion et des libertés publiques en général. On peut dire que la position du juge administratif libanais est donc entachée d'une forte ambiguïté, voire une ambivalence: dans certaines décisions il va montrer son attachement au principe de liberté (entendu au sens large: liberté de parole et d'expression, liberté de constitution des associations) mais pas dans d'autres. Ainsi les décisions sont sans doute colorées politiquement. Citons encore laffaire "Héritiers Youssef Hatem" ou au contraire de " Chawi " le juge libanais manifeste son attachement à l'idée de liberté d'opinion en tant que principe général de droit, alors qu'il aurait pu se contenter de s'appuyer sur le seul article 13 de la constitution qui stipule:
" La liberté dexprimer sa pensée par la parole ou par la plume, la liberté de la presse, la liberté de réunion et la liberté dassociation sont également garanties dans les limites fixées par la loi" .Comme nous l'avons dit, les principes généraux du droit offrent l'occasion au juge administratif de mettre en oeuvre les droits de l'homme. Citons aussi par exemple le principe de la continuité des services publics. Néanmoins, le droit de la défense reste un principe général du droit par excellence, défendu par le juge administratif libanais. Depuis longtemps ce dernier applique le droit de la défense, en tant que principe général de droit. Dans un arrêt récent " Hyam Ismaïl ", le Conseil dEtat libanais se réfère au droit de la défense sans évoquer la théorie des principes généraux du droit.
Dautre part, le Conseil dEtat libanais applique le principe selon lequel " pour tout travail un salaire " (ou toute peine mérite salaire)
" dans deux affaires semblables où ladministration confie elle-même à ses fonctionnaires des tâches supplémentaires: C.E.L. du 15.11.1972, " docteur Joseph HRAWI ", n°363, Majmoua Idaria (M.I.) 1973, p. 75.c- Le principe général du droit: Al Adl wal Insaf (Justice et équité).
Le principe " justice et équité" ou si lon peut dire le devoir de rendre justice à quelquun , ou encore tout simplement le principe de léquité. " Justice et équité " serait lexpression la plus fidèle aux termes employés en arabe par le Conseil dEtat libanais. Le premier arrêt qui a appliqué les principes
" justice et équité" date de 1935 : C.E.L. du 3.6.1935, n°60, Nachra qadaia, anciennes décisions, t. III, p. 175. On peut dire que cest un principe propre à la jurisprudence administrative libanaise; il offre une immense liberté de mouvement au juge, et donc dénormes possibilités de référence aux droits de lhomme. Le principe " libanais " " justice et équité " recoupe ou englobe le " droit à un procès équitable ". Il peut englober certainement le principe selon lequel doivent être soumis, même sans texte, à un contrôle de légalité, les actes administratifs. Larrêt français " Dame Lamotte " illustre ce principe. Nous apercevons ici une application directe de la dudh et notamment de larticle 10. Le recours pour excès de pouvoir présente un caractère dordre public, ce qui implique limpossibilité de renoncer davance à lexercer. Le juge libanais adopte complètement le principe dégagé par " Dame Lamotte ". Dans un arrêt " Fouad Haddad ", le Conseil dEtat libanais natteint pas le plafond de " Dame Lamotte " mais il semble quil tente de le dépasser du moins dans lintensité de la formulation. Le Conseil annule une décision prise par le Conseil disciplinaire supérieur relative à la révocation dun fonctionnaire. Selon la loi les décisions du Conseil disciplinaire supérieur sont insusceptibles de recours, y compris le recours pour excès de pouvoir. Mais le Conseil disciplinaire avait pris sa décision sur la base dune décision de renvoi illégale, puisque entachée de vice dincompétence. Le Conseil dEtat saisit loccasion et dit quil reste la juridiction compétente pour connaître de la régularité des décisions du Conseil disciplinaire entachées de vice dincompétence. Ensuite il adopte une position théorique dans laquelle il affirme sa volonté de contrôler laction administrative, à travers le jeu de linterprétation et même en présence de textes qui len interdisent: " cette interprétation, dit le Conseil dEtat, est conforme aux principes généraux du droit auxquels il faut recourir toutes les fois que les textes comportent des dispositions contraires à ces principes de manière flagrante (comme celles qui interdisent tout recours pour excès de pouvoir). Et le conseil de continuer : "le juge dans ces cas doit faire son possible pour minimiser la portée de ces dispositions dans le but dassurer la primauté des principes généraux sur les dispositions légales, étant donné que ces textes comportent des dispositions exceptionnelles quil convient dappliquer de manière exclusive et étroite ". Il est vrai que la requête dans cette affaire a été présentée en 1972 pour nêtre jugée quen 1992. Par rapport à "Dame Lamotte" cest un arrêt récent. Est-il légitime de voir un dépassement de "Dame Lamotte". En effet dans ce dernier comme dans dautres arrêts français ayant appliqué cette jurisprudence il na jamais été question de loi interdisant le recours pour excès de pouvoir expressément: on était toujours devant des décisions administratives insusceptibles daucun recours, et ce nest que par un jeu dinterprétation peu innocent que le Conseil dEtat français feignait supposer que le législateur ne voulait certainement pas priver les requérants du