UNIVERSITE DE PARIS PANTHEON SORBONNE

U.F.R. O7 Etudes Internationales et Européennes

D.E.A. Etudes AFRICAINES

MEMOIRE DE D.E.A.

Option : Anthropologie du Droit

Présenté et soutenu publiquement

par

IBRAHIMA DIALLO

Titre :LE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT AU SÉNÉGAL (LE DROIT, LA FORET ET LES POPULATIONS RURALES : VERS UN COMPROMIS ENTRE LE DROIT FORESTIER ETATIQUE ET LE DROIT DE LA PRATIQUE)
Directeurs de Mémoire
Professeur Etienne LEROY
JURY

Professeur Amadou TOM SECK

Professeur Camille KUYU

Juin 1998

"Le droit ne saurait être considéré comme un élément isolé, séparé du reste de la société ; C'est au contraire le produit de l'évolution sociale et comme tel, sa médiation est indispensable à la propagation des effets du développement local" I. Diallo
DEDICACE

Je dédie ce travail à ma mère qui a toujours incarné pour moi le rôle d'une mère mais aussi d'un père car celui-ci est décédé lorsque j'avais six (6) mois.
REMERCIEMENTS

Qu'il me doit permis d'adresser mes remerciements aux personnes qui ont bien voulu me faire apport de leurs commentaires et réflexions : Le Professeur Etienne LEROY Le Professeur Amadou TOM SECK Le Professeur Camille KUYU Le Professeur Samba TRAORE Le Professeur Papa Meïssa DIENG Monsieur Ibra Siré NDiaye
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE :

LE DROIT FORESTIER ETATIQUE

ET LES PRATIQUES … 1

CHAPITRE 1 - les logiques fondatrices de l'intervention étatique relative à la gestion forestière11 Section 1 - L'évolution du droit forestier étatique … 14 § 1. L'héritage colonial … 14 A. Une politique juridique dirigiste … 14 B. L'exclusion des populations rurales dans la gestion forestière … 15 § 2. Les grandes réformes foncières … 16 A. La réforme de 1964 … 16 B. La réforme de 1993 … 21 SECTION 2 - Analyse des politiques juridiques actuelles … 23 § 1. Le droit forestier et son environnement juridique … 24 A. Le droit forestier et le droit foncier … 24 B. Le droit forestier et le droit pastoral … 26 § 2. La décentralisation forestière … 27 A. Le contexte … 28 B. Le code des collectivités locales de 1996 … 29 CHAPITRE 2 - LES LOGIQUES FONDATRICES DE L'INTERVENTION DES POPULATIONS RURALES … 31 SECTION 1 - la gestion forestiEre selon des logiques coutumières … 32 § 1. Le statut de la forêt … 32 A. Les modes d'accès … 32 B. La non appropriation de la terre forestière … 35 § 2. Les dynamiques des conflits sur la gestion des ressources naturelles … 36 A. Les types de conflits … 36 B. Les modes de règlements des conflits … 38 SECTION 2- Les populations rurales face aux enjeux fonciers actuels … 40 § 1. La place des populations rurales dans la gestion forestière locale … 40 A. Le degré de participation des populations … 41 B. La gestion des micro-réalisations … 43 § 2. La gestion financière … 44 A. Les finances locales et la gestion des ressources naturelles … 44 B. La place de la fiscalité dans la gestion forestière … 45
DEUXIEME PARTIE

A QUELLES CONDITIONS PEUT-ON CONCEVOIR UN COMPROMIS ?

CHAPITRE 1 - L'ANALYSE DU CADRE DU COMPROMIS … 51 SectioN 1 - LES FACTEURS FAVORABLES à LA RéALISATION D'UN COMPROMIS … 52 § 1. La mobilisation villageoise … 52 A. Les organisations villageoises … 53 B. Les transformations actuelles … 55 § 2. Les dispositifs mis en place par l'Etat … 55 A. L'implication des acteurs locaux … 56 B. Les mesures d'accompagnement … 57 SECTION 2 - Les facteurs défavorables à la réalisation D'un compromis … 58 § 1. Les contraintes d'ordre théorique … 59 A. Les contraintes juridiques et institutionnelles … 59 B. Les obstacles intellectuels du côté des juristes … 63 § 2. Les contraintes d'ordre pratique … 65 A. Contraintes liées à la GRN … 65 B. Les contraintes d'ordre sociopolitique .… 66 CHAPITRE 2 - La question de la sécurisation FoNcière … 68 SectioN 1. LEs problèmes fonciers … 68 § 1. La position du problème … 69 A. Les divergences … 69 B. La complexité de la gestion foncière … 70 § 2. La nécessité de la sécurisation foncière … 71 A. Quelques considérations sur la sécurisation foncière … 71 B. L'existence d'une insécurité foncière … 71 SECTION 2- Les dispositifs nécessaires en vue d'une sécurisation foncière … 72 § 1. Les matériaux pour droit forestier sénégalais … 73 A. La remise en cause des approches "obsolètes" … 73 B. Les éléments innovateurs à féconder … 74 § 2. Essai de conceptualisation … 75 A. Quelques considérations anthropologiques … 76 B. L'analyse processuelle : le jeu de l'oie … 76 CONCLUSION … 79 BIBLIOGRAPHIE … 82 ANNEXES … 87 INTRODUCTION GENERALE Définir le droit n'est pas une chose aisée. "La définition du droit ne s'impose pas comme une évidence. Si chacun par intuition croit savoir à peu près ce qu'est le droit, le passage de cette intuition à une connaissance élaborée met à jour de nombreuses difficultés.". L'approche anthropologique consiste à traiter le droit comme un phénomène socio-culturel spécifique, comme un ensemble articulé ayant sa logique propre et comme un système ayant sa dynamique particulière. En effet le droit est un ensemble de normes renvoyant à un ensemble de faits et d'actes ; il reflète une culture, il exprime une société, d'où la nécessité de l'appréhender à la fois sous l'angle ethnologique et sociologique. Il est aussi une réalité vivante ayant sa dynamique et sa temporalité propre, cette conception du droit est différente de la représentation du positivisme juridique qui conçoit le droit comme un ordre de contrainte, c'est-à-dire un ordre normatif qui cherche à provoquer des conditions humaines en attachant aux conduites contraires des actes de contraintes socialement organisés. Une telle conception a montré ses limites d'où la nécessité de repenser le droit devant la fin du mythe moderne. Face à cet "échec" l'anthropologie juridique est à la mode en raison de l'obscurcissement du droit positif, engoncé dans des lois trop nombreuses, violenté par des changements rapides à l'excès et enlaidi par des rédactions où le langage cède au jargon. Le concept du droit ainsi défini du moins éclairci, nous allons essayer d'aborder le terme de forêt. Venant du latin "forum" , lieu "public" de réunion et tribunal, le concept "forestis" est conçu comme un adjectif pour désigner les portions du domaine qui restent sous le contrôle direct du seigneur et dont l'accès est interdit aux serfs. La traduction la plus simple de "forestis" est donc ce qui est interdit. Ainsi a été introduite une relation entre des espaces arborés et un régime juridique particulier fondé sur l'interdiction et l'exclusion et qui s'est retrouvé dans le droit colonial français lors de la constitution du domaine privé de l'Etat colonial et des forêts classées par la réglementation de 1935 en Afrique occidentale française. Le Code forestier sénégalais considère comme étant des forêts : - D'une part, les terrains recouverts d'une formation à base d'arbres, d'arbustes ou de broussailles dont les produits exclusifs ou principaux sont : le bois, les écorces, les racines, les fruits, les résines, les gommes, les exsudats et huiles, les fleurs et feuilles. - D'autre part, les terrains qui étaient couverts de forêts récemment coupées ou incendiées mais qui seront soumis à la régénération naturelle ou au reboisement. - Enfin, les terres à vocation forestière que sont : . Les terres en friches destinées à être boisées, . Les terrains de culture affectés par le propriétaire aux actions forestières, . Toute terre dégradée impropre à l'agriculture et nécessitant une action de restauration . Les terres destinées à être reboisées par la récréation. Il ressort de ces considérations que la gestion forestière est en fait liée à la gestion de la terre. Le foncier de la forêt rejoint donc le foncier de la terre. Quant aux populations rurales, il convient de préciser qu'il s'agit des populations vivant dans la forêt, de la forêt ou ayant un lien avec la forêt. Les concepts ainsi définis, la question principale est de savoir comment peut-on aboutir à un compromis entre le droit forestier étatique et le droit de la pratique. Le droit forestier étatique est caractérisé par le phénomène à travers lequel l'Etat entend faire du droit forestier son droit, sa volonté. La production du droit étatique dans un Etat-nation issu de la colonisation comme le Sénégal a "naturellement vocation à s'imposer à un ensemble de sociétés qu'il doit conduire sur la voie du progrès, du développement". Ce droit étatique s'oppose au droit de la pratique conçu comme une innovation juridique par le bas. Le droit ne se confond pas avec l'Etat ; il trouve principalement sa source dans les organisations sociales. Toute société comprend des sous-groupes dont chacun dispose son propre système juridique, plus ou moins autonome par rapport au droit étatique, nous apprend le professeur Norbert Rouland. Fondé sur une légitimité populaire, le droit de la pratique est reconnu par l'Etat implicitement ou explicitement. La forêt est devenue un enjeu d'actualité politique non seulement pour les spécialistes et professionnels mais aussi pour le grand public et les hommes politiques. La forêt est au coeur du développement. De ce fait, elle est un enjeu culturel et social parce que c'est un peuple d'arbres symbole de vie, de stabilité, de durée, c'est un monde d'ombre et de lumière, d'accueil et de refuge, de réserve sauvage et naturelle, c'est un outil d'aménagement du terroir, un lieu d'exercice professionnel et d'emploi. La forêt est un enjeu environnemental car sa disparition, ou sa destruction conduit à d'importants problèmes (désertification). Elle est aussi un enjeu économique puisque c'est une source de matières premières renouvelables. En plus de ces enjeux, la forêt que nous étudions fait aujourd'hui l'objet de beaucoup de convoitises. Les enjeux fonciers y sont importants. Il y existe des stratégies de gestion des ressources naturelles et un marché foncier dynamique qui ont des conséquences sur les politiques foncières établies par l'institution étatique. C'est ce qui justifie l'intérêt que nous portons sur ce sujet. Le grand paradoxe résulte des différentes politiques menées par l'Etat sénégalais et leurs échecs du point de vue des applications de ces politiques forestières du fait qu'il a toujours existé un très grand fossé entre la pratique et les orientations étatiques en matière forestière. Au lendemain des indépendances, le gouvernement sénégalais avait promis la construction d'une économie socialiste fondée sur la promotion du monde rural grâce aux coopératives, dans sa philosophie, la législation mise en oeuvre par les nouvelles autorités est restée inefficace et ineffective. En 1964, le Sénégal procède à la grande réforme foncière qui crée un domaine national incapable de résoudre les problèmes de désertification qui ne cessent d'évoluer. La loi forestière de 1965 était caractérisée par un dirigisme et une exclusion des populations rurales quant à la gestion forestière. Cette situation a pour conséquence la dégradation des forêts d'où la réforme de 1993 ayant pour objectif principal la participation des populations limitrophes des forêts. Malgré ces efforts, le problème est loin d'être résolu. L'Etat n'a plus les moyens financiers, administratifs et humains pour gérer les ressources naturelles, ni l'ensemble des problèmes locaux à la place des collectivités de base. Il ne peut continuer à faire surveiller et punir seul toujours et partout. Cela est particulièrement vrai pour la gestion des espaces et des ressources naturelles dispersés dans l'ensemble du terroir et soumises à des dégradations qui résultent souvent "d'initiatives individuelles" ou "collectives" prises localement, autorisées, acceptées par des consensus sociaux locaux. C'est ainsi que la décentralisation est devenue un impératif pour éviter "l'irréparable". Autrement dit c'est l'échec des politiques antérieures qui a conduit à repenser la relation de l'Etat aux citoyens en s'appuyant sur les techniques de déconcentration et de décentralisation. Repenser la relation de l'Etat aux citoyens revient à s'interroger sur le système juridique en place qui révèle jusque là deux situations différentes : - d'une part le droit étatique - d'autre part le droit de la pratique Pour mieux étudier les conditions nécessaires pour aboutir à un compromis, il y a lieu de se poser un certain nombre de questions : - Quelles sont les logiques fondatrices de la régulation sociale ? - Quelles sont les dynamiques locales et institutionnelles de gestion forestière ? - Quels sont les rapports actuels entre forêt et populations rurales ? Une tentative de réponse à ces différentes questions nous permettra de cerner les logiques qui fondent le droit forestier. En effet, la logique qui fonde le droit forestier est déterminée par la vision du monde inhérente à chaque société et justifiant ses particularités dont l'identité collective du groupement. Le droit n'est pas nécessairement réductible à la conception qu'en ont les Occidentaux. Pour saisir le droit forestier d'une société, il convient d'identifier la logique qui fonde les modes de régulation de cette société. Aujourd'hui, nous constatons que l'uniformité du droit a cédé au profit du pluralisme juridique voire même selon l'expression du professeur Etienne Leroy, du multijuridisme. Ces avancées significatives constituent le fruit de recherches de plusieurs disciplines dont notamment l'anthropologie juridique qui offre aux juristes des outils, des matériaux fondamentaux pour mieux comprendre le droit. L'anthropologie du droit n'est pas la proie d'un délire passéiste, elle préconise que l'Etat et son droit soient rendus à la société car le pouvoir doit servir la société et non l'inverse. Si l'Etat et son Droit sont rendus à la société, il y aura plus d'efficacité, de légitimité que de contradiction ou de malentendus. Ainsi un compromis va prendre naissance à partir du moment où le droit forestier étatique va prendre ses racines dans la société et tenir compte des préoccupations locales. METHODOLOGIE Une telle ambition suppose la collecte sur le terrain d'informations pertinentes et fiables. De nombreuses études sur la méthodologie montrent les vertus de l'approche pluridisciplinaire. Ainsi se laisser parfois inspirer par l'histoire, la sociologie, ou l'économie ne peut qu'être fructueux. En outre la méthode classique de l'interview et du questionnaire a été complétée par la méthode participative. Il s'agissait d'associer les populations concernées à la collecte d'information par la méthode Graap, cassettes radio, radio rurale etc. C'est ainsi que certaines descentes sur les lieux ont été effectuées avec des personnes ressources (conseillers ruraux, acteurs de gestions). Certaines visites ont été faites sans l'intermédiaire de ces personnes et les discussions se poursuivaient autour des séances de thé ou d'animation. Après avoir réuni toutes les données, nous avons procédé à un classement de celles-ci par thème et par collage pour mieux ressortir les nuances pour ne pas dire les spécificités. Dans l'optique d'un diagnostic pertinent nous présenterons une analyse dynamique mettant l'accent sur les rapports entre les populations rurales et la forêt afin de mieux percevoit l es acteurs en jeu et le jeu des acteurs. Mais l'analyse ressortira l'émergence d'un cadre nouveau de gestion forestière, caractérisé par la mise en place de dispositifs locaux et étatiques qui modifient la nature des liens entre l'Etat et les populations rurales. Pour mieux ressortir ces éléments nous étudierons dans la Première Partie le droit forestier étatique et les pratiques et dans une Seconde Partie nous aborderons le cadre du compromis dans une perspective de bilan-coût-avantage pour mieux cerner les avantages et les inconvénients du métissage entre le droit forestier étatique et le droit de la pratique. Le lieu de la question Cette forêt se trouve au Sénégal, pays sahélien situé en Afrique occidentale. De manière plus précise, cette zone se trouve dans la moyenne Vallée du fleuve Sénégal, au nord du pays. Elle est localisée dans l'arrondissement de Gamadj Saré et se situe aux abords d'un affluent du fleuve Sénégal appelé le Doué. Cette forêt est ceinturée par les villages de Diara Walo, Diara Diéri, Diembé, Touldé Gallé, Wouromalé, Kael, Dubangué, Corkodiel et la commune de NDioum. Elle est classée par l'arrêté colonial n° 4437 du 16 novembre 1942. D'une superficie de 3000 ha, ce classement a été motivé par la protection des peuplements importants qui subsistent encore dans ce cercle, il s'est fait sans le consentement des populations d'où les contestations régulières jusqu'à nos jours. Dans cette zone, les vents sont dominés par l'Harmattan mais du point de vue pédologique on trouve des sols très riches dans cette partie de la forêt. Il en est de même des sols "Hallaldé'" subdivisés en sols "Hallaldé Balléré" argileux et aptes à la riziculture irriguée et en "Hallaldé Fanéré" aptes aussi pour l'agriculture. La richesse de ces sols fait que la forêt est devenue aujourd'hui avec la rareté des terres fertiles la proie de tous les agriculteurs environnants. Concernant les données sociologiques et le pouvoir, il convient de souligner que cette zone compte plusieurs composantes éthniques : Peulh, Toucouleur, Soninké, Wolof et Maure. Sa société est bien hiérarchisée, elle est de type gérontocratique. L'iman est le chef spirituel (le guide). Les chefs de villages assurent les fonctions de l'exécutif au niveau du terroir. Les propriétaires fonciers traditionnels sont en général des Ardos ou des Toredos Ces derniers sont régulièrement consultés par le conseil rural dans la gestion du foncier. Les niamakala et les mathiondos ne jouent aucun rôle du moins pas très important dans le processus décisionnel lié à la gestion foncière . La première condition d'accès à la chefferie est de ne pas être esclave (ou d'origine servile) ou neeno (castes : forgerons, griots, cordonnier, boisselier etc…) Là où le processus est intéressant c'est que c'est une assemblée de notables qui choisit le futur chef parmi les torodos. Ce choix ne se fait pas au hasard. Il y a une sorte de contrôle, une sorte d'enquête sur la personnalité et les moeurs du candidat par le conseil. Mais ceci ne concerne que le conseil rural mais pour le chef de village, le poste est héréditaire, on le tient de son père qui le tient de ses ancêtres qui sont en général les premiers occupants. Concernant les données économiques, il y a lieu de préciser que hormis l'agriculture et l'élevage qu'exercent les populations de l'ensemble des localités, les habitants les plus désenclavés s'adonnent à une activité commerciale (ziziphus, pastèques, soump etc…) Les activités agricoles gravitent d'une part autour des périmètres irrigués villageois (PIV) et d'autre part autour des cultures de Palé qui se font de plus en plus rares du fait de l'absence de crues. La pêche est assez bien développée dans quelques villages. Une exploitation clandestine de charbon de bois constitue une source non négligeable de revenus pour les populations. L'intégration du volet micro-réalisation introduit par les projets forestiers sur place en plus de la contribution des immigrés ont permis une disponibilité financière plus marquée dans le terroir surtout dans le village de Diara. Quant au potentiel en ressources naturelles, la forêt constitue un enjeu de grande taille dans la zone du fait des potentialités qu'elle comporte. Malgré la quasi absence de la couverture ligneuse dans la partie Nord de la forêt, on y retrouve quelques grands "sujets" tels que Acacia Albida, balanités, aegyptiaca, zizifus mauritania etc. La partie sud de la forêt est boisée. Le capital faunique n'est pas absent car on y retrouve dans cette zone des tourterelles, des hérons, des chacals, etc. Le potentiel en terre est énorme et constitue un enjeu à la veille des aménagements prévus dans cette zone. L'élevage occupe une place importante car ce milieu est majoritairement habité par des Peuls et la forêt constitue une zone de refuge pour les troupeaux. En plus de ces atouts, les pluies constituent une ressource fondamentale du fait de leur rôle d'alimentation des autres sources d'eau : "De l'eau nous avons fait tout ce qui est vivant" (Saint Coran : Sourate 21 verset 31).

