Droit, lacit et diversit culturelle

L'tat franais face au dfi du pluralisme

 

 

Christoph Eberhard

Mayanthi Fernando*

Nawel Gafsia*

 

 

( paratre dans Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques 54, 2005)

 

Le rcent dbat sur la lacit en France qui a clat suite de nouvelles  affaires du voile  lors de la rentre scolaire 2003/2004 a men la promulgation dune nouvelle loi sur le port de signes religieux lՎcole. En croisant discours, pratiques, logiques et visions du monde des divers acteurs, nous dgagerons partir de ce terrain les enjeux fondamentaux auxquels se trouve confronte aujourdhui la conception franaise du Droit. De faon plus gnrale, cette tude de cas permettra dillustrer les interrogations que soulve la conception moderne du vivre ensemble face aux dfis de plus en plus pressants de linterculturalisme et du pluralisme.

 

La France est le pays qui incarne par excellence le mythe de lՃtat Nation moderne, cest--dire dun tat qui prtend grer rationnellement la vie de ses citoyens par la loi, ce qui implique la centralisation du pouvoir et lhomognisation des statuts, non pas uniquement comme gage de lՎgalit de tous,[1] mais aussi comme lutte de lordre contre lambivalence[2]. Cest peut-tre en France quon peut retrouver lexemple le plus explicite de lorganisation du  vivre-ensemble  entre le Lviathan et les droits de lhomme : dun ct, la toute puissance du pouvoir qui nonce les rgles de la bonne vie pour tous et rgle par des lois gnrales et impersonnelles les relations des citoyens et de lՃtat, ainsi que celles entre les citoyens entre eux ; de lautre, les droits de lhomme des individus qui constituent un ultime bouclier contre tout abus de ce pouvoir exorbitant. On notera que dans cette vision les communauts, les diffrents groupes sociaux et culturels sont soit absents soit relgus la sphre prive. La vision parat mme quelque peu dsincarne, tant lindividu napparat que comme sujet autonome, comme volont dsincarne et lՃtat comme instrument neutre, voire technique de la gestion du vivre ensemble. Elle est caractristique de la conception moderne du monde : rationaliste, individualiste et lgicentre. La modernit franaise est en outre marque par lhritage de la Rvolution franaise. La tentative explicite de faire table rase du pass et de reconstruire un nouveau contrat social sur la base des lumires de la Raison[3] a peut-tre contribu ce que les franais, plus que dautres, ont tendance percevoir leurs institutions et leurs manires de faire comme intrinsquement universelles. Or ce mythe[4] franais ne doit pas faire oublier quil sagit justement dun mythe[5], dun horizon invisible de sens qui nest pas partag par toutes les cultures, et qui, sil se veut explicitement rationnel et universel, sinscrit implicitement dans lhistoire franaise et dans une conception du Droit qui sy est cristallise au long dune longue histoire. Pour reprendre la terminologie de Michel Alliot[6], le Droit franais sinscrit clairement dans un archtype de soumission conforme au rcit de cration que partagent les religions du Livre : le monde a t cr une fois pour toute, par un crateur qui lui est extrieur. Lharmonie du monde ne peut tre maintenue que si tous se soumettent galement aux lois gnrales et impersonnelles de ce crateur. Outre la projection du centre de la socit, voire du monde, hors de celle-ci et au-dessus de celle-ci, ce qui implique une dresponsabilisation des acteurs, compense par le recours au pre et la Loi, cette vision du monde est aussi profondment uniformisante, les diffrences y tant surtout perues comme cratrices de dsordre et de chaos. Cet archtype s'est transform lors des Lumires avec lappel la Raison et lidal dune organisation rationnelle de la socit. LՃtat moderne a en quelque sorte remplac Dieu comme responsable du maintien de lordre et de la garantie dune bonne vie pour tous. Le caractre explicitement lac du Droit franais moderne ne peut faire illusion quant ses racines religieuses et sa sacralit[7]. Lanalyse de notre terrain contribuera dvoiler cette dernire ainsi que lun de ses impenss, voire impensables, majeurs : un vritable tabou de laltrit et du pluralisme. Rvler ce tabou sous-jacent dans toute la  problmatique du voile  et en prendre conscience permettra peut-tre de faire avancer les termes du  dbat sur la lacit . Car la problmatique nest pas nouvelle. Bien que dans un contexte diffrent, un dbat sur le voile sՎtait dj tenu dans pratiquement les mmes termes il y a dix ans, et il ne serait pas tonnant de le revoir apparatre dans le futur. Ces dbats refltent notre sens des enjeux de refondation symbolique dun lien social dans une France qui devient de plus en plus multiculturelle. Nous sommes conforts dans cette hypothse par lincomprhension assez gnralise que suscite dans pratiquement le monde entier ce dbat  franco-franais , mais qui de la perspective franaise se prsente comme une problmatique universelle.

 

La France reste peut-tre encore fortement enracine dans le mythe du droit moderne qui est entre autre caractrise par la centralit quy occupe lՃtat et une vision universaliste / uniformisante de lorganisation sociale. La centralit de lappel la raison, des valeurs universelles a peut-tre tendance exclure, avec parfois la meilleure volont du monde et sans forcment sans rendre compte, dautres visions du monde et de manires daborder le vivre-ensemble. Le concept de lacit ngateur des appartenances culturelles des citoyens qui est au cur du dbat et qui apparat pour les franais comme le fondement mme de tout vivre ensemble[8] - et qui est tout fait comprhensible replac dans le contexte spcifique de l'histoire franaise trs violente de la sparation de l'glise et de lՃtat - na ni la mme signification ni la mme porte dans les autres pays du monde, mme europens : loin dՐtre un acquis, voire mme un requis universel sans lequel les humains devraient sombrer dans le chaos, ce nest quune modalit parmi dautres pour organiser le vivre ensemble et peut-tre quaujourdhui le temps est venu de chercher le rinterprter pour tenir compte des volutions contemporaines de la socit franaise.

 

Aujourdhui lՃtat franais se trouve de plus en plus confront aux dfis de la dcentralisation, du pluralisme juridique et culturel, ce qui implique de revoir les bases de son contrat social, et donc sa conception de la lacit. Sintresser ces dfis permet non seulement dexpliciter le  cas franais , mais permet aussi den apprendre beaucoup sur les dfis que posent linterculturalisme et le pluralisme aux visions modernes du monde et du Droit[9] qui continuent fortement imprgner les thories et pratiques occidentales du Droit[10].

 

Le pari de cet article est donc de rvler certains impenss travers lexemple de la France confronte la diversit culturelle dans ses coles. Ceci permettra douvrir des pistes de rflexion par rapport la question de la restructuration des champs socio-juridiques contemporains dans une priode de globalisation ou merge de plus en plus le dfi du pluralisme : comment nos tats, nos thories du droit pourront-elles accomoder le pluralisme culturel grandissant au sein de nos socits europennes ? Seront-elles capables pour aborder le pluralisme de sorienter vers des approches plus pragmatiques et moins idalistes, sans renier leurs racines dont font partie la tradition qui nous semble importante et prcieuse des droits de lhomme [11]?

 

Nous commencerons par nous intresser au traitement jurisprudentiel de la question du voile jusquen 2004. Nous nous tournerons ensuite vers la gense de la loi, ce qui nous mnera nous interroger sur ses contradictions internes par rapport son objectif affich, et son adquation par rapport au terrain. Ceci nous mnera enfin dgager quelques enjeux pour lhorizon dune socit pluraliste qui reconnat limportance du dialogue interculturel dans lorganisation de son vivre-ensemble.

 

Larticle peut paratre un peu svre par rapport lՃtat franais. Il est clair que particulirement sensibles aux problmatiques du pluralisme et de linterculturalisme, nous avons surtout essay de pointer les problmes qui mergent partir de ce point de vue. Mais justement, par ce mme souci de pluralisme, nous esprons que cet article ne sera pas compris comme une attaque  dialectique  o il sagirait dimposer notre point de vue, mais bien comme une invitation au dbat et un  dialogue dialogal  de dvoilement mutuel de nos prsupposs respectifs[12].

 

 

1. 1989 2003 : un traitement jurisprudentiel du voile

 

La premire  affaire du foulard islamique  a dbut en octobre 1989 Creil (Val dOise), lorsque trois collgiennes dorigine marocaine ont refus denlever leur foulard islamique en classe et se sont faites exclure, provoquant ainsi un dbat national[13]. La presse et une grande partie des intellectuels et des politiques ragirent vigoureusement ce quils percevaient comme une menace la lacit et lespace  sacre  de lՎcole rpublicaine. Aprs avoir t saisi par le chef dՎtablissement du collge Creil, le ministre de lՃducation Nationale saisit son tour le Conseil dՃtat pour consultation. Celui-ci rendit son avis le 27 novembre 1989, indiquant, que les lves ont le droit dexprimer et de manifester leurs croyances religieuses lintrieur des tablissements scolaires sils ne portent pas atteinte au bon droulement des activits scolaires et si lexpression ne revt pas de caractre ostentatoire ou proslyte. Les quinze annes suivantes virent un certain nombre daffaires similaires du foulard. Des lycennes et des collgiennes voiles sont exclues. En appel, le Conseil dՃtat a souvent rendu des arrts qui annulaient les exclusions et permettaient de rintgrer les filles dans leur tablissement scolaire. La jurisprudence du Conseil dՃtat sur le port de signes religieux lՎcole peut ainsi tre qualifi de  corpus juridique  voluant et complexe.