recours pour excès de pouvoir "qui leur est ouvert, en cette matière comme dans toutes autres, en vertu des principes généraux du droit". Il est inadmissible dans un Etat de droit que le pouvoir législatif interdise, tout bonnement, le recours pour excès de pouvoir contre les décisions prises par les autorités administratives. Cest une exigence minimum dun Etat de droit. Les droits de lhomme sont ici en question. Une telle interdiction serait également et surtout contraire aux normes et principes de valeur constitutionnelle: dans une décision du 21 janvier 1994 (93-335 DC, p. 40), confirmée par une décision du 9 avril 1996 (96-373 DC), le Conseil constitutionnel français a rattaché le droit des individus à un recours effectif devant une juridiction en cas d'atteintes substantielles à leurs droits à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui fait partie du bloc de constitutionnalité. A dire vrai, il ne sagit pas dun dépassement de " Dame Lamotte ", il y a tout simplement lexpression dun souci chez le juge libanais, dune volonté daccorder la primauté aux grands principes de justice et déquité, aux droits de lhomme sur des textes qui doivent toujours être lus à la lumière de cette boussole. Sil ny a pas dépassement de "Dame Lamotte", il y a dans cette formulation un juge qui exprime une volonté dacquérir une réelle indépendance. Et de ce fait il donne beaucoup aux droits de lhomme.d- Le principe de la représentation confessionnelle
Cest un principe général du droit proprement libanais, puisquil concerne une particularité de la société libanaise. Mais depuis le dernier amendement de la constitution libanaise (1990) suite aux accords de Taëf, il ne fait plus partie des principes généraux du droit. Cest que lancien article 95 de la constitution libanaise imposait de prendre en considération lappartenance confessionnelle dans la répartition des fonctions publiques. Cest pourquoi le principe de la représentation communautaire (mabda al tamthil al taifi) figurait dans les recueils administratifs sous la rubrique " principes généraux du droit ". Depuis 1990 le nouvel article 95 est venu supprimer en grande partie le confessionnalisme politique, jugé responsable, entres autres raisons, de la guerre libanaise. Pour réaliser que les droits de lhomme ne sont pas aussi universels quon ne le pensait, il faut venir au pays du cèdre. Il faut lire des arrêts du Conseil dEtat libanais (davant 1990) qui impose le principe de la répartition confessionnelle, et donc une grande inégalité, étant donné que ce nest plus le mérite qui est le seul critère. Ceci est certes en contradiction flagrante avec lexigence minimum de la Déclaration des droits de lhomme, des deux pactes internationaux, voire de la constitution libanaise elle-même, qui prévoit, paradoxalement, dans un autre article (larticle 7): " Tous les Libanais sont égaux devant la loi. Ils jouissent également des droits civils et politiques et sont également assujettis aux charges et devoirs publics, sans distinction aucune ". Malgré le nouvel article constitutionnel (95) qui a supprimé la répartition confessionnelle dans les fonctions publiques, à lexception des fonctions de première catégorie, on sait que cette règle de répartition confessionnelle reste appliquée de nos jours au mépris de la constitution et en toute bonne conscience, à telle enseigne quon se demande sil ne valait pas mieux garder lancien article 95 jugé maintenant plus " honnête ". Devant cette situation les droits de lhomme ne savent quoi dire. Antoine Messarra, dans un article sur " les droits fondamentaux de lhomme dans le système politique libanais ", va plus loin: il estime que linterprétation homogénéisante des droits de lhomme sert à " dénigrer ces sociétés (comme la société libanaise) rapidement rangées comme des cas spéciaux, anachroniques, ou non viables en vertu de schèmes en vogue de construction nationale et de modernisation politique ". Certes son départ est-il juste: voici résumé, de manière plus directe, ce quil veut dire: comment appliquer le principe dégalité (article premier de la dudh) dans une société communautaire, où une minorité chrétienne vit avec une majorité musulmane " non laïque ", et dans un environnement arabo-musulman, les pays arabes, dont aucun nadopte une constitution véritablement laïque. La prédominance musulmane dans les fonctions publiques ne constituera-t-elle pas certainement une prédominance politique à moyen terme, avec un risque dislamisation, sous nimporte quelle forme. Ce serait malhonnête dignorer cette crainte, au pays du cèdre, quon soit chrétien, athée, ou musulman laîque. Voici un contexte très différent de la France, par exemple. Quelle attitude philosophique et juridique adopter devant des droits de lhomme exportés dun Occident où le citoyen est citoyen, et non chrétien ou musulman puis citoyen. Les droits de lhomme seraient-ils faits pour des " citoyens-Etat ", non pour des " citoyens-communauté religieuse " ? Cette exigence est en quelque sorte le passeport que doivent obtenir les notions des droits de lhomme, mais aussi du droit administratif français pour pouvoir franchir les marches du palais de justice de Beyrouth, " mère des lois ". Antoine Messarra estime que beaucoup de crimes sont commis au nom du rejet de " toute discrimination " et réclame comme des " contre-droit de lhomme ", le droit à la différence, le droit de participation.