PREMIERE PARTIE :

LE DROIT FORESTIER ETATIQUE ET LES PRATIQUES
 Les politiques foncières sont adoptées fréquemment sur le même principe : le développement est bénéfique, il revient à l'Etat indépendant de la diriger.

Cette conception est héritée de l'Etat colonial qui s'affirmait dans un premier temps comme maître du sol par droit de conquête puis en raison d'une infériorité supposée de la qualité juridique des droits autochtones, à charge pour eux d'en prouver l'existence.

L'appel au respect des droits traditionnels qui était une des revendications des élus africains avant la décolonisation va cesser, après proclamation des indépendances, d'être une arme de combat.

Fort inspiré du modèle occidental, les droits autochtones sont loin d'être valorisés car les politiques juridiques étatiques se font par le haut.

Cette politique du développement par le haut va connaître des résistances car non seulement l'Etat ne va pas réussir son pari  mais à côté de la logique étatique, d'autres logiques se développent comme si l'Etat n'existait pas.

Nous allons aborder dans le Chapitre Premier les logiques fondatrices de l'intervention étatique et dans un Chapitre Deuxième, les logiques fondatrices des populations rurales.

CHAPITRE 1

LES LOGIQUES FONDATRICES DE L'INTERVENTION ETATIQUE
La logique de l'Etat sénégalais en matière de gestion forestière trouve ses racines dans la colonisation. En effet, avant même l'indépendance du Sénégal, le souci de préserver la forêt s'était affirmé. Ce que l'on constate c'est que durant la période coloniale, les textes relatifs à la forêt et à ses ressources, étaient très répressifs. L'objectif visé était de permettre à l'Etat colonial français de préserver et d'agrandir un domaine forestier à la constitution de laquelle les populations étaient farouchement opposées. A cet égard le droit forestier se définissait comme un droit spécial à caractère pénal c'est-à-dire un ensemble de règles assez sévères dont l'objectif est la répression de toute personne qui ne respecte pas les dispositions sur la forêt. Les populations n'étaient ni consultées ni associées au moment où les textes étaient élaborés.

Pour mieux ressortir cette logique fondatrice de l'intervention étatique nous étudierons dans la Première Section l'évolution du droit forestier étatique avant d'aborder dans une Deuxième Section l'analyse des politiques juridiques actuelles.

SECTION I - L'évolution du droit forestier étatique

Le droit forestier étatique ne peut être cerné à travers son évolution qu'à partir de l'héritage colonial (§ 1) mais aussi des grandes réformes entreprises par l'Etat sénégalais (§ 2).

§ 1. L'héritage colonial

	Les populations avaient l'impression pendant la colonisation que c'est contre elles que la forêt était protégée. Ce sentiment persiste après les indépendances du fait de l'attitude de l'Etat qui n'a pas corrigé les "déséquilibres" qui existaient à ce niveau. En lieu et place c'est une politique dirigiste qui prévaut (A) occasionnant l'exclusion des populations rurales à la gestion forestière (B).

A. Une politique juridique dirigiste

	Après l'indépendance, malgré ce que l'on pouvait espérer, la situation ne changera pas. Car même si le gouvernement avait promis la construction d'une économie rurale grâce aux coopératives, dans sa philosophie, la législation mise en oeuvre par les nouvelles autorités du Sénégal est restée la même. Le cadre juridique se manifestait par l'existence de plusieurs textes législatifs et réglementaires. Les législations forestières francophones, issues du décret colonial de 1935, reposent sur une conception étatique et centralisée de la forêt et de sa gestion dont les principales caractéristiques sont :

- La forêt est un patrimoine d'intérêt public appartenant de ce fait à l'Etat car elle est un bien vaquant et sans maîtres .

- Une partie de ce domaine a fait l'objet d'un classement comme domaine forestier permanent de l'Etat ; il s'y applique une réglementation de protection et de gestion-exploitation relativement précise, mise en oeuvre exclusivement par le Service des Eaux et Forêts.

- Les populations concernées jouissent de droit d'usage (à but domestique et non commercial) dont l'exercice est parfois restreint. Les revenus tirés du domaine forestier, principalement les taxes et les redevances reviennent en totalité à l'Etat. Cette réglementation est héritée par le Sénégal indépendant. Ainsi la forêt va perdre toute valeur aux yeux des populations qui s 'en sentent dépossédées par l'Etat à la fois de la propriété et des revenus. En conséquence, la forêt va disparaître progressivement sans fournir tant à l'économie nationale ou locale tout ce qu'on peut attendre d'elle.

B. L'exclusion des populations rurales dans la

gestion forestière

		Il est en effet apparu au fil du temps qu'il n'était possible d'envisager la gestion de la forêt d'une manière efficace qu'avec la participation pleine et responsable des populations car une législation rigoureusement protectionniste qui ne tenait pas en compte des besoins et des aspirations des populations n'avait pas empêché une dégradation rapide de la forêt.

D'ailleurs, les reboisements en régie, c'est-à-dire ceux effectués sous la direction de l'Etat, n'avaient pas connu les réussites attendues malgré les importants moyens financiers utilisés. De plus l'on a remarqué que les populations se sont toujours montrées très réservées pour se lancer dans des opérations de sauvegarde de la forêt, un bien qui n'est pas considéré comme leur appartenant. On était donc arrivé à cette catastrophe causée non seulement par le déboisement mais encore par des maux qui ont engendré des défrichements et exploitations frauduleuses, feux de brousse.

Dans leur grande majorité, les populations rurales furent étrangères ou hostiles au droit forestier étatique. Droit écrit, divulgué dans un pays ou zone de tradition orale, rédigé dans une langue que les autochtones ne maîtrisent pas ou peu, le droit étatique véhiculait une logique en rupture avec les traditions.

Pour pallier à ces problèmes, l'Etat sénégalais a entrepris de grandes réformes foncières.

§ 2. Les grandes réformes

	Le Sénégal indépendant a entrepris plusieurs réformes en vue d'améliorer les conditions de vie des citoyens. Ces politiques juridiques sont nombreuses mais les plus significatives sont la réforme de 1964 que nous analyserons dans un premier temps (A) ensuite nous aborderons la réforme de 1993 (B).

A. La réforme foncière de 1964 et son impact sur l'organisation foncière.

		La question foncière a été l'une des questions les plus délicates que le Sénégal a dû affronter au moment de l'indépendance. La loi du domaine national (Loi 64-46), promulguée en 1964, a été réalisée pour supprimer les tensions et les conflits dérivants de la coexistence d'un régime foncier traditionnel au sein duquel la terre est un bien inaliénable et collectif, à côté de formes introduites par les autorités coloniales d'appropriation individuelle et de propriété privée. A l'époque, la distribution de la terre était assez inégale et les fréquentes concentrations foncières engendraient des tensions et conflits croissants.

L'objectif "théorique et déclaré" de la loi de 1964 était donc de garantir aux masses rurales l'accès à la terre. Son introduction abolit toute forme de propriété privée et 97 % du territoire sénégalais est déclaré "domaine national". Le jeune Etat devient le "seigneur  de la terre" respectant la tradition communautaire et les principes du socialisme africain et il devient l'héritier des pouvoirs des autorités coutumières en matière foncière.

Le choix sénégalais se fondait sur le refus d'une part du modèle foncier traditionnel et d'autre part des solutions coloniales et occidentales et il sembla alors audacieux et original.

L'élément essentiel a été la création d'un domaine national couvrant la presque totalité du territoire : la terre devient un bien commun que personne ne peut s'approprier. C'est le grand rêve Senghorien. La propriété privée a été abolie comme toute concession colonialo-bourgeoise privée de la terre et les traditions négro-africaines ont refait surface.

Selon le croisement de critères socio-économiques, géographiques et écologiques, la loi sur le domaine national établit la division en quatre zones du territoire domanial :

- Les zones des terroirs qui correspondent au "monde rural" et sont définies comme les "zones régulièrement exploitées pour l'habitat, la production et l'élevage rural"; celles-ci constituent environ 60 % du territoire national et ont été divisées en communautés rurales, dont la gestion a été attribuée à des organismes à base sélective créées spécialement en 1972 ;

- Les zones classées constituées par des zones forestières et soumises à un régime particulier de protection ;

- Les zones pionnières, délimitées par décret et devant abriter des projets et des initiatives de différentes natures. Ces zones n'existent plus depuis 1987 car elles sont reversées dans les zones des terroirs.

- Les zones urbaines constituées par des terres du domaine national situées sur les territoires des communes et des "groupements d'urbanisme". Les critères à la base de cette division en grande zone, reflètent la complexité et la multiplicité des objectifs de la loi de 1964. La nouvelle réforme a été établie pour en faire l'instrument d'un développement économique et social  centré sur trois stratégies : l'interventionnisme de l'Etat, l'agro-business et le développement à la base, communautaire ou individuelle.

Ce dernier aspect était théoriquement consacré dans l'exposé des motifs de la Loi 64-46 relative un domaine national dans la mesure où il était question dans la nouvelle démarche de l'Etat de promouvoir l'état social de la "couche nationale la plus défavorisée et la plus nombreuse".

"Les personnes occupant et exploitant personnellement des terres dépendant du domaine national à la date d'entrée en vigueur de la présente loi continueront à les occuper et à les exploiter" (article 15 de la loi 64-46 relative au domaine national).

Ce domaine, au moins dans sa plus vaste expression correspond à un modèle en valeur de type traditionnel. Le caractère dominant est plus la stabilisation qu'une volonté de modernisation ou  l'intention d'en faire une réforme agraire. Le domaine national a été pensé pour rattacher les hommes à la terre et ralentir l'exode rural.