 

Dans son avis du 27 novembre 1989 le Conseil dՃtat cite dans un premier temps les textes de rfrence[14] pour poser par la suite des principes fondamentaux et une mthode dapprciation au cas par cas, qui seront rgulirement avancs dans la jurisprudence administrative ultrieure[15]. Lavis du Conseil dՃtat rappelle la dfinition de la lacit lՎcole en ce quelle garantit aux lves un enseignement et un personnel laque conformment au devoir de neutralit de lՃtat au regard de toute religion. Pour la juridiction administrative cette position de rserve implique la conscration de principes fondamentaux  reconnus par les lois de la Rpublique  (CE 1989), telle que la libert de conscience (religieuse notamment) dans  un gal respect de toutes les croyances  (art. 1 loi 31 dcembre 1959). Le Conseil dՃtat rappelle rgulirement que la libert de conscience et la neutralit de lՃtat sont lis au respect du pluralisme, impliquant ainsi une reconnaissance de la diversit originelle des individus de la part des lves. Un passage de lavis rsume lessentiel de la posture du Conseil dEtat en ces termes :  la libert ainsi reconnue aux lves comporte pour eux le droit dexprimer et de manifester leurs croyances religieuses lintrieur des tablissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la libert dautrui, et sans quil soit port atteinte aux activits denseignement, au contenu des programmes et lobligation dassiduit . La limite de cette libert de conscience est donc latteinte aux devoirs et aux obligations des lves, lordre public ou la libert des autres lves.

 

Le Conseil dՃtat conclut que le port de signe religieux ne constitue pas en soi une raison suffisante pour prendre des mesures disciplinaires. Il pose un cadre  mthodologique  lattention des chefs dՎtablissement, recteurs et ministre de lՎducation afin de dterminer les conditions de mise en oeuvre des limites la libert de conscience et par extension du port de  signes religieux  dans le milieu scolaire par rapport un  besoin  dtermin, et qui donnera lieu des apprciations diversifies :  il rsulte de ce qui vient dՐtre dit que, dans les tablissements scolaires, le port par les lves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance une religion nest pas en lui-mme incompatible avec le principe de lacit, dans la mesure o il constitue lexercice de la libert dexpression et de manifestation de croyances religieuses, mais que cette libert ne saurait permettre aux lves darborer des signes dappartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquels ils seraient ports individuellement ou collectivement, ou par leur caractre ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de proslytisme ou de propagande, porteraient atteinte la dignit ou la libert de lՎlve ou dautres membres de la communaut ducative, compromettraient leur sant ou leur scurit, perturberaient le droulement des activits denseignement et le rle ducatif des enseignants, enfin troubleraient lordre dans lՎtablissement ou le fonctionnement normal du service public. .[16] En dautres termes, en essayant de concilier la lacit avec le pluralisme, la libert de conscience de tous les lves et la garantie du bon droulement de lenseignement public, le Conseil dՃtat conclut que seul un comportement ou une tenue troublant lordre public ou la libert dautrui dans lՎtablissement scolaire justifierait la restriction ou linterdiction du port de signes dappartenance religieuse. 

 

Le Conseil dՃtat admet, par ailleurs, que lautorit comptente a la facult de dterminer les conditions dapplication des principes et limites numres dans lavis  en cas de besoin  et  compte tenu de la situation propre aux tablissements . Dans la jurisprudence ultrieure le Conseil dՃtat recherchera si les dispositions prises par le chef dՎtablissement, linspecteur dacadmie, le recteur dacadmie, ou le ministre de lՎducation visent rpondre une  situation propre aux tablissements  et  en cas de besoin  pour condamner ventuellement les dispositions gnrales et absolues relatives au port de signe religieux. Le Conseil dՃtat a ainsi admis en 1992 que la gnralit des termes de larticle 13 du rglement intrieur du collge Jean Jaurs de Montfermeil disposant que  le port de tout signe distinctif, vestimentaire ou autre, dordre religieux, politique ou philosophique est strictement interdit ,  institue une interdiction gnrale et absolue en mconnaissance des principes ci-dessus rappels[17] et notamment la libert dexpression reconnue aux lves et garantie par les principes de neutralit et de lacit de lenseignement public [que par consquent] les requrants sont () fonds en demander lannulation , car contraire au respect du  pluralisme  daprs le terme employ par la juridiction administrative.[18]

 

Un arrt rendu le 10 mars 1995 considre que le rglement intrieur du collge Xavier Bichat na  ni pour objet ni pour effet  dinterdire  de faon gnrale et absolue  le port de signes dappartenance religieuse, et  que le port de ce foulard est incompatible avec le bon droulement des cours dՎducation physique [19]. Larrt confirme, par ailleurs, la dcision du chef dՎtablissement dexclure dfinitivement deux lves arborant le foulard en question, au motif que le refus de le retirer aurait provoqu un trouble dans lՎtablissement  aggravs par les manifestations auxquelles participait le pre des intresses lentre du collge [20]. En 1999 le Conseil dՃtat confirme larrt rendu en 1995 et soriente implicitement vers lacceptation dune rgle gnrale et absolue, rfutant la ncessaire tude du cas par cas, en disposant que  lexercice de la libert dexpression et de manifestation de croyances religieuses ne fait pas obstacle la facult, pour les chefs dՎtablissements denseignement, et le cas chant, les enseignants, dexiger des lves le port de tenues compatibles avec le bon droulement des cours, notamment en matire de technologie et dՎducation physique et sportive sans quil y ait justifier, dans chaque cas particulier, lexistence dun danger pour lՎlve ou les autres usagers de lՎtablissement .[21]

 

Ce revirement jurisprudentiel est probablement li au contexte politique de lanne 1994 o le ministre de lՃducation National de lՎpoque, Franois Bayrou a adopt une circulaire dont le contenu semble avoir constitu la prparation du terrain de ladoption de la future loi. Dans cette circulaire intitule  La raffirmation de lidal laque du 20 septembre 1994 relative au port de signes ostentatoires dans les tablissement scolaires [22], Franois Bayrou salarme des  manifestations spectaculaires dappartenance religieuse ou communautaire  et propose aux chefs dՎtablissements scolaires dattirer lattention des Conseils dadministration sur la ncessit dintroduire dans les rglements intrieurs linterdiction  de signes ostentatoires . La circulaire fait par ailleurs rfrence la jurisprudence du Conseil dՃtat en ce quelle prserve le droit des lves de manifester  discrtement  leur appartenance religieuse.

 

Cette interprtation de la jurisprudence administrative est bien restrictive, car la position du Conseil dՃtat tait plus large. Ce dernier a pendant longtemps mis en avant la ncessaire reconnaissance du  pluralisme  culturel et religieux, et la prise en compte de la diversit des ventuels conflits, auxquels il appartient ladministration de rpondre dans lobjectif, non de poser des dispositions gnrales et absolues en matire de rglementation intrieure des tablissement publics, mais de sortir dune situation litigieuse lie au port dun  signe dappartenance religieuse  sur la base de la prise en compte des conjonctures dtermines. Le problme rside dans lapprciation diversifie du rapport de causalit entre le fait de porter un signe et un ventuel trouble, en tant quorigine du conflit entre lՎlve et lՎtablissement public denseignement. La jurisprudence du Conseil dՃtat sinscrivait dans une logique situationnelle et de ngociation qui, par extension, tait sous-tendu par la responsabilisation des acteurs concerns (notamment les proviseurs) de tenir compte dune situation contextuelle et complexe.[23]

 

 

2. 2003 : La gense dune approche lgislative rvlatrice dun mythe rpublicain unitaire

 

Une quinzaine dannes aprs laffaire de 1989, en 2003, le voile se retrouve nouveau en dbat sur la scne publique.