Prenons larticle 13 de la dudh: toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence ". Comment cet article peut-il avoir une application au Liban, pays multicommunautaire, de la même manière quil sappliquerait dans un pays qui ne vit pas continuellement sur un équilibre fragile, chargé de mille craintes et tensions minoritaires. A notre avis il ny a pas besoin daller jusquà proposer des contre-droits de lhomme, il suffirait de lire autrement les dispositions de la dudh, les lire justement dans une optique " droit de lhommiste ". Ainsi on ne pourra plus faire dire à " tous les êtres sont égaux ", le contraire de ce quil signifie: en effet il sagit dune égalité absolue, adaptée bien sûr au droit à la différence, et ennemie de légalité plate, simpliste, temporaire
Quant au juge administratif, il doit se conformer au nouvel article constitutionnel 95 (suppression graduelle du confessionnalisme dans la fonction publique). Il jettera la balle dans la cour du " politique ". Nous savons néanmoins quil peut aider : par omission du moins, en montrant peu de zèle, en boudant des textes peu convaincants Il pressera ainsi le pouvoir politique à trouver les solutions politiques adéquates.
B- Compétence liée, pouvoir discrétionnaire et droits de lhomme
Le respect des droits de lhomme exige tout simplement du juge administratif détendre son contrôle juridictionnel de laction administrative. Larticle premier et larticle 7 de la dudh imposent à tous (administration et administrés) le respect de la loi au sens général, cest-à-dire le respect du principe de la légalité. En droit administratif cela a une portée particulière. Le droit administratif étant un droit essentiellement jurisprudentiel, cest le juge administratif qui crée incessamment le contenu de ce principe, au regard de lévolution de la société et des conceptions des hommes. Cest le juge administratif qui fixe les bornes de laction administrative en se fondant sur le principe de la légalité, dont le contenu des composantes subit de manière permanente les changements provoqués par lévolution sociale.
Lesprit du texte fondateur des droits de lhomme, la dudh, nous incite à rétrécir de plus en plus la zone du pouvoir discrétionnaire de ladministration. Cette Déclaration universelle nénonce-t-elle pas dès ses premières lignes " quil est essentiel que les droits de lhomme soient protégés par un régime de droit pour que lhomme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et loppression ". Une lecture objective de larticle 7 : " Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.. " nous apprend nécessairement que la loi est entendue au sens large (Loi dans le sens du principe de la légalité et de ses différentes composantes). " Tous " sont égaux devant la Loi doit aussi être entendu comme englobant ladministration. " Tous " signifie administrateurs et administrés. De même pour la notion de " discrimination " : le pouvoir discrétionnaire excessif se confondrait nécessairement avec la discrimination. La notion est rapprochée de " distinguer " : " unterschied " qui est "le caractère qui distingue un objet de pensée, cest-à-dire qui permet de le reconnaître pour autre ". Le particulier, ladministré, le citoyen, serait " lobjet-autre " aux yeux de ladministration. Les philosophes ne vont pas par quatre chemins : le dictionnaire de André Lalande place le mot discrétionnaire dans le cadre du mot arbitraire. Ainsi pour les philosophes une décision prise dans le cadre du pouvoir discrétionnaire ne peut quêtre arbitraire ; " elle dépend uniquement dune décision individuelle, non dun ordre préétabli, ou dune raison valable pour tous ". Sauf dans quelques cas très rares, tels que " choisir une valeur arbitraire " (en mathématiques), le mot a toujours un sens péjoratif ". Quest-ce au juste le pouvoir discrétionnaire ? Comment sexerce le contrôle du juge administratif (libanais)? Quels sont les rapports avec les droits de lhomme ?
Lorsque ladministration se trouve tenue de prendre une décision conformément aux lois et règlements sans bénéficier dune liberté dans son choix, nous serions devant une compétence liée; mais si les lois et les règlements accordent à ladministration la liberté de décision dans un sens ou dans lautre, nous serions devant un pouvoir discrétionnaire. En réalité il ny a pas de compétence liée intégrale et de pouvoir discrétionnaire intégral. Même lorsque ladministration se trouve dans une situation de compétence liée elle bénéficie toujours dun minimum de pouvoir discrétionnaire. A fortiori, il ny a pas un pouvoir discrétionnaire intégral. Le Doyen Vedel explique cette question : lidée dun pouvoir discrétionnaire échappant à tout contrôle de légalité a quitté la jurisprudence depuis plus de 50 ans. Même dans le cadre dun pouvoir discrétionnaire lAdministration est limitée dans son action: il nest pas possible de contredire ce que prévoient les lois et les règlements au sujet de la compétence de lorganisme administratif qui prend la décision ; les motifs de droit et de fait sur lesquels se basent ladministration quand elle prend une décision doivent être justes matériellement et juridiquement.
De plus en plus la jurisprudence administrative renforce le rôle du juge dans son contrôle de la légalité, en sanctionnant les actes de ladministration qui violent les composantes de la légalité administrative, ce qui se reflète nécessairement par une restriction du pouvoir discrétionnaire. Lévolution de la société moderne, la propagation de lidée de démocratie, linvasion des droits de lhomme, tout cela a encouragé le juge administratif à exercer, même dans le cadre du pouvoir discrétionnaire de ladministration, un contrôle efficace, non seulement au niveau de la légalité formelle (incompétence, vice de forme..), mais aussi au niveau de la légalité interne, cest-à-dire que le juge vérifiera si les faits sont exacts matériellement (contrôle de lexactitude matérielle des faits), sil ny a pas erreur de droit, erreur manifeste dappréiation ou détournement de pouvoir.
