Vanessa De Greef Š 17/01/2008
E-mail: vanessadegreef@gmail.com
La mdiation
pnale belge, une potentielle mdiation qui dclenche du sens et qui pourrait
veiller une dimension collective enfouie
(article
rdig dans le cadre du sminaire dÕAnthropologie du Droit du Professeur C.
Eberhard lors du Master en formation la recherche en Thorie du Droit
lÕAcadmie Europenne en Thorie du Droit Bruxelles)
ŅDans le combat
entre toi et le monde, seconde le mondeÓ
Kafka
Introduction
La mdiation pnale est un phnomne qui interpelle en
soi. Elle illustre que nous ne pouvons fondamentalement accepter que la ralit
soit dcrite de faon binaire et que cette dernire est bien plus complexe que
nous voulons parfois la penser voire la dcrire. Une approche anthropologique
de la mdiation pnale nous permet de raliser quel point cette notion qui
sÕinscrit dans un cadre obscur et en pleine volution est terriblement
complexe. Nous allons devoir prendre une photographie du phnomne mais il ne
faudrait pas par aprs maintenir celui-ci sous cet arrt sur image.
Afin dÕentreprendre une dmarche plus dialogale Š mme
si elle ne fut pas pleinement ralisable ici notamment cause dÕun manque de
temps - , nous avons voulu nous rapprocher du terrain pour viter des
rflexions trop intellectualisantes. De faon trs brve, nous avons rencontr
un mdiateur pnal qui relve du service public fdral belge[1].
Cette rencontre nous aura permis de confronter ses propos avec certains des
crits que nous avons lus.
Nous commencerons par prsenter un niveau ŅmacroÓ de
la mdiation pnale (I) permettant de dcouvrir lÕexistence de diffrents
archtypes et de nous initier lÕaltrit et la complexit des systmes
juridiques. Ensuite, nous approcherons dans une seconde partie (II) le concept
de Ņmdiation pnaleÓ et plus prcisment de Ņmdiation pnale belgeÓ en le
recadrant dans son univers occidental. Ceci nous initiera aux quivalents
homomorphes de Panikkar et nous conduira relativiser une grille de lecture
propose par Etienne Leroy. Par lÕintermdiation culturelle, nous illustrerons
les risques auxquels le mdiateur doit faire face et nous lui proposerons, avant
de raliser la vritable complexit du Droit et des interactions sociales,
dÕadopter une dmarche, la dmarche diatopique et dialogale qui lui permettra
dÕviter notamment des oppositions binaires, des concepts universels et un
totalitarisme juridique. Troisimement (III), nous montrerons les nombreuses
difficults auxquelles le mdiateur doit faire face et ce, grce au droit
tripode et au modle dynamique du jeu des lois. Nous accentuerons certaines
ŅcasesÓ de ce jeu qui permettront non seulement dÕapprocher de plus prs
certains aspects de la mdiation pnale belge mais aussi dÕinsister sur un lien
social Ņen constructionÓ. Enfin (IV), nous ouvrirons la discussion en abordant
la problmatique du rle de lÕEtat et la problmatique du Ņngocier--tout-prixÓ
qui peut parfois tre trompeur.
I. La mdiation dans notre socit occidentale:
adieu le paradigme de la pyramide et lÕarchtype de la soumission?
La mdiation se dvelopperait difficilement dans notre
socit occidentale (ALLIOT M., 2003, 373). Elle ragit en effet au droit de la
loi, au droit de la force, au droit impos (Ibid., 373-374). Pourtant elle a
connu une vritable ŅexplosionÓ et illustre par l une socit qui Ņcherche
une nouvelle faon de gouverner la cit et de fabriquer de la cohsion
travers de nouveaux rfrentiels dÕactionÓ (FAGET J., 2006, 297). Elle illustre une socit la recherche de
processus plus souples que des normes rigides devenues anachroniques (FAGET J.,
2006, 297). La mdiation rpondrait la demande de cette socit complexe et
instable: caractrise par sa plasticit, elle rtablirait une certaine
cohrence et permettrait aux acteurs de Ņreconstruire par une thique de la
discussion des significations que les mythologies normatives ne leur
fournissent plusÓ (FAGET J., 2006,
297- 301).
Si le droit est dÕune nature conservatrice, il est
nanmoins un moyen par lequel des changements sociaux peuvent advenir et dont
la capacit rpondre au changement devient incontournable dans un contexte de
modernit (LEROY E., 1995, 51). Il y a lieu de penser le droit en rfrence
des archtypes. Crs par Michel Alliot, ils ne sont pas des ralits qui
sÕimposent mais Ņdes modles de la manire dont les gens tablissent un
contact avec leur environnement (É) et se reprsentent leur monde par rapport
la problmatique de son organisation (É)Ó (EBERHARD C., 2002a, 134). Se situant une chelle ŅmacroÓ, ces
archtypes nÕont de sens que dans une comparaison entre civilisations (EBERHARD
C., 2002a,135). DÕaprs Leroy, Alliot distingue trois archtypes: celui de
soumission Š qui rvle une conception unitariste du monde - , celui de
lÕidentification Š prsent dans la pense confucenne et se manifestant par
lÕide de dualit -, et celui diffrenciation Š plus prsent dans les socits
africaines, o tout est pens en termes multiples, spcialiss et
interdpendants (LEROY, 1995, 59). Notre modle de socit occidentale
rpondrait lÕarchtype de soumission dans lequel Ņles hommes ont remplac
Dieu par lÕEtat (mais) ils nÕont cependant pas, renonant Dieu, renon la
conception dÕune loi qui fut la
parole de Dieu (É)Ó (TIMSIT G., 1997,
10 et EBERHARD C., 2002a, 139-140). Ainsi, les lois sÕimposent nous et le
Droit ŅnÕest pas ce sur quoi les hommes sÕentendent dans chaque cas particulier
mais il est avant tout le respect de la rgle extrieure(É)Ó (ALLIOT M., 1983, 98-99). La mdiation, bien que nous
ne lÕayons pas encore dfinie semble tre dans ce cadre, une vritable anomalie
lorsque lÕon sÕen remet notre archtype et notre vision de la justice: ŅAvec
cet archtype ŅunitaristeÓ, est pos un principe unificateur et uniformisant
qui dtermine nos conceptions de la vie en socit et qui rgule les
diffrentes dimensions de nos institutions conomiques, juridiques et
politiques. Il justifie galement quÕon fasse appel lÕinstance extrieure et
suprieure qui donne sens et cohrence lÕorganisation du monde (Dieu), de la
socit (lÕEtat) ou de la justice (le magistrat), car on attend de chaque
autorit quÕelle puisse rsoudre les problmes que nous ne savons pas aborder
ou rglerÓ (LEROY E., 1995, 51).
Bien que nous allons nuancer lÕanomalie que constitue
la mdiation Š en tout cas la mdiation pnale - , la plasticit de la
mdiation Ņorganise des affrontements dialectiques entre logiques dÕordre et
de dsordreÓ (FAGET J., 2006, 298) et
nous fait croire que cette ŅanomalieÓ
(OST F. et VAN DE KERCHOVE M., 2002, 49) correspondrait bien la crise de
paradigme que nous vivons. Mais nous prfrerons aux logiques dÕordre et de
dsordre faire allusion aux ordonnancements impos et ngoci dans la mesure o
le dsordre pourrait tre apprhend comme rupture de lÕordre (LEROY E. , 1999,
147). Serions-nous en train de nous diriger vers un nouvel archtype- sans
quitter vraiment lÕancien? Irions-nous vers un archtype de rationalisation ou
de diffrenciation (EBERHARD C., 2002a, 138-171) en bouleversant les archtypes
tablis par Alliot ? Alliot affirme lui-mme, que des socits en crise peuvent
hsiter entre deux archtypes (1983, 113).