 

En septembre 2003, deux surs, Lila et Alma Lvy, refusent dՙter leurs foulards et sont exclues de leurs lyces Aubervilliers (Seine Saint Denis). Le cas Lvy et sa mdiatisation norme concide avec le travail entrepris par la Commission de rflexion sur lapplication du principe de lacit dans la Rpublique. Celui-ci a t mis en place par Jacques Chirac le 3 juillet 2003 et comprend 20  sages . Il est prsid par Bernard Stasi, ancien ministre centriste et Mdiateur de la Rpublique[24]. Sa vise est  un dbat public aussi large que possible , voire une ventuelle  initiative lgislative [25]. Arriv en novembre, la question principale pour les politiques, la presse, et, ce quil parat, la Commission Stasi, est bien devenu : faut-il lgifrer sur le port de signes religieux (et sous-entendu le voile) dans les tablissements scolaires? Avant mme la remise du rapport de la commission Stasi, la majorit des politiques, gauche autant quՈ droite, se prononcent en faveur dune loi. Le 11 dcembre 2003, la commission Stasi remet son rapport Jacques Chirac. Comme prvu, le rapport propose une loi interdisant le port de signes religieux  ostensibles  (voile, kippa, et  grande  croix). Le 17 dcembre, dans un discours o Jacques Chirac range la  main de Fatma [26] parmi les signes religieux musulmans ostensibles, il demande son gouvernement dՎlaborer une telle loi. Le 10 fvrier 2004, moins de deux mois plus tard, lAssemble nationale adopte la loi (vote par 494 dputs sur 577), suivi du Snat le 3 mars, qui interdira  le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les coles, collges et lyces publics. . La loi entre en vigueur la rentre scolaire 2004. En dcembre 2004, selon un bilan annonc par le Ministre de lՃducation nationale, 43 lves portant des  signes religieux ostensible  ont t exclus de leur tablissement scolaires aprs des assises de conseils de disciplines ; 41 autres lves se sont inscrits au Centre National dՃducation par distance (CNED) ; 17 lves se sont inscrit dans des tablissements privs, quelques fois en Belgique[27]. Un an aprs ladoption de la loi, le 15 mars 2005, le Ministre de lՃducation nationale comptabilise 47 exclusions, chiffre qui ne tient pas compte des inscriptions au CNED sans passer par le conseil de discipline ni des abandons dՎtude. 550 jeunes filles, par ailleurs, auraient  trouv une solution par le dialogue [28].

 

Sorienterait-on dune logique de ngociation la raffirmation dun ordre symbolique par le recours la Loi, norme gnrale et impersonnelle, expression de la Raison et de luniversel ? Luniformit et la gnralit de la loi uniformment nallaient-ils pas tre confronts de nouveaux problmes imprvus ? Des lves sikhs par exemple, qui il est intressant de le noter - nont mme pas t pris en considration par la commission Stasi pendant les cinq mois de rflexion sur la lacit en France, se sont trouvs viss par la loi, et trois lves sikhs qui auparavant ne posaient aucun problme au bon droulement de leur lyce Bobigny (Seine Saint Denis) ont t exclus cause de leurs turbans, jugs signe religieux ostensible[29]. Si la ngociation napparat plus comme satisfaisante, la raison se trouve probablement dans une peur sous-jacente face au pluralisme qui fait apparatre des spectres de chaos sous forme de communautarisme mettant en question lunicit de la Rpublique, la reconnaissance de lgitimits concurrentes celles de lՃtat et de la  Raison  travers la reconnaissance du rle des cultures, des croyances et des pratiques  irrationnelles  dans lorganisation de notre vivre ensemble, et enfin sous forme dattaque la civilisation mme (celle intrinsquement universelle des Lumires) si on garde lesprit le lien trs explicite qui est fait entre le voile et une prsuppose  soumission barbare de la femme relevant dun autre ge .

 

Mais quest-ce qui a fait (re) merger cette peur ? Lide dune telle loi nՎtait pas toujours aussi urgente. la fin des annes quatre vingt dix, un certain nombre de politiques, intellectuels, et journalistes franais avaient commenc accepter une position plus nuance par rapport la prsence musulmane en France. Suivant des tudes sociologiques[30] qui dcrivaient les raisons complexes et floues du port du voile, surtout en Occident, la presse avait commenc diffuser les opinions de jeunes femmes voiles dans des reportages et des tlfilms. Tariq Ramadan, un intellectuel important dans le paysage islamique europen pour lequel lentre en France avait t interdite en 1995, est devenu un invit assez rgulier sur les plateformes de dbat tlviss sur des questions de lIslam et des musulmans en France. Le Conseil franais du culte musulman a t install en 2003, plus de dix ans aprs lide initiale de crer une organisation pour reprsenter lIslam dans la Rpublique, incluant une association lUnion des organisations islamiques de France (UOIF) qui avait t critique auparavant comme tant  radicale  ou  islamiste . On note aussi que les conflits litigieux concernant le port de signes religieux lՎcole avaient t de moins en mois frquents. En 1994, lorsque Hanifa Cherifi a t nomme mdiatrice charge de rsoudre les conflits lis au voile, 2000 cas taient recenss. En octobre 2003, elle valuait 150 par an les conflits ncessitant son intervention[31]. Daprs Jean-Charles Ringard, directeur dpartemental de lՎducation nationale dans la Seine-Saint-Denis, un des dpartements les plus  sensibles , depuis la rentre de septembre 2003, le dpartement avait connu sept situations problmatiques de port du foulard islamique signales par des chefs dՎtablissement au Rectorat. Sur ces sept cas, cinq ont t rsolus par le dialogue, sans mdiatisation ni saisine des conseils de discipline.[32]

 

Pourquoi, alors, lurgence de lgifrer face un systme qui somme toute fonctionnait bien ? Lexplication est double. Les arguments juridiques pour remplacer la jurisprudence du Conseil dՃtat par une loi parlementaire sont ancrs dans des arguments plus gnraux qui sinscrivent dans un climat de mpris lՎgard de lIslam, et surtout du voile, qui, en 2003, avait supplant le climat dentente qui rgnait pendant les quelques annes prcdentes. Si le Conseil dՃtat avait signal avec sa jurisprudence que le voile en soi ne troublait ni lordre public ni la lacit, arrive en 2003 cette position est perue comme tant dangereuse pour la Rpublique qui serait prtendument menace par deux prils soi-disant lis. Dabord, lIslamisme, considr par beaucoup comme le meilleur exemple de lobscurantisme religieux, de lanti-fminisme, et du rejet de la modernit occidentale ; ensuite le communautarisme (sous entendu le communautarisme islamique) qui privilgie des normes et des lois de la communaut sur ceux de la Nation franaise et qui constitue lantithse de  lintgration la franaise, .

 

Aprs quelques annes de pense alternative, le voile est redevenu la matrice de ces deux menaces et, la loi sur le voile semble, du moins en partie, tre une rponse symbolique une  crise de socit  plus large et ainsi, un prisme par lequel interprter, et dfendre, lidentit nationale, dj mise en pril par la mondialisation, lEuropanisation, le rgionalisme, et la dcentralisation. Ds le dpart, la valeur de la loi semble rsider moins dans son importance pratique que dans sa porte symbolique : la loi est une raffirmation symbolique des valeurs nationales, un rappel de la spcificit franaise et de  la restauration de lautorit rpublicaine. [33]

 

Pour mieux comprendre rappelons le contexte de lanne 2003. Elle connat lascension mdiatique de Chahdortt Djavann, une dissidente iranienne. Son essai, Bas les voiles dans lequel elle prtend que le voile est quivalent au viol et lemblme de lIslamisme devient un best-seller et la grille de lecture principale pour interprter le port du voile, mme en France.[34] Ignorant les nombreuses tudes scientifiques signalant la pluralit dinterprtations concernant le voile, la plupart des politiques et des intellectuels proclament que le voile en France est impos aux jeunes filles et aux femmes par leurs pres et frres, ainsi que par des groupes islamistes. Dans les cas, soi disant trs peu nombreux, o les femmes choisissent elles-mmes le voile, elles sont prsentes comme les soldates du fascisme vert.[35] Cette anne connat galement la mdiatisation massive et la rcupration politique, essentiellement par le Parti Socialiste du mouvement  Ni Putes Ni Soumises , cre en 2002 pour dnoncer la situation des jeunes femmes dans les quartiers difficiles. Arrive en 2003,  Ni Putes Ni Soumises  est devenu farouchement anti-voile et fournit le lien logique entre  Les territoires perdus de la Rpublique [36] et le voile, en prtendant que le voile nՎtait pas quune contrainte faite sur les jeunes femmes et filles par leur parents, mais faisait galement partie dune campagne organise par des groupes islamo-communautaristes pour tablir leur propres lois, anti-fministes et anti-rpublicaines, dans des cits abandonnes par la Rpublique.

 

De ce discours public rsulte lapparition dun discours sur lurgence de protger les  valeurs de notre socit et de notre dmocratie [37] quon retrouve dans les justifications pour un rglement caractre lgislatif sur le port du voile. Daprs Jean-Louis Debr, prsident de lAssemble Nationale,  Sil y a un principe affirmer : nayons pas peur de faire la loi. [38] Dans sa prsentation de la nouvelle loi, Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, dclare :  Il tait temps pour la Rpublique de rappeler ses grands principes et de fixer des limites claires [39] Jacques Chirac rappelle que  Le communautarisme ne saurait tre le choix de la France,  et ajoute quen acceptant une direction communautariste, la France  perdrait son me . Cest pourquoi aussi, nous avons lardente obligation dagir. [40] La logique derrire la loi semble pouvoir se rsumer ainsi : le voile est le symbole dune campagne islamo-communautariste pour subvertir la Rpublique ; combattre le voile, cest combattre cette menace plus large. La loi tant dpourvue deffet pratique dans la rsolution des problmes de fond, tels que la discrimination, le chmage, labandon social et la politique des quartiers dits  difficiles , dont le communautarisme serait le rsultat, sa valeur est purement symbolique. Chahdortt Djavann lillustre :  Il fallait un coup darrt, un acte symbolique fort, la nouvelle loi tait ncessaire. [41]. Mais revenons la gense de la loi et aux arguments politiques, que lon a cherch revtir dun caractre  juridique , qui lont fonde[42].