- Le juge de lannulation est juge de la légalité
On dit que le juge de lannulation est juge de la légalité, non de lopportunité. Lopportunité est laissée à lappréciation de ladministration. Pour que cette proposition soit juste il faudrait que les frontières entre la légalité et lopportunité soient précises ; or cest mission impossible. A vrai dire le juge contrôle la légalité et dans une certaine mesure lopportunité. Si lon admet que le juge administratif sanctionne toute erreur manifeste de ladministration, cela veut dire quil devient un véritable juge des droits de lhomme. Parfois il ny peut rien, la loi étant très claire et précise. Selon le Doyen Vedel, à travers son action jurisprudentielle (création du droit) le juge administratif augmente la marge de la compétence liée et rétrécit celle du pouvoir discrétionnaire. Sans doute lauteur part-il de lexpérience jurisprudentielle française qui se développe effectivement dans ce sens (la responsabilisation de ladministration et la restriction du pouvoir discrétionnaire). Cest dans cette évolution que se place le contrôle des coûts et des avantages en matière de concessions de travaux publics: CEF, 20 octobre 1972, Société civile Sainte-Marie de lAssomption, Rec. Lebon, 1972, p. 657. Mais rien nassure que cette évolution sera suivie dans dautres pays. Dans dautres sociétés, dautres circonstances, le juge pourrait réaliser une évolution dans le sens contraire, dans le sens du renforcement du pouvoir discrétionnaire. Ici nous rentrons sans doute dans la sphère du "politique".
En règle générale, le juge fait bouger les frontières entre compétence liée et pouvoir discrétionnaire, surtout dans le sens de la restriction de ce dernier. Pour ce faire le juge sappuie sur la théorie des principes généraux du droit et sur lintention du législateur. Dans les deux cas, la tendance dans la jurisprudence française et libanaise, quoique moins facilement perceptible dans le cas de cette dernière jurisprudence, est à la restriction du pouvoir discrétionnaire.
Il faut signaler que lanalyse adoptée par la doctrine française, et en particulier par le courant vedelien estime indirectement que le recours aux principes généraux du droit va toujours dans le sens de la restriction du pouvoir discrétionnaire de ladministration, alors quil est parfaitement possible de recourir à certains principes généraux du droit pour renforcer le pouvoir discrétionnaire (au nom du principe de la sûreté des citoyens et de la tranquillité publique par exemple, principe si cher aux ordonnancements juridiques des régimes du tiers monde). Quant au recours à une intention supposée du législateur, là aussi, la décision du juge peut aller dans le sens soit de la restriction soit de lélargissement du pouvoir discrétionnaire. Quoi quil en soit, si la doctrine française (notamment Vedel et Delvolvé) estime en général que lévolution jurisprudentielle envahit peu a peu le pouvoir discrétionnaire de ladministration, cest parce quelle reflète une réalite qui simpose à lanalyse, à savoir lévolution propre de la jurisprudence française. Cette réalité nest certainement pas celle des autres sociétés. Sil est vrai que le juge administratif libanais suit pas a pas le juge français, a tendance à limiter, il le fait timidement, avec hésitation, avec désordre, et parfois avec des " retournements de veste " surprenants; même sil évoque souvent dans ses décisions la nécessité de soumettre ladministration aux exigences de la légalité, et tente de grignoter du pouvoir discrétionnaire, cest-à-dire des éléments dopportunité pour les inclure dans la bâtisse de la légalité, il ne le fait quavec une grande lenteur. Avouons que le juge administratif libanais se donne le pouvoir de contrôler lerreur manifeste dappréciation, la proportionnalité entre les décisions prises et les faits les justifiant, et le détournement de pouvoir. Mais suffit-il dévoquer cette volonté? Non, encore faut-il la trouver mise en uvre dans beaucoup darrêts où le juge libanais aurait sanctionné ladministration pour erreur manifeste dappréciation ou pour détournement de pouvoir. Or depuis 1985 jusquà nos jours les arrêts qui condamnent ladministration pour détournement de pouvoir se comptent sur les doigts de la main. Est-il normal de réaliser que depuis 1985 il ny a pratiquement pas darrêts du Conseil dEtat libanais posant la question de létendue des pouvoirs de la police administrative en matière dordre public (en particulier la question des libertés publiques), genre " Benjamin ". Nous pensons quil faudrait soumettre cette question à une étude approfondie de droit comparé (français-libanais) pour voir comment est faite la réception des notions juridiques françaises, notamment celles qui se rapportent aux droits de lhomme.
