Le principe de prŽcaution en droit de lÕenvironnement :

rgle juridique obligatoire ou simple principe politique destinŽ ˆÉ

PortŽe et consŽquences dans les ordres juridiques international et national.

 

 

Par Dr SITACK YOMBATINA BŽni,

Professeur de Droit de lÕenvironnement ˆ lÕUniversitŽ de NÕDjamŽna,

Directeur des Etudes et des Stages de lÕENAM/Tchad.

 

 

Le terme Ē principe Č est polysŽmique dans le vocabulaire juridique. On lÕemploie indiffŽremment pour dŽsigner un constat dՎvidence, la conclusion dÕune analyse, une norme non juridique ou une rgle juridique obligatoire. Pour preuve, la DŽclaration de Dublin de janvier 1992 sur lÕeau[1] Žnonce quatre Ē principes Č de nature et de portŽe trs diffŽrentes. La DŽclaration de Rio de Juin 1992 en compte 27 conus de faon similaire. Ces deux dŽclarations ont une prŽtention juridique et pourtant leurs ŽnoncŽs ne sont pas tous libellŽs en termes normatifs : certains sont de simples constats (dՎvidence ou dÕobservation) alors que dÕautres ont un caractre normatif qui se manifeste ˆ travers lÕutilisation rŽcurrente du verbe Ē devoir Č, verbe impŽratif ou prescriptif.

 

QuoiquÕil en soit, la notion de principe nŽcessite en droit, une clarification.

 

En droit, le concept de Ē principe Č revt deux significations[2] :

 

  1. soit une rgle ou une norme gŽnŽrale de caractre non juridique dÕo peuvent tre dŽduites des normes juridiques. Exemple : le principe de souverainetŽ de lÕEtat ou le principe de coopŽration ;
  2. soit une rgle juridique Žtablie par un texte en termes assez gŽnŽraux, destinŽe ˆ inspirer diverses applications et sÕimposant avec une autoritŽ supŽrieure. La notion de principe renvoie dans ce cas au Ē principe positif du droit Č, cÕest-ˆ-dire ˆ une norme explicitement formulŽe dans un texte de droit positif, ˆ savoir, soit une disposition lŽgale, soit ˆ une norme construite ˆ partir des ŽlŽments contenus dans ces dispositions. On parlera alors de principes gŽnŽraux du droit (PGD).

 

Ainsi dŽfinis, les principes sont une dŽfinition et une cristallisation normatives des valeurs fondamentales de la sociŽtŽ. Ils indiquent les objectifs fondamentaux ou la doctrine de lÕEtat et de la sociŽtŽ en une matire donnŽe. Ce sont finalement des normes programmatoires dont le lŽgislateur ou le juge auront la charge de prŽciser le contenu[3].

 

Au plan international, les principes se retrouvent ˆ la fois ŽnoncŽs par les textes dŽclaratoires ou par les prŽambules de certaines conventions ainsi quÕau niveau de la Cour Internationale de Justice (C.I.J.) Exemple : La ConfŽrence de Stockholm en juin 1972 sur lÕenvironnement a approuvŽ une DŽclaration constituŽe dÕune proclamation en 7 points et de 26 principes.

 

Cette DŽclaration exprime comme premier principe, lÕidŽe que Ē lÕHomme a un droit fondamental ˆ la libertŽ, ˆ lՎgalitŽ et ˆ des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualitŽ lui permette de vivre dans la dignitŽ et le bien-tre Č. Cette Ē conviction commune Č a ŽtŽ dŽtaillŽe sous la forme dÕautres principes, parmi lesquels on peut particulirement souligner :

 

¤       lÕHomme a le devoir solennel de protŽger et dÕamŽliorer lÕenvironnement pour les gŽnŽrations prŽsentes et futures (principe 1)

¤       les ressources naturelles doivent tre prŽservŽes par une planification ou une gestion prudente (principe 2) et leur conservation doit tenir une place importante dans la planification pour le dŽveloppement Žconomique (principe 4), ou encore

¤       les rejets de matires toxiques ou dÕautres matires, et les dŽgagements de chaleur en quantitŽs ou sous des concentrations telles que lÕenvironnement ne puisse plus en neutraliser les effets doivent tre interrompus de faon ˆ Žviter que les Žcosystmes ne subissent des dommages graves ou irrŽversibles (principe 6).

 

Mais quelle que soit sa valeur juridique, un principe doit avoir, nŽcessairement, un caractre normatif[4].

 

En droit de lÕenvironnement, puisque cÕest de cela quÕil sÕagit, lՎtude des principes exige que soient triŽs dans lÕamas actuel des ŽnoncŽs ˆ prŽtention principielle, ceux qui constituent rŽellement des principes au sens o lÕentend la science du droit.

 

Il convient de dŽgager, en effet, quelques principes fondamentaux de portŽe gŽnŽrale autour desquels peuvent sÕagrŽger des sous-principes. Certains de ces principes sont relativement anciens, et font dŽsormais partie du droit coutumier quand ils ne sont pas consacrŽs conventionnellement. Il sÕagit principalement du principe de prŽcaution, du principe pollueur-payeur, du principe de lÕinformation des citoyens ou du public etc.

 

Pour mieux apprŽhender lՎventail des principes et leur portŽe juridique en droit de lÕenvironnement, nous avons dŽcidŽ dÕen retenir tout simplement, dans cet article, le Ē principe de prŽcaution Č et ce, pour trois raisons essentielles.