 

Dans ce nouveau climat social, les chiffres officiels qui indiquent un dclin des conflits du voile lՎcole sont prsents comme illusoires, masquant une  ralit  plus sombre. Daprs Nicole Ameline, ministre dlgue la parit et lՎgalit professionnelle,  Il serait hypocrite de nier la gravit du problme en sappuyant sur le faible nombre de contentieux mis jour.  Le contentieux nest que la partie merge de liceberg. En fait, les litiges sont infiniment plus nombreux. [43] Utilisant la mme logique, Le Monde publie un article intitul :  Foulard lՎcole : la ralit cache derrire les chiffres officiels. [44]. Le sous-titre remarque que le chiffre officiel  apparat largement sous-valu car la grande majorit des cas, rgls sans conflit, ne sont pas recenss.  Or, ni larticle ni sa logique ne reconnat que les cas  rgls sans conflit  sembleraient indiquer que le systme en place fonctionne. On saperoit que la lecture de la ralit sociale est informe par des prsupposs non explicits, puisquon dcouvre derrire un systme qui  objectivement  fonctionne des dysfonctionnements graves. Ce qui semble sous-jacent est une peur de lautre qui est exacerbe par une dynamique quil ne faut pas sous-estimer et qui consiste dans un port croissant du voile et du  voile complet [45] par de plus en plus de filles et de femmes musulmanes en France, ce qui renvoie limage dun certain militantisme communautariste.

 

La mthodologie du cas par cas de la jurisprudence du Conseil dEtat, offrant chaque chef dՎtablissement la responsabilit de juger la situation telle quelle est dans son tablissement et de prendre laction qui lui semble la plus juste, est ainsi vue de plus en plus comme tant problmatique. Un grand nombre de fonctionnaires de lՃducation Nationale qui sexprimaient dans la presse avant le passage de la loi dnoncrent la jurisprudence du Conseil dՃtat comme une abdication de responsabilit de la part de l tat et un fardeau trop lourd pour les proviseurs.  Ni les politiques ni ladministration nont pris leur responsabilits accuse un proviseur dans Le Monde[46], sinscrivant ainsi dans une rhtorique de dresponsabilisation qui sera rgulirement relaye. Daprs Christian Forestier, ancien recteur,  LՎducation nationale [] se sentait fragilise par la jurisprudence du Conseil dՃtat [] Aujourdhui, elle est somme de se justifier, alors quon ne lui a jamais donn les moyens juridiques de traiter la question. [47] Mme Jean-Charles Ringard, qui a not ci-dessus lapparent bon droulement des affaires dans la Seine-Saint-Denis, remarque qu  une loi rendrait les choses plus claires et aurait un effet prventif.  Les hommes politiques rcuprent dans des discours ce sentiment dabandon et ce besoin de  clarifier  la situation et les mlent au sentiment plus gnral dune menace islamo-communautariste. Il faut changer le droit avec une nouvelle loi afin de donner une arme claire aux proviseurs contre des groupes islamistes organiss, car, avec la jurisprudence existante,  chaque fois quune famille dune jeune fille voile attaque un tablissement scolaire devant les tribunaux, elle gagne. [48]. Alain Jupp, prsident de lUMP, dclare devant la commission Stasi que  Le port du voile [] cest un acte militant nourri par une vritable propagande intgriste,  soulignant quil y a  une certaine lchet laisser les chefs dՎtablissements scolaires se dbrouiller seuls. [49]

 

Ces remarques nous semblent devoir tre mis en relation avec la dynamique didologisation voque plus haut. On ne peut pas vacuer cette question dune dynamique relle didologisation du port du voile. Celle-ci complexifie la problmatique car on ne se situe plus  simplement  dans la problmatique dun respect des  cultures  ou des  religions  puisque ces dernires sont parfois instrumentaliss pour des enjeux et des stratgies idologiques. Face des  actes militants nourris par une vritable propagande intgriste , ce sont effectivement les bases du contrat social qui semblent remis en question et demandent la raffirmation dun ordre symbolique. La question qui se pose nanmoins est de savoir si lapproche binaire  civilisation / barbarie ,  universalisme / communautarisme ,  moderne / rtrograde  pour aborder ces enjeux ne met pas plutt de lhuile sur le feu de lidologisation, et donc des fractures idologiques, et si une approche plus dialogale qui reconnat pour commencer les points de vue de tous les acteurs et les prend au srieux ne serait pas plus adapte[50]. Or dans le cas franais lordre symbolique est intrinsquement li aux mythes de lunicit de la Rpublique, de la lacit et de la Loi, cette dernire tant garante de lunicit et de la lacit. Cest donc vers une affirmation de lunit quon se tourne, plutt que de mettre laccent sur le respect dun certain nombre de rgles permettant de vivre ensemble dans un pluralisme partag. La jurisprudence du Conseil dՃtat, qui reconnat les ralits complexes de port du voile et exige le compte tenu  de la situation propre aux tablissements  est juge trop floue. Arriv en 2003, il est un  fait  que la situation actuelle quelques lyces qui acceptent le voile, dautres qui acceptent le port dun bandana, et dautres encore qui nacceptent aucun couvre-chef est intenable. La responsabilit en incomberait la jurisprudence du Conseil dՃtat, appel par Gisle Halimi, avocate et fministe,  un patchwork do toute rigueur est absente. [51]. Elle continue, dmontrant le lien entre le mythe de lunicit de la rpublique et de la Loi :  O est la rgle, le droit, la loi qui protge ou punit dans la totale galit tous les citoyens ? Des dcisions disparates [] mettent en danger, la longue, nos principes rpublicains. rosion, interprtation minores ou majores font de ce problme de socit un dangereux marronnier.  Alors ? Alors, besoin de dire le droit .[52]

 

Le climat anxiogne que vivrait la Rpublique et qui sous-tendait linitiative lgislative a eu des consquences graves pour la possibilit dun vrai dbat sur la nouvelle loi. Un discours public hystrique, exprim par le journaliste de lExpress Christophe Barbier, rgnait avant son adoption :  Quand un rgime doute de ses valeurs, il a fait la moiti du travail pour ses adversaires. La France en est l : la lacit nest plus un principe; cest un champ de bataille. Les semaines qui viennent [] diront si la Rpublique est plus prs de Waterloo que dAusterlitz. [53] Le raisonnement de Barbier est clair : la loi est une arme dans la bataille pour la France. tre contre la loi, cest tre contre la Rpublique. Ce point est clairement renforc par Bernard Stasi lui-mme pendant une change tlvise avec Fouad Alaoui, secrtaire gnral de lUnion des organisations islamiques de France.[54] Cette logique, et son langage guerrier, rendent impossible le dbat raisonn. Quelquefois ils rendent impossible le dbat mme. En janvier 2004, une confrence avec Alain Gresh (rdacteur en chef du Monde diplomatique), Tariq Ramadan, et Hamida Ben Sadia (une des fondateurs du Collectif Une Ecole pour tou(te)s), tous opposants de la loi, est annule par le maire du 12 arrondissement de Paris pour des  raisons de scurit. . Le mme mois, Fouad Alaoui est dsinvit dune confrence lUNESCO. Pendant les mois suivants, un certain nombre de maires annulent les confrences de Ramadan dans leurs villes. On passe l vritablement dune mfiance de lautre la ngation des valeurs fondamentales de la Rpublique. Ce nest plus uniquement un droit la diffrence qui est mconnu, ce qui pourrait la rigueur rester comprhensible si on partage le mythe de lunicit de la Rpublique si chre aux Franais, mais les fondements mme de la Rpublique : les droits de lhomme essentiels que constituent la libert dexpression et la libert de runion. Sous couvert de valeurs universelles on exclut lautre et on lui dnie la revendication de tels droits, ce qui nest pas sans nous rappeler les attitudes des puissances occidentales lors de la colonisation. Un tel climat de mpris ouvre la porte dautres drapages perturbants. La presse musulmane (notamment oumma.com et saphirnet.info) remarque une croissance des agressions verbales contre des femmes voiles dans la rue. Un mdecin dans le banlieue parisien dEvry affiche que, tant donn que  lintgrisme a fait beaucoup de morts dans le monde,  il  remercie les femmes voiles de bien vouloir retirer leur voile dans le cabinet, et dans la salle dattente. [55] Une banque Paris refuse lentre une femme lgrement voile pour des raisons de  scurit. [56] Aprs ladoption de la loi en septembre 2004, le journal Le Monde titre  Une Mairie interdit une femme voile dՐtre tmoin de mariage  et  Une tudiante [voile est] exclue dun resto U de Paris [57]. La diabolisation de Tariq Ramadan prend une ampleur troublante : Nicolas Sarkozy, ministre de lintrieur, promet de  dbusquer  Ramadan dans un dbat tlvis[58] ; son tour, Julien Dray, porte parole du PS, dclare  Moi, si je le croise je lui met mon poing dans la gueule. [59] Mais ct de ces effets sociaux trs rels, il y a un vritable enjeu dans le fait dinvoquer des valeurs universelles pour ses propres besoins, quitte les remettre en cause pour  les autres . On semble faire ici en France dans un domaine diffrent ce que lon reproche si fortement aux amricains dans leur intervention en Irak. Le spectre du colonialisme qui partage lhumanit entre hrauts de la civilisation et barbares convertir ne semble pas loin Il peut se rvler intressant de mettre en perspective les volutions rcentes par une plonge dans lhistoire coloniale franaise qui reste souvent occulte, mais fournit des pistes de rflexion importantes ce que nous ferons un peu plus loin. Pour linstant attelons nous rvler les contradictions de lapproche lgislative avec les principes supposs la fonder, contradictions souvent masques par la sacralit du mythe rpublicain unitaire qui est mis en avant.

