EUROPEAN ACADEMY
OF LEGAL THEORY
Droit de lenvironnement à lépreuve des
représentations culturelles africaines : La nécessité
dune approche dialectique et plus
responsable.
Mémoire
présenté
en vue
de lobtention du Mastère (D.E.A) en Théorie du
Droit
Monsieur SITACK YOMBATINA Béni
Sous la direction de :
M. le Prof. Dr. François OST.
DEDICACE
A
mes grands-parents, Koumatoloum et Madjimale qui mont appris au village
à aimer la nature.
A tous ceux et celles qui souffrent en Afrique,
et, dans le reste du monde des méfaits de la dégradation de
lenvironnement.
Le présent travail met un terme du
moins provisoire au cheminement intellectuel effectué lors
dun séjour bruxellois stimulant, fructueux et riche en
découvertes.
Ce séjour naurait jamais été
possible sans le soutien financier de lAcadémie Européenne
de Théorie du Droit de Bruxelles, que nous remercions très
chaleureusement.
Au cours de cette étude, les conseils, les
avis et les observations dun groupe de professeurs avertis de diverses
parties du monde nous ont été particulièrement
précieux. Quils en soient vivement
remerciés.
En particulier :
1 A
Paris .
Nous remercions ici le professeur Etienne Leroy,
Directeur du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris1 (LAJP)
et du D.E.A., des Etudes Africaines Interdisciplinaire à
lUniversité de Paris1 Panthéon-Sorbonne, Alain Rochegude,
Consultant en Aménagement institutionnel et professeur associé
à lUniversité de Paris1, Camille Kuyu Mwissa, Professeur
à lUniversité de Paris1, Chercheur au LAJP et Directeur
de lAcadémie Africaine de Théorie du Droit, Ibra ciré
NDIAYE, Chargé denseignement et Chercheur au LAJP,
Cathérine Choquet, Secrétaire Générale du GEMDEV
à lUniversité de Paris1.
Tous ont été pour nous des sources
inestimables dinformations, didées, de jugements critiques
et de conseils pendant notre stage dun mois au Laboratoire
dAnthropologie Juridique de Paris1.
Nous voudrions également remercier, Monsieur
Jean Tounkara et Madame Marina Krivitzky, respectivement responsable du Fonds
Africaniste, la Bibliothèque du Centre de Recherche Africain (CRA)
de lUniversité Paris1 et responsable de la Bibliothèque
dEtudes Doctorales Juridiques de la Sorbonne à Paris1, qui nous
ont procuré avec la plus grande compétence des documents difficiles
à trouver, et les secrétaires des Etudes Africaines, Louise
Villaréal et Danièle Bobinski, LAJP-université Paris1,
pour leur accueil et hospitalité, on ne peut plus
africaines.
2 A Bruxelles.
Nous tenons à remercier les Professeurs Mark
Van Hoecke, Serge Gutwirth, Petev V., Marie-Claire Foblets, dont les riches
enseignements, les suggestions et les judicieuses réflexions sur le
droit de lenvironnement nous ont été utilement
précieux.
Ils ne sauraient bien sûr être tenus
pour responsables de la teneur de la présente
étude.
Nos remerciements vont aussi à lendroit
des responsables des Bibliothèques des Facultés Universitaires
Saint-Louis (FUSL) et de la Katholieke Universiteit Brussel
(KUB).
Nous sommes également reconnaissant dune
part, à Mesdames Bayet et De Witte pour lencadrement maternel
dont elles nous ont comblé, dautre part, au Criminologue Yves
Cartuyvels dont la générosité et lamitié
ont été pour nous une source dencouragement extraordinaire.
En tous cas, merci pour lordinateur mis à
notre disposition pour la saisie de ce Mémoire.
Que nos camarades, notamment Julen Extabe, Monica
Lopez, Céline Amar Vaidas V., Emmanuel Babissagana trouvent
également dans ces lignes lexpression de notre sincère
reconnaissance pour les échanges fructueux que nous avons eus au cours
de lannée.
A tous ceux qui voudront bien lire ce travail, faire
des amendements et formuler dautres souhaits pour une réflexion
plus approfondie, nous disons merci.
Enfin, pour terminer, nous ne saurions assez souligner
à quel point la curiosité et lhonnêteté
intellectuelles de Monsieur le Professeur François Ost, Directeur
de lAcadémie Européenne de Théorie du Droit, tant
dans les cours dispensés que dans les conseils prodigués ont
suscité en nous vocation, respect et admiration pour cet homme.
Notre dette
à son égard va
bien au-delà du présent travail quil a, malgré
ses nombreuses occupations, bien voulu diriger.
Nous lui devons une gratitude particulière
et un remerciement spécial.
A toutes et à tous,
merci.
Iii
LISTE DES
ACRONYMES
..iv
INTRODUCTION
GENERALE
1
PREMIERE PARTIE : DES FONDEMENTS
ET SOURCES DU DROIT DE
LENVIRONNEMENT
11
Chapitre premier : Des fondements scientifiques
du droit de
lenvironnement
..13
Section I : Des rapports scientifiques de
lhomme et de la nature
14
Section
III : De la contribution africaine dans la formation du droit de
lenvironnement : entre lespoir et la déception
.26
Chapitre
deuxième : Des sources générales du droit de
lenvironnement
.42
Section I :
Des sources internationales et communautaires du droit de
lenvironnement
43
Section II : Des sources du droit de
lenvironnement en
Afrique
.50
DEUXIEME PARTIE : POUR UN
DROIT DE LENVIRONNEMENT PLUS RESPONSABLE , PLUS EFFICACE ET PLUS
EFFECTIF EN
AFRIQUE
57
Chapitre premier : La nécessité
dune réconciliation entre lenvironnement et le
développement.Condition sine qua non dun développement
« durable »
pour les
« générations
futures »
59
Section I : Notions et concepts en conflits
et en
débats
60
Section
II : Lenvironnement doit sallier le développement,
lequel doit « être
durable »
69
Chapitre deuxième : La nécessité
dune réflexion théorique et plus constructive du droit
de lenvironnement en
Afrique
..77
Section I : Le droit de
lenvironnement : vers de nouveaux fondements scientifiques ?
.79
Section II : Lhomme et la nature :
une gestion à
réinventer ?
89
CONCLUSION
GENERALE
.98
BIBLIOGRAPHIE
SELECTIONNEE
..102
TABLE DES
MATIERES
..107
iv
LISTE DES ACRONYMES
AFDI :
Annuaire
Français de Droit International.
AFP :
Agence
Française de Presse.
ATP
: Agence
Tchadienne de Presse.
BAD
: Banque
Africaine de Développement.
CCE :
Commission
des Communautés Européennes.
CEA
: Commission
Économique des Nations-Unies pour l'Afrique.
CIJ
: Cour
Internationale de Justice.
CILSS
:
Comité Inter-États de Lutte contre la Sécheresse au
Sahel.
CMED :
Commission
Mondiale sur l'Environnement et le Développement.
CNUED:Conférence
des Nations-Unies pour l'Environnement et le
Développement.
CRA : Centre
de Recherche Africaine
DEA : Diplôme
dEtude Approfondie
DIE
: Droit
International de l'Environnement.
DIP :
Droit
International Public.
FME :
Fonds
Mondial pour l'Environnement.
FMI
: Fonds
Monétaire International.
FUSL
:
Facultés Universitaires Saint-Louis, Bruxelles.
GEMDEV :
Groupement Economie Mondiale, Tiers-monde,
Développement
KUB
: Katholieke
Universiteit Brussel.
LAJP :
Laboratoire
d'Anthropologie Juridique de Paris1.
NOEI
: Nouvel
Ordre Économique International.
OCDE
:
Organisation de Coopération pour le Développement
Économique.
ONG :
Organisation
Non Gouvernementale.
ONU
:
Organisation des Nations-Unies.
OUA
:
Organisation de l'Unité Africaine.
PCH :
Patrimoine
Commun de l'Humanité.
PIB :
Produit
Intérieur Brut.
PNUE :
Programme
des Nations-Unies pour l'Environnement.
PUF :
Presses
Universitaires de France.
SADCC :
Conférence
de Coordination du Développement de l'Afrique
Australe.
UICN
: Union
pour la Conservation de la Nature.
VUB
: Vrieje
Universiteit Brussel.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Notre planète, ou
l'écosphère[1], de par ses composantes, constitue un système
complexe et dynamique. Certaines activités humaines, que ce soit au
niveau de la production ou de la consommation, peuvent déstabiliser
ce système.
Au cours des dernières décennies,
la croissance économique et démographique exponentielle, les
sources de pollution, de plus en plus nombreuses et dangereuses, ainsi que
l'exploitation excessive des ressources naturelles ont, en effet, accru,
et, de façon alarmante, les pressions sur notre planète, allant
jusqu'à potentiellement menacer la survie même de l'espèce
humaine.
Il y a peu d'années encore, notre planète
- ou pour le dire autrement - l'environnement apparaissait comme étant
une idée à la
mode[2], un luxe pour pays riches, un
mythe[3], une nouvelle terreur de l'an 1000 liée
à l'imprévisibilité des catastrophes écologiques,
un cri d'alarme des économistes et philosophes sur les limites de
la croissance, bref, une utopie contradictoire avec le mythe de la
croissance.
Aujourd'hui éclate au grand jour ce qui
résultait depuis longtemps des réflexions des naturalistes
et écologues, à savoir que l'homme comme espèce vivante
fait partie d'un système complexe de relations et d'interrelations
avec son milieu
naturel[4].
Il en résulte que toute action humaine a
des effets directs ou indirects insoupçonnés.
De ce fait, l'environnement, ensemble des facteurs
qui influent sur le milieu dans lequel l'homme vit, est devenu une
préoccupation majeure non seulement des pays riches mais aussi des
pays pauvres.
La protection de l'environnement a fini par s'imposer
à la conscience universelle comme une
nécessité.
Dès lors : la problématique de la
gestion environnementale constitue un défi planétaire, auquel
l'humanité est confrontée à plusieurs niveaux et dans
les domaines différents.
Elle se trouve à toutes les échelles,
du niveau local au niveau mondial, où elle se traduit en termes de
conservation.
Objet de préoccupations pressantes, enjeu
de grande importance, notamment pour les populations en situation de crise
conjoncturelle, environnementale et socio-économique, il convient
d'y répondre en apportant des éléments essentiels pour
l'effectivité de solutions urgentes.
Ainsi, l'environnement, cette nature transformée
par la modernité
occidentale[5], se trouve à la confluence des jugements
de valeurs et de vérités.
Au niveau de l'Afrique, la prise de conscience des
préoccupations environnementales est perceptible dès l'accession
de la plupart des États du continent à l'indépendance.
Elle se manifeste soit par l'adhésion des
États en question à des conventions antérieures en
matière de protection de l'environnement, soit par l'adoption de nouvelles
conventions en la matière dont la plus importante alors est
incontestablement la convention d'Alger de 1968 sur la conservation de la
nature et des ressources naturelles. Cette convention est aussi un
témoignage de l'intérêt que l'Organisation de l'Unité
Africaine (O.U.A.) porte, dès cette époque, à la protection
de la nature.
Le mouvement écologique touche cependant,
l'Afrique bien tardivement, après la conférence de Stockholm
de 1972 et surtout à l'approche de la conférence de RIO de
1992.
Mais par-dessus tout, c'est la découverte
d'un trafic de déchets dangereux, entre pays industrialisés
et certains pays africains, en 1998, qui aura véritablement
déclenché l'alerte écologique en
Afrique.
Depuis
lors, le continent est entré de plain-pied dans la dynamique
environnementaliste qui véhicule un nouvel art de vivre à travers
les notions de gestion écologiquement rationnelle et de
développement
durable[6].
Notions qui ont bien du mal à être
intégrées et appliquées, eu égard, d'une part,
aux représentations culturelles africaines de l'environnement, et,
d'autre part à la nature même complexe du droit de
l'environnement.
En Afrique, les représentations locales de
l'environnement intègrent outre les problèmes juridiques, des
problèmes humains, religieux et socio-anthropologiques qui rendent
les distinctions occidentales entre
<<nature>> et
<<culture>>,
<<objet>> et
<<sujet>>
inappropriées pour comprendre les conceptions africaines des relations
entre les hommes et l'environnement.
Ainsi, l'idée de l'environnement renvoie
à un ensemble de représentations inhérentes au système
de gestion collective de la nature.
La présente réflexion se justifie
d'une part, par le constat d'échec du droit de l'environnement, en
dépit du nombre impressionnant des traités
internationaux[7] relatif à cette nouvelle branche du droit
international, d'autre part, par l'impératif catégorique de
mettre en place une nouvelle approche dialectique et plus responsable du
droit de l'environnement.
Dès lors, l'érection d'un nouveau
contrat naturel (pas celui de Serres) peut constituer un objectif d'un nouveau
droit.
Le point de départ de cette nouvelle construction
peut parfaitement être en un sens l'homme lui-même, à
condition de répondre à un certain nombre de questions qui
nous viennent à l'instant à l'esprit.
À quoi sert le droit de l'environnement ?
Ces quelques neuf cents instruments ont-ils contribué à
améliorer l'état de notre biosphère ? Dans quelle mesure
ces conventions sont-elles réellement appliquées ? N'est-ce
pas surtout le nombre des catastrophes écologiques qui caractérise
la situation actuelle ?.
Le
développement rapide des instruments du droit international de
l'environnement au cours d'une période relativement brève -
une trentaine d'année à peine - ne pose t-elle pas la question
de leur efficacité ?
Il est certain que ces questions peuvent être
posées sinon légitimement, du moins sous le signe d'un certain
réalisme. Toutefois, le réalisme apparent ne signifie pas
véritablement la prise en compte des réalités. Or, les
réalités, en matière du droit de l'environnement sont
de différents ordres. Il faut bien en tenir
compte.
On l'aura compris : le nouveau contrat naturel impose
la mise en place d'un droit de l'environnement respectueux de la terre de
nos ancêtres, de la gestion rationnelle et responsable de notre
environnement et soucieux des générations
futures.
La
leçon de J. Dorst est significative à plus d'un titre :
<< le vieux pacte qui unissait l'homme à la nature a été
brisé, car l'homme croit maintenant posséder suffisamment de
puissance pour s'affranchir du vaste complexe biologique qui fut le sien
depuis qu'il est sur
terre.>>[8]On connaît la suite de l'histoire, du moins
ce que la science a fait de la nature.
Il est peut être temps, face à
l'incertitude scientifique, d'élaborer une éthique environnementale
qui pourrait être du type :
<< si l'on ne voit pas où
l'on va, mieux vaut questionner notre passé, pour savoir d'où
l'on vient.>>
L'objet de notre étude ici n'est pas de faire
l'histoire du droit de l'environnement, moins encore de présenter
les institutions politiques, administratives ou institutionnelles au service
de ce droit (une littérature abondante existe sur la question). Le
sujet de notre Mémoire, qui avouons-le, est une préoccupation
constante, de longue date, porte sur :
Le Droit de l'environnement à
l'épreuve des représentations culturelles africaines. La
nécessité d'une approche dialectique et plus
responsable.
Aussi, avant de revenir sur le sujet, il convient
tout d'abord de tenter une approche de la matière.
I - Des difficultés d'une définition de la
matière
Que l'environnement soit
<< à toutes les sauces >> explique que le droit
de l'environnement ait acquis - au moins théoriquement - droit de
cité. Mais de même que le mot
<< environnement >>
peut faire l'objet d'acceptions diverses, les perceptions du droit de
l'environnement sont multiples. L'étude du droit de l'environnement
suppose que l'on se détermine préalablement sur une
définition de ce concept sur laquelle bien des querelles
étymologiques s'exercent.
A - Notion
d'environnement
Importé d'Amérique dans les années
soixante, l'environnement suscite un engouement trop rapide.
Rebattu par les médias, utilisé à
tout propos, hors de propos, il souffre de cet excès. Le mot existe
mais il ne correspond pas à un concept précis. L'environnement
se situe entre une acception trop étroite : la protection de la nature
et une approche trop globale attirant à elle l'ensemble des
problèmes touchant à la qualité de la vie, au
<< bonheur >> des êtres dont déjà
Saint Augustin avait dénombré deux cent vingt-huit
définitions[9]. Le dictionnaire Larousse définit
l'environnement comme << l'ensemble
des éléments naturels ou artificiels qui conditionnent la vie
de l'homme
>>[10].
Il a fini par s'orienter progressivement vers une
acception double : <<le cadre
de vie de l'individu
>>[11] ou << l'ensemble des conditions... susceptibles d'agir sur
les organismes vivants et les activités humaines
>>[12]
Toutefois, le juriste ne peut se contenter ni de
ces imprécisions terminologiques - l'un de ses meilleurs
spécialistes parle de "notion
caméléon"[13] - ni de l'approche éminemment respectable
des politistes ou des sociologues.
Pour ces derniers, en effet, l'objet
"environnement" n'existe pas en
lui-même mais n'est qu'une donnée politique ou sociale de nature
conjoncturelle qui se construit à partir des objectifs
déclarés par les pouvoirs publics et par les partis
politiques[14],ou à partir des perceptions qui se
dégagent sur le terrain chez les acteurs
sociaux[15].
Pour le Conseil de l'Europe, l'environnement comprend
:
- les ressources
naturelles abiotiques et biotiques telles que l'air, l'eau, le sol, la faune
et la flore et l'interaction entre les mêmes
facteurs,
- les biens
qui composent l'héritage culturel, et
- les aspects
caractéristiques du paysage.
On le voit, toutes les définitions, si elles
ont le mérite d'être présentées, ne prennent pas
en compte, du moins pas suffisamment, les représentations et conceptions
africaines de l'environnement.
Toutes se fondent sur une approche scientifique
d'une part, et l'approche utilitariste d'autre part.
Aussi, proposerions-nous une définition de
l'environnement dans la vision africaine comme suit : on entend par
environnement, << l'ensemble
des éléments et forces visibles (ressources naturelles, abiotiques
et biotiques dont l'africain tire sa subsistance) et invisibles (l'ensemble
des relations qu'il entretient avec la nature) qui conditionnent la vie de
l'homme>>.
D'une part, cette définition proposée
prend en compte les composantes traditionnelles de l'environnement, à
savoir la nature (constituée des espèces animales et
végétales) et les ressources naturelles (composée de
l'eau, l'air, du sol, du sous-sol ...); d'autre part, elle intègre
une dimension sacrée et communautaire constituant en même temps
le lien et la limite dans l'action et la relation de l'homme à sa
nature.
Ainsi, si le terme
<<environnement>> ne
fait pas encore l'objet d'une définition générale
universellement admise en droit
positif[16], le droit de l'environnement, lui, ne peut se
définir que d'une manière fonctionnelle, par sa finalité
qui est la protection de
l'environnement.[17]
B - Le Droit de l'environnement
On pourrait définir le droit de l'environnement
suivant un critère finaliste ou dans une perspective
téléologique comme l'ont fait divers
auteurs[18]; il s'entendrait alors de l'ensemble des règles
juridiques tendues vers la suppression ou - à tout le moins -, la
limitation des atteintes à l'environnement.
Cette définition par les fins ne renseigne
cependant pas suffisamment sur la substance même du droit de
l'environnement ni sur son champ d'application. Seule une définition
matérielle permet d'y parvenir et de situer le droit de l'environnement
par rapport aux droits voisins.
Les développements récents de la
matière n'ont cessé d'élargir son champ d'application
et le <<caractère horizontal
et globalisant de l'environnement
>>19
fait pénétrer cette matière dans presque toutes
les branches du droit.
Il y aurait ainsi un noyau central constitué
par le droit de la nature, le droit minier, le droit de l'aménagement
du territoire, le droit applicable aux espaces fragiles (littoral, montagnes,
zones humides); et enfin un second cercle constitué de droits plus
éloignés du noyau central mais pouvant
<<à l'occasion être
affectés par le droit de l'environnement>> notamment le
droit du travail, le droit de la consommation, le droit de l'énergie,
le droit économique, le droit des sports et des loisirs,
etc..
Ayant déjà défini
précédemment le terme environnement, et au regard de ce qui
constitue la subsistance du droit de l'environnement, on peut définir
celui-ci comme étant l'ensemble des règles et techniques juridiques
ainsi que des institutions relatives à la protection du milieu et
à la conservation de la nature et des ressources
naturelles.
Le droit de l'environnement poursuit principalement
deux objectifs : le maintien de la diversité biologique et la promotion
d'un développement durable.
L'enjeu immédiat de la poursuite de ces objectifs
est évident : s'il s'agit d'éviter ou à tout le moins
de freiner l'irréversible détérioration des ressources
naturelles et des rapports humains, il s'agit surtout dans l'immédiat
de tenter que les choses ne soient pas aggravées par la perpétuation
d'une attitude de démiurges.
En
cela, le droit de l'environnement s'il veut être efficace et effectif
doit avoir comme premier enjeu la régulation des excès potentiels
de la science.
Ceci explique en partie notre hypothèse et
approche méthodologiques dont il convient à présent
de connaître.
II - Problématique et Hypothèse
Cette réflexion aborde la crise environnementale
sous l'angle juridique, socio-anthropologique et éthique. Il pose
donc, inévitablement, la question axiologique
:<<Que devons-nous faire>> face à la crise
écologique ? à la crise de notre représentation à
la nature ? crise de notre rapport à la nature ?.
L'étendue du désastre est telle qu'il
faut bien en revenir aux bases : l'écologie est la science des rapports
de l'homme avec son milieu, écrit James Fairhead
[19].
La prise de conscience de la nécessité
de protéger l'environnement incite à porter une attention
particulière aux représentations que se font les habitants
eux-mêmes de relations entre les hommes et
l'environnement.
Notre conviction est en effet que, tant que n'aura
pas été repensé notre rapport à la nature, tant
que n'aura pas été pris en compte la dimension sacrée
et communautaire de l'environnement, nos efforts seront vains, comme en
témoigne d'ailleurs la très relative effectivité du
droit de l'environnement et la très modeste efficacité des
politiques publiques africaines en ce domaine.
La
thèse fondamentale de cette étude est que le jeune droit de
l'environnement n'a pas pris suffisamment en compte les spécificités
locales de l'environnement.
III - Approche Méthodologique
Assurément, une théorie du droit de
l'environnement reste à écrire : il faudrait, en effet, à
la fois repenser les concepts et catégories juridiques classiques
en fonction des préoccupations environnementalistes et forger des
concepts et catégories juridiques nouveaux adaptés à
la matière.
Cela devrait se faire dans le cadre d'un
"paradigme dynamique et
démocratique". Celui-ci suppose une rupture d'avec le
"paradigme mécanique
traditionnel" et implique une conception globale de la biosphère
considéré comme un Tout unique (même si les
représentations, elles, diffèrent d'une culture à
l'autre).
Cette "découverte" de l'unité
écosystémique de la planète implique une vision à
la fois contextuelle et systémique des problèmes environnementaux,
une conception évolutive et dynamique des processus écologiques
qui impose en définitive une approche prospective prenant en compte
le futur dans le présent.
Elle amène l'humanité à
découvrir le lien indissoluble qui existe entre l'environnement et
le développement, l'interpelle sur l'immense défi que lui lance
la pauvreté depuis des décennies, et impose de trouver des
réponses juridiques à des questions qui à première
vue ne le sont pas.
Le nouveau droit de l'environnement doit cerner
et meubler des notions aussi fuyantes et complexes que celles de
<<développement
durable>>, de
<<patrimoine commun de
l'humanité>>, de
<<générations
futures>>, de
<<souveraineté
étatique>>, de
<<propriété
privée>> etc.
On le voit bien : seule une approche dialectique
définissant les relations entre l'homme et sa nature c'est-à-dire,
ce que l'homme fait de sa nature et ce que la nature attend de l'homme peut
permettre de faire un saut qualitatif et ainsi de prendre l'exacte mesure
de la double réduction, antagonique : celle qui fait de la nature
un objet et celle qui, par un simple changement de signe, la transforme en
sujet.
Enfin, avant de présenter le plan de notre
étude, il convient de souligner que, par sa nature, notre sujet est
abordé à la fois dans ses aspects de droit interne africain
et dans ses aspects de droit international et de droit
comparé.
L'étendue de ce champ d'étude n'en
constitue pas moins une difficulté de taille. Une telle ambition est
cependant justifiée par la nécessité d'avoir une vue
globale des problèmes écologiques et de la situation juridique
actuelle à l'échelle continentale.
Reste néanmoins que la situation du droit
de l'environnement dans les "Afriques" ne peut être étudiée
avec toute la profondeur voulue.
C'est pourquoi, cette étude se veut avant
tout un début de recherche même si l'approche est pluridisciplinaire
et s'inscrit dans la logique de notre formation en théorie du
droit.
IV - Plan de l'étude
Située au carrefour d'une conception occidentale
et africaine de l'environnement, notre réflexion sur le droit de
l'environnement, qui tente de surmonter les dualismes classiques se place
dans une relation transformative, un jeu permanent d'interactions qui contribuent
à redéfinir les termes en présence.
Aussi convient-il de structurer notre travail de
manière à embrasser autant de facteurs et de paramètres
que possible.
Notre plan de rédaction est organisé
autour de deux parties .
A travers
la première partie , nous tentons une entrée en matière
par une approche des fondements et des sources du droit de l'environnement.
Ainsi, nous passons successivement en revue les
fondements scientifiques du droit de l'environnement (Chapitre premier) et
les sources du droit de l'environnement (chapitre
deuxième).
La deuxième partie pose quelques jalons pour
un droit de l'environnement plus responsable, plus effectif et plus efficace
en Afrique.
Celui-ci passe aussi bien par la nécessité
d'une réconciliation entre l'environnement et le développement.
Condition sine qua non d'un
"développement durable"
pour les "générations
futures" (Chapitre premier) que par la nécessité d'une
réflexion théorique et constructive d'un droit de l'environnement
plus effectif en Afrique (Chapitre deuxième).
PREMIERE PARTIE : DES FONDEMENTS ET SOURCES DU DROIT DE
L'ENVIRONNEMENT
L'étude du droit de l'environnement soulève
un certain nombre de problèmes de caractère général,
ayant trait à la fois aux fondements mêmes de ce droit, aux
sources et processus de fabrication de ses normes, de ses principes ainsi
qu'à ses aspects transversaux et/ ou
transectoriels.
De
tels problèmes touchant d'une part, à différents aspects
du droit de l'environnement, déjà complexe, ne sauraient être
abordés de façon fragmentaire sans porter préjudice
à leur cohérence globale; on en aurait, en tout état
de cause, qu'une vue
partielle[20].
D'autre part, situé au carrefour du droit
international, du droit communautaire et des droits nationaux, le droit de
l'environnement entretient aussi des relations avec la
science.
Cette première partie a un double objectif
: d'abord, tenter de comprendre le droit de l'environnement par une approche
des fondements scientifiques (Chapitre premier), ensuite, nous lancer autant
que faire se peut, à la conquête des sources générales
de ce droit (Chapitre deuxième).
Ce
travail de reconstruction préalable devrait nous amener à
interroger le "présent" du droit de
l'environnement.
Est-il un droit des textes, des concepts ou un droit
au service de l'environnement et du développement ?
En d'autres termes, comment rendre ce droit efficace
et effectif, notamment en Afrique ?
CHAPITRE PREMIER : DES FONDEMENTS SCIENTIFIQUES DU DROIT DE
L'ENVIRONNEMENT
La liaison entre la science et le droit autour du
paradigme environnementale postule l'existence d'une réflexion critique
sur le droit de l'environnement, postulat de la remise en cause, justement
de la science et du
droit[21].
La question est essentielle : pourquoi plus que
tout autre objet l'environnement repose t-il sans cesse le problème
des fondements ?
S'agit-il d'édicter des normes similaires
aux principes valides depuis que le droit est droit ou d'instaurer une
spécificité juridique autour de deux règnes naturellement
distinctes, l'humain et le non-humain ?
Quel peut être le fondement des fondements
du droit de l'environnement ?
Considéré sous l'angle africain, le
droit de l'environnement se trouve confronté aux représentations
culturelles que l'homme africain a de l'environnement d'une part, et, d'autre
part à son articulation en fonctions des réalités
écologiques propre au continent.
Pour notre part, il s'agira ici de réfléchir
sur les rapports science et droit de manière historique et dialectique
afin d'appréhender ce que Michel Serres appelle
l'épistémodicée[22] et de voir en quoi, cette singularité
occidentale est différentes des spécificités
africaines.
Aussi, avant de revenir sur l'apport de l'Afrique
dans la formation et l'émergence du droit de l'environnement (Section
3), convient-il d'examiner, sans aucune prétention d'exhaustivité,
cette question de fondements tant au regard des rapports scientifiques entre
l'homme et la nature (Section 1) qu'au regard des rapports juridiques (Section
2).
SECTION I : DES RAPPORTS SCIENTIFIQUES DE L'HOMME ET DE LA
NATURE
Le droit de l'environnement - ou pour le
dire simplement - le droit de
la protection de la nature est l'expression d'un constat scientifique - la
dégradation des milieux et la disparition des espèces - ainsi
que la mise en oeuvre des moyens d'y remédier.
Ardente obligation, la protection de la nature ne
saurait être restreinte à une mission de conservation sauvage.
On a assisté peu à peu au passage d'une logique de gestion
utilitaire des ressources naturelles à la prise en compte de la
biodiversité, en tant que telle, dans la perspective d'un
développement durable qui permette le renouvellement harmonieux des
ressources.
Mais pour en arriver là, il y a eu une
bifurcation de l'histoire : ou la mort ou la symbiose. Or cette conclusion
philosophique, jadis connue et pratiquée par les cultures agraires
et maritimes, resterait lettre morte si elle ne s'inscrivait pas dans un
droit[23].
L'assertion de Michel Serres, si elle a le mérite
de stigmatiser radicalement les présupposés
épistémologiques du droit de l'environnement, interroge, en
une problématique fertile, l'enracinement de cette branche de droit
spécifique au sein de l'ordre juridique.
§ I - Au commencement était les dieux
....