 

La premire est essentiellement dÕordre pratique. CÕest dans le cadre de diffŽrents problmes rŽcents relatifs ˆ des risques mal connus et dÕun retentissement important, que lÕon a vu Žvoquer de faon croissante le Ē principe de prŽcaution Č. Les histoires de Ē vache folle Č ou de lÕencŽphalite spongiforme bovine (ESB) en Grande Bretagne, du sang contaminŽ en France, de la diffusion des organismes gŽnŽtiquement modifiŽs (OGM) aux Etats-Unis, de la Ē crise ˆ la dioxine Č (Contamination de la cha”ne alimentaire) en Belgique etc., en offrent de difficiles exemples. Les consŽquences des risques sont ici graves, en mme temps quÕil existe une incertitude ˆ leur sujet. LÕidŽe de ces formulations est que dans ces circonstances, lÕincertitude ne doit pas conduire ˆ ne pas prendre de mesures de diminution des risques[5].

 

La deuxime est dÕordre politique et scientifique. Le Ē principe de prŽcaution Č modifie les rapports entre dŽcision politique et fondement scientifique de cette dŽcision. Nombre de dŽcisions politiques du passŽ et du prŽsent nÕont pas ŽtŽ fondŽes sur des certitudes scientifiques. Quels changements introduit ds lors le Ē principe de prŽcaution Č sous ce rapport ? Un fondement scientifique est Šil suffisant pour dŽterminer une dŽcision politique ?

 

La troisime enfin est dÕordre juridique. On retrouve aujourdÕhui de nombreux textes ˆ caractre contraignant ou non relatifs au Ē principe de prŽcaution Č quÕil importe de bien cerner car ils fournissent des rŽfŽrences Š o chaque mot compte dans le traitement de ces problŽmatiques selon des rŽgulations politiques et juridiques. Le Ē principe de prŽcaution Č utilisŽ dÕabord de manire limitŽe dans des lŽgislations spŽcifiques (lois sur lÕair, sur lÕeau), va changer de statut au milieu des annŽes 1980. Il devient un des grands principes directeurs des politiques dÕenvironnement. SÕagit-il dÕune rgle de droit ˆ part entire ? Ou dÕun Ē principe politique Č destinŽ ˆ guider lÕaction lŽgislative et rŽglementaire ? Est-il suffisamment prŽcis et cohŽrent pour que lÕon puisse en dŽduire des consŽquences juridiques ?

 

CÕest ˆ ces trois hypothses que lÕon tentera de rŽpondre mme si lÕaccent sera beaucoup plus mis sur lÕapproche juridique, objet de cette Žtude.

 

  1. Le Ē principe de prŽcaution Č serait-il devenu le talisman dont la seule invocation devrait protŽger les citoyens contre tous les risques ?

 

Pratiquement inconnu jusquÕau milieu des annŽes 1990, le Ē principe de prŽcaution Č est devenu, avec lÕaffaire de la vache folle, une expression populaire[6]. On invoque lÕapplication du principe de prŽcaution dans les domaines les plus hŽtŽrognes (climat, couche dÕozone, faune, flore, pcheries, OGM, santŽ, alimentation, jusquÕaux conditions dÕutilisation des armes sur les champs de bataille). Il est donc devenu une rŽfŽrence majeure de la gestion des risques dans le champ de lÕenvironnement et de la sŽcuritŽ alimentaire et sanitaire. Un spŽcialiste de la santŽ publique y voit ˆ travers le Ē principe de prŽcaution Č une reprise de la dŽmarche ŽpidŽmiologique classique face au risque : confrontŽe ˆ une maladie dont les causes ne sont pas ŽlucidŽes, la prŽvention sÕorganise, sans attendre des certitudes, ˆ partir de lÕanalyse des facteurs de risques, qui ne sont pas des causes[7].

 

Ainsi, le principe apparu au dŽbut des annŽes 1970[8], afin de mettre lÕenvironnement au centre des politiques publiques, en vient ˆ devenir synonyme de politique de sŽcuritŽ. LՎquation est la suivante : sŽcuritŽ = prŽcaution.

 

Ē Le principe de prŽcaution Č est une approche de gestion des risques qui sÕexerce dans une situation dÕincertitude scientifique, exprimant une exigence dÕaction face ˆ un risque potentiellement grave sans attendre les rŽsultats de la recherche scientifique[9].

 

La prŽcaution se distingue de la protection contre les dangers. La diffŽrence rŽside dans lÕidentification du risque. Les pouvoirs publics ont Žvidemment ˆ protŽger contre les risques identifiables. Or, le contexte actuel dans lequel le Ē principe de prŽcaution Č tente de sÕimposer est celui dÕun basculement de lÕimaginaire collectif et des pratiques sociales touchant ˆ la science et ˆ la technique vers une systŽmatisation du doute et de la controverse. Si la foi dans les bienfaits de la science et du progrs technique nÕa pas disparu, il reste quÕelle nÕest plus constitutive du lien social. La sŽcuritŽ apportŽe ˆ certains membres de la sociŽtŽ nÕempche pas une large exclusion Žconomique et sociale de se dŽvelopper.

