Biodiversit
et appropriation, les droits de proprit en question, Paris, 20-21 juin
2000
De la proprit aux matrises
foncires
Contribution dĠune anthropologie du Droit
la dfinition de normes dĠappropriation de la
nature
dans un contexte de biodiversit,
donc de prise en compte du pluralisme et de la
complexit
Etienne Le Roy, professeur,
Universit Paris 1 Panthon-Sorbonne
Laboratoire dĠanthropologie juridique de Paris
LĠintitul que jĠai donn au prsent texte illustre,
par sa longueur, les enjeux que nous devons affronter au dbut du XXIĦ sicle.
Ce texte est en effet, mais
synthtiquement, lĠoccasion de faire le point de travaux essentiellement
africanistes mais aussi franais, sĠtirant sur une trentaine dĠannes et qui
mettent progressivement en exergue une Ò thorie des matrises
foncires Ó (Le Roy, Karsenty, Bertrand, 1996) comme quivalent
homomorphe de la Ò thorie civiliste de la proprit Ó, dans des
contextes que je dnomme par ailleurs Ò transmodernes Ó (Le Roy,
1999) et domins par le pluralisme, le multijuridisme et la complexit (Le Roy,
1998). A mes yeux, la prise en compte de la biodiversit ne fait que
rvler une transformation
substantielle de nos modes de penser et dĠorganiser nos rapports aux
Ò choses Ó (au sens juridique de ce qui est le support de la relation juridique), avec cette
difficult particulire que lĠapparente domination absolue du march et du
droit de proprit prive cache, dans la ralit des pratiques, une limitation considrable de
lĠexercice de cette proprit prive.
A cela on peut trouver au moins trois raisons, soit le jeu des monopoles qui rendent vains
lĠexercice de droits sur le march, soit
lĠexistence de dmembrements de la proprit si pousss que ses
attributs (en particulier ses caractres absolu et perptuel) en sont remis en
cause (cĠest le cas pour le droit de lĠurbanisme), soit les dysfonctionnements
du march. QuoiquĠil en soit, nous sommes en face dĠune Ò grande
illusion Ó, de lĠeffet dĠune idologie comme miroir dformant, illusion
que nous devons dissiper.
Ceci suggre que nous avons deux types de difficults
rgler.
La premire concerne la thorie de la proprit/
appropriation, les deux termes pouvant tre tenus comme quivalents en ce
quĠils doivent faire lĠobjet dĠune reconceptualisation partir des deux sens
qui sont associs la notion dĠappropriation comme affectation un usage et
comme rservation un usager, selon la distinction maintenant classique de notre manuel (Le Bris, Le
Roy, Mathieu, 1991, 31). MĠinscrivant dans un dbat riche de perspectives, ouvert par la revue Natures,
Sciences, Socits (Vol. 7, NĦ 1 et
NĦ 3, 1999), je vais dmontrer quĠentre ce deux usages retenus le premier par
lĠanthropologie et le second par le Droit il y a place non seulement pour une
anthropologie du Droit (ce qui serait dĠun intrt singulirement rduit) mais
surtout pour une thorie de lĠappropriation assez riche pour rendre compte de la complexit des formes
de relations que nous devons grer, normativement, avec la nature et le vivant.
CĠest ce qui constituera le coeur de ma contribution qui tournera
essentiellement autour de lĠlaboration et de la mise en oeuvre de la thorie
des matrises foncires et fruitires (T.M.F.F.) comme mode de reconnaissance
et dĠattribution de droits fonctionnels premire partie) puis sur les premires
applications qui en ont t faites (deuxime partie).
Cependant, la contribution de lĠAnthropologie du
Droit de se limite pas cette thorie car des travaux dj anciens portant sur
la circulation des produits de la terre et dans le contexte dĠune thorie
gnrale des rapports fonciers ont permis dĠaborder de manire interculturelle,
sur des terrains africains, la
notion de ressources et son statut juridique. Quand, en effet, on examine les enjeux
que posent les thories de la proprit ou de la proprit intellectuelle, on
aborde ncessairement une seconde
difficult, constitue lĠpoque contemporaine par lĠinfluence du march et
des processus de marchandisation sur un tel modle des matrises foncires
& fruitires. En particulier, il convient dĠexaminer les incidences de la
Ò mondialisation Ó et
les pratiques qui peuvent sĠen dduire. Une des caractristiques du modle
T.M.F.F. est que ce modle des matrises repose sur un continuum et sur une
complmentarit de pratiques sociales, juridiques et conomiques l o les
prsentations antrieures, spcialement le modle civiliste de la proprit
voient des discontinuits, des oppositions, des contradictions ou des
impossibilits (qui sont, en fait, si on peut accepter ce nologisme des Ò impensabilits Ó).
Il faut donc penser le rapport de la nature la marchandise via les modes
dĠappropriation (et inversement) selon
un principe de logique qui au lieu dĠopposer les contraires selon la lecture aristotlicienne reprise par
la modernit repose sur un principe de complmentarit des contraires qui
serait plus Ò transmoderne Ó (Le Roy, 1999) que postmoderne. CĠest,
en fait, voquer les enjeux dĠune anthropologie dynamique que je viens de
tester dans le jeu des lois (Le Roy, 1999). Dans cet ouvrage, je montre quĠil
existe une corrlation forte entre le statut des ressources ou richesses et
divers autre Ò paliers Ó dĠune anthropologie dynamique. Revenant aux
thses de Braudel (Braudel, 1986), par exemple, je suggre quĠune approche par
tagements et par niveaux dĠanalyse pourrait permettre de contrler un processus de
marchandisation gnralis de lĠensemble des ressources et viterait une dissolution des normes
protectrices de la nature dans un ÔbazarĠ mondial sans rgles ni limites, par
une dfinition des conditions de
circulation dans et hors de la collectivit de ce qui serait alors tenu pour un
lment de son patrimoine.
Mais, reconnaissons le, ces dmonstrations relvent dĠune dmarche autrement complexe et supposent une place que
je ne puis mĠattribuer dans le prsent colloque. Aussi ne ferai-je que refermer
la parenthse ouverte et ne mĠintresser
quĠ la reconsidration critique de la thorie de la proprit.
Entre Droit et Anthropologie, la
thorie des matrises foncires et fruitires comme apport original dĠune anthropologie du Droit
Je ne chercherai pas, ici, prsenter la discipline
que je pratique tant par le caractre rptitif et lassant de ce type
dĠexercice que parce quĠil existe maintenant des ouvrages synthtiques (Rouland,
1988, 1991, Le Roy 1999, Le Roy et Le Roy 2000) qui peuvent tre consults.
Enfin et surtout, la fonction heuristique dĠune dmarche encore neuve (puisque
la discipline a moins de quarante ans en France) doit se juger sur pices et non sur la base de dclarations
autojustificatrices mais parfois peu crdibles. Ses mots dĠordre actuels sont
le diatopisme et le dialogisme comme, respectivement, manires de prendre en compte les
divers ÔsitesĠ dĠexpression et de dpasser les confrontations entre les
logiques qui peuvent sĠy exprimer.
Prcisons que, pour ce qui concerne le diatopisme,
notre discipline a subi une volution dĠintitul qui nous renseigne sur son statut actuel. On est en effet pass
dĠune Ò anthropologie juridique Ó, dans les annes soixante, une
Ò anthropologie du Droit Ó dans les annes quatre-vingt dix[1].