Il faut scruter un peu l'histoire. Et comme le dit
superbement un proverbe bien connu du sud du Tchad :
<<pour mieux avancer, il faut au préalable avoir
mesuré le chemin parcouru>>.
On ne souille pas ce qui est
sacré[24].
Par les croyances porteuses de respect, les religions
primitives exprimaient la solidarité de l'homme avec la nature. Les
rites sacralisaient la prudence et l'exploitation mesurée. La source
et l'arbre avaient une âme.
Les Égyptiens vénèrent les
animaux. Et on chantait jadis en Russie pour calmer les génies des
rivières[25].
On le voit, les rapports de l'homme à son
environnement étaient fondées sur la solidarité, la
prudence et la sacralité.
Cette vision était partagée, du moins
en partie, et, à des exceptions près, par la culture occidentale,
la culture indienne, la culture chinoise et la culture
africaine.
Ainsi, à la différence de l'homme
moderne qui, délivré de toute attache cosmologique, transforme
sans frein le monde naturel par sa technologie, l'homme primitif, quant à
lui, ne se risque à perturber l'ordre du monde qu'au prix d'infinies
précautions, conscient qu'il est de son appartenance à un univers
cosmique au sein duquel nature et société, groupe et individu,
chose et personne, ne se distinguent
guère[26].
En Afrique, (car c'est bien de l'Afrique qu'il s'agit
ici) les rapports de l'homme à la nature, en d'autres termes, de
l'agriculteur ou de l'éleveur africain à son environnement
est un rapport fait de respect, de protection et de dialogue permanent et
renouvelé.
L'homme
africain voit son environnement physique comme constitué de
différents éléments mus et vivifiés par les forces
divines et les esprits sont considérés comme les véritables
propriétaires de la nature et de ses composantes.
Parlant de ces relations relativement amicales,
Jean Pierre Magnant écrit :
<<A côté des forces
qui animent la nature et garantissent le bon fonctionnement de cycles
saisonniers, d'autres esprits, sortes d'anges gardiens, protègent
les lignages et leurs membres, tandis que d'autres esprits encore assurent
une protection efficace contre telle ou telle
menace>>[27].
Les anthropologues évoquent les innombrables
rites par lesquels les sociétés traditionnelles entendent se
concilier les éléments naturels ou racheter les
prélèvements opérés : pièces de monnaies
jetées dans les cours d'eau avant de les traverser, autorisations
sollicitées des esprits de la forêt avant de procéder
aux brûlis
....[28].
Mais est-ce pour autant dire que la nature est-elle
encore
<<enchantée>>
?
Bien
sûr que non, surtout avec l'arrivée de Descartes et des
autres...
§ II - Puis Descartes est venu...
Avec Descartes, le monde se reconstruit autour de
l'homme, qui pense - et la nature, qui ne pense pas, est reléguée
au rang des accessoires - <<
Mundus est fabula.>> L'univers des choses, passif, ne vaut que
par l'emprise qu'exerce sur lui l'animal pensant. Et l'humanisme de se doubler
d'un corollaire pervers :
l'anti-humanisme[29]. <<
L'homme doit se rendre maître et possesseur de la
nature>>[30]. Ainsi s'amorce la lignée des philosophes
qui ont façonné des nouveaux modes de pensée, Hegel,
Bacon, Locke, Bentham.
Avec Descartes, naissait une science contemporaine
conçue comme la science positiviste et inductiviste. Elle repose donc
sur une rationalité et une objectivité. Elle devient une science
prédictive, et entière expression de la raison. La science
cartésienne se caractérise d'une part, par le rationalisme
: la "foi" en la science (ses vertus, sa vérité, sa méthode)
et, d'autre part, par le mécanisme (tout dans la nature est
géométrie) contrairement au vitalisme hérité
d'Aristote[31].
Cette philosophie mécaniste réduit
ainsi la nature à une immense horloge : tout est loi de transmission
et sciences des structures.
Dès lors, tout homme possède le droit
de la raison et seule la méthode scientifique est susceptible d'aboutir
à la connaissance vraie.
En somme, la science tente de
<<rendre plus intelligible la complexité du
monde>>[32] d'une façon
<<élucidante, enrichissante,
conquérante,
triomphante>>[33] qui, inéluctablement, engendre certaines
interrogations relatives à son statut
suprême.
De ce fait, l'instrumentalisation de la connaissance
ouvre la voie à la figure moderne de la science contemporaine. Celle-ci
désigne alors une représentation déterminée de
la nature qui s'est construite au cours d'un processus historique propre
au monde
occidental[34].
De cette philosophie, le livre II du code civil
représente le reflet fidèle. Ce titre est consacré aux
biens : le droit réel, rapport direct de l'homme et de la chose, exprime
un rapport de soumission.
L'ensemble
du système est ordonné autour du droit de propriété.
Or, le droit de propriété tel que le sacralise l'article 544
du code civil est le <<droit
de jouir et disposer des choses de la manière la plus
absolue>>.
Ceci
peut signifier que leur propriétaire peut non seulement s'en servir,
non seulement en percevoir les fruits, légumes du jardin, loyers de
l'immeuble, mais même en abuser.
On l'aura remarqué : le propriétaire
peut d'une part, s'en priver, juridiquement, par don, vente ou legs mais
aussi d'autre part, même physiquement, il a le droit de les
détruire[35].
Conséquence : brûler, jeter, tuer en
anéantissant sa chose, devient désormais possible pour
quiconque, le propriétaire exerce sa maîtrise de la manière
la plus absolue.
La question qui vient tout de suite à l'esprit
est celle de savoir si notre histoire qui se voulait commune ne vient-elle
pas de connaître une bifurcation ?
Il y a l'émergence d'un nouveau paradigme,
c'est le moins que l'on puisse dire.
On comprendra très vite que le paradigme
africain s'écarte sensiblement de celui que fournit l'Occident.
Et comme le dit à juste titre, le grand
africaniste, Étienne Leroy,
<< la généralisation
du droit de propriété privée se heurte à un certain
nombre de problèmes. Le problème fondamental est que les
sociétés africaines ne connaissent pas le droit de
propriété privée de la
terre.>>[36].
Et
donc ajoute t-il, <<toute
réflexion qui aborde les rapports de l'homme à la terre en
réfléchissant ces problèmes en fonction de notre
définition du droit de propriété et de ses
démembrements est vaine, parce que les Africains pensaient le rapport
de l'homme à la terre en fonction d'autres paramètres que celui
de la propriété
foncière[37]>>.
Cette philosophie trouve un renfort de poids avec
l'avènement de la société industrielle au cours des
XIX et XX èmes siècles.
A la
soif de domination se joint alors la religion du profit.
Il était peut être temps de revenir
à des meilleurs sentiments et de remettre les lunettes non
pas celles que nous proposent
Galilée, moins encore celles de Copernic et de Bacon (celles de la
technoscience) mais celles qui nous permettent de voir la nature comme du
"donné" mais aussi du
"construit".
Si la nature nous a été donnée,
léguée : nous sommes alors des locataires et des gérants.
Et comme tout bon locataire, nous devons protéger, nettoyer, garder
notre nature, bref le construire pour les générations
présentes et bien entendu, celles à venir. Il s'agit là
en somme, d'une histoire, et un sens, tout aussi bien : une direction et
une signification.
§ III - La prise de conscience
universelle
La prise de conscience universelle de la protection
de l'environnement s'est imposée comme une nécessité.
En effet, l'altération des grands équilibres de la planète,
l'érosion de la diversité génétique, la
raréfaction ou la disparition des espèces vivantes, l'exploitation
sans pause du
minéral...[38] acculent l'homme à une prise de conscience
réactive en vue d'une nouvelle problématisation de son rapport
à la nature, en somme d'une approche fondamentale ouverte sur une
perspective de mise en relation écosystémique entre le sujet
et l'objet.
On a l'impression que l'homme vient de découvrir
que les ressources n'étaient pas aussi illimitées qu'il pouvait
le penser.
La conception suivant laquelle la puissance de la
science et de la technique ne connaîtrait aucun frein, paraît
soudain singulièrement naïve. Une très légère
inquiétude trouble ses certitudes. Et beaucoup commencent à
se demander si, à tant vouloir maîtriser, à se couper
systématiquement de ses racines, la race humaine n'est pas en train
de négliger une donnée vitale pour sa survie, qu'un obscur
sens de la téléonomie la porte à prendre en
compte.
Dès
lors on peut se demander : il avait conquit. Avait-il pour autant maîtriser
?.
D'autre part, n'est-il pas surprenant que le même
sort soit réservé par principe à toutes les choses sans
distinction ?
Il semble bien que certaines choses méritent
plus. La terre pour commencer :
<<Du fait de sa nature unique
et du rôle crucial qu'elle joue dans l'établissement humain,
elle ne peut être traitée comme un bien ordinaire,
contrôlé par les individus et soumis aux pressions et aux
échecs du
marché>>[39]. Cette déclaration remémore la sagesse
indienne perpétrée par les pionniers américains :
<< ils croyaient que la terre
n'appartenaient pas aux hommes mais que les hommes appartenaient à
la terre, et que la terre ne les laisserait vivre et se nourrir d'elle qu'autant
qu'ils se comporteraient convenablement; et que s'ils se comportaient mal,
elle les rejetteraient brutalement, comme un chien se secoue pour se
débarrasser de ses
puces>>[40]. L'image est belle, mais n'est-elle que cela ?
Seulement voilà, l'on s'avise soudainement que la même croyance
est
répandue.
D'abord, en Afrique, où un proverbe ivoirien
rappelle que <<ce n'est pas l'homme
qui est le maître de la terre, mais la terre qui est le maître
de
l'homme>>[41].
Ensuite, en Chine, la terre est tenue pour
propriété des ancêtres.
Enfin, en Égypte, à Madagascar, pour
celle des
dieux[42].
De même, dans le Coran, suivant lequel l'homme,
créature éphémère, simple passager sur terre,
n'a pas les moyens de s'y affirmer comme
propriétaire[43].
Et que dire de la tradition indienne pour qui la
terre est le lien qui unit les générations :
<<Nous n'avons hérité
la terre de nos ancêtres : nous l'avons empruntée à nos
enfants>>.
Par-delà la diversité des rites, ces
croyances transmettent le même message : tout n'est pas permis à
l'espèce humaine sur la terre. Ses droits n'y sont pas sans limites,
ils s'accompagnent de devoirs.
On le voit clairement, l'humanité dans son
ensemble est interpellée pour une seconde fois, dirons-nous.
La première fois fut à l'occasion
du récit de
Genèse[44] où Dieu confie à l'homme non seulement
le dominium sur la création mais la mission de cultiver
et de garder son environnement.
Les différents textes de la création
traduisent le récit de l'alliance que Dieu passe, non seulement avec
les hommes, mais avec la terre elle-même, avec tous les êtres
vivants sur la terre et la nature. La nature désigne alors tout ce
qui a existé, tout ce qui existe et tout ce qui
existera[45].
La séparation absolue entre sujet et objet,
ce que Bernard
Latour[46] appelle le "grand partage" ou la "constitution
moderne" entre l'homme et la nature va consacrer définitivement cette
distanciation et ce, en dépit de l'émergence d'une nouvelle
conception de la science, à la lumière du
"pluralisme de
vérité"[47]. Une conception qui devra modifier profondément
l'attitude des philosophes, scientifiques, économistes, géographes,
juristes et leur permettre de rechercher d'autres manières de concevoir
les rapports de l'homme à la
nature.
SECTION II : DES RAPPORTS JURIDIQUES DE L'HOMME ET DE LA
NATURE
Les
rapports juridiques entre le sujet et l'objet mettent en lumière la
nature nécessairement pluraliste du droit. Non pas que les textes
manquent. Ceux-ci revêtent les formes les plus diverses : espaces
réservés, autorisations, interdits de tous ordres, règles
d'aménagement du territoire, quotas de capture et seuils d'émission
tolérés.
Le droit est alors mis à contribution dans
sa dimension normative et régulatrice des rapports sociaux. Or, si
pour Michel Virally <<on
n'échappe pas au
droit>>[48], il n'en demeure pas moins qu'il ne faut pas se
lasser de dire que <<le droit
n'est pas la chose des
juristes>>[49]. Le droit procède du social.
Si le droit de l'environnement s'insère dans
les rapports juridiques de l'homme et de la nature, ceux-ci tiennent, d'une
part, dans un ordre juridique positif(§I) et, d'autre part, dans un
ordre juridique naturel (§II). Ce faisant, le droit de l'environnement
se positionne comme médiation juridique du pouvoir de l'homme sur
la nature (§III).
§ I - De la nature juridique et pluraliste du droit
La vie juridique ne se réduit pas à
ce que le droit constate. Le droit est lui-même issu des
réalités locales et de la pratique du quotidien. la distinction
entre les sources formelles et les sources réelles du droit est clairement
énoncée en tant que procédés de constatation
du droit, alors que l'essence même du droit résulte du produit
de sources
réelles[50], règles qui puisent leur existence dans
des
<<foyers>>
pluriels[51].
En Afrique, le droit est considéré
comme un instrument, parmi d'autres, destiné à faire violence
aux Africains, à leur imposer des attitudes nouvelles, de nouvelles
manières de faire, de vivre et de
penser[52].
La Conférence de Londres (décembre
1959 - janvier 1960) sur l'avenir du Droit en Afrique, concluait que
<< les questions de relations familiales, de mariages, de divorce,
de testaments et de succession sont si essentiellement personnelles qu'elles
doivent pour une grande part continuer d'être régies par le
droit coutumier de la communauté
à laquelle l'intéressé
appartient>>[53].
Dans le même ordre idées, le Ministre
Malgache de la justice déclarait en 1962 :
<<il n'est pas dans notre intention
de substituer à des règles séculaires un système
juridique nouveau, révolutionnaire, heurtant les populations et qui
n'aurait aucune chance d'être
appliqué>>[54]. La plupart des Africains, dit-il, sont donc conscient
de cette vérité éternelle exprimée par le Doyen
Ripert : <<pour qu'une loi vive,
il faut qu'elle soit reine dans le milieu
juridique>>[55]. Or, au stade actuel de l'évolution, les
milieux africains résistent aux innovations trop brutales.
Voilà qui milite en faveur du respect des
droits traditionnels.
Un tel discours, il est évident, reste
d'actualité comme en témoignent aujourd'hui encore,
l'ineffectivité et l'inefficacité des systèmes juridiques
en Afrique.
On l'aura compris : le droit ne se conçoit
pas, dès lors, comme un
<<bloc d'une seule coulée,
à l'intérieur duquel ne peut se discerner aucun
pluralisme>>[56] mais comme un ordre qui se nourrit à partir
d'éléments intérieurs
et
extérieurs.
C'est à la lumière de ces données
extérieures et intérieures qu'il est possible - nous semble
t-il - d'élaborer un droit de l'environnement qui soit efficace et
pratique.
On le voit :
<<indéfinissable mais
présent>>[57], le droit est règne de l'écart et
du lien. Il pénètre tous les domaines de la vie et de
l'activité humaine.
§ II - De la production normative d'une réalité
en dehors de l'ordre naturel
L'on peut résumer l'évolution des
rapports entre l'homme et la nature en trois moments forts
:
D'abord, la naissance géométrique
du droit naturel classique dans la nature des choses, en une bifurcation
de la physis et du
nomos, qui sous-entend que
<< la nature est essentiellement cachée par des
décisions
souveraines>>[58].
Ensuite, l'apparition d'un droit naturel
<<conventionné>>,
c'est-à-dire dont la nature de l'homme constitue la référence.
Influence du mécanisme, rationalisation cartésienne après
une sécurisation progressive, le droit suit l'évolution historique
et épistémologique de la science. L'appel au droit de la nature
change de perspective s'écartant de l'idéalisme métaphysique
antique[59].
Enfin, le positivisme juridique, s'y oppose, en
une querelle éternelle aux deux premières conceptions. Le
positivisme juridique est une conception a-référentielle du
droit. Il conçoit le droit tel qu'il est posé, d'une part,
en dehors de tout dogme, d'autre part, à travers l'émergence
d'une recherche de l'objectivité du droit car
<<l'interprétation scientifique ne peut rien faire d'autre
de plus que de dégager les significations possibles de normes
juridiques>>[60]
Or, cette quête de l'objectivation des
données juridiques va connaître très vite ses limites.
Ainsi science et technique du droit se mêlent et s'emmêlent
jusqu'à la crise contemporaine qui fait douter de la définition
du positivisme juridique. Ce déclin se traduit par une inflation des
règles juridiques, un
<<trop de droit>>,
véritable leitmotiv des temps
modernes[61], une atténuation du caractère prescriptif
des normes, pour faire bref, le phénomène s'apparente à
une déstructuration fondamentale du droit, à une
<<dilution des prescriptions
juridiques dans la production
juridique>>[62].
Dès lors se pose la question lancinante de
savoir si le droit constitue une
science[63]. Dans l'affirmative, est-elle une
<< science doublée de
technique>>[64] ?. Technique et science du droit procèdent
bien d'un même mouvement.
<< le droit se présente
d'abord comme un ensemble de règles concrètes permettant de
résoudre des problèmes et des conflits (...). En tant que science,
il prétend réaliser, au même titre que les autres sciences
humaines, une approche de la société et de
l'environnement>>[65].
Le droit façonne le réel, imprime
sa virtualité légale aux choses par le truchement de son nom,
la loi. Par la subjectivation, et l'objet se singularisant, le droit devient
alors l'enjeu de besoins sociaux divers, parfois contradictoires, dont
l'expression privilégiée est la propriété
individuelle,[66] celle du sujet, mythe de
l'usus,
fructus,
abusus, ou
"veau
d'or"[67]. Le sujet en s'objectivant ainsi atteint à
un sens, à la réalisation d'une destinée,
maîtrise et possession, plénitude du sujet eu
égard à l'objet.
Aux termes de ce double mouvement de
réciprocité (maîtrise et possession) s'esquisse le droit
de l'environnement. Il répond à l'asservissement de la nature
en un postulat de réconciliation.
Ainsi, le droit, par la qualification, fait entrer
la chose dans une catégorie, un statut, auquel s'applique de
jure, un régime juridique. Cette juridicisation de la
nature révèle un droit éminemment médiateur qui
rend possible un processus d'émancipation de son objet, selon la
conception relationnelle du droit décrite par Foqué et
Hart[68].
Par conséquent, le droit devient traduction
médiatrice de la nature, pendant que le droit de l'environnement tente
d'abord, de réduire la distanciation homme-nature, le rationnel et
le réel, ensuite de le transformer en un rapport de sens et de
justice.
§ III - Du droit de l'environnement comme médiation juridique
du pouvoir de l'homme sur la nature
Le réalisme positiviste tente de
réconcilier l'homme et la nature en une dialectique hégélienne
au sein de laquelle l'opération de qualification juridique apparaît
comme une médiation enchaînant la chose (réel) à
une logique (fiction) d'attribution d'un sens référent
déterminable.
En effet, le droit devient un
<<intermédiaire>> qui
<<médiatise>>.
Du reste, on est pas loin de ce que propose le
professeur François Ost :
<< au dualisme et au monisme,
ces deux approches réductrices et finalement complémentaires,
il faut opposer une pensée de la médiation, une pensée
du milieu qui assure le "retour du tiers"
>>[69].
Si le professeur Ost s'insurge contre les thèses
de l'humanisme abstrait de Luc Ferry, il dénonce par ailleurs les
thèses de la deep
ecology (écologie
radicale) qui pour lui, ne sont pas un "juste" retour des choses. Plutôt
que de gonfler inconsidérablement la catégorie de sujet, au
risque de perdre l'homme, il convient de faire la
<<part des choses>>
et ainsi de retrouver le sens de lien et de la limite dans nos rapports à
la
nature.[70] Et la seule manière de faire justice à
l'un (l'homme) et à l'autre (la nature), c'est de dire à la
fois leur ressemblance et leur différence.
La "part des choses", voici un leitmotiv qui doit
guider l'action humaine.
Il est peut être temps d'élaborer un
savoir interdisciplinaire. Ce savoir, doit partir, nous semble t-il, d'une
vision dialectique - ouverte - humaine du monde. Un monde entre nature et
culture, entre nature et société. Un monde de dialogue - de
vie et du sens.
Le savoir écologique doit être la
résultante d'une réalité physique et du produit social.
Ce savoir .écologique - ou pour le dire autrement encore - cette vision
de la science écologique que nous appelons de tous nos voeux, confortera
l'Afrique dans la gestion et la protection de la nature.
Comment cela pourrait-il en être autrement
quand on sait que l'homme africain vit
dans
et avec son environnement.
C'est de lui et
en lui qu'il tire subsistance et protection.
Autrement dit, c'est l'environnement qui imprime
un sens, une direction et une vie à l'Africain.
Il n'est pas fastidieux de souligner l'importance
que joue la forêt, la brousse, le champ, le village, la terre, etc.,
dans la survie et le devenir de l'Afrique et partant de l'homme africain,
fut-il de la ville ou du village. On nous objectera que tout ça n'est
que du passé. Certes, dans une certaine mesure, mais qu'on nous permette
de prendre juste quelques exemples, pour illustrer nos
propos.
Le va-et-vient incessant des intellectuels entre
la ville et le village, surtout à la veille des élections,
nominations ou à l'occasion des consultations populaires en est un
exemple patent. Que dire des rites initiatiques et du
"maraboutage" à outrance
que se livrent encore bon nombre d'Africains en ce début du 21ème
siècle ?
Sur le plan de la médecine, d'après
une étude faite, en 1999, dans les cantons de Kadada et Elfass au
Tchad, plus de 90% des agro-pasteurs qui vivent dans ces régions
préfèrent boire les racines, les feuilles des arbres et consulter
les marabouts et autres forces que de se rendre dans un centre de
santé.[71]
Sur le plan foncier, comme le soulignait à
juste titre, Alain
Rochegude[72], les Africains, du moins, ceux avec qui nous discutons
ne comprennent rien à notre
"système d'immatriculation des
terres".
Dans le même sens, Étienne Leroy
écrit : << De grandes
superficies, de l'ordre de deux cent à trois cent hectares sont
immatriculées à titre collectif - en nom collectif - et sont
immatriculées pour protéger ces espaces contre l'arrivée
des colons et contre les étrangers.
Mais l'essentiel des modes d'accès à la terre, des modes
de transmission, et des conflits, sont eux-mêmes réglés
sur la base du droit coutumier malgache, sur la base du droit coutumier des
Fokolonoana, c'est-à-dire des communautés familiales et
villageoises (...) Il s'agit là, pour moi, d'un prototype des solutions
que l'on devrait essayer d'expérimenter et généraliser
en Afrique continentale, fondées sur un métissage des dispositifs
traditionnels et
modernes>>[73]
On peut en douter, il existe un vrai jeu qui ressemble
un peu à celui de dupes.
On peut même se demander à qui profite
t-il ? Va t-on continuer à pratiquer la politique de la table rase
et assurer le triomphe du droit moderne ?
Va t-on, au contraire, réhabiliter les vieux
droits traditionnels ? Va t-on continuer à admettre la coexistence
de deux ordres juridiques ? Autrement dit de deux sortes de droits ? Ou va
t-on enfin mettre un terme au dualisme en réalisant la synthèse
du droit moderne et des droits traditionnels ? N'est-il pas temps de construire
ensemble les fondements d'un droit de l'environnement qui soit accepté
et acceptable pour tous ?
La question principale devra être quel droit
de l'environnement pour le monde de demain - ou si l'on préfère
- pour le village planétaire ?.
Cette question capitale est d'autant plus importante
tant pour le monde occidental, oriental que pour le continent africain pour
lequel les préoccupations environnementales n'ont jamais été
totalement étrangères, contrairement à ce qu'on a pu
penser.
SECTION III - DE LA CONTRIBUTION AFRICAINE DANS LA FORMATION DU DROIT
DE L'ENVIRONNEMENT : ENTRE L'ESPOIR ET LA
DÉCEPTION
Par sa géographie et son climat, sa
démographie galopante et son état de sous-développement,
et surtout sa flore et sa faune exceptionnelles, l'Afrique est sans doute,
plus que tout autre continent, interpellée par la question
environnementale. On l'a pourtant dit indifférente à ce
problème. Bien à tort, car les préoccupations
environnementales n'ont jamais été totalement
étrangères au continent, même si elles ont été
mises entre parenthèses à une époque où l'on
exaltait l'industrialisation à tout crin.
L'objet de notre réflexion ici n'est pas
de faire l'histoire du droit de l'environnement en Afrique (un excellent
ouvrage du professeur Maurice Kamto consacré à ce sujet est
disponible depuis 1996) mais plutôt de relever quelques moments forts
qui ont permis à l'Afrique d'espérer (§I). Ensuite,
d'établir un premier bilan de cette contribution, 28 ans après
la rencontre de Stockholm et ce, dans l'optique de formuler quelques
éléments de réflexions (§II).
§I - De la formation internationale du droit de l'environnement
: la contribution de l'Afrique
L'Afrique a contribué de façon
significative à l'émergence des droits dits de la troisième
génération.
Si traditionnellement, l'élaboration des
normes juridiques est l'oeuvre exclusive, soit des États et accessoirement
des organisations interétatiques dans l'ordre juridique international
classique, le processus de fabrication des normes du droit de l'environnement
a introduit une innovation : la démocratie participative.
Cette novation démocratique a permis à
l'Afrique, entre autres, de s'impliquer plus activement dans l'élaboration
internationale du droit de
l'environnement[74]. La participation des acteurs sociaux
infra-étatiques ou transétatiques à l'élaboration
des normes juridiques de protection de l'environnement ou la prise des
décisions en matière environnementale est désormais
consacrée au niveau international et s'impose de plus en plus dans
l'ordre interne des
États[75].
Doivent
être désormais impliqués dans l'entreprise de protection
de l'environnement, les femmes, les jeunes, les populations et communautés
autochtones et autres collectivités locales.
Les femmes d'abord. Leur participation à
la gestion des écosystèmes nationaux et internationaux et à
la lutte contre la dégradation de l'environnement est essentielle
surtout en Afrique où les femmes jouent un rôle actif en milieu
rural.
Il s'agit de mettre en oeuvre les stratégies
prospectives d'actions de Nairobi pour la promotion de la
femme[76], en privilégiant la participation de celle-ci
à la vie politique, à la gestion de l'environnement et à
l'élaboration et à l'application des programmes en faveur d'un
développement durable.
Les jeunes ensuite. Par l'importance de leur nombre,
leur absence de préjugés et leur enthousiasme pour la cause
de l'environnement peuvent être des artisans particulièrement
efficaces de la promotion de la défense de l'environnement en vue
d'un développement en harmonie avec la nature. Encore faut-il leur
assurer une éducation à l'environnement par le biais de leurs
organisations et associations.
Enfin, les populations autochtones et les
différentes structures et communautés de base ont, selon le
principe 22 de la Déclaration de RIO, une meilleure connaissance du
"milieu" et des "pratiques traditionnelles".
Importante est aussi la participation des agriculteurs
et des éleveurs ou dans certaines parties de l'Afrique, des
agro-pasteurs[77]. Ceux-ci doivent être associés
étroitement à la conception et à la mise en oeuvre des
projets de conservation en milieu rural. Ils doivent être encouragés
à l'application du droit coutumier ainsi que des pratiques et techniques
traditionnelles de conservation dont l'expérience a montré
l'efficacité dans la protection de
l'environnement.
Mais si l'Afrique ne s'est impliquée que
très progressivement dans le courant mondial en faveur de la protection
de l'environnement, force est de constater que, les populations et
communautés autochtones ainsi que les autres collectivités
locales ont joué un rôle vital dans la gestion de l'environnement,
du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs pratiques
traditionnelles.
Pour faire bref, disons que l'évolution de
la position de l'Afrique passe par trois phases
importantes.
A - STOCKHOLM 1972 : ENTRE LES RÉTICENCES ET LA MÉFIANCE
AFRICAINE
Le 3 décembre 1968, L'Assemblée
Générale des Nations unies, par une
résolution[78], réclama la convocation d'une conférence
mondiale sur l'environnement humain. Celle-ci se tient à Stockholm
en 1972.
Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître,
quelques pays ne marquèrent pas d'intérêt pour la
proposition. D'autre part, la plupart des pays en développement en
général, et africains en
particulier[79] virent dans la conférence une
menace.
En effet, la crainte, au demeurant fort
compréhensible, des pays africains tenaient, entre autres, à
trois raisons principales :
D'abord, ils redoutaient que la priorité
donnée aux problèmes de l'environnement n'entame une diminution
des ressources affectées à l'aide au développement par
les pays développés. La protection de l'environnement devenant
un problème sérieux dans ces pays, il y avait lieu de penser
que ceux-ci distrairaient par sa résolution, des ressources que d'autres
besoins urgents réclamaient
ailleurs[80]. Ces pays exprimaient d'ailleurs leur crainte de
voir l'idée de protection de l'environnement se transformer en un
obstacle à leur développement.
Du
reste, la conférence de
Founex[81] organisée peu avant la rencontre de Stockholm
avec pour objectif d'apaiser les craintes des pays en développement
ne changera rien.
Ensuite, les pays en développement, mais
aussi certains pays développés craignaient que les dépenses
d'environnement n'engendrent en hausse des coûts de production. Les
pays africains en particulier ne pouvaient, en toute logique, manifester
de l'enthousiasme, pour des mesures de protection de l'environnement susceptibles
d'entraîner des charges additionnelles et impliquant par conséquent
un supplément de ressources dont ils ne disposaient
pas.
Enfin, et c'est la raison la plus plausible, pour
les pays africains, les mesures de sauvegarde de l'environnement pouvaient
constituer des obstacles non tarifaires à l'exportation de leurs produits
vers les pays développés. L'exigence des pays
développés à exiger que les produits circulant dans
le commerce international respectent rigoureusement certains éco-standards,
pouvaient donner naissance à un
<<néo-protectionnisme>>[82].