 

 

3. De quelques contradictions de la loi avec les principes rpublicains censs la fonder

 

Larticle premier de la Loi dispose que  Dans les coles, les collges et les lyces publics, le port de signes ou tenues par lesquels les lves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le rglement intrieur rappelle que la mise en uvre dune procdure disciplinaire est prcde dun dialogue avec lՎlve.  tant insr dans le Code de lՃducation Nationale sous le numro  Art. L. 141-5-1  dans la partie relative au respect de la lacit, il apparat que lobjectif explicite poursuivi par le lgislateur est dimposer aux lves une apparence vestimentaire dpourvue de signes dits religieux, en visant implicitement le voile dit  islamique . La Loi ne dsigne pas expressment le  voile , mais les dbats antrieurs son adoption et les contentieux administratifs ayant entran les controverses autour du port de cette tenue vestimentaire portaient exclusivement sur la visibilit des signes religieux musulmans et de linfriorit de la femme que ce  symbole  illustrerait. Sous couvert dassurer lapplication de la lacit dans les tablissements scolaires publics limpens de la Loi vise une pratique religieuse spcifique qui sous-tendrait un modle impensable : le port du voile islamique.

 

Alors que le principe de lacit, pos en 1905 et prcis au cours des prcdentes annes par le Conseil dՃtat, sappliquait au personnel de lՃducation Nationale et au contenu des enseignements dans un souci de neutralit devant la diversit des lves, ces derniers sont contraints dobir une nouvelle rgle qui leur enjoint dabandonner leur spcificit culturelle ou religieuse. Daprs lexpos des motifs lobjectif de la loi sinscrirait dans la continuit du respect de la lacit[60]. En imposant une telle obligation aux lves, le dessein implicite du lgislateur consacre le principe du respect dune uniformit vestimentaire, sans en exiger les conditions matrielles dapplication, en loccurrence le port dun uniforme sur le modle dantan.

 

La tenue vestimentaire ayant provoqu des conflits est le port par de jeunes filles, dun tissu autour du visage camouflant les cheveux, les oreilles et le cou et arbor parfois avec un vtement large camouflant les formes du corps. Cette apparence contraste avec celle des autres lves dont la tenue  traditionnelle  est caractrise par le port du jean, baskets, survtement, tte nue ou avec casquette, etc. Une infime minorit dՎlves affirme ainsi leur identit individuelle ou/et collective travers une pratique quelles qualifient de religieuse. Et cette nouvelle reprsentation identitaire est vcue par les tenants de la loi sur la rglementation des signes religieux lՎcole comme une faillite des pouvoirs publics, qui auraient chou dans le maintien de la cohsion sociale par la transmission de valeurs dites  universelles . Larticle premier de la Constitution consacre le lien entre la lacit et le pluralisme identitaire, signifiant ainsi le devoir de neutralit qui incombe lՃtat et ses institutions devant les religions, en disposant que  La France est une Rpublique indivisible, laque, dmocratique et sociale . Alors que la Constitution assure ainsi lՎgalit devant la loi de tous les citoyens sans distinction dorigine, de race ou de religion, en assurant le respect de toutes les croyances. , la loi du 15 mars 2004 vise labsence de manifestations identitaires et la consacre luniformit. Le respect du pluralisme culturel tel quil a t rig en principe fondamental dans les textes de loi relatifs la lacit est ainsi mis rude preuve.

 

On peut aussi noter un manque de pragmatisme dans la loi. Il na pas manqu dՐtre relev par un certain nombre de critiques, notamment par Pierre Tvanian.[61]. En effet, si la plupart de lycennes voiles sont obliges de se voiler sous la contrainte de leurs parents ou de groupes islamistes, comme lallguent les partisans de la loi, lexclusion ne sert quՈ les renvoyer leurs  oppresseurs , au lieu de les garder dans un environnement (lՎcole rpublicaine) qui pourrait les aider dvelopper leur indpendance intellectuelle et financire. On peut, bien sr, invoquer la valeur symbolique de la loi, qui renforcerait les principes rpublicains. Mais cest prcisment ces principes que reprsente la Rpublique notamment la rationalit, le dbat objectif et raisonn, le droit de lindividu sur le droit de la communaut, la libert dexpression, galit que la loi, la logique qui la sous-tend, et les consquences quelle a dj suscites contredisent.

 

Ce qui frappe le plus dans le rapport de la commission Stasi, fondement discursif de la loi, est le manque de toute base statistique ou preuve obtenue de manire scientifique et rationnelle. La reprsentation de lՎtat de la lacit en France est le rsultat de tmoignages dune centaine  dhommes et de femmes de terrain, , c'est--dire dՎlus locaux, de responsables dՎtablissements scolaires, de directeurs dhpitaux et de prisons, de commissaires de police, de chefs dentreprises, convoqus prcisment parce quils taient  particulirement qualifis pour apprcier la nature et le degr de gravit des atteintes dont est lobjet la lacit, [62] une gravit videmment dj dfini, a priori. Invoquant ces tmoignages, le rapport dcrit une France dsarticule par des hommes qui refusent que leurs femmes soient soignes par un mdecin homme, des revendications dans les sphres public et priv de porter le voile, un anti-smitisme croissant dans des coles, des refus de participer des cours dՎducation physique par certaines jeunes filles, des comportements contestant lenseignement de pans entiers du programme dhistoire ou de sciences. Le rapport constate que  De tels comportements [] sont souvent le fait de groupes organiss qui testent la rsistance de la Rpublique.  [63] Mais on ne sait pas si ces histoires quelquefois effrayantes sont anecdotiques ou si elles sont reprsentatives dune vritable dynamique sociale. Le rapport parle de  groupes organiss  sans en nommer aucun nom et sur la simple foi de lopinion des tmoins. De plus, plutt que de tenir compte des travaux importants des sociologues franais au cours des annes qui dmontrent les raisons complexes et nombreuses qui amnent les jeunes filles et les femmes porter le voile[64], la commission Stasi interprte le voile selon les positions des fministes farouchement anti-voile, comme celles de Fadela Amara (prsidente de Ni Putes Ni Soumises), Chahdortt Djavann, Gisle Halimi, et Nadia Amiri, toutes auditionnes par la commission. Par contre, la commission na auditionn que deux femmes voiles-par-choix la fin des auditions et seulement aprs la requte de quelques membres[65].

 

La loi constitue aussi une atteinte la libert dexpression et la libert de conscience, un principe fondamental des droits de lhomme. Henri Pea-Ruiz, ancien membre de la commission Stasi, qui en dfendant la loi, nous rappelle limportance de la  libert de tous les tres humains, ainsi promus la vritable autonomie thique de choisir son mode de vie, sa sexualit, son type de relation lautrui dans le respect des lois communes []. [66] Ce sont prcisment ces droits qui seront refuss aux jeunes femmes voiles. La commission Stasi reconnat cette atteinte la libert dexpression, mais la justifie pour des raisons dordre public :  la manifestation de la libert de conscience peut tre limite en cas de menaces lordre public. [67] Le problme cest quil y a peine des preuves qui lient le voile (ou un autre signe religieux) une menace lordre public (et mme pas de preuve dune menace gnrale islamiste lordre public). Anticipant probablement cette critique, le rapport constate quՈ  lՎcole, le port dun signe religieux ostensible grand croix, kippa ou voile suffit dj troubler la quitude de la vie scolaire. [68]. Mais il nexiste aucune preuve ou justification de cette allgation. Ce nest quune opinion. Les textes fondamentaux, la loi de 1905 et la jurisprudence du Conseil dՃtat, notamment lavis de 1989, ne reprsentaient-ils pas dj un ensemble juridique suffisant pour rpondre lՎventuel danger dont serait porteur le dit signe religieux ?

 

Finalement, la loi est profondment non galitaire. Un des arguments contre le communautarisme prtend quil sacrifie lindividu au nom de la communaut. Par contraste, la Rpublique Franaise reconnat chaque individu en soi, comme un tre gal tous les autres tres. Or les justifications pour la loi, qui se disent soucieuses de protger la majorit silencieuse de filles non voiles ou voiles par contrainte qui  nont pas moins que les autres [les filles voiles par choix] le droit leur libert de consciences, [69] tombent dans une logique problmatique, qui sacrifierait les droits de quelques filles qui se voilent par choix au nom dun groupe plus grand. Par ailleurs, tant donn que cest essentiellement le voile islamique qui est vis plutt que les autres signes religieux, seules les filles musulmanes sont directement vises par cette loi. Par consquent, les garons qui revendiqueraient la mme idologie religieuse dite problmatique ne sont pas concerns.