Pour en comprendre la porte, on peut se rfrer la mutation quĠa connu, paralllement, la
sociologie passant de la Ôsociologie juridiqueĠ la Ôsociologie du DroitĠ pour
affirmer son autonomie lĠgard des sciences juridiques. Ainsi, on peut
considrer que lĠanthropologie
juridique est passe en une
trentaine dĠannes du statut de discipline ancillaire du Droit une prise de
position qui la situe gale distance des deux disciplines qui lui ont donn
naissance[2].
CĠest, dans tous
les cas, le choix qui sera adopt dans la suite de ce texte par rapport lĠexigence de dialogisme et qui
justifiera mon point de vue lĠgard du dbat dont Natures, Sciences
Socits est le cadre. Situer les divers arguments invoqus sera ma
premire proccupation . Mais ma
seconde proccupation sera de
tenter de construire le dbat en dialogue, cĠest--dire dĠidentifier des
logiques lĠoeuvre et de montrer
la complmentarit des proccupations pour introduire le modle des matrises
foncires et fruitires. JĠenvisage ainsi dans une section initiale de rsumer
les arguments et dans une seconde section de reprendre la prsentation des
matrises foncires
Droits de proprit et droits de proprit
intellectuelle : du dbat au dialogue
Les droits de proprit intellectuelle sont la
mode, donc susceptibles de prter toutes les utilisations possibles, du
meilleur au pire. Natures, Sciences,
Socits sĠest proccup
depuis plusieurs annes de
construire un forum pour en
dbattre. Aprs un article prsentant lĠtat des lieux, trs objectif et de sensibilit ÔconomiqueĠ
(Aubertin et Boivert 1998)[3]
, Marie Ange Hermitte, juriste, et Claudine Friedberg, anthropologue, ont
(respectivement dans les numros 1 et 3 du volume 7, 1999) relanc le dbat en adoptant des points
de vue largement disciplinaires, au sens o une discipline entrane lĠadoption de paradigmes et que ce
sont ces paradigmes qui doivent tre identifis progressivement dans ce dbat pour le transformer en
dialogue.
- UNE MISE EN CAUSE DU DROIT PAR LĠANTHROPOLOGUE
La dmarche juridique a t utilise, sans avoir
tre justifie comme telle, par Marie-Ange Hermitte. En commentant la
gnralisation du ÔterminatorĠ ou gne tueur dĠembryon qui oblige les
agriculteurs renoncer fabriquer leurs propres semences pour se
rapprovisionner chaque anne sur le march, Marie-Ange Hermittte ciblait deux
trois paradigmes fondamentaux du Droit contemporain, en particulier les consquences
du propritarisme gnralis mais aussi, de manire sans doute plutt implicite dans le texte, lĠexistence
dans nos socits de deux conceptions de la proprit : dĠune part, une proprit absolue au sens de lĠarticle 544 du Code
Civil concernant lĠessentiel des
facteurs de production mais
surtout utilise comme une rfrence thorique, de lĠautre une reprsentation
plus fonctionnelle et plus quotidienne dĠune proprit exclusive mais non
absolue, celle dans le cas dĠespce du slectionneur qui laisse sa marque dans
la semence quĠil tente de reproduire non seulement pour des raisons dĠconomie
dĠchelle mais aussi dĠidentit propre...?. Cette dissociation entre deux
conceptions de la proprit nĠest pas nouvelle et a dj fait lĠobjet de bonnes analyses par la
recherche foncire (ADEF, 1991)[4].
Ceci oblige le Droit accepter une limitation du droit de proprit des
obtenteurs au profit dĠune marge laisse aux agriculteurs autoslectionneurs.
- Cette contradiction pose problme et cĠest ce propos
que Claudine Friedberg pingle la juriste puis le Droit plus gnralement.
La premire phrase incrimine est la suivante :
Ò Dans la plupart des pays, le droit aurait d permettre de venir
bout de cette pratique, mais les faits sont ttus. Une partie des agriculteurs
nĠacceptaient pas Ó...(Hermitte,
1999) la possibilit de ne plus
fabriquer eux-mmes une partie au moins de leurs semences.
A cela
C. Friedberg rpond que Ò ( l)e propos de M.-A. Hermitte est ambigu :
ainsi pour prserver les droits des obtenteurs, il faudrait empcher les
agriculteurs de pouvoir utiliser leurs propres semences et Ôvenir bout de la
souplesse des pratiques
juridiquesĠ ? CĠest--dire que disparatrait la possibilit que les paysans ont
eues depuis les dbuts de lĠagriculture dĠassurer eux-mmes la reproduction des
plantes et de procder leur propre slection des varits qui les
intressent. Ils se trouveraient ainsi dpossds non seulement dĠun droit de
proprit sur des biens matriels mais aussi sur des savoirs leur permettant de
subvenir leurs besoins et la cration de nouvelles varits Ó (Friedberg, 1999, 46). Tout en distinguant la
proprit matrielle et la proprit intellectuelle, lĠanthropologue tient ici
la notion de proprit pour quivoque, prcise quĠelle ne concerne que les
socits modernes et propose de distinguer Ò une autre approche de la notion
de ressources et de proprit Ó
caractristique des socits nonmodernes, quĠon appelait jadis
Ò sauvages Ó ou Ò traditionnelles Ó. Ce sera un premier domaine
auquel une anthropologie du Droit pourra contribuer en proposant, tout en adhrant aux analyses de
Claudine, un dpassement de ces
diffrentes classifications dans une perspective Ò transmoderne Ó,
celle de la thorie des matrises foncires.
Mais en outre, il importe de corriger le vision
Ò nave Ó du droit qui
apparat au fil de lĠanalyse et qui est exprime ainsi au terme de lĠarticle :
Ò Le recours au droit intervient trop souvent aprs la spoliation.
CĠest ce que reflte les sries amricaines dont nous abreuve la tlvision; se
droulant essentiellement lĠintrieur des prtoires en mettant en scne
lĠingniosit des cabinets
dĠavocats, leur seul objectif, semble-t-il, est de nous convaincre que la
justice peut remdier tout. Mais le juridique nĠest que la ruse de
lĠconomique, car il nĠest quĠun palliatif du dysfonctionnement social. Il
risque mme dĠtre vcu comme un imposture entranant des violences qui
rpondent aux violences gnres au nom de lĠefficacit conomique Ó
(Friedberg, 1999, 51). Ici,
conception et usage du Droit ne sont pas dissocis et le Droit est confondu
avec le Droit pnal, le juriste avec le procdurier.
Ceci est
dommageable car, selon les termes de Laurence Boy dans le mme numro, Ò si
le critre du juridique est bien la sanction, il importe dĠviter le contresens
trop souvent entretenu sur ce terme.
En effet, par un glissement smantique discutable, la doctrine juridique
majoritaire et certains sociologues confondent la sanction avec la sanction
rpressive tatique. Une telle
affirmation est fausse (...) il convient de prendre le mot sanction dans son
sens substantiel, savoir la prise en compte formelle de comportements par le
droit Ó (Boy, 1999, 7) lequel,
ajoutera-t-on ne se limite pas aux sources lgales mais comprend galement des standards (ou modles de conduites
et de comportements dans ma terminologie) et les habitus (Le Roy, 1999).
Par ailleurs, selon une dfinition de Michel Alliot,
le droit Ò est mise en forme
des luttes et consensus sur le rsultat des luttes Ó. Ainsi, toute
rflexion sur le droit de proprit et sur ce qui en tient lieu dans des
socits ni capitalistes ni tatistes doit-il intgrer un conception plus
dynamique o Ò LE DROIT NĠEST PAS TANT CE QUĠON TROUVE DANS LES TEXTES QUE
CE QUĠEN FONT LES ACTEURS Ó dans la perspective dĠune matrise des
conditions de leur reproduction.