 

La gestion des risques prŽsuppose que le risque ait ŽtŽ prŽalablement ŽvaluŽ. Sur la base de cette Žvaluation, les diffŽrentes options de mesures ˆ prendre sont considŽrŽes par les gestionnaires du risque, cÕest-ˆ-dire les dŽcideurs. Les dŽcideurs sont juridiquement et politiquement fondŽs ˆ prendre des mesures de prŽcaution sans attendre une confirmation scientifique du risque. Une approche de prŽcaution doit prendre en compte, comme le fait dŽjˆ la gestion normale, les risques actuels mais aussi les risques pour les gŽnŽrations futures tels que les risques de dŽversement des produits chimiques, de mutations gŽnŽtiques ou de perturbations endocriniennes liŽs aux bio- accumulations de substances toxiques ou radioactives.

 

Les institutions qui devaient apporter la sŽcuritŽ ont, souvent failli et menacent de le faire davantage encore ˆ lÕavenir, tant elles semblent dŽbordŽes par le mouvement heurtŽ des innovations et des pratiques hors normes. En de nombreux cas, les dŽfaillances observŽes ne sÕexpliquent pas par la force majeure, mais par des erreurs de jugement ou par un trouble dans la hiŽrarchie des critres de dŽcision et des valeurs, ou encore par une compromission tolŽrŽe entre des intŽrts de santŽ publique et des intŽrts industriels. Des comptes commencent ˆ tre demandŽs, si bien quÕil a fallu que lÕEtat en France rŽvise dÕurgence les rgles dÕengagement de la responsabilitŽ pŽnale des agents publics pour des faits dÕimprudence ou de nŽgligence (cf. Loi du 13 mai 1996) afin de mieux protŽger ceux qui le servent, sans dÕailleurs y parvenir[10].

 

Le gouvernement allemand a adoptŽ, ds 1986, des Directives sur la prŽcaution en matire dÕenvironnement . Ces Directives ont ŽtŽ par la suite soumises au Bundestag. On pouvait lire dans le texte ce qui suit : Ē Par prŽcaution, on dŽsigne lÕensemble des mesures destinŽes soit ˆ empcher des menaces prŽcises ˆ lÕenvironnement, soit, dans un objectif de prŽvention, ˆ rŽduire et limiter les risques pour lÕenvironnement, soit, en prŽvoyance de lՎtat futur de lÕenvironnement, ˆ protŽger et ˆ amŽliorer les conditions de vie naturelles, ces diffŽrents objectifs Žtant liŽs Č[11].

 

La prŽcaution dŽsigne trois types dÕactions hiŽrarchisŽes selon une perspective temporelle qui vont du court terme de la prŽvention contre les risques imminents au long terme de la gestion de ressources naturelles. La perspective de prŽcaution intgre la prŽvention. Elle passe par trois impŽratifs : rŽduire les risques et Žviter les Žmissions mme quand on ne constate pas dÕeffets dans lÕimmŽdiat ; formuler des objectifs de qualitŽ environnementale ; dŽfinir une approche Žcologique de la gestion de lÕenvironnement.

 

On lÕaura compris : lÕattitude de prŽcaution na”t de la volontŽ de sÕaffranchir de la dŽmarche assimilative pour lui substituer une dŽmarche prŽventive voire anticipative[12]. La dŽmarche de prŽcaution, avec la dimension dÕincertitude qui lÕaccompagne, impose dÕanticiper, de prŽvenir, de prendre le devant, dÕaller au-devant du risque, de la menace avant quÕelle ne se rŽalise. Cela change tout : non pas tant la volontŽ de rŽduire les risques que la manire dÕy parvenir. La prŽcaution dŽcrit alors un comportement de prŽvoyance, de prŽvision vis-ˆ-vis de lÕavenir. On se laisse pas prendre au dŽpourvu, parce quÕon redoute que, alors, il sera trop tard. Le comportement dÕassurance, du moins tel quÕon lÕa valorisŽ au XIXe sicle, ˆ travers la vertu de prŽvoyance, correspond aussi ˆ une dŽmarche de prŽcaution, mme sÕil y a une nuance : dans le cas de lÕassurance, on estime que le risque est indŽpendant de la volontŽ Š cÕest une des dŽfinitions de lÕalŽa -, quÕil faut donc le subir sÕil doit arriver, alors que, dans lÕattitude de prŽcaution, on a conscience dՐtre les auteurs potentiels du dommage. LÕassurance porte sur des risques exognes, quand la dŽmarche de prŽcaution concerne des risques endognes, cÕest-ˆ-dire dont nous savons que nous en sommes les auteurs, les causes, que nous en sommes ˆ lÕorigine. Ainsi pourrait-on dŽfinir la prŽcaution comme lÕassurance des risques endognes.

 

  1. Une approche de Ē prŽcaution Č plus Žtendue constituerait- elle une rŽponse plus scientifiquement fondŽe sur la gestion du risque environnemental ?

 

Le Ē principe de prŽcaution Č est un sujet de plus en plus important dans les dŽbats relatifs aux risques environnementaux. Ses consŽquences pour lՎlaboration des politiques soulvent de nombreuses questions. Beaucoup craignent que Ē lÕapproche de prŽcaution Č soit trop ambigu‘ et trop peu opŽrationnelle pour servir de base ˆ une rŽelle prise de dŽcision, quÕelle sÕoppose ˆ la science, voire mme quÕelle menace dՎtouffer lÕinnovation technologique et la croissance Žconomique. Nous examinerons ici quelques questions clefs, ˆ la fois thŽoriques et pratiques, relatives ˆ la relation entre Ē science Č et Ē prŽcaution Č dans la gestion du risque environnemental.

