13, allée Salomon de Brosse
93150, Le Blanc-Mesnil
Tel. 0148657460/0613517312
Thèse
dAnthropologie et Sociologie du politique
Titre
de
thèse :
Mutations patrimoniales ou
individualisation «imparfaite » des droits fonciers dans la
plaine de Timbi-Madina au Fouta Djalon, République de Guinée.
Dirigée conjointement par :
Pierre Philippe Rey, professeur dAnthropologie à
lUniversité Paris 8
Etienne Le Roy, professeur de Droit à lUniversité
Paris 1
..
Introduction
liminaire
Cette brève
introduction a pour but de montrer
lintérêt de cette étude
anthropologique portant sur
le foncier et la gestion des ressources
naturelles en Guinée.
En effet, le «paradigme du foncier » est une démarche
pertinente pour rendre compte à la fois de la complexité et
du devenir des sociétés
humaines. Le foncier apparaît dès
lors comme un «fait social
total » dans le sens de Marcel Mauss. Dans la mesure où
la terre constitue le support et le moyen
de réalisation de
lensemble des activités des sociétés
humaines.
Cest dans une telle approche que
nous avons voulu restituer la
mutation des rapports traditionnels de
lHomme à la terre
dans la plaine de Timbi-Madina. Ce processus, que nous avons qualifié
de «patrimonial», est particulièrement observable dans cette
région de la Guinée.
Ce présent texte se propose de présenter lessentiel
de notre démonstration à travers notamment la problématique
et les enjeux de la plaine de Timbi-Madina ; nos thèse et
hypothèses sur cette problématique ; notre
démarche ; les
résultats de nos observations et notre perspective de
sécurisation foncière locale.
1.
La problématique et les enjeux de la plaine de
Timbi-Madina
Les enjeux de la
plaine de Timbi sont capitaux tant pour la question de laménagement
du territoire que pour laccès individuel des acteurs à
leurs sols et à leurs ressources. Cette plaine convoitée,
aujourdhui, par plusieurs acteurs locaux, couvre en réalité
une superficie totale de plus de 48.000 hectares. Ces terres ont été
appropriées par les Peuls musulmans depuis la guerre sainte
instaurant lEtat
théocratique du Fouta Djalon. Ces espaces et ressources étaient
confiés directement aux anciens maîtres du pays conquis par
les Peuls musulmans. Des ressources foncières qui ont été
longtemps négligées et même abandonnées par certains
maîtres.
Les sols de cette
plaine, réputés traditionnellement pauvres ou non rentables,
sont particulièrement recherchés aujourdhui par les nouveaux
agriculteurs ou les producteurs de rente. Cest surtout la culture de
la pomme de terre qui symbolise cette mutation patrimoniale. Lextension
de cette production agricole tend actuellement à léviction
des agriculteurs traditionnels et des éleveurs transhumants. Cette
situation entraîne des conflits incessants entre les nouveaux agriculteurs
et les producteurs locaux.
La mutation des rapports fonciers
et daccès aux ressources naturelles se posent donc à
la fois en termes de
réaménagement des
espaces ; de sécurisation des rapports individuels à la
terre ; de lextension
agricole ;
durbanisation rurale ; de la réduction ou de la
disparition des jachères et des espaces de pâturage.
Cette
problématique et enjeux fonciers locaux ont été
reformulés en une seule
interrogation. Une question
à laquelle nous avons
cherché à répondre : Comment se fait-il
que lespace agricole a tendance aujourdhui à une occupation
totale de lespace pastoral, en remettant en cause le principe traditionnel
dinterdépendance et de complémentarité entre
lélevage et lagriculture dans une région pourtant
considérée et réputée comme étant pauvre
en ressources agricoles mais au contraire propice à
lélevage ?
2.
Notre thèse
Notre observation
directe de la gestion foncière et des ressources naturelles dans la
plaine de Timbi-Madina, nous a permis de soutenir que : les principes
traditionnels dinterdépendance et de complémentarité
agropastoraux ont été
bouleversés par la politique
de «mise en valeur coloniale » ; reposant sur un
système individuel dattribution et dexploitation des terres.
Mais ce processus dindividualisation reste toujours
«imparfait » dans la mesure où le contrôle lignager
est encore vivace dans la circulation des terres et des ressources naturelles.
Le foncier, dans cette région de la Guinée, nest pas
seulement une question économique ; il est aussi et surtout
politique, social, culturel et
religieux.
3.