Le paysan travaille comme le faisaient ses pères sur les terres de ses ancêtres qui de plus, lui sont attribuées par l'administration. De cette façon, il se sent en sécurité et croit jouir d'un droit inaliénable : "il rêve d'être propriétaire" . En réalité, le paysan ne jouit même pas d'un droit d'usage mais seulement d'une autorisation d'exploiter le sol. La réalité juridique se superpose et s'oppose au rêve paysan. La solution du Sénégal (absence du droit de sol) est originale et ambiguë mais ni n'implique ni ne signifie précarité.

Pour atteindre les buts de la Loi, il fallait constituer des institutions appropriées capables de s'opposer soit "aux forces traditionnelles féodales" soit "aux forces administratives". La loi de 1964 confiait la gestion de la terre "aux occupants organisés démocratiquement en communautés rurales". Cette loi intimement liée, dans sa conception et dans son application, à la réforme administrative et ses effets dépendent étroitement du fonctionnement des organes et des institutions créées dans le cadre de la décentralisation administrative.

L'affectation de la terre tourne autour du concept de mise en valeur : les terres sont attribuées par les organes de la communauté rurale, à ceux qui les cultivent, et tant qu'ils les cultivent . Au sein de la réglementation sénégalaise, le fait de disposer d'un terrain confère seulement le droit de le cultiver et n'implique aucun droit d'occupation séparée d'une activité d'utilisation de la terre.

Le critère selon lequel un terrain est affecté est la capacité des demandeurs à pouvoir en assurer individuellement ou en association, la mise en valeur.

La réforme foncière de 1964 a multiplié les conflits et les tensions au sein des familles et des villages, dans les nouvelles institutions et entre ces dernières et les autorités traditionnelles.

L'impact et les effets de la réforme de 1964 sont essentiellement tristes parce que cette loi vit et se marie avec des pratiques traditionnelles qu'elle a elle-même abolies et la tradition et la Loi moderne cohabitent.

Dans notre zone d'étude, l'Etat a rencontré d'énormes problèmes et de sérieuses difficultés en essayant de faire appliquer cette loi. Il a été obligé d'accepter de nombreuses situations de "compromis" entre système officiel et système traditionnel, quand il n'a pas été contraint de renoncer à intervenir dans les zones encore totalement contrôlées par les autorités traditionnelles.

La première conséquence de cette cohabitation entre droit étatique et droit traditionnel est l'apparition d'un climat d'incertitude et de confusion et la prolifération d'autorités compétentes, ce qui débouche sur des conflits et des tensions.

Dans les intentions des législateurs, le nouveau cadre devait s'opposer à l'immense pouvoir de l'aristocratie de la terre qui proliférait alors, il devait faire disparaître les spéculations et surtout abolir les redevances que les paysans payaient aux "lamanes", les seigneurs de la terre. Non seulement le système des redevances représentait un poids toujours croissant sur l'économie du paysan, mais, il provoquait aussi une surexploitation des terrains avec pour conséquence le dangereux processus de dégradation des sols.

A ces problèmes évoqués, s'ajoute la "faiblesse démocratique de la communauté rurale". En effet, les autorités traditionnelles ont occupé le conseil rural et s'approprient les nouvelles charges. La Loi foncière de 1964 ne peut empêcher un chef traditionnel d'être élu conseiller ou président le cas échéant, le droit moderne, étatique ne peut que consacrer son autorité et renforce son assise locale en lui conférant une fonction publique.

La résistance de la tradition foncière est une question très complexe qui se présente sous différentes formes dans certaines zones ethniques et culturelles du pays comme dans notre zone d'étude où elle se pose avec acuité. Le sort de la forêt est intimement lié à cette réforme dans la mesure où les forêts classées appartiennent à la catégorie des zones forestières qui font partie du domaine national. Les autorités sénégalaises n'ont pas manqué d'apporter des réformes en matière forestière pour rendre efficace la gestion de ce domaine.

B . La réforme de 1993.

		Par rapport à l'ancien code, le nouveau texte législatif et réglementaire appelé le nouveau code forestier comporte les innovations suivantes :

- L'implication des  populations limitrophes ; c'est dans l'optique de lutter contre la déforestation que le Sénégal va réfléchir à une profonde réforme du code forestier dans ses deux parties législatives et réglementaires.

Cette réforme a été centrée sur le rôle des populations en matière de gestion forestière et sur une efficace préservation de la forêt. C'est d'ailleurs dans le souci d'une "large concertation" entre les principaux acteurs que la Loi fut adoptée tardivement. Ce code insiste beaucoup sur le rôle des populations limitrophes. Il ne s'agit plus de protéger les forêts contre les populations vivant près des forêts mais plutôt de clarifier les responsabilités de toutes les parties concernées et de redéfinir les droits dans le respect des valeurs et traditions car les traditions sénégalaises elles-mêmes encourageaient l'esprit de conservation et de protection de la forêt et de ses ressources.

Il faut préciser que la législation d'avant 1993 faisait peu de place à l'implication des populations locales. C'était une de ces plus grandes faiblesses telle qu'il ressort de la Loi 72-25 du 19 Avril 1972 sur les communautés rurales qui stipulait l'incompétence de la Communauté rurale concernant l'exploitation commerciale de la végétation arborée. Ainsi l'article 24 dispose : 

"Le conseil rural délibère en toute matière pour laquelle compétence lui est donné par les Lois notamment sur  :
- Les modalités d'exercice de tout droit d'usage pouvant s'exercer à l'intérieur du terroir à l'exception des droits ci-après ; 
- Les droits d'exploitation des mines et carrières qui sont réservés à l'Etat ;
- Les droits de pêche et de chasse dont les modalités d'exercice sont fixés par décret ;
- L'exploitation commerciale de la végétation.

Dans ces conditions, la loi confiait au service forestier (une structure étatique) la gestion complète de la forêt et de ces ressources de même que le contrôle de tout le capital boisé se trouvant dans les différentes zones du domaine national. Les élus locaux n'avaient aucun droit de regard sur les ressources naturelles forestières se trouvant dans leur localité. Cette situation va changer avec la réforme de 1993 qui instaure l'implication des élus locaux.

- La promotion de l'initiative privée : l'autre innovation majeure de la réforme de 1993 est l'introduction de la notion de "forêts privées". L'objectif poursuivi est de susciter l'intérêt des populations pour des actions individuelles ou collectives en vue de la conservation et du développement du capital forestier car on se rend compte qu'aujourd'hui dans tous les domaines économiques, place est faite à l'initiative privée.

Le législateur sénégalais a "soigneusement" réglementé la "délinquance forestière". Ainsi toute la partie législative du code de 1993 lui est consacrée du moins presque exclusivement dédié au point qu'elle figure aux yeux de l'observateur comme un véritable code pénal de la forêt. On y trouve en effet des infractions, fixées les sanctions, établies des procédures.

On observe que certaines incriminations font fi de certaines coutumes et des besoins des populations. Eriger en délit de manière insoucieuse des faits sociaux aussi solidement ancrés dans le vécu des ruraux que la culture ou le parcours en forêt ou l'abattage pour nourrir le bétail, c'est faire preuve d'une parfaite méconnaissance des habitudes locales quant à l'occupation de l'espace ou à l'utilisation des ressources naturelles.

A côté de la réglementation des "délits forestiers", la protection à fins spécialement écologiques de la forêt est prévue par le législateur. Dans ce cas, il s'agit d'une protection plus sélective, plus ponctuelle qui peut concerner telle espèce ou telle aire forestière présentant un "intérêt particulier".

Après l'étude de l'évolution du droit forestier étatique nous allons procéder à l'analyse des politiques juridiques actuelles pour ressortir la cohérence ou les incohérences qui peuvent exister.


SECTION 2 - L'analyse des politiques juridiques actuelles

Pour mieux cerner la question des politiques juridiques relatives à la gestion forestière, nous nous proposons d'étudier dans un premier temps le droit forestier et son environnement juridique avant de voir la décentralisation forestière.

§ 1. Le droit forestier et son environnement

juridique

	Le droit forestier est-il conforme aux autres droits étatiques élaborés pour régir le foncier dans son ensemble ? Pour répondre à cette question, nous analyserons le droit foncier par rapport au droit forestier et le droit forestier par rapport au droit pastoral.

A. Le droit forestier et le droit foncier.

		Le domaine national étant exclusif de propriété, les dispositions du code forestier de 1965 excluent également toute forme d'appropriation des ressources forestières. Pour remédier à cette situation, le nouveau code forestier de 1993 a reconnu explicitement le droit de propriété des personnes physiques ou morales sur les arbres qu'elles ont plantés. Ainsi le nouveau code forestier qui tente de régler le droit de propriété du dessus (l'arbre) sans s'occuper de celui du dessous (le fond de la terre) semble moins original à certains juristes qui se réfèrent à la règle qui veut que le dessous l'emporte sur le dessus ; c'est-à-dire le propriétaire de terrain exerce un droit réel sur tout ce qui pousse sur son sol. Mais ici, une explication mérite d'être faite en ce qui concerne la formation forestière.

Aux termes de l'article premier de la Loi n° 93 06 du 04 février 1993, portant sur le code forestier des droits d'exploitation à vocation forestière du domaine national appartiennent à l'Etat qui peut les concéder à des tiers et à des collectivités locales selon les modalités définies au présent chapitre. Toutefois si des formations forestières ont été régulièrement réalisées sur le domaine national sous forme de plantations individuelles en plein d'alignement et d'abris, elles sont la propriété des personnes privées physiques et morales qui les ont réalisées à l'exception de toute appropriation du terrain du domaine national. Ce droit de superficie reconnu a des conséquences sur le plan juridique. Le droit de superficie reconnu a des conséquences sur les plantations réalisées par le titulaire du droit. Il peut être exercé directement par le propriétaire de la formation forestière ou à celui à qui il a cédé son droit.

Lorsque l'exploitation est faite dans le but de satisfaire des besoins personnels ou ceux de sa famille, il n'est pas nécessaire d'en aviser l'administration forestière. Par contre, lorsque l'exploitation est faite, à des fins commerciales, l'exercice du droit de superficie est soumis à l'autorisation du droit d'autorisation préalable. Cela signifie que l'exploitation commerciale ou industrielle d'une formation forestière n'est pas libre. C'est donc une exception au principe de la liberté d'exercice des activités économiques énoncées par la Loi n°94 69 du 22 Août 1994. Par conséquent, lorsque le propriétaire du droit de superficie veut faire de sa formation forestière une exploitation industrielle et commerciale, il doit préalablement solliciter l'autorisation de l'administration forestière sous peine de sanction. Cette situation a des conséquences sur le plan juridique car contrairement à l'affectataire des terres de culture, le propriétaire du droit de superficie peut par exemple céder son droit en usufruit, le vendre ou le louer. Il peut aussi y constituer une garantie pour obtenir un crédit auprès d'un organisme financier ; il s'agira d'abord d'un gage sans dépossession (article 894 du Code des obligations civiles et commerciales sénégalaises). La valeur économique de la garantie dépendra bien  entendu, non seulement de celle de la formation forestière mais aussi de celle de l'importance de la superficie du terrain. 

Si en ce qui  concerne les plantations du code forestier, se démarque la Loi sur le domaine national en ce qui concerne les ressources forestières, par exemple il épouse ses lignes directrices en réaffirmant que les ressources forestières du domaine national appartiennent à l'Etat. 

Un autre aspect des domaines dans lesquels le domaine forestier empiète sur le droit foncier se reflète sur le classement et le déclassement des terres forestières et dans la réglementation forestière.

B. Le droit forestier et le droit pastoral

		Le code forestier autorise le pâturage et le passage des animaux domestiques en forêt. Toutefois, toute personne qui fait paître des animaux domestiques dans les parties réservées, peut être condamnée à payer une amende allant de 20 000 FCFA et une peine d'emprisonnement d'un mois à deux ans. De plus, les animaux peuvent être mis en fourrière et leur confiscation ordonnée. Mais ces prescriptions administratives relatives à l'organisation du monde rural n'ont nullement permis de poser des règles d'organisation des parcours du bétail en forêt et d'utilisation du pâturage.

Le décret n° 80 263 du 10 mars 1980 portant sur le pastoralisme considère la forêt comme un lieu de pâturage et prévoit des cas facilitant le déplacement des animaux. Mais plusieurs décideurs l'ignorent, en particulier les conseillers ruraux encore plus les agropasteurs et les pasteurs. Ce qui se traduit par des conflits entre agriculteurs et pasteurs ou entre pasteurs et forestiers.

Malgré la volonté du législateur de créer un cadre favorable à la conduite des troupeaux (surtout en forêt dans notre zone d'étude) tout en gérant les conflits, il apparait que ce décret renferme beaucoup de subtilité et d'ambiguïté.

Par ailleurs, sa vulgarisation reste encore à parfaire parce que les populations ignorent d'après les enquêtes, le contenu de ce décret comme si ce texte n'était pas élaboré pour eux.

Peut être est-ce le processus d'élaboration de ce texte qui n'est pas efficace et que la décentralisation pourrait pallier à ces amalgames.

§ 2 . La décentralisation forestière.

	La décentralisation consiste à transférer des compétences à des organismes dotés de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Pour mieux élucider la question nous allons aborder le contexte de la décentralisation avant de voir le code des collectivités locales.

Ainsi s'agissant des déclassements et classements des forêts, le nouveau code forestier lie l'initiation du processus d'acceptation des collectivités locales concernées. Donc si les collectivités de base n'ont pas été initiées au processus de classement ou de déclassement, aucune forêt ne peut être classée ou déclassée. Par ailleurs, dans le cadre du déclassement, le bénéficiaire ne peut être que la collectivité, à charge pour celle-ci de répartir les terres entre ses membres. Ici le législateur sénégalais a voulu respecter l'esprit de la Loi sur le domaine national et d'autre part octroyer aux populations locales un pouvoir de décision plus prépondérant sur les actes dont la mise en oeuvre risque de restreindre leurs propres droits sur un terrain qui leur appartient.

Dans les forêts du domaine national, les collectivités locales limitrophes ont un certain nombre de droits. Nous avons les droits d'exploitation qui selon le code appartiennent à l'Etat. Mais celui-ci peut les concéder aux collectivités locales ou les exercer directement.

Les droits d'exploitation que l'Etat concède aux collectivités locales sont définis et expliqués dans un document appelé "Plan Local d'Aménagement forestier". Pour chaque collectivité locale concernée, le Plan local d'Aménagement Forestier (PLAF) fixe les droits et obligations.

A. Le contexte de la décentralisation

			Le Sénégal depuis son accession à l'indépendance a opté pour une politique de décentralisation progressive et prudente mais désormais irréversible.