Bien que la mdiation illustre bien cette priode
inconfortable de transition dÕarchtypes, notre socit occidentale a perdu
lÕillusion que la mdiation pourrait tre la Ņforme la plus expressive de
lÕordre ngociÓ (LEROY. E., 1999,
350). Ce que nous pouvons en tout cas dire, cÕest que lÕEtat se cherche un rle
adquat car dans le domaine pnal, on ne peut plus affirmer quÕil nÕ y a pas de
contamination entre lÕide de rpression- qui est assure habituellement par
lÕEtat et celle de rparation- exerce par tous ceux qui ont souffert un
dommage (VAN DE KERCHOVE M., 2002a, 84-85). On ne peut plus affirmer
catgoriquement se trouver dans le modle pyramidal: une vritable
contractualisation de la justice pnale existe bel et bien (OST F. et VAN DE
KERCHOVE M., 2002, 107).
La mdiation merge dans ce contexte de crise dans
lequel lÕEtat - providence sÕest affaibli, les institutions tombent en dclin,
le lien civique est en crise (FAGET J., 2006, 298-300). Cette mdiation est la
rification du contexte de crise: considre comme une dialogie entre
ordonnancements sociaux - en plus dÕune dialogie entre acteurs sociaux - , elle
se dploie ds lors comme une dialogie entre ordres impos, accept et contest
(LEROY E., 2002, 94-95 et YOUNES C., 2006, 340). Nous y reviendrons dans le jeu
des lois (partie III).
Les archtypes nous permettent de raliser dans
quelles ralits sÕinscrit notre droit mais aussi quÕune dimension ŅmicroÓ des
archtypes complexifie encore davantage leur dimension ŅmacroÓ; par ailleurs
ils nous permettent dÕavoir un rapport lÕaltrit et de nous enrichir : cÕest
notamment par les cultures africaines et caldoniennes que nous pouvons
comprendre beaucoup de nous (ALLIOT M., 2003, 373) et que nous pouvons
comprendre pourquoi la mdiation - typique des cultures africaines - ne peut
sÕimplmenter dans nos pays avec la mme aisance.
II. Une mdiation pnale, une notion occidentale
ŅIl y a autant de mdiations que de manires de
penser la logique de la rsolution des conflitsÓ (LEROY E., 2002, 83).
Une situation de mdiation, malgr sa flexibilit
prsume, peut tre lÕoccasion dÕun choc des rfrences juridiques ou
culturelles diffrentes - qui peuvent tre explicites ou implicites - et
parfois perues comme incompatibles ou incomprhensibles pour les parties
(STIMEC A., 2002, 221). Ainsi, le mot mdiateur peut pour certains tre une
personne qui oriente les voyageurs dans le mtro ou un bibliothcaire recrut
dans le cadre de nouveaux mtiers pour ŅmdiatiserÓ la culture (Ibid., 222)!
Nous allons donc envisager ici la question de lÕintermdiation culturelle.
La mdiation pnale est prvue en Belgique depuis 1994
par lÕarticle 216 ter du code dÕinstruction criminelle qui prvoit que le
procureur du Roi peut Ņconvoquer lÕauteur dÕune infraction et, pour autant
que le fait ne paraisse pas de nature devoir tre puni dÕun emprisonnement
correctionnel principal de plus de deux ans ou dÕune peine plus lourde,
lÕinviter indemniser ou rparer le dommage caus par lÕinfraction et lui en
fournir la preuve. Le cas chant, le procureur du Roi convoque galement la
victime et organise une mdiation sur lÕindemnisation ainsi que sur ses
modalitsÓ.
Cette mdiation nÕest pas un concept universel (comme
nous allons le voir infra). Il faut pour cela accepter quÕil existe diffrentes
variantes de ce que lÕon nomme le droit : il existe diffrentes Ņcultures
juridiquesÓ dont les diffrences ne sont pas uniquement procdurales mais aussi
substantielles (VACHON R., 1990, 163). Autrement dit, les contenus diffrent
autant que les contenants (EBERHARD, 2002, 238). Nous avons pu en avoir un
aperu lorsque nous faisions allusion aux diffrents archtypes de Michel
Alliot. Nous pouvons nommer ces cultures de cultures juridiques ŅhomomorphesÓ
(PANIKKAR, 1978, XXII-XXIII, 33 et VACHON R., 1990, 165) ce qui signifie quÕon
ne pourrait parler que dÕquivalence fonctionnelle entre elles (VACHON R.,
1990, 165) dÕo la recherche de Panikkar de mettre en place des quivalents
homomorphiques (PANIKKAR, 1984, 114). Alliot (2003, 373) explique ainsi une
affaire laquelle il a particip en Afrique o il y avait eu un viol hors
mariage entre deux personnes souhaitant apparemment se marier. La dcision fut
prise en considrant lÕavenir du groupe et non pas en pensant sanctionner une
atteinte une prtendue loi (ALLIOT M., 2003, 373). Nous nous interrogeons sur
la dcision qui aurait t prise chez nous o la mdiation tente de substituer
au rapport de force qui fai(sai)t le lien social, un rapport de sens (ALLIOT
M., 2003, 374).
Etienne Leroy (1995, 40-54) dmontre les diffrentes
ralits ou diffrents tages que
peut impliquer la mdiation, nous permettant ainsi dÕavoir une approche de ce
que pourraient tre des quivalents homomorphiques. Nous ne pouvons pas pour
lÕinstant et par nous-mme les vrifier toutes concrtement mais Leroy donne
galement quelques indications concernant les matrices culturelles. Ces
quivalents prparent quoiquÕil en soit un terrain pour la fcondation mutuelle
de ces quivalents dans un dialogue diatopique (VACHON R., 1990, 166).
A un premier tage, la mdiation peut tre dÕabord vue
comme une pratique dÕintervention dans un diffrend: elle suppose plusieurs lments: un tiers qui nÕest
pas concern par le diffrend, une communication bloque mais o les parties ne
supportent pas leur opposition, lÕinterposition dÕun tiers sÕinscrivant dans la
dure, comprenant lÕenjeu du diffrend et les conditions pour rtablir le
dialogue. Enfin, lÕaccord entre les parties nÕest pas le fait du mdiateur et son
intervention nÕentrane aucune obligation pour les parties excuter son
accord.
Deuximement, la mdiation peut tre envisage comme
un procd de gestion dÕun conflit
mais cette fois-ci il sÕagit dÕune opposition ouverte et publique ncessitant
de la part de la tierce partie de grer les relations par des attitudes,
lÕexpression de sentiments et des comptences requrant une exprience
particulire mais aussi de pouvoir apparatre comme figure dÕautorit par
lÕexpression dÕune neutralit notamment, de pouvoir sÕinscrire dans le temps
(en se situant dans le pass, le prsent et le futur par rapport aux
confrontations ayant lieu) et de privilgier les faits plutt que les normes.