 

Le risque environnemental, on le sait, nÕest pas un concept monolithique. Dans les approches quantitatives les plus Žtroitement dŽfinies et rŽductrices, il est reconnu que le risque est fonction de deux variables : la probabilitŽ et lÕamplitude dÕun impact donnŽ.

 

Habituellement, la spŽcification des risques associŽs ˆ une option individuelle nŽcessite la combinaison dÕun ensemble de risques de types distincts, chacun correspondant ˆ une forme particulire dÕimpact. Prenons lÕexemple dÕune question dÕactualitŽ, les aliments gŽnŽtiquement modifiŽs. Il est clair que le dŽbat rŽgulateur en la matire embrasse un large Žventail de problmes disparates qui comprennent lÕenvironnement, la santŽ humaine, lÕagriculture, lՎconomie et les questions dՎthique[13].

 

Le problme qui se pose est la sŽlection des facteurs ˆ inclure dans lՎvaluation du risque. LՎvaluation doit-elle tenir compte des problmes sociaux, Žconomiques, culturels et Žthiques, au mme titre que des facteurs environnementaux et de santŽ ? En ce qui concerne les facteurs physiques dŽfinis plus Žtroitement, dans quelle mesure lՎvaluation doit-elle chercher ˆ tenir compte des effets additifs et indirects associŽs ˆ des risques environnementaux particuliers ?

 

Pour rŽpondre ˆ ces questions, il convient de noter que toutes choses Žtant Žgales par ailleurs, lՎvaluation sociale des risques environnementaux doit tre aussi complte et exhaustive que possible. La prise de dŽcision rŽgulatrice en matire de risques environnementaux devrait, idŽalement, reposer sur lÕanalyse de lÕensemble des problmes considŽrŽs comme pertinents et de tous les aspects des cycles de vie et des cha”nes de production associŽs aux diverses technologies. LՎvaluation devrait tenir compte de tous les effets additifs et indirects, qui sont significatifs au mme titre que les relations causales plus simples.

 

Un autre problme qui se pose le plus souvent porte sur la manire de construire et de hiŽrarchiser les diffŽrents aspects du risque environnemental qui sont compris dans lՎvaluation. Par exemple, dans quelle mesure les analyses doivent-elles reposer sur des donnŽes empiriques passŽes et bien documentŽes, ˆ des pratiques pŽrimŽes ou ˆ des circonstances non pertinentes ? Comment des aspects individuels et non quantifiables du risque peuvent-ils tre pris en considŽration ?

 

Mme lorsquÕils sont quantifiables, se pose la question de la hiŽrarchisation des facteurs agrŽgeant certains effets tels que la toxicitŽ, le caractre cancŽrigne, la nature allergne, la sŽcuritŽ et lÕhygine au travail, la biodiversitŽ ou lÕintŽgritŽ Žcologique. Quels doivent tre les poids relatifs des impacts sur les diffŽrents groupes notamment les travailleurs, les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants, les gŽnŽrations futures, ou mme sur les animaux et les plantes ? Quels sont les poids relatifs des impacts de pollution de lÕair et de bien dÕautres substances sur les populations vivant actuellement dans la rŽgion productrice du pŽtrole au Tchad ?

 

Quelque soit le danger intrinsque dÕune substance, ce qui importe en rŽalitŽ du point de vue de lՎvaluation de son impact potentiel, cÕest de savoir si le niveau dÕexposition ˆ cette substance pour une cible potentielle (homme, faune, flore, Žcosystme) est susceptible dÕatteindre ou de dŽpasser le seuil maximal dŽterminŽ comme Žtant celui sans effet indŽsirable.

 

Dans la plupart des cas, du fait des incertitudes expŽrimentales, de la variabilitŽ de sensibilitŽ entre individus ou espces et, le plus souvent, de lÕabsence de donnŽes relatives ˆ ces cas rŽels, cette Žvaluation ne peut sÕexprimer que comme une probabilitŽ assortie dÕun degrŽ dÕincertitude. CÕest pour cela que lÕon parle dՎvaluation dÕun risque (risk assessment) et que, compte tenu de cette dimension statistique, il est peu rŽaliste dՎvoquer un Ē risque nul Č. Un risque est dŽfini comme la probabilitŽ dÕun effet calculŽ sur la base du rapport entre le niveau dÕexposition ˆ une substance (la combinaison de la dose et de la durŽe) et le niveau-seuil au-delˆ duquel ses propriŽtŽs dangereuses seraient susceptibles de se manifester. Le risque dŽpend donc du niveau dÕexposition probable ou avŽrŽe ˆ une substance. Mme pour une substance identifiŽe comme intrinsquement trs dangereuse (toxine botulique, dioxine, oxyde de carboneÉ), il nÕ y a risque que si ce rapport est suffisamment ŽlevŽ.

 

Enfin, les critres retenus dans la sŽlection du niveau de risque acceptable et donc prŽsentant une sŽcuritŽ jugŽe suffisante varieront selon les situations. Ce sont lˆ des jugements de valeur et la responsabilitŽ de dŽfinir ce qui est acceptable ne peut tre assumŽe par les seuls experts scientifiques ou les pouvoirs publics : il faut associer  - me semble t-il Š la sociŽtŽ civile.  La dŽfinition du caractre acceptable doit tenir compte du caractre plus ou moins irremplaable de lÕactivitŽ liŽe ˆ lÕexposition de la substance : est-ce les hydrocarbures, un aliment, un mŽdicament vital ? A t-il des qualitŽs techniques, ŽnergŽtiques, Žconomiques, pratiques (dans le cas des sachets plastiques communŽment appelŽ Ē Leydas Č au Tchad ou OGM par exemple) particulires ? Il doit aussi prendre en compte la sensibilitŽ particulire de la cible potentielle : enfant, femme, handicapŽ, utilisateur averti ou non, etc.