La méfiance des pays africains, et plus
généralement du Tiers-Monde, ne s'est point dissipée
à cet égard, l'instauration du
<<label vert>> pour
l'exportation de certains produits tels que les bois tropicaux participant
de la même démarche.
Ici comme ailleurs, il convient de se demander si
justement la conférence de Stockholm n'était pas en fait, à
la recherche d'un <<label
planétaire>> pour justifier d'une part, les exportations
des matières premières, et, d'autre part, des actions de
pollutions. En tout état de cause, la méfiance tournait parfois
à l'hostilité et le ton devint incisif :
<< Notre pollution, c'est la misère>>, lança
un délégué africain, et poussant plus loin dans
l'excès, un autre n'hésita pas à déclarer :
<< Let me die
polluted>>[83]. Au fond, les pays du Tiers-Monde dans leur ensemble
<<ne demandaient qu'à
entrer dans le club des pollueurs industriels qui, pensaient-ils, n'étaient
pas aussi
blâmables>>.[84]
Mais au-delà de ce constat, on ne peut plus
tendu, la conférence de Stockholm, outre sa déclaration, ouvrait
donc une période de réflexion en vue de trouver une approche
globale des problèmes prenant mieux en compte les préoccupations
des pays pauvres ou en développement. Soit !
B - ENTRE STOCKHOLM ET RIO : LA PRISE DE CONSCIENCE AFRICAINE
?
La prise de conscience environnementale de l'Afrique
a suivi une progression due à divers facteurs, des contraintes et
d'expériences de désastres écologiques extra-continentales.
D'autre part, un travail méthodique d'explication
de la problématique écologique entrepris à l'échelon
international, mettant en relief les avantages d'un développement
écologiquement équilibré a été remarquablement
mis en place :
D'abord, à Stockholm et ce, dans le prolongement
du travail préparatoire effectué par un groupe de
personnalités faisant autorité dans le domaine du
développement convoqué en une réunion extraordinaire
à Founex, en juin 1971.
Ainsi, pour apaiser les inquiétudes des pays
africains, quelques garanties leur furent accordées
:
Premièrement, l'aide au développement
ne serait pas réduite. Aussi, tous les organismes internationaux,
régionaux ou nationaux d'aide au développement étaient
invités à aider les pays non ou peu industrialisés à
résoudre les problèmes environnementaux que posaient les projets
de
développement.[85]
Deuxièmement, les pays participant à
la conférence acceptèrent de ne pas invoquer l'exigence de
protection de l'environnement pour justifier des pratiques commerciales
restrictives ou
discriminatoires[86]. Dans les cas où une telle exigence
constituerait un obstacle aux exportations des pays en développement,
des mesures appropriées de compensation devraient être mises
au
point[87].
Troisièmement, il fut décidé
que le siège du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE)
serait basé en Afrique, plus précisément à Nairobi
au Kenya. La localisation de cette importante institution des Nations unies
en Afrique permettait de penser qu'elle accorderait un intérêt
particulier aux préoccupations spécifiques du continent et
du reste du
Tiers-Monde[88].
On le voit clairement, le clin d'oeil fait à
l'Afrique en particulier, et aux pays en développement de façon
générale est très stratégique, même si
la prudence et méfiance de l'Afrique restent de
mise.
Ensuite, la perception progressive des dangers d'un
développement irrespectueux du milieu naturel a été
facilitée par la complexité et la gravité manifestes
des problèmes de l'environnement des pays industrialisés dues
pour l'essentiel à une prise en compte tardive des données
environnementales dans leur processus de
développement.
Enfin, des contraintes extérieures durent
amener les pays africains, du moins les gouvernements africains, à
réviser leur position initiale par rapport à l'exigence de
protection de l'environnement.
Au demeurant, la prise de conscience africaine à
la problématique environnementale s'exprimera de diverses manières,
en des occasions et dans des cadres variés, notamment sur le plan
régional que mondial.
1 - Au niveau régional
Une Déclaration des chefs d'États
africains au sujet de l'environnement initiée dès 1973 par
la Commission Économique des Nations Unies pour l'Afrique (C.E.A.)
et l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A.), permit d'apporter
un soutien à l'idée d'un
"développement
viable""[89].
Autre événement important : le
séminaire régional africain sur les
<< modes de vie et de
développement de substitution>> considéré
comme thème essentiel de la relation Environnement/Développement,
qui se tint du 5 au 9 mars 1979 à Addis-Abeba (Éthiopie) sous
les auspices du PNUE et de la C.E.A..
Dans une perspective plus normative, l'importante
rencontre au sommet des chefs d'États et de gouvernement africain
à Lagos (Nigeria) en 1979 vouée au développement
économique du continent consacra tout le chapitre IX du Plan d'Action
qui en résulta à
<<Environnement et Développement>>. Thème
qui sera repris d'ailleurs par la première conférence
ministérielle africaine sur l'environnement tenue du 16 au 18
décembre 1985 au Caire
(Égypte)[90].
Il est bien clair : cette dynamique de concertation
africaine en matière d'environnement, qui se poursuivra dans le cadre
de la préparation de la CNUED préfigure bien la prise de conscience
et l'engagement de l'Afrique dans la dynamique environnementaliste. Celle-ci
est perceptible aussi bien sur le plan mondial.
2 - Au niveau mondial
Ici comme ailleurs, l'Afrique fut à l'origine
d'initiatives importantes dont la moindre n'est pas la charte mondiale de
la nature.
C'est
le président du Zaïre, Mobutu Sese Seko qui, en 1975, au cours
de l'Assemblée Générale de l'Union pour la Conservation
de la Nature (UICN) tenue à Kinshasa, en lança l'idée
pour la première fois comme un
défi.[91]
Sur le modèle de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, l'UICN mit au point un projet de
charte.
Par ailleurs, la conférence de Bâle
pour l'élaboration d'une convention mondiale portant sur les
contrôles des mouvements transfrontières de déchets
dangereux, réunie du 20 au 22 mars 1989 à Bâle en Suisse,
fut une autre occasion importante pour l'Afrique de donner la mesure de son
intérêt accru pour l'environnement.
Deux faits marquants à savoir l'unité
de l'Afrique et son refus devant le déversement de déchets
toxiques et de déchets industriels sur son sol, renforcèrent
davantage sa prise de conscience.
On aura retenu, du reste, que la cohésion
des États africains, qui permit de se présenter en un front
uni, a indéniablement payé et marqué cette conférence
de Bâle.
C - RIO 1992 : L'ENGAGEMENT DE
L'AFRIQUE
Cet engagement transparaît à travers
la participation active de l'Afrique aussi bien dans la phase préparatoire
de la conférence (1) qu'au niveau du Sommet (2).
1 - De la préparation de l'Afrique à la phase de
négociation de la CNUED
Cette
préparation s'est faite parallèlement au niveau national et
au niveau international.
Au niveau national d'abord, chaque État a
élaboré un rapport national sur l'environnement, document
préparé à partir des travaux des ministères
techniques et autres institutions publiques concernées d'une part,
et des résultats des concertations avec les ONG nationales de
l'environnement et du développement d'autre part.
Au niveau international, la préparation de
ce sommet s'est faite parallèlement dans le cadre régional
africain et à travers la participation des pays africains aux
négociations portant sur les instruments juridiques et autres documents
devant être approuvés à RIO.
Aussi, au niveau régional africain, s'est
imposé très vite la nécessité d'adopter une
"position commune africaine" en
tant que contribution du continent aux principales décisions d'ordre
politique qui allaient être prises au Sommet de RIO.
Plusieurs rencontres régionales et
sous-régionales se tinrent à ce sujet.
La "position
commune africaine" sur l'environnement et le
développement[92], adoptée à la deuxième
conférence ministérielle régionale africaine
préparatoire à la CNUED réunie à Abidjan
(Côte-d'Ivoire) du 11 au 14 novembre 1991, s'inspira des conclusions
contenues dans différents documents élaborés au niveau
régional.
La "position
commune africaine" est un document d'importance capitale dans l'étude
de l'approche africaine des problèmes d'environnement.
Si ce document qui comporte trois parties dont un
préambule et des principes généraux n'est pas un
traité international, il s'agit, à tout le moins, d'un engagement
politique aux accents juridiques.
A travers leurs engagements, les États
reconnaissent l'existence du lien étroit indéniable entre le
développement et l'environnement et réaffirment, entre autres
: le droit de leurs peuples à revendiquer les droits légitimes
à la santé, au développement et à l'avenir, le
<<droit
légitime>> des pays africains d'exploiter leurs ressources
naturelles à des fins de développement et de veiller à
ce que les mesures de protection de l'environnement ne compromettent pas
le processus de développement.
Les États africains reconnaissent par ailleurs
la nécessité de fonder les politiques de l'environnement sur
un "principe de prudence", lequel
devrait régir le développement et l'utilisation de la science
et de la technique au service de l'environnement au moyen de la
"prévention" et de l'élimination des causes de
la dégradation de l'environnement.
Peut-on proposer mieux quant on connaît les
illusions des vérités scientifiques telles que nous les avons
développées dans les deux premiers chapitres ?
A t-on le droit d'occulter, les vrais problèmes
existentiels que posent l'environnement en Afrique ?
Une chose est certaine : à travers l'engagement
de Bamako d'abord, et la position commune d'Abidjan ensuite, les
préoccupations et exigences des États africains ont été
diverses.
Les
préoccupations prioritaires étaient : la non-réalisation
de la sécurité alimentaire, dont les conséquences sont
la famine et la malnutrition; l'absence de sécurité
énergétique, les problèmes liés à l'absence
de croissance économique durable et d'emplois productifs,
l'insécurité et l'instabilité du flux de ressources
financières pour le développement; l'amélioration de
la qualité de la vie et de l'habitat. Autant de problèmes qui
ont pour nom commun "la
pauvreté".
La pauvreté apparaît en tout état
de cause comme l'une des cause principales de la dégradation de
l'environnement en Afrique et constitue, avec la surexploitation des ressources
naturelles qui lui est étroitement liée, les entraves majeures
à l'adoption de politiques efficaces pour une gestion rationnelle
de l'environnement.
La "position
commune africaine" préconisait alors que l'élaboration
des mesures bien déterminées visant à éliminer
la pauvreté et à surmonter d'autres obstacles en matière
de développement devienne une préoccupation stratégique
essentielle pour l'Afrique au cours du processus menant à la
CNUED.
2 - De la CNUED au Sommet de RIO : Une convention sur la
désertification à l'arraché
L'objectif général du Sommet
organisé par la Conférence des Nations Unies pour l'Environnement
et le Développement (CNUED) à Rio de Janeiro au Brésil,
du 3 au 14 juin 1992, était de définir de nouvelles priorités
après l'échec de la guerre froide; malheureusement, celui-ci
a été vidé de sa substance par l'inévitable
affrontement entre pays riches et pays pauvres en particulier, entre les
États-Unis et les pays en développement sur le degré
d'urgence des mesures écologiques à prendre et la question
de savoir qui financera les efforts à
fournir[93].
Néanmoins, l'Afrique affirma ses positions
à RIO, soit à travers le groupe des <<77>>, soit
directement, par elle-même. Une bataille qui ne fut pas
facile.
Les positions communes de l'Afrique et du groupe
des <<77>> portaient essentiellement sur les questions
institutionnelles et de financement qui furent parmi les pommes de discorde
entre le Nord et le Sud.
Les États-Unis en particulier ne voulaient
pas regarder la conférence comme un
<<moment pour de grands
engagements>> de
financement par le Nord au profit du
Sud[94]
Un texte de compromis intitulé
<<Éléments pour la discussion sur les
finances>>, tenant compte à la fois des positions du Nord
et du Sud et présenté par le Brésil, fut rejeté
par le Groupe des <<77>>.
Sur un autre plan, l'Afrique a défendu
séparément sa position au sujet de la désertification.
En dehors de la reconnaissance de la pauvreté comme un obstacle majeur
au développement durable et du problème de financement de l'Agenda
21, l'un des objectifs prioritaires de l'Afrique à RIO était
d'obtenir un engagement des États participants sur le principe d'une
convention sur la désertification.
L'Agenda 21, en dépit de son énorme
volume, était considéré comme incomplet par plusieurs
délégations de pays menacés par la perte des vies humaines
et des moyens d'existence à cause de l'avancée inexorable du
désert.
Ces pays voulaient donc une convention internationale
pour faire face à ce problème. L'Afrique fut rejointe dans
sa démarche par d'autres régions du monde menacées par
la désertification, notamment l'Europe de l'Est, l'Asie et
l'Amérique Latine, en particulier le Brésil. Mais les
États-Unis s'opposèrent à une telle convention car bien
que souffrant quelquefois de sécheresse, ils sont en mesure de s'occuper
tout seuls de leur problème dans ce
domaine[95].
Après quelques résistances et
tergiversations de la part de certains États européens, en
particulier de la Grande-Bretagne, la commission des Communautés
européennes annonça son soutien au principe d'une convention
sur la désertification.
Comment cela pourrait-il en être autrement,
vu la gravité de la situation de l' Afrique dans ce domaine.
Point n'est besoin de rappeler que plus d'une dizaine
de pays africains partagent leur territoire entre le désert et la
savane. Une convention en la matière leur serait profitable au premier
chef, dans la mesure où elle permettrait la mise en place de
systèmes de gestion et de suivi des problèmes permettant de
donner suffisamment tôt l'alerte en vue de contenir le
désastre.
On le voit : Stockholm 1972 avait introduit
l'environnement dans les préoccupations du monde; RIO 1992 a jeté
des bases sérieuses pour faire face aux défis multiformes que
l'environnement lance à la communauté humaine d'aujourd'hui
et de demain.
Est-ce pour autant dire que les préoccupations
africaines ont reçu un écho favorable ? Les vrais problèmes
ont-il reçu les vraies réponses ? Rien n'est moins
sûr.
§ II - DE LA CONTRIBUTION DE L'AFRIQUE : QUELQUES
ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION POUR UN
BILAN
Au regard des préoccupations et des attentes,
l'Afrique fit des propositions très précises tant pour la phase
des négociations que lors du Sommet de RIO. Pour faire bref, il convient
d'organiser ces préoccupations autour de trois thèmes essentiels
: le développement institutionnel (A), le développement
économique et financier (B) et les questions foncières en Afrique
(C).
A - Le Développement institutionnel et
normatif
1° Au niveau institutionnel
Sur le plan institutionnel, les États africains
recommandaient entre autres que des mesures soient prises pour encourager,
appuyer et renforcer : les institutions et mécanismes nationaux pour
l'application des programmes environnementaux; les programmes régionaux
et sous-régionaux africains portant sur le développement et
l'environnement; les institutions intergouvernementales africaines, notamment
l'OUA, la BAD, la conférence des ministres africains de l'environnement,
le CILSS, l'GADD et la SADCC; les institutions des Nations-Unies ayant leur
siège en Afrique; les bureaux régionaux en Afrique, afin qu'elles
puissent accomplir leur mission dans le domaine du développement
économique et social.
2° Au niveau
normatif
Outre le fait qu'ils étaient déjà
acquis à l'idée d'une
<<charte de la
terre>> (qui se transformera en une simple Déclaration),
les États africains avaient recommandé l'élaboration
et la signature d'une convention internationale en vue de stopper la
désertification en Afrique grâce notamment à l'implantation,
dans un effort collectif international, de ceinture vertes au nord et au
sud du Sahara et du désert de Kalahari.
Toutefois, si certains de ces points reçurent
quelques réponses mitigées, beaucoup de déceptions furent
enregistrées.
B - Le développement économique et
financier
1° Sur le plan économique
d'abord
Les États africains recommandaient que le
processus menant à la CNUED fut un moyen de renforcer les dialogues
Nord-Sud et Sud-Sud et la coopération en matière de gestion
de l'environnement, de faciliter la mobilisation des ressources à
cette fin et de promouvoir l'interdépendance et la solidarité
réelle à l'échelle planétaire.
Les États africains préconisaient,
par ailleurs, la création d'un fonds de diversification de la production
tenant compte des préoccupations d'ordre écologique, afin de
promouvoir les transformations structurelles des économies africaines,
la réactualisation des accords sur les produits de base et la recherche
de solutions à ces produits en vue de garantir des cours minimum et
d'accroître en conséquence la capacité des pays producteurs
de générer des
revenus[96].
On ne peut s'empêcher de constater que vingt-huit
ans après la conférence de RIO, les attentes de l'Afrique sont
loin d'être satisfaites.
Les cours des matières premières sont
toujours et encore fixés sans aucune consultation préalable
des États africains, par ailleurs producteurs de ces matières.
Les grandes décisions touchant aux
problèmes de l'environnement sont soit prises par les multinationales
qui sont en plus, les maîtres dans ce domaine, soit par les institutions
de Bretton Woods.
Peut-on parler dans ce contexte d'une coopération
basée sur l'interdépendance et la solidarité réelles
à l'échelle planétaire ? Les valeurs de solidarité
"environnementales" à
défendre ici sont-elles les mêmes ?
2° Au niveau financier ensuite
Outre
la demande de création du fonds de diversification de la production,
les africains recommandèrent le déblocage des ressources
destinées à la protection de l'environnement, l'élargissement
du mandat du mécanisme mondial de financement de l'environnement de
façon à y inclure la diversification et d'autres sujets
prioritaires pour l'Afrique.
Ils demandaient un mécanisme de financement
géré par les signataires de la convention-cadre et qui serait
indépendant des mécanismes ou des institutions déjà
en place, en l'occurrence la Banque Mondiale et le Fonds Mondial pour
l'Environnement (GEF) qu'ils considéraient comme non démocratiques
et dominés par les pays
riches[97].
Ils demandèrent en outre que la gestion de
ce fonds soit transparente et repose sur une base suffisamment large pour
inclure des pays en développement, en particulier
l'Afrique.
C - Sur la préservation du milieu naturel et les
préoccupations foncières
1° Au niveau de la préservation du milieu
naturel
Les États africains ont recommandé
l'interdiction de déverser en Afrique des déchets toxiques
et dangereux conformément à la convention de Bamako. L'Afrique
considère le déversement de déchets toxiques et de
déchets industriels sur son sol
<<comme une
conspiration>> visant à porter atteinte à la santé
de ses peuples et à déséquilibrer son
environnement.[98]
Aussi,
<<dans la tradition et la philosophie
africaines, c'est une insulte vis-à-vis de quelqu'un que d'aller
déposer des déchets dans sa cour. Cela peut conduire à
une sérieuse mésentente au sein de la communauté
>>[99].
En dépit de tous les efforts déployés
par l'Afrique au cours des dernières années
<<en vue d'intégrer les
problèmes de l'environnement à ceux du développement
socio-économique>>, les pays industrialisés n'ont
pas toujours échappé à la tentation de transformer le
continent en un dépotoir. Ceci reste une menace voire une agression
qui compromet sérieusement l'avenir des générations
futures.
On comprend alors aisément la réticence
de certains pays africains d'être partie à la convention de
Bâle portant sur les contrôles de mouvements transfrontières
de déchets dangereux.
On peut se demander si ces États africains
étaient même suffisamment préparés et outillés
pour contrôler le respect d'une telle convention tant au plan moral
que juridique ?
Une chose est sûre, ces derniers ne
signèrent pas la convention de Bâle et quelques uns seulement
signèrent l'Acte final de la
conférence[100]
2° La politique de protection de l'environnement en Afrique passe
par les préoccupations foncières
En Afrique, il existe un lien étroit entre
le statut des sols et la protection de l'environnement, en particulier la
gestion écologique des espaces et la conservation de la
biodiversité.
Problème sensible et combien épineux,
la question foncière en Afrique reste un défi pour la plupart
des pouvoirs publics africains. Ignorer cette réalité, c'est
passer à côté du problème de la protection de
l'environnement et partant du droit de l'environnement.
Se pose en filigrane la question de l'effectivité
et de l'efficacité du Droit d'abord, et du droit de l'environnement
ensuite.
La résolution de la question foncière
et des nombreux conflits de droit qui lui sont attachés est en tout
état de cause, un préalable indispensable au succès
de la lutte contre les atteintes à l'environnement, notamment en milieu
rural. Il est manifeste que les populations paysannes ne se sentent
impliquées dans l'opération de préservation de la nature
que lorsqu'elles y trouvent un intérêt
subjectif[101].
Par conséquent, il serait surtout
présomptueux de continuer à agir comme si les droits traditionnels
ignoraient les considérations écologiques ou comme s'ils
n'offraient pas de réponses efficientes aux problèmes
environnementaux.
Dans certains cas, le droit coutumier traditionnel
se révèle plus efficace dans la protection de l'environnement
que nombre de législations modernes.
Les réalités des terroirs tiennent
en effet tête et souvent font échec à l'impérialisme
juridique de l'État et au légicentrisme des politiques
foncières[102].
Ainsi, au Burkina Faso, bien que le régime
foncier coutumier ne soit pas reconnu par la loi, il continue de gouverner
l'essentiel des rapports juridiques portant sur la terre, et notamment en
ce qui concerne l'exercice des droits d'usage forestier par les populations
locales.
Au Cameroun, le conflit entre droits coutumiers
et droit moderne est patent dans ce domaine : les populations locales,
heurtées par une législation forestière qui ampute leurs
droits traditionnels sur les forêts, restent attachées, par
ignorance ou par contestation, à leurs droits coutumiers et apparaissent
en bien des circonstances comme des braconniers au regard de la législation
moderne[103].
Le cas de la Côte-d'Ivoire est
révélateur en cette matière : les droits fonciers
coutumiers, après avoir été voués à la
disparition par la politique officielle ont été
réhabilités en 1971 comme simples droits d'usage personnels,
non transmissibles et non cessibles, sans pour autant du reste que leur exercice
ait cessé d'alimenter de nombreux litiges locaux.
Au Congo, on a relevé un amalgame entre droits
fonciers traditionnels et divers textes modernes, ce qui forme un ensemble
hétéroclite et<<explosif>>, en tout cas complexe
et inextricable.
Le Mali connaît également une superposition
entre les droits fonciers coutumiers et le droit moderne colonial, ce qui
place le paysan dans une situation d'insécurité foncière
nettement préjudiciable à la protection de l'environnement,
notamment aux forêts.
Au Tchad, quatre principaux types de régimes
fonciers tous différents les uns des
autres[104] basés sur quatre systèmes de droit
: le droit musulman, le droit traditionnel, le droit colonial et le droit
moderne écrit qui associe maladroitement ces différents
systèmes tentent de cohabiter. Cette coexistence, parfois conflictuelle,
entre le droit coutumier traditionnel et le droit écrit dit moderne
ne persiste pas seulement en matière de statut foncier.
Elle existe également dans d'autres domaines
touchant à la protection de l'environnement. Ainsi, la gestion de
certains types de forêts y compris des
<<bois
sacrés>> que l'on trouve dans les chefferies traditionnelles
échappe à la réglementation forestière moderne
qui a pourtant une portée générale.
De même, bien que le régime de l'eau
soit fixé dans tous les pays par un acte du législateur moderne,
le droit coutumier traditionnel fournit encore les principales règles
régissant l'utilisation des eaux, même si la propriété
des eaux est clairement consacrée par les textes dans la plupart des
cas. Cette propriété privée demeure généralement
méconnue en pratique et les particuliers ne jouissent que d'un droit
d'utilisation, l'eau demeurant encore au regard du droit traditionnel une
res
communis[105].
De façon générale, on observe
une résistance des droits coutumiers à l'emprise du droit moderne,
et, il est probable qu'elle durera longtemps encore. Cette résistance
se traduit par une application praeter
legem, voire contra legem,
des normes coutumières au détriment des législations
étatiques en la
matière[106].
Car, même lorsque celles-ci ont suivi, pour
leur adoption, une procédure de consultation populaire sous forme
d'enquête publique, comme ce fut le cas pour les ordonnances de 1974
portant régime foncier et domanial au
Cameroun[107], elles n'ont pas toujours su saisir et refléter
les logiques juridiques profondes des différents
terroirs[108].
On le voit clairement, le droit de l'environnement
- si l'on veut qu'il s'applique réellement à l'Afrique
- doit tenir compte des
préoccupations, du moins des représentations culturelles de
l'homme africain, à travers les systèmes de son droit coutumier
traditionnel.
Il est plus que jamais temps - nous
semble t-il - d'arrêter
de jouer à la politique de l'Autruche, et de réhabiliter et
la science et le droit écologiques traditionnels pour une meilleure
protection de l'environnement en Afrique.
Ne faudrait-il pas
a priori, repenser les fondements
du droit de l'environnement afin de tenir compte des spécificités
et réalités locales ? Comment faire pour que le local, le
particulier et le global soient dialectiquement construits ? Comment faire
pour mieux concilier droit de l'environnement et exigences d'un
développement sain et durable en faisant l'économie de certains
conflits fonciers de plus en plus nombreux en Afrique ?
Autant de questions qui devraient trouver des
réponses satisfaisantes et efficaces si l'on veut - une fois de plus
- que le discours se rapproche de la pratique.
En attendant, les pouvoirs publics africains,
directement confrontés à cette réalité devraient
être plus attentives aux préoccupations locales.
Il n'est pas superflu, de réaffirmer à
la suite de Maurice
Kamto[109], qu'il faudrait à cet égard insérer
dans les législations modernes, une clause de préférence
coutumière ou du droit traditionnel s'énonçant comme
suit : << chaque fois qu'une
règle du droit coutumier ou une pratique traditionnelle
éprouvée est plus protectrice de l'environnement qu'une règle
du droit moderne, la première doit
prévaloir>>.
On l'aura compris : il se pose dès lors une
autre question, non des moindres, celle des sources du droit de l'environnement
dont il convient à présent d'en examiner les
contours.
CHAPITRE DEUXIEME : DES SOURCES GÉNÉRALES DU DROIT DE
L'ENVIRONNEMENT
Le jeune droit de l'environnement puise à
diverses sources. Compte tenu de sa jeunesse et de son caractère
universel, le droit de l'environnement présente le grand
intérêt d'être accompagné, sur l'ensemble de la
planète, d'expériences coutumières, législatives
et de réflexions doctrinales, qui, au-delà des systèmes
culturels, économiques et sociaux particuliers, pose en fait le même
problème : quel droit pour un meilleur environnement
?
S'il n'est plus de société qui puisse
prétendre vivre en autarcie, l'apparition concomitante de droits de
l'environnement dans les divers pays du monde rend indispensable l'étude
comparative de ces droits.
Ces réflexions comparées doivent permettre
la détermination de tendances générales de
développement du droit de
l'environnement[110] et une harmonisation ou une unification future
de ce droit.
Reste
donc à révisiter les diverses sources du droit de l'environnement
en vigueur ainsi que les caractères généraux de ce
droit.
Pour notre étude, nous nous efforcerons de
reconstruire l'édifice des sources du droit de l'environnement en
y recourant à la méthode comparative d'abord, à travers
l'apport international et communautaire (Section I), ensuite à travers
ce qui pourrait être les sources africaines du droit de l'environnement
( Section II).
SECTION I : DES SOURCES INTERNATIONALES ET COMMUNAUTAIRES DU DROIT
DE L'ENVIRONNEMENT
Nous évoquerons ici tour à tour et
de manière succincte l'apport du droit international (§ I) et
du droit européen de l'environnement (§ II).
§ I - L' ENCADREMENT NORMATIF
INTERNATIONAL
La communauté internationale par
l'intérêt qu'elle porte aux problèmes d'environnement
permet incontestablement une accélération de la mise en place
de règles juridiques nouvelles.
Les multiplications des conventions internationales
concernant la pollution des mers par les hydrocarbures, le déversement
des déchets toxiques en mer et la pollution tellurique prouvent la
volonté des États concernés d'attaquer de front le
problème.
Les réglementations nationales prises en
vues de l'exécution ou de l'application de certains de ces traités
sont de ce fait, des normes relativement unifiées quant à leur
contenu.
Le droit international de l'environnement (DIE)
fait partie du droit international public (DIP). Il est constitué
par le droit international général et par un ensemble de domaines
d'application qui sont autant de branches du DIP : ainsi le droit de la mer,
le droit du développement, le droit du désarmement
etc.[111]
Comme dans l'ensemble du droit international public
on retrouve ici l'importance des sources conventionnelles (A) mais aussi
d'autres sources formelles (B).
A - DES SOURCES CONVENTIONNELLES DU DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT
(D.I.E.)
Le droit international de l'environnement comporte
de nombreuses conventions internationales, des résolutions obligatoires
d'organismes internationaux et un certain nombre de textes non-obligatoires
( <<soft law>>) dont
l'importance ne saurait être méconnue.
Tout comme les textes législatifs et
réglementaires dans les différents pays, les traités
internationaux se sont aussi multipliés depuis la fin des années
1970, au point de pouvoir parler d'un véritable
déferlement.
A l'heure
actuelle, le nombre des traités multilatéraux concernant
l'environnement, soit entièrement, soit par l'une ou plusieurs de
leurs dispositions, dépasse les 300. A ce chiffre s'ajoutent environ
900 traités
bilatéraux[112]
Du point de vue de l'objet des conventions, on peut
distinguer des conventions qui s'inscrivent dans le cadre des luttes contre
des pollutions et d'autres qui ont pour objectif la conservation de la
nature.
Du point de vue de leur portée
géographique, on trouve la distinction, bien connue dans d'autres
domaines du Droit international public, entre les conventions à vocation
universelle et celles à vocation régionales. Pour les
premières, il s'agit le plus souvent de conventions conclues dans
le cadre des Nations Unies et de leurs institutions spécialisées,
pour les secondes, il est bien sûr très fréquent que
des organisations régionales jouent un rôle
essentiel.
Du point de vue, enfin et surtout, de la
variété des conventions qui concernent l'environnement, on
peut distinguer quatre grandes catégories : d'abord les conventions
entièrement consacrés à la protection de l'environnement;
puis les traités réglementant un espace ou une activité
mais qui contiennent quelques dispositions spécifiques relatives à
l'environnement ainsi les traités sur l'Antarctique, l'espace
atmosphérique, la convention sur le droit de la
mer.