Il convient de rappeler que les premières communes de notre pays (le Sénégal) remontent à 1872 avec la création des communes de Gorée et Saint Louis. Plus tard Rufisque  en 1880 et Dakar en 1887 furent érigées en communes. Après l'accession du Sénégal à l'indépendance, la Loi n°66 64 portant code de l'administration coloniale fut adoptée et stipule que la commune est une personne morale de droit public. Toutefois, la période décisive de la politique de décentralisation a véritablement commencé en 1972, année de la réforme de l'administration territoriale et locale dont les grandes caractéristiques sont les suivantes :
* Le renforcement des pouvoirs d'intervention des communes
* La création des communautés rurales
* La poursuite de la politique de décentralisation et son approfondissement par l'érection de la région en collectivités locales.
Mais cette politique de décentralisation se manifeste aussi dans le domaine de la gestion forestière.
Cette disposition montre que le Service des Eaux et Forêts possède une large compétence en matière forestière. Nous avons à travers cette disposition une lacune à combler pour qu'on puisse parler d'une véritable décentralisation. Le plan est question doit préciser les droits et obligations des services techniques. Là le nouveau code forestier garde le silence en offrant aux services techniques la possibilité de s'exprimer à l'impératif.

Au total, on peut dire que le PLAF est un véritable code de conduite.

Il ressort de l'analyse que la décentralisation de la gestion forestière est une réalité même si l'on relève de part et d'autre des dispositions qui militent en faveur de l'opposé. Peut être le code des collectivités locales, tant attendu par les Sénégalais va corriger ces dysfonctionnements.

B. Le code des collectivités locales

		Ce code milite en faveur de la décentralisation de la gestion forestière. Ainsi aux termes des articles 27, 29 et 30 de ce code, les collectivités locales reçoivent les compétences suivantes :

- La protection, la gestion et l'entretien des forêts
- La création de bois, forêts et zones protégées
- La protection de la faune
- La quote part d'amendes prévues par le code forestier
- L'élaboration des plans d'action pour l'environnement
- La délivrance d'autorisation préalable de toute coupe d'arbres ou autres.

En application des dispositions du code des collectivités locales, des décrets sont pris et visent comme objectif final la dotation des collectivités locales d'instruments pouvant leur permettre de promouvoir des politiques de développement durables à partir notamment d'une gestion rationnelle des ressources naturelles et de l'environnement.

Le principe de cogestion des ressources entre l'Etat et les populations devient une nécessité incontournable qui est loin d'être irréaliste. Ainsi comme le précise le code, l'Etat est le garant de la gestion des ressources naturelles et de l'environnement. Il veille sur la pérennité des ressources pour un développement durable. Cette disposition témoigne de la volonté de l'Etat de "mettre sa main dans la gestion des ressources naturelles", ce qui révoque en doute l'idée d'une véritable décentralisation et confirme le manque de confiance totale donnée aux collectivités locales. Mais il convient de souligner qu'un cadre de concertation sur la gestion des ressources naturelles peut être mis en place par les collectivités locales. Cette donnée peut contribuer à la mise en place d'un système de gestion basé sur une confiance plus manifeste.

Si l'Etat a sa propre logique et veut tout gérer par des politiques juridiques (c'est à dire par le haut) la gestion foncière, les populations rurales, ont des logiques différentes basées sur un autre univers mental.

CHAPITRE 2

LES LOGIQUES FONDATRICES DE L'INTERVENTION DES POPULATIONS RURALES


Les droits africains traditionnels ont été jusqu'à une date récente très peu étudiés en profondeur cela tient principalement à de multiples raisons parmi lesquelles on retient :

- L'oralité qui rend difficile leur étude par des juristes travaillant sur le droit écrit,
- Leur sclérose et dénaturation du fait de l'impact colonial,
- Leur examen dans une optique occidentale qui ne tient pas compte des modes de pensée africains.

Il nous semble nécessaire pour la compréhension du droit foncier traditionnel et de son évolution, de dégager quelques caractéristiques qui donnent aux droits africains leur physionomie propre. Ainsi pour mieux répondre à notre préoccupation nous allons analyser dans un premier temps la gestion forestière selon des logiques coutumières avant d'aborder les populations rurales face aux enjeux fonciers actuels.

SECTION I - La gestion forestière selon des

logiques coutumières.

Dans la gestion forestière la coutume occupe une place importante. La gestion forestière était en fait  une gestion de l'ensemble des formations naturelles et n'était pas dissociée de la gestion du foncier. Le foncier de la terre englobait le foncier forestier donc le foncier de la forêt rejoint le foncier de la terre. Le foncier de la forêt renvoie au statut et à la signification sociale coutumière de la forêt. Ainsi pour élucider la question de la gestion forestière selon des logiques coutumières, il convient d'étudier le statut de la forêt avant de cerner les dynamiques des conflits sur la gestion des ressources naturelles forestières.

§ 1. Le statut de la forêt

		Le juriste occidental éprouve devant les droits africains un dépaysement analogue à celui de l'historien occidental confronté aux civilisations orales. Pour comprendre les règles juridiques, l'observateur de la société actuelle, le juriste-anthropologiue observe les faits et institutions ainsi que les litiges et comportements des acteurs. Dans cette perspective, les migrations, les mythes, les conquêtes, les généalogies fournissent des explications fort intéressantes.

La forêt avait un statut particulier que nous allons étudier à travers les modalités d'accès et la non appropriation de la terre.

A. Le mode d'accès

		La terre est dans la conception traditionnelle considérée comme une chose naturelle, créée par  Dieu. Elle est considérée comme une entité vivante et habitée de divinités. Les rapports de l'homme à la terre se traduit par un lien qui établit la convivialité entre le monde humain, où vivants et morts coexistent et le monde naturel symbolisé et porté par la terre, fondement de vie et support des écosystèmes.

Le premier humain à avoir occupé la terre a une alliance avec ces divinités, ce qui a permis aux siens de s'y installer et de vivre sur ce terroir en toute sécurité, à condition que la terre ne soit souillée par des actes repréhensibles car les divinités qui l'habitent sont bienveillantes mais peuvent être aussi malveillantes si les conditions énoncées ne sont pas respectées.
La société traditionnelle conçoit l'espace à partir de lieux, sièges de pouvoirs sur les hommes, la terre, l'eau, les animaux sauvages, etc, à partir desquels s'exerce un contrôle spécifique selon la puissance magnétique qui est reconnue au lieu et à son détenteur. La conception de l'espace est connue de manière topocentrique, en cercles concentriques.

Un ensemble d'interdits était mis en place et transmis de génération en génération pour maintenir l'équilibre de l'écosystème. Certains arbres sont considérés comme les réceptacles de génies, un ensemble d'interdits pour maintenir l'écosystème. Cette logique traditionnelle différencie un droit externe commandant la répartition des terres entre les différents groupes et un droit interne organisant l'exploitation du sol entre les groupes.

Le premier est défini comme 

"l'ensemble des actes de partage de l'espace, mis en oeuvre par les représentants du groupe constitués en communauté, actes coordonnés et socialement contrôlés permettant de promouvoir l'utilisation de ces espaces entre les groupes en vue d'assurer la sécurité des droits de la terre".

Le second est

"l'ensemble des règles qui sont destinées à permettre l'utilisation d'espaces (modes de jouissance des espaces) puis à assurer un faire valoir des sols (mode de production) à l'intérieur du groupement détenteur".

Les travaux effectués en Afrique noire par le professeur Etienne Leroy ont déterminé les modes d'accès à la terre d'un groupe, qui sont au nombre de trois : découverte ou première occupation, l'annexion ou la conquête et la cession.

La première occupation est déterminante et constitue l'un des éléments structurels du système de répartition du sol. L'alliance contractée par le premier occupant de la terre avec les divinités se renouvelle de génération en génération, en la personne du descendant fondateur. Le lignage, en vertu de cette primauté d'occupation, a des droits particuliers sur la forêt et les produits forestiers. Les premiers occupants partagent les terres de culture, les terres résidentielles, avec les arrivants, procédant ainsi selon une stratégie propre à la société traditionnelle : la plus grande expansion du groupe.

La détention du droit d'usage d'une terre par un individu dépend de l'appartenance au groupe. Les droits individuels expriment les droits de la collectivité. Il en résulte une superposition des droits sur la terre (droit de gestion, droit d'usage et droit de culture) qui conduit à considérer que le droit foncier traditionnel représente, comme une pluralité de droits sur une pluralité d'espaces.

B. La non appropriation de la terre

		Dans la conception africaine de la terre, ainsi qu'au Fouta dans notre zone d'étude, la société est solidaire. La communauté n'a pas le droit d'aliéner les collectifs, les membres de la communauté ne disposent que d'un droit d'usage collectif et d'occupation.  La terre ne peut pas faire l'objet d'appropriation privative. Il existe une complémentarité entre l'individu et le groupe. L'individu acquiert sa personnalité juridique dans le groupe, il tient ses droits de son appartenance aux groupes parentaux, résidentiels, aux classes d'âge, aux confréries, aux groupes politiques.

La nature est régie par des forces surnaturelles ; la terre est ainsi investie d'une sacralité, qui est en fait une divinité. Du fait de cette sacralité, la terre devient inaliénable. Cette conception est différente de la conception occidentale de la terre.

En France, le droit de propriété est d'abord considéré comme la tradition de la révolution française de 1789 comme un droit naturel : la déclaration des droits de l'homme considère que le droit de propriété est un droit inviolable et sacré et un droit qui doit appartenir à chaque individu si l'on veut lui assurer la liberté. Dans cette conception française à côté de l'aspect droit naturel, on analyse aussi la propriété comme un droit réel c'est-à-dire un droit donné aux individus sur les choses ; ce droit est tellement important qu'il va se confondre avec la chose elle-même. L'article 544 du Code civil qui, en 1804, va reprendre ces conceptions, insiste sur cette notion individualiste de la propriété qui donne au propriétaire tous les pouvoirs. Cette conception individualiste et réaliste de la propriété n'est pas du tout la conception africaine. Ainsi comme le remarquent Marc Debene et Monique Caveriviere, en Afrique, la terre n'est pas considérée comme un bien appartenant à des individus mais un don des dieux pour qu'ils puissent vivre, cultiver et recueillir les fruits de la terre. Les hommes ne vont pas être propriétaires au sens français du terme, ils vont simplement avoir l'usage du sol. Le sol est mis à la disposition des hommes vivant en collectivité, que cette collectivité soit la famille élargie ou non, le lignage ou le village.

La gestion forestière selon des logiques coutumières apparaît à travers le statut de la forêt c'est-à-dire sa représentation symbolique mais également à travers les dynamiques des conflits.

§ 2. Les dynamiques des conflits sur la gestion des

ressources naturelles

	Gestionnaires de leur terroir, les populations rurales ont occupé les terrains agricoles et les terrains de parcours. Ainsi des conflits entre utilisateurs prennent naissance du fait de la dissociation des activités sur le même espace. Suite à une occupation plusieurs groupements dont  les activités diffèrent, viennent en effet dans la forêt à la recherche de l'eau, terre agricole, produits forestiers, pâturage etc…

Les conflits relatifs à la gestion des ressources naturelles sont relativement rares. Mais compte tenu de leur délicatesse et de leur importance, ces questions, quand elles surviennent, peuvent être particulièrement vivaces.

A. Les types de conflits

		La première difficulté est liée à l'adaptation des Lois aux pratiques coutumières ; Ce qui crée de nombreux conflits fonciers dus à un résistance des pratiques foncières traditionnelles au droit moderne.

La terre est très anciennement accaparée selon le droit de hache. La coutume qui a été à la base des rapports de production est encore considérée comme une Loi de régulation et de stabilité sociale du groupe. Ainsi malgré la loi sur le domaine national, la coutume continue d'occuper une place importante. Cette situation génère une multitude de litiges fonciers dont les plus courants sont  la délimitation des communautés rurales, les cas de superpositions sur le même champ et les cas de succession et de partage de la terre. C'est ainsi qu'un conflit est né entre la communauté rurale de Gamadj saré et celle de Dodel. En effet, la première avait affecté un terrain à un riche résident de Ndioum (commune qui se trouve entre les deux communautés rurales), ce que contestent les habitants des autres villages se situant dans la communauté rurale de Dodel dans la mesure où traditionnellement ce terrain octroyé, leur appartient du fait qu'il se situe dans le terroir de Edi un ancien royaume de la zone. Tous les villages de la communauté rurale se réclament de Edi dont l'ancien siège se trouve dans la communauté rurale de Dodel. Cette division pose problème du fait que ces villages se réclamant de Edi sont solidaires et obéissent selon une logique traditionnelle et solidaire qui veut que l'unité, la tradition ne soit pas bafouée.

Le deuxième type de conflit est relatif aux compétences exercées par le chef de villages et les conseillers ruraux car les premiers s'investissent du fait des fonctions de gestionnaires de terre et gardiens des règles de l'espace confiées par la Loi aux seconds.

Le troisième type de difficulté résulte de la méconnaissance de textes relatifs au domaine national et à leur mauvaise application, ce qui est de nature à compromettre la réforme foncière. Ainsi l'interprétation de principe de l'affectation et de désaffectation par le conseil rural a donné naissance à de nombreux conflits fonciers. Il en est ainsi lorsque celui délibère sur une affectation des terres en procédant à une simple confirmation de l'ancien propriétaire traditionnel sans respecter les modalités prévues par la Loi ou, lorsque celui-ci se livre à des abus en offrant par exemple une parcelle à des fonctionnaires qui peuvent bénéficier d'une parcelle du domaine national que sous certaines conditions.

Dans le passé, certaines espèces étaient appropriées par les paysans et faisaient l'objet de surveillance et de protection : le baobab et d'autres espèces. Le statut de la terre ne permet plus aux paysans de surveiller personnellement l'exploitation du couvert végétal. Cette raison favorise le pillage des espèces arbustives et arborées par les éleveurs, ce qui explique parfois les altercations entre populations agriculteurs et éleveurs.

B. Les modes de résolutions de conflits

		Plusieurs institutions interviennent dans la procédure de règlement :

1°) Le chef de village qui est toujours parmi les membres de la famille fondatrice du village. Il est toujours entouré et aidé dans sa tâche de gestion des conflits par un conseil de notables du village. Les notabilités religieuses peuvent parfois intervenir en cas de nécessité.

2°) Le conseil rural est la dernière qui "juge" les conflits fonciers, au niveau de la communauté rurale. C'est à ce niveau que les textes sur le domaine national sont appliqués pour les régler les conflits. Au niveau de chaque conseil rural, il a été créé une commission domaniale chargée de motiver les délibérations du Conseil en la matière ; les modes de résolution sont :

- D'une part, le règlement à l'amiable des conflits portés devant les autorités de gestion du terroir pour amener à régler le conflit foncier par un arrangement entre les deux parties. On dit que c'est un mode de conflits fermés.