Troisimement, la mdiation est une procdure
parajudiciaire de rglement des litiges
et on y aura recours si lÕorganisation judiciaire sÕadonne un traitement
parallle de certains litiges par des instances judiciaires et non judiciaires
selon lÕaccord des parties ou si cette organisation, seule dtentrice du
monopole lgitime de la violence, dlgue sous lÕautorit dÕun magistrat le
rglement de certains litiges des instances locales sous rserve dÕun certain
contrle de lÕexercice de cette dlgation et en gardant la matrise de la
force excutoire des mesures proposes par lÕinstance dlgue. Cette
troisime forme est pour Etienne Leroy plus une Ņjustice ngocieÓ quÕune
mdiation du fait notamment que le choix du tiers neutre relve du magistrat,
que le tiers neutre est devenu le bras sculier voire arm du magistrat, quÕil
prend lieu et place du magistrat en contrlant lÕapplication dÕune dcision.
Mais il souligne que ce nÕest pas tant lÕtiquettage qui importe car il
comprend la ncessit de rponses innovantes par rapport la crise de
lÕinstitution judiciaire mais il insiste sur certains aspects approfondir
dont la permanence du lien social, lÕindividualisation des mesures et la
recherche dÕun accord pour excuter la dcision.
Un quatrime tage permet de considrer la mdiation
comme idologie de la pacification sociale, voire comme projet de socit permettant aux citoyens de se
rapproprier les modes de gestion des conflits; nous avons expliqu ce nouveau
cadre mme si particulier supra
(partie I). Enfin il envisage une descente aux enfers si lÕon peut dire en envisageant
la mdiation comme marchandisation
et donc en concevant la mise en concurrence de diffrentes mdiations. Comme
nous le verrons infra, la
mdiation nÕest pas par essence thiqueÉ
Malgr ces diffrentes ralits, lÕexpression
Ņmdiation pnaleÓ ne serait quant
elle, gure approprie: elle constituerait mme un oxymore en juxtaposant les
termes ŅmdiationÓ et ŅpnalÓ (MILBURN P. et FAGET J., 2007, 1). Elle
associerait un processus qui se veut consensuel et une sanction trangre son
thique (FAGET J., 2007, 2) : la mdiation est sous Ņle contrleÓ de
lÕinstitution pnale. Jacques Faget propose de parler de mdiation en
matire pnale permettant dÕune part
de comprendre quÕil y a diffrents modles de rponse pnale qui ont des moyens
et objectifs diffrents et dÕautre part, de prendre en compte lÕensemble des
processus de rsolution des conflits de nature pnale (FAGET, 2007, 2). La
mdiation pnale en a troubl plus dÕun: dÕaprs Carole Youns, Etienne Leroy
la voit comme ressortissant de la fonction judiciaire et restant extrieure
la vritable mdiation (YOUNES, 2006, 341) mme si tant prt ventuellement
la concevoir entre lÕordre impos et lÕordre ngoci. La mdiation pnale belge
serait donc assimile au troisime tage. Et pourtant, nous tenons nuancer
cela et par l, sortir dÕune logique dÕexclusion des contraires pour nous
engager dans des approches plus dialogales fondes sur le principe de la
complmentarit des diffrences (EBERHARD, 2002, 240), nous permettant par l
de rapprocher les diffrentes mdiations prsentes.
La mdiation pnale belge est problmatique sur le
fond en ce quÕelle aboutit une repnalisation du social (voir infra) mais sur la forme, sÕil est vrai quÕelle reste de
lÕordre du parajudiciaire, elle est surtout plus problmatique au niveau du
pouvoir du magistrat quÕau niveau du tiers neutre. Lors de notre entretien,
nous avons appris que lÕassistant de mdiation nÕavait pas de pouvoir de
dcision et quÕil nÕy avait pas de lien hirachique entre lui et le procureur
du Roi. Mme si cela ncessiterait une tude plus approfondie, lÕassistant que
nous avons pu rencontrer a t formel ce sujet: ŅSur les informations qui
transitent entre le procureur du roi et le mdiateur pnal, le mdiateur coche
une case sur un formulaire pr-tabli et cÕest tout. On part du principe que la
mdiation pnale ne doit pas tre un moyen pour le procureur du roi qui permet
de rcolter les informations quÕil nÕaurait pas eues si la mdiation pnale
nÕexiste pas. Ce nÕest pas un service dÕenquteÓ. Au niveau de la russite dÕune mdiation, le mdiateur
pnal ne va pas porter la connaissance du procureur du roi ce qui sÕest dit
mais ce que les parties acceptent de porter sa connaissance (donc ce qui est
port dans lÕaccord de mdiation pnal). Toutefois, comme le mdiateur dpend
du service public fdral belge, certains y ont vu une difficult pour les
parties sÕexprimer devant une Ņpersonnalisation de la loiÓ. A cela, le
mdiateur nous a rpondu que les parties peuvent prendre dÕabord une position
de dfense comme au tribunal et cÕest pour cela quÕil va devoir par priorit dconstruire lÕide quÕils se font de la justice et leur faire
comprendre quel espace de dialogue la mdiation pnale permet de crer. Il
estime travailler beaucoup au Ņlien socialÓ sur lequel nous reviendrons infra.
Si lÕaccord donne beaucoup plus de sens quÕune
dcision du tribunal et a pour objectif que chacun puisse tre ŅconfortableÓ
par rapport aux faits commis, plus critiquable est la position du procureur du
Roi qui peut refuser dÕentriner lÕaccord et qui peut rajouter des mesures -
par exemple une formation de type comportementale ou un suivi thrapeutique -
qui se rapprochent de ŅsanctionsÓ mme si ces dernires sont ŅindividualisesÓ
selon ce que le procureur aura pu lire. Ceci montreŅla perversit dÕun
processus qui, en mme temps quÕil euphmise lÕintervention pnale, sous la
figure consensuelle de la mdiation, renforce son empriseÓ (FAGET J., 2007 ,7).
Par cette exprience, nous nuancons la position
dÕEtienne Leroy. Toutefois, le caractre particulier de cette exprience ne
nous permet pas dÕen dduire une position gnrale. La mdiation pnale est
problmatique pour certains aspects mais elle apporterait du sens pour
dÕautres. Le mdiateur va permettre de montrer un chemin emprunter vers les
divers univers des parties et va leur apprendre se positionner. Certaines
prcautions seront ncessaires comme nous allons le constater. Nous pensons
toutefois que le terme de Ņjustice ngocieÓ viterait de trop grandes
illusions vu le rle important du procureur du Roi.
Ceci nous rvle aussi quel point les mdiateurs
sont des Ņpersonnes-clsÓ. Ils doivent contribuer lÕmergence dÕun espace de
dialogue fertile, dÕun Ņentre-deuxÓ voire dÕun Ņentre multipleÓ cratif
(EBERHARD, 2002, 236). Ils doivent donc avoir une sensibilit et une
comprhension accrue des diffrentes visions (Ibid., 236). Le mdiateur va
devoir prendre des prcautions particulires quand il prendra le facteur
culturel en compte: il va devoir viter une attitude universaliste qui se
traduit souvent par une ngation de la diffrence et/ou une vision
ethnocentrique (STIMEC A., 2002, 225).
Inversement, il devra viter aussi une attitude culturaliste (Ibid.,
225). Une autre approche risque est celle du rductionnisme o la culture de
lÕautre est rduite quelques facteurs explicatifs (Ibid., 225) ce qui permet
une grande rapidit et efficacit mais quel prix?