Ensuite, il ne faut pas oublier deux autres
catégories de conventions qui, bien que non rattachées directement
à la protection de l'environnement ont une influence sur celle-ci
: ainsi un certain nombre de traités qui n'ont pas pour objectif de
protéger l'environnement mais qui peuvent avoir des conséquences
bénéfiques sur celui-ci, telle une convention de pêche
ayant des effets sur la gestion des ressources maritimes.
Enfin, on ne peut passer sous silence des conventions
qui peuvent avoir des effets destructeurs sur l'environnement telles des
conventions de commerce sans clauses écologiques.
Il est évident que les conceptions de la
protection de l'environnement développées par le droit
international sont au total très variables.
Si certaines sont purement utilitaristes, on notera
que d'autres, plus généreuses mais souvent moins effectives,
reposent sur des notions et principes souvent liées à la recherche
d'un Nouvel Ordre Économique International (NOEI) et axées
sur le développement : ainsi, par exemple, la notion de
développement soutenable (que nous discuterons dans la deuxième
partie) préconisée par le Rapport Bruntland
(<<our common future<<), ou celle plus ancienne de patrimoine
commun de
l'humanité[113] sont-elles souvent utilisées par les textes
d'environnement, pour mieux lier le développement à la
nécessité de préserver les ressources naturelles d'une
surexploitation.
On notera d'ailleurs que ces notions, floues, sont
souvent l'objet de doubles lectures : Là où M.
Rémond-Gouilloud voit une
<<sacralisation de la res
communis>>[114], tout de même riche de perspectives, B. Edelman
a par exemple critiqué vigoureusement l'emploi du concept de
<<patrimoine commun de
l'humanité>>[115], dont il estime au contraire que l'usage permet
une gestion rigoureuse de ressources inexploitées jusque
là.
Au demeurant, la valeur du droit international
dépend de l'effectivité des normes posées que de la
valeur philosophique de ces principes et notions, qui ne saurait être
en l'absence de traductions normatives que fort relatives : elles constituent
tout au plus un <<vivier de normes
coutumières
potentielles>>[116] quand elles ne figurent pas dans l'instrumentum
de conventions dûment ratifiées par un nombre suffisant de
nations.
B - DES AUTRES SOURCES FORMELLES DU DIE
Elles sont définies par l'article 38 du statut
de la Cour Internationale de Justice (CIJ) : coutume international, et comme
<<moyens auxiliaires>> les décisions judiciaires et la
doctrine.
Cependant
la catégorie des résolutions des organisations internationales,
non prises en compte par l'article du statut de la CIJ, est importante en
droit international public et plus particulièrement en DIE.
Une place essentielle peut être accordée
aux déclarations de principes, les autres résolutions peuvent
être plus ou moins importantes.
Ainsi, du point de vue des types de déclarations
de principes, on peut distinguer d'abord les déclarations globales
qui essaient d'embrasser un ensemble de problèmes liés à
l'environnement : ainsi la Déclaration de Stockholm adoptée
par la conférence des Nations Unies sur l'environnement (1972), la
Déclaration de RIO sur l'environnement et sur le Développement
(1992), de même la Charte Mondiale de la Nature
(1982).
Ensuite,
les Déclarations de principes plus spécifiques à tel
ou tel domaine : ainsi la charte européenne de l'eau (Conseil de l'Europe,
6 mai 1968), ou les principes relatifs à la pollution transfrontière
(OCDE, recommandation du 14 novembre 1974), la Déclaration de principes
sur la lutte contre la pollution de l'air (Conseil de l'Europe, 1968) et
la charte des sols (Conseil de l'Europe, 1972).
Du point de vue de leurs caractères, les
déclarations de principes constituent une forme de reconnaissance,
de consécration de valeurs sociales que la communauté
internationale tend à protéger.
Quant aux autres résolutions, elles se
présentent sous trois formes. En premier lieu, les programmes d'action
qui sont de deux sortes : les uns généraux, ainsi le
<<plan d'action pour
l'environnement>> (Stockholm 1972) et l'Agenda 21 (RIO 1992). D'autres
programmes d'action sont spécifiques à tel ou tel domaine :
ainsi le PNUE en 1974 a lancé un programme d'action pour les mer
régionales.
Si ces programmes ne sont pas juridiquement
contraignants, ils sont, du reste, incitatifs.
En second lieu, les organisations internationales
ou régionales peuvent adopter des recommandations à destination
de leurs États membres ainsi par exemple l'OCDE en matière
de déchets dangereux, le Conseil de l'Europe du point de vue de la
protection de la faune et de la flore.
En troisième lieu, il est par contre beaucoup
plus rare qu'elles adoptent des résolutions obligatoires même
si l'on peut citer par exemple des résolutions du Conseil de
sécurité relatives aux sanctions liées aux conflits
armés, résolutions ayant des conséquences indirectes,
heureuses ou malheureuses, pour l'environnement.
En outre, du point de vue du DIE, les décisions
judiciaires ne sont pas très nombreuses à ce
jour.
En dépit de tout l'arsenal juridique mis
en place par le DIE, le problème semble pouvoir s'énoncer,
ainsi : les normes internationales de protection peuvent être
considérées comme habilitant les autorités publiques
à développer des pratiques, et comme leur interdisant
certaines pratiques; elles ne
peuvent que rarement en l'état actuel des choses et de la jurisprudence
être considérées comme les obligeant à
développer certaines pratiques.
L'effectivité du droit international n'est
donc sur ce point que réduite : il en est autrement, pour le droit
communautaire.
§ II - L'ENCADREMENT NORMATIF
COMMUNAUTAIRE
Derrière les enjeux de la communauté
se profile le spectre des disparités propres à chaque pays,
à chaque région.
<< Chacun bénéficiera
t-il d'un partage équitable du gâteau européen ? Ou bien
les <<petits>> continueront-ils à être mangés
par les <<gros>>... en toute impunité ?
>>[117].
La question mérite d'autant plus d'être
posée qu'elle ne concerne pas que l'économie, mais également
la qualité de la vie dans chaque État membre, et plus largement
les ressources naturelles et l'environnement de l'Europe.
A - AVANT L'ACTE
UNIQUE
Avant l'Acte Unique, c'est la pression des faits,
en dehors de toute base juridique, qui ira conduire la CEE à formuler
une politique de l'environnement et à prendre ponctuellement des mesures
juridiques[118].
L'article 100 du Traité de Rome assignait
aux institutions européennes le soin de réaliser une harmonisation
des dispositions nationales pour éviter les distorsions de la concurrence;
son article 235 permettait à ces institutions d'intervenir quand le
traité n'avait pas prévu d'attributions spécifiques
pour réaliser l'un des objectifs inscrits à l'article du
traité CEE, dont
<<l'amélioration constante
des conditions de vie et de travail dans les États membres...
>>[119].
Ces deux articles pouvaient fournir les fondements
juridiques à l'élaboration du corps de règles
européennes en matière d'environnement.
Mais leur emploi supposait l'unanimité, ce
qui rendait cependant difficile l'élaboration d'une véritable
politique communautaire de l'environnement.
Quand le parlement européen a élaboré
un projet de révision du Traité
CEE[120] et quand le Conseil s'en est inspiré pour
adopter en décembre 1985 l'Acte Unique Européen, cette
difficulté a été prise en compte, et l'Acte Unique fournit
aux institutions communautaires une base d'intervention plus solide en
matière de protection de
l'environnement[121].
B - DEPUIS L'ACTE
UNIQUE
Ainsi depuis l'Acte Unique, entré en vigueur
le 1er juillet 1987, l'avenant du Traité de Rome introduit
expressément l'environnement dans le traité.
Deux
instruments juridiques sont disponibles. Une politique spécifique
pour l'environnement est instituée par l'article 130 R §1, qui
définit l'objectif poursuivi par la politique communautaire de
l'environnement comme suit : <<
préserver, protéger,
améliorer la qualité de l'environnement>>, <<
contribuer à la protection de la santé des personnes
et assurer une utilisation prudente et rationnelle des ressources
naturelles >>.
Sans définir l'environnement, ils
délimitent néanmoins les objectifs poursuivis et les fondements
des actions à entreprendre à travers trois principes : principe
de la prévention, principe pollueur-payeur, principe de la correction
à la source des atteintes à
l'environnement[122].
L'article 130 R §2,
in fine, prévoit en outre que
<< les exigences en matière de protection de l'environnement
sont une composante des autres politiques de la communauté
>>, privilège unique accordé à cette nouvelle
politique à part entière de la CEE.
L'article 130 R-4e a été analysé
comme instituant le principe de subsidiarité selon lequel la
compétence de la communauté ne serait que si la nature
envisagée est plus efficace à ce niveau qu'au niveau
national.
L' autre instrument juridique disponible depuis
1987 repose sur la mise en place du marché intérieur (article
100 A). Lorsqu'une mesure touchant à l'environnement a une incidence
directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché
intérieur et nécessite un rapprochement des législations,
elle peut être prise à la majorité qualifiée en
coopération avec le parlement européen.
Par dérogation, un État peut être
autorisé à appliquer une mesure nationale justifiée
par la protection de l'environnement (a
priori, il s'agira d'une mesure plus
sévère).
Enfin, l'existence de sources internationales ou
communautaires peut aider à l'émergence de normes nationales;
elle peut s'y substituer.
Dans les Pays fédéraux, des
problèmes se posent quant à la compétence respective
de l'État fédéral et des États
fédérés en matière de l'environnement. En France,
le système restant unitaire, malgré la décentralisation
de 1983, l'État reste seul compétent pour légiférer.
Les problèmes de compétence respective du parlement et du
gouvernement se posent en termes classiques.
L'article 34 de la constitution n'attribue pas
directement au parlement une compétence exclusive en matière
d'environnement mais celui-ci est néanmoins amené à
décider dés que le projet touche aux principes fondamentaux
concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens par
l'exercice des libertés
publiques[123].
Le débat sur les bruits et nuisances sonores
des avions engagé en Belgique, en 1999, sous la pression des riverains
et qui a connu fort heureusement,
une suite favorable (réglementation des vols de nuit etc.) est un
exemple patent en la matière.
En somme, il convient de reconnaître que plusieurs
pays européens ont fait inscrire dans leurs constitutions
le<<droit à un environnement
sain et écologiquement équilibré>>.
Mais s'il est vrai que cette inscription ne résout
pas, loin de là, tous les problèmes et n'empêche pas
la destruction de l'environnement, elle revêt, à défaut
d'être juridiquement effective, une importance symbolique importante.
Ce caractère symbolique mais tout au moins
présent est encore plus caractéristique, en Afrique Noire à
travers les sources du droit dont il convient à présent d'en
examiner.
SECTION II : DES SOURCES DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT EN
AFRIQUE
Les sources du droit de l'environnement en Afrique
apparaissent nombreuses et variées, associant normes du droit
international et règles des droits internes.
Nous nous limiterons ici aux sources internes.
Toutefois, il faut rappeler que l'expression
<<source du droit>>
est justiciable de deux acceptions dont l'une est non juridique et l'autre
juridique.
Au sens non juridique, elle désigne
<<toutes les représentations
qui influencent effectivement les fonctions de création du droit et
d'application du
droit>>[124], c'est-à-dire le substratum moral, politique,
économique et social, les théories juridiques et les avis
d'experts, pour faire bref, la doctrine dans lesquels toute règle
de droit ou tout ordonnancement juridique plonge ses
racines.
Suivant cette signification, le droit de l'environnement
serait fondé, d'une part, sur une sorte de morale écologique
inspirée par la redécouverte par l'homme de la beauté
et des richesses de la nature et, parallèlement, des menaces graves
qui pèsent sur elles; d'autre part, sur un réalisme
économique dicté par les perspectives catastrophiques d'une
croissance échevelée fondée sur une exploitation anarchique
et irrationnelle des ressources naturelles
- pour la plupart non renouvelables
- susceptibles d'hypothéquer tout développement
durable[125].
Cette acception de la notion de
<<source du droit>>
est nettement distincte de son sens juridique dans lequel elle désigne
les sources du droit positif, celui-ci s'entendant comme l'ensemble des
règles juridiques applicable ou en vigueur dans un État ou
en une matière à un moment donné.
Au sens juridique, l'expression
<<source du droit>>, désigne alors le socle
juridique sur lequel repose un système de normes - ou pour le dire
autrement - c'est le fondement de la validité d'un ordre juridique
donné, c'est-à-dire ses bases juridiques
positives.
En Afrique, le droit de l'environnement puise aux
trois sources traditionnelles en droit : les droits traditionnels (§1),
le droit colonial (§2) et le droit écrit post-colonial
(§3).
§ I - Des droits traditionnels
Les droits traditionnels sont définis comme
les droits dont la formation et le mode de légitimation ne relèvent
pas du droit de l'État qu'ils précèdent.
Il s'agit en définitive, de droits originaires
qui témoignent d'un état de société et d'une
conception particulière, qui structure les rapports sociaux
autochtones.
Appelé aussi droit coutumier traditionnel,
celui-ci constitue la première source du droit de l'environnement
dans les États africains.
On peut définir la coutume comme
<<l'ensemble des manières de faire, considérées
comme indispensable à la reproduction des relations sociales et à
la survie des groupes lorsque ces groupes ne font pas appel à une
instance extérieure ou supérieure (tels Dieu ou l'État)
pour les réguler >>.
Pour le dire autrement, la coutume n'est pas
particulièrement judiciaire ou juridique. Elle suit les articulations
sociales dont elle s'inspire ou qu'elle habille.
En d'autres termes, la coutume constitue le cadre
fondamental du mode de reproduction et de transmission des attitudes et valeurs.
On connaît le processus de formation de la
coutume. Ce qui caractérise cette source du droit, c'est son
caractère populaire ou impersonnel, c'est-à-dire que personne
en particulier n'est chargée de créer la règle
coutumière.
Elle est l'oeuvre de Monsieur tout le monde, des
particuliers comme des gouvernants.
<<C'est la source
<<naturelle>> au sens plein du mot, faite de précédents,
d'imitations, de comportements
héréditaires>>[126]
Mais si le mécanisme de formation des coutumes
africains est relativement simple, il est plus difficile de savoir, d'un
point de vue sociologique, comment ces coutumes ont pris
naissance.
Elles
sont en réalité des solutions adoptées par les groupes
sociaux pour résoudre leurs problèmes, dont les caractères
dépendent de données fournies par les faits. Ceci explique
que les caractères des droits précoloniaux dérivaient
directement des caractères des sociétés où ils
avaient pris naissance et que ces sociétés parvenues à
un degré analogue d'évolution, les coutumes, malgré
leur diversité présentent une certaine
unité.
Il
est clair, que c'est dans ce contexte que les représentations culturelles
africaines de l'environnement prennent forme.
La protection de la nature et le souci de
préserver l'équilibre du
milieu sont une préoccupation
constante de la plupart des sociétés africaines traditionnelles
dans la mesure où, l'homme y vit généralement en harmonie
avec la nature dont il se conçoit comme un des éléments.
Cette préoccupation se traduit sur le plan
juridique par des prescriptions du droit coutumier réglementant, suivant
les zones considérées, la coupe de l'arbre, l'utilisation des
cours d'eaux communs, la chasse, les feux de brousse, l'affectation et
l'utilisation des sols,...
En dépit des mutations actuelles, le droit
coutumier traditionnel reste encore très vivace en zone rurale, et
joue dans certains cas le rôle de droit
supplétif.
On l'aura noté : l'existence des sources
traditionnelles implique que les systèmes juridiques africains sont
de systèmes complexes, des systèmes sédimentaires faits
d'apports successifs.
Dans la plupart des États, les
procédés modernes sont en concurrence avec l'un des
procédés traditionnels de création de droit, parfois
même avec les deux. Inévitablement, cette coexistence que nous
évoquions tantôt, soulève le problème des rapports
entre le droit moderne et les droits traditionnels et entre ces derniers
eux-mêmes.
D'un point de vue statique, comment régler
les conflits éventuels entre des règles d'origine différente
?
D'un point de vue dynamique, quel est l'avenir des
droits traditionnels ? Faut-il les marier aux droits modernes ? Dans
l'affirmative, à quel prix, selon quelle méthode ? Est-il
préférable de confier cette tâche aux tribunaux ou aux
législateurs, chargés d'élaborer dans chaque État
une <<common law>>
africaine à partir des règles existantes ?
Si nous n'avons pas la prétention de
répondre à toutes ces interrogations, une chose est sûre
et certaine : au-delà de ces problèmes posés, c'est
toute la réflexion sur l'efficacité et l'effectivité
des différents types idéaux des ordres normatifs (qu'il soit
accepté, négocié, imposé ou
contesté)
[127] en vigueur dans le champ juridique et judiciaire
en Afrique qui doit être menée.
Ceci est d'autant plus urgent eu égard à
l'impact de la colonisation sur les droits
"locaux".
§ II - Du droit colonial
La colonisation apportera des modifications importantes
aux procédés traditionnels de création de droit que
nous venons de décrire.
Ces procédés fonctionnent désormais
dans un contexte nouveau qui réagit inévitablement sur
l'évolution des droits traditionnels, en dehors de toute action volontaire
des autorités coloniales.
La colonisation est à l'origine de
transformations économiques, sociales, culturelles, religieuses, qui
contraignent les droits traditionnels à évoluer dans un sens
déterminé, celui du modernisme.
La sclérose des structures
socio-économiques, précoloniales et le culte des ancêtres
qui avaient précédemment déterminé une
cristallisation des droits traditionnels sont mis en
cause[128].
L'exemple de la politique domaniale et foncière
de la colonisation en est une parfaite illustration.
Il est évident que les droits fonciers coutumiers
africains, on le sait, sont d'une très grande complexité. Ils
constituent surtout un fait social total qui dépasse la seule
réglementation des prérogatives résultant de l'appropriation
ou de l'utilisation de la terre. Cette dernière est l'objet d'enjeux
multiples dont certains sont de nature méta-juridique.
La terre est d'abord une chose sacrée qui
assure dans la plupart des sociétés africaines la médiation
de l'homme au sacré; elle est ensuite un élément du
statut social dans la mesure où elle détermine les rapports
de l'homme aux différents groupes sociaux dont il est membre; elle
est enfin un enjeu économique en tant que moyen de
production[129]
Ce pluralisme de l'objet ou des fonctions de la
terre soustrait celle-ci à une réglementation par du
<<droit pur>> et désincarné, indifférent
à la sociologie et notamment au religieux, comme l'est le droit occidental
depuis qu'il a été placé sous le règne du positivisme
normativiste.
La terre n'est donc pas perçue en Afrique,
comme une chose morte, sans âme, susceptible d'appropriation privative
individuelle, mais comme le sanctuaire
des forces et des esprits.
C'est pourquoi les droits sur les terres sont
concédés, non cédés, étant entendu qu'il
s'agit de droits à la fois précaires et
définitifs[130].
Précaires, en ce sens que nul ne peut les
comparer au droit de propriété européen, absolument
opposable à tout tiers et à toute autorité sociale,
sauf en cas de procédure d'exploitation pour cause d'utilité
publique.
Définitifs cependant, dans la mesure où
ils sont partie intégrante du statut de l'individu au sein de l'ordre
dont il est membre.
Pour autant, ce ne sont pas des droits réels,
mais plutôt des << droits
personnels de l'individu sur le groupe, dans le cadre du groupe, comme expression
du groupe
>>[131]
Aussi longtemps que l'individu est reconnu comme
membre du groupe, c'est-à-dire tant qu'il n'aura pas été
banni, que sa filiation ou son alliance avec le groupe pourra être
établie, il aura un droit absolu à une terre de la communauté
et éventuellement à celle de son lignage et de son
père.
On le voit : la double dimension sacrée et
communautaire de la terre dans l'Afrique traditionnelle lui assure un rôle
capital dans la protection de l'environnement.
D'une part, la terre en tant que chose sacrée
est soigneusement préservée comme en témoignent les
nombreux bois sacrés qui la protègent par leur couvert
végétal jalousement conservé et soigneusement entretenu.
D'autre part, la terre est une chose communautaire
dont le chef lui-même ou le maître de la terre n'est que le
gardien[132], et la personne, la famille ou le clan à
qui elle est confiée pour servir à la fois de lieu de culte,
de sépulture et de domaine exploitable doit la gérer d'autant
plus
<<rationnellement>>
suivant une rationalité
cosmologique et
cosmogonique propre à chaque
communauté qu'elle n'est pas un simple bien qu'on use, abandonne ou
aliène à sa guise.
§ III - Du droit écrit
post-colonial
On peut distinguer ici, suivant l'ordre chronologique
de leur formation, les sources législatives et réglementaires,
d'émergence plus ancienne et des sources constitutionnelles d'apparition
plus récente.
Depuis la Conférence de Stockholm de 1972
sur l'environnement et quelquefois avant, de plus en plus de pays africains
ont édicté des réglementations relatives aux parcs et
réserves naturelles, à la protection des sites et de certaines
espèces fauniques.
La question était abordée indirectement
à travers certaines branches du droit liées à la gestion
des ressources et de l'espace, tels que le droit de l'urbanisme, le droit
de l'aménagement du territoire, le droit minier et le droit forestier
etc.
Il en est résulté un éparpillement
des normes juridiques relatives à la protection de l'environnement
tenant à leur fragmentation sectorielle.
En revanche, le renouvellement du constitutionnalisme
africain, consécutif aux mutations politiques en cours depuis le
début des années 1990, révèle une plus grande
attention des constituants africains aux considérations environnementales.
Cette attention est liée à une prise, de conscience exceptionnelle
enclenchée par la CNUED et galvanisée par le Sommet de RIO.
Ainsi, la plupart des constitutions africaines
adoptées depuis lors consacrent une ou plusieurs dispositions à
l'environnement, soit dans leurs préambules, soit dans leurs dispositions
mêmes.
Sur le plan régional, l'apport de l'Organisation
de l'Unité Africaine (l'OUA) à la protection de l'environnement
est double : en premier lieu, l'OUA a contribué à élaborer
un droit régional de la conservation de la nature.
Au-delà de la convention d'Alger de conservation
de la nature et des ressources naturelles (1968) et de la convention
phytosanitaire pour l'Afrique (1969) contre les maladies des
végétaux, c'est surtout la réplique africaine à
la convention de Bâle qui est la plus marquante.
En second lieu, l'OUA a participé à
l'élaboration du DIE à travers les conférences de Stockholm
et de RIO.
En troisième lieu, on peut dire qu'au-delà
des obstacles politiques, juridiques et institutionnels liés à
l'OUA (il n y a pas, par exemple, d'organes permanents et indépendants
en matière d'environnement) le problème dramatique de la
précarité de la situation financière est plus que jamais
posé en particulier pour contribuer à promouvoir et appliquer
des législations dans chaque État africain et ce, à
travers des associations et des organisations régionales
africaines[133].
On le voit, la bataille pour la protection de
l'environnement se déroule sur tous les fronts.
Aujourd'hui, se dessine un fort mouvement de
constitutionnalisation du droit de l'environnement en Afrique.
Il reste toutefois, que ce droit ne peut être
véritablement efficace et effectif que si d'une part, les
représentations culturelles africaines de l'environnement sont prises
en compte dans son élaboration, et, d'autre part, si la plupart des
concepts qui accompagnent le droit de l'environnement : ainsi le concept
de développement durable, le concept de générations
futures, de patrimoine commun de l'humanité et bien d'autres principes
encore dont il convient à présent d'en discuter leur portée
en Afrique sont bien étayés et
revisités.
DEUXIEME PARTIE : POUR UN DROIT DE L'ENVIRONNEMENT PLUS RESPONSABLE,
PLUS EFFICACE ET PLUS EFFECTIF EN AFRIQUE.
Lorsque l'on est amené à l'application
du droit de l'environnement, il faut parler en terme d'effectivité
et d'efficacité.
L'effectivité peut être définie
comme la correspondance entre la règle et le comportement de ses
destinataires.
On peut à cet égard distinguer, d'une
part, des destinataires primaires qui seraient les citoyens, le commun des
mortels, et, d'autre part, des destinataires secondaires qui seraient les
autorités chargées de veiller à l'application de la
règle.
L'efficacité peut être définie
comme les moyens mis en oeuvre pour atteindre un résultat, un but
déterminé, ce qui pose les problèmes de la qualité
des moyens mis en oeuvre par rapport au but visé.
On l'aura compris : les problèmes
d'effectivité et d'efficacité sont intimement
liés.
Cependant, quelque soit le type de phénomène
privilégié (conciliation, répression ou négociation)
l'effectivité et l'efficacité seront toujours imparfaites,
dans la mesure où le droit de l'environnement et notamment la dimension
morale qui pourrait y être attachée est
ambiguè.
Ambiguè et incertain, le droit de l'environnement
l'est aussi dans ses fondements et contradictoire dans son contenu.
L'absence de choix clair et de priorité nettement
affichée conduit à l'altération des textes, à
leur contournement.
Faute d'une élaboration d'ensemble, on en
est réduit aujourd'hui à pointer d'innombrables incohérences
qui ne sont que le reflet de l'incapacité de nos sociétés
à conjuguer réellement environnement et
développement[134].
Ces contradictions ou du moins ces discours
ambiguès sont, en partie, à l'origine de l'ineffectivité
du droit de l'environnement - si l'on veut se donner la peine
- d'observer la pratique
quotidienne.
En Afrique, la situation se complique avec
l'émergence des nouvelles questions posées par l'environnement
et notamment des nouveaux concepts pour le moins trop imprécis et
vagues qui accompagnent le droit de l'environnement.
S'il est manifeste que le droit de l'environnement
ne peut être dissocié des études menées en biologie,
physique, chimie, géographie, sociologie, océanologie etc.,
il devrait aussi permettre la réconciliation si ardue à
entreprendre, entre d'une part, le droit positif et le droit naturel, d'autre
part entre l'environnement et le développement.
En clair, le droit de l'environnement ne saurait
se réduire au constat des règles existantes (comme nous venons
de le voir) mais doit se livrer à une opiniâtre recherche
fondée sur l'observation de la nature, ses causes finales, ses
orientations natives, les victoires sur l'entropie de la conservation et
de la perpétuation des espèces.
Dans cette démarche téléologique,
l'utilité n'est pas utilitarisme car elle sert le Mieux-Etre, le
Mieux-Vivre préférés au Mieux-Avoir.
Cette deuxième partie a une double ambition.
D'abord, à travers une approche dialectique,
un jeu permanent d'interactions, nous voulons redéfinir les concepts
en présence, et ce, dans le seul but de mettre en place quelques
éléments pour une véritable réconciliation entre
l'environnement et le développement (Chapitre
premier);
Ensuite, au-delà du droit-recherche et du
droit règle, il faudra mettre en place quelques éléments
de réflexion théorique et constructive pour un droit de
l'environnement plus effectif en Afrique (Chapitre deuxième).
CHAPITRE PREMIER : LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉCONCILIATION
ENTRE L'ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT. CONDITION SINE QUA NON
D'UN DÉVELOPPEMENT "DURABLE" POUR LES "GÉNÉRATIONS
FUTURES"
Trois
questions pour nous introduire dans ce débat.
Le droit de l'environnement est-il un instrument
aux mains des décideurs, de l'État ou plutôt un outil
de sauvegarde de la nature ?
La
protection de l'environnement peut-elle concilier en un temps record, les
faveurs de son principal rival : le droit du développement et de la
croissance économique déchantés aujourd'hui ? Le droit
de l'environnement tel que prêché aujourd'hui est-il un correctif
au droit du développement tant exalté en Afrique dès
les années 1960 ? S'agit-il enfin d'une
"voie de salut"? ou encore d'un
autre "machin" ?
Difficile à dire, du moins pour
l'instant.
L'admonestation pathétique :
<<halte à la
croissance>>, si elle
n'eût pas pour résultat une remise en cause du progrès
que la crise économique se chargea peu après de provoquer,
favorisa une prise de conscience des liens intimes entre la matière,
l'énergie et la vie, entre le développement et
l'environnement[135]
La protection du patrimoine et des équilibres
naturels ne sauraient se concevoir comme une simple politique de conservation
en l'état primitif et de préservation contre les
dégradations. Sa survie appelle une politique d'entretien, d'exploitation,
de gestion et parfois d'aménagement :l'environnement doit s'allier
le développement, lequel doit être
<<durable>> (Section
II).
En outre, la réconciliation entre l'environnement
et le développement ne peut être scellée de façon
solide et porteuse que si les diverses notions qui ont émergé
récemment à la faveur du développement du droit de
l'environnement au niveau international ne reçoivent un contenu
précis (Section I)
SECTION I : LES NOTIONS
ET CONCEPTS EN CONFLITS ET EN DÉBATS
Le droit de l'environnement est un terrain idéal
pour l'innovation juridique.
Sa fertilité le prédispose à
un foisonnement conceptuel d'autant plus riche que les sciences de la nature
lui apportent régulièrement des données nouvelles.
Seulement, ce foisonnement d'idées et de notions en vient quelquefois
à dérouter le juriste, car les notions nouvelles
suggérées à partir de considérations
écologiques ne sont pas toujours faciles à appréhender
sur le terrain juridique et pratique.
C'est le cas des principes ou des concepts de
développement durable, des générations futures,
d'intérêt commun de l'humanité qui sont au coeur de la
problématique environnement et développement
aujourd'hui.
La
science du droit se doit de construire ces notions sur le plan juridique
en donnant à chaque concept une signification juridique précise
(§ I).
D'autre part, se pose le problème de la
réception en droit de l'environnement de notions certes consacrées
par ailleurs, mais dont l'application en matière d'environnement
apparaît malaisée, suivant le domaine en cause. Il en est ainsi
de la notion de
<<patrimoine commun de l'humanité>> dont l'application
à certaines ressources de la nature reste débattue et
apparaît à bien des égards comme un sujet de controverses
(§ II).
§ I - Comment construire une notion juridique de <<
développement
durable>>
L'intérêt de la question est le suivant
: le Droit International de l'Environnement repose essentiellement sur une
notion, celle du développement durable, or celle-ci fait l'objet de
diverses interprétations, que peut-on en penser ?