C- Les actes de gouvernement
Il faudrait rapprocher de la question du pouvoir discrétionnaire celle des actes de gouvernement. Là aussi, les droits de lhomme, le principe dégalité devant la loi devraient amener à rétrécir lespace des actes de gouvernement. Le juge joue ici un rôle important, dautant que la théorie des actes de gouvernement est dorigine essentiellement jurisprudentielle. Les actes de gouvernement constituent une entorse au principe de la légalité et, peut-on le dire, aux droits de lhomme, puisquil sagit dactes insusceptibles de recours pour excès de pouvoir. Le pourquoi de cette théorie se trouve dans le fait que ces actes sont considérés comme trop politiques pour être contestés par les particuliers. Seulement sous couvert du caractère politique lon trahit le principe de séparation des pouvoirs, on instaure une inégalité devant la loi entre administration et administrés et on fait barrage à lapplication des articles premier et 7 de la dudh. Cela sent le prétexte : la raison dEtat. Mais que fait-on de lEtat de droit ? Raison dEtat ou Etat de droit ? Ne fait-on pas ainsi éloigner du contrôle juridictionnel les actes qui doivent être contrôlés plus que tous les autres.
Au tout début lon justifiait cette théorie par le " mobile politique ". Ce critère fut vite abandonné. Au profit du même critère (mais dit autrement : la nature de lacte) ; aujourdhui, lon établit une liste dactes de gouvernement. Le juge administratif libanais tente de suivre pas à pas le juge français mais avec un retard qui simpose : Les décisions du chef de lEtat concernant le droit de grâce ne sont plus des actes de gouvernement en France depuis 1893. Elles ne sont plus considérées par le juge libanais comme des actes de gouvernement mais elles restent néanmoins insusceptibles de recours. Le juge fait de même dans par exemple " Elias Gheriafi ", sans oublier de mentionner quil cite à lappui, en français, larrêt français " Gombert", du 28 mars 1947. Dans une autre affaire, " Salamé ", le juge administratif libanais décide que la décision du conseil des ministres " dinterdire de traiter avec des sociétés ayant une branche en Israël ne fait pas partie des actes de gouvernement, qui se rétrécissent de jour en jour selon la jurisprudence administrative récente ". Du moins dans la formulation il faut reconnaître ici la position douverture adoptée par le juge libanais.
En ce qui concerne le contenu de cette théorie, il continuera à simposer puisque nous vivons dans des ordres juridiques où la loi est reine. Ainsi donc, si le Conseil dEtat continuait à rétrécir "courageusement" la zone des actes de gouvernement, il sexposera certainement à une réaction féroce de la part des autorités politiques suprêmes, y compris le parlement qui a toujours lutté contre le gouvernement des juges. Le parlement dans cette hypothèse pourra protéger par des lois des actes de gouvernement que le Conseil dEtat a soumis à son contrôle. La situation pour ainsi dire devient conflictuelle. Et le conflit devient politique. Nous avons dit que le parlement tentera de protéger par des lois des actes de gouvernement envahis de plus en plus par le juge administratif, mais peut-il aller jusquà interdire expressément le recours pour excès de pouvoir contre certains actes administratifs, tels que les décrets dextradition par exemple? En principe rien ne linterdirait, et la jurisprudence " Dame Lamotte " ne saurait lempêcher. mais là aussi cest toute la hiérarchie des normes qui sera bouleversée. On peut dire quun noyau dur dactes de gouvernement subsistera, et le Conseil dEtat continuera à refuser de contrôler ces actes pour éviter le conflit avec les autorités suprêmes (le prince), cest-à-dire un bouleversement qui frappe léquilibre institutionnel qui sappuie sur la notion déjà fragile de séparation des pouvoirs.
Le juge libanais tente de suivre la jurisprudence française dans ce domaine. Cest ainsi quil refuse de considérer comme un acte de gouvernement la décision de larmée libanaise doccuper lappartement du requérant durant les événements. Le dommage affectant les requérants résulte dactes accomplis par des soldats "dans le cadre de laccomplissement de leurs tâches sécuritaires et non dans le cadre daffrontements avec des forces étrangères ou locales belligérantes, et donc qui ne résultent pas dactes de guerre" . Toutefois les circonstances de laffaire nétant pas tout à fait ordinaires (la théorie des circonstances exceptionnelles) le Conseil dEtat ne donna pas à la voie de fait ses conséquences normales.
Le rétrécissement de la zone des actes du gouvernement est une exigence des droits de lhomme.
D- La liberté syndicale
Une entorse est faite aux droits de lhomme en droit libanais dans le domaine de la liberté syndicale. Pourtant larticle 13 de la constitution libanaise consacre indirectement la liberté de constitution des syndicats, parce quelle consacre la liberté dexpression, la liberté dimpression et de réunion et de constitution des associations.