Nos hypothèses
Cette thèse
est démontrée à partir dune série
dhypothèses :
° Les
Baga furent les premiers occupants
connus du Fouta Djalon et ce groupe ethnique aurait mis en valeur les terres
de bas fonds des agriculteurs
jalonke et des éleveurs
Pulli ;
° Les modes traditionnels
daménagement de lespace entre agriculteurs
jalonke et éleveurs
Pulli na pas été
remis en cause en fait mais en droit sous le régime de lEtat
théocratique ;
° Les Peuls musulmans ont conquis le
Jalonkadugu avec les armes ou le
Coran. Mais ils ne seraient pas venus avec le bétail comme les Peuls
Pulli.
° La structure sociale des Peuls du Fouta
Djalon repose sur lalliance entre animistes (premiers occupants ou
autochtones) et les conquérants (Peuls musulmans). Cest cette
alliance qui fonde cette communauté agropastorale. Malgré le
système de domination de façade institué par lEtat
théocratique du Fouta Djalon.
° Ladministration coloniale
française, ne pouvait certainement pas concevoir lexploitation
des ressources naturelles sans attribution individuelle des terres.
° Le système dexploitation et
dexportation des ressources naturelles a été la
finalité de la colonisation en Afrique. Cest cet héritage
qui ferait que lEtat se construit et sinstitutionnalise en Afrique
à partir de la régulation foncière et de la gestion
des ressources naturelles.
4.
Notre démarche
Notre démarche
théorique et notre méthode dobservation ont été
mises en uvre dans la compréhension ou pour rendre compte de
la complexité des rapports
fonciers, résultants de la superposition de plusieurs processus, de
logiques et de représentations des différents usagers de la
terre et des ressources naturelles. Doù notre théorie
de mutations patrimoniales, notre démarche
«odologique » et
la pertinence de notre méthode de
comparaison.
° Notre théorie de mutations patrimoniales
repose sur un double concept : mutation
et patrimoine. Des concepts
qui lui donnent son sens théorique ou critique (recherche fondamentale)
et son intérêt pratique (recherche
appliquée).
° La démarche
«odologique ». Ce concept a été repris par Etienne
Le Roy pour la compréhension de la complexité de la gestion
de lespace pastoral en Afrique. Le mot viendrait du grec et défini
comme étant une science ou connaissance du cheminement ou de parcours.
Nous avons adopté cette démarche en dépassant la gestion
de lespace pastoral à travers la question de la transhumance
et en intégrant les pistes de commerce et de migration ou de
déplacement des populations.
° La pertinence de notre méthode
dobservation et de recueil dinformations ont été
réalisés sur le terrain selon trois techniques : enquête
du type institutionnel auprès des organismes étatiques et non
étatiques ; enquête dite fonctionnelle permettant
lobservation directe des acteurs sur le terrain à laide
dentretiens directifs ou semi-directifs, et une enquête du type
comparatif permettant de rapprocher les modes de gestion des terres et des
ressources chez les Peuls et chez les populations du littoral
guinéen.
5.
Les résultats notre étude
Notre démarche
a abouti à lidée que la plaine de Timbi-Madina est
lespace local qui
révèle au mieux le caractère patrimonial de la
terre dans cette région : les sols et ressources de cette plaine
lient et relient toutes les populations de ce terroir. Cest pour dire
que cet espace convoité appartient en fait ou en droit à tous
les acteurs locaux ; même si cette région se trouve encore
aujourdhui dans un rapport
de domination politique et culturelle.
Ces mutations
patrimoniales ou individualisation imparfaite daccès à
la terre et aux ressources naturelles touchent aux problèmes
daménagement du territoire et dautorité légitime
de régulation foncière. Les droits de propriété
ou dusage sexercent dans linsécurisation ou dans
lexclusion la plus totale. Cest un véritable problème
à résoudre qui se cache en réalité derrière
la course individuelle à lappropriation de la terre et ses
ressources. Les différentes interventions de lEtat ou réformes
foncières sont encore loin de
maîtriser la régulation
foncière et la gestion durable des ressources naturelles dans ce pays.
6.
Notre perspective de sécurisation foncière
locale
Notre perspective
de sécurisation foncière tient compte à la fois des
droits de différents groupes, de la nature des espaces et des enjeux
liés à la gestion des ressources naturelles. Notre observation
des problèmes fonciers locaux nous autorise à proposer une
forme de sécurisation foncière qui serait mieux adaptée
aux réalités des acteurs locaux : la «sécurisation
foncière conjointe ». Une idée qui sinspire
et sappuie sur le droit coutumier local, marqué à la
fois par linterdépendance entre les groupes par alliances ou
la complémentarité entre les différents droits sur le
sol.