 

 

4. Lescamotage de la complexit et du pluralisme des situations par lapproche lgislative

 

Au-del de la logique (ou du manque de logique) de cette nouvelle loi et de son atteinte contre quelques principes fondamentaux de la Rpublique, la dynamique lgislative et son symbolisme nous semblent problmatiques. La rponse uniforme que reprsente la loi abstraite, contrairement la jurisprudence du cas par cas, prsume une signification uniforme et fige du voile (linfriorisation de la femme) ainsi quune comprhension prcise des raisons pour lesquelles une jeune femme porterait le voile (soit elle est oblige de le faire par son entourage familiale, soit elle souscrit une politique islamiste inacceptable dans la Rpublique). Cette rponse masque la complexit des terrains et bloque des approches plus ngocies qui peuvent en tenir compte. En outre lapproche lgislative tend essentialiser lIslam et le construire comme bloc unitaire limage de lՃtat / Nation auquel il est suppos sopposer, la seule communaut lgitime tant celle de la Rpublique Franaise. Une pense et une pratique pluralistes deviennent donc trs difficiles.

 

4.1. La complexit et le dynamisme des terrains face la rigidit de la loi

 

La ralit du terrain est complexe. Une catgorisation rigide du voile y devient presque impossible, voire dpourvue de sens. En France, les raisons pour mettre le voile sont multiples. Parfois cest le rsultat, et le symbole, dune crise dappartenance gnrationnelle et ainsi une manire de saffirmer dans une identit particulire ou communautaire contre un imaginaire national franais dit  universaliste  qui, paradoxalement, exclut ou marginalise les franais dorigine maghrbine ou africaine. De la mme faon que les jeunes dorigine maghrbine ont essay de saffirmer dans lidentit  beur  pendant les annes 80, ils le font actuellement par le biais de lIslam. Cette affirmation de soi dans une identit islamique peut inclure, pour les femmes, le port du voile.[70] Plus quune communaut dappartenance, lIslam peut galement offrir aux jeunes marginaliss dans des  cits pourris  un confort existentiel en fournissant un cadre moral et un code thique et disciplinaire dans un monde post-industriel apparemment priv de sens et dautorit[71]. Dans ce sens, le voile fait souvent partie dune enqute spirituelle plus large. Il est alors moins un  signe  dappartenance ou didentification communautariste quune manifestation de la pudeur ou une pratique comme la prire ou le jene qui est ncessaire, daprs la pratiquante interroge, pour tre une  bonne musulmane.  Pour dautre filles, en particulier celles qui sont aux marges de la vie sociale lՎcole, le voile, comme la tenue  gothique  de quelques lves, est une faon de saffirmer et de se diffrencier en se rfugiant dans une identit forte qui se fera remarquer. Dautres filles qui ont grandi dans des familles o les femmes portent le voile le portent par habitus traditionnel. Dans les quartiers et les cits o les relations hommes-femmes sembleraient de plus en plus tendues, o des pres, des frres ans et  des cads du quartier  surveilleraient la socialit et la sexualit des femmes, le voile peut tre une forme de protection puisquil indique symboliquement la  respectabilit  de la porteuse et offre ainsi une indpendance du contrle masculin[72]. Finalement, le voile est quelquefois impos aux filles par des parents ou un frre an dominant afin de les faire se conformer aux codes traditionnels relatifs la pudeur fminine. Mais, comme nous pouvons le constater, il est rare de trouver des lves qui portent le voile avec une intention politique et qui souscrivent une idologie politique dite  islamiste , surtout parmi des jeunes qui sont ns ou ont grandi en France et pour qui la France est le domaine de leur action sociale ou politique.[73]

 

Pour illustrer ces propos, donnons quelques exemples tirs dune recherche de terrain de deux ans effectus par lun des auteurs dans un lyce, situ dans un Zone durbanisation prioritaire (ZUP) dans le dpartement de Seine-Saint-Denis (93).

 

Nasima,[74] par exemple, a commenc se voiler en 2004 aprs une crise familiale majeure : quand lassistante sociale a appris que le pre de Nasima la battait et allait lenvoyer en Algrie pour un mariage forc, elle est intervenue, avec le soutien du lyce, pour installer la jeune fille dans une famille de placement. Au bout du compte, Nasima a choisi de rester avec sa famille, mais quand elle est revenue au lyce, elle tait voile. Tout porte croire que le voile dans ce cas est une manire de ngociation entre les exigences de son pre et sa propre volont ; maintenant, voile et ostensiblement pudique, elle peut exercer plus dinfluence sur son propre avenir. Nous avons aussi le cas de Fatima, une lve de BTS qui a entam ce quelle appelle son  cheminement spirituel , il y a quelques annes, quand elle a commenc lire des uvres sur lIslam et sest mise prier rgulirement. Lors de ce parcours spirituel, elle a intgr le principe selon lequel le voile serait une obligation (daprs elle pour des raisons de pudeur). Elle couvre aujourdhui ses cheveux avec un carr de tissu assorti sa tenue vestimentaire. Lubna, une tudiante brillante en premier S qui ne pose aucun problme de discipline (comme le constatent ses professeurs et le proviseur), semble contrainte par son pre de porter le voile depuis la sixime (cest aussi son pre qui sexprime au nom de sa fille pendant les runions avec ladministration du collge). Elle a t exclu la rentre scolaire en Septembre 2004 : elle est aujourdhui dscolarise. la diffrence de Lubna, Anissa, qui ne frquentait pas les gens ni navait beaucoup damis, a commenc porter le voile en seconde lencontre des dsirs de ses parents. Comme partie de cette nouvelle voie religieuse, elle a galement arrt dՎcouter la musique et de regarder la tlvision, et elle a commenc shabiller en tenue longue, grise et sans forme. Arrive en terminale, elle a chang sa tenue pour des jupes longues et noires, toujours  islamiquement corrects  mais plus chics. Elle porte maintenant un voile noir glands, et elle se maquille lgrement de temps en temps. En plus, elle a beaucoup damis, musulmans comme non musulmans. Elle est bnvole dans une association musulmane de quartier, et elle voudrait tre mdecin[75]. Nous ne prtendons pas que le voile est la cause de sa transformation dune recluse peu sociable en une fille affable qui veut participer dans la socit franaise mais son voile ne len a pas empch. Dailleurs, Anissa est un exemple du fait que les significations de et les motivations pour le voile ne diffrent pas simplement de personne en personne mais peuvent galement changer avec le temps pour une mme fille.

 

La polysmie du voile, et limpossibilit de lui imputer une signification fige, rendent difficile sa  rglementation  par la loi. La logique de cette loi abstrait le voile dun contexte rel et flou en lui attribuant une signification fixe par recours des argumentations plus pertinentes pour des contextes maghrbins ou moyen-Orientaux que franais. Une fois ainsi abstrait, le problme du voile est parat-il rgl par un outil tout aussi abstrait : la loi. Or, comme la observ le proviseur du lyce mentionn ci-dessus,  la loi ne va pas rgler les problmes humains.  Le voile devient dmuni de tout sens si on ne prend pas en compte les motivations, la subjectivit, et le contexte social de la personne qui le porte. La  diffrence  de lAutre caractrise par le port du voile et que le gouvernement essaie de  grer , est ainsi plurale. Dailleurs, la capacit (ou la volont) de regarder au-del du voile lui-mme afin de percevoir lՐtre humain qui le porte a rendu un certain nombre denseignants trs ambivalents propos de la loi. Contrairement ce que lon peut croire grce aux mdias, tous les enseignants nont pas t favorables une loi, comme le tmoigne une srie dentretiens avec des enseignants dans ce lyce de Seine-Saint-Denis. Certains enseignants, bien sr, considraient que la loi tait ncessaire mais la plupart de ces enseignants auraient prfr le mot  visible  au lieu de  ostensible  pour des raisons de clart. Mais mme les enseignants qui taient proccups par ce quils voyaient comme une croissance du port du voile dans les lyces publics taient galement, sinon plus, perturbs, par la dscolarisation de certains de leurs lves qui aurait lieu avec lapplication de la loi la rentre scolaire en septembre 2004. Comme la remarqu une enseignante,  exclure, cest fondamentalement contraire notre mission en tant quenseignants.  Dautres enseignants nՎtaient pas gns par la prsence des voiles dans leurs salles de classe pourvu que le voile ne compromette pas la scurit de la fille qui le porte. Un certain nombre denseignants avaient chang leurs avis et continuaient se poser des questions lՎgard de linterdiction du voile dans lՎcole publique. Mme le proviseur, qui a prtendu quen tant que fonctionnaire de la Rpublique il avait un devoir dappliquer la loi et, si ncessaire, de prendre des sanctions (y compris lexclusion) contre les filles voiles, tait trs perturb personnellement par le fait quil aurait prendre des actions qui mneraient la dscolarisation de quelques unes de ses lves qui ne posaient pas (comme il la constat) de problme lordre public et au bon fonctionnement de son lyce. Lors dune discussion sur le loi et de son application la rentre scolaire au dernier conseil dadministration de lanne 2003-2004, il sest lament :  Notre rle nest pas dexclure mais dinclure [] La rentre scolaire va tre trs pnible pour tout le monde. 