La Déclaration Universelle des droits de lhomme, ratifiée par le Liban, accorde dans son article 23, parag. 4 à toute personne le droit de constituer un syndicat ou dadhérer à un syndicat pour défendre ses intérêts
. Aussi, le Liban a-t-il ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et sest donc engagé à respecter "le droit de tout individu à constituer des syndicats et dy adhérer...". Le contrôle qui aurait pu être exercé par le juge administratif est freiné en droit libanais par le code du travail libanais qui stipule dans son article 83 que "Dans chaque catégorie de professions, les employeurs dune part et les salariés dautre part, peuvent constituer un syndicat particulier. Ce syndicat jouit de la personnalité morale et du droit dester en justice mais, dautre part, larticle 86 est venu arracher à larticle 83 lessentiel de sa portée: "Aucun syndicat demployeurs ou de salariés, dit cet article, ne peut se constituer avant dobtenir une autorisation du Ministre de lEconomie nationale." Un autre texte législatif relatif à la liberté syndicale tourne le dos à des exigences minimales des droits de lhomme : il sagit de linterdiction par la loi libanaise aux fonctionnaires publics de constituer des syndicats. Le Conseil dEtat libanais estime que le code du travail organise la relation entre lemployeur et le salarié dans les entreprises du secteur privé et quil ne sapplique pas aux situations des employés et ouvriers des établissements publics.. La justification du Conseil dEtat libanais est bien simple: les choses ne se passent pas de la même manière dans le secteur public et privé. Dans un arrêt du Conseil dEtat libanais, il est dit que la constitution des syndicats dans le secteur privé garantit un équilibre indispensable entre le capital et le travail pour éviter toute oppression de lun sur lautre et pour garantir les droits et devoirs dans un climat de dialogue libre. Mais en secteur public, pour le Conseil dEtat libanais, règnent les principes de permanence et le devoir de veiller aux intérêts de la communauté. LEat doit être libre dans sa tâche de "veiller à lunité du tout et à assurer le "al haq al aam" ( le bien public) qui lui permet de réaliser la justice sociale pour tous".E- Responsabilité de ladministration et droits de lhomme
Depuis larrêt français " Blanco, 1973 ", ladministration (lEtat) nest plus " un roi qui ne peut mal faire ", elle engage sa responsabilité qui nest ni générale ni absolue ; mais La responsabilité administrative reste freinée par les difficultés de laction de la puissance publique. La responsabilité de ladministration est fondée dans la plupart des cas sur la notion de faute. Lavancée des droits de lhomme a cependant fait naître une nouvelle idée révolutionnaire en matière de responsabilité administrative : lorsque ladministration cause par son action un dommage à des particuliers, elle doit dans certains cas les indemniser en dehors de toute preuve de la faute de ladministration. Et justement, cest essentiellement sur lidée de légalité que repose cette indemnisation, car même dans le cas de la responsabilité pour risque il sagit dun risque résultant de lactivité de ladministration et frappant injustement, inégalement, certains particuliers et non dautres. Nest-ce pas aussi une exigence de dignité, mot qui figure à quatre reprises dans la Déclaration universelle des droits de lhomme pour en finir avec le dédain de lindividu. Le droit administratif a ainsi comme tâche de mettre en uvre ces principes qui figurent dans la dudh, les constitutions nationales et les pactes internationaux. Auparavant lon estimait que ladministration ne doit rien aux particuliers, puisque le particulier tire profit de laction de ladministration ; plus tard, et la dudh ny est pas pour rien, le juge administratif sest mis à adopter le raisonnement inverse : les particuliers ont déjà rendu des services à lEtat et donc en cas de dommages cest toute la communauté confondue en lEtat qui doit les indemniser.
Le droit libanais adopte la conception française en matière de responsabilité et tend à faire sienne lévolution de cette conception, quoique timidement et avec sélection commandée par le contexte social, politique, économique et psychologique. Cest ainsi que les droits de lhomme ne sont pas bien respectés dans un arrêt "warathat Elias Zeidan" (Héritiers Zeidan) puisque le Conseil dEtat na pas indemnisé les personnes endommagées, alors que, à notre avis, il y avait possibilité de le faire sur la base du principe dégalité des citoyens devant les charges publiques (responsabilité sans faute), sinon sur la base de la responsabilité pour faute: Le Col de Dahr el Baidar, zone souvent exposée à des tempêtes neigeuses en hiver, cause de blocage de cette route de Damas. Il y eut une quarantaine de tués en 1982, bloqués par la neige. Les héritiers de lun deux réclament indemnité en évoquant à la fois la responsabilité pour faute et sans faute. Le Conseil dEtat ne retient ni lune ni lautre. Or lEtat engage bel et bien sa responsabilité pour faute, cette zone ayant déjà vécu de telles tempêtes, et lEtat aurait dû interdire laccès. Si lhypothèse de la responsabilité pour faute ne fonctionnait pas, lapproche "droit de lhomme" exigerait de regarder du côté de la responsabilité sans faute.
Il faudrait étudier chaque cas pour savoir si les applications jurisprudentielles en matière de responsabilité sont conformes aux exigences des droits de lhomme. Sans pour autant dire que le droit français (la France pays des droits de lhomme) offre lexemple en cette matière, il faudrait le prendre pour critère -il y a de quoi- et faire un travail de droit comparé: quaurait-il fait le juge français dans une affaire libanaise comme "Héritiers Zeidan". Par exemple pour le juge français, en matière de force majeure, qui exonère ladministration de sa responsabilité, considère quune " pluie diluvienne dune intensité exceptionnelle ne constitue pas un cas de force majeure ; par contre il y a force majeure en cas dorages violents et intenses de manière exceptionnelle "par rapport à tous les précédents connus dans la région". Est-ce le cas de laffaire Zeidan ? Nous ne le pensons.