- D'autre part il y a un mode de règlement officiel qui s'applique lorsque toutes les formes de règlement à l'amiable ont échoué, c'est un mode de conflits ouverts.

Il faut simplement souligner que le mode de règlement amiable des conflits s'entend de la résolution des litiges fonciers par un accord amiable basé sur des relations de bon voisinage. Ce système de règlement n'est pas une innovation mais une pratique coutumière qui a perduré, qui servait à régler les conflits autochtones entre les résidents d'une même communauté. La réforme foncière a donc légalisé les méthodes ancestrales dans la communauté rurale qui tendaient à rechercher un compromis entre les deux antagonistes, d'une même localité. Le règlement des conflits à l'amiable revêt deux formes : un recours à l'arbitrage et un recours à la conciliation. Quand au règlement officiel, il est utilisé quand toutes les voies de règlements sont épuisées. Il faut se rappeler que les décisions d'affectation et de désaffectation de classement ou de déclassement sont des actes administratifs susceptibles de recours devant les autorités administratives mais en plus, les réponses des autorités administratives peuvent être contestées devant le juge. De ce fait, le litige va être porté devant les autorités administratives et juridictionnelles.

Il convient de noter que les conflits les plus fréquents sont ceux qui opposent agriculteurs et éleveurs. Mais des conflits entre le Service des Eaux et Forêts et les pasteurs ou agriculteurs ne sont pas absents.

La gestion forestière selon des logiques coutumières apparait comme une réalité concrète mais du fait de l'évolution de la société, les populations rurales ont adopté de nouvelles positions.


SECTION 2 - Les populations rurales face aux

enJeux fonciers actuels.

Aujourd'hui la gestion forestière se manifeste d'une manière originale du fait de l'entrée de nouvelles données. Pour mieux cerner les activités des populations rurales et leurs réactions par rapport aux nouvelles données nous allons étudier dans un premier temps la place des populations rurales dans la gestion forestière avant de voir la gestion financière.


§ 1. La place des populations rurales dans la gestion

forestière locale

	Nous allons analyser le degré de participation des populations rurales dans la gestion forestière ensuite étudier la gestion des micro réalisations

A. Le degré de participation des populations

rurales

		L'ensemble des localités limitrophes de la forêt, exercent diverses activités dans la forêt classée soit à des fins lucratives soit à des besoins quotidiens ou les deux à la fois. Parmi ces activités nous avons :

- L'exploitation du bois combustible à des fins lucratives pour pallier aux insuffisances financières. Ainsi on note l'exploitation frauduleuse du charbon de bois. La présence de nombreux fours de carbonisation dans la zone témoigne cet état de fait.

A ce propos, il convient de souligner que le service des Eaux et Forêts même s'il a procédé à des saisies à l'occasion des contrôles revend les sacs de charbon de bois au même prix que celui vendu par l'exploitant sans prendre aucune mesure préventive pour stopper le phénomène.

- Les activités agricoles et pastorales sont exercées dans la forêt
Les populations demandant le déclassement des terres basses de la forêt parce qu'elles sont les plus fertiles. Mais avec la nouvelle démarche du service des eaux et forêts notamment à travers son projet le Prowalo, (projet forestier) des aménagements sont prévus dans la forêt avec la création des périmètres irrigués villageois.

Le rôle du service des Eaux et Forêts est particulièrement peu apprécié dans les villages où des recherches ont été effectuées. Le chef du village de Diara rend responsable le service des Eaux et Forêts de l'état de déforestation de la zone, à cause de la pratique abusive et injustifiée des permis de coupes autorisés par les agents ce qui a appauvri les villageois au profit de l'Etat et des entrepreneurs.

Pour les populations rurales, les activités liées à la pépinière et au reboisement sont considérées comme secondaires par rapport aux efforts exigés. Elles se sentent aujourd'hui peu impliquées dans la mesure où même si les droits d'usage et d'exploitation sont accordés, elles sont tenues de respecter certaines restrictions. En réalité, l'implication de toutes les couches sociales composant la communauté villageoise et l'organisation sont les conditions essentielles dans la prise en charge effective des activités forestières. Mais toutes les couches sociales ne sont pas touchées c'est à dire impliquées l'organisation reste à parfaire et les populations ne sont pas si mobilisées.

Un autre phénomène à souligner est que les populations sont de plus en plus réticentes aux enquêtes. Elles estiment qu'elles sont "surenquetées" et qu'elles ne voient pas le fruit de ces enquêtes. Le fait est exacerbé par le fait que certains chercheurs font des promesses aux villageois pour avoir des informations sans les tenir.

Certains villages affirment ne pas voir la nécessité de reboiser une forêt parce qu'il est contradictoire de demander de reboiser alors que le service des Eaux et Forêts délivre des permis de coupes d'arbres à des personnes étrangères à cet effort, et sans retombée pour l'économie locale.

Aussi le conseil rural ne bénéficie pas d'une grande crédibilité auprès des villageois. Cette situation s'explique par le fait que depuis sa création, le conseil rural n'a pratiquement rien réalisé dans la zone en matière de reboisement malgré les prévisions budgétaires qui ne sont jamais réalisées. C'est ainsi que pour certains, la disparition du conseil rural ne changerait  rien au rythme de leur vie, dans la mesure où toutes les propositions adoptées lors des séances proviennent du sous préfet donc de l'Etat sans souffrir d'aucune critique et amendement de la part des représentants locaux.

B. La gestion des micro-réalisations

		Face aux difficultés qui pèsent sur le bien être des populations, des actions de développement sont initiées par le Service des Eaux et Forêts. Mais ces actions englobent des composantes productives à brève échéance en vue de faire face immédiatement aux problèmes rencontrés par les ruraux. Les différents types de micro-réalisations sont :

- Les périmètres irrigués villageois,
- Les jardins polyvalents,
- Les moulins à mil,
- Les foyers améliorés

Ainsi le service des Eaux et Forêts par l'intermédiaire de son projet dénommé le Prowalo, ce projet a créé des jardins polyvalents entourés de haies vives ou brise-vents à l'intérieur desquels sont exécutés des activités ayant trait au maraîchage, à l'arboriculture fruitière, à la riziculture etc… Ce travail d'encadrement est assuré par des animatrices qui organisent et redynamisent les groupements. L'emploi du temps chargé des femmes a amené le Prowalo à élaborer un programme d'allègement de travaux féminins. C'est ainsi que des moulins à miel et les décortiqueuses sont mis en place au profit des habitants ruraux moyennant une contribution financière.

La pénurie de combustibles ligneux demeure un problème aigu dans cette zone. Et ce déficit dendro-énergétique constitue un poste qui grève considérablement les budgets de certains ménages. C'est pour répondre à ces problèmes que des foyers améliorés ont été élaborés.

Ces micro-réalisations ont un grand impact sur les objectifs du projet si l'on sait qu'elles permettent du point de vue socio-économique :

- Une production agricole importante,
- Des revenus plus réguliers,
- L'émergence d'une dynamique collective,
- La diminution du déficit vivrier.

Du point de vue financier :
- Des disponibilités financières plus marquées,
- La diminution de périodes d'impasses financières.

Enfin du point de vue écologique :
- Une tentative réelle de gestion durable de l'environ-nement,
- La connaissance des fonctions de l'arbre,
- L'intégration de l'arbre dans le système agricole
- La mise en place de plants forestiers.
La gestion des micro-réalisations participe à la mise sur pied d'un cadre prospère des villageois mais n'en constitue pas le seul facteur contributif.

§ 2. La gestion financière

	La gestion financière s'analyse à travers les finances locales et la gestion des ressources naturelles et à travers la fiscalité forestière.

A. Les finances locales et la gestion des

ressources naturelles

		L'insuffisance des ressources constitue le problème le plus aigu que vivent nos collectivités locales. La communauté rurale n'a pas les moyens aptes à promouvoir le développement de la localité. Il s'en suit que les populations ont l'impression que leurs aspirations ne sont pas correctement prises en charge d'autant que la communauté rurale a des difficultés pour réaliser des projets productifs porteurs. La principale source de revenus de la communauté est la taxe rurale, or on remarque une baisse tendancielle de la taxe rurale due à la conjonction d'un certain nombre de facteurs dont le taux de récupération faible, conséquence d'une certaine désaffectation des villageois envers la communauté rurale qui n'a pas pu répondre à leurs préoccupations. Ce non recouvrement de la taxe rurale réduit les possibilités d'investissement de la communauté rurale, surtout en matière de reboisement. On a remarqué une prise en charge limitée des communautés rurales en matière de gestion des ressources naturelles. Les principales activités inscrites à cet effet dans le budget de la communauté rurale portent sur le reboisement. Or cette allocation procède moins d'un besoin ressenti que d'un appui du Service des Eaux et Forêts.

Outre l'affectation et la desaffectation des terres, la gestion des parcours de bétail et des pare-feux, aucun droit ne leur est reconnu en matière de gestion des forêts classées.

B. La place de la fiscalité dans la gestion

forestière

		La forêt peut tirer avantage d'une politique d'incitations financières. Par exemple le reboisement, techniquement compliqué et lourd financièrement est presque inconcevable sans subvention. C'est pour cela que le  législateur sénégalais prévoit, pour l'encouragement au reboisement la possibilité de concéder des portions du domaine forestier à des collectivités locales ou à d'autres groupements à charge pour ceux-ci d'en assurer la mise en valeur. Les recettes dégagées par les activités forestières contribuent au maintien et à l'amélioration de l'espace boisé ainsi en est-il notamment de la taxe sur l'exploitation forestière commerciale dot le produit est alimenté par le fond national forestier qui est prévu par  la loi 93-06 du 4 février 1993.

Le fond national forestier contribue à la mise en valeur des ressources nationales. Il exécute ou décourage, par ses interventions, les actions de protection  et de conservation des ressources forestières, fauniques et piscicoles, les actions de reboisement ainsi que les actions de restauration des terrains dénudés sur lesquels s'exerce ou risque de s'exercer une érosion grave. Destiné à la préservation de la forêt, ce fond est utilisé concrètement pour des opérations de reboisement la formation du personnel, le perfectionnement des techniques de coupes etc.

Le besoin de réhabiliter la forêt par le biais d'une fiscalité plus contraignante ne doit pas, toutefois, faire oublier une autre réalité : pour la majorité des populations rurales, le bois est actuellement un produit de première nécessité aussi indispensable à la survie que les denrées de grande consommation (riz, mil, maïs). En rehausser le prix peut certes, à court terme être bénéfique pour la forêt, en déterminant la pression de l'exploitation. Mais on risque à longue échéance, en pesant plus lourdement sur la bourse du consommateur, d'augmenter les prélèvements frauduleux. Les ressources financières des populations rurales sont très faibles à tel enseigne que toute mesure fiscale doit en tenir compte afin de gagner une plus grande efficacité.

Il ressort de l'analyse qu'il y a deux logiques différentes. D'une part nous avons le droit forestier étatique, qui prend au pied de la lettre, le modèle fondant la théorie juridique du droit occidental : L'unitarisme, comme réduction de la diversité à l'unité imposée d'une institution, d'un concept ou d'une personne. Ainsi un nouvel ordre de droit s'impose à l'ensemble social dominé, ceci est le produit d'une préférence de système juridique étatique, le plus souvent calqué sur des modèles extérieurs. Ce droit étatique imposé par le haut est souvent ignoré, détourné même défait et rend improbable toute gestion suivie de l'action de l'Etat.

D'autre part, nous avons une logique coutumière pratiquée par les populations rurales en marge du droit étatique. Mais avec les mutations qui ont affecté l'organisation sociale, un droit local conçu comme un avatar du droit traditionnel a pris naissance. Ce droit local est conçu par le professeur Etienne Le Roy comme 

"un système juridique apparaissant avec le développement de l'influence de l'Etat et de son appareil administratif, et dont les modes de formations et de légitimation sont, pour l'essentiel, déterminés par l'Etat, alors que ces modes de fonctionnement sont laissés plus ou moins à l'appréciation des autorités locales dans une perspective d'une véritable décentralisation administrative".

Ce droit local repose sur une réinterprétation des catégories juridiques exogènes à la lumière des conceptions juridiques autochtones.

Dans sa nouvelle démarche, le droit étatique est peu influencé par le droit de la pratique en matière foncière, plus spécialement dans le domaine forestier. Cette influence est à l'état actuel très partielle mais constitue un début intéressé de production juridique.

Le problème ainsi posé nous permet de rendre compte que les stratégies des acteurs reposent sur des logiques différentes. Pour aller plus loin, nous allons essayer de nous interroger sur les conditions de conception d'un compromis à travers une étude de bilan-coût-avantage à travers une étude de bilan-coût-avantage mais aussi une méthodologie originale afin de contribuer plus efficacement à la mise sur pied d'un cadre consensuel.












DEUXIEME PARTIE

A QUELLES CONDITIONS PEUT-ON CONCEVOIR UN COMPROMIS ?
Aujourd'hui, le débat sur le compromis, la médiation ou la conciliation est d'actualité du fait de la crise de l'Etat. En effet l'Occident chrétien partage avec l'islam la référence à une loi imposée au monde et aux hommes ; mais la pensée a évolué à partir de cette base commune dans une tout autre direction : l'autorité extérieure qui fonde la loi n'est plus Dieu, mais l'Etat, parfois appelé Providence. Dieu absent, l'Etat se donne pour but de créer un monde meilleur et de transformer la société par le droit. Cet archétype de la soumission basée sur l'autorité est remise aujourd'hui en cause au profit d'un cadre participatif. C'est ainsi que le professeur Etienne Leroy postule que 

"la redécouverte de la voie négociée… s'opère dans un contexte particulièrement original et caractéristique à mes yeux de l'héritage de la contre-réforme. D'une part différentes fractions de la société civile ou certains segments de branches professionnelles trouvent dans la médiation et ses formes proches (conciliations et arbitrages) la possibilité d'une pratique sociale, politique ou économique non-marchande. D'autre part les détenteurs d'une autorité, les représentants de la puissance publique ou de la continuité de l'Etat continuent à appliquer l'ordre "imposé" ou ont beaucoup de mal à échapper à ses pesanteurs. La médiation qu'ils utilisent est une formule associant mieux le sujet de droit ou le citoyen à la décision mais continue à s'inscrire dans la culture juridique et politique étatique centralisée et uniformisante…".

Cette politique juridique étatique de type centralisé n'est plus à l'ordre du jour du fait que l'Etat lui-même a "reconnu" son échec dans les différentes politiques mises en application en matière forestière. Donc l'heure est à la négociation, au compromis. Mais le cadre actuel de la gestion est-il adapté pour qu'il y ait un véritable compromis ?