Au niveau international, le concept apparaît
dans les années 1960 sous d'autres appellations, la conférence
de Stockholm dégage le concept d'éco-développement (1972),
l'UICN invente le concept de développement durable (1980).
Cette expression est définie puis proposée
au niveau international par la commission mondiale sur l'environnement et
le développement (CMED).
Créée en 1983 par l'Assemblée
Générale des Nations Unies son rapport
<<our common
future>> ( 1987) est à l'origine de la notion de
<< substainable
development>> : <<
ce qui s'impose, c'est une nouvelle approche : l'ensemble des nations devrait
viser un type de développement où s'articuleraient la production
et la conservation de ressources, et où les deux seraient associés
à une politique permettant à tous de vivre correctement et
d'accéder équitablement aux ressources. La notion de
développement soutenable offre un cadre permanent d'intégrer
politiques d'environnement et stratégies de développement,
ce mot étant entendu au sens le plus large. (...) Le développement
soutenable c'est s'efforcer de répondre aux besoins du présent
sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des
générations
futures...>>[136]
Au regard de cette définition, deux observations
s'imposent .
D'abord, le concept
de<<besoins>>, et plus particulièrement des
besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d'accorder
la plus grande priorité.
Peut-on dire, en l'état actuel des choses
que les besoins essentiels des plus démunis sont pris en compte ?
Peut-on vivre correctement et accéder
équitablement aux ressources quand les discriminations entre le Nord
et le Sud d'une part, et entre le Sud-Sud d'autre part, sont des plus criantes
en cette fin de siècle ?
Peut-on protéger les
"générations futures" quand les générations
présentes n'ont pas le strict minimum pour vivre ?
Le qualificatif de
<<durable>> ne signifie t-il pas ce qui est stable ?
Ce qui correspond à une gestion d'un
bien-être qui dure ? Mais pour qui ?
Ensuite, l'idée même d'une croissance
économique ne constitue t-elle pas un danger pour l'environnement,
puisqu'elle exerce des pressions sur les ressources. On connaît la
chanson du développement et de la croissance économique plus
précisément les théories des
"développeurs" de l'Afrique.
Nous empruntons ce terme à Robert
Chambers[137]
Il existe certainement un <<
piège du développement
durable>>, comme le fait remarquer, d'ailleurs, excellemment
l'économiste Serge Latouche
<<le développement durable,
soutenable ou supportable n'est pas que la dernière née d'une
longue suite d'innovations conceptuelles visant à faire rentrer une
part de rêve dans la dure réalité de la croissance
économique.
Cette inflation des qualificatifs ajoutés au développement
est une tentative de conjuration magique de ses effets négatifs. Le
développement a été successivement : endogène,
autocentré, socialiste, intégré, intégral,
harmonieux, participatif, autonome et populaire (...). On a là un
bel exemple de diplomatie verbiale, consistant à changer les mots
quand on est impuissant à changer les choses.
Si c'est le développement et non l'environnement qu'il s'agit
de rendre durable, on a affaire à une mystification. Si durable veut
dire préserver l'environnement, alors c'est incompatible avec la logique
économique.
Pour comprendre le jugement pessimiste que l'on peut porter sur la
probabilité et la consistance d'un développement durable et
en tirer les conséquences pratiques il faut rompre avec ces
stratégies incantatoires et regarder les choses en face.
Le <<développementisme>> manifeste la logique
techno-économique dans toute sa rigueur. Il n'y a pas de place dans
ce <<paradigme>> pour le respect de la nature réclamé
par les écologistes (...). Le développement durable est comme
l'enfer, il est pavé de bonnes intentions.
Les exemples de
compatibilité entre développement et environnement qui lui
donnent créance ne manquent pas. Il ne faut pas se leurrer pour
autant.
Ce n'est pas l'environnement
qu'il s'agit de préserver, mais avant tout le développement.
Là réside le piège
>>[138]
Serge Latouche ajoute dans son ouvrage sur les
Dangers du marché planétaire que
<<le slogan du développement
durable permet de satisfaire dans l'imaginaire deux aspirations antagonistes,
la poursuite indéfinie d'une forme d'économie fondée
sur la domination et la destruction de la nature, et la préservation
d'un environnement
sain>>[139]
On le voit, le
"développement durable" tel que consacré solennellement
par la Déclaration de RIO est un concept flou, difficile à
transcrire en droit et a
fortiori dans la pratique juridique.
Par ailleurs, s'il apparaît d'emblée
comme une notion économique, la notion de développement durable
a, un champ plus vaste que celle initiale, de développement
économique : elle propose un modèle de croissance et
d'activité humaine qui inclut explicitement les considérations
environnementales et le principe d'une allocation et d'une utilisation
progressives et, donc durable, des ressources.
Enfin, devant les deux thèses du
développement durable en présence, il faut construire une relation
du
<<milieu>> ou d'un
<<juste milieu>> (nous empruntons ce terme à
François
Ost).[140] Une relation transformative qui soit en fait
déterminante de leur identité même.
La première thèse explicite ou implicite,
est celle en particulier d'un grand nombre d'hommes politiques, d'industriels,
et plus généralement de décideurs : l'important ici
c'est que le développement puisse durer.
La seconde thèse, qui est celle en particulier
de chercheurs en sciences écologiques, des responsables d'ONG, consiste
à affirmer que le développement durable est avant tout respectueux
de l'environnement, de la préservation des écosystèmes.
Pour les ONG, le terme développement contenu
dans cette expression s'entend par opposition à la croissance, et
vise un développement socialement juste et écologiquement
sain.
Loin d'être une médiocre moyenne entre
deux extrêmes, le juste milieu apparaîtra comme une alternative
ou du moins un "médium".
De nombreux juristes insistent sur cette vision.
Pierre Marie Dupuy écrit
:<< le développement constitue désormais l'axe autour
duquel les négociations multilatérales menées dans le
cadre universel tentent de regrouper les principales règles constitutives
du droit contemporain de
l'environnement>>[141]
Pour sa part, Alexandre Kiss écrit :
<<on peut estimer que désormais
la fusion est définitive entre protection de l'environnement et
développement. Elle est exprimée par le terme
<<développement durable>> qui ne signifie pas
nécessairement croissance économique. Elle impose des devoirs
aux pays pauvres, mais aussi aux pays industrialisés : les relations
entre les deux ne sont plus basées sur des considérations
humanitaires ou politiques, mais sur la solidarité inévitable
de toute l'humanité devant les grands problèmes auxquelles
elle doit faire
face[142]
Si pour Stéphane
Doumbé-Billé[143], l'enseignement qu'il faut tirer de la double crise
écologique est l'émergence d'un droit des générations
actuelles et à venir à satisfaire équitablement leurs
besoins de développement et d'environnement, Edith Brown
Weiss[144] plaide pour un véritable
"Droit intergénérationnel" destiné à
préserver la qualité de l'environnement et de la vie des futures
générations.
On le comprend aisément l'entreprise est
loin d'être facile.
Peut être que l'entreprise s'avère
t-elle simplement impossible; elle est à tout le moins difficile,
d'autant que la notion de développement est, même sur le terrain
économique où elle a fait en premier son apparition, une notion
controversée, impliquant en tout état de cause des
éléments non matériels et non quantifiables.
Il est sans doute bien plus aisé en droit
de dire quelles sont ses implications juridiques, que ce soit au niveau interne
d'un État ou au niveau international. Qu'à cela ne tienne,
si ces différents concepts ne sont pas clairement définis,
le droit de l'environnement en Afrique ne peut être, une fois de plus,
comme l'a été jusque là, le droit foncier, qu'un instrument
aux mains des décideurs, de l'État plutôt qu'un outil
de sauvegarde de la nature.
Pire encore, les acteurs les mieux informés,
se prêteront à une utilisation opportunistes des règles
juridiques en fonction du résultat recherché. Paradoxalement,
le<<panjuridisme>>
ou envahissement d'un champ déterminé par un amoncellement
de règles en modification permanente, conduira alors au
<<non-droit>>. C'est donc bien l'ambivalence qui
caractérise l'application du droit de l'environnement en
Afrique.
On le voit, la notion de développement durable
reste un problème entier sous l'angle juridique. Il en est de même
de celle de patrimoine commun de l'humanité qui se pose non seulement
en termes de temps et d'espace mais entre en conflit avec le principe de
souveraineté des États.
§ II - Comment concilier le principe de la souveraineté
des États sur leurs ressources naturelles et l'environnement comme
<<patrimoine commun de l'humanité>>
En droit, le concept de
<<principe>> est autre chose qu'un simple énoncé
constatatif ou axiomatique. Il
signifie[145]:
* Soit une
règle ou une norme générale de caractère non
juridique d'où peuvent être déduites des normes juridiques
: ainsi en est-il du principe de la souveraineté de l'État
ou du principe de coopération par exemple.
* Soit une
règle juridique établie par un texte en termes assez
généraux, destinés à inspirer diverses applications
et s'imposant avec une autorité supérieure. Le terme principe
renvoie dans ce cas au "principe positif
du droit" c'est-à-dire à une norme explicitement formulée
dans un texte de droit positif, à savoir, soit une disposition
légale, soit une norme construite à partir des éléments
contenus dans ces dispositions.
Le droit international de l'environnement à
émergé dans une société internationale
déjà travaillée par d'autres préoccupations
liées à l'émergence de nouveaux États et à
leurs soucis de développement.
Nouveaux venus sur la scène internationale,
ces États avaient à coeur d'affirmer leur souveraineté
en tant qu'entités indépendantes.
Confrontés aux difficultés du
sous-développement, ils tenaient à avoir la maîtrise
juridique de leurs richesses afin de les mettre au service de leur essor
économique.
Le principe de la souveraineté permanente
des États sur leurs ressources naturelles est né de la rencontre
de ces deux préoccupations.
Parallèlement, s'est développée
la conscience que les problèmes environnementaux ne peuvent être
résolus efficacement au niveau d'un seul État, mais, en bien
des domaines, au niveau régional ou planétaire comme en
témoigne la Déclaration de RIO.
La progression au sein de la communauté
internationale de l'idée majeure selon laquelle l'environnement doit
être préservé non seulement dans l'intérêt
des habitants actuels de la planète mais aussi dans celui des
générations à venir a conduit à la
nécessité d'ériger l'environnement en un
<<patrimoine commun de
l'humanité>>.
Il faut indiquer d'emblée que cette expression
très usitée, empruntée manifestement au droit de la
mer, est critiquable, et d'abord sur le plan de la terminologie.
Elle est redondante dans la mesure où
l'humanité étant formée de l'ensemble de l'espèce
humaine regroupée au sein des États, son patrimoine est
nécessairement commun. L'épithète
<<commun>> est donc de trop et inutilement
emphatique.
Par ailleurs, dans le langage courant, le mot
"humanité" est parfois confondu avec l'ensemble des peuples du monde.
Il s'agit, en fait, des générations
passées, présentes et à venir. C'est probablement une
solidarité intergénérations qui caractérisait
le mieux l'humanité avec, bien sûr, le fait qu'existent une
unité autour de l'espèce humaine et une diversité très
importante[146]
Il est clair que l'humanité fait ici partie
intégrante de la nature.
Il reste, toutefois, que deux logiques contradictoires
s'affrontent en permanence en droit international de
l'environnement.
D'abord, celle issue de la pente naturelle des
souverainetés qui conduit à l'accaparement prédateur
des ressources prises dans la masse du territoire et enserrées dans
ses frontières.
Ensuite, celle qui résulte au contraire du
constat lucide des faillites auxquelles mène la première tendance,
et engendre non plus la dynamique de l'accaparement mais celle de la
coopération et de la coordination internationales des usages d'un
environnement perçu comme un bien
collectif[147].
Cette contradiction fondamentale est encore
irrésolue, en particulier lorsque les aspects en cause de l'environnement
concernent des ressources naturelles situés sur le territoire des
États.
Ainsi l'érection de l'environnement en patrimoine
de l'humanité implique en effet que de chose d'un seul (État)
les ressources concernées deviennent
un<<bien>> collectif.
Or, on le sait bien, ces ressources (c'est en
particulier le cas des forêts) ou d'autres biens culturels, naturels
ou mixtes sont avant tout des ressources naturelles à valeur
économique.
Elles constituent par conséquent des richesses
nationales au même titre que d'autres richesses, et, les États
qui, par le hasard de la géologie et de la géographie abritent
ces richesses sur leurs territoires les percevant d'abord sous cet angle
avant toute autre considération.
Dès lors, déclarer ces ressources
"patrimoine de l'humanité" apparaît à leurs
yeux comme une spoliation de leurs richesses naturelles nationales.
Du coup, la notion de
"patrimoine commun" entre alors directement en conflit avec le
principe de la "souveraineté
permanente" des États sur leurs ressources
naturelles.
Ce principe, consacré par la résolution
1803 (XVII) adoptée par l'Assemblée générale
des Nations Unies le 14 décembre 1962, est considéré
comme un des principes fondamentaux du Nouvel Ordre Économique
International
(NOEI)[148].
Le recul du NOEI n'a pas entamé ce principe
qui fait désormais partie intégrante du droit international
positif[149], au même titre que le droit des peuples à
disposer
d'eux-mêmes[150] dont il constitue un
<<élément fondamental>> (cf. préambule
de la résolution 1803).
Cette résolution indique d'ailleurs que toute
mesure prise aux fins de la résolution 1514 (XV)
<<doit se fonder sur la reconnaissance du droit
inaliénable qu'à tout État de disposer librement
de ses richesses et de ses ressources naturelles, conformément à
ses intérêts nationaux et dans le respect de l'indépendance
économique des États>>.
L'Assemblée Générale des Nations
Unies déclare par ailleurs dans la même résolution que
<<<le droit de souveraineté permanente des peuples et des
nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles doit s'exercer
dans l'intérêt du développement national et du
bien-être des populations de l'État
intéressé.>>
On le voit : la souveraineté contrarie ici,
au moins sur certains points, les desseins écologiques planétaires,
et la difficulté n'est pas aisée à surmonter sur le
plan des principes.
Trois questions nous viennent à
l'esprit.
D'abord, du point de vue des objectifs du patrimoine,
il s'agit de soustraire des espaces ou des biens à la souveraineté
étatique et d'organiser leur gestion commune, rationnelle et durable.
La question est de savoir au nom de quoi et de qui
peut-on prendre une telle décision ? Qui doit organiser cette gestion
rationnelle ?
L'expression
<<gestion écologiquement
rationnelle>> présente dans l'Agenda 21 ne demande t-elle
pas à être précisée dans ses moyens et ses fins
?
Jean Jacques Gouguet, économiste, écrit
d'ailleurs dans une analyse critique d'Agenda 21 :
<<les rédacteurs d'Agenda
21 auraient dû se poser cette question : avons-nous besoin d'une gestion
rationnelle ou bien d'une gestion raisonnable ? Les termes ne sont pas neutres.
Ils sont porteurs de sens.
Le fait d'utiliser de
façon continue le concept de rationalité renvoie
inévitablement à une logique économicienne de marché,
ce qui n'est pas nécessairement le meilleur moyen de concevoir un
développement
durable>>[151].
Ensuite, du point de vue des problèmes
posés par le
<<patrimoine commun de
l'humanité>> (PCH) : comment institutionnellement
représenter l'humanité en particulier les générations
futures ? Un être qui n'existe sous aucune forme car ni né,
ni conçu peut-il se voir reconnaître un droit ? Les droits sont
-ils reconnus aux générations futures ou aux personnes,
ut singuli, qui les composeront
?
Les États parties à une convention
assureront-ils cette représentation ?
Comment politiquement et économiquement ne
pas transformer le
<<patrimoine commun de
l'humanité>> en une machine juridique participant à
une mainmise des pays les plus puissants du Nord et de leurs firmes
internationales sur les pays du sud ?
Autant de questions qui, si elles ne sont pas prises
en compte, compliqueront davantage les discours sur le droit de l'environnement
en Afrique.
Enfin, du point de vue du contenu du PCH, des
éléments qui appartiennent juridiquement à l'humanité
doivent être clairement définis.
A t-on vraiment besoin, comme nous le confiait,
le professeur Alain
Rochegude[152], de préserver ou de garder tous les insectes
du monde parce qu'ils doivent appartenir au patrimoine commun de l'humanité
?.
En définitive, il convient d'imaginer des
formules juridiques susceptibles de concilier le principe de la
souveraineté des États sur les ressources en cause,
considérées comme richesses naturelles, et l'exigence de la
gestion écologiquement rationnelle de ces ressources dans
l'intérêt des générations actuelles et à
venir.
C'est à cette condition que l'environnement
peut s'allier le développement, lequel doit être durable et
profitable aux peuples et non seulement aux industriels.
SECTION II : L'ENVIRONNEMENT DOIT S'ALLIER LE DÉVELOPPEMENT,
LEQUEL DOIT <<ETRE
DURABLE>>
Les préoccupations écologiques allaient
se révéler comme un élément indispensable au
développement lui permettant d'être durable et de n'être
pas entaché d'effets secondaires imprévisibles ou fâcheux.
C'est dans ce contexte qu'apparu
<<l'écodéveloppement>>
entendu comme un développement rationnel du point de vue écologique
accompagné d'une gestion judicieuse du
milieu[153].
Autrement dit : l'environnement est un facteur de
développement comme le précise d'ailleurs le principe 25 de
la Déclaration de RIO :
<<la paix, le développement
et la protection de l'environnement sont interdépendants et
indissociables>>.
Dans le même sens, le principe 4 affirme
<<pour parvenir à un
développement durable, la protection de l'environnement doit faire
partie intégrante du processus de développement et ne peut
être considérée
isolement>>.
Pour notre part, l'environnement ne peut être
conçu à la fois comme porteur de paix et de développement
que si au-delà de la consécration juridique du droit à
l'environnement et au développement (§ I), l'idée qu'il
y a un lien étroit entre le droit à l'environnement et le droit
au développement connaît une application effective en Afrique
(§II).
§ I - La promotion du droit à
l'environnement
Ce droit, reconnu aux individus et à leurs
regroupements, comprend le droit à l'information, à la
participation et au recours. C'est un droit à la conservation de
l'environnement.
Du
point de vue global, il est consacré dans la Déclaration de
Stockholm (1972) <<l'homme a
un droit fondamental à la liberté, à l'égalité,
et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont
la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le
bien-être (...) >> (principe 1)
Le texte de la déclaration fait une confiance
absolue à la science et à la technique pour permettre à
l'homme d'améliorer son environnement.
Les facteurs culturels et spirituels sont
malheureusement, une fois de plus, ignorés.
Si la Déclaration de RIO (1992) apparaît
bien ambiguè dans la formulation du droit à l'environnement,
c'est l'Afrique, qui, la première, a donné une consécration
juridique formelle au droit à l'environnement à travers la
Charte africaine des droits et des peuples adoptée à Nairobi
(Kenya) le 28 juin 1981, dont l'article 24 dispose que
<<tous les peuples ont droit
à un environnement satisfaisant et global, propice à leur
développement>>.
Cette charte, entrée en vigueur le 21 octobre
1986, a introduit désormais le droit à l'environnement dans
le droit international positif, fut-il- de portée
régionale.
Toutefois, jusqu'à aujourd'hui, ce nouveau
droit de l'homme, placé sous le signe de la solidarité
internationale, mais qu'il est possible de rattacher
au"droit du bien-être"
évoqué dans la Déclaration Universelle des droits de
l'homme de 1948, ne figure que depuis peu dans des instruments contraignants
de portée universelle, et encore dans un contexte très
marqué.[154]
Ce droit à l'environnement a, par rapport
à d'autres droits de l'homme, une spécificité notable
: il a naturellement pour destinataires des individus, des communautés,
des peuples mais aussi des
"générations futures".
On a même parlé de
"trust planétaire", chaque
génération recevant un legs qu'elle détient pour le
compte des générations
suivantes[155].
Seulement la même question se pose : comment
assurer la représentation des intérêts de ces dernières
?
Et, dans la mesure où le temps
<<abolit les barrières
érigées par les vies
humaines>>[156], comment arriver à apprécier les
risques d'irréversibilité ?
On le voit bien : une éthique de la
responsabilité s'impose ici (nous y reviendrons).
Par ailleurs, le droit à l'environnement
est consacré par un certain nombre de constitutions africaines
récentes, soit indirectement à travers la référence
à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ex; article
7 de la Constitution du Bénin de 1990; préambule de la constitution
nigérienne du 26 décembre 1992), soit directement en lui consacrant
une disposition explicite (article 29 de la constitution sud-africaine de
1983 amendée plusieurs fois depuis lors); (les articles 47 et 48 de
la constitution tchadienne du 31 mars 1996), soit enfin en utilisant les
deux techniques à la fois : ainsi du préambule et de l'article
29 de la constitution du Burkina-Faso du 11 juin 1991 qui dispose
:<<le droit à un environnement
sain est reconnu...>>
Certains pays africains paraissent ainsi, sur un
plan purement formel, tout au moins, bien en avance sur de nombreux pays
développés où la constitutionnalisation du droit à
l'environnement, voire sa simple consécration juridique au moyen
même des catégories normatives inférieures à la
constitution, demeure une revendication.
Reste tout de même - nous semble t-il - deux
questions transversales mais sous-jacentes à cette consécration
d'un droit de l'homme à l'environnement tant revendiquée. Ce
droit est-il promis à être un droit humain ordinaire, semblable
dans sa nature et dans ses conséquences à ceux qui l'ont
précédé ? Ou s'agit-il des droits égaux à
l'existence et au développement de chaque élément de
la nature parmi lesquels l'homme deviendra un citoyen
biotique[157] (biotic citizen) ou encore d'une
<<communauté juridique
naturelle>> (natürliche
rechtsgemeinschaft)[158]. Autrement dit : s'agit-il d'élargir les
droits fondamentaux à la nature elle-même
?[159].
On ne reprendra pas ici le procès, amplement
développé par le professeur François Ost, que l'on peut
instruire à charge de la deep
ecology et, sur des bases différentes, à l'utilitarisme
des intérêts qui conduit à doter les animaux de droits
subjectifs[160].
Le danger en effet, est qu'en donnant trop d'importance
à la vision radicalisée et faussée de la
deep ecology, on en arrive à lui assimiler la cause
écologique tout entière, qui serait alors rejetée sans
même avoir été débattue.
Qu'il nous suffise donc de dire que, si nous (Africains,
Européens, Asiatiques, Américains etc.;) avons des
responsabilités à l'égard de la nature et des animaux,
ils ne sauraient, en revanche, prétendre faire valoir des droits.
D'ailleurs, comment, en effet, prétendre
s'inspirer des commandements de la nature alors que c'est nous mêmes
qui la faisons parler ?
Est-ce vraiment nécessaire de mettre en place
un <<parlement des
choses>>, comme le préconise Bernard Latour
?
On le voit : les hésitations des uns et des
autres sont, du moins compréhensibles.
Certains, insistant sur la finalité humaine
de ce droit, sont conduits parfois à parler de droit d'accès
à la nature mais se contentent souvent d'évoquer un droit au
bien-être qui, dans cette hypothèse, se distingue mal du droit
à la santé.
D'autres ont une conception plus innovante :
préconisant une vision moins anthropocentrique du droit de
l'environnement, ils suggèrent la prise en compte de la nature comme
vecteur de ce droit.
Enfin l'hésitation est permise, nous semble
t-il, car la mise en oeuvre du droit à l'environnement s'avère
d'autant plus malaisée que son contenu est mal défini et
paraît en tout cas trop englobant, donc extrêmement large.
Il faudrait en tout état de cause comprendre
le droit à l'environnement comme un
<<droit
bidimentionnel>>, c'est-à-dire à la fois comme un
droit humain et un droit de la nature.
Cette approche écarte naturellement
l'anthropocentrisme juridique si fréquent en droit de l'environnement
qui, par son objet même devrait mettre en avant la nature dans toutes
ses composantes.
Nous pensons qu'il n'y a pas d'un côté
la société, de l'autre la nature.
La réalité nous fait voir un
<<milieu>>, produit dialectique de leurs interactions.
La prise en compte de ce
<<milieu>> implique
assurément une révolution épistémologique mobilisant
des savoirs interdisciplinaires et une pensée de la complexité
qui saisisse les logiques multiples et circulaires de leurs transformations
réciproques .
D'ailleurs,
<<l'éco-développement>>
en fournit un bel exemple de ce changement de paradigme.
On l'aura compris : revendiquer le droit à
l'environnement, c'est aspirer à un milieu sain et équilibré,
aspiration universelle qui ne peut cependant être pleinement
réalisée que dans un contexte de développement
économique harmonieux et durable.
De ce point de vue, le droit à l'environnement,
ne peut se concevoir, pour les pays en développement en
général, et, les pays africains en particulier, qu'en articulation
avec le droit au développement.
§ II - La promotion de la relation entre droit à
l'environnement et droit au développement
Dans la société internationale, le
village économique a précédé le village
écologique, en sorte qu'il est difficile d'envisager le second en
ignorant le premier.
C'est, en effet, une certaine conception de
l'économie et du progrès qui est à l'origine de la plupart
des problèmes écologiques auxquels le monde est confronté
aujourd'hui.
Mais le village économique est un lieu des
inégalités, où les plus pauvres côtoient les plus
riches et aspirent légitimement à accéder, eux aussi,
au niveau du progrès atteint par ces derniers.
Dans cette perspective, l'environnement apparaît
étroitement lié au développement, d'une part, parce
qu'un certain mode de développement- notamment celui pratiqué
jusqu'aux années récentes par les pays du Nord - est destructeur
de l'environnement, d'autre part, parce que la pauvreté est l'un des
principaux facteurs de la dégradation de la nature par l'homme et
que les pays sous-développés se livrent à une
surexploitation des ressources naturelles afin de se donner les moyens de
réaliser leurs objectifs de développement économique
et social.
La problématique s'énonce en des termes
fort simples : si l'environnement n'est pas protégé, le
développement sera compromis; sans développement, il ne sera
pas possible de protéger
l'environnement.[161]
Par
ailleurs, si l'Afrique a été la première à consacrer
formellement le droit à l'environnement dans un instrument juridique
régional ayant force contraignante, elle a été aussi
à l'origine de la notion de droit au
développement[162]
C'est, en effet, M. Keba M'Baye, alors premier
président de la Cour suprême du Sénégal qui a
été le promoteur de l'expression dans son cours
inaugural[163] à la session de 1972 de l'Institut International
des Droits de l'Homme (IIDH) de Strasbourg.
Cette problématique du droit au
développement sera portée par le mouvement de revendication
d'un Nouvel Ordre Économique International (NOEI) dont l'un des temps
forts fut la VIe session spéciale de l'Assemblée
Générale des Nations Unies de mai 1974.
Entre
1971 et 1974, tous les documents importants issus de rencontres internationales
ont souligné avec force le lien étroit entre l'environnement
et le développement : le rapport de Founex (Suisse) de juin 1971,
le Plan et la Déclaration de Stockholm (Suède) de juin 1972
et la Déclaration de Cocoyoc (Mexique) d'octobre
1974.
C'est, en effet, à Founex que l'environnement
et le développement se sont révélés être
deux aspects de la même question, et c'est grâce aux pays en
voie de développement qu'une telle réalité devint une
évidence pour tous.
De plus, le Rapport de Founex souligne
<<l'urgence impérieuse
des problèmes d'environnement qui naissent de la pauvreté,
de la nécessité de prendre à nouveau conscience de
l'importance des mesures correctives, et par dessus tout, l'obligation nationale
aussi bien qu'internationale de se consacrer au développement en tant
que
tel>>[164].
Peut-on interpréter la politique de la Banque
Mondiale aujourd'hui en matière des affaires environnementales comme
une réponse à la réaction des pays en voie de
développement ?
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'insertion
de la Banque Mondiale dans la dynamique environnement-développement
a été lente et mouvementée, - nombre d'ONG, surtout
nord-américaines, l'ont vivement
critiquée-,[165] mais elle est aujourd'hui
acquise.
Son Rapport annuel de 1992
intitulé<<le
développement et l'environnement>> fait de la lutte contre
la pauvreté un impératif d'ordre moral, indispensable à
une gestion avisée de notre environnement et précise ;
<<D'ici à 2030, la population mondiale aura augmenté
de 3,7 milliards d'habitants et il faudra pour répondre à la
demande doubler la production alimentaire et tripler la production
d'énergie... Cependant, cette croissance apporte avec elle une
épouvantable dégradation de l'environnement (entraînant)
un retour à un appauvrissement de la qualité de la vie pour
les générations actuelles et à venir...
Déjà de très graves problèmes se posent
qui appellent des solutions urgentes... Il incombe aux pays à revenu
élevé de contribuer pour une large part au financement, dans
les pays en développement, d'activités de protection des habitats
naturels et de la biodiversité dont le monde entier
bénéficiera.
Le financement doit être considéré comme un paiement
pour importation et non comme une aide.
Les pays riches doivent aussi prendre en charge la majeure partie
de ce que coûtera l'assainissement de l'environnement mondial ainsi
que tous les problèmes de portée mondiale dont ils sont la
cause principale, comme l'effet de serre et l'appauvrissement de l'ozone
stratosphérique>>[166].
Toutefois,
en dépit de cette bonne volonté qui ne peut plus être
mise en doute, il semble évident que la Banque Mondiale ne soit pas
encore en mesure de renoncer à son idéologie, l'économie
de marché et le libéralisme et à ses critères
traditionnels de rentabilité et de compétitivité et
surtout, des effets pervers menacent :
<<la concentration plus importante
de la Banque sur les problèmes mondiaux et la distribution afférente
des ressources vers les pays qui contribuent le plus aux changements mondiaux
pourraient nuire aux intérêts de beaucoup d'autres pays
démunis incapables d'exercer le même chantage, à moins
qu'ils ne jouissent de ressources uniques>>. On connaît la
suite.