Dans un autre arrêt " Rodolphe et cie " le Conseil dEtat libanais adopte une position peu conforme aux droits de lhomme, et notamment au principe dégalité, non pas puisquil refuse dindemniser un particulier durant la guerre mais en raison de lanalyse quil prend. Au requérant qui réclamait son indemnisation des dommages causés par la guerre, en se fondant sur le principe dégalité devant les charges publiques (responsabilité sans faute) le juge administratif libanais répond : " puisque tous les Libanais ont été endommagés du fait de la guerre, le principe dégalité devant les services publics se trouve pleinement appliqué ". La méthodologie du juge administratif ici est bien ambiguë, voire défigurante du principe dégalité devant les charges publiques. Alors que ce principe sert pour sauvegarder les droits des gens lésés par des actes de ladministration, le voilà un outil pour échapper à toute indemnisation. Nous ne disons pas que ladministration libanaise doit indemnisation à tous ceux que la guerre a endommagés dans leur bien et personne; nous disons quon ne saurait faire appel à ce principe, qui par essence sert à indemniser, pour éviter lindemnisation. Le respect des droits humains exigeraient, pour échapper à lindemnisation, dinvoquer dautres notions, telles que la force majeure par exemple. Mais le juge savait que cette notion était inapplicable dans certains cas, comme dans " Rodolphe et cie ". Dabord tous les Libanais nont pas été également endommagés de la guerre. Ensuite et dans toutes les hypothèses où il est impossible de faire appel à la force majeure, pourquoi ne pas admettre lindemnisation, ne serait-ce que modestement, si les moyens de lEtat ne le permettaient. Pour les droits de lhomme, cest le principe qui compte.
- Aperçu comparatif avec le droit égyptien sur la notion de responsabilité administrative
Le droit administratif égyptien paraît adopter les notions fondamentales du droit administratif français (le régime de double juridiction, le principe de légalité, les règles de base en matière de responsabilité administrative). De ce fait lattitude du juge administratif égyptien semble sapprocher de celle du juge administratif libanais (réception mécanique mais désordonnée des notions françaises). Les droits de lhomme sappliquent, du moins dans leur sens abstrait. La notion de " lintérêt général " par exemple, quon peut déduire de plusieurs articles de la dudh. La jurisprudence administrative égyptienne rend ladministration responsable de son refus dexécuter les décisions juridictionnelles. Le Tribunal administratif suprême du Conseil dEtat décide que si la décision administrative ne saurait en principe entraver lexécution dun jugement en dernier ressort, cette règle peut ne pas être respectée lorsque lexécution de la décision comporterait de graves conséquences sur le fonctionnement des services publics, auquel cas lintérêt général prévaut sur lintérêt privé.
Au contraire, il semble que des interrogations entourent la position de la jurisprudence administrative égyptienne qui nadmet pas lindemnisation sur la base de la responsabilité sans faute, attitude peu conforme aux exigences des droits de lhomme. Largumentation se réfère au droit civil égyptien qui napproche la responsabilité que sur la base de la responsabilité pour faute. Etonnante pour la conception moderne des droits de lhomme cette position de la jurisprudence administrative égyptienne qui affirme que " si la décision administrative est conforme au droit, ladministration ne saurait être responsable, quel que soit le dommage causé car les individus doivent subir les conséquences de laction administrative légale ". La justification du juge atteint son comble lorsquil estime que la responsabilité sans faute est un des aspects de la notion dassurance, " or lassurance doit être prévue par la loi qui déterminerait ses conditions et limites ". Cette position fut critiquée par la doctrine égyptienne qui a estimé que le Conseil dEtat égyptien devrait accorder à la responsabilité sans faute la place quelle mérite pour une meilleure application de " la justice et légalité entre tous les citoyens ".
► Conclusion
En guise de conclusion provisoire nous pouvons tout au plus dresser quelques constatations : le juge administratif libanais manifeste un réel désir de suivre les exigences de lépoque moderne, de dire le droit conformément aux enseignements des droits de lhomme. Pour ce faire le juge français, les arrêts du Conseil dEtat français, sont pour lui une bonne et presque unique lanterne. Mais hélas nous avons vu que ce nest là quun désir. Les notions juridiques prennent indispensablement une fois arrivées sur le territoire libanais dautres itinéraires. Le contexte social, politique, économique, éthique du pays influe sur le travail jurisprudentiel, sème un certain ordre à la libanaise, donc un désordre. La démarche du juge est presque insaisissable. Il applique volontiers le droit de la défense, contrôle la matérialité des faits, se contente dévoquer lerreur manifeste dappréciation; il applique les principes généraux du droit mais se trompe, on ne sait pourquoi, sur leur nom (les principes supérieurs); ces principes généraux du droit, ancêtres oubliés des droits de lhomme, nont plus droit dans le petit " Lebon " libanais (Majallat al qada al Idari) à une rubrique indépendante. Les notions dordre public, de tranquillité, de salubrité, de sûreté sont pratiquement absentes de la jurisprudence administrative libanaise relative à la police dans les vingt dernières années. Il faut reconnaître néanmoins que le juge administratif libanais engage plus souvent la responsabilité de lEtat, et de plus en plus il fait fonctionner la responsabilité sans faute. Certes, on la vu, il ne le fait pas sur toute la ligne : soudain il va abandonner le juge français (il va le tromper) et refuser dengager la responsabilité de ladministration (" warathat Elias zeidan " ; " Rodolophe et cie ").