Car, selon moi, le vrai dbat nĠest pas dans le rle
quĠon fait jouer au Ò Droit Ó[5]
tant lĠgard de dterminants conomiques[6]
que politiques que dans la manire dont on projette lĠorganisation des rapports
individus-groupes au sein de la socit
- LA PRISE EN COMPTE DES RAPPORTS INDIVIDUS-GROUPES
Claudine Friedberg crit avec raison que Ò (d)ans
les socits non-moderne,les tres vivants existent et se construisent
lĠintrieur de relations : relations entre les hommes et les lments de leur
environnement (...) Ceci oblige
renverser la perspective laquelle on est habitu dans les socits
modernes. On ne peut dans ces
conditions considrer ces lments comma
des ressources que lĠhomme puisse utiliser sa guise ni quĠil puisse
exercer sur eux une proprit au sens du droit romain. Les hommes, la terre,
les plantes et les animaux se trouvent dans une dpendance rciproque qui
intervient dans tous les moments de la vie quotidienne et se poursuit par del
la mort Ó. Dans cette
perspective, lĠauteur rappelle la rupture introduite par la modernit
conomique en terme de destruction de liens sociaux ou du Ò tissu
social Ó depuis la politique
des Ò enclosures Ó dans lĠAngleterre du XVIIĦ sicle jusquĠ la
priode contemporaine marque par un hyperindividualisme. Ce mouvement est
marqu par lĠinvention de la Ò societas Ó, collectif dĠindividus,
prfre Ò lĠuniversitas Ó du moyen-ge.
Ainsi est mis en exergue une opposition, quĠon doit
plutt travailler comme une diffrenciation, entre rapports inclusifs et rapports exclusifs, seuls ces derniers donnant naissance des droits
de proprits sĠils sont, en outre, accompagns des deux conditions cumulatives
qui font, selon la doctrine juridique, de certaines choses des
Ò biens Ó : avoir un valeur pcuniaire et tre susceptibles dĠune
libre, totale et discrtionnaire alination.
Jusque ces dernires annes nous pouvions nous
satisfaire dĠune opposition binaire entre la prmodernit et la valorisation de
liens inclusifs, de type le plus souvent communautaire, et la modernit le
recherche de lĠindividualisme et de formes exclusives de rapports juridiques,
donc de survalorisation de la proprit prive. On adoptait donc une position
dĠanthropologue pour dcrire les liens inclusifs organisant les rapports entre
les individus propos des Ò choses Ó et les paradigmes du juriste ou
de lĠconomiste pour traiter du droit de proprit et de la rification/ marchandisation
du rapport social.
Tel nĠest plus le cas maintenant, alors quĠavec la
postmodernit on redcouvre la permanence, dans nos propres socits, de formes
prmodernes ctoyant des rponses postmodernes et que pour restituer cette
complexit jĠai t amen concevoir la transmodernit comme coexistence de ces diffrentes
rponses : ce que nous tenions pour oppos ou contradictoire apparat comme
potentiellement complmentaire (Le Roy, 1999). De ce fait, ce qui tait
opposition dans un dbat peut devenir facteurs dĠun dialogue, dans la recherche
dĠune complmentarit des diffrences, spcialement pour ce qui concerne les logiques en cause.
La thorie des matrises foncires et fruitires en
est une preuve explicite, nous obligeant nous situer, dans un mme mouvement,
la fois dans des rapports exclusif et dans des rapports inclusifs selon la
nature et la porte sociale de nos actes et, au-del des logiques dĠexclusion
ou dĠinclusion, redcouvrir la vertu des logiques de partage.
La thorie des matrises foncires et fruitires
Nous reprenons ici, en raison de notre tat de sant, en lĠadaptant au
contexte de notre prsente
dmarche, quelques pages du jeu des lois (Le Roy 1999). Nous distinguerons successivement les postulats de base
, le modle et ses consquences.
LES
POSTULATS DE BASE
Jusque rcemment, le biais idologique justifiait, en
Afrique et au nom de la modernit, une prsentation antagonique des logiques
dĠacteurs en oprant par ailleurs une norme falsification des donnes. La littrature, sur des bases
incertaines, supposait que toutes les socits connaissent une proprit
foncire, publique ou prive, collective ou individuelle, et autorisent
cessions et alinations alors que des travaux plus rcents[7]
(Le Bris, Le Roy, Leimdorfer, 1982, Madjarian, 1991) confortent thoriquement nos observations de terrain au
Sngal durant les annes soixante en associant lĠinvention de la proprit de
la terre puis sa gnralisation lĠmergence et la diffusion du capitalisme.
Rduire ce biais idologique nĠest cependant pas
rtablir une vrit dont les
Africains nĠont que faire si les rponses quĠon leur propose actuellement ne
tiennent pas compte de lĠinscription indissociable de leurs pratiques dans la
tradition et dans la modernit
ou, selon une autre terminologie, dans lĠconomie affective (au sens de Goran
Hyden 1983) et dans lĠconomie
capitaliste.
Pour
tre opratoires, les rponses doivent contenir des solutions intgrant lĠun et
lĠautre des deux dispositifs. Il fallait trouver des solutions mtisses et deux
options sĠoffraient nous.
Le choix tait crucial.
La premire option auquel un anthropologue sĠattache parfois indment est la
prservation de lĠautochtonie passant par la voie dĠune adaptation des logiques
endognes aux enjeux de la
modernit qui lui sont soumis, au risque que, par un effet inverse et
inattendu, la modernit absorbe et
assimile totalement les options proposes. Outre ce risque qui peut tre
matris au moins partiellement, lĠobstacle fondamental est quĠaucun des acteurs
en position de gouvernance foncire ne veut, ou ne peut, sortir dĠune matrice
conceptuelle de type occidental. Mme lĠexprience, pourtant fort prudente, des
Sngalais avec la loi sur le domaine national de 1964 (Le Roy, 1999) est
remise en question par les programmes dĠajustement structurel parce que ne
correspondant pas la dlivrance de titres fonciers et la reconnaissance de
droits de proprit prive. Aprs mĠtre battu durant vingt cinq ans pour faire
comprendre les vertus dĠune approche endogne, jĠacceptais, en fonction du
pragmatisme dont jĠai fait une rgle de mthode, de considrer la seconde
option.
Cette seconde option suppose donc un mtissage partir du droit foncier
occidental qui sert de support
une prise en compte, dose tolrable,
de donnes africaines endognes. Le fait de travailler majoritairement dans des
pays dĠAfrique francophone me conduisait utiliser le support du code Napolon
de 1804 tenu pour le droit positif de certains de ces pays ou pour la rfrence
de leurs lgislations en tant que Ò raison crite Ó. Il est
maintenant clair que si jĠavais eu travailler dans des pays de common law les raisonnements et les dmarches auraient t
diffrents au moins dans la prsentation des rsultats. On ne sait pas encore
avec prcision dans quelle mesure la dmarche de gestion patrimoniale qui en
est la consquence est compatible ou non avec les catgories du common law.
Ceci pos et qui nĠallait pas sans dbats, la
recherche a pu avancer en prenant au srieux deux ides. La premire ide est
que les catgories du code civil permettant dĠidentifier quatre rgimes de
proprit que nous dtaillerons par la suite relvent dĠune vritable modle
structural. La seconde ide est que ce modle peut en cacher un
autre ou plus exactement que le
travail des rdacteurs du Code civil a consist simplifier considrablement
les donnes du droit commun coutumier franais. Ce qui a t simplifi peut
donc inversement, et en vertu du principe de paralllisme des formes, tre
rintroduit sur la base, dans le contexte africain, non de la reprise des
catgories du droit commun coutumier franais mais dĠanalogies entre
catgories, lĠenrichissement du modle devant se faire de telle faon que les
catgories nouvelles restent logiquement compatibles tant avec celles du droit
traditionnel africain quĠavec celles du Code civil. Ceci relve de lĠexigence
de disposer, en anthropologie, de modles homomorphes.