Les mdiateurs doivent galement aider les parties
ŅsortirÓ justement de leurs positions pour aller vers leurs proccupations et
intrts qui sont eux rarement incompatibles (Ibid., 227). LÕintervenant que nous avons rencontr
nous a expliqu quÕaprs avoir regard le cadre de rfrence des parties et le
sens des actes commis, il fallait travailler sur le positionnement des
personnes. Il nous a parl de la complexit dans laquelle se trouvait la
victime, notamment face sa culture dÕorigine. Ceci aboutit ds lors souvent
un dni des faits. Le mdiateur va surtout travailler sur son positionnement
afin que la victime exprime ses attentes.
Trompenaars dfinit trois niveaux pour la culture: (a)
les produits et usages visibles, (b) les valeurs et les normes et, (c) les
fondements (STIMEC A., 2002, 227). Pour Stimec (Ibid., 227), le choc culturel
ne se produit pas au premier niveau mais au second et au troisime. Nous ferons
deux remarques: premirement, il faudra choisir un mdiateur suffisamment
sensibilis aux questions culturelles voire qui a la double culture et, rflchir
au dispositif de mdiation qui reflte souvent lui-mme une des trois approches
(universalisme/ culturalisme/ rductionnisme) viter ci-dessus (Ibid.,
228-231). Panikkar affirmait ce sujet quÕ Ņil nous faut travailler en vue
dÕun pluralisme sain qui permettrait une convivialit et une coexistence des
cultures et des civilisations, reconnaissant quÕaucune culture, religion ou
tradition, elle seule, nÕa le droit de prtendre reprsenter la panoplie
universelle de lÕexprience humaine, ni le pouvoir de rduire les diversits de
lÕhumanit une seule forme, aussi large quÕelle puisse treÉÓ (DAS K., 2002, 280).
Deuximement, le fait que le choc culturel se produit
plus souvent au niveau des valeurs et des fondements nous suggre de sÕouvrir
des approches en terme de ŅmultijuridismeÓ et de penser la reproduction sociale travers le prisme du Ņdroit
tripodeÓ dvelopp par Etienne Leroy (EBERHARD C., 2002, 240). Dveloppe plus
bas, cette dernire notion nous permet de considrer aussi les coutumes et habitus
et dÕaller au-del de notre modle occidental, la loi. Ceci est donc
extrmement important pour le mdiateur comme nous lÕavons examin dans la
partie suivante. Pour prendre rellement au srieux lÕ ŅAutreÓ, le mdiateur,
tout comme dÕailleurs lÕautre partie, devrait mme sÕouvrir des approches
plus cosmothandriques en intgrant les dimensions anthropologique, cosmique,
et divine de nos vies tout en reconnaissant quÕil nÕy a ni un
cosmothandrisme, ni un multijuridicisme (EBERHARD C., 2002, 240-241).
Ds lors, il faudra ouvrir notre topos pour permettre lÕmergence
dÕenrichissements mutuels. CÕest l que la dmarche diatopique et dialogale
peut rendre un grand service au mdiateur en vitant les piges de
lÕenglobement du contraire cr par Louis Dumont. Ce principe consiste Ņ
runir explicitement deux principes contradictoires dans une mme catgorie,
les construisant formellement comme gaux, tout en prenant lÕun des deux
principes comme le rfrent implicite par rfrence auquel lÕautre est construit.
Est ainsi introduite une hirachie cacheÓ (EBERHARD C., 2002a, 108). Nous avons pu illustrer cela supra par les dangers de lÕuniversalisme et du culturalisme
notamment. Le mdiateur doit donc viter de raisonner partir de modles
construits comme universels (Ibid., 110) et viter les oppositions binaires.
Ces prcautions, il va devoir les faire comprendre aux parties qui peuvent
elles-mmes construire ces oppositions ce qui a un impact majeur lors dÕune
mdiation. Kaplana Das nous explique ainsi le constat de lÕinstitut
interculturel de Montral dÕun paradigme Nord-Sud qui peut diffrencier les
pays ŅvolusÓ des pays Ņnon-volusÓ (DAS K., 280-281). Ce principe se reflte
dans la pense dichotomique du Ņtiers excluÓ(EBERHARD C., 2002a, 110) or le
dialogue nÕest possible Ņque parce que sÕest dj creus au sein du ŅjeÓ la
place o sÕinscrira la voix de lÕinterlocuteurÓ (OST F. et VAN DE KERCHOVE M., 1992, 64 et EBERHARD
C., 2002a, 103).
Il va donc falloir dpasser le stade dÕun
monoculturalisme et dÕun totalitarisme juridique qui se cachent sous des dehors
de pluralisme juridique et qui sont infidles une approche scientifique au
sens plnier et polysmique du mot (VACHON R., 1990, 164). Ds lors, comment
comparer ce qui peut sembler incomparable en vitant la superficialit et
lÕaffrontement infini? La dmarche diatopique va surmonter la distance du
prsent au prsent (VACHON R., 1990, 168) et mener la reconnaissance dÕun
second centre dÕintelligibilit ct du logos, le mythos. La dmarche dialogale
se rvle treŅoutre voyage travers des lieux et des logiques diffrentes
en vue de leur mise en tension et articulation (thorie interculturelle du
Droit),(É) une dmarche nous menant au del du logos, et donc du paradigme
dialectique caractrisant nos dmarches scientifiques occidentales (approche
interculturelle du Droit)Ó (EBERHARD
C., 2002a, 121). Cette dernire dmarche traverse donc le logos pour rejoindre
un terrain commun que le logos ne saurait exprimer mais que Panikkar et Vachon
ont tenu nommer, le mythos (VACHON R. 1990, 168). Comme le propose Christoph
Eberhard (2002a, 123), cÕest en associant le logos - qui exprime la Raison ou
le discours - et le mythos Š qui rvle les prsupposs respectifs qui
sous-tendent les systmes ŅjuridiquesÓ des diffrentes cultures - quÕon
atteindra un vritable pluralisme Šmme si pour Panikkar et Vachon, cÕest
surtout par le mythos quÕon sÕen rapproche. Ceci nous permet Ņune prise en
compte de lÕAutre comme sujet et non pas uniquement comme modle de connaissanceÓ
(Ibid., 125 et VACHON R., 1990, 170).
Le dialogue qui se met en place Ņlaisse entrer lÕautre et sa vrit nous
interpeller dans notre propre vie et dans nos valeurs personnellesÓ permettant ainsi une ralisation plus profonde de
lÕautre et de soi-mme (VACHON R., 1990, 170).
Ceci nous permet dÕinsister sur la persvrance et
lÕhrosme dont le mdiateur devra faire preuve. Pour devenir mdiateur, il
faut donc faire preuve de certaines qualits, dont lÕcoute et la rflexion par
rapport Ņaux positionsÓ comme nous lÕa affirm le mdiateur que nous avons
rencontr. Il devra, selon nous, parler de sa position pour permettre un
dialogue dialogal en vitant de montrer son rle de faon universelle. Si la
dmarche diatopique et dialogale lui donnent un beau moyen de cerner la
complexit dÕautrui, elle ne sera pas vidente dans la mesure o une confiance
devra sÕinstaurer dans un cadre difficile, voire dans un cadre o justement la
confiance a t rompue. Ce jeu de confiance, Panikkar le dcrit quand il
assure: Ņ Le dialogue est fondamentalement mÕouvrir lÕautre de faon ce
quÕil puisse parler et rvler mon mythe que je ne peux connatre tout seul
parce quÕil est pour moi transparent, quÕil va de soi.(É) Le dialogue cherche
la vrit en faisant confiance lÕautre (É)Ó ( PANIKKAR, 1979, 242-243 et EBERHARD C., 2002a,
122-123).