 

 

 

4.2. La redfinition de lIslam par lՃtat franais et son essentialisation par la ngation de son pluralisme inhrent

 

Outre une chape uniformisante impose par la loi sur la diversit des pratiques, en systmatisant une pratique religieuse marginale, en loccurrence le port du voile, le lgislateur codifie les reprsentations religieuses musulmanes alors quelles sont diversifies selon les usages et les interprtations faites des sources sacrs (Coran et Hadiths). En posant les marques dune reprsentation religieuse dtermine - pour notre propos il sagit dune interprtation prcise des versets coraniques sur le  hijab [76] (traduit communment par  voile ) qui en consacre sa matrialisation par le port dun foulard - le lgislateur contribue nier la particularit de la normativit en Islam qui loin dՐtre absolue demeure subordonne au choix des croyants car cette normativit dcoule dune interprtation humaine. Le voile est ainsi une tenue traditionnelle port de manire diversifie destin rpondre une interprtation dtermine des versets coraniques sur la pudeur des femmes.

 

Il ressort des dbats que les critres relatifs au caractre religieux ou non de la tenue vestimentaire des filles se couvrant la tte ont t dfinis de diffrentes manires. Lexpos des motifs de la loi prcise que  les signes discrets dappartenance religieuse resteront naturellement possibles  dans lenceinte des tablissements scolaires. Le lgislateur dfinit ainsi les limites des reprsentations religieuses daprs des critres relatifs la visibilit et la discrtion constitue le principe fondamental dacceptation de lAutre. En dautres termes, moins la diffrence est visible et mieux laltrit sera accept. Il appartient aux jeunes filles musulmanes de gommer leurs diffrences afin de se faire accepter. Il a ainsi t entendu que laisser entrevoir les cheveux et les oreilles ne revtait pas de caractre religieux, ou ne constitue pas un signe  trop  ostentatoire. La tenue dite  religieuse  drange ainsi par sa visibilit, et par consquent dissimuler les cheveux et les oreilles reprsenterait un signe ostentatoire. Nous sommes loin des principes de respect du pluralisme culturel. En effet, toute la question repose sur lacceptation de la diversit, et par ailleurs dfinir la place de lAutre la manire dՐtre  religieusement  revient redfinir ses repres laune dun modle plus occidental et  uniformisant . Car le port du foulard, ou du voile, comme nous venons de lexposer plus haut, est li des sentiments trs divers, la tenue adopte par les jeunes filles sont tout aussi diversifies. partir de l comment dfinir les critres de religiosit  trop  visibles ?

 

La circulaire du ministre de lՎducation nationale du 18 mai 2004[77] a tranch : le sens confr au morceau de tissu sera dterminant dans linterdiction du port de celui-ci. Cet acte administratif interprtatif de la loi sattaque de cette manire la libert de pense et de conscience en insistant sur le fait que  La loi est rdige de manire pouvoir sappliquer toutes les religions et de manire rpondre lapparition de nouveaux signes, voire dՎventuelles tentatives de contournement de la loi () Elle [la loi] ninterdit pas les accessoires et les tenues qui sont portes communment par des lves en dehors de toute signification religieuse. En revanche la loi interdit un lve de se prvaloir du caractre religieux quil y attacherait par exemple, pour refuser de se conformer aux rgles applicables la tenue des lves dans lՎtablissement . Le for intrieur des lves fait ainsi lobjet dun examen afin de dterminer la lgalit de sa tenue vestimentaire. La distinction entre religieux et non religieux apparat simple au regard des reprsentants de lՃtat franais, qui sautorisent une sorte dexgse coranique en dfinissant les limites du religieux. Le devoir de neutralit de lՃtat franais devant le pluralisme culturel ou religieux, fondement de la lacit, est viol.

 

Alors que lIslam a toujours t pluriel dans la pratique travers la diversit des coutumes et des reprsentations individuelles et collectives, manifeste dans la validit de plusieurs interprtations et dans lexistence de plusieurs coles (madhahib) de jurisprudence religieuse, lՃtat franais cherche identifier les repres invariants des musulmans pour les figer et les considrer comme tant immuables afin de constituer un Islam singulier et orthodoxe. Ainsi, la reprsentation du hijab par les auteurs de la loi sur le voile se cantonne lunique pratique des filles portant un foulard selon une manire dtermine. Cette ide du hijab ignore ainsi les autres interprtations du verset sur le hijab[78], ds lors quil ny a aucun problme de visibilit. La problmatique essentielle pour lՃtat franais serait dont dՎviter une visibilit trop forte des reprsentations religieuses car elles porteraient atteinte au principe de la Rpublique une et indivisible sous couvert du respect de la lacit doubl dun discours sur la libration de la femme musulmane.

 

Afin dencadrer les affirmations identitaires aujourdhui en France, en loccurrence par la dfinition des pratiques religieuses de la communaut musulmane on est amen penser que lIslam ne peut tre quunifi et centralis. La diversit des pratiques est ainsi nie. De mme que pendant la priode coloniale les essais de codification du droit matrimonial et familial dans les colonies ont entran une ngation de la diversit des pratiques, des reprsentations et discours, la  gestion  de lIslam et des musulmans en France par lՃtat (dont la loi sur le voile fait partie) rduit le pluralisme des usages une unit indivisible :  lIslam de France,  dont les caractristiques sont (et seront) dfinies par lՃtat.[79] On peut comprendre ainsi la tentative de la part du ministre de lintrieur Nicolas Sarkozy de soutenir la nouvelle loi avec un avis thologique du grand imam dal-Azhar en Egypte, un des hautes autorits sunnites, sur le port du voile. Rpondant la demande du ministre et obissant aux injonctions au Prsident H. Moubarak dans un souci de prservations des relations diplomatiques, limam gyptien a dclar que mme si le voile tait une obligation divine pour la femme musulmane, les musulmanes vivant en France doivent se conformer la loi franaise et, donc, accepter d'enlever le voile l'cole. Ceci a confort le gouvernement franais dans la position que le voile ne faisait pas partie lgitime de cet  Islam de France. 

 

LՃtat franais redfinit non seulement les repres travers des schmas de pense centralisateurs et unifiants, mais il labore des structures reprsentatives dites  des musulmans , telle que le Conseil franais du culte musulman (CFCM) et ses conseils rgionaux, tablie en 2003 pour tre linterlocuteur de lՃtat dans la gestion du culte musulman. Ainsi que les membres qui seraient lus de faon indirecte, le gouvernement franais a nomm quelques  personnalits qualifis  au Conseil[80] et a octroy la prsidence du CFCM Dalil Boubakeur de la Grande Mosque de Paris (qui est arriv en troisime position dans les lections) ainsi que les vice-prsidences la Fdration nationale des musulmans de France (FNMF) et lUnion des organisations islamiques de France (UOIF). Concernant la nouvelle  gestion  des musulmans en France et le CFCM, nous pouvons constater une confusion entre le rle du CFCM en tant que reprsentant du culte musulman et son rle en tant que reprsentant des musulmans. Ainsi des musulmans et des non-musulmans ont reproch la mise en place du CFCM et son manque de dmocratie et donc son manque de reprsentativit ; les lections ayant t indirectes et les dlgus nomm par des mosques. Les dfenseurs du Conseil (y compris des membres du gouvernement) maintiennent que le Conseil ne reprsente pas les musulmans mais plutt lIslam, et le culte musulman. Mais le CFCM comprend des membres sans aucune autorit ni formation religieuse, par contraste avec la Confrence des vques qui reprsente et gre le culte catholique et dont les membres ne sont ni lus ni coopts mais accdent leurs siges aprs avoir gravi les chelons de la hirarchie religieuse, cest dire par le biais des structures dautorit au sein de leur culte. Le Consistoire central, organisation officielle cre par Napolon en 1808, et le Grand Rabbin de France reprsentent et grent le culte juif, tandis que le Conseil reprsentatif des institutions juives de France (CRIF) reprsente la communaut juive par ses associations. Par contre, le CFCM, cens reprsent le culte musulman, comprend deux grands pouvoirs le FNMF et lUOIF qui ne sont pas des organismes religieux mais des grandes associations (tablies sous la loi des associations de 1901 et non pas la loi de 1905 rglementant les associations cultuelles). Mme la Mosque de Paris est, lgalement, une association, tablie en 1926 comme lInstitut musulman de la mosque de Paris. Ce nest pas pour dire que des structures dautorits religieuses nexistent pas en Islam mais elles ne se conforment pas forcement celles qui conviennent lՃtat franais, plus habitu probablement des modles plus unifis, centraliss et hirarchiques tels celui de lՃglise catholique. Nous sommes ainsi en prsence dun schma de reconstruction normative des pratiques et des formes dautorit dune tradition religieuse par lՃtat dans un objectif de  gestion  et dune tentative de clricalisation de lIslam pour le rendre plus adapt aux ralits franaises.