LE MODéLE
- Le
modle de base du Code civil.
Dans son livre II, Ò Des biens et des diffrentes
modifications de la proprit Ó, articles 516 et s., le Code civil pose un principe et introduit quelques
exceptions.
Le
principe est celui de la gnralisation de la proprit prive selon le modle
dĠun droit exclusif et absolu que consacre lĠarticle 544 CC (Ò la
proprit est le droit de jouir et de disposer des choses de la manire la plus
absolue condition de respecter les lois et rglements en vigueur Ó)
aprs lĠarticle 17 de la dclaration des droits de lĠhomme et du citoyen de
1789 qui la dclarait inviolable et sacre. En outre, lĠarticle 537 fait des
Ò particuliers Ó les bnficiaires de ce rgime qui fait de la
proprit un droit
Ò priv Ó. Dans ce dispositif, deux termes sont essentiels, le bien diffrenci
par la doctrine de la chose comme
Ò une chose ayant une valeur pcuniaire et susceptible
dĠappropriation [8]Ó
et priv oppos public dans la dfinition du domaine public, principale
exception au rgime gnral dans la rdaction initiale du code et qui est dfini dans lĠarticle 538 comme ce qui Ò porte sur des choses qui ne sont pas susceptibles de
proprit prive Ó.
Public/priv,
chose/bien sont les paramtres du modle civiliste qui permet, outre le rgime de la
proprit prive (art. 537 et 544) et celui du domaine public (art.
538) de distinguer le rgime des communaux (art. 542 o la libert
dĠalination est rduite) puis, par voie doctrinale et jurisprudentielle au
XIXĦ sicle, la terminologie du code civil tant ici peu claire, le domaine
priv de lĠEtat et de ses collectivits territoriales qui favorise la
gestion des ressources mises la disposition des services publics selon des
rapports de droit priv (les choses sont ainsi requalifies en biens)
Tableau NĦ 1
Modle structural des rgimes civilistes de
proprit
Statut de la ressource usage reconnu |
chose |
bien |
public |
domaine public |
domaine priv |
priv |
communaux |
proprit des particuliers |
-
LĠenrichissement du modle partir des catgories du droit traditionnel
africain.
Ce modle ainsi construit demandait tre enrichi.
Deux nouveaux choix ont t faits. Le premier a consist proposer
dĠintroduire des catgories nouvelles entre celles identifies par le Code civil. LĠenrichissement se veut donc
interne au code dont il considre les catgories comme constitutives des
limites du modle. CĠest au coeur de la matrice que des apports vont tre
faits, l o lĠellipse est dessine dans la matrice suivante.
Tableau NĦ 1 bis
|
chose |
bien |
public |
domaine public |
domaine priv |
priv |
communaux |
proprit des particuliers |
Le
second choix relve de la seule pragmatique. Il consiste slectionner les
catgories intermdiaires sur une
base acceptable, selon les critres que jĠai noncs de double compatibilit
lĠgard du droit traditionnel africain et du code civil[9].
- La
premire distinction entre public
et priv (reprsentation circulaire) est enrichie sur la base des nombreux
travaux du LAJP soulignant que
dans des socits communautaires, et la diffrence des socits
individualistes du Code civil qui connaissent lĠopposition public/priv, les
distinctions des usages socialement reconnus privilgient des relations
sociales qui sont internes, internes-externes (ou dĠalliance) et enfin externes
aux communauts de rfrence. Pour assurer la cohrence logique de lĠensemble
de ces catgories, on les redfinit selon le critre de Ò ce qui est
commun Ó ou Ò ce qui est partag par Ó :
- est public ce qui est commun tous,
indiffremment,
- est externe ce qui est commun n groupes, n dsignant un nombre dtermin mais variable,
- est interne-externe ce qui est commun deux
groupes,
- est interne ce qui est commun un groupe,
- est priv ce qui est commun ou propre une
personne juridique physique ou morale.
Dans chaque cas, cĠest la socit qui dfinit ce qui est ou nĠest pas groupe
ou personne et le sens donn chacune de ces deux fictions.
- Le second axe
de la chose et du bien (reprsentation rectangulaire) posait plus de
problmes tant ces domaines de recherche avaient t ngligs par la recherche
internationale. Partant des distinctions de lĠanalyse matricielle de ma thse
de doctorat, je distinguais chez les Wolof trois positions des ressources, les
avoirs (am), la possession (mom) et la proprit fonctionnelle, exclusive mais non
absolue (lew). Une tude
comparative du droit successoral pour la socit Jean Bodin pour lĠhistoire
comparative des institutions mĠayant donn lĠoccasion de gnraliser ces
distinctions, il restait assurer la compatibilit de ces distinctions avec
celles du code civil. La solution
est venue de la lecture, pour le conseil de rdaction de la revue Natures,
Sciences, Socits dĠun article
propos par A. Sandberg (Sandberg, 1994) reprenant les analyses dĠElinor
Ostrom et dĠEstella Schlagger
(Schlagger et Ostrom, 1992).
Celles-ci proposaient deux lignes dĠanalyse pertinentes pour
mon propos.
Tout dĠabord, tout en distinguant deux niveaux dĠorganisation et de reconnaissance des droits
fonciers, un niveau oprationnel (N.O.) (Ò l o les choses arrivent Ó)
et un niveau collectif dĠappropriation (N.C.) (Ò l o les choses sont
dcides)[10], ces
auteurs introduisent une nouvelle typologie de droits fonde sur une
progressivit, du plus simple au plus complexe :
- le droit dĠentrer ou dĠaccs,(N.O.)
- le droit de soustraire ou dĠextraire, (N.O.)
- le droit de grer et de rguler lĠusage des
ressources, (N.C.)
- le droit dĠexclure et de dcider qui a le droit
dĠaccs et comment le transmettre, (N.C.)
- le droit dĠaliner au sens de se dfaire dĠun droit
de manire discrtionnaire et absolue (N.C.).
Le
second apport de ces auteurs est de montrer que ces droits se combinent par
additions successives pour dfinir diffrentes catgories juridiques. Dans le
modle de Schlager et Ostrom et conformment une lecture de common law qui
privilgie les rapports hommes/hommes, ce sont des catgories de personnes qui sont ainsi identifies (unauthorized
user, authorized user, claimant, proprietor, owner). Faisant lĠconomie de sa prsentation quĠon
trouvera par ailleurs[11],
je vais en faire une adaptation
selon les distinctions des statuts de ressources (rapports
hommes/choses), dimension privilgie dans une lecture de type civiliste.
Tableau NĦ 2
Corrlations
entre nature des droits et rgimes dĠappropriation
|
chose |
avoir |
possession |
proprit fonctionnelle |
proprit absolue |
accs extraction gestion exclusion alination |
x |
x x |
x x x |
x x x x |
x x x x x |
La progression entre les droits permet ainsi de
justifier le rapport entre les diffrents rgimes et la place ultime reconnue la proprit prive, le rgime
le plus complet mais aussi le rgime dĠappropriation le plus exceptionnel que
seuls les Occidentaux tiennent pour un mode gnral dĠappropriation.
- le modle des matrises foncires et fruitires
La
combinaison des enseignements des tableaux 1 et 2 permet de construire une
matrice gnrale des matrises
foncires intgrant les droits et obligations sur la terre, les matrises tant
dfinies comme Ò lĠexercice dĠun pouvoir et dĠune puissance donnant une
responsabilit particulire celui qui, par un acte dĠaffectation de lĠespace
sĠest ou a t dot dĠune comptence plus ou moins exclusive, cet espace Ó[12].