Maintenant que le mdiateur peut saisir quelle
dmarche lui permettra dÕtre Ņun passeur des mondesÓ, il doit faire face aux
multiples difficults et complexits qui lÕattendent dont les reprsentations
culturelles ne sont quÕun des facteurs (EBERHARD, 2002, 241). CÕest donc avec
le jeu des lois que lÕon va poursuivre et nous avons prfr assurer au
mdiateur quÕil y avait des mthodes utiliser pour ne pas quÕil se perde entre
les cases du jeu.
III. La mdiation pnale sous lÕangle du droit
tripode et du jeu des lois
Le droit tripode et la mdiation pnale
LÕarchtype de soumission tel que nous lÕavons dcrit
plus haut peut paratre Ņun obstacle pistmologique majeur la comprhension de la
vritable capacit du droit rpondre aux attentes de la socitÓ (LEROY E., 1995, 52). Etienne Leroy (1995, 52) a
dvelopp ds lors un droit tripode, reposant sur trois fondements, qui value
autrement les rapports ambigus entre la loi, la coutume et les usages comme
sources substantielles du droit et qui permet ds lors de sÕinterroger sur ce
culte de la loi. Si la loi nous est trs voire trop familire, la coutume est
de faon synthtique ŅlÕensemble des manires de faire et de conduire ses
comportements en socitÓ (LEROY E.,
1999, 195). Les usages - dnomms habitus la suite des travaux de Bourdieu -
sont les manires dÕtre, les soubassements de la coutume donc les
soubassements des manires de faire; plus exactement, lÕhabitus est selon
Jacques Commaille Ņun systme de dispositions permanentes, tabli comme
principe gnrateur et organisateur des pratiques, des reprsentations, des
modes dÕagir et de penser, que lÕindividu a acquis tout au long de son histoire
dans une interrelation active, dans une mdiation, entre les structures
internes de sa subjectivit et les structures sociales externesÓ(LEROY E., 1999, 199).
Nous ferons deux remarques. Premirement, la
mdiation, dans lÕacceptation quÕEtienne Leroy lui prte, limite
considrablement lÕintervention de la tierce partie et tout parat ngociable
ds lors que les choix des parties sont dtermins par le maintien de leurs
relations dans le futur (LEROY E., 1995,53). Ses mots cls seraient
Ņngociation, consensus et futurÓ alors que le droit nonce de faon plus ou
moins gnral et impersonnel - travers ses trois fondements vus supra- la
manire de penser la reproduction collective puis les conduites suivre par le
sujet de droits (LEROY E., 1995, 53-54). Il Ņvalue lÕcart dj observ
entre des normes et les pratiques et dtermine qui est en droit ou en faute par
rapport des rgles du jeu dj poses et susceptibles dÕtre invoques dans
une socit rgule par lÕEtat de droitÓ
(LEROY E., 1995, 54). Nous devons nuancer ces propos dans la mesure o nous
pourrions nous retrouver dans une logique des contraires; de plus, le droit
nous parat dj beaucoup moins impersonnel si analys au travers du droit
tripode.
Deuximement, la mdiation telle quÕapprhende en
droit belge nous semble ds lors devoir prendre en considration le droit
tripode dvelopp par Leroy. Le mdiateur doit en effet dpasser Ņle culte
de la loiÓ pour sÕattarder aux
coutumes et lÕhabitus des parties en prsence. Le mdiateur pnal nous a
dÕailleurs expliqu quel point ŅlÕchange dÕinformations quant au contexte
des faits et quant la perception quÕont chacune des parties des faitsÓ tait essentiel mais formait aussi le noeud du
problme. Nous nous interrogeons sur le fait que les parties ne doivent pas,
comme nous lÕa confirm le mdiateur, ncessairement se rencontrer dans le
cadre de la mdiation pnale belge. Ceci nous a paru trange mais le mdiateur
nous a dit que cette rencontre tait importante si elle avait du sens pour les
parties. Aussi trange que cela puisse sembler, le non-sens de cette rencontre
pourrait renvoyer aux coutumes ou lÕhabitus de ces parties. Serait-il
possible de ne voir aucun sens se rencontrer? Ces coutumes ou habitus
pourraient bien renvoyer notre socit occidentale qui tend se replier sur
elle-mme et o le lien civique sÕestompeÉ Les coutumes et les habitus
pourraient-ils nous dire ds lors que la rencontre de lÕautre nÕest pas ou
nÕest plus ncessaire? Une dmarche diatopique et dialogale nous conduirait
probablement une proposition inverse. Nous reviendrons cette problmatique
dans le jeu de lois.
Jouer la mdiation pnale: un jeu ambigu?
Etienne Leroy a voulu approfondir sa dmarche en la
faisant reposer sur un modle structural et dynamique qui Ņgrce une
dconstruction de lÕarchitecture des processus lÕoeuvre (dimension
synchronique) [ autorise ] lÕlucidation corrlative du sens du mouvement
ainsi provoqu (aspect diachronique)Ó (
LEROY E., 1999, 35). Il a ds lors construit un jeu des lois dont lÕobjectif nÕest pas de saisir le Droit en tant
que tel mais de comprendre sa contribution Ņau grand jeu quÕest la vie en
socitÓ, de disposer du droit comme
rgle du jeu (LEROY E., 1999, 35-36). Le jeu permet dÕapprocher la complexit
du droit comme une relation dialectique entre certitude et incertitude montrant
par l lÕ Ņopen textureÓ du Droit (EBERHARD C., 1997, 70). Mais le jeu va plus
loin: il passe dÕun paradigme dialectique, centr sur le systme juridique,
un paradigme dialogal ancr dans le jeu existenciel des acteurs (EBERHARD C., 2002a, 260). Christoph Eberhard
rajouterait bien une case prliminaire nous rappelant que ce jeu sÕinscrit dans
une vision occidentale moderne, qui est anthropocentre et logocentre et dont
lÕHomme est donc le rfrent ultime et sÕinscrit dans des ralits
principalement matrielles et historiques (EBERHARD C., 2002a, 262). Le jeu des lois permet dÕapprhender la
ralit en dpassant les rductions intellectuelles issues dÕune dmarche
dialectique et en proposant un modle de lecture dynamique de nos interactions
sociales (EBERHARD, 2002, 245).
Le jeu des lois compte actuellement dix cases (LEROY
E., 1999, 43) que nous allons citer sans pouvoir les approfondir toutes. Nous
entrons dans le jeu par le statut des acteurs Š qui met en vidence les
situations de multijuridisme dans lesquelles se trouvent les acteurs -, nous
poursuivons par la case des ressources Š qui considre les ressources
matrielles humaines ou mentales - puis par celle des conduites Š quÕil
sÕagisse de stratgies ou de tactiques; suit la case des logiques- ou Ņdes
rationalisations pour lÕactionÓ et
puis celle des chelles qui peuvent tre globales, nationales ou
infranationales . Le jeu se poursuit par la case des processus Š procdant lÕinscription
des phnomnes juridiques dans la temporalit - puis celle des forums qui reprsente les lieux de dcision
caractriss par la confrontation
mais aussi par lÕchange et la communication - pour passer la case des ordonnancements sociaux - qui sont
Ņune mise en ordre de la socit selon un dispositif particulier, impliquant
la fois un projet et des procdsÓ
Š advient ensuite la case des enjeux - qui exprime ce qui est mis en jeu mais
aussi le contexte du jeu - qui dbouche sur la case finale, celle des rgles du
jeu (LEROY E., 1999, 49-169 et EBERHARD, 2002a, 257-302 et EBERHARD, 1997,
69-77). Ce jeu ne doit pas tomber dans lÕopposition droit et non-droit : il
faut donc admettre de se laisser conduire par lui et mme aprs avoir jou, on ne
pourra jamais tre assur de Ņsavoir vraimentÓÉ( LEROY E., 1999, 175).