Pour répondre à la question, nous nous proposons d'étudier d'abord le cadre du compromis (Chapitre 1) avant d'aborder la question de la sécurisation foncière (Chapitre 2)

CHAPITRE 1

L' ANALYSE DU CADRE DU COMPROMIS



La pluralité des logiques est apparente La conception étatique héritée de la cosmogonie européenne s'inscrit dans la conception judéo-chrétienne dont le livre biblique de la Génèse relate la création du monde à partir du néant par un Dieu qui se présente comme étant omniprésent, omniscient, extérieur et supérieur à sa création. Dans cette logique l'ordre préexiste au désordre et que les heurts doivent être régulés par des solutions normatives préalables au conflit.

Face à cette logique, les populations locales diffèrent. En effet, la pensée africaine, donc celle des populations rurales conçoit le désordre de manière positive car il permet la mutation de la société face aux contraintes générées. Cette conception est fondée sur la complémentarité des différences.

Il ressort de l'analyse que le paysan privilégie les modèles de conduites et de comportements à la base de la coutume alors que l'Etat valorise un seul aspect des sources du droit ; la norme générale et impersonnelle. Il néglige les habitudes (ou systèmes de dispositions durables) à la base de la socialisation juridique.

Ces logiques différentes et contradictoires ne sont pas favorables à une bonne gestion des ressources naturelles d'où la nécessité d'un compromis entre les différents acteurs.

Plutôt que comme "l'ensemble des règles impersonnelles et générales préétablies", le Droit est défini par le recteur Michel Alliot comme la mise en forme de luttes et le consensus sur les résultats de ces luttes". Ceci implique donc un consensus minima des membres de la société pour assurer l'organisation dynamique du droit.

Ainsi le compromis semble être une voie idéale pour une gestion efficace des ressources naturelles.

Mais il est nécessaire de procéder à l'analyse du cadre du compromis afin de ressortir les avantages et inconvénients. Ils 'agira d'une analyse bilan "coûts-avantages" en se référant à divers éléments.


SECTION 1 - Les facteurs favorables à la

réalisation d'un compromis.

De ce qui précède, il résulte de l'analyse que le cadre de gestion offre un certain nombre de facteurs qui sont favorables à la gestion des ressources naturelles mais aussi à la réalisation du compromis. Ces facteurs peuvent résulter soit du fait de l'Etat soit du fait des populations rurales.

§ 1. La mobilisation villageoise

	Cette mobilisation est fondée sur l'établissement d'un dialogue permanent entre populations rurales et les autres acteurs du développement (agents techniques, représentants de l'Etat), sur le "respect mutuel" et le principe de "partenariat". Cette mobilisation permet la prise en charge concertée et progressive des actions de développement au niveau du terroir. Nous allons étudier cette mobilisation à travers les organisations  villageoises mais aussi à travers les transformations actuelles.

A. Les organisations villageoises

		Cette organisation est le résultat d'un processus. A l'origine, la forêt était dense avec d'importants peuplements de Gonakié. D'après le chef des villages de Diara et de Wouroumale on ne pouvait aller à 500 m en dehors du village à cause de la densité de la forêt et des animaux sauvages (lions, hyènes, etc).

Ainsi des pratiques locales avaient été érigées en des règles de protections et de gestion des forêts. Il fallait l'autorisation du propriétaire qui était le chef de la terre pour accéder à la forêt. Cette autorisation pouvait être tacite ou explicite selon les types d'exploitation ou la qualité des sollicitants.

La chasse était réglementée. En outre le propriétaire pouvait attribuer certaines terres en "rem-peccem" à des agriculteurs (c'est à dire "cultive et ou partage"). La commercialisation de certaines espèces fruitières pouvait être frappée d'un système  de redevance foncière tel que l'assakal.

En ce qui concerne la protection, on interdisait les coupes dans les  forêts qui se trouvaient près des villages et il y avait une structure chargée de la protection car quelqu'un était nommé uniquement pour sillonner la forêt à la recherche d'éventuels coupeurs d'arbres.

Face au processus de déforestation, l'Etat a changé de stratégies  pour impliquer davantage les populations rurales qui étaient jusque là mises à l'écart dans les différentes politiques forestières. Désormais, l'Etat encourage les initiatives des populations et cherche leur consentement pour mener des actions.

Chaque village est responsabilisé à travers la gestion d'une mise en défens. Un comité de surveillance est aussi mis en oeuvre. Il faut souligner que malgré la noblesse de l'initiative, le comité de surveillance est mal organisé, et seulement cinq sur onze villages y ont adhéré. Son rôle est de sillonner la forêt pour interpeller les "destructeurs", sans aucun moyen à leur disposition. C'est ainsi après avoir constaté une infraction et retrouvé le fautif,il sollicite le service des Eaux et Forêts à qui il revient de poursuivre et de punir.

Par ailleurs, on note l'existence de différents groupements qui visent des objectifs allant dans le sens de répondre aux problèmes de gestion durable des ressources naturelles. En réalité, il  existe dans chaque village des groupements regroupant toutes les femmes et visent à assurer à celles-ci des revenus plus réguliers et instaurer un cadre approprié pour une intervention efficace des femmes dans le développement du terroir.

C'est ainsi que des caisses villageoises ont été créées par les populations locales. L'alimentation des caisses est assurée par des cotisations dont le montant et la périodicité sont déterminés en fonction des besoins des villageois.

Les populations interviennent en matière de reboisement. Des groupements de jeunes, des comités intervillageois sont créés pour lutter contre l'exode rural, le chômage etc.

Cette ressource humaine constitue une force non négligeable si l'on sait que le développement ne peut se faire sans cette mobilisation.

B. Les transformations actuelles

		Etant donné les différents systèmes d'utilisation des terres incluant les arbres, les différentes catégories d'exploitants de forêts ainsi que les innombrables réglementations de gestion prévalant dans le terroir, il est logique de penser que plusieurs systèmes co-existent également. Ainsi on trouve à la fois des terres agricoles sur lesquelles des arbres poussent, ainsi que des pâturages communaux et/ou des terres forestières. Donc il résulte de cette situation, une "pluriformité" des systèmes de gestion. Cette "pluriformité" des systèmes de gestion n'offre pas toujours une cohérence sans laquelle une gestion durable est illusoire. D'où la nécessité d'une mise en place d'un cadre négocié qui prendra en compte l'ensemble des préoccupations.
En outre, nous avons observé l'émergence d'une notabilité associative. Certains membres de l'aristocratie sont particulièrement ouverts aux changements technico-économique. Leur tendance "naturelle" est évidemment d'utiliser ces nouvelles armes dans le sens d'une reconstitution modernisée  de leur ancien pouvoir qui préserverait une certaine solidarité adaptée aux nécessités du moment.

§ 2. Les dispositifs mis en place par l'Etat.

	La démocratie n'est pas seulement un ensemble d'institutions mais une culture c'est-à-dire un ensemble de comportements,  d'attitudes et de normes intégrées dans les consciences collectives des différents acteurs sociaux. L'ouverture de l'Etat (et de ses représentants) sur son  environnement et la socialisation du crédo démocratique sont des défis de l'Etat sénégalais. Face à ce défi, l'Etat a mis en place des dispositifs nouveaux comme l'implication des acteurs mais par des mesures d'accompagnement.

A. L'implication des acteurs ruraux.

		Pour un réel développement local, il faut avant toute chose que l'initiative vienne des populations et les organisations de base réellement représentatives, efficaces, capables de négocier avec  les autres  acteurs et de mettre en oeuvre des programmes qui répondent aux aspirations des résidents locaux.

"Convaincu" de cette démarche, l'Etat a opté  pour la voie de la décentralisation. Ainsi une tentative d'implication des acteurs ruraux est mise en oeuvre. C'est dans cette perspective que la communauté rurale est associée dans les activités de gestion. L'Etat peut concéder des droits d'exploitation à la communauté rurale en matière de gestion forestière . C'est aussi dans cette optique que tous les villages riverains (qui entourent la forêt) sont intéressés pour éviter les rivalités entre les villages traditionnellement propriétaires ou utilisateurs et les occupants; Face à l'ampleur de ces nouvelles orientations, les populations ont décidé de s'impliquer activement dans la gestion de leur environnement. Elles ne veulent plus être considérées comme des "objets de développements". Elles entendent participer de façon significative à la résolution des défis de tous ordres qui se posent à leur environnement. Sous ce rapport, elles s'écartent de plus en plus des organisations conventionnelles ordinairement initiées par l'Etat. Elles s'orientent vers des structures de représentation dans lesquelles se reconnaissent effectivement.

Que l'Etat confie la gestion locale des ressources naturelles à la population rurale ne signifie pas naturellement que celui-ci et l'administration doivent se résoudre à laisser libre cours à toutes les dynamiques locales et accepter le risque d'une gestion anarchique. Mais l'Etat doit jouer un rôle irremplaçable dans l'optique d'orienter les stratégies en vue d'une gestion efficace et légitime.

La décentralisation qui  est une des réponses apportées au problème fondamental de la répartition des tâches politico-administratives assignées à l'Etat-nation, opére un transfert de certaines attributions du pouvoir central aux collectivités locales. C'est ainsi qu'en matière de gestion des ressources naturelles l'Etat a décentralisé la gestion même s'il est toujours le garant.

Cette décentralisation qui repose sur l'idée d'une gestion pour les administrés des affaires qui les concernent directement est le "corollaire indispensable de la démocratie". Cette solution mise en place par l'Etat qui implique une autogestion locale, est sans doute le meilleur moyen d'assurer l'autonomie locale.

B. Les mesures d'accompagnement

		Après 1979, l'Etat sénégalais va changer de politique forestière suite à la dégradation progressive des ressources naturelles; Le Plan directeur du développement Forestier dont la rédaction a été achevée en 1981 prévoit la foresterie rurale qui vise principalement les objectifs survivants :
- Le maintien du potentiel forestier, 
- Protection des systèmes biotiques et des ecosystèmes naturels
- Augmentation de la production nationale de bois destiné à la construction, à l'industrie et à l'exportation
- Amélioration des conditions de vie en milieu rural.

Ce plan prévoit des moyens d'action : protection des forêts naturelles, plantations  de grandes surfaces par les pouvoirs publics, prévention des feux de brousse etc.

En 1983, le gouvernement sénégalais va créer un ministère de la Protection de la nature et de nombreux projets vont intervenir en matière de protection de l'environnement. La tendance actuelle est à l'abandon des plantations de grandes forêts communautaires et plus en faveur des micro réalisations qui exigent moins de main d'oeuvre et de terrain, s'intègrent plus  facilement dans le système agraire, procurent plus rapidement de l'argent et suscitent l'intérêt personnel des participants à tenter de nouvelles possibilités. On a pu constater que les bonnes initiatives prises par l'Etat sont  acceptées par les populations avec contentement.

Avec l'appui de la Banque Mondiale, le Sénégal a mis sur plan en 1992 le Plan d'Action forestier qui vise la gestion durable des ressources naturelles et entre autres une rédéfinition de la politique foncière. C'est ainsi qu'en 1993, un nouveau code forestier reconnaissant le droit de propriété sur l'arbre, est mis en place.



SECTION 2 - Les facteurs défavorables à la

réalisation d'un compromis

S'il existe des phénomènes favorables à un compromis pour ne pas dire à une gestion efficace des ressources naturelles, il faut noter l'existence de contraintes qui peuvent hypothéquer l'idéal recherché c'est-à-dire la gestion par et à travers le compromis. Pour mieux cerner les contrantes, nous essayerons d'analyser deux points  essentiels qui nous permettront de faire la synthèse des obstacles nombreux et divers.

Ainsi nous étudierons dans un premier temps les contraintes d'ordre théorique et dans un second temps les contraintes d'ordre pratique.

§ 1. Les contraintes d'ordre théorique.

	Elles sont de deux ordres : d'une part nous avons les contraintes juridiques et institutionnelles et d'autre part les obstacles intellectuels du côté des juristes.

A. Les contraintes juridiques et institutionnelles

		Les problèmes posés par le cadre juridique et institutionnel sont multiples et variés. Il s'agit généralement de contraintes qui gênent une bonne application de la législation et de la réglementation.

	Parmi ces contraintes figure en premier lieu la multiplicité des textes et structures. Cela pose le problème aigu de l'inadéquation entre les politiques sectorielles et parfois leurs inadéquations à un contexte global de gestion des ressources naturelles et l'environnement.

En effet les politiques sectorielles, plans, programmes et projets sont souvent en contradiction avec les grandes orientations générales définies en matière de développement économique et sociale de la puissance publique.
Il se trouve aussi que faute d'une politique de suivi et de contrôle des textes, dus à une absence de permanence dans l'application, les structures ne peuvent être opérationnelles, étant donné que certains textes n'ont pas encore des décrets d'application.

	Il y a des contradictions manifestes entre les textes, dont les récents ne tiennent toujours pas compte de la logique et de l'esprit des plus anciens.

	C'est ainsi que peu de textes ont tenu compte de la loi 64-46 créant le domaine national. Ces contradictions sont dues en très grande partie aux conflits de compétences entre les différentes structures techniques et le manque de coordination qui caractérise leur action.

La méconnaissance des textes par les différents acteur (conseillers ruraux, agents de l'administration) constitue une contrainte majeure.

Ainsi les élus locaux (pour la plupart non alphabètes) n'appréhendent pas toujours à leur juste mesure les textes qu'ils sont chargés d'appliquer ; peu d'élus locaux savent ce que disent les lois 64-46 ou 93 06 portant code forestier.

Le système de formation et d'information est tel que les mêmes agents de l'administration ne savent pas le contenu des textes qu'ils sont chargés d'appliquer, si toutefois d'ailleurs, ils  disposent de ces textes. Une des contraintes essentielles de la communauté rurale demeure la faible capacité des ressources humaines à gérer les différents programmes qui sont mis en oeuvre. Cette situation est la conséquence de manque de formation, d'information des conseillers qui de surcroît changent d'une législature à une autre.

En effet, dans l'élaboration des différentes politiques et leur mise en oeuvre, toutes les potentialités en la matière ne sont pas utilisées.

D'autres problèmes s'ajoutent à ces contraintes. En effet ces problèmes d'ordre organique et fonctionnel se rapportent au fonctionnement du conseil rural et à l'exercice du pouvoir de tutelle. Des difficultés matérielles entravent leur déploiement. EN plus de l'insuffisance des ressources financières, on constate une absence de personnel administratif et technique propre à la communauté rurale, qui n'est pas comblée par les services de l'Etat.