 

Ici comme ailleurs, la prŽcaution doit tre de mise. Elle doit alors intŽgrer dÕautres critres pour Žtablir un niveau de sŽcuritŽ requis et acceptable pour la population exposŽe.

 

  1. Le Ē principe de prŽcaution Č est-il susceptible dÕacquŽrir une valeur normative autonome dans les ordres juridiques international et national ?

 

Le concept du Ē principe de prŽcaution Č a ŽtŽ considŽrablement dŽveloppŽ et juridiquement Žtabli dans le domaine de la protection de lÕenvironnement. De nombreuses conventions internationales ont instaurŽ ce principe comme base des actions de prŽvention.

 

La DŽclaration de Rio en 1992 a adoptŽ le principe 15 : Ē pour protŽger lÕenvironnement, des mesures de prŽcaution doivent tre largement appliquŽes par les Etats selon leurs capacitŽs. En cas de risque de dommages graves ou irrŽversibles, lÕabsence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prŽtexte pour remettre ˆ plus tard lÕadoption de mesures effectives[14] visant ˆ prŽvenir la dŽgradation de lÕenvironnement Č et la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (Rio, 1992) prŽvoit ˆ son article 3 des dispositions analogues.

 

Le TraitŽ dÕAmsterdam a modifiŽ lÕarticle 130 R (2) du TraitŽ sur lÕUnion europŽenne comme suit : Ē La politique de la CommunautŽ dans le domaine de lÕenvironnement vise un niveau de protection ŽlevŽ, en tenant compte de la diversitŽ des situations dans les diffŽrentes rŽgions de la communautŽ. Elle est fondŽe sur les principes de prŽcaution et dÕaction prŽventive, sur le principe de la correction, par prioritŽ ˆ la source, des atteintes ˆ lÕenvironnement et sur le principe du pollueur-payeurÉ Č

 

Dans le domaine de la protection des consommateurs et de leur santŽ, lÕarticle 100a paragraphe 3 du TraitŽ ˆ ŽtŽ modifiŽ comme suit :

Ē La commission, dans ses propositions prŽvues au paragraphe 1er en matire de santŽ, de sŽcuritŽ, de protection de lÕenvironnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection ŽlevŽ en tenant compte notamment de toute nouvelle Žvolution basŽe sur des faits scientifiques Č.

 

En outre, la communication de la Commission du 30 avril 1997 sur la santŽ des consommateurs et la sŽcuritŽ des aliments (COM 97 183 final) a Žtabli que : Ē La Commission sera guidŽe dans son analyse de risque par le principe de prŽcaution dans les cas o les bases scientifiques sont insuffisantes ou lorsquÕil existe quelques incertitudes Č.

 

Solidaire de la philosophie du Ē dŽveloppement durable Č, le Ē principe de prŽcaution Č va, sous une forme ou une autre, tre repris, ou intŽgrŽ, dans toute une sŽrie de Conventions portant sur la gestion des ressources naturelles (biodiversitŽ, pche, forts), la protection de lÕenvironnement, soit sous une forme rŽgionale (MŽditerranŽe, Atlantique du Nord-Est, Mer Baltique etc.) soit par problmes (dŽchets, couche dÕozone, etc.).

 

La Convention sur la diversitŽ biologique (Rio 1992) prŽcise, dans son prŽambule : Ē Notant quÕil importe au plus haut point dÕanticiper et de prŽvenir ˆ la source les causes de la rŽduction ou de la perte sensible de la diversitŽ biologique et de sÕy attaquer, notant Žgalement que, lorsquÕil existe une menace de rŽduction sensible ou de perte de la diversitŽ biologique, lÕabsence de certitudes scientifiques totales ne doit pas tre invoquŽe comme raison pour diffŽrer les mesures qui permettraient dÕen Žviter le danger ou dÕen attŽnuer les effetsÉ Č

 

Dans le cadre de cette Convention, le Protocole de Carthagne sur la prŽvention des risques biotechnologiques (MontrŽal, 29 janvier 2000) prŽcise : Ē LÕabsence de certitude scientifique due ˆ lÕinsuffisance des informations et connaissances scientifiques pertinentes concernant lՎtendue des effets dŽfavorables potentiels dÕun organisme vivant modifiŽ sur la conservation et lÕutilisation durable de la diversitŽ biologique dans la Partie importatrice, compte tenu Žgalement des risques pour la santŽ humaine, nÕempche pas cette partie de prendre comme il convient une dŽcision concernant lÕimportation de cet organisme vivant (É) pour Žviter ou rŽduire au minimum ces effets dŽfavorables potentiels Č. CÕest faire jouer ici le Ē principe de prŽcaution Č comme clause de sauvegarde en matire de santŽ publique.

 

LÕAccord aux fins de lÕapplication des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 dŽcembre 1982 relative ˆ la conservation et ˆ la gestion des stocks de poissons dont les dŽplacements sÕeffectuent tant ˆ lÕintŽrieur quÕau-delˆ des zones Žconomiques exclusives et des stocks de poissons grands prŽvoit que Ē Les Etats appliquent largement lÕapproche de prudence ˆ la conservation, ˆ la gestion et ˆ lÕexploitation des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs afin de protŽger les ressources biologiques marines et de prŽserver le milieu marin et que les Etats font preuve dÕune prudence dÕautant plus grande que les donnŽes sont incertaines, peu fiables ou inadŽquates Č.