Serait-ce le moment adquat de rappeler quÕ Ņon ne peut dfinir le droit
mais seulement le penserÓ ? (ROULAND
N., 1989, 77).
Nous pouvons maintenant faire rentrer Ņla bte dans
lÕarneÓ et donc observer la mdiation pnale travers le jeu. Nous allons
sauter des cases afin de nous consacrer aux cases que nous considrons
arbitrairement comme trs intressantes pour prendre un clich de la mdiation
pnale belge.
Commenons par le statut des acteurs qui nous fait
prendre conscience que nous avons quitt des situations de pluralisme juridique
pour vritablement parler de situations de multijuridisme (LEROY E., 1999, 59).
ŅChaque acteur dtient une pluralit de statuts en rapport avec les divers
collectifs auxquels il appartient, par hritage ou par libre adhsionÓ (LEROY E., 1996, 191-192). Cette approche nous permet
de relativiser lÕunique rle qui devrait tre pris en considration par un
individu vu quÕil a une complmentarit fonctionnelle avec dÕautres rles
(EBERHARD, 2002a, 274). Ceci nous permet notamment de dpasser lÕunique rle du
mdiateur pnal qui construit des ponts entre lÕauteur et la victime, en
montrant lÕincidence dÕun second rle: le mdiateur fait galement office de
mdiateur entre le procureur du Roi et lÕauteur. Il sÕagit en quelque sorte
dÕune Ņdouble mdiationÓ lÕobligeant comprendre aussi le mythos du procureur
du Roi. En effet il va devoir comprendre la perception du magistrat quant la
qualification quÕil a donne aux faits et celle de lÕauteur qui parfois
refusera de participer une mdiation sous une telle qualification Šmais par
contre et nouveau la mdiation est indirecte: le mdiateur tente de concilier
les diffrents univers. Le mdiateur peut donc ventuellement proposer une
requalification des faits qui donne beaucoup plus de sens lÕauteur que sÕil
nÕeut d se prsenter au tribunal sans comprendre rellement la qualification
des faits en droit.
Nous revenons la mdiation entre auteur et victime
et approfondissons la case 1: ŅPar rapport un mode individualiste
dÕidentification des statuts fonds sur la notion, abstraite et gnrale, de
personne juridique, notre approche suggre la ncessaire prise en compte du
rle dans son contexte social, donc du statut dans sa dimension individuelle et
collective. Ceci est essentiel pour traiter des socits africaines o le
communautarisme, comme recherche, toujours tensionnelle, dÕun quilibre entre
les intrts du groupe et ceux de lÕindividu, a t et reste le plus souvent la
forme privilgie dÕorganisation des rapports sociauxÓ (LEROY, 1996 a, 191-192). Ceci nous a interpell
quant aux rles de la victime et de lÕauteur dans une dimension individuelle et
collective. La question de la dimension collective de lÕindividu et du lien
social existant dans notre socit occidentale nous proccupait. CÕest en
lÕapport de Carole Youns (2005, 49-61) et donc des propos qui suivent[2]
que nous avons pu trouver de quoi nous substanter.
Dans la conception occidentale, le processus de
mdiation ne se proccupe quÕaccessoirement de la relation sociale et des
intrts collectifs, sa priorit est la satisfaction des besoins et intrts
individuels des personnes. Or, si la mdiation illustre lÕatomisation des
individus, elle pourrait permettre de rompre avec ŅlÕimaginaire occidental
de lÕisolement en montrant lÕancrage des individus dans des collectifsÓ. Contrairement aux socits holistes qui privilgient
la dimension collective travers la notion de personne et dans lesquelles le
lien social est une ralit qui
prcde lÕindividu, la socit occidentale est caractrise par la
centralit du sujet par rapport aux mondes et aux groupes dont il fait partie,
soit par Ņla prdominance de lÕidentit du moi sur lÕidentit du nousÓ, ou encore par un lien social qui rsulte de la
verticalit de la loi vu que les individus appartiennent une mme socit au
travers de leur soumission la loi commune.
Ds lors la mdiation pnale a avant tout pour
objectif dÕapaiser un conflit entre individus o la communaut et la relation
nÕapparaissent quÕen filigrane. Le lien social ne va pas de soi, il apparat
plus comme un objet construire quÕ reconstruire, il est en fait un acte de
volont de lÕindividu vu quÕil y a absence de valeurs communautaires partages.
Ainsi, reconstituer le groupe se fera partir de lÕindividu et cela, si les
valeurs collectives dont il est porteur sont conformes au bien de lÕindividu ou
peuvent servir ses fins. Pourtant, il ne faudrait pas en dduire une stricte
sparation entre les diffrentes conceptions socitales et une
incommensurabilit entre leurs pratiques. CÕest la rationnalit occidentale et
la fiction de lÕautonomie qui scinde lÕindividu de la collectivit. Mais en
ralit Ņla singularit de lÕtre humain apparat moins tenir son
fondement autosuffisant quÕ un ventail dÕappartenances qui rendent possible
une individuation relevant dÕune singularit plurielle, exprimant la pluralit
des collectifs et des mondes de rfrence auxquels les individus vont se
rattacherÓ. Donc la mdiation et son
compromis ne seraient pas tant proccups par la satisfaction des intrts
divergents mais par la prise en considration de lÕinscription diffrentielle
des individus dans des mondes diffrents: lÕindividu nÕest ni seul, ni dans une
communaut englobante mais il sÕinscrit dans une pluralit de mondes.
Carole Youns fait le pari que lÕindividu nÕest pas
prisonnier de sa vision du monde et que sa capacit rflexive va lui permettre
une prise de conscience de son ancrage dans des collectifs sous la forme
dÕunivers normatifs dterminant en grande partie son positionnement dans le
conflit. Par la mise distance des univers normatifs, chacune des parties
pourra alors prendre conscience de son univers de sens mais aussi de celui de
lÕautre: cÕest un Ņespace de reconnaissanceÓ que la mdiation pourrait permettre ds lors selon
nous, mais comme on lÕa dj mentionn, il faudra dpasser le fait que
lÕindividu se complaise dans sa singularit et ne souhaite ni dcouvrir les univers
de lÕautre, ni mme les siens propresÉ Cette difficult nÕest pas ngliger et
nous avons pu le constater travers des documents qui mentionnaient que des
auteurs sÕengageant au dbut respecter des conditions, baissaient les bras
par la suite car pour eux, cette procdure tait Ņsans consquenceÓ (SERGENT
M., 2007, 73). Ce dernier constat est celui dÕune magistrate et cela nous
permet de relativiser lÕapport de sens de la mdiation, en tout cas de ne pas
gnraliser un tel phnomne. La carence de sens pourrait sÕexpliquer tant par
la difficult pour lÕindividu vivant dans une socit occidentale de raliser
sa singularit plurielle mais aussi peut-tre par le fait que certaines
mdiations sont moins lÕaboutissement dÕun accord que des solutions imposes
par le procureur du Roi. Nanmoins, une conseillre en mdiation pnale prs le
parquet gnral de la Cour dÕappel de Bruxelles distingue clairement la
situation dÕun accord pris mais non respect et celle dÕune interruption de la
mdiation qui ne peut en aucun cas tre considre comme un chec et cela, de
qui que ce soit (VANNESTE, C., 1997, 111). LÕassistant de mdiation nous a en
effet dit que dans ce dernier cas, la mdiation avait au moins pu
responsabiliser les deux parties.