Le CERP à qui a été confiée la mission d'assistance des communautés rurales et du pouvoir de tutelle manque cruellement de moyens. Quant au préfet, sa fonction de contrôle se révèle "sinon difficile du moins le plus souvent formaliste" tant lui "manque  les moyens d'ordre technique ou humain pour asseoir son contrôle, motiver sa décision, orienter ses propositions."

Ces problèmes sont à la base du développement de pratiques, de nature à entraver la mise en valeur de la réforme foncière  par la voie  de la décentralisation. Ainsi, le conseil rural de Gamadji-Saré se trouve  en train de solliciter des demandeurs d'affectation d'une somme de 3.800 FCFA et la prise en charge des frais de transport et de séjour de la commission domaniale à l'occasion d es opérations de délimitation. Cette contribution rend onéreux l'accès à la terre et remet en cause le principe de gratuité qui devrait y présider comme le remarque M.Phélix Tano dans la revue URED n°4 en étudiant les stratégies paysannes et la répartition des terres du domaine national.

Sans dossiers fonciers, sans plan de délimitation des sols, sans cadastre rural, il n'est pas certain que les conseillers ruraux puissent acquérir ces outils par le seul biais de la régionalisation. Sans ces outils, il n'est pas possible de développer les ententes intercollectives nécessaires à un développement durable à la base.

En effet, la mise en valeur du sol présuppose un repérage des terres faisant ressortir la configuration de la zone pour qu'il soit possible de procéder à une individualisation des parcelles ou terrains en vue d'assurer  une gestion efficace. Actuellement il n'existe pas de représentation cartographique sur une base communautaire et selon une division en terrain ou parcelles affectées. L'on sait que cet état de fait peut être source de conflits entre les occupants. Les références pour délimitations coutumières permettent de pallier en partie cet inconvénient. Mais, si elles facilitent le règlement des litiges occasionnels du peu d'importance en cas d'incertitude sur la délimitation des parcelles, elles n'ont pas suffi à éviter ou à régler à l'amiable des antagonismes plus graves notamment entre  ressortissants traditionnel de communautés différentes.

La décentralisation a ouvert la voie en accordant au conseil rural la possibilité d'émettre des voeux sur le plan général d'utilisation des terres en fonction des qualités agro-pédologiques des sols et des impératifs du développement.

Il est constaté également l'absence de mesures incitatives dans les textes, à côté d'une pléthore de mesures répressives. Face à ces problèmes s'ajoute au plan institutionnel les contraintes ci-après :
- La dispersion des structures compétentes (nombre élevé : PIP, PREMINA, FSD, Projet Hydraulique villageois etc…)
- Insuffisance des moyens matériels et financiers nécessaires au financement de certaines structures (exemple, les services traditionnels de l'administration). 

Sur le plan juridique s'ajoutent d'autres contraintes :

- La non reconnaissance de l'activité pastorale comme critère de mise en valeur et d'appropriation de l'espace. En effet la notion de mise en valeur prête encore de nombreuses ambiguïtés qui affectent surtout le statut des mises au repos prolongées de terrains de culture ainsi que l'activité pastorale. En 1991, un groupe de travail conduit pas le ministre de l'intérieur indique la possibilité pour les préfectures le soin d'établir les critères minimaux de mise en valeur des terres, selon les particularités des zones. Le cadre général établit "qu'une superficie est considérée comme mise en valeur à partir du moment où un investissement y a été consenti aux fins de son exploitation intégrée ou non, pour des activités de production agricole, forestière, pastorale, halieutique, cynégétique de mise en défens, ou une jachère améliorée par des techniques appropriées".

Loin d'améliorer la situation,une telle orientation, si elle est retenue pose le problème crucial de maintien des espaces pastoraux dont l'exploitation repose essentiellement sur l'élevage de cueillette.

- La loi sur le domaine national ne garantit pas la sécurité foncière des investisseurs

En effet le titre d'occupation délivré par les organes de gestion est une délibération portant affectation. Il est précaire et ne confère qu'un droit d'usage. Il ne peut en conséquence servir de garantie pour les fonds nécessaires à une exploitation rationnelle de grande envergure.

Or un investisseur avisé ne saurait s'engager sans s'assurer que la consistance du droit qu'il détient, lui garantit une durée minimale pour l'amortissement de sa mise. De même un bailleur de fond ne peut s'assurer le financement d'une activité que s'il peut  asseoir sa garantie sur les droits de son partenaire. La nature du droit… est un frein du développement d'exploitation du sol.

Enfin, il faut souligner que le manque de communication entre les divers acteurs qui interviennent sur des sujets interdépendants (gestion des ressources naturelles sans concertation) explique en grande partie les échecs des politiques, plans, programmes et projets sectoriels ainsi que la difficulté d'assurer une bonne coordination des actions initiées par les pouvoirs publics ou projets intervenant dans le terroir.

B. Les obstacles intellectuels du côté des juristes.

		Le professeur Michel Alliot attire notre attention sur le phénomène qui consiste à avoir une seule vision du droit qui est en général celle du droit imposé par l'Etat. C'est à ce propos qu'il disait que

"un nouveau visage de la Loi africaine se dessine progressivement au travers de certaines législations et des pratiques on pressent à quelques indices  que la loi de l'Etat n'est plus comme dans la théorie occidentale, le fondement immédiat du droit et qu'au système occidental du droit étatique applicable à tous et contraignant dès sa promulgation, on préfère progressivement cantonner le droit de l'Etat dans le rôle d'un idéal vers lequel on est seulement invité à évoluer. Ses effets uniformisants en reconnaissant et même en organisant le droit propre de chaque communauté".

S'il  estime la nécessité d'attirer notre attention sur ce phénomène c'est parce que beaucoup de juristes (et intellectuels) pensent que le droit se résume au droit des manuels, c'est-à-dire le droit écrit. Ainsi, ils ont tendance  à développer et changer par le droit étatique. Cette conception du droit, reflet du mythe de l'Etat moderne, totalitaire ou en tous cas naturellement porté à le devenir, apparaît comme une des plus terrifiantes créations mythiques.

Le positivisme juridique qui définit la norme par son appartenance à un ordre normatif distingue la norme juridique des autres normes. Cette conception du droit n'est pas suffisante parce que le droit doit être pensé à travers les visions du monde. Chaque peuple, chaque culture véhicule son propre système juridique. Donc il faut se départir de cette "manipulation juridique" qui privilégie le droit étatique comme outil d'orientation et d'incitation du développement.

Dans ce contexte de mondialisation, il faut mettre sur pied des filtres qui permettent de sortir à un ensemble, à une même appartenance parce que l'universalité doit être négociée. Encore faudrait il que l'on sache ce que l'on partage et avec qui, d'où la nécessité dans un premier temps d'insister sur les différentes identités culturelles et juridiques.

§ 2. Les contraintes d'ordre pratique

	Nous tenterons d'étudier dans un premier temps les contraintes  liées à la gestion des ressources naturelles avant de cerner les contraintes d'ordre socio politiques.

A. Les contraintes liées à la gestion des

ressources naturelles.

		Ces contraintes sont d'ordre naturel, économique organisationnel…
Les contraintes économiques, tournent autour de la pression sur la terre, des problèmes d'équipement et d'activités insuffisamment diversifiées.

La terre est une ressource incontournable lorsqu'on aborde la gestion des ressources naturelles dans cette zone du Fouta c'est-à-dire la partie nord du Sénégal occupée par les Pulars. En réalité, il existe un marché foncier à une échelle inquiétante. On observe un processus de contournement de la logique du domaine national principalement dans son aspect d'inaliénabilité, qui tend à rendre conforme une pratique qui, dans son essence même, est contraire au contenu du texte : La vente ou la location pure et simple de la terre.

La gestion de la terre constitue l'une des contraintes majeures auxquelles les populations locales sont confrontées. Elles conditionne en grande partie l'évolution de leurs activités. 
De plus en plus, compte tenu des énormes moyens dont disposent certains "acquéreurs", les terres risquent d'échapper au contrôle des paysans parce que les moyens à sa disposition ne lui permettent de mettre correctement en valeur ce qui lui en reste.

L'irrégularité des pluies constitue aussi une contrainte dans la mesure où les pratiques traditionnelles agricoles favorisaient une végétation naturelle.

La proximité de la commune de Ndioum et de l'ensemble des services techniques n'ont pas permis jusqu'à présent un cadre organisationnel cohérent.

Enfin, nous avons constaté des contraintes d'ordre budgétaire du fait de l'insuffisance des ressources financières de la communauté rurale.

B. Les contraintes d'ordre socio-politiques

		Les rapports de force locaux apparaissent dans toutes les études de terrains. Pour autant que leurs effets sur le comportement participatif soient indiqués, ils s'avèrent très différents dans ce sens qu'ils peuvent aussi bien freiner la participation que la favoriser.

Le système des castes est affaibli par l'émancipation et l'introduction des nouveaux modèles de comportement. Toutefois, nous avons constaté une distribution, du moins une affectation des terres au profit d'une aristocratie locale réclamant une légitimité coutumière en matière de gestion des affaires locales.

Dans cette zone étudiée, la pression  foncière est telle que dans un avenir pas très loin, c'est l'équilibre même de la zone qui risque d'être bouleversé.

Aujourd'hui, on remarque une forte présence "étrangère" qui risque aussi de déboucher sur des altercations entre les autochtones et les "étrangers". Les contraintes socio politiques font qu'il est difficile pour le conseil rural de désaffecter des terres même si ces dernières ne sont mises en valeur.

Il y a lieu de souligner aussi la non maîtrise par le conseil rural, des interventions dans l'espace communautaire qui traduit  l'effritement du pouvoir de ces structures surtout en matière de développement. En effet, les projets et services techniques agissent sans saisir au préalable l'aval du conseil rural., ce qui crée une situation complexe qui nécessite une sécurisation.

CHAPITRE 2

La question de la sécurisation foncière.
La gestion foncière est très complexe dans notre zone d'étude et même au Sénégal. On assiste à une crise multiforme (vivrière, économie, sociale et écologique) qui se combine avec l'échec des politiques financières et agricoles. Les législations modernes restent dans une grande mesure, mal connues des populations rurales et appliquées de façon  très imparfaite et partielle. Les populations continuent à se référer aux valeurs et aux autorités de la coutume.

Cette situation rend  la gestion foncière complexe. Pour un développement réel, il faut qu'il y ait un compromis, une sécurisation des acteurs.

Pour mieux cerner la question de la sécurisation des acteurs, nous aborderons les problèmes fonciers avant d'étudier les dispositifs nécessaires en vue d'une sécurisation foncière.


SECTION I - Les problèmes fonciers

Comment se posent les problèmes fonciers ?

La sécurisation foncière est elle une nécessité ? Voilà les questions que nous tenterons d'aborder dans cette section.

§ 1. La position du problème

	Deux points essentiels seront étudiés : d'une part les divergences et d'autre part la complexité de la question foncière.

A. Les divergences.

		Du fait de la multiplicité des logiques en présence, chacune se retrouve en position d'ambiguïté en porte à faux, par rapport à une réalité qu'elle n'arrive pas seule à maîtriser.

Cette situation fait apparaître quelques ambiguïtés dans la mesure où chaque groupe, conscient de sa faiblesse, cherche à acquérir les caractéristiques qui lui font défaut. Ainsi une juxtaposition de plusieurs logiques est constatée et évoquent selon l'expression de Amadou Tom Seck l'image de "tectoniques des ordres juridiques". Ces flous juridiques pérénisent les divergences et accentuent les marges de manoeuvre au détriment d'une gestion efficace et ordonnée. Dans notre zone d'étude, les champs sont la propriété d'une lignée (lenol) et non d'une personne. Le lenol est conçu comme l'ensemble des personnes appartenant à un ancêtre commun.
Les détenteurs actuels estiment qu'ils n'en sont que des gestionnaires passagers. Le droit  de prêter de donner ou de "vendre" les terres revient à tout le lénol. Donc la divergence est apparente parce que selon la logique étatique les terres du domaine national appartiennent à toute la nation et que l'Etat en  est le principal détenteur.

A ces divergences entre la logique étatique et celle des populations rurales s'ajoute une situation complexe qui traduit  des confusions et incertitudes.

B. La complexité de la gestion foncière.

		Aujourd'hui les autorités de gestion des terres sont multiples comme nous l'avons souligné plus haut. En réalité, nous avons les autorités et institutions émanant de l'Etat, et celles des populations. Il y a aussi de plus en plus le poids de l'argent et d'une logique de marché qui  devient de plus en plus importante lorsque les acteurs les plus riches sont forêts à payer pour la terre. Ces échanges  marchands sont de plus en plus importants même s'ils restent en grande partie occultes, car non officiellement autorisés.

Les diverses autorités qui devraient gérer ces transitions sont dans des situations de faiblesse et d'incertitude. D'une part, la prétention au monopole foncier de l'Etat n'est plus crédible car celui-ci n'a clairement pas ou plus les moyens correspondant à  ses ambitions de gérer la terre de façon autoritaire et administrative. D'autre part, les pouvoirs fonciers endogènes (issus de la coutume) ne sont souvent plus à même de maîtriser la gestion communautaire du foncier qu'ils exerçaient auparavant. Leur légitimité a été affaiblie de l'intérieur (avec un certaine dissolution des rapports sociaux communautaires) et de l'extérieur (par l'Etat). De plus, les intérêts financiers liés aux nouveaux enjeux  conduisent souvent les chefs traditionnels eux-mêmes - en collusion avec l'autorité administrative - à "vendre" le patrimoine foncier villageois dont ils sont,  suivant la coutume, plus les gestionnaires que les propriétaires.

L'augmentation de la population rurale, les migrations des zones surpeuplées et dégradées vers les régions les plus riches ou moins peuplées  font que "la brousse est finie" selon l'expression de Paul Mathieu. Il n'y a plus de nouvelles terres c'est pourquoi la forêt de Diara qui recèle une réserve importante et fertile est la proie des habitants environnants en quête de terres.
Cette situation complexe fait de la sécurisation foncière une nécessité.

§ 2 . La nécessité de la sécurisation foncière

	Après avoir fait quelques considérations sur la sécurisation foncière nous montrerons l'existence d'une  insécurité foncière qui constitue le fondement de la nécessité même de sécurisation des acteurs.

A. Quelques considérations sur la sécurisation

foncière

		Le professeur Amadou Tom Seck définit la sécurisation foncière comme la capacité des différents partenaires à consentir des investissements permanents dans  la terre. Pour lui, la notion d'investissement semble constituer l'élément déterminant puisqu'elle suppose une capacité de mise en valeur.

Cependant il convient de souligner qu'il  existe plusieurs types ou formes de sécurisation foncière et que le foncier doit être appréhendé sous ces différents aspects. Pour le professeur Etienne Leroy, le foncier est un rapport social (S), ayant la terre ou le territoire (T), comme assise et enjeu et où les variables économiques (E), juridiques (J) et les techniques d'aménagement (A) de la nature, sont pondérées par le facteur politique (P) aux différentes échelles locales (l), nationale (n) et internationale (i).