Ainsi, alors que certains pays sont sur la liste
de tout le monde (Chine, Indonésie, Inde), d'autres manquent. Ces
derniers sont presque tous situés en
Afrique.[167]
On comprend aisément, d'une part, le souci
des pays en développement, en particulier ceux d'Afrique, d'insister
sur le lien indissoluble entre l'environnement et le développement,
notamment à travers leurs réticences et leurs inquiétudes
exprimées à la conférence de Stockholm, d'autre part,
leur volonté de recentrer la problématique de la protection
de l'environnement sur celle du développement.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que vingt huit
ans après Stockholm, la situation ne semble guère
s'améliorer.
An contraire, elle s'accentue avec la globalisation
économico-financière menée par les firmes et entreprises
multinationales.
Qu'il nous suffise de citer l'affaire de Seveso
en 1976 et surtout, peu de temps après la conférence mondiale
de l'industrie sur la gestion de l'environnement, l'affaire de Bhopal en
1985.
Que
dire alors de l'affaire Erika (1999) en France qui n'a pas fini de choquer
tous ceux qui espèrent encore au droit à un environnement sain
et écologiquement viable ?
Ou encore la puissance effrénée des
multinationales au Gabon, Cameroun, Kenya pour ne citer que ces pays
là.
En tous cas, Droit à l'environnement et Droit
au développement présentent des similitudes d'approches en
termes de rapport Nord-Sud et de doctrine de solidarité.
Le droit au développement impose
d'éliminer, au niveau international et national, tous les obstacles
d'ordre juridique qui se dressent devant les efforts des peuples pour sortir
du sous-développement.
Quant à la solidarité, elle trouve
en matière de protection de l'environnement comme en matière
de développement, son fondement dans l'exigence pour les auteurs
internationaux de déployer une action collective par voie de concertation
et de négociations permanentes, dans le but de réduire les
inégalités de développement entre nations et de rendre
possible des actions communes pour une meilleure conservation de la nature
pour les générations actuelles et celles à
venir.
Au demeurant, devant l'insuffisance des explications
épistémologiques et conceptuelles du droit de l'environnement,
ses incertitudes scientifiques, sa relative effectivité et
efficacité, se pose dès lors, la nécessité d'une
réflexion théorique et plus constructive du droit de
l'environnement.
CHAPITRE DEUXIEME : LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFLEXION
THÉORIQUE ET PLUS CONSTRUCTIVE DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT EN
AFRIQUE
Trois questions pour nous introduire dans ce dernier
parcours.
En fait, comment penser nos rapports au non-humain
sans référence à une nature conçue de façon
essentialiste, hors du politique pour les uns, non historique, immuable,
éternellement identique à elle même pour les autres
?
Comment penser nos rapports à la nature et
aux choses au-delà des grands partages et des concepts antagonistes
du sujet et de l'objet et des idéologies antagonistes de
l'anthropocentrisme et de l'écocentrisme ?
Comment concevoir un droit de l'environnement plus
efficace, plus effectif si celui-ci ne tient pas compte des interactions,
des représentations diverses, des réseaux, d'emmêlements
incessants entre les hommes, la nature, les choses et les discours
?
S'il n'y a pas de réponses toutes faites
à ces questions, on peut néanmoins ébaucher quelques
pistes utiles qui peuvent donner une direction à la
réflexion.
Avant d'aller plus loin, essayons de dissiper deux
malentendus possibles.
Le premier malentendu pourrait être relatif
à la nature des propos : la protection de l'environnement ne doit
pas servir de prétexte à la renaissance d'idéologies
collectivistes qui ont montré leur caractère fatal pour la
liberté, la croissance et l'environnement. Ainsi certaines conceptions
étroitement réglementaires de la lutte pour les objectifs de
l'écologie pourraient se révéler nuisibles pour la
propriété et les droits qu'elle permet de
protéger.
Inversement, et c'est le deuxième malentendu,
une conception de la propriété comme un absolu pourrait faire
obstacle à l'amélioration et à la protection de
l'environnement, comme nous l'avons vu, tout au long de ce
parcours.
Si les deux concepts de propriété
et d'environnement peuvent être liés par une relation
négative, l'objet de notre réflexion est de montrer qu'ils
peuvent être placés dans un rapport positif : il n'y a pas lieu
de sacrifier les droits de l'homme à ceux de la nature, ni les droits
de la nature à une conception prédatrice de l'homme et de son
activité industrieuse.
Nous ne plaidons pas pour autant pour un retour
à la pensée holiste et prélogique qui identifiait sujet
et objet.
Bien entendu, il ne faut pas tomber dans le piège
des résurgences du passé et de voir tout en "traditionnel"
en Afrique. La situation d'aujourd'hui est très
complexe[168].
Il est nécessaire de dépasser la
périodisation tripartite (précoloniale, coloniale, post-colonial)
qui tend littéralement à tout enfermer dans la problématique
de l'État-nation et du développement d'une
part[169], et la tentation de confondre les pratiques culturelles
vivantes africaines avec les discours intellectuels ou politiques sur les
représentations culturelles et traditionnelles en Afrique, d'autre
part.[170]
On le voit : la véritable alternative est
dialectique. Elle se pose en termes des relations que nous pourrons avoir
avec la nature comme : élément de survie, de protection mais
aussi et surtout ce que la nature peut attendre de nous : que
nous la cultivions et la protégions.
Tout dépendra de ce que nous aurions fait
de et
avec la nature.
Se pose dès lors le problème de notre
responsabilité présente qui nous engagera à rendre compte
aux générations futures.
Le temps est peut être venu de souligner qu'un
village (qui se veut planétaire) n'est viable, durable que si des
charges sont assumées collectivement par les citoyens qui le
compose.
Notre contribution qui s'inscrit dans cette logique
déplore l'absence d'un droit de l'environnement cohérent et
constate qu'en l'état actuel des choses, la superposition des textes
ne donne pas, du moins en Afrique, un "corpus juridique" guidé par
une logique interne.
D'où notre souci, à présent,
de tenter de repenser d'une part, les fondements scientifiques du droit de
l'environnement (Section I) et de requestionner - pour le dire simplement
- de revisiter la gestion des rapports homme/nature d'autre part (Section
II).
SECTION I : LE DROIT DE L'ENVIRONNEMENT : VERS DE NOUVEAUX FONDEMENTS
SCIENTIFIQUES ?
Ce n'est, en effet nullement un hasard si dans le
débat entre science et droit, le droit de l'environnement occupe une
place à part et
délicate.[171]
Si l'environnement est en danger, c'est
en grande partie parce que la
science a donné à l'humanité l'illusion de maîtriser
la nature, avant que de la détromper cruellement.
Et maintenant que, à peu de choses près,
toute avancée comme potentiellement créatrice de nouveaux dangers,
la tentation est grande de croire que le droit de l'environnement est un
ennemi irréductible de la science. Loin de là.!
Toutefois, les limites imparties par les dimensions
de cette introduction ne permettent pas de lever cette ambiguïté
génératrice de plus de questions que de
solutions[172], mais il est possible de tracer quelques pistes.
Nos pistes passeront au travers des fondements
philosophiques du droit de l'environnement (§ I), des fondements
socio-anthropologiques (§ II) ainsi que des fondements juridiques et
conceptuels (§ III).
Toutes montreront que, si, à bien des
égards, la collaboration entre droit de l'environnement et science
(lato sensus) est inévitable, la confrontation de ces deux
<<blocs de savoir>>, objets et résultats de recherches
et de démarches radicalement différentes, n'est pas une
confrontation en champ clos, mais bien une opposition influencée par
des facteurs socio-culturels, juridiques et politiques extrêmement
complexes.
§ 1 - Des fondements philosophiques du droit de
l'environnement
Pour obtenir des résultats par rapport aux
objectifs, qui sont fixés dans ce domaine, à savoir une protection
effective et efficace de l'environnement, il est plus que jamais nécessaire
d'en assurer les fondements philosophiques.
Ceci, afin, selon les mots de François Ost,
<<d'en déterminer la place
dans une hiérarchie des valeurs, et d'en dégager un ordre de
priorité clair pour les
décideurs>>[173].
En effet, selon lui, la question de la
responsabilité envers l'environnement est devenue une priorité,
et ce, en raison de l'importance des déséquilibres
écologiques qui sont d'une telle ampleur que la question d'une survie
douée de sens pour les générations futures se pose
véritablement.
D'autres auteurs soutiennent également la
même position, et notamment Edgar Morin et A. B. Kerne dans leur ouvrage
Terre-patrie.[174]
Selon eux, la communauté de destin, les risques
liés aux déséquilibres écologiques, la mondialisation
de l'économie et des moyens de communication ébauchent une
conscience panétaire et imposent des valeurs.
Les questions qui viennent à l'esprit sont
entre autres : de quelles valeurs s'agit-il ? Quel système de
rationalité mettre en place ?
Peut-on logiquement parler de l'environnement sans
se référer aux systèmes de représentations, à
la diversité des cultures, civilisations,
croyances vis-à-vis de
cet objet, lui même insaisissable?
Pour se réconcilier avec lui-même et
pour lui-même, le droit de l'environnement ne doit-il pas rendre compte
des rapports qu'entretiennent ou que devraient entretenir le
<<traditionnel>> et le
<<rationnel>>
?
Il n'est pas besoin d'être grand clerc, philosophe
ou socio-anthropologue pour se poser de telles questions.
Si la domination accule à un retour sur soi,
qui est la première forme de la
réflexion[175], la domination de la nature imposée par
l'homme doit être combattue par la réflexion nous semble
t-il.
Dans son ouvrage, la philosophie bantoue
(1945), le Franciscain belge Placide Tempels posa la question d'une
pensée philosophique d'essence africaine. Partant de ce postulat que
tout comportement humain repose sur un système de principes et la
permanence d'un certain nombre d'attitudes, Placide Tempels estime que cette
permanence ne se justifie que par l'existence, dans les différents
groupes humains, d'un système de pensée logique, d'une
"sagesse" à laquelle se
réfèrent les membres du groupe :
<<faut-il dès lors s'étonner de ce que nous trouvions
chez les Bantous, et plus généralement chez tous les primitifs,
comme fondement de leurs conceptions intellectuelles de l'univers, de la
nature, quelques principes de base, et même un système
philosophique, relativement simple et primitif, dérivé d'une
ontologie logiquement
cohérente.>>
Dans un tel élan d'unanimité,
l'administration belge, la presse coloniale et le milieu ecclésiastique
lui reprochèrent de mettre ainsi en doute la grandeur et la dignité
de l'entreprise coloniale, et plus encore de délayer dans un universalisme
subversif l'essence occidentale de la philosophie et de la
raison[176].
Mais sa position n'était pas isolée
et des anthropologues comme Melville J. Herskovits et Georges Balandier
accompagnèrent jusqu'à l'indépendance, dans le cadre
de leur discipline, l'effort théorique de compréhension et
de réhabilitation de l'Afrique.
Ainsi, dans un Rapport paru dans Présence
Africaine (octobre 1960-janvier 1961) sur les traditions et bouleversements
de la culture en
Afrique,[177] MelvilleJ. Herskovits écrit :
<<nous découvrons aujourd'hui
et apprenons à apprécier la valeur intrinsèque des cultures
du continent africain.
Si nous admettons qu'il est empiriquement impossible d'établir
un échelle absolue des valeurs pour ses différents modes de
vie, nous avons des chances d'apercevoir avec plus de réalisme historique
un avenir culturel de l'Afrique qui héritera des valeurs traditionnelles,
quelles que soient les innovations enregistrées, et qui continueront,
de toute évidence, de
l'être.>>
Voici un message dont la teneur et la quintessence
restent d'actualité, si l'on veut se donner la peine de faire un
détour par le continent africain.
Question
: combien sont-ils à entendre un tel message aujourd'hui ?
D'abord dans le rang des dirigeants et intellectuels
africains ?
Ensuite dans le monde occidental ?.
Il ne serait pas fastidieux de rappeler le cri de
coeur du théoricien le plus connu de l'africanité, Léopold
Sedar
Senghor[178] qui, après avoir dégagé les
<<éléments constitutifs d'une civilisation d'inspiration
négro-africaine>> au deuxième Congrès des
artistes et écrivains noirs, en
1959[179], se plaint de
<<l'inconscience>>
de la plupart des chefs des peuples noirs, de leur
<<mépris des valeurs culturelles
négro-africaines>>. Et
<<les voilà qui importent,
ajoute t-il, telles quelles, les
institutions politiques et sociales de l'Europe, voire les institutions
culturelles>>. Plus loin il affirme :
<<ce n'est pas en important telles
qu'elles, les institutions européennes, qu'elles soient de l'Est ou
de l'Ouest, qu'on atteindra le but recherché : l'indépendance
réelle, non seulement des peuples, mais encore des
personnes>>. Alors, que faire ?
Le problème est d'intégrer les valeurs
négro-africaines au monde actuel.
Sans doute, il n'est pas question de ressusciter
purement et simplement le passé, de vivre dans le musée
négro-africain. <<Il est
question d'animer ce monde, hic et nunc, par les valeurs de notre
passé>>, dit L. S. Senghor.
Le souci de l'africanité conduirait donc
à une synthèse des droits traditionnels, dans la mesure où
ils expriment les valeurs négro-africaines, et du droit
importé.
C'est également la conclusion de Abdoulaye
Wade (l'actuel Président du Sénégal) au premier
Congrès des écrivains et artistes
noirs[180] :
<<les composantes d'un éventuel
droit africain doivent être nécessairement le droit coutumier,
le droit musulman, le droit français>>.
Il soulignait d'ailleurs que
<<la question est moins dans
une adaptation de certains textes des codes, dans un ajustement, que dans
une refonte
totale>>[181]
Sans doute, les coutumes ne sont-elles pas parfaites,
mais elles renferment <<des principes
d'orientation vers une
synthèse>>.
On le voit : s'il est plus que jamais urgent de
repenser les droits africains, il importe cependant de leur donner un contenu
précis.
A ce propos, le grand théoricien du droit
africain, que l'on citait à l'instant écrit :
<<Récapitulons les
"thèmes" et les "totems" de la civilisation négro-africaine.
Il y a, d'abord, l'environnement, le milieu agricole et pastoral,
qui a informé le corps, surtout le tempérament et l'esprit
du négro-africain. Celui-ci se caractérise essentiellement
par sa faculté d'être ému, l'émotion se
définissant comme la projection dans le monde mystico-magique.
Dans ce monde de la participation, les principaux éléments
du milieu - l'arbre, l'animal, le phénomène naturel et le fait
matériel - sont vécus comme images-analogies, comme
symboles. C'est ce qui explique les caractères originaux des
relations...>>
[182]
Le droit de l'environnement aujourd'hui en construction
doit tenir compte de ces réalités et les inscrire dans la
hiérarchie des valeurs dont parle Ost. L'ébauche de la
reconnaissance d'une communauté de destin pour l'humanité ne
peut être complète que si elle prend en compte les visions globales
du monde.
En d'autres termes, la question de la survie douée
du sens pour les générations futures doit être une question
non seulement partagée mais discutée
par toutes les parties en
présence. Ceci est d'autant plus important dans la mesure où
l'avenir est largement indéterminé et incertain.
Il convient alors d'établir des impératifs
d'un type nouveau, qui dépassent largement l'espace contemporain de
l'action qui fournit l'horizon pertinent de la
responsabilité.
Il apparaît clairement, au regard de ce qui
précède, que les fondements d'un droit africain de l'environnement,
du moins sur le plan philosophique, existe. Reste à le construire
et à le promouvoir.
Cette philosophie africaine de l'environnement doit
nécessairement se confronter à l'héritage occidental
et s'ouvrir à l'ensemble de la communauté scientifique
internationale.
Le Béninois Paulin Hountondji dans son ouvrage
sur la "philosophie africaine", (1977) le montre d'ailleurs clairement
: <<la véritable philosophie
commence avec les discours explicites produites par des Africains>>
et que l'écriture est indispensable pour permettre une accumulation
du savoir, de l'apparition d'une tradition scientifique : celle-ci ne pourrait
émerger dans une société de l'oralité,
nécessairement occupée à préserver les acquis
et ne pouvant donc exclure provisoirement, mettre en cause ou interroger
- opérations qui fonderaient la pratique scientifique, donc la philosophie
véritable>>.[183]
Un véritable défi qui doit être
relevé par les Africains, en commençant par les philosophes,
juristes, sociologues, anthropologues...
§-2 Des fondements socio-anthropologiques du droit de
l'environnement
<<Ce que nous voulons, ce n'est pas connaître, disait
Nietzche, c'est qu'on ne nous empêche pas de croire que nous savons
déjà>>[184]
Les peuples africains savaient déjà,
même si leur savoir n'a pu évoluer et s'adapter aux conditions
de la vie moderne.
Ils savaient la médecine, l'agriculture,
l'élevage, la chasse, l'astronomie etc.
Se cultiver devrait, pour eux, consister à
pouvoir, à même les responsabilités mondiales,
développer leur savoir et les aptitudes de leur génie : il
leur faut briser toutes les gangues qui les empêchent de se
révéler en toute
plénitude[185].
Cette réaction montre, une fois de plus,
si besoin en était, que les représentations culturelles africaines
des phénomènes environnementaux ne sont pas aisément
séparables de ce que font les populations, par ailleurs majoritairement
rurales.
Le
<<savoir>> est lié
au
<<faire>> qui donne
à ces phénomènes toute leur signification.
Les savoirs varient en conséquence selon
le contexte et les opinions les concernant, selon la perception de ceux qui
les utilisent à des fins différentes.
En ce sens, tout aspect particulier de l'environnement
constitue l'objet de multiples expériences et de multiples
savoirs[186].
Ainsi, pour beaucoup de populations africaines,
la terre et la végétation conservent des liens durables avec
ceux qui les ont travaillées ou façonnées dans le
passé.
Maintenir de bons rapports avec les ancêtres
est souvent considéré comme essentiel pour assurer à
la fois la productivité continue des cultures et la fertilité
humaine qui perpétuent le lignage.
Les rapports avec les ancêtres comme avec
les vivants font partie des relations socio-environnementales.
A cet effet, des sacrifices individuels, familiaux
ou collectifs sont utilisés pour renouveler les rapports avec les
ancêtres, solliciter leurs faveurs ou pour réparer des ruptures
de ces relations avec toutes leurs conséquences sociales et
écologiques. De même, des intermédiaires non-humains
- esprits ou divinités - jouent un rôle important dans ces relations
socio-environnementales.
Pour de nombreuses populations ouest-africaines,
le monde à l'extérieur du village est peuplé de djinns
qui établissent leur
<<demeure>> soit dans
certains arbres, soit dans des rochers ou dans des mares et s'associent
quelquefois à des animaux.
Les Kouranko de Sierra Leone, par exemple, pensent
que les multiples formes de djinns (djina) ont une vie
<<sociale>> séparée de celle des êtres
humains. Ainsi, quand les agriculteurs kouranko, par exemple, abattent des
forêts galeries pour créer des champs de riz, ils laissent
soigneusement intacts certains bosquets à l'entrée de la
vallée ou sur la pente, expliquant que ce sont les endroits où
les djinns ont élu domicile ou les lieux qu'ils affectionnent pour
passer le jour et la nuit.
Abattre la totalité de la forêt reviendrait
à les chasser et les conduirait à se venger, en provoquant
la maladie ou la mort de l'agriculteur et quelquefois en tourmentant une
famille pendant des
décennies[187].
Pour prendre un autre exemple, dans de nombreuses
régions d'Afrique orientales, les déesses de l'eau et de la
terre ainsi que leurs prêtres servent d'intermédiaires pour
l'intégration de l'écologie humaine et
<<naturelle>>.
Chez les Aouan de Côte-d'Ivoire, la terre
est personnifiée sous le nom d'Assie, ou une
<<déesse>> qui
prescrit certains comportements aux Aouan à l'égard de
l'environnement forêt-savane.
Ces réglementations désignent ceux
qui peuvent défricher et cultiver telles ou telles parties de la terre
en dehors du village, déterminent les
<<jours de repos>> pour
la culture et interdissent certains animaux ou certaines plantes, y compris
le riz. Ils considèrent que la culture du riz conduit Assie à
retirer son contrôle sur la fertilité, les précipitations
et le feu, ce qui aboutit à dévaster l'environnement et à
l'effondrement de la société humaine.
Il est clair que les interactions entre les hommes
et les esprits peuvent impliquer des conflits aussi bien que de l'harmonie.
Néanmoins, il reste, comme nous l'avons vu,
tout au long de cette réflexion, que des relations socio-environnementales
jouent un rôle extrêmement important dans la protection des
ressources naturelles en Afrique.
Il parait évident que toute politique de
protection de l'environnement conçue en dehors de ces logiques est
vouée d'avance à l'échec.
Aussi, si un ordre de priorité clair doit
être dégagé pour les
décideurs[188], l'on devra éviter de retomber dans la
<<politique de
l'autruche>> qui, pendant trente ans, a contribué à
une politique de <<mal développement>> en Afrique. Qu'on nous
permette simplement de relever pour le déplorer l'échec de
plusieurs projets dits de développement en Afrique.
Pendant longtemps, les projets, plans et
évaluation ont été estampillés du sceau d'une
rationalité principalement économique et
technique[189].
Les aspects environnementaux et culturels ont
été souvent ignorés, voire occultés.
L'écart de plus en plus grand entre la
littérature et le discours sur la planification du développement
et les réalités concrètes doivent amener les uns et
les autres à être plus réalistes dans la construction
du droit de l'environnement en cours, mais aussi et surtout dans les politiques
environnementales mises en place ici et là.
Peut-on souhaiter mieux au Zimbabwe dont la politique
de reformes foncières engagée, vient d'être soutenue,
lundi soir, 7 août 2000, lors d'un sommet régional par les chefs
d'États de la Communauté de Développement de l'Afrique
Australe (SADC)
?[190].
Voilà un bel exemple à suivre et à
encourager.
La prise en compte des analyses locales ainsi que
des processus écologiques peuvent permettre - nous semble t-il - de
faire l'économie normative de la société à travers
une régulation plurielle et de ce fait, mieux comprendre le droit
de l'environnement en Afrique.
§ 3 - Des fondements juridiques du droit de
l'environnement
D'un point de vue strictement juridique, Jadot et
Ost[191] défendent la reconnaissance des
intérêts écologiques, et notamment les notions
d'intérêts collectifs, d'intérêts des
générations futures, et d'intérêts de
l'environnement.
Jadot s'interroge sur la portée d'une
jurisprudence qui accepte que des particuliers soucieux de défendre
des intérêts écologiques puissent agir devant les
tribunaux[192]. Il pense que la reconnaissance de ces
intérêts peut se faire à partir d'institutions juridiques
présentes dans différents systèmes juridiques comme
les choses communes qui n'appartiennent à personne, et dont l'usage
est commun à tous.
Si l'on peut ne pas être d'accord sur tout,
avec ces deux auteurs, deux de leurs préoccupations méritent
une réflexion, du moins en ce qui nous concerne, car elles se rapprochent
de celles qui nous intéresse au premier chef.
D'abord, les images des sociétés
africaines contemporaines sont presque toutes brouillées pour des
raisons, qui n'ont d'ailleurs que partiellement changé depuis 1957,
lorsque Georges Balandier évoquait une
<<Afrique
ambiguè>>.
Le modèle de la société
post-coloniale telle qu'on la découvre dans la littérature
scientifique relève de considérations générales
tenues pour valables à l'échelle du continent tout entier.
Mais un tel point de vue se trouve infirmé,
paradoxalement, lorsqu'on découpe et émiette la culture africaine
en de multiples particularités ethniques et linguistiques.
Il est évident que l'Afrique Noire doit se
lire au pluriel et que ses sociétés sont analysées à
des niveaux microsociaux et locaux avec prédilection pour les sciences
sociales[193].
Il n'est plus possible de brosser aujourd'hui, comme
il y a trente ans, de vastes fresques culturalistes et historiques qui
définissaient des aires écologiques, politiques, voire des
civilisations.
Les sociétés africaines sont fondées
sur plusieurs systèmes juridiques où les groupes sociaux engendrent
et appliquent des droits non-étatiques.
Ce pluralisme juridique rend le choix d'autant plus
complexe qu'il n'est pas toujours aisé de distinguer le droit
appliqué de celui qui ne l'est pas.
Comment cela pourrait -il en être autrement
quand on sait que l'étude de l'environnement et l'élaboration
du droit qui s'y réfère suppose un certain nombre de choix
éclairés qui présupposent entre autres les paradigmes
de complexité et de système.
Gaston Bachelard pense d'ailleurs, à propos
de la complexité, que c'est un problème fondamental, puisqu'il
n'y a rien de simple dans la nature, que du simplifié. Bien sûr,
cela prend le contre-pied des idées exprimées par Descartes,
et de ce fait, et selon les mots d'Edgar Morin, le simple n'est plus le fondement
de tout chaos <<mais un passage obligé entre des
complexes>>[194].
Ensuite, et c'est le point le plus important, peut
être : on ne peut pas comprendre les systèmes juridiques africains
si l'on n'a pas en tête le fait que les individus ne sont conçus
que comme éléments de groupes sociaux imbriqués les
uns aux autres. La notion d'intérêts collectifs, voire
d'intérêts des générations futures a tout son
sens ici.
Ainsi, les sociétés africaines sont
constituées sur la base d'alliances entre les hommes (groupes, individus)
entre eux ou entre les hommes et les dieux.
Ces relations d'alliance - soulignons-le -
déterminent des rapports de complémentarité et de
hiérarchie entre les groupes et entre les individus. Comme le dit
excellemment
Verdier[195], ces rapports déterminent des statuts sociaux.
La notion d'alliance et de statuts sont déterminants pour la
compréhension des droits africains.
Il apparaît évident, que la
réciprocité entre les droits et les devoirs qui déterminent
le statut d'une personne ainsi que la hiérarchie des statuts sont
les deux éléments fondamentaux qui permettent de comprendre
les droits individuels de chaque homme non pas
comme des droits absolus sur les choses, mais comme des droits
par rapports aux autres membres du
groupe et par rapport aux choses.
C'est là - nous semble t-il - que le
problème se pose surtout dans les matières de droit public
et dans celles qui sont à la frontière du droit public et du
droit privé (droit de travail, droit pénal, droit foncier,
organisation judiciaire...).
C'est aussi là - la grande différence
entre d'une part, les droits européens contemporains, tels qu'ils
s'imposent aux sociétés rurales africaines, et, d'autre part,
les droits traditionnels d'Afrique Noire, qui, nous le dirons jamais assez
doivent être mis en adéquation avec les normes du droit positif,
et ce, dans le but de jeter les bases d'un droit étatique de
l'environnement légitimé par tous (population et État)
pour une sécurisation foncière en Afrique.
On le voit, la situation actuelle ressemble fort
à la description que faisait Kuhn de la structure de révolutions
scientifiques lorsque l'ensemble des paradigmes dominants est remis en question,
ou bien s'avère inadéquat ou insuffisant.
On assiste en quelque sorte à une mutation
des connaissances, à une crise générale des
réflexions, des représentations, des discours et des perceptions.
Mais il faut reconnaître que d'un certain point de vue, la situation
est remarquable et exceptionnelle car, elle nous invite à revisiter
la relation homme/nature.
SECTION II : L'HOMME ET LA NATURE : UNE GESTION À RÉINVENTER
?
Cette question fondamentale trouve sa justification
dans une autre série de questions : veut-on un droit de l'environnement
qui participe à la marchandisation de l'environnement à travers
la sacralisation de la compétition ? veut-on un droit de l'environnement
qui participe au verdissement du marché à travers un certain
contrôle de la compétition ? va t-on vers un droit de
l'environnement qui participe à la remise du productivisme à
travers une remise en cause de la compétition ?
Quel environnement pour quel monde
?
Toutes ces questions, si elles ne peuvent,
malheureusement, trouver de réponses précises, se résument
néanmoins en une question centrale : celle des rapports entre le
développement et l'environnement.
Trois thèses à ce sujet : pour certains,
le développement scientifique, technique, industriel ne saurait être
freiné par la protection de l'environnement, pour d'autres, le
développement doit être durable, pour d'autres enfin le
développement durable est
<<piégé>>,
c'est-à-dire le développement que l'on protège
d'abord[196].
Question : ne faut-il pas que la référence
soit la société et non plus l'économie, une
société humainement soutenable dont la protection de
l'environnement est une des composantes ?
Réponse : pour permettre un développement
durable de la planète; c'est-à-dire préserver le potentiel
de reproduction garantissant la pérennité des ressources vitales
et éviter les processus irréversibles propres à la
compromettre, il convient de privilégier une gestion prudente et
responsable de l'environnement, réservant l'avenir.
A ce prix, les contraintes du présent
n'obérant pas le long terme, le support de vie des générations
futures se trouve préservé, libres à elles d'en user
à leur guise.
Conséquence : tout se
tient.
La construction dans laquelle s'inscrit la gestion
environnementale témoigne d'une cohérence remarquable.
Cependant, son application concrète reste
embryonnaire, laissant craindre que cette éthique novatrice ne soit
que velléité et construction théorique sans
lendemain.
La gestion environnementale, "nouvelle version"
passe nécessairement par deux constituants implicites à savoir
l'idée d'une obligation de gestion écologiquement rationnelle
(§ I) et celle d'une responsabilité intertemporelle qui implique
à son tour une
<<réelle
démocratisation>> (§ II).
§ 1 - De la gestion à la
"responsabilité": une obligation
de gestion écologiquement rationnelle des ressources
environnementales
Lorsque la Genèse évoque l'avènement
de l'humanité, c'est pour lui soumettre la nature - la Terre (Gn,
1, 2).
L'écologie trouve là l'un de ces
fondements éthiques : l'homme est convié à user de la
nature, non à le détruire.
Il nous incombe de la transmettre de
génération en génération en la mettant à
l'abri de toutes les formes de destruction. Celles-ci peuvent atteindre le
règne minéral par contamination des sols, de l'atmosphère
et des océans, l'univers végétal par destruction des
forêts, le règne animal par extinction des
espèces.
Que se passe t-il aujourd'hui ?
Tous les onze ans, une grande marée noire,
prenant en défaut le système juridique de lutte et d'indemnisation,
oblige la société industrielle à se remettre en
cause[197]. Pis : de nature en nature, de l'environnement
à la consommation et à la thérapeutique, le même
trait affecte l'ensemble des activités liées au progrès
des connaissances sur la nature.