Le jeu des lois, mme sÕil est anthropocentr, permet
selon nous de Ņfaire merger le sujetÓ (YOUNES C., 2005, 49) et de montrer par ses diffrentes positions
quÕon ne peut le rduire un seul rle, un seul monde et que lui-mme, en en
prenant conscience, ralise les diffrents univers de lÕautre. Cette approche
nous permet galement dÕouvrir de nouvelles voies quant une dimension
collective qui sommeille quelque part en nousÉ Kafka crivait Ņdans le
combat entre toi et le monde, seconde le mondeÓ (KAFKA, 1917 et CAUNE J., 1999, 15).
Nous serons plus brefs pour les illustrations des
autres ŅcasesÓ du jeu.
Nous pouvons dans la case des conduites considrer les
stratgies qui postulent Ņque les acteurs sont pris dans un jeu social la
fois indtermin et structur par euxÓ
(LEROY, 1999, 83). Par ailleurs, Ņla mise en oeuvre de ces stratgies (É)
comportera toujours deux aspects complmentaires. En effet chaque acteur
sÕefforcera simultanment de contraindre les autres membres de lÕorganisation
pour satisfaire ses propres exigences (stratgie offensive) et dÕchapper
leur contrainte par la protection systmatique de sa propre marge de libert et
de manoeuvre (stratgie dfensive)Ó (CROZIER
M. et FRIEDBERG E. , 1992, 91-92 et LEROY E. 1999, 82). Nous pouvons nous
arrter un instant sur les conduites de lÕauteur dans le cadre de la mdiation
pnale. Celui-ci pourra tant adopter une stratgie offensive en refusant de
collaborer une mdiation pnale dont la qualification des faits lui parat
errone ou injustifie mais il nÕest pas certain quÕil y aura pour autant
requalification de la part du magistrat. En outre, il pensera surtout une
stratgie dfensive, comme nous explique notre intervenant ŅlÕauteur de
lÕinfraction nÕest pas plac dans une situation confortable. Il sait que sÕil
refuse la mdiation pnale, a sera le tribunal correctionnelÓ.
En ce qui concerne la case des ordonnancements
sociaux, celle-ci est cruciale dans le cadre de la mdiation pnale. Nous avons
dj fait allusion supra aux
diffrents archtypes et lÕentre-deux que nous serions amens vivre; nous
pourrions en ralit nous diriger vers une extension de lÕordre impos. La
mdiation pnale devrait par ailleurs se situer entre un ordonnancement impos
et un ordonnancement ngoci dans lequel Dieu ne fait plus que constater sans
sÕinterposer et o les acteurs organisent le monde (LEROY.E, 1999, 153) mme si
nouveau, cette organisation est nuancer. Il est sr que comme on lÕa vu
supra la mdiation Ņ lÕoccidentaleÓ nÕest pas la forme la plus expressive de
lÕordre ngoci (LEROY E., 1999, 350). Par cette ide forte de ngociation,
elle induirait les acteurs en erreur lorsquÕils dcouvriraient quÕil sÕagit
plus dÕune Ņjustice proposeÓ (LEROY E., 1999, 351) que dÕune forme indpendante de la justice.
Cette contradiction peut tre analyse par le jeu des
lois : Ņla contradiction entre ordonnancements est base sur une
contradiction des logiques qui implique une conjonction des statuts du juge et
de tiers neutre donc induit une confusion des pratiques donc des ressources.
LÕenjeu de telles confusions est de produire des adhsions superficielles ou
des consensus mous qui privent les acteurs dÕune part de leur libert. Sous le
prtexte dÕune justice plus humaine (pour la victime, voire pour le dlinquant)
on caricature, par le simple fait dÕemprunter cette terminologie, lÕidal de
libre et galitaire ngociation du diffrend. On abolit ainsi les repres entre
les ordres impos et ngoci pour produire une extension du contrle tatique
et judiciaire (É) Il nÕy a plus matire alors des rgles du jeu et on peut
fermer les forums judiciaires au profit dÕune justice Ņplus administreÓÓ (LEROY E., 1999, 351) Nous pensons que cette
contradiction peut exister mais nous ne pensons pas quÕelle rsulte de la confusion
du juge et du tiers neutre. Le mdiateur pnal ne semble pas tre le bras arm
du magistrat dans la mdiation pnale belge mais il nÕempche quÕil est plus
quÕun facilitateur nos yeux et quÕil peut tre vu comme une personnalisation
de la loi. CÕest pour cette raison quÕil devra procder premirement une Ņdconstruction
de la justiceÓ.
Nous pensons par contre que la mdiation par le
croisement des actions du procureur du roi et du mdiateur pnal peut tre
assimil au modle ralis par Leroy pour schmatiser la justice des mineurs
(LEROY E., 1999, 345) sans pour autant quÕil y ait ici confusion des rles dans
le chef des acteurs. On aboutit un modle qui croise les valeurs
caractristiques de lÕordre impos (par les trois mesures que peut choisir le
procureur du roi) et celles de lÕordre ngoci (par un processus qui conduit
les parties formuler un accord mme si leur rencontre nÕest pas ncessaire).
Enfin, nous allons nous focaliser un instant sur la
case des enjeux. Le joueur peut distinguer enjeux immdiats et enjeux diffrs,
enjeux matriels et symboliques, enjeux implicites et explicites - ces derniers
nous introduisant dans la connaissance du contexte du jeu (LEROY E., 1999,
160). Brivement, les enjeux dans la mdiation pnale belge pour la victime
sont la possibilit de pouvoir tre entendue, dÕobtenir rparation et
ventuellement de ddramatiser la situation en dmystifiant lÕauteur et en
rduisant son angoisse (VANNESTE, C., 1997, 116). Du ct de lÕauteur, la
mdiation peut lui apporter une conscientisation des consquences de ses actes
et la possibilit dÕexprimer sa propre logique ce qui lui permet dÕenvisager
dÕautres logiques dont celles de la victime (Ibid., p.117). Bien sr, la
mdiation lui permet dÕchapper une confrontation un tribunal, une peine
et une inscription dans le casier judiciaire, ce qui nos yeux offre une
meilleure garantie de rinsertion socio-professionnelle compte tenu du sens que
lÕauteur peut retirer de la mdiation. Nous pensons que les enjeux explicites
et implicites de lÕEtat sont dcisifs dans la mesure o ils participent
grandement au contexte du jeu: premirement le Conseil de lÕEurope encourageait
les Etats membres dvelopper des procdures de djudiciairisation et de
mdiation et le Comit des ministres affirmait que ce processus permettait une
participation active de la victime et du ŅdlinquantÓ (DELEU A., 2007, 7);
deuximement, la crise des institutions judiciaires agrmente dÕaffaires de
corruption, de mdias favorisant Ņune juridiction des motionsÓ, de manques de
moyens internationaux face aux grandes fodalits criminelles (ex.la mafia)
fait quÕune solution peut tre de driver un certain nombre de contentieux sur
dÕautres instances de rgulation (FAGET, 1997, 75-77). Troisimement, en plus
des enjeux pour la victime et le dlinquant, cela permet lÕEtat de rduire la
dlinquance urbaine, de ragir rapidement au dlit grce une procdure
simplifie et de dsengorger les tribunaux et les prisons (SERGENT M., 2007,
39). Certains arrivent la conclusion
que la logique de la loi belge du 10 fvrier 1994 reste rtributive
avant dÕtre restauratrice dans la mesure o un des objectifs principaux tait
que les citoyens regagnent leur confiance envers la justice (DELEU A., 2007,
96). En effet, la mdiation fut instaure en Belgique suite de nombreux
dysfonctionnements (MARY, 1997, 328). Toutefois, elle semble galement
sÕinscrire dans une repnalisation de la petite dlinquance (Ibid, 331) et
semble donc peu apte recrer le lien social (Ibid., 342).