 

Aux termes de la Convention sur la protection du milieu marin de lÕAtlantique du Nord-Est (Ospar, 1992), Ē Les Parties contractantes appliquent : le principe de prŽcaution, selon lequel des mesures de prŽvention doivent tre prises lorsquÕil y a des motifs raisonnables de sÕinquiŽter du fait que des substances ou de lՎnergie introduites, directement ou indirectement, dans le milieu marin, puissent entra”ner des risques pour la santŽ de lÕhomme, nuire aux ressources biologiques et aux Žcosystmes marins, porter atteinte aux valeurs dÕagrŽment ou entraver dÕautres utilisations lŽgitimes de la mer, mme sÕil nÕ y a pas de preuves concluantes dÕun lien causal entre les intrants et les effets supposŽs Č.

 

La Convention sur lÕinterdiction dÕimporter des dŽchets dangereux et le contr™le de leurs mouvements transfrontires en Afrique (Bamako, 1991) stipule que Ē Chaque Partie sÕefforce dÕadopter et de mettre en Ļuvre, pour faire face au problme de la pollution, des mesures de prŽcaution qui comportent, entre autres, lÕinterdiction dՎvacuer dans lÕenvironnement des substances qui pourraient prŽsenter des risques pour la santŽ de lÕhomme et pour lÕenvironnement, sans attendre dÕavoir la preuve scientifique de ces risques Č.

 

Que dire des Ē Leydas Č qui  empoisonnent la vie des NÕDjamŽnois (es) en ce moment?

 

Le mot Ē dŽchet Č, apparu au XIVe sicle, vient du verbe Ē dŽchoir Č, qui traduit la diminution de valeur dÕune matire, dÕun objet, jusquÕau point o ils deviennent inutilisables en un lieu et en un temps donnŽs. De faon plus administrative, la Directive europŽenne 91/56/EEC dŽfinit un dŽchet comme Ē toute substance que le propriŽtaire abandonne, destine ˆ lÕabandon ou se trouve dans lÕobligation de se dŽbarrasser Č[15].

 

Un dŽchet est Žgalement ce qui doit tre ŽliminŽ parce quÕil prŽsente un danger sÕil est inflammable, explosif, corrosif, chimiquement trs rŽactif, comme le sodium, ou encore radioactif. Un dŽchet peut Žgalement tre dangereux du fait quÕil crŽe de la pollution dans notre biosphre.

 

Quant au Protocole relatif aux substances qui appauvrissent la couche dÕozone (Londres, 1990), il pose que les Parties sont Ē dŽterminŽes ˆ protŽger la couche dÕozone en prenant des mesures de prŽcaution pour rŽglementer Žquitablement le volume mondial total des Žmissions de substances qui lÕappauvrissentÉ Č

 

Sur le plan Phytosanitaire, LÕaccord sur lÕapplication des mesures sanitaires et phytosanitaire (accord SPS) est prŽcis quant ˆ la possibilitŽ dÕutiliser le Ē principe de prŽcaution Č bien que ce terme ne soit pas explicitement employŽ. LÕarticle 5 (7) stipule que : Ē Dans le cas o les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un membre pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui Žmanent des organisations internationales compŽtentes ainsi que ceux qui dŽcoulent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquŽes par dÕautres membresÉ Č

 

Au regard de cet Accord SPS, les mesures adoptŽes ˆ travers lÕapproche de prŽcaution lorsque les donnŽes scientifiques sont insuffisantes nÕont quÕun caractre provisoire et impliquent quÕun effort soit dŽployŽ pour obtenir ou gŽnŽrer les donnŽes scientifiques nŽcessaires. La mesure prise dans ce contexte ne peut donc tre maintenue que pendant un temps raisonnable dont la longueur nÕest pas dŽterminŽe, et pour autant que des recherches scientifiques soient en cours[16].

 

Le Ē principe de prŽcaution Č est aussi ŽvoquŽ ˆ plusieurs reprises devant les juridictions internationales. CÕest ainsi que la Nouvelle-Zelande a voulu lÕopposer ˆ la France, devant la C.I.J, lors de la reprise des essais nuclŽaires (1995), au motif que la France aurait dž procŽder ˆ une Žvaluation de lÕimpact sur lÕenvironnement avant de les entreprendre, et dŽmontrer quÕelles Žtaient sans risque. La Cour ne sÕest pas prononcŽe sur la question. Saisie dans une affaire opposant la Hongrie ˆ la Slovaquie ˆ propos dÕinstallations hydrauliques sur le Danube (projet Gabcikovo-Nagymaros), la Cour a ŽcartŽ lÕargumentation hongroise, considŽrant que le pŽril dont se plaignait la Hongrie Žtait ˆ la fois trop incertain et trop lointain.

 

Dans la jurisprudence de la Cour europŽenne de justice, lÕarrt sur la validitŽ de la dŽcision de la Commission interdisant lÕexportation du bĻuf du Royaume-Uni (aff. C-180/96) pour limiter le risque de transmission de la BSE est clair : Ē Prenant en considŽration la gravitŽ du risque et lÕobjectif de la dŽcision, lÕinterdiction globale dÕexportation des bovins, de la viande bovine et des produits dŽrivŽs,  la Commission nÕa pas agi de faon manifestement inappropriŽe en adoptant la dŽcision, de faon temporaire et dans lÕattente dÕinformations scientifiques plus dŽtaillŽesČ[17]. (paragraphes 97 et 110).