Ce sont ces matrises qui sont la base de la gestion patrimoniale.
Tableau NĦ 3
Matrice simplifie des matrises foncires[13]
modes dĠappropriation modes de cogestion et de gestion |
matrise indiffrencie accs chose 1 |
matrise
prioritaire extraction avoir 2 |
matrise spcialise gestion possession 3 |
matrise exclusive exclusion proprit fonctionnelle 4 |
matrise absolue alination bien 5 |
public A |
A 1 |
A 2 |
A 3 |
A 4 |
A 5 |
externe B |
B 1 |
B 2 |
B 3 |
B 4 |
B 5 |
inter-externe C |
C 1 |
C2 |
C 3 |
C 4 |
C 5 |
interne D |
D 1 |
D 2 |
D 3 |
D 4 |
D 5 |
priv E |
E 1 |
E 2 |
E 3 |
E 4 |
E 5 |
Tableau NĦ 4
Corrlations avec les catgories du Code civil
modes dĠappropriation modes de cogestion et de gestion |
matrise indiffrencie chose 1 |
matrise
prioritaire avoir 2 |
matrise spcialise possession 3 |
matrise exclusive proprit fonctionnelle 4 |
matrise absolue bien 5 |
public A |
A 1 |
|
|
|
|
externe B |
|
|
|
|
B 5 |
inter-externe C |
C 1 |
|
|
|
|
interne D |
D 1 |
|
|
|
|
priv E |
E 1 |
|
|
|
E 5 |
Lgende : Domaine
public : A1
Domaine
priv : B5
Communaux
: C1 (+D1/E1 selon nature des droits)
proprit
prive des particuliers : E5
Le modle tant constitu, examinons-en quelques
applications
Les applications de la thorie
des matrises foncires et la dcouverte des matrises fruitires
Le modle
est actuellement abord dans
une triple dimension.
Tout dĠabord, il est destin favoriser le gestion
patrimoniale. Pour ce faire, il a d sĠouvrir une approche de type plus
environnemental.
A cette
occasion, Olivier Barrire claircit les relations entre les matrises, les
espaces et les ressources, ce qui dans le contexte plus gnral dĠun
Ò foncier environnement Ó conduit distinguer entre matrises foncires et matrises
fruitires.
Enfin
dans un troisime temps, on prsentera quelques applications de la dmarche
rsultant de publications rcentes dans le cadre de la gestion pastorale et
forestire.
-
lĠobjectif du modle est dĠautoriser la gestion patrimoniale
La gestion patrimoniale a t plus particulirement
illustre par Henri Ollagnon travers ses travaux pour le Ministre de
lĠagriculture et sur la base de la gestion de nappes aquifres en Alsace. Il
dfinit la gestion patrimoniale comme une Ò approche Ó et non une
dmarche codifie. Cette approche Ò suppose de considrer la qualit (et par extension
la nature) comme un objet de ngociation sociale qui se centre sur la
ncessaire ractualisation continue des rgles et objectifs de la gestion, dans
le but de maintenir la vitalit du lien social et le renouvellement de la force
de lĠengagement Ó[14].
A la dmarche patrimoniale, la thorie des matrises foncires apporte une
conception dynamique et complexe des rgles juridiques en vitant quĠelles
soient enfermes dans le droit de proprit prive et que la thmatique de la
gestion soit rduite cette peau
de chagrin quĠon dnomme la tragdie des communs (tragedy of the commons) de Hardin et qui nĠest quĠune suite de Ò lieux
communs Ó qui ont t ports
au statut de type idal par les idologues libraux de la proprit
prive[15].
Rciproquement, la gestion patrimoniale apporte la recherche foncire sa
capacit lire et rsoudre de manire dynamique des situations
conflictuelles en situation de multijuridisme, ce qui a t illustr dans notre ouvrage sur La scurisation
foncire en Afrique. (Le Roy, Karsenty, Bertrand, 1996). LĠapproche de
gestion patrimoniale privilgie, parmi les paramtres dĠune anthropologie
dynamique que le jeu des lois distingue
particulirement les forums, les ordonnancements sociaux, les enjeux et les
rgles du jeu), les autres paramtres tant dpendants de lĠun ou lĠautre de
ces facteurs privilgis.
- Le forum de gestion patrimoniale est le cadre le plus immdiatement
identifiable de cette approche. Sans forum stable, autonome, ayant une
visibilit institutionnelle, une reconnaissance juridique et une efficacit
pratique, la runion dĠacteurs
pour entrer en ngociation nĠa aucune chance de se prenniser et dĠaboutir un
dveloppement reproductible et durable selon les critres de la confrence de
Rio de Janeiro de 1992. CĠest le forum qui dtermine la qualit et le statut
des acteurs ainsi que le type de ressources qui sera susceptible dĠtre pris en
compte et gr selon lĠapproche patrimoniale. Privilgiant une logique
fonctionnelle, un forum doit tre plus ou moins troitement spcialis un
type de ressources. Dans les expriences actuelles ralises Madagascar on prend
en considration des ressources trs prcisment dtermines (une fort
classe, une rserve de biosphre...) et souvent considres comme appartenant
au patrimoine mondial. Par contre, aux Comores la dmarche est plus globale au
niveau des ressources mais plus limite dĠun point de vue territorial (un
bassin versant par exemple). De manire gnrale, lĠapproche patrimoniale
privilgie lĠchelle locale avec des variations importantes selon la nature de
la ressource.
- Les
ordonnancements sociaux sont ensuite le facteur le plus dterminant de
lĠapproche patrimoniale en privilgiant le mode ngoci dans des contextes
antrieurement rguls selon le mode impos, technocratique ou bureaucratique
au sommet, tatillon, interventionniste et
caporaliste la base quand il sĠagissait des interventions des Eaux et
Forts avant leur rforme interne dans nombre de pays africains. Le choix de la ngociation reprsente
une vritable rvolution culturelle au sein de lĠadministration. Il aura fallu
batailler ferme Madagascar pour lĠobtenir. Au Mali, lĠide est discute
Ò du bout des lvres Ó. Ailleurs, le principe adopt peut tre
contredit dans la pratique.
Pour ngocier il faut que les intervenants soient
globalement galit. Il faut donc aider les plus faibles runir leurs
informations, approfondir leurs analyses et pondrer leurs choix : organiser
leurs conduites sur les plans stratgique et tactique. Pour ce faire, on
recommande de former des formateurs/animateurs quĠon appelle mdiateurs
environnementaux Madagascar, mdiateurs patrimoniaux aux Comores et qui sont
choisis en raison de leurs expriences, comptences et proximit psychologique
avec les populations assister. Il va falloir en effet se plier, pour tous les
protagonistes de la ngociation,
une dmarche intellectuelle dlicate fonde sur une mthode rgressive et associant divers processus. Dans un premier temps, les
acteurs sont invits dterminer
en commun lĠobjectif quĠils
assignent leur gestion en se projetant sur vingt trente ans (une
gnration, celle de leurs enfants). Ils dterminent donc un rsultat
atteindre compte tenu des informations en leur possession (pression et
projection dmographiques,
volution du march, environnement national et international...). Puis,
par rgressions successives, mergent toutes les contraintes dont il faut tenir
compte et les rponses que chaque acteur devra apporter pour que lĠobjectif
final soit atteint. On passe ainsi de lĠhorizon trente ans lĠhorizon un an,
voire un mois ou un jour en cas dĠurgence, cette combinaison de mso et de
micro-processus faisant prendre conscience de lĠindispensable solidarit par
interaction spatio-temporelle des dcisions collectives.