IV. Rcapitulatif de notre ŅpositionnementÓ et de
notre qute dÕune mdiation thique
Sous une approche anthropologique du droit, nous avons
situ la mdiation occidentale travers les diffrents archtypes dÕAlliot,
un niveau ŅmacroÓ et ŅmicroÓ. Nous avons ds lors constat lÕaltrit et la
complexit des systmes juridiques. Nous avons dmontr quÕun choc entre
archtypes et entre ordonnancements pouvait avoir lieu par la mise en place de
la mdiation. Ce choc nÕest pas indpendant de la crise dans laquelle se trouve
lÕEtat - providence.
Ensuite, nous avons voulu signaler des potentiels
quivalents homomorphiques de la mdiation. Malgr cela, la mdiation pnale
semble tre un oxymore ce qui fait que dÕaucuns rejettent son statut de
ŅmdiationÓ. Nous avons nuanc cela par la petite mais intressante exprience
que nous avons eue. Au travers du cadre de lÕintermdiation culturelle, nous
avons insist sur le rle essentiel des mdiateurs mais aussi sur les
prcautions quÕils devaient prendre. La dmarche diatopique et dialogale, qui
semble difficile au niveau de la mise en oeuvre dÕune certaine confiance - en
tout cas dans notre socit - , semble par contre adquate pour viter les
piges de lÕenglobement du contraire.
Enfin, la complexit et lÕaltrit du Droit sÕillustre
au travers du droit tripode et du jeu des lois. Le droit tripode va permettre
une dmarche diatopique et dialogale en observant les coutumes et lÕhabitus. Le
jeu des lois, modle plus dynamique des interactions sociales va soulever la
richesse de leurs complexits. Nous avons tent dÕappliquer ce jeu aux
problmatiques que nous avons pu rencontrer. Outre la case des conduites, des
enjeux et des ordonnancements sociaux, la case du statut des acteurs a t
particulirement propice la rflexion relative la dimension collective de
lÕindividu dans la socit occidentale o le lien social est davantage
construire quÕ reconstruire et o la communaut nÕapparat quÕen filigrane. Si
une singularit plurielle existe, il ne sera pas vident pour le mdiateur de
la faire merger.
Nous aimerions terminer par trois remarques.
La premire tient au rle de lÕEtat. Nous trouvons
intressant dÕvoquer ce sujet le mouvement ŅAlternative Dispute ResolutionÓ,
n aux Etats-Unis, et qui avait pour certains lÕobjectif de
dsinstitutionnaliser le traitement des conflits et pour dÕautres, de grer la
surcharge des tribunaux (FAGET, 2007, 3). Ce mouvement critiquait la justice
formelle en ce quÕelle isolait les revendications individuelles faisant
obstacle lÕexpression de revendications collectives, en ce quÕelle dtruisait
les relations interpersonnelles et aggravait les conflits, en ce que la
dcision reposait sur des normes abstraites et non pas sur des valeurs puises
dans les communauts, en ce quÕelle fournissait des jugements rtrospectifs
sans se soucier de rparer ni de reconstruire [ le lien social ] pour lÕavenir (FAGET, 2007, 3). Ce mme mouvement a
par ailleurs t critiqu du fait quÕil tait une menace pour le droit des personnes
et des groupes ou que par le remplacement de juges par des experts en sciences
du comportement, il pourrait tre un cauchemar foucaldien dÕune nouvelle
technique disciplinaire, au service dÕune nouvelle lite professionnelle
(FAGET, 2007, 4). Ces alternatives sont devenues aujourdÕhui des solutions
complmentaires la justice formelle plus quÕautre chose.
Nous trouvons ces rflexions proches de celles que
lÕon peut mener sur la mdiation pnale. Faget souligne par ailleurs quÕun
modle externe de mdiation dfini comme une alternative lÕintervention
judiciaire ou comme une voie indpendante permet dÕouvrir une rflexion sur le
pluralisme juridique dont la porte dpend du contexte idologique en place, de
la culture juridique et du dynamisme de la vie communautaire (Ibid., 8). Il
dmontre que si ces mdiations ont pour objectif la recherche dÕune socit
dÕacteurs qui sÕimpliquent et se responsabilisent, la ngociation gnralise
pourrait renforcer les ingalits (Ibid., 8). Nous nous interrogeons donc sur
le fait de mener un dbat ou non sur le fait que la justice et la mdiation
correspondent des raisons dÕtre si dissemblables quÕelles doivent prserver
leurs diffrences (HOFNUNG M.G., 1995, 112). Montesquieu soulignait en effet
que Ņprives de leur principe, les crations sociales dclinentÓ (Ibid.,112). De plus, plusieurs recherches attestent
de ŅlÕexistence dÕun conflit culturel entre les tenants dÕune pratique trs
judiciarise de la mdiation et ceux qui tentent dÕamnager des espaces de
mdiation plus respectueux dÕune thique de mdiationÓ (FAGET, 2007, 6). Il y a donc une tension entre Ņdes
acteurs qui veulent Ņgarder la mainÓ sur le jeu et dÕautres qui veulent
Ņprendre la mainÓ de faon distribuer autrement les cartesÓ (FAGET, 2007, 6).
Pourtant, Ņil serait simpliste de considrer que
les pratiques internes au systme judiciaire sont dpourvues de valeurs alors
que les pratiques communautaires ne seraient jamais des techniquesÓ (FAGET, 2007, 8). Il semblerait que le cadre judiciaire
ou communautaire nÕinduit pas une plus grande puret de la dimension thique de
la mdiation (Ibid., 8). Faget souligne quÕ Ņune analyse scientifique de la
mdiation en matire pnale doit sÕaffranchir dÕune vision anglique de la
communaut et dÕune diabolisation du systme pnalÓ (Ibid., 8).
Notre seconde remarque porte sur lÕidal de
ngociation. Alors que certains disent que la parole qui circule restitue Ņle sens volÓ (ALLIOT, 1996,
375), dÕautres sÕinterrogent si lÕacte de ngocier a encore du sens (JEUDY H-P,
1996, 15). Nous tenons simplement mettre en garde contre un culte de la
ngociation car celle-ci ncessitera certaines exigences essentielles pour tre
vritable. Il faudra donc nuancer lÕide que Ņje ngocie donc je suisÓ (JEUDY H-P, 1996a, 20) et que parfois, Ņngocier,
cÕest crer lÕillusion dÕun espace de sensÓ (Ibid., 28).
Enfin, Etienne Leroy disait que la mdiation scolaire
ne se dvelopperait en France ŅquÕavec le support dÕune pdagogie qui
retrouverait les exigences de lÕancienne instruction civique pour valoriser les
formes de solidarit plutt que les tendances lÕindividualisme et
lÕlitismeÓ (LEROY E., 1995, 42).
Nous pensons quÕil y a encore bien de quoi penser le Droit.
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