Les droits de lhomme cest aussi le droit à un procès équitable (très peu darrêts du Conseil dEtat libanais). Rares aussi sont les arrêts relatifs aux droits individuels et aux libertés fondamentales : lextradition des étrangers, le droit au respect de la vie privée, le séjour des étrangers, la démocratie des élections, la liberté dexpression, la liberté de circulation et de passeport, le droit de propriété, la bonne exécution par ladministration des décisions juridictionnelles.
Il faut dire que de plus en plus les droits de lhomme deviennent exigeants. La pauvreté, par exemple, met au défi la protection internationale des droits de lhomme. Quel rôle peut jouer le juge administratif pour mettre en oeuvre les dispositions relatives aux droits civils et politiques et aux droits économiques et sociaux formulés dans les pactes internationaux. En effet "le droit à la vie" a deux interprétations, restrictive et extensive. Pour la première le droit a la vie, cest "le droit de ne pas mourir"; pour la deuxième lon estime que le droit à la vie cest le droit de vivre dignement sa vie, ne pas "vivre une vie précarisée, mise en péril". Ce droit à la vie est à rapprocher du droit à vivre avec dignité (le principe du respect de la dignité de la personne humaine). Si le juge administratif libanais adopte la jurisprudence "Morsang-sur-Orge" (arrêt interprété plus haut) et donc érige le principe de la dignité de la personne humaine au rang dun principe général du droit; sil adopte une interprétation extensive de ce principe, il va pouvoir, sans pour autant tout de suite le taxer de gouverneur (gouvernement des juges), donner un effet optimal à ce principe et assurer une meilleure application des droits de lhomme. Normalement il va pouvoir mettre en oeuvre la responsabilité de ladministration, de lEtat, tenu dassurer des conditions minimales dexistence (minimum vital pour les chômeurs). Certains précédents relatifs à des décisions de la Commission européenne des droits de lhomme montrent que le droit à la vie peut être violé sans quil y ait privation de la vie. Le juge sanctionne le refus des autorités de délivrer à une personne gravement invalide une carte médicale qui donne droit à des soins gratuits. Le juge administratif libanais pourra-t-il dans lavenir se saisir de requêtes en responsabilité contre ladministration qui aurait violé le droit à la vie interprété extensivement (les problèmes de pauvreté)? Nos textes législatifs ne prévoient-ils pas que les autorités administratives (préfet, maire..) veillent à la santé et à la sécurité des particuliers !
Il semble que la doctrine a une position plus révolutionnaire que celle des juges: M. Pettiti estime quune interprétation extensive de larticle 3 de la CEDH sexpliquerait par la modification profonde des rapports sociaux depuis 1950, par laggravation du fossé entre nantis et pauvres devenant une discrimination éthnique". En effet cette idée de " dignité de la personne humaine" est passionnante car cest un concept qui permet, notamment au juge administratif, daller le plus loin possible en matière de respect des droits de lhomme. Certes la dignité est avant tout un concept philosophique. A chacun sa conception de la dignité , et de tout temps, même si elle nest apparue en droit quaprès le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi le juge administratif doit être un peu phoilosophe: Pour Kant la personne humaine nest jamais un moyen mais une fin. " Sa dignité exige le respect ". Sil na pas une conception philosophique et évolutive de la dignité comment aurait-il pu dans " Morsang-sur-Orge " affirmer que jouer avec un nain est un acte indigne, contraire à la dignité humaine du nain, quand bien même ce nain y trouve dans ce " travail " plaisir et gagne-pain. Le juge sérige ici en arbitre de la dignité, alors quil a déjà refusé dêtre larbitre en matière de la moralité, mais ce nest quune différence dans lattitude, le fond est le même. Si limitation hâtive du juge français par le juge libanais, (et par les juges des pays arabes ayant adopté le système français) un peu anarchique, (un peu " cest Beyrouth "), ,discontinue, pose des interrogations et pourrait présenter des inconvénients, il faudrait avouer quelle simpose. Sur le plan des droits de lhomme, et plus particulièrement de la relation " Citoyens-Administration ", le juge administratif libanais devrait continuer à puiser dans la jurisprudence française et européenne , malgré les problèmes en France . Lenseignement de " Morsang-sur-Orge ", Perruche et Nicolo, trouve-t-il bientôt sa place dans les arrêts du Conseil dEtat libanais ? Le droit administratif libanais, le juge administratif libanais continuera-t-il à jouer un rôle influent en direction des droits des pays frères du Moyen Orient, à travers une meilleure réception des droits de lhomme dans ses décisions, et à travers une meilleure réception du concept de " liberté " dans une région où lexercice dictatorial du pouvoir est encore la règle ? Je dirais oui si le pays retrouve son fleuve de vie tranquille. Quant à la relation avec le droit français, semée de beaucoup de retournements, de tromperies, elle est malgré tout une relation de respect, didéalisation, voire damour.. Je vous remercie..