Dans les drames de l'amiante, du sang contaminé
ou de la maladie de la vache folle, nombre de questions se posent en effet
dans les mêmes termes qu'en matière
d'environnement.
En Afrique, la situation est plus que
préoccupante.
Les populations rurales, notamment agricoles, qui
vivent du travail de la terre et de la cueillette sont de plus en plus
confrontées aux grands problèmes de la société
contemporaine.
La crise écologique, foncière et
démographique (la rareté de la force de travail active) met
tout cela en péril, aussi bien dans le Sahel des sécheresses
(Niger, Mali, Soudan, Tchad...) que dans l'Afrique orientale surpeuplée
(Burundi, Kenya, Rwanda) ou encore dans les États aux guerres civiles
larvées ou ouvertes (Éthiopie, Mozambique, Afrique du
sud...)[198].
Ainsi l'Afrique des villages et des terroirs est
menacé.
Le risque de la dégradation écologique
fait maintenant partie des contraintes de la production et de la reproduction
rurale.
Tout ceci pose le problème de la
responsabilité et de la solidarité de toute la communauté
humaine. Le problème étant local et global en même
temps.
Aussi, au-delà des solutions locales qu'il
faudra envisager, n'est-il plus temps de s'arrêter aux manifestations
du phénomène; il importe, aujourd'hui, remontant à la
crise, de centrer l'interrogation sur la relation de l'homme avec la nature
face aux conséquences incontrôlables du progrès
technologique. <<L'organique,
si on la viole, ne pardonne pas>>, prévenait déjà
Teilhard de Chardin (1951). Les philosophes expliquent le danger. La nature
est <<feuillet de
l'être>> (Merleau Ponty); ainsi
<<en portant atteinte à
la nature hors de nous, c'est à la nature en nous que nous portons
atteinte>> déclarait sagement Hans Jonas (1971).
Cette mise en garde porte à s'interroger
d'une part sur les institutions juridiques exprimant les relations homme-nature,
d'autre part, sur ce que nous avons fait "de" et "avec" la nature.
Seules des obligations comme celles d'une gestion
écologiquement rationnelle des ressources de l'environnement peuvent
arrêter, du moins restreindre, les appétits humains en vue de
préserver la nature et de miser sur un développement
durable.
Le développement durable impose, d'une part,
une exploitation durable des ressources naturelles, d'autre part, une gestion
écologique et non pas essentiellement économique des déchets.
L'exploitation durable consiste à ne
prélever des ressources renouvelables qu'en quantités qui
n'affectent pas leur aptitude à se renouveler mais aussi à
utiliser rationnellement les ressources non renouvelables.
Cet impératif de la gestion écologiquement
rationnelle induit un principe de précaution. Ce principe
énoncé au point 15 de la Déclaration de RIO repose sur
l'idée essentielle d'une nécessité d'adoption diligemment
des mesures effectives visant à prévenir la dégradation
de l'environnement même en l'absence de certitude scientifique
absolue[199]. Il englobe un autre principe de gestion
écologiquement rationnelle : celui de
prévention.
On peut en inférer également une
obligation de s'abstenir de faire ou d'agir, lorsque l'action comporte pour
l'environnement des risques graves connus ou simplement prévisibles.
Cette obligation induit par ailleurs, l'idée d'une équité
intergénérationnelle en ce sens qu'elle impose à chaque
génération de gérer les ressources de la nature en ayant
à l'esprit le droit des générations futures à
jouir au moins autant qu'elle des dites
ressources.[200]
Ainsi, si le principe de précaution met en
avant le long terme (la dimension qui manque souvent dans les politiques
environnementales, du moins en Afrique), il veut aussi contribuer à
exercer un certain contrôle en amont de la technoscience. Ce principe
admet l'incertitude c'est-à-dire qu'il reconnaît que les êtres
humains ne maîtrisent pas toutes les données scientifiques,
il conclut à la prudence face à des risques encore inconnus
ou mal
connus[201].
Qu'est-ce qu'une société qui ne se
donnerait pas de limites ?
Jean Rostand disait :
<<la science a fait de nous des dieux avant que nous méritions
d'être des choses>>.
L'humanité a vécu avec les incertitudes
plus ou moins importantes. On est parti de la chasse aléatoire faite
par les hommes préhistoriques pour en arriver depuis un siècle
à la complexité découverte en mathématiques,
en physique, en biologie, l'incertitude étant un élément
de cette complexité.
<<Penser c'est dialoguer avec
l'incertitude>> nous dit d'ailleurs Edgar Morin et du point de
vue de l'environnement de la planète, il existe un grand nombre
d'incertitudes.
Dès lors, nous devons assumer notre
responsabilité. Celle-ci se pose - nous semble t-il - à la
fois en termes d'un droit à exercer et d'un devoir à
respecter.
Un droit à exercer car, des Associations,
des collectivités, des citoyens tout court doivent prendre leur
responsabilité en main. Celle de dire non aux scientifiques, aux
industriels et aux autorités politiques, administratives quand
l'environnement est menacé de destruction. Ceux-ci ont le droit de
décider de leurs vies, de leurs santés, de leur environnement,
et cela au nom des générations présentes et
futures.
Un devoir à respecter par les autorités
politiques, administratives qui, dans leurs compétences respectives,
vont ou non autoriser la mise en oeuvre de projets. Devoir à respecter
enfin, par les créateurs des risques ainsi des scientifiques, des
industriels d'une part, et par des générations présentes
d'autre part.
En définitive, l'obligation de gérer
l'environnement de façon écologiquement rationnelle a pour
destinataires aussi bien les individus, les entreprises, que les États,
et de façon globale, l'ensemble de la communauté humaine en
ce qu'elle a collectivement la charge du riche patrimoine que nous a
légué la nature. Une telle obligation est forcément
source de responsabilité collective.
§ 2 - : De la responsabilité à la gestion
"démocratique" : une obligation dialectiquement
permanente
Ne faut-il pas admettre, en effet, cet adage de
départ selon lequel
<<on a autant de responsabilité
que de pouvoir>> ?.
Dès lors que le bras de mon action met l'avenir
à ma disposition, j'en suis responsable, d'autant que je tire profit
de ce comportement.
L'idée de responsabilité,
c'est-à-dire "répondre de" (ses actes), n'est pas cependant
mal venue ici, dès lors que l'effet concerné résulte
de mon action. Soyons clair. Il ne s'agit plus de la responsabilité
au sens quasi pénal d'imputation d'une faute passée à
un agent qui devra payer le prix, mais de la responsabilité au sens
d'une charge qu'on assume collectivement pour l'avenir.
À l'exemple de la répression pénale
se substitue ici le modèle parental de l'éducation des enfants,
ou le modèle politique de la participation aux affaires de la
cité[202].
Il ne fait aucun doute que cette responsabilité
collective trouve son fondement dans l'impératif catégorique
de Kant qui lie explicitement respect de soi et respect de l'autre, partageant
une commune humanité :
<<agis de telle sorte que tu
traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne
de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement
comme un
moyen.>>[203]
On le voit : cette responsabilité , si
responsabilité il y a (si nous sommes d'accord sur ce principe) ne
peut aller sans prendre en compte les enjeux de la démocratie, de
la solidarité et de la paix.
Enjeux relatifs à la démocratie, disons
nous.
Si l'on pense que protection de l'environnement
et démocratie doivent être interdépendants, cela signifie
qu'il est nécessaire de concevoir et de mettre en oeuvre des partages
de pouvoirs, d'avoirs, de savoirs à l'intérieur des
sociétés et entre sociétés par exemple du Nord
et du Sud.
Qu'il nous suffise de prendre un seul exemple, pour
être plus clair.
Dans une réunion convoquée en mai
2000 à Malmore, dans le sud de la Suède, par le Programme des
Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et qui a rassemblé les Ministres
de l'environnement de 101 Pays, l'Inde, le Venezuela, la Thaïlande,
le Nigeria et la Chine ont déploré, une fois de plus, le manque
de moyens financiers nécessaires à la réalisation de
l'Agenda 21 sur le développement durable.
<<Si nous ne recevons pas l'aide
garantie par les principes de cette déclaration, nous aurons
épuisé nos ressources en eau à très court
terme>> a indiqué à l'A.F.P. le Ministre palestinien
de l'environnement, Youssef Abu Safieh, avant de marteler :
<<les pays les plus pauvres,
qui avaient déjà dénoncé en 1998 le manque
d'engagement du PNUE à l'égard des pays en développement,
pourraient remettre en cause leur participation aux sommets à venir
si les promesses n'étaient pas
tenues>>[204]. Le sommet s'est terminé, on le sait, sur
l'adoption d'une Déclaration. Soit!.
La démocratie en matière d'environnement
comme en d'autres domaines, doit se traduire par de nouveaux rapports entre
l'État et la société civile, entre le Nord et le Sud,
entre les ONG et les institutions internationales, entre les complexes de
la technoscience et les citoyens.
Cette démocratie participative est synonyme
à tous les niveaux géographiques et bien sûr aussi au
niveau international, du droit à l'information, du droit au recours,
de participation aux décisions et bien entendu du respect des engagements
car, en Afrique, la parole est sacrée.
Enjeux relatifs aux solidarités, avions nous
dit encore.
Le droit de l'environnement (s'il en existe un)
doit être un carrefour de solidarités. Solidarités entre
les êtres humains et la nature, solidarités entre les peuples,
solidarités entre générations présentes et futures,
solidarités financières et institutionnelles en matière
d'environnement.
Sur le plan institutionnel, il importe donc que
chacun ne se considère pas comme le référent de l'Autre.
Ainsi, chacun doit prendre conscience de son carcan culturel pour éviter
de retomber dans le piège ethnocentriste, c'est-à-dire pour
ne pas <<considérer une
autre société en fonction de ses propres catégories
idéelles, ce qui conduit bien souvent à la
déconsidérer>>[205]
Une telle déconsidération se
répercute sous la forme d'une acculturation juridique, consistant
dans la greffe d'un droit étranger sur une culture locale. Or, un
droit comme celui de l'environnement doit tenir compte des représentations
culturelles de l'homme chinois, africain, européen, américain
etc.
Si le droit est un produit du social, comme le dit
Louis Assier
Andreu[206], il doit coller aux réalités culturelles
et sociales de chaque société car,
<<la conception qu'on a de la
vie détermine la conception qu'on a du
droit>>[207].
Un problème comme celui de la transmission
de l'héritage ou même de la gestion des espaces verts et des
cimetières ne se conçoit pas de la même façon
en Europe, en Asie et en Afrique.
Enjeux relatifs à la paix, enfin.
Nul doute que la nature a besoin de la paix. Le
principe 24 de la Déclaration de RIO affirme :
<<la guerre exerce une action intrinsèquement destructrice
sur le développement durable (...). >>
Pour sa part, la paix a besoin aussi de la nature
comme le montre d'ailleurs le Rapport
<<Notre avenir à
tous>> de la commission mondiale sur l'environnement et le
développement (CMED) :
<<la perturbation de l'environnement
est à la fois une cause et un effet de tensions politiques et de conflits
militaires. Des pays ont souvent combattu pour acquérir ou résister
à un contrôle sur des matières premières, des
sources d'énergies, des territoires, des bassins fluviaux, des
détroits maritimes et d'autres éléments clefs de
l'environnement. Il est vraisemblable que les différends de ce genre
deviendront de plus en plus fréquents, à mesure que les ressources
se raréfieront et que la concurrence pour en disposer s'intensifiera
(...)>>[208]
Inversement, on peut dire que l'utilisation durable
et équitable des ressources naturelles contribue à la paix
et, de façon plus générale, on peut affirmer à
la suite du principe 25 de la Déclaration de RIO que
<<la paix, le développement
et la protection de l'environnement sont interdépendants et
indissociables>>.
On le voit : le droit de l'environnement au-delà
de la dimension scientifique et économique doit contribuer à
des avancées démocratiques, solidaires et pacifiques.
La dimension éthique doit être
fondamentale. Celle-ci implique une gestion responsable, démocratique
et solidaire de la nature.
Des rapports dialectiques doivent s'instaurer entre
l'homme et la nature, de sorte que A se porte vers B et B vers A. Il y a
de l'un dans l'autre, vu que d'une certaine façon, l'un existe par
l'autre. C'est cette relation de récursivité qui doit exister
entre l'homme et la nature. Comme l'observent très judicieusement
B. Kalaora et G. R. Larrière,
<<il faut remettre en question
la vieille opposition entre la
nature et l'artifice, penser l'homme dans et hors de la nature, et
la nature comme produit et comme condition.
>>[209]
Cela suppose, on l'a vu, une reformulation des approches
scientifiques de la nature.
Nous nous contenterons d'ajouter que, du même
mouvement, c'est l'homme aussi qui apparaît
<<comme condition de la
nature>>, de sorte que s'impose également une reformulation
des approches scientifiques et philosophiques de
l'homme[210].
Ainsi, le principe de la pensée dialectique
est donc de distinguer sans séparer, et de relier sans confondre.
Voilà exactement le type d'articulation qu'il convient d'établir
entre l'homme et la nature.
N'est-ce pas là la vision africaine de la
vie sociale et juridique ?.
De la même façon que l'un n'existe
pas sans l'autre, l'homme africain n'existe pas sans la nature et vice-versa.
Les droits et obligations réciproques entre les groupes, entre les
individus ou entre groupes et individus découlent de la
généalogie.
En définitive, la relation qui lie l'homme
africain à son environnement n'est pas une relation de domination,
ni de possession, moins encore de soumission. Elle est une relation dialectique
- fait de négociation - vivante - dynamique basée sur le respect
des droits et devoirs de l'autre et de soi : on est en présence ici
d'une relation de l'autre et de soi.
N'est-ce pas là aussi l'approche que nous
avons voulu privilégier à travers une étude et une
matière aussi complexes et périlleuses, le droit de l'environnement
?.
Qu'on soit Africain, Asiatique, Européen
ou autre, une chose est certaine : Nous
ne sommes que les
<<locataires>>, ou
plutôt les <<occupants
usufruitiers>> de notre environnement.
A ce titre, nous avons le droit à une
<<jouissance
paisible>> de la terre mais nous avons également des devoirs,
en premier lieu, celui d'éviter toute dégradation de
<<patrimoine
commun>>, afin de transmettre un héritage intact, voire
même amélioré, aux générations à
venir.
Enfin, une histoire pour terminer (à moins
que ce ne soit la fin de notre histoire commune).
Dieu dit à Caïn : où est ton
frère Abel ?. Il répondit : je ne sais pas; suis-je le gardien
de mon frère ? Et Dieu dit : Qu'as-tu fait ?.
<<La voix du sang de ton frère
crie de la terre jusqu'à moi. Maintenant tu seras maudit de la terre
(...) Quand tu cultiveras le sol, il ne te donnera plus sa richesse. Tu seras
errant et vagabond sur la
terre>>[211]
Au demeurant, nous devons non seulement être
prêt à assumer notre responsabilité mais aussi et surtout
à répondre de nos actes.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Nous voici rendus au terme de cette étude,
du moins de cette réflexion.
Faut-il conclure ? Résister ou construire
?
Non,
il ne faut pas conclure.
C'est Merleau-Ponty qui disait :
<<il n'est de bonne dialectique
que sans
synthèse[212]. Ou mieux encore :
les synthèses ne sont jamais que provisoires,
entraînées à leur tour dans une interrogation plus
vaste>>.
Donc, il faut, au contraire, ouvrir le cercle. Le
voilà devenu spirale et tourbillon circularité en mouvement
comme la vie elle-même et les idées.
Comment cela pourrait-il en être autrement
quand on sait que le droit de l'environnement est, on ne peut plus clair,
un droit nouveau, incertain, et fondamental.
Droit nouveau, car ses concepts fondamentaux doivent
être forgés, ses principes dégagés, ses valeurs
définies.
Droit incertain, car ses règles doivent
être garanties, ses solutions mieux assurées, ses prescrits
davantage respectés.
Droit fondamental, enfin, car, il est à la
base de toute l'activité humaine de l'homme. Il doit préserver
pour les générations présentes et futures,
<<le patrimoine naturel d'une
valeur esthétique, scientifique, culturelle, récréative,
économique et
intrinsèque>>[213].
Tout au long de cette réflexion, nous nous
sommes placés du point de vue de l'habitant de l'hémisphère
Sud, (même si nous séjournons, pour l'instant au Nord) ayant
toujours vécu les problèmes de l'environnement (entre autres,
l'avancée effrénée du désert, la déforestation
et la destruction systématique des espèces animales, les ravages
des feux de brousse...).
Nous avons envisagé son environnement à
travers l'environnement global et plaidé pour un droit de l'environnement
plus responsable, plus efficace, plus démocratique et respectueux
des valeurs des populations vivant directement et sous diverses formes avec
la nature.
Ensuite, face à la débâcle et
à l'impasse écologiques - mais aussi sociale, politique,
économique, nous avons compris que le droit de l'environnement en
construction n'est certes qu'un remède parmi d'autres mais d'autant
plus porteur de changement qu'il sera appliqué.
Une question reste alors posée : au-delà
de l'aveuglement et de l'impuissance n'y a t-il pas les courages et les
volontés personnelles et collectives ? Courages et volontés
pour résister et construire. Résister au productivisme insoutenable
qui bannit toutes les différences, construire une société
humainement soutenable; c'est-à-dire fondée sur des moyens
et des fins démocratiques, équitables, pacifiques et
durables.
Le 21e siècle pourra t-il enfin se transformer
en aube d'humanité ?
Comment nier, pourtant, les populations du sud de
la planète, sont les premières victimes de la dégradation
de l'environnement et aussi bien, que malgré elles, elles y contribuent
à leur tour ?
Comment croire aux bonnes intentions à l'endroit
du milieu et des générations futures si déjà
fait défaut la solidarité, ou même simplement la conscience
de l'interdépendance à l'égard des générations
futures ?
Tenez !
<<En 1999, la fortune cumulée
des 200 personnes les plus riches de la planète a franchi la barre
des 1.000 milliards de dollars, alors que le revenu cumulé de 582
millions d'habitants des 43 pays les moins avancés n'était
que 146 milliards de
dollars>>[214]
Comment faire pour que les générations
présentes qui croupissent sous le poids de la pauvreté et de
la dette ne disparaissent pas au profit des
<<générations
futures>> si
chères[215] à l'équipe Cousteau
?
Sait-on que l'Afrique Noire ne représente
plus que 1,3% environ des échanges mondiaux et constitue la zone la
plus endettée du monde, si l'on reporte cette dette (134 milliards
de dollars selon la Banque Mondiale; plus de 200 milliards selon d'autres
sources) au Produit Intérieur Brut (PIB). Et pourtant cette dette
ne constitue que 10% du total de la dette
mondiale[216].
La rareté des ressources naturelles et la
dégradation de milieux de vie investis par des populations de plus
en plus nombreux engendrent des risques de guerre d'un nouveau genre, les
<<conflits verts>>, dont les signes avant-coureurs
sont annoncés par ces cohortes de personnes errantes à la recherche
d'un lieu où s'établir :
<<les réfugiés
écologiques>>[217].
Hier, les Indiens d'Amérique du Nord,
chassés de leurs terres ancestrales et parqués dans de sinistres
réserves, aujourd'hui, les Ruandais, Burundais, Congolais,
Éthiopiens, Soudanais errent sur les routes de l'exode.
Demain, ce sera peut être le tour des
pygmées d'être chassés de leur forêt
!
On le voit, il est fécond, le lit de la
misère.
Outre le fait, déjà évoqué,
que la surpopulation résulte directement de la misère, on doit
aussi admettre que le mal-développement procède d'un système
économique mondial qui reste défavorable aux pays du
sud.
Enfin, les pratiques de délocalisation des
entreprises les plus polluantes, ainsi que le trafic des déchets les
plus toxiques en direction des pays pauvres, la surconsommation pratiquée
dans l'hémisphère Nord sont entre autres des questions qui
appellent à une
"responsabilité partagée", dès lors que
le milieu est une réalité globale.
Ici, comme ailleurs, tout reste à faire.
Le Droit International de l'Environnement (DIE)
a du pain sur la planche.
En attendant, un droit africain de l'environnement
doit voir le jour.
Celui-ci ne sera que s'il fait siens pluralisme
et complexité qui caractérisent l'Afrique contemporaine.
Il est clair, que dans sa construction, le droit
de l'environnement africain doit prendre en compte non seulement les similitudes
mais aussi les différences de sensibilité individuelle,
c'est-à-dire une forme généralisée de respect
de l'autre considéré non pas seulement comme un vis-à-vis
du dehors, mais finalement comme constitutif de soi.
À cet égard, la création de
l'Académie Africaine de Théorie du
Droit[218] est une initiative encourageante.
Elle contribuera, nous l'espérons, à
former des chercheurs africains et africanistes spécialisés
dans l'étude des fondements du droit et capables de réfléchir
non seulement sur les conditions d'une adéquation des normes du droit
positif aux réalités sociologiques, mais aussi et surtout sur
les possibilités de fonder une modernité, qui ne soit pas le
récopiage de l'Occident mais le produit d'un génie proprement
africain.
À ces chercheurs, il reviendra de promouvoir
les solutions originales qu'exige le contexte africain en conciliant les
meilleurs apports du passé africain et de la modernité
avortée ou inachevée dans un contexte de
post-indépendance[219].
Au demeurant, les questions que nous avons posées,
tout au long de cette étude, - si l'on veut bien leur accorder un
peu d'attention - permettraient d'améliorer l'effectivité et
l'efficacité des problèmes de l'environnement, et partant du
droit de l'environnement, car elles tendent à démasquer les
difficultés qui sont présentent dans ce
domaine.
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DEDICACE
.i
REMERCIEMENTS
ii
SOMMAIRE
.iii
LISTE DES
ACRONYMES
iv
INTRODUCTION
GENERALE
..1
I Des difficultés dune
définition de la
matière
4
B -
Le droit de
lenvironnement
6
II Problématique et
hypothèse
..7
III Approche
méthodologique
8
IV Plan de
létude
9
PREMIERE PARTIE : DES FONDEMENTS
ET SOURCES DU DROIT DE
LENVIRONNEMENT
.11
Chapitre premier : Des fondements scientifiques
du droit de
lenvironnement
13
Section I :: Des rapports scientifiques de
lhomme et de la
nature
.14
§ 1 : Au commencement était les
dieux
14
§ 2 : Puis Descartes est
venu
.16
§ 3 : La prise de conscience
universelle
..18
Section II : Des rapports juridiques de
lhomme et de la
nature
20
§ 1 : De la nature juridique et pluraliste
du
droit
..21
§ 2 :
De la production normative dune réalité en dehors de
lordre
naturel
.22
§ 3 : Du droit de lenvironnement
comme médiation juridique du pouvoir de lhomme sur la
nature
.24
Section
III : De la contribution africaine dans la formation du droit de
lenvironnement : entre lespoir et la
déception
.26
§ 1 :
De la formation internationale du droit de lenvironnement : la
contribution de
lAfrique
.27
A Stockholm 1972 : entre les
réticences et la méfiance
africaine
28
B Entre Stockholm et Rio : la prise
de conscience
africaine ?
.30
1 Au niveau
régional
.31
2 Au niveau
mondial
.32
C RIO 1992 : lengagement de
lAfrique
32
1 De la préparation de lAfrique
à la phase de négociation de la CNUED..32
2 De la CNUED au Sommet de RIO : une
convention sur la désertification à
larraché
..34
§ 2 : De la contribution de
lAfrique : quelques éléments de réflexion
pour un
bilan
.36
A Le développement institutionnel
et
normatif
..36
1° Au niveau
institutionnel
..36
2° Au niveau
normatif
..37
B Le développement économique
et
financier
.37
1° Sur le plan économique
dabord
37
2° Sur le plan financier
ensuite
..36
C La préservation du milieu naturel
et les préoccupations
foncières
38
1° La préservation du milieu
naturel
..38
2° La
politique de protection de lenvironnement en Afrique passe par les
préoccupations
foncières
.39
Chapitre deuxième :
Des sources générales du droit de
lenvironnement
..42
Section I : Des sources internationales et
communautaires du droit de
lenvironnement
.43
§ 1 : Lencadrement normatif
international
43
A Des sources conventionnelles du Droit
International de lEnvironnement
(D.I.E)
44
B Des autres sources formelles du
DIE
46
§ 2 : Lencadrement normatif
communautaire
47
A Avant lActe
Unique
.47
B Depuis lActe
Unique
48
Section II : Des sources du droit de
lenvironnement en
Afrique
..50
§ 1 : Des droits
traditionnels
..51
§ 2 : Du droit
colonial
..53
§ 3 : Du droit écrit
post-colonial
.54
DEUXIEME PARTIE : POUR UN
DROIT DE LENVIRONNEMENT PLUS RESPONSABLE, PLUS EFFICACE ET PLUS EFFECTIF
EN
AFRIQUE
.56
Chapitre premier : La nécessité
dune réconciliation entre lenvironnement et le
développement.Condition sine qua non dun développement
« durable »
pour les
« générations
futures »
59
Section
I : Notions et concepts en conflits et en
débats
60
§ 1 :
Comment construire une notion juridique de
« développement
durable » ?
.61
§ 2 :
Comment concilier le principe de la souveraineté des Etats sur leurs
ressources naturelles et lenvironnement comme
« patrimoine commun de
l"humanité » ?
..65
Section
II : Lenvironnement doit sallier le développement,
lequel doit « être
durable »
..69
§ 1 :
La promotion du droit de
lenvironnement
.69
§ 2 :
La promotion de la relation entre droit à lenvironnement et
droit au
développement
73
Chapitre deuxième : La nécessité
dune réflexion théorique et plus constructive du droit
de lenvironnement en
Afrique
.77
Section I :
Le droit de lenvironnement : vers de nouveaux fondements
scientifiques ?
..79
§ 1 : Des fondements philosophiques du
droit de
lenvironnement
79
§ 2 : Des fondements socio-anthropologiques
du droit de lenvironnement 83
§ 3 : Des fondements juridiques du droit
de
lenvironnement
..86
Section II : Lhomme et la nature :
une gestion à
réinventer ?
.89
§ 1 :
De la gestion à la
« responsabilité » :
une obligation de gestion écologiquement rationnelle des ressources
environnementales
.90
§ 2 :
De la responsabilité à la gestion
« démocratique » :
une obligation dialectiquement
permanente
.93
CONCLUSION
GENERALE
..98
BIBLIOGRAPHIE
SELECTIONNEE
102
TABLE DES
MATIERES
..107
[1]
l'écosphère se compose de quatre éléments :
l'atmosphère (l'air), l'hydrosphère (l'eau), la lithosphère
(le sol) et la biosphère (les organismes vivants).
[2] COING,
l'environnement une nouvelle mode,
projet, octobre, 1970.
[3] J. ELLUL,
le mythe de
l'environnement
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[4] V. D. SIMMONNET,
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?, 1979.
[5] François
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l'écologie à l'épreuve du droit, Paris, La
Découverte, 1995, P. 9. A. Rogier, Maîtres et protecteurs de
la nature. Contributions à la critique d'un prétendu "contrat
naturel", in Maître et protecteurs
de la nature. A. Rogier et GUERY (dir.), Seyssel, Champ Vallon, 1991,
P. 7.
[6] Maurice KAMTO,
Droit de l'environnement en Afrique,
Paris, EDICEF, 1996, P. 16.
[7] Plus de neuf
cents conventions internationales, tantôt sectorielles, tantôt
globales, tantôt bilatérales ou régionales, tantôt
mondiales, ont ainsi été adoptées. Cet édifice
normatif ne présente pas une grande cohérence; il a au contraire
été élaborée au coup par coup, et dans l'urgence.
Voir, Sandrine MALJEAN - DUBOIS, le foisonnement des institutions
conventionnelles, in l'effectivité du droit international de l'environnement,
Ed. Économica, 1998.
[8] Raphaèl
ROMI, Droit et administration de
l'environnement, Ed. Montchrestien, Paris, 1994. P.
7.
[9] J. MORAND -
DEVILLIER, le droit de
l'environnement, Paris, P.U.F., Que sais-je ?., 3ème éd.,
1996, P.6.
[10] Grand Larousse,
édition de 1976.
[11] Cf. par exemple
l'édition de 1987 du petit Larousse : il s'agit en l'espèce
de retenir une approche chère aux urbanistes.
[12] Cette
définition du petit Robert (édition de 1987) précise
que ces conditions sont" des conditions
naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles
(sociologiques)".
[13] M.
PRIEUR, Droit de l'environnement,
Dalloz, 1990, 2ème
éd. , P. 1.
[14] L'exemple le
plus typique est l'article 130 R du traité CEE modifié par
l'acte unique qui se contente à la demande du parlement européen
d'indiquer les objectifs de la politique communautaire en matière
d'environnement : préserver et améliorer la
"qualité de l'environnement",
protéger "la santé
des personnes" gérer au mieux les ressources
naturelles.
[15] M. BODIGUEL,
" Analyse des processus de gestion
locale de l'environnement : le cas de la pollution de la baie de Saint-Brieuc
et des étangs littoraux de l'hérault", Rapport
général au PIREN-CNRS, septembre 1992, P.
24.
[16] Maurice KAMTO, op.cit., P.
16.
[17] Jean UNTERMAIER
,in préface au droit de
l'environnement en Afrique, op.cit., P. 7.
[18] Voir notamment
Michel DEXPAX, Droit de
l'environnement, Paris, Litec, 1980, P. 15; Robert
SAVY, Droit de l'urbanisme, Paris,
P.U.F, 1981, P. 55; R. HERTOG, "la
fiscalité de l'environnement," Année de l'environnement,
P.U.F, 1984, P. 60.
19 M. PRIEUR, op.cit.,
P. 8.
[19] James FAIRHEAD,
indigenous technical knowledge and natural resource management in
Africa : a critical Review, Communication to Social Research Council,
1982.