- Enjeux et rgles du jeu sont, nouveau,
troitement associs. Les solutions adoptes doivent en effet prendre une forme
juridique et leur adoption doit
tre assez solennelle pour que le mode de gestion soit stabilis sur une longue
priode. Actuellement, la dmarche adopte Madagascar prconise la forme
contractuelle accompagne de rituels sociaux et religieux (kabary et sacrifice de boeufs). Le choix du contrat fait
cependant lĠobjet dĠun rexamen et Said Mahamoudou vient de montre dans sa
thse de doctorat dĠanthropologie sur le foncier aux Comores que la pratique sociale et agricole
pouvait apporter des solutions beaucoup plus simples. Ce problme du choix de la bonne forme juridique est en
effet essentiel pour concrtiser lĠenjeu de la ngociation qui est dĠassurer
une fonction substantiellement juridique au sens de Pierre Legendre : assurer la reproduction
biologique, cologique et idologique
du collectif de tous les utilisateurs de la ressource concerne.
- Reste enfin un dernier problme, celui de la
qualification de ce mode de gestion. Derrire lĠadjectif patrimonial que veut
dire patrimoine ? En quoi ce mode de gestion se distingue-t-il dĠune approche domaniale ou
privative-capitaliste ? CĠest l o lĠinventivit des jeunes chercheurs a pu se
dvelopper . Je me limiterai ici au seul apport dĠOlivier Barrire.
- Le foncier environnement et la distinction de matrises foncires et fruitires
Olivier et Catherine Barrire, respectivement
anthropo-juriste et ethnologue, ont conduit dans le delta intrieur du Niger,
dans le nord du Mali une recherche
anthropologique de grande ampleur, en 1994 et 1995, dont les premiers rsultats
ont t publis dans notre ouvrage La scurisation foncire en Afrique (Le Roy, Karsenty, Bertrand, 1996). Leur
contribution la recherche se
prsente tout dĠabord sous la forme dĠun ample corpus de pratiques dĠexploitation des ressources avec la
cartographie des espaces sur lesquels sĠexercent les usages et les banques de
donnes associes , dĠune particulire richesse potentielle puisque leur
traitement codifi doit permettre tant les mises jour ultrieures que les
comparaisons de site site. Ensuite, un deuxime apport est constitu par un travail de rflexion sur les
catgories utilises dans le modle des matrises foncires, prfrant la
notion de prlvement celle dĠextraction, celle dĠexploitation celle de gestion. Ces distinctions, nous le verrons, ne sont quĠapparemment
contradictoires avec les miennes, le suite de la dmonstration permettant de lever ces quivoques. Ces
deux auteurs proposent galement de distinguer des matrises intentionnelles
pour mieux cerner les stratgies
des acteurs, ce qui pourrait conduire un enrichissement du modle des
matrises ou, plus exactement son largissement, en introduisant la problmatique
de la gouvernance foncire en relation
directe avec le modle des matrises . Enfin, et surtout , ils ont approfondi
dans lĠanalyse foncire la distinction entre espace et ressource de la
manire suivante.
Nous savons en effet que selon le Code civil
reprenant le droit romain la proprit du fonds emporte le proprit du dessus
et du dessous. Ainsi, dans ce type de raisonnement, il est impossible de dissocier le rgime de proprit de la terre et celui de la ressource.
Or, dans les droits africains, il est frquent que des rgimes juridiques
diffrents se superposent sur une mme tendue, contredisant lĠarticle 552 du
Code civil. Pourtant, ce nĠest pas en terme dĠopposition quĠon doit analyser
cette situation mais de complmentarit. Ò Sur le plan foncier, pour
apprhender la ressource, il est impossible de la dissocier de son support.
Ainsi, la relation espace-ressource doit-elle tre souligne. Elle est
essentielle en raison du fait que
la ressource en tant que telle nĠexiste pas, elle le devient; cĠest pourquoi,
le chemin juridique conduisant la ressource ncessite toujours une matrise
pralable sur lĠespace. Toute forme de prlvement transite par un accs et
toute exploitation dĠune ressource par une exclusivit de lĠespace-ressource.
Apparaissent alors des matrises foncire spcifiques selon quĠil sĠagit espace
ou de ressource. Pour lĠespace, la matrise sera minimale , indiffrencie ou
exclusive, tandis que pour la ressource elle sera prioritaire, spcialise ou
absolue. La matrise sur la ressource implique donc avant tout une matrise sur
lĠespace Ó. (1996-162/163)
A partir de ces distinctions les auteurs proposent
les catgories et leur mise en place suivantes:
Ò LĠespace et la ressource doivent donc sĠanalyser
de faon diffrente en termes fonciers. LĠespace donnera lieu un droit
dĠaccs ou exclusif et la ressource un droit de prlvement, dĠexploitation
ou de disposition. Le prlvement se distingue de lĠexploitation par le fait
quĠil consiste en un acte de prdation, une simple prise, sans aucun souci de gestion. En revanche,
lĠexploitation intgre la gestion de la ressource, un intrt direct la maintenir afin dĠen
prenniser le profit. LĠaccs lĠespace implique le prlvement de la
ressource sur cet espace tandis que lĠexclusivit de lĠespace gnre lĠexploitation de la ressource. Ó
(1996-163)
Dans le mme ouvrage , et en conclusion lĠensemble
des analyses ayant produit le modle des
matrises et ses applications, (Le Roy, Karsenty, Bertrand, 1996,
179-181) je propose, pour rduire les possibles incomprhensions, de nommer matrises foncires celles
portant sur les espaces et matrises fruitires celles portant sur les
ressources.
Le modle de C. et O. Barrire se prsentait donc
comme suit :
Tableau NĦ 5
Les droits corrls aux espaces et aux ressources naturelles
renouvelables
|
espaces |
ressources |
Niveau 1, matrise minimale |
accs |
prlvement |
+ prioritaire |
( tout espace ouvert) |
(ressources forestires, pastorales,
halieutiques cyngtiques) |
niveau 2, matrise exclusive |
exclusion |
exploitation |
+ spcialise |
(agraire, pastorale, halieutique) |
(pastorale, agricole, halieutique) |
niveau 3, matrise absolue |
|
disposition (lments rcolts, cueillis, ramasss, chasss,
pchs) |
|
|
C et O. Barrire , 1996; 163 |
|
|
|
|
Matrises foncires (ELR) |
Matrises fruitires(ELR) |
|
|
|
Dans le mme texte, je proposais ensuite , pour
chacun des types de matrises foncires ou fruitires de mieux spcifier les
usages qui y sont associs et, en particulier , de distinguer pour la matrise
prioritaire entre lĠextraction pour lĠespace et le prlvement pour la ressource, pour la matrise
spcialise entre la gestion pour lĠespace et lĠexploitation pour la ressource, pour la matrise
exclusive entre lĠexclusion pour lĠespace et la marchandisation pour la
ressource. Enfin pour la matrise absolue je rintroduisais lĠalination pour
lĠespace ct de la disposition pour la ressource.