 

Ē Or, il doit tre admis que, lorsque des incertitudes subsistent quant ˆ lÕexistence ou ˆ la portŽe des risques pour la santŽ des personnes, les institutions peuvent prendre des mesures sans avoir ˆ attendre que la rŽalitŽ et la gravitŽ de ces risques soient pleinement dŽmontrŽes Č (paragraphe 99).

 

Notons que dans le cadre des contentieux de lŽgalitŽ, tant les juridictions communautaires que les juridictions administratives nationales (notamment en France, en Belgique, en Allemagne) exercent un contr™le ˆ la fois sur le bien-fondŽ de la dŽcision (lŽgalitŽ interne) et sur le respect des procŽdures (lŽgalitŽ externe). Si le juge se livre ˆ un contr™le plus Žtendu du respect des procŽdures, il restreint son contr™le du bien-fondŽ de la dŽcision (lŽgalitŽ interne) dans la mesure o la lŽgislation laisse ˆ lÕadministration une importante marge dÕapprŽciation.

 

Ainsi, dans lÕaffaire de la vache folle, la Cour europŽenne de justice a fait rŽfŽrence au Ē principe de prŽcaution Č inscrit ˆ lÕarticle 174, ¤ 2 du TraitŽ pour corroborer la dŽcision dÕinterdiction de la Commission, au motif que cette dernire pouvait prendre des mesures de protection de la santŽ publique sans devoir attendre que la rŽalitŽ et la gravitŽ des risques de propagation de la maladie de Creutzfeld-Jakob soient pleinement dŽmontrŽes[18].

 

Dans la mme veine, le Conseil dÕEtat franais a recouru ˆ plusieurs reprises au Ē principe de prŽcaution Č, tant™t pour valider des normes de protection de la santŽ[19], tant™t pour suspendre un arrtŽ autorisant la commercialisation du ma•s transgŽnique[20].

En procŽdant de la sorte, les juridictions communautaires et nationales laissent aux administrations une marge dÕapprŽciation importante lorsquÕelles adoptent des mesures de police administrative dans un contexte dÕincertitude scientifique. On peut se demander ˆ quand lÕapplication du principe de prŽcaution au Tchad ? et plus prŽcisŽment devant les juridictions nationales ?

 

Devant les juridictions de lÕOrganisation Mondiale du Commerce (OMC), le Ē principe de prŽcaution Č semble promis ˆ un bel avenir : il sÕagit dÕarbitrer le conflit entre le principe de la libertŽ des Žchanges et les mesures de sauvegarde quÕun Etat peut tre amenŽ ˆ prendre pour protŽger la santŽ de sa population ou son environnement. Car, en mme temps quÕils organisent la libertŽ du commerce, les accords OMC reconnaissent quÕun Etat peut se prŽvaloir du principe de prŽcaution. Dans lÕaffaire du bĻuf aux hormones, les Etats-Unis nÕadmirent pas devant les juridictions de lÕOMC que le Ē principe de prŽcaution Č puisse revtir le statut de rgle coutumire internationale ; il fut suggŽrŽ quÕil sÕagissait plus dÕune approche que dÕun principe[21].

 

On lÕaura compris : pour revtir un caractre autonome et parvenir ˆ obliger leurs destinataires, le principe de prŽcaution doit remplir deux conditions : dÕune part, il doit tre coulŽ dans un texte ˆ portŽe normative (approche formelle) et, dÕautre part, il doit tre formulŽ de manire suffisamment prescriptive (approche matŽrielle). CÕest au regard de cette double approche quÕil pourra sÕimposer, tout au moins sur un plan thŽorique, dans les diffŽrents ordres et sphres juridiques distincts.

 

En France[22], comme en Belgique[23], les amorces de rŽformes du droit de lÕenvironnement furent une occasion pour proclamer le principe de prŽcaution au c™tŽ dÕautres principes plus anciens.

 

Au Tchad, la Loi n” 014/PR/98 dŽfinissant les principes gŽnŽraux de la protection de lÕenvironnement Žvoque de faon lapidaire la question des principes :

lÕArticle1 portant sur les objectifs stipule : Ē La prŽsente Loi a pour objectifs dՎtablir les principes pour la gestion durable de lÕenvironnement et sa protection contre toutes les formes de dŽgradation, afin de sauvegarder et valoriser les ressources naturelles et dÕamŽliorer les conditions de vie de la population. Des textes rŽglementaires subsŽquents prŽciseront le cadre et les modalitŽs dÕapplication Č. De quels principes parle t-on ? Le texte ne dit rien. Il reprend simplement le mme contenu dans le chapitre 3, article 3 relatif aux principes fondamentaux qui ne sont ŽnoncŽs nulle part. On note que des DŽcrets prŽciseront le cadre et les modalitŽs dÕapplication des dispositions de lÕalinŽa 1 de la prŽsente loi.

Obligation de concision ou simple oubli ? Nous y reviendrons dans la prochaine rŽflexion.