[20] la place nous
manque ici pour appréhender tous les aspects.
[21] Voir en ce sens
E. NAIM-GESBERT, Expertise scientifique et droit de l'environnement,
<<in Quel avenir pour le droit
de l'environnement>> ?., F. OST et S. GUTWIRTH (dir.)., Bruxelles,
Publications des Facultés Universitaires Saint-Louis, 1996, P.
43-88.
[22] Il s'agit de
la singularité occidentale des relations entre la science et le droit,
fondement de l'ordre conceptuel contemporain (M. Serre,
le contrat naturel, Paris,
François Bourrin, 1990, P. 43.
[23] M. Serres, la
philosophie et le climat, in pollution, atmosphère et climat
(Colloque de Lassay), Paris, Larousse,
1989, P. 55.
[24] Martine REMOND
- GOUILLOUD, Du droit de détruire,
essai sur le droit de l'environnement, Paris, P.U.F, 1989, P.
11.
[25] SINIAVSKI A.,
la rivière et le champ, in
<<les usages de la
nature>>, le Genre humain, n° 12, P. 26.
[26] François
OST, op.cit., P.28..
[27] Jean Pierre MAGNANT,
<<les normes foncières
traditionnelles en Afrique Noire>>
in la terre, l'eau et le droit en Afrique, à Madagascar
et à l'île Maurice (dir.), de François et Gérard
Conac, Bruylant, Bruxelles, 1998, P. 60.
[28] Norbert ROULAND,
Aux confins du droit, Odile Jacob,
Paris, 1991, P. 242.
[29] Martine REMOND
GOUILLOUD, op.cit., P. 12.
[30] R. DESCARTES,
Discours de la méthode,
in oeuvres, Paris, Gallimard, la
pléiade, 1962, P. 168.
[31] Conception qui
postule l'existence d'un principe vital rendant la matière vivante
et organisée. Elle s'oppose radicalement au mécanisme. La
philosophie horlogère contribue à
<<dévitaliser>> la nature. Les automates deviennent le
symbole d'une maîtrise parfaite de la nature, comme la circularité
incurvé dans les montres.
[32] D. DUCLOS,
la peur et le savoir. La
société face à la science, la technique et leurs dangers,
Paris, La Découverte, 1989, P. 7.
[33] E. MORIN,
science avec conscience, Paris,
Fayard, 1982, P. 29.
[34] Sur ce point,
G. FOUREZ, la construction des sciences
modernes. Les logiques des inventions scientifiques. Introduction à
la philosophie et à l'éthique des sciences. Bruxelles,
De Boeck, Université, 2ème édition revue, 1992, P.
125.
[35] Martine REMOND
GOUILLOUD, du droit de détruire,
op.cit. ,P. 12.
[36] Étienne
LEROY, l'appropriation delà terre en Afrique Noire,
in Droit et environnement, Propos pluridisciplinaires sur un droit
en construction, coll. du Laboratoire de théorie juridique, Volume
7, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 1995, P. 73.
[37] ibid., P. 74.
[38] J A MCNEELY et
al., human influences or diversity, in global biodiversity assessment,
V. H. Heywood (dir.), Cambridge, University Press, 1955, P.
711-821.
[39] François
TERRE, Archives de philosophie de
droit, cité par Martine
REMOND GOUILLOUD, op.cit., P. 15
[40] W. FAULKNER ,
The unvanquished, cité par
M. REMOND GOUILLOUD, op.cit., P. 15
[41] ATTALI J.,
Au propre et au figuré,
Fayard, 1988, P.58.
[42] MADJARIAN G.,
le droit de l'homme à disposer du monde,
in <<la
valeur>>, le Genre humain,
n° 14, Ed. Complexe, 1986, P. 135 S.
[43] Ibid., P.
138.
[44] Genèse
2 : 15 <<L'Éternel Dieu
prit l'homme, et le plaça dans le jardin d'Éden pour le cultiver
et le garder>>.
Voir
Genèse 1 : 26; 1: 11; 2: 15
[45] F. OST., op.cit.,
P.11..
[46] B.
LATOUR, Nous n'avons jamais été
modernes. Essai d'anthropologie symétrique, Paris, La
Découverte, 1991, PP. 23-190.
[47] Conception mise
en lumière par Serge GUTWIRTH, dans sa thèse de doctorat, Vrije
Universiteit, Brussel, 1992.
[48] VIRALLY M.
la notion de programme, un instrument
de la coopération technique multilatérale, A.F.D.I., 1968,
P. 531.
[49] VIRALLY
M., Le phénomène
juridique, R.D.P., 1966, P. 10, note 6.
[50] E . EHRLICH,
gründlegung des soziologie des
rechts, Munich et Leipzig, Duncker et Humblot, 1913, Cf., pour une approche
éclairante de cette oeuvre, D. TOURET,
Introduction à la sociologie
et à la philosophie du
droit. La biologique du droit, Paris, litec, 1995, P.
171.
[51] G. GUTVICH.,
l'idée du droit social,
Thèse Lettres, Paris, Sirey, 1931, P. 152.
[52] P.F. GONIDEC,
les Droits africains. Évolutions
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[53]
The future of law in Africa . Record of
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[54] A. RAMANGASOAVINA,
Du droit coutumier aux codes modernes
malgaches, Rec. Penant, 1962, P. 345.
[55] ibid., P.
345.
[56] Jean
CARBONNIER, Flexible droit. Pour une
sociologie du droit sans rigueur, Paris, LGDJ, 8ème éd.
P. 17.
[57] G. VEDEL,
Indéfinissable mais présent, Droits, n°11, 1990,
P. 67-71.
[58] S. GOYARD -FABRE,
les fondements de l'ordre juridique,
Paris, P.U.F., Coll. l'interrogation philosophique, 1992, P.
32.
[59] Cf. entre autres,
le De jure belli ac pacis (1625)
de Grotius et le Léviathan
(1651).
[60] H. KELSEN,
Théorie pure du droit, Dalloz,
traduction C. EISENMANN, I962, P. 462.
[61] J. CARBONNIER,
op.cit., P. 7.
[62] J. B. AUBRY,
prescription juridique et production
juridique, R.D.P., mai-juin 1998, P. 673.
[63] Cf. P. AMSELEK
(dir.)., Théorie du droit et
science, Paris, P.U.F, 1994, notamment la seconde partie : Convergence.
La théorie du droit est-elle une science ?, P. 147 et
S.
[64] F. GENY,
in C. ATIAS,
Épistémologie
juridique, Paris, P.U.F., Collection Droit fondamental, 1985, P.
36.
[65] J. UNTERMAIER,
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[66] J. CARBONNIER,
Flexible droit. Pour une sociologie
du droit sans rigueur, op.cit., P. 273.
[67] R ROMI,
propriété privée et protection de l'environnement,
Droit - Environnement, n°
20, juillet-août-septembre, P. 93.
[68] Pour une
bibliographie conséquente, S. GUTWIRTH et E. NAIM-GESBERT, science
et droit de l'environnement : réflexion pour le cadre conceptuel du
pluralisme de vérités, R. I.E.J., n° 34, 1995,
P. 61-63..
[69] François
OST, La nature hors la loi.
L'écologie à l'épreuve du droit, op. cit., P.
15.
[70]
Ibid.
[71] SITACK YOMBATINA
Béni., Impact du projet
d'exploitation de la gomme arabique de DARNA sur la vie des populations rurales
au Tchad : Le cas des cantons Kadada et Elfass. Mémoire de
Maîtrise en Sciences Sociales, Université Catholique D'Afrique
Centrale, Yaoundé, Cameroun, 1999, 100 P.
[72] Entretien à
l'Université de Paris1 Sorbonne, le 7 juin 2000. Alain ROCHEGUDE est
Consultant en Aménagement Institutionnel et Professeur associé
à l'Université de Paris1.
[73] Étienne
LEROY, L'appropriation de la terre
en Afrique Noire, op.cit., P. 72.
[74] Maurice KAMTO,
Droit de l'environnement en Afrique,
op.cit., P.27.
[75]
ibid.
[76] Stratégies
arrêtées par la conférence mondiale chargée
d'évaluer les résultats de la décennie des Nations-Unies
pour la femme.
[77] SITACK YOMBATINA
B., op.cit., PP. 65-66.
[78] Il s'agit de
la Résolution 2398 (XXIII).
[79] Ainsi que de
nombreux spécialistes du Nord s'occupant de développement du
Tiers- Monde.
[80] Voir à
ce sujet, Alexandre-Charles KISS et Jean Didier SICAULT,
<<la conférence des nations unies sur
l'environnement>> Stockholm, 5-16 juin 1972, AFDI, 1972, PP.
603-628.
[81] Organisée
du 4 au 13 juin 1972 dans la ville Suisse de ce nom : voir le texte du rapport
de cette conférence dans PNUE-
Sauvegarde. Les textes fondamentaux sur l'environnement FOUNEX. Stockholm
Cocoyoc, Nairobi, PNUE - Environnement, quatre-vingt un PP.
1-14
[82] PNUE-Environnement,
les textes fondamentaux sur
l'environnement, op.cit., P. 39
[83] Cité par
A. Ch. KISS et J. D. SICAULT, op.cit., P. 624.
[84] Propos d'un
délégué Latino-américain à la conférence
de Stockholm, cités par Mohamed Ali
MEKOUAR, <<sur la contribution
de l'O.N.U.>>. P. 175, note 13.
[85] Voir plan d'action
de Stockholm, Recommandation 1.
[86] Voir plan d'action
de Stockholm, Recommandation 103 a.
[87] ibid., Recommandation
103 b..
[88] Voir A. Ch. KISS
et J. D. SICAULT, op.cit., P. 12 et 625.
[89]
PNUE, choisir pour l'avenir. D'autres
modes de vie et de développement, Nairobi, PNUE, Série
cadres 2, 1982, P. 48.
[90] PNUE, première
conférence ministérielle africaine sur l'environnement, Le
Caire, 16-18 décembre 1985, Le Caire, UNEP, AEC
1/2..
[91] Cité par WOLGANG
BURHENE et W.A. IRWIN, World charter
of nature, Berlin, Erich Schmitt Verlag Gmblt, 1983, P.
14.
[92] Voir Commission
Économique pour l'Afrique : DOC.
ECA/ENV. UNCED/AFRICOM/ABJ/1
nov. 1991.
[93] Voir Péter EISNER,
<<challenge for Earth Discussed in RIO 92>> Jornal
Do Brazil, English édition, june1, 1992 P. 10.
[94] Voir la
Déclaration de WILLIAM REILLY, chef de l'agence américaine
pour la protection de l'environnement et chef de la délégation
américaine à la conférence, cité par Daniel ABASSI,
<<financial debate assumes central
role>> Earth Summit times, june 4, 1992, P.
4.
[95] Voir Joy
ELLIOTT,<<urgent need for convention on desert>>, Earth
Summit times, june 4, 1992, P. 5.
[96] Maurice KAMTO, op.cit., P.
41.
[97] ibid. , P.42
[98] ibid., 39.
[99] ibid.,
P.40
[100] 34 États
seulement ont signé la convention de Bâle; 105 États
ont signé l'Acte final de la conférence. En Afrique, le Congo,
le Togo et le Gabon ont refusé de signer le document
final.
[101] SITACK YOMBATINA
B., Impact du projet d'exploitation
de la gomme arabique, op.cit., P. 65-80
[102] Maurice KAMTO, op.cit., P.
93.
[103] ibid.
[104] SITACK YOMBATINA B., op.cit., P.
73.
[105] Maurice KAMTO
<<l'engagement en matière
de politique environnementale au Cameroun>>, Rapport au séminaire
des 15 et 16 juillet 1993 dans le cadre de la<<concertation nationale
sur l'environnement>> Ministère de l'environnement et des
forêts du Cameroun, Juillet 1993.
[106] Voir J. M. BRETON,
<<Droits fonciers, problèmes
agro-fonciers, protection des forêts (principalement les pays d'Afrique
Noire Francophone) >>. Rapport de synthèse au Colloque de
Limoges des 7 et 8 novembre 1994 organisé par le Réseau
<<Droit de l'environnement>> de l'AUPELF/UREF sur le thème
<<Droits, forêts et développement
durable>>.
[107] Voir C. F, FISIY,
Power and privilege in the administrations
of law reforms and social differentiation in cameroon, Africa Studies
Centre, Leiden, The Netherlands, 1992, P. 24 et A. D.
TDJOUEN, droits domaniaux et techniques
fonciers en droit camerounais, Paris, Économica,
1982.
[108] Voir E. LEROY,
<<Les droits des populations
autochtones et les forêts principalement dans certains pays francophones
d'Afrique Noire>>, Rapport de synthèse au Colloque du
Réseau <<Droit de l'environnement>>
précité.
[109] Maurice KAMTO,
Droit de l'environnement en Afrique,
op.cit.,
[110] M. BOTHE,
tendances actuelles de la politique
et du droit de l'environnement, IUCN, Suisse, 1980.
[111] Jean-Marc LAVIEILLE,
Droit international de
l'environnement, Paris, Éd.
Marketing S.A, 1998, P.
12.
[112] Michel PRIEUR,
Droit de l'environnement, 2ème
édition, Paris, Dalloz, 1991, P. 17.
[113] Voir R. ROMI
<<sur la notion de patrimoine
commun de l'humanité en droit de l'environnement>>, Quot.
Jur. : 9 septembre 1989 : la notion figure par exemple dans le traité
sur l'Antarctique du 1er décembre 1959 (Washington), dans la convention
de Canberra sur la conservation de la faune et de la flore de l'Antarctique
du 2 mai 1980. V. A.C.
KISS,<<la notion de patrimoine
commun de l'humanité>> Recueil des cours de l'Académie
internationale de la Haye, T. 175, P. 103 et S.
[114] M. RÉMOND
- GOUILLOUD, Du droit de
détruire, op.cit., P. 148-151.
[115] Le livre Collectif,
<<l'homme, la nature et le
droit>>, Édition Bourgeois, 1988.
[116] selon l'expression
de Maurice KAMTO, << les nouveaux
principes du droit international>> , RJE1, 1993, P.
1
[117] <<
Une Europe à quatre
vitesses>>, Courrier International, Mai 1992, << Europe
93 : alerte à l'écologie>>, P. 67.
[118] Michel PRIEUR,
Droit de l'environnement, 2ème
Éd. op.cit., P . 18.
[119] Raphaèl
ROMI, Droit et administration de
l'environnement, op.cit., P. 40.
[120] J O CEE C 68 24-3-
1986.
[121] Voir Hans Joachim
GLAESNER, <<l'environnement comme
objet d'une politique communautaire>>in
<<la protection de l'environnement par les communautés
européennes>>, sous la direction de J. Charpentier, Pedone,
1988, P.1 et S
[122] Pour plus de
détails, voir Nicolas DE SADELEER,
les principes comme instruments d'une
plus grande cohérence et d'une effectivité accrue du droit
de l'environnement in Quel avenir pour le droit de l'environnement
? Sous la direction de François OST et Serge GUTWIRTH, Publications
des Facultés Saint-Louis, Bruxelles, 1996. P. 239-259. Aussi X. THUNIS
et N. DE SADELEER, le principe du
pollueur-payeur : idéal régulateur ou règle de droit
positif ? in Amenagement-Environnement, n° Spécial
Urbanisme et Environnement : réparations et sanctions,
1995.
[123] Proposition de
la loi constitutionnelle A. SANTINI tendant à inclure le droit de
l'environnement dans la liste des matières dont la loi fixe les
règles, ASS. Nat. n° 1559, 28 juin 1990 et proposition de M.
BARNIER, rapport du 11 avril 1990 à l'Assemblée Nationale en
vue d'une loi organique complétant l'article 34 de la constitution
pour faire entrer l'environnement dans le domaine
législatif.
[124] H. KELSEN,
Théorie pure du droit, op.cit.,
P. 314.
[125] Maurice KAMTO,
droit de l'environnement en Afrique,
op.cit., P. 65.
[126] G . SCELLE,
Introduction à l'étude
du droit, Rousseau, Paris, 1971, t1, P. 15.
[127] ROULAND N.,
Anthropologie juridique, Paris,
P.U.F, 1988, P. 447.
[128] P. F. GONIDEC,
les Droits africains. Évolutions
et Sources, op. cit., P. 227.
[129] Voir G. A.
KOUASSIGAN, <<objet et
évolution des droits fonciers coutumiers>> in
Encyclopédie juridique de l'Afrique, tome 5, 1982, P. 29 et
S.
[130] Maurice KAMTO,op. cit.,
P. 93.
[131] Jean Pierre MAGNANT,
<<les normes foncières
traditionnelles en Afrique Noire>>, étude du 22 février,
réalisée à l'université de Perpignan, mars 1993,
voir notamment, PP. 11-13.
[132] Entretien avec
le chef de village d'Amdjouada (Tchad) le 22 décembre 1998, cité
dans <<Impact du projet
d'exploitation de la gomme arabique de DARNA>>, op. cit., P.
41.
[133] Pour plus de
détails, cf.;, Edmond JOUVE, L'
OUA, P.U.F, 1984; BOUTROS BOUTROS-GHALI,
l'OUA, Colin, 1969; AENZA Konaté,
O.U.A. et la protection de
l'environnement, Thèse, Limoges, mars 1998.
[134] François
OST, La nature hors la loi.
l'écologie à l'épreuve du droit, op. cit., P.
110.
[135] Jacqueline
MORAND-DEVILLIER, le droit de
l'environnement, op.cit., P. 4.
[136] Cf. <<
Notre avenir à tous
>>, Éditions du Fleuve, Montréal, 1988, P. 46-47,
51.
[137] CHAMBERS, R.,
Développement rural, la
pauvreté cachée, Karthala, Paris, 1990.
[138] Cf.
la Mégamachine, Éditions
La Découverte, Série Bibliothèque du mouvement
anti-utilitariste dans les sciences sociales, 1995, P. 120 et
122.
[139] Presses de sciences
politiques, la Bibliothèque du citoyen, 1998, P. 81
[140] François
OST, op.cit., P. 15-17.
[141]
<<Où en est le droit
international de l'environnement ?>>, RGDIP 1997-4, P.
877.
[142] Le droit
international à RIO et à côté de RIO, RJE
1993, n°1, P. 73-74.
[143]
Mélanges
d'Alexandre
KISS,
<<les hommes et
l'environnement>>, Éditions Frison-Roche, 1998, P. 245 et
S.
[144] Édith
BROWN WEISS, Justice pour les
générations futures. Droit international, patrimoine commun
et Équité intergénérations, Édition Sang
de la terre, Paris, 1993.
[145] Voir
le vocabulaire juridique de l'Association
Henri Capitant (sous la direction de Gérard CORNU), Paris, P.U.F,
1987, notamment P. 613 et le Dictionnaire
encyclopédique de théorie et de sociologie du droit.
L.G.D.J., Story-Scienta,
1988.
[146] Jean Marc LAVIEILLE,
Droit international de
l'environnement, Éditions ELLIPSES, Paris,
1998.
[147] Pierre Marie
DUPUY <<le droit international
de l'environnement et la souveraineté des États>>
in l'avenir du droit international, Colloque de la Haye 12-14 novembre
1984, Martinus Nijhoff Publishers, 1985, P. 29.
[148] Voir entre autres
Mohammed BEDJAOUI, pour un nouvel ordre
économique international, Paris, UNESCO, 1979; Brigitte STERN,
un nouvel ordre économique
international ? Paris, Économica, 1983.
[149] Voir sur ce principe,
Dominique ROSENBERG, la souveraineté
permanente des États sur leurs ressources naturelles, Thèse,
Paris, L.G.D.J., 1986.
[150] Consacré
par la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 de
l'Assemblée Générale de l'ONU.
[151] Cf. Aspects
juridiques d'Agenda 21, pour le Ministère de l'Environnement,
CRIDEAU-CNRS, sous la direction de Stéphane Doumbé-Billé,
Rapport décembre 1995, P. 7.
[152] Entretien du
5 Juin 2000, à l'Université Paris1 Panthéon Sorbonne,
LAJP1.
[153]
Environnement et
Développement,
La Documentation française, Problèmes politiques et sociaux,
n° 363, 2( mai 1979.
[154]
À noter cependant la reconnaissance d'un droit à un
niveau de vie adéquat et à un niveau de santé le plus
élevé par le Pacte des nations Unies du 18 décembre
1966 sur les droits économiques, sociaux et
culturels.
[155] Cf.; Édith, BROWN WEISS,
In faitness to future generations,
New-York Transnational Publishers, 1989, PP. 289-291.
[156] Martine
REMOND-GOUILLOUD, <<À
la recherche du futur : la prise en compte du long terme par le droit de
l'environnement>>, Revue juridique de l'environnement, n°
1, 1992, PP. 5-16.
[157] Léopold A.,
A sand country
Almanac, New-York, 1966 (1ère éd. 1949) P. 219 et
238.
[158] Meyer Abichko,
Aufstand fürdie Natur, 1990,
Vienne, Munich
[159] SERRES M.,
Le contrat naturel, Paris,
1990.
[160] François
OST, op. cit.,
[161] Cf., G. MARTIN,
le droit de l'environnement. De la
responsabilité pour fait de pollution au droit à
l'environnement, Lyon, Publications périodiques
spécialisées, 1978, P. 128 et S; Ali MEKOUAR,
<<le droit à l'environnement
dans ses rapports avec les autres droits humains>>, in Études
en droit de l'environnement, Rabat, Édition OKAD, 1988 P. 61;
Adrew STEER, <<l'union de
l'environnement et du développement>>, Finances et
Développement, juin 1992, PP. 18 et S.
[162] Maurice KAMTO, op.
cit., P. 52.
[163] Intitulé
: <<le Droit au développement
comme un droit de l'homme>>. Cours publié dans la Revue
des Droits de l'Homme, vol. n°° 2-3. PP.
505-534.
[164] Rapport de Founex,
Chapitre 2, in Sauvegarde..., op. cit., P. 11.
[165] En particulier,
à propos du soutien apporté par la Banque à des projets
de colonisation dans des forêts du Brésil ou d'Indonésie;
cf., Ph. le PRESTRE, The World bank and the Environmental Challenge,
Granbury, 1989.
[166] Extraits du Rapport
de la Banque Mondiale pour 1992; il est publié sous le titre "le
développement et
l'environnement".
New-York,
1992.
[167] Cf. Ph. LE PRESTRE,
The World Bank and The Environmental Challenge, op.
cit.
[168] Entretien du
13 juin 2000 avec le Professeur Camille KUYU MWISSA, Professeur à
l'Université de Paris1 et chercheur au Laboratoire d'Anthropologie
Juridique de Paris1 Panthéon Sorbonne (LAJP1).
[169] Lors de l'entretien
du 16 juin 2000 avec le Professeur Étienne LEROY au Laboratoire
d'Anthropologie Juridique de Paris1 Sorbonne, celui-ci insista sur l'absence
de l'État de droit en Afrique, condition sine qua non pour tout
développement (nous soulignons). Lire aussi à ce sujet, un
ouvrage collectif sous le titre "les
avatars de l'État en Afrique" Édition Karthala, Paris,
1997.
[170] Ce fut d'ailleurs
l'une des mise en garde faites par le Professeur Camille KUYU M., entretien
du 13 juin 2000, op. cit.
[171] Voir R.
ROMI,<<le droit de l'environnement,
lien entre droit et science>>, AJDA, 1991. P.
4.
[172] C'est une des
dimensions intéressantes de la problématique de M. Serres,
<<le contrat
naturel>>, François Bourin, 1989.
[173] François
OST., auto organisation économique
des entreprises, un jeu sans conflit et sans règles ? in Revue
Interdisciplinaire d'Études juridiques, 1992,
287
[174] Le Seuil, Paris
1993, 224 p.
[175] Fabien EBOUSSI
BOULAGA, la crise du Muntu,
Authenticité africaine et philosophie, Présence Africaine,
1977, P. 68.
[176] Elikia M' BOKOLO,
Afrique Noire. Histoire et
Civilisations, tome II, XIXè-XXè siècle Hatier Paris,
décembre 1992. P. 531.
[177] Rapport
présenté au XXVè Congrès International des
Orientalistes, Moscou, du 9 au 16 août 1960.
[178] Voir la thèse
de J. HYMANS, sur la pensée de L. S. SENGHOR, ainsi que L. S. SENGHOR,
Liberté1. Négritude et
Humanisme, le seuil, 1964.
[179] L. S. SENGHOR,
<<éléments constitutifs
d'une civilisation d'inspiration
négro-africaine>>,Présence Africaine, numéro
spécial, 1959, Tome I : l'unité des cultures
négro-africaines, P. 249-279.
[180] Abdoulaye WADE,
l'Afrique doit-elle élaborer
un droit positif ? Rec.
Penant, 1963.
[181] Souligné
dans le texte.
[182] L. S.
SENGHOR,<<Éléments
constitutifs d'une civilisation d'inspiration
négro-africaine>>, op. cit., P. 276-277.
[183] Cité par
Elikia M'BOKOLO, Afrique Noire. Histoire
et Civilisations, op. cit., P. 538.
[184] Cité par
Présence Africaine (éditorial), numéro spécial,
1959, op; cit., P. 6.
[185] ibid.
[186] G. DAVIES, P. Richards,
<<Rain Forest in Mende life :
Ressources and subsistence strategies in Rural Communities around the Gola
North Forest Reserve>>, Rapport pour ESCOR, Overseas Development
Administration 1991.
[187] pour plus de
détails, voir Politique Africaine n° 53,
L'homme et la nature en Afrique, Karthala,
1994.
[188] François
OST., auto organisation économique
des entreprises, un jeu sans conflit et sans règles ? op.
cit.
[189] Elikia M'BOKOLO, op.
cit., P. 502.
[190] Gazette de
Liège, La Libre Belgique,
117è année, N° 222, Mercredi 9 août 2000, P.
11.
[191] La reconnaissance
des intérêts écologiques
in Droits et
Intérêts : Entre droit et non-droit, l'intérêt,
droit positif, Droit comparé
et Histoire du Droit, 1989, Bruxelles, FUSL, P.
185.
[192] ibid.
[193] Elikia M'BOKOLO, op.cit., P.
508.
[194]
Introduction à la pensée
complexe,
Paris, ESF, 1990, P. 27.
[195] VERDIER R.,
<<problématique des droits
de l'homme dans les droits traditionnels d'Afrique Noire>>, Droits
et cultures, n° 5, PP. 97 à 103.
[196]Jean Marc LAVIEILLE,
droit international de
l'environnement, op. cit., P. 56.
[197]Martine REMOND
GOUILLOUD, l'environnement, sagesse
de la propriété, in droits de propriété
et environnement, (dir.) de MAX FALQUE et Michel MASSENET, Éd,
Dalloz, Paris, 1997, P. 44.
[198] Elikia M'BOKOLO, op.
cit., P. 518.
[199] Maurice KAMTO, op.cit., P.
56.
[200] Édith BROWN WEISS, op
cit.
[201] Jean Marc LAVIEILLE,
op cit., P. 101.
[202] RICOEUR P.,
<<postface au temps de la
responsabilité>>, in Lectures1. Autour du politique,
Paris, 1991, P. 270.
[203] KANT E.,
Fondements de la Métaphysique
des Moeurs, Paris, 1971, P. 150.
[204] Cité dans
INFO TCHAD, Bulletin quotidien
d'Informations édité
par l' Agence Tchadienne de Presse (ATP), n° 4503 du 31 mai 2000, P.
5-6.
[205] Jean Marc LAVIEILLE,
op.cit.
[206] Cours d'Anthropologie
juridique dispensé à l'Académie Européenne de
Théorie du Droit, année académique
1999-2000.
[207] Michel ALLIOT,
cité par Ibra Ciré N'Diaye, Chargé d'enseignement à
l'Université de Paris1 Sorbonne et chercheur au Laboratoire
d'Anthropologie Juridique de Paris1 (LAJP). Entretien du 14 juin 2000 au
LAJP1.
[208]
<<Notre avenir à
tous>>Éditions du Fleuve, Montréal, 1988, P. 347
et 348.
[209] B. KALAORA et
G. R. LARRIERE,<<les sciences
sociales et les sciences de la nature au péril de leur
rencontre>>, in N. Mathieu et M. JOLLIVET (sous la dir.
de), Du rural à l'environnement. La question de la nature aujourd'hui.
Association des ruralistes français, Paris, 1989? P.
82.
[210] Pour une étude
approfondie des relations de récursivité, voir E . MORIN,
la Méthode,I. la nature de la nature, le Seuil, Paris,
1977.
[211]
La
Bible,
Louis SEGOND, Genèse 4 : 8-15, Édition, la Société
Biblique de Genève, version revue, 1975.
[212] M. MERLEAU PONTY,
<<Interrogation et
dialectique>>, in le visible et l'invisible, Gallimard,
Paris, 1964, P. 129-130.
[213] Préambule
de la convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation
de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe entrée en vigueur
en 1982 (décret n° 90_756 du 22 août 1990, J. O. 28 août
1990).
[214]
Dimanche,
Hebdomadaire Catholique de Bruxelles (Région de la Wallonie), n°
30 du 13 août 2000.
[215] Le commandant
COUSTEAU a lancé dans le monde entier une gigantesque pétition
pour une <<Déclaration
des Droits des générations futures>>. Le texte a
été adopté le 26 février 1994 dans la ville de
Laguna, à Tenerife par des experts de l'UNESCO et l'équipe
COUSTEAU.
[216] Elikia M'BOKOLO,
Afrique Noire. Histoire et
Civilisations, op.cit., P. 499.
[217] François
OST, la nature hors la loi.
l'écologie à l'épreuve du droit., op. cit., P.
341.
[218] C'est une initiative
du Professeur Camille KUYU MWISSA, enseignant à l'Université
de Paris1 Panthéon-Sorbonne et chercheur au Laboratoire d'Anthropologie
Juridique de Paris1. Il est le Directeur de
L'Académie Africaine
de Théorie du Droit qui ouvre ses portes à la rentrée
académique 2000-2001.
[219] Extrait des objectifs
de l'Académie.