Ceci me donne le tableau suivant, trs lgrement
modifi de lĠoriginal (Le Roy, Karsenty; Bertrand, 1996, 180) :
tableau NĦ 6
Usages relevant des diverses matrises
Matrises
type nature |
Matrises foncires (espaces) |
Matrises fruitires (ressources) |
indiffrencie |
accs |
accession |
prioritaire |
extraction |
prlvement |
spcialise |
gestion |
exploitation |
exclusive |
exclusion |
marchandisation |
absolue |
alination |
disposition |
Nous pouvons donc construire et exploiter pour les
matrises fruitires une matrice
gnrale de droits portant sur les ressources analogue celle que nous avions
labore pour les matrises foncires :
Tableau NĦ 7
Matrice simplifie des matrises fruitires
modes dĠappropriation modes de cogestion et de gestion |
matrise indiffrencie accession 11 |
matrise
prioritaire prlvement 12 |
matrise spcialise exploitation 13 |
matrise exclusive marchandisa-tion 14 |
matrise absolue disposition 15 |
public A |
A 11 |
A 12 |
A 13 |
A 14 |
A 15 |
externe B |
B 11 |
B 12 |
B 13 |
B 14 |
B 15 |
inter-externe C |
C 11 |
C12 |
C 13 |
C 14 |
C 15 |
interne D |
D 11 |
D 12 |
D 13 |
D 14 |
D 15 |
priv E |
E 11 |
E 12 |
E 13 |
E 14 |
E 15 |
NB on se reportera au tableau NĦ 4 pour identifier
les principales catgories. Les numrotations 11, 12 etc. renvoyant aux
catgories 1, 2 etc. pour
souligner que les catgories de matrise fruitires sont des applications des
matrises foncires . En effet, un
autre enseignement, en appliquant lĠobservation de C. et O. Barrire selon
lesquels Ò le chemin juridique conduisant la ressource ncessite
toujours une matrise pralable sur lĠespace Ó implique dĠaborder les relations entre les divers usages selon la progression suivante, du plus
simple au plus complexe, selon une logique de diffrenciation :
accs ou accession/ (E+R) /extraction(E)
/prlvement(R) /gestion (E) /exploitation(R) /exclusion(E) /marchandisation
(R)
Par contre partir de ce stade, nous faisons lĠhypothse
que le processus se renverse et quĠon doit passer de la marchandisation la disposition (R) pour aboutir lĠalination (E). En effet,
tous nos travaux antrieurs montrent que pour que la terre soit alinable donc
relevant de la proprit prive, il faut dĠabord que les ressources quĠon en
tire soient totalement
disponibles, condition pour rendre la terre trangre soi et son collectif
dĠappartenance donc alinables.
- Premiers rsultats rsultant de la mise en
oeuvre du modle des matrises foncires
Actuellement , la dmarche nĠa t applique quĠ des
donnes foncires et sans orientation particulire quant la biodiversit. Les
rsultats ne constituent donc pas une preuve totalement satisfaisante de la pertinence du modle. Ils
dmontrent pourtant tout lĠintrt que les chercheurs pourraient y trouver,
avant quĠon puisse voquer lĠintroduction de ces catgories dans le droit
positif.
Je
retiendrai ici les applications faites par moi-mme pour le foncier pastoral et par Alain Karsenty pour le foncier forestier, dans un
contexte o nous ne savions pas encore traiter sparment les espaces et les
ressources, o, donc, les matrises fruitires ne sont pas distingues des
matrises foncires, au sens de la section prcdente.
LES MAITRISES FONCIERES PASTORALES
LĠtude mene pour un ouvrage collectif sur le
pastoralisme (Le Roy, 1995), publi sous lĠgide de lĠAUPELF-UREF dans des
conditions de prsentation inacceptable
avait t reprise dans notre ouvrage collectif (Le Roy, Karsenty, Bertrand, 1996) pour faire justice des
diffrents apports des travaux de
collgues dont la paternit avait t occulte, sans mon accord, dans la
premire publication.
Sur la base dĠune slection dĠanalyses considres
comme illustratives de la diversit des implantations (nord/sud et est/ouest de
lĠAfrique) , de la varit des pratiques pastorales (des nomades aux
semi-sdentaires) et des tendances de la recherche anglophone et francophone,
donc non reprsentatives au sens statistique, jĠavais relev le recours dix
matrises que je vais dĠabord localiser dans la matrice foncire NĦ 8 avant dĠen donner quelques dtail.
Tableau NĦ 8
Matrice simplifie des matrises foncires
modes dĠappropriation modes de cogestion et de gestion |
matrise indiffrencie chose 1 |
matrise
prioritaire avoir 2 |
matrise spcialise possession 3 |
matrise exclusive proprit fonctionnelle 4 |
matrise absolue bien 5 |
public A |
A 1 |
A 2 |
A 3 |
|
|
externe B |
B 1 |
B 2 |
B 3 |
|
|
inter-externe C |
|
C2 |
C 3 |
|
|
interne D |
|
|
|
D 4 |
|
priv E |
|
|
E 3 |
E 4 |
|
Dtail des applications
A1 : Matrise foncire indiffrencie exerce sur les
terres de cures sales communes tous;
A2 : Matrise foncire prioritaire sur les forages et
les puits publics non affects;
A3 : Matrise foncire spcialise sur les forages et
les puits publics affects;
B1 : Matrise foncire indiffrencie exerce sur les
pistes Ò domaniales Ó de transhumance ou dĠaccs au march;
B2 : Matrise prioritaire exerce sur les puits
villageois ou sur une fraction de pturages rserv comme gtes dĠtapes ou
affectes aux vaches laitires;
B3 : Matrise foncire spcialise par partage des
pturages par plusieurs groupes grant en commun un terroir dĠattache;
C2 : Matrise foncire prioritaire exerce sur les
canes ou puits temporaires et sur les pturages arbustifs;
C3 : Matrise foncire spcialise exerce par
partage commun de pturages et/ou
de champs entre plusieurs familles au sein dĠune unit rsidentielle;
D4 : Matrise foncire exclusive exerce sur les
pturages ou les puits au profit
dĠune communaut parentale;
E3 devenant E4 : Matrise foncire individuelle
spcialise devenant exclusive sur une terre ou un terroir ( on se rapproche
alors, en E4 dĠun droit de proprit E5
qui nĠest toutefois possible quĠavec une libre et dfinitive possibilit
dĠalination).
On trouvera le dtail des applications dans notre ouvrage de rfrence (Le
Roy, Karsenty, Bertrand, 1996, 82-102).
Je ferai ici trois remarques :
- Depuis
lĠpoque de cette enqute, notre connaissance du foncier pastoral a fait un
bond en avant lĠoccasion dĠun
colloque organis par A. Bourgeot Niamey en reconnaissant lĠexistence dĠune reprsentation foncire
spcifique chez les pasteurs, que jĠai dnomme odologie ou science des cheminements (Le Roy, 1999 b). CĠest
dans ce contexte que doivent tre
rinterprtes tant les pratiques dĠappropriation que lĠincidence de la
domination politique privilgie par rapport lĠappropriation foncire.
- Mais, il est vident que les contextes cologiques
du pastoralisme ne sont pas les plus favorables la prise en compte de la
biodiversit et que lĠimpact de ces rfrences reste rduit.
- Cependant, la proprit prive, avec toutes ses
contraintes, celle qui nĠest pas seulement exclusive mais surtout absolue, est
absente des rponses obtenues. Ce
nĠest pas que la proprit prive soit ignore, elle est mme au coeur des
pratiques pastorales avec lĠappropriation du btail. Mais elle concerne ce que
les juristes dnomment les Ò biens meubles Ó en particulier le btail
mais aussi les effets personnels.
Tant que la marchandisation du btail nĠa pas eu pour corollaire la
marchandisation des pturages le processus est stopp, sauf chez les Massa du
Kenya ( que nous nĠavions pas pris en considration) et l o on dveloppe des
politiques htives de ranching... Cependant, la commercialisation de lĠherbe
releve dans de nombreuses bourgades du Sahel africain pour un btail
sdentaire nous introduit
lĠanalyse de matrises fruitires en cours de spcialisation et avec tendance la privatisation. Ds
lors que lĠon connat la dpendance des ressources lĠgard des espaces qui
les supportent (supra, section prcdente), on peut supposer quĠun processus de
marchandisation gnralis nĠest pas loin .