 

 

En conclusion, sÕil y a certainement une part de slogan mythique, voire de manifeste politique, on ne saurait pourtant rŽduire le Ē principe de prŽcaution Č ˆ lÕarme dÕun combat politicien, car lorsquÕil est repris dans des textes au contenu normatif et quÕil sÕimpose ˆ des catŽgories prŽcises de personnes, ce principe constitue incontestablement une vŽritable norme juridique dont lÕinfluence est toutefois plus diffŽrŽe quÕimmŽdiate.

 

Son intensitŽ juridique varie en fonction de lÕordre juridique dans lequel il est repris : international, communautaire ou national.

 

Au demeurant, le Ē principe de prŽcaution Č sÕaffirme progressivement comme une rgle dÕapplication directe et autonome dans des contentieux se rapportant ˆ des dŽcisions publiques prises dans un contexte dÕincertitude scientifique.

 

Aussi, les juridictions contribuent-elles, de plus en plus, ˆ leur tour, ˆ en affiner la portŽe et les consŽquences juridiques du principe qui, dans une sociŽtŽ mondialisŽe du risque  comme la n™tre, a encore un bel avenir.

 

 

 

 

 

 

 



[1] ConfŽrence internationale sur lÕeau et lÕenvironnement : le dŽveloppement dans la perspective du XXI sicle, 26-31 janvier 1992, Dublin, Irlande, DŽclaration de Dublin et Rapport de la ConfŽrence.

[2] Cf. Le Vocabulaire juridique de lÕAssociation Henri Capitant (Sous la direction de GŽrard CORNU), Paris, PUF, 1987, P. 613 ; voir aussi, Le Dictionnaire encyclopŽdique de thŽorie et de sociologie du droit, L.G.D.J., Story-Scienta, 1998.

[3]  KAMTO M., Droit de lÕenvironnement en Afrique, Paris, Žd. EDICEF/AUPELF, 1996, p. 72.

[4] Ibidem.

[5] Voir par exemple la formulation dans la DŽclaration de Rio (ConfŽrence des Nations-Unies sur lÕEnvironnement et le DŽveloppement, 1992, dans son principe 15) : Ē En cas de risques de dommages graves ou irrŽversibles, lÕabsence de certitude scientifique ne doit pas servir de prŽtexte pour  remettre ˆ plus tard lÕadoption de mesures Žconomiquement efficaces visant ˆ prŽvenir la dŽgradation de lÕenvironnement Č.

[6] EWALD F., GOLLIER C., DE SADELEER N., Le principe de prŽcaution, Paris, PUF, 2001, p. 3.

[7] ABENHAIM L., Ē Nouveaux enjeux de santŽ publique : en revenir au paradigme du risque Č, Revue franaise des Affaires sociales, 1999, 53, 1, pp. 31-44.

[8] Le principe (Vorsorgeprinzip) prend naissance en Allemagne au cours des annŽes 1970. Konrad von Molte, dans lՎtude quÕil a rŽalisŽe pour lÕInstitut de politique europŽenne de lÕenvironnement, prŽcise que la notion appara”t comme principe des politiques de lÕenvironnement du gouvernement allemand en 1976 : Ē La politique de lÕenvironnement ne se limite pas ˆ prŽvenir des dommages imminents ou ˆ les rŽparer sÕils se rŽalisent. Une politique environnementale prŽcautionneuse (vorsorgende Umweltpolitik) demande en outre que les ressources naturelles soient protŽgŽes et quÕelles soient gŽrŽes avec soin Č. voir EWALD F., et al., op. cit., p. 6.

[9] ZACCAI E., et MISSA J.N., (dir.,) Le principe de prŽcaution, Significations et consŽquences, Bruxelles, Žd. de lÕUniversitŽ de Bruxelles, 2000, p. 42.

[10] Conseil dÕEtat, La responsabilitŽ des agents publics en cas dÕinfractions non intentionnelles, La Documentation franaise, Paris, 1996.

[11] BOEHMER C., The precautionary principle in Germany Š enabling Government, Interpreting the Precautionary Principle, London, 1994, p. 31.

[12] Sur le principe de prŽcaution comme Ē changement de paradigme Č, voir HOHMANN H., Precautionary Legal Duties and Principles of Modern International Environmental Law, Londres-Boston, 1994.

[13] STIRLING A., MAYER S.,ÓRethinking Risk: a report multi-criteria mapping of a genetically modifield crop in agricultural systems  in the UKÓ, report for the UK Roundtable on genetic Modification, SPRU, University of Sussex, 1999.

[14] En anglais : Ē cost effective Č

[15] PICHAT Ph., La gestion des dŽchets, Paris, Žd., Flammarion, 1995, p. 11.

[16] ZACCAI E., et MISSA J.N., (dir,.) op. cit., p. 41.

[17] Arrt du 5 mai 1998 (Aff. C-180/96).

[18] CJCE, 5 mai 1998, Royaume-Uni c. Commission, aff. C-180/96, Rec., p. I-2269, points 99 et 100.

[19] CE, 24 fŽvrier 1999, SociŽtŽ Pro-Nat, req. n” 192465 ; 30 juin 1999, Germain, req. n” 202814.

[20] CE, 19 fŽvrier 1998, Association Greenpeace France.

[21] United States appelleeÕs submission, point 92.

[22] Voir la Loi L 95-101 du 2 FŽvrier relative au renforcement de la protection de lÕenvironnement.

[23] Voir le DŽcret du 5 avril 1995 de la RŽgion Flammande contenant des dispositions gŽnŽrales concernant la politique de lÕenvironnement de mme que la Loi fŽdŽrale belge du 12 mars 1999 visant la protection du milieu marin.