B. L'existence d'une insécurité foncière

		Suite à l'individualisation des rapports sociaux et familiaux, et à la compétition pour obtenir  des terres, les litiges fonciers entre membres d'une même famille deviennent de plus en plus nombreux. La méfiance au sein des familles et des villages augmente, chacun craignant la concurrence et les ruses des autres pour s'approprier les terres. Avec la "politisation" de la communauté rurale, c'est à travers le conseil rural que se joue de plus en plus la compétition pour la terre.

Les nouveaux droits fonciers qui émergent des transactions foncières actuelles tendent à être de plus en plus privatisés, permanents et exclusifs. Ceci est presque toujours a l'avantage des acteurs les plus riches et les plus puissants au plan politique, et aux dépens des pasteurs surtout et de façon générale tous les membres des groupes sociaux les pus faibles.
Cette situation qui dévoile une dérégulation foncière  mérite d'être diagnostiquée pour renverser les tendances.

Si aujourd'hui les variables économiques ((E) et internationales (i) deviennent de plus en plus importantes du fait de l'appui de la Banque Mondiale qui milite en faveur de la généralisation de la propriété privée, la réalité objective nous invite à réfléchir autrement car à l'état des choses, la sécurisation foncière ne trouve sa pertinence dans notre zone d'étude et même au Sénégal si l'on prend en compte les besoins des populations rurales.



Section 2 - Les dispositifs nécessaires en vue d'une

sécurisation foncière

La critique du paradigme dominant brandi par les développementalistes nous invite à voir autrement les problèmes de gestion des ressources naturelles. En effet les conceptions développementalistes ne prennent pas en compte le point de vue des populations autochtones au nom d'un universalisme fondé sur une  approche  libre-échangiste et capitaliste justifiant la démarches uniformisante du Droit en relation avec la philosophie dominante des juristes occidentaux. cette démarche qualifiée d'idéalisme par le professeur Etienne Leroy doit être au moins amendée si elle ne peut être directement et immédiatement remplacée. Nous nous proposons dans cette perspective d'innovation d'étudier les matériaux nécessaires pour un droit forestier sénégalais et la méthodologie à expérimenter.

§ 1. Matériaux pour un droit forestier sénégalais.

	Chaque société dispose d'un ensemble de savoirs qui obéit à une logique particulière. Et la logique fondant le droit forestier est déterminée par la vision du monde inhérente à chaque société et justifiant ses particularités donc  l'identité collective du groupement.

En outre, une interpénétration des logiques, des approches est nécessaire pour une meilleure compréhension des modes spécifiques d'articulation des rapports sociaux et juridiques de chaque société. Ainsi il  est donc obligatoire d'opérer une rupture épistémologique pour une analyse plus performante de la question foncière. Dans cette optique nous proposons la remise en cause des approches "obsolètes" et l'introduction des éléments innovateurs à féconder.

A. La remise en cause des approches "obsolètes".

		Nous abordons la question par les propos fort pertinents de François Constantin qui constate que :

"Les politiques publiques de gestion des ressources naturelles apparaissent ainsi comme des ingérences destabilisant des conditions d'existence des groupes sociaux vulnérables au nom de priorités définies avec une large marge d'incertitude par des acteurs extérieurs (…) sans aller jusqu'à l'élimination physique (mais on s'en approche parfois de manière insidieuse), l'histoire récente des sociétés paysannes (celles qui vivent là où les mesures contraignantes sont mises en oeuvre) est celle d'une dépossession  continue et globale jusqu'à la fois économique, juridique, politique,  culturelle, sinon psychologique"

Il ressort de l'analyse que l'on dénote le caractère non seulement efficace de certaines approches  mais aussi inacceptable sur le plan de la philosophie juridique. En effet l'Etat doit rompre avec sa démarche classique consistant à écarter le savoir-faire et le savoir penser des populations locales; Cette attitude a pour conséquence la mise en place de procédures juridiques inadaptées voire contradictoires qui aggravent la dégradation des ressources naturelles; L'interrogation pertinente du professeur Etienne Leroy mérite d'être reformulée : Devra-t-on en arriver à souhaiter que les "codes brûlent pour qu'enfin les forêts cessent de brûler ? En effet, il est nécessaire d'instaurer  une conception juridique qui privilégie  le dialogue et le compromis des différents acteurs au plan local, national et même international.

B. Les éléments innovateurs à féconder

		Il convient de noter l'insuffisance des connaissances en matière de sécurisation. Après avoir attiré notre attention sur ce phénomène, le professeur Etienne Leroy précise qu'il n'existe pas de sécurisation sans un environnement institutionnel adéquat. En effet, l'harmonisation des textes juridiques est nécessaire pour tenir en compte le contexte du moment et de la nécessité d'une gestion globale des ressources. Cette harmonisation doit en outre aboutir à une loi-cadre sur les ressources naturelles et l'environnement. Ainsi au plan législatif et réglementaire, un travail de "toilettage" est indispensable pour atténuer la diversité et l'insuffisance des textes mais aussi les contradictions.

Le rôle de l'Etat pour une sécurisation apparaît comme crucial (et problématique d'après Paul Mathieu) sous trois aspects : pour garantir la stabilité politique globale, pour répondre aux demandes formalisation des droits ou des transactions, et enfin pour arbitrer les conflits. En l'absence de stabilité politique, la sécurisation des droits fonciers est impossible et la violence fait irruption sans prévenir dans les conflits qui dépassent de plus en plus souvent les capacités d'arbitrage des pouvoirs traditionnels est également assez  évidente.

Une autre fonction de l'Etat est d'appuyer l'émergence et le fonctionnement d'institutions efficaces et de règles du jeu nouvelles susceptibles de répondre aux demandes de sécurisation des acteurs fonciers.

§ 2. Essai de conceptualisation de la sécurisation foncière

	Dans son article intitulé  Juristique et Anthropologie : un pari sur l'avenir, le professeur Etienne Leroy met en évidence l'herméneutique diatopique qui diffère des herméneutiques morphologiques et diachronique en ce qu'il prend pour point de départ a conscience que ces topoi, les lieux des diverses visions du monde ne peuvent être reconciliés par le recours aux outils de compréhension d'une seule culture ou tradition. L'herméneutique diatopique tente pour lui de réussir des horizons humains radicalement différents.

Dans cette perspective nous ferons quelques considérations anthropologiques avant de prolonger la réflexion par le jeu de l'oie proposé par le professeur Etienne Leroy.

A. Quelques considérations anthropologiques

		Les recherches en anthropologie ont mis en évidence un pluralisme juridique au sein des sociétés. Loin d'être unitaire, le droit dans nos sociétés est plural. Ce que confirme Sousa Santos quand il affirme que, si d'un côté les professionnels du droit et les juristes acceptent le monopole étatique de la production du droit, la recherche sur la pluralité juridique défend l'existence et la circulation au sein de la société des différents systèmes juridiques dont le système juridique étatique n'est que l'un d'entre eux même s'il  est le plus important, d'un autre côté une conception du droit aussi étendue du droit dénonce une relation plus complexe entre droit et société du fait qu'il ne s'agit pas d'un droit unique mais plutôt d'un réseau de droits qui doivent s'harmoniser avec la société. Penser le droit c'est penser la diversité et l'idée de la conception du droit qui survalorise le droit étatique, écrit et codifiée releverait du juridisme. Donc il faudrait privilégier un dialogue entre la logique fonctionnelle et la logique institutionnelle car même si l'Etat en valorisant l'être, s'est doté  d'un droit institutionnel et continue à occulter les logiques fonctionnelles du droit, celles-ci existent néanmoins et aident  à mieux comprendre le droit.

Les formes de la vie juridique reflètent les visions du monde et que pour les comprendre, il faut appréhender les principes inhérents à la cosmologie des sociétés.

B. L'analyse processuelle : le jeu de l'oie

		Cet outil conceptuel est élaboré par le LAJP à travers une analyse dynamique et processuelle. Le professeur Etienne Leroy précise que cette démarche a pour objet de restituer le fonctionnement au quotidien des sociétés africaines et d'identifier les modalités de régulation qui peuvent, à partir de leurs vécus et de leur représentation du jeu social, faire autorité, puisque selon l'adage de Hobbes "auctoritas, non veritas, facit jus". Formellement, l'analyse du processus, après avoir utilisé le cercle comme support de sa représentation s'apparente à un jeu de l'oie où le joueur n'avance pas par la vertu du hasard, en tirant les dés, mais en fonction  es positions sociales et juridiques à partir desquelles il peut estimer gagner (ou perdre) des avantages dans le jeu social.
Ce jeu comporte dix "cases" :

1. Les statuts : l'entrée dans le jeu est donc constituée par les positions sociales et les positions juridiques, déterminant les rôles, les compétences, les droits et les obligations. Il y a les statuts modernes conçus à partir de la notion de personnalité juridiques, de sujets de droits, et de citoyens et les statuts traditionnels qui sont les membres ou représentants (responsables) du groupe. Dans notre analyse nous avons essayé de montrer les différents statuts.

2. Les ressources : elles peuvent être matérielles, humaines ou idéelles c'est à dire l'ensemble des idées, plus ou moins explicites, plus ou moins organisées en connaissance, en particulier scientifiques.

3. Les conduites : Elles sont considérées comme des tactiques et stratégies. Les tactiques sont des conduites réactives ou adaptatives quand elles sont envisagées seules ; elles sont aussi les conditions de réalisation des stratégies qui sont abordées par le LAJP en termes évitement de contournement et de détournement.

4. Les logiques : Elles sont la manière d'élucider les explications relatives aux causes et conséquences en introduisant une cohérence qui ne relève pas seulement de la rationalité scientifique, par exemple, du sens pratique.

5. Les échelles : ce qui  est vrai à une échelle ne l'est pas nécessairement à une autre en vertu d'une qualification différente, donc d'un usage spécifique. Nous avons différentes échelles : l'échelle locale, nationale et internationale.

6. Les ajustements processuels : une analyse du processus n'est pas une analyse du changement social mais qu'il faut considérer parmi les différents sens qui peuvent y être associés, la manière selon laquelle divers phénomènes prennent sens et cohérence selon une période considérée. Nous avons le macro-processus, le méso-processus et le micro-processus.

7. Les forums de confrontation et de négociation : sans forum, il n'y a pas de régulation du jeu social surtout dans notre zone d'étude où les acteur sont nombreux et obéissent à des logiques différentes. Les enjeux, ce qui peut être gagné ou perdu, ce qui fait l'objet de conduites  d'anticipation, le gain ou  la perte n'étant pas seulement évaluable matériellement. L'enjeu est ce qui est mis en "jeu".

9. Les ordres normatifs et sociaux : il s'agit d'identifier les "ordonnancements" des sociétés comme mises en forme de leurs choix, c'est-à-dire les projets de société.


10. Les règles du jeu dans la sécurisation foncière : Il s'agit de formuler les règles du jeu effectivement partagées par le plus grand nombre. Cette approche permet d'envisager l'éthique foncière sous un autre angle. Celle-ci peut notamment participer, à la formalisation des "règles du jeu" au Sénégal  dans le cadre de la mise en place d'un plan d'action foncier..

CONCLUSION
Associer les villageois, les paysans, à la gestion de la forêt où ils évoluent, ce n'est pas simplement mobiliser une main d'oeuvre pléthorique. C'est plutôt en faire les acteurs du développement forestier, en les impliquant réellement à la fois dans conception de la politique forestière par l'intégration de leur savoir-faire et de leurs valeurs culturelles dans la gestion des ressources forestières en tenant compte de leurs besoins et de leurs aspirations.

A cet égard, le nouveau code forestier  ouvre la porte à la foresterie communautaire dans la mesure où, il permet l'affectation de certaines parties du domaine forestier à des collectivités locales ou des coopératives en vue d'un aménagement. En plus de ceci le nouveau code forestier prévoit la propriété privée.

Cette gestion participative permet d'encourager, de soutenir et de renforcer les aptitudes existants au sein des villages pour identifier leurs propres besoins et la mise sur pied des moyens pour les résoudre.

Toute solution doit viser à rendre la forêt plus durablement efficace et utile en termes d'amélioration de la vie des populations locales. C'est pourquoi il  est nécessaire de mettre en oeuvre tout ce qui peut concourir d'une part à une réelle participation des populations à la gestion de la forêt et d'autre part à une grande valorisation économique, culturelle, sociale, de la forêt.

Pour une gestion durable des ressources naturelles, la formation doit occuper une place fondamentale.  Comme l'a si bien dit le Chef de l'Etat, 
"une communauté quelle qu'elle puisse être, est forte lorsque la majorité des individus la composant ont un sens  civique certain, une claire conscience de leurs droits et devoirs, impliquant le respect de la différence et la volonté de recherche du mieux être pour soi et pour les autres, l'éducation, la formation, l'observance de certaines valeurs pouvant seules y conduire".

Il ressort de cette affirmation que la formation des habitants et des élus locaux en particulier constitue un préalable nécessaire à toute action de développement.

Pour un réel développement local, il faut avant toute chose que l'initiative vienne de la population et d'organisations de bases locales réellement représentatives, efficaces, capables de négocier avec les autres acteurs et de mettre en oeuvre des programmes et des projets qui répondent aux aspirations des résidents locaux.

En outre, ces organisations ou comités doivent être en mesure d'innover, de servir de relais aux  projets mais aussi elles doivent être capables de gérer de façon rationnelle les ressources de la collectivité et de proposer des solutions qui répondent aux sollicitations   de ses adhérents.

Il est donc primordial de travailler avec ce genre de comité ou d'organisation ce qui implique nécessairement leur formation et le renforcement de leurs ressources. La réussite passe par la promotion d'une certaine politique de développement intégré du type participatif. Celle-ci n'aura un sens que si les populations sont impliquées dès la conception des programmes dans un processus de suivi évaluation des actions. Dès le départ, les programmes d'actions doivent faire l'objet d'un contrat entre le projet et les partenaires en faisant référence à un cadre juridico institutionnel.

Il faut qu'il y ait l'intégration de toutes les composantes du terroir, aussi bien les aspects liés à la production que ceux en rapport avec la protection du milieu.

Dès lors grâce à un encadrement logique, cohérent et réaliste, l'acteur rural se sentira mieux concerné par des mesures d'accompagnement (volet micro-réalisation). En plus de ceci, il faut prendre en considération certains aspects.

Les générations actuelles ont reçu la forêt en héritage et elles doivent veiller à ce que celles qui nous suivront puissent bénéficier de la même façon que nous.

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