- DES MAITRISES FORESTIERES, A LA FOIS FONCIERES ET
FRUITIERES
Alain Karsenty , dans un numro rcent de Politique
africaine, donne en conclusion de son tude une application fort
intressante du modle des matrises. Pour situer lĠanalyse, je crois pouvoir
partir du rsum suivant : Ò La nouvelle loi forestire du Cameroun,
inspire par les bailleurs de fonds, vhicule des conceptions de lĠamnagement
des espaces loignes des pratiques locales. Rompant avec les clichs sur la
Ò gestion durable des forts par les communauts Ó, le mouvement de
privatisation collective des espaces qui se dessine tend vers une diffusion du
modle rentier de nouvelle couches sociales et favorise des alliances
politiques indites. Mais il risque de faire exploser les fondements de lĠEtat
forestier (Karsenty, 1999,147) et galement les conceptions du Droit
et de la proprit. Je vais tout dĠabord prsenter la matrice quĠil a remplie
puis en faire un bref commentaire .
Tableau NĦ 9
Application de la grille des
matrises foncires
des situations
forestires de lĠEst-Cameroun
modes dĠappropriation modes de cogestion et de gestion |
matrise indiffrencie chose 1 |
matrise
prioritaire avoir 2 |
matrise spcialise possession 3 |
matrise exclusive proprit fonctionnelle 4 |
matrise absolue bien 5 |
public A |
|
|
|
Forts classes du domaine de lĠEtat |
Forts non classes du domaine national |
externe B |
|
Escargots gants des confins dĠun finage forestier
villageois |
|
Aire forestire servant de rserve foncire aux
villageois |
|
inter-externe C |
|
|
Fort
communautaire commune deux villages |
|
|
interne D |
|
Arbre moabi loign finage forestier villageois |
Concession dĠexploitation de bois dĠoeuvre rseau de pistes de chasse |
Champs cultivs et jachres familiales Arbre moabi proche |
Arbres de valeur commerciale appartenant
collectivement au village /famille et vendus aux exploitants |
priv E |
|
|
|
|
proprit prive immatricule |
(Karsenty, 1999, 161)
Commentaires
LĠintrt de ce tableau (qui naturellement ne se veut
pas exhaustif) est dĠassocier dans un mme cadre des rfrences et des rponses
foncires et fruitires dĠorigine et dĠimplications diffrentes. Les unes comme les autres font partie
maintenant de lĠunivers des
socits forestires de lĠEst-Cameroun qui ont donc appris, leur corps dfendant, les faire
cohabiter. Loin de contredire les droits de proprit et leur ventuelle
diffusion quand elle est souhaite, la thorie des matrises foncires permet
dĠidentifier le contexte de cette gnralisation, les pratiques alternatives et
les contraintes normatives rsultant
de conceptions non propritaristes.
Un autre intrt de cette tude est de montrer combien les matrises foncires et
fruitires sont associes et
complmentaires, une mme matrise telle la B2 pouvant porter la fois sur une
ressource lĠescargot, et sur un espace, le finage.
Conclusion :
Le rsultat auquel nous avons abouti grce cette
lecture dĠanthropologie du droit est de pouvoir proposer un cadre appropri
pour les situations de pluralisme
juridique. En particulier, je
propose de passer de quatre cinquante solutions pour encadrer les droits exercs sur la nature. Je propose galement de rduite les oppositions
apparentes entre ces solutions en les faisant cohabiter dans un mme modle, ce
qui permet de prendre acte de la complexit tout en en ordonnant la gestion. Ce
faisant jĠestime que ce type de
dmarche devrait avoir une
place plus largement reconnue dans lĠapproche institutionnelle de la
biodiverit.
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[1] On est sans doute actuellement en train dĠentrer
dans une anthropologie de la juridicit comme formulation la moins ethnocentrique possible dĠune
science comparative et interculturelle du droit.
[2] Je me rfre ici lĠvolution globale,
Ò moyenne Ó si cela a un sens ici, des pratiques scientifiques, ma
pratique personnelle me situant ds le dpart dans un point de vue
anthropologique beaucoup plus prononc.
[3] Entre autres, cet article met en vidence un point
dĠincomprhension entre les Anthropologues et les autres disciplines. Ces
dernires prsupposent que les notions de droits subjectifs et de droit de
proprit, prive ou collective, sont connues par toutes les socits comme tant
la base de leur organisation sociale...Depuis les travaux de Louis Dumont,
reprenant Marx sur certains points, il nĠest plus possible de raisonner ainsi.
La proprit foncire est lie au capitalisme. Elle est absente l o il nĠy a
pas de march et elle se dveloppe en relation avec la marchandisation des
rapports sociaux. Nour retrouverons le dbat plus loin...
[4] Dans le contexte africain, nous observerons
frquemment lĠpoque contemporaine une distinction du type : proprit
marchande versus conomie affective
ou appropriation patrimoniale.
[5] En associant
la notion de Droit une reprsentation anthropomorphise qui supose, lĠinstar de lĠconomie
dou du politique une existence propre et un statut dĠacteur collectif, ce qui
est manifestement un excs de la modernit scientifique
[6] En reprenant les thses marxistes du juridique
superstructure ou reflet de lĠappropriation des moyens de production. Ces
thses ne sont pas rejeter mais
des anthropologues comme Maurice Godelier ou Emmanuel Terray ont montr le
caractre souvent systmatique des travaux du dbut des annes soixante-dix
dans ce domaine.
[7] Appropriation est entendu ici, comme rappel
ci-dessus, comme la facult dĠalination sans rserve ni condition.
[9] Le rsultat parat relever du coup de baguette du
magicien. Mais en fait je me suis aperu que je disposais dj des
catgories qui, globalement,
avaient t identifies dans ma
thse de doctorat dĠEtat de 1970 pour ressortir vingt ans aprs !
[10] La distinction entre niveau oprationnel et niveau
collectif dĠappropriation a perdu cependant de sa pertinence dans la suite de
nos travaux . Actuellement,
la vritable limite discriminante apparait tre entre le droit absolu dit droit
dĠaliner et les autres droits (entrer, extraire, grer et exclure)
[11] dans La scurisation foncire en Afrique, (Le Roy et alii, 1996, p. 72.)
[12] Le pastoralisme africain, op. Cit. 1995, 489.
[13] On consultera lĠoriginal dans La scurisation
foncire en Afrique, op. cit. p. 73
ainsi que la description de chacune des 25 catgories dsignes par les
initiales A1 E5.Par exemple, Ò A1, matrise indiffrencie et publique,
porte sur une chose, autorise un droit dĠaccs et implique une co-gestion
commune tous. (...) E5, matrise absolue et prive est Ôle fait de jouir et
de disposer des choses de la manire la plus absolue (...)Ġ. Les droits
dĠaccs, dĠextraction, de gestion, dĠexclusion et dĠalination sont reconnus une personne physique
ou morale que le code civil dnomme Ôle particulierĠ, plus communment le
propritaire et lĠanglais juridique lĠowner Ó.
[14] cit par A. Karsenty (Karsenty, 1994, p. 66. )
[15] La prsentation la plus explicite est dans M.
Falque, Ò Libralisme et environnement Ó, Futurible, 97, mars 1986. Voir galement dit par le mme
auteur, Droits de proprit et environnement , Paris, Dalloz, 1997.