 

Cette approche nie le pluralisme de Islam en France. Mme si la plupart des musulmans en France sont dorigine maghrbine, le pays compte des populations importantes de musulmans dorigine turque, africaine, et asiatique, ainsi que les  franais de souche convertis. Or le CFMC est domin par des maghrbins et lIslam maghrbin.[81] Les musulmans qui ne sont pas dorigine maghrbine ainsi quun grand nombre de musulmans maghrbins ne reconnaissent pas au CFCM le caractre dun reprsentant confessionnel ou nՎprouvent pas le besoin dՐtre reprsents.

 

 

         5. Sous la ngation de la diversit, un relent de nocolonialisme ? Ou les enjeux du pluralisme et de linterculturalisme

 

Sil est dusage de mener des analyses en termes de nocolonialisme pour ce qui est des situations contemporaines dans les anciennes colonies europennes, on ne rflchit pas souvent en ces termes quand il sagit dՎtudier les conjonctures actuelles dans les anciennes puissances coloniales mmes. Et pourtant, il apparat que limaginaire des colonisateurs a pu tre tout aussi  colonis  par la modernit occidentale que celui des coloniss. Dans le contexte contemporain, de nouveaux enjeux relatifs la refondation de lorganisation de notre vivre-ensemble dans le partage de nos diffrences mergent. Mais sengager sur les voies dun dialogue interculturel de plus en plus ncessaire oblige de passer par un vritable  dsarmement culturel  et par une  dcolonisation  de nos manires daborder nos relations lautre et le partage de nos vies[82], comme nous avons pu commencer lentrevoir ci-dessus relativement la question de la reprsentation des musulmans ou / et de lIslam en France.

 

Dans cette optique, il est intressant dapporter un dernier clairage sur la problmatique franaise du voile en la refltant plus particulirement dans le miroir de son pass colonial, puis en dgageant quelques enjeux relatifs une dcolonisation de la pense franaise moderne pour quelle puisse sorienter vers de nouveaux horizons de pense et daction dans une contemporanit o les dfis de laltrit, de la complexit et de linterculturalit se font de plus en plus pressants tout en tant irrmdiablement lis[83]. Il ne sagit pas ici pour nous daffirmer une continuit directe entre le pass colonial franais et les situations actuelles et de prtendre que la France mnerait de nos jours une politique explicitement nocoloniale sur son propre territoire. Les contextes et les enjeux sont bien trop diffrents. Il sagit plutt dessayer de mettre en vidence par leffet de mirroir que constitue la confrontation de la situation actuelle au pass colonial des attitudes mentales plus ou moins implicites. Si cette pratique nest pas monnaie courante en France, elle nous semble heuristique ainsi que le montre par exemple tout le mouvement indien des  subaltern studies  qui interroge le colonialisme et ses effets contemporains, postcoloniaux, plus ou moins directs et plus ou moins explicites[84].

 

Alors que jusquen 2003, le trouble lordre dans lՎtablissement tait la principale proccupation du juge administratif, le discours fondateur explicite de la nouvelle loi proclame la sauvegarde des principes de la Rpublique et en particulier celui de la lacit. De plus, les dbats prcdant ladoption de la loi se sont rgulirement focaliss sur la condition de la femme musulmane et particulirement sur les modles iranien, algrien ou afghan, souvent prsents comme des spectres menaants pour les droits des femmes et les principes rpublicains, que le port du voile viendrait bafouer.

 

Lors de lՎpoque coloniale, les tenants du discours dnonciateur du statut de la femme en Algrie et en Tunisie, moins favorable celui de lhomme, par exemple en matire de formation du lien matrimonial, ont mis en avant lide dune  modernisation  troitement lie dans leur conception son  occidentalisation . Du XIXe sicle ou milieu du XXe sicle, le statut de la femme franaise reprsente explicitement le modle dont doivent sinspirer les musulmans[85] pour sorienter vers une  libralisation  de la femme. Ainsi en Algrie et en Tunisie, les juges et administrateurs coloniaux avaient la prtention de redfinir le droit des  indignes  relatif au statut personnel en vigueur. Le magistrat franais en Algrie lgitimait sa mission civilisatrice en considrant que le droit franais tait largement suprieur au systme musulman qui navait pas atteint le mme degr de  perfection . Il se sentait investi du devoir de civiliser les indignes. [86]. La loi franaise simposait tous ds lors quelle provenait dune civilisation suprieure. Le paralllisme avec la rentre scolaire de septembre 2004 est frappant. Les jeunes filles portant le voile sont dornavant supposes accepter la loi n2004-228 du 15 mars 2004 car linterdiction qui leur est faite darborer un signe religieux vise lamlioration de leur condition sociale. Le lgislateur prtend ainsi  librer  la jeune fille menace par un modle tranger.

 

A linstar du droit franais qui pouvait lgitimement se substituer aux coutumes ds lors que lintention tait  naturellement  humanitaire aux yeux des colons, la loi sur le voile tire une partie de sa lgitimit du fait quelle prtend dfendre les intrts des jeunes filles  soumises des logiques avilissantes . Dans ce discours, peu importe que le port du voile relve dun choix individuel ou non. Loption pour cette manifestation religieuse est perue comme tant en inadquation avec les vises de  lՎcole rpublicaine et laque  qui se doit d  ouvrir les esprits  et de faire valoir le principe de lՎgalit entre lhomme et la femme que le port du voile mettrait en danger. Cette   atteinte  aux valeurs rpublicaines et aux droits de lhomme semble mettre en cause le processus civilisateur dans lequel lՃtat franais sest engag depuis la priode coloniale. Le port du voile est vcu comme une sorte de  retour en arrire  insupportable, une rgression, une mise en chec de la mission civilisatrice de lՃtat. Pour y remdier une codification et une redfinition des comportements semblent ncessaires afin de pouvoir les encadrer et de les reprer en vue de les homogniser, linstar de la mme manire dont lՃtat franais a procd pendant la priode coloniale la codification de la Sharia et des coutumes afin de contrler les pratiques et le Droit des  indignes .

 

Quon ne sy mprenne pas : que dans certains contextes le voile soit utilis comme moyen doppression nous ne le nions pas. Cest la gnralisation  voile = pratique rtrograde = barbarie , son absolutisation et le fait de prner le modle franais comme celui qui aurait naturellement vocation luniversel qui est gnante.

 

A partir dune argumentation culturaliste relative au  statut infrieur de la femme musulmane , selon une rhtorique quon a pu observ rgulirement dans les politiques lgislatives, administratives et dans les pratiques judiciaires coloniales en Algrie et en Tunisie, le lgislateur sestime tre investi dun devoir de libration de la gente fminine musulmane particulirement opprime par leurs coreligionnaires de sexe masculin. La femme occidentale serait mieux protge et il conviendrait de relever la femme musulmane son niveau en la lui rendant semblable[87].

 

Sous linvocation de valeurs universelles telles que refltes dans les droits de lhomme, lՃtat franais impose un principe dunit/uniformit nationale une nouvelle diversit culturelle qui le caractrise de plus en plus, reproduisant ainsi, peut-tre inconsciemment, le schma des acteurs de la colonisation. Sa focalisation sur la cration du lien social par une uniformisation de la socit rvle son incapacit penser la socit comme lieu de partage des diversits dans une complmentarit des diffrences qui nexclue pas lexistence et lacceptation de quelques rgles du jeu communes. La bienveillance affiche et probablement sincre envers les autres cultures, masque la substitution des repres de lAutre par un modle de conduite considr suprieur et bien sr plus favorable pour ses destinataires. Du point de vue des franais originaires des anciennes colonies, il peut sembler que lobjectif implicite de la loi sur les signes religieux et la politique coloniale mene en Algrie et en Tunisie lencontre des rgles de la Sharia perues comme tant discriminatoires lՎgard des femmes sont anims par un mme esprit : librer la femme musulmane en loccidentalisant sans regard quant au choix des personnes concernes et quant leurs cadres de vie et reprsentations.

 

Le grand dfi aujourdhui pour la France (et peut-tre de la forme moderne de lՃtat-Nation) est de sՎmanciper petit petit du mythe de lunitarisme pour sorienter vers une vision plus pluraliste de la ralit et de la socit. Ceci implique autant un changement de vision du monde, quun changement dans la manire dinstituer le social donc de penser et de pratiquer le Droit[88]. Les exigences de  clarification  travers la loi pour se dbarrasser dun flou vcu comme insupportable, semble renvoyer lincapacit daccepter le pluralisme et de rester inscrit dans une vision du monde logocentre, o le monde apparat comme au fond transparent (du moins peut-il tre rendu transparent par les Lumires de la Raison) et o la Loi par sa rationalit et son uniformit peut donc recrer lordre face au chaos en rendant le flou transparent. Dans le rejet du  flou , quillustrerait pour notre propos la jurisprudence du Conseil dՃtat pour les tenants de la loi du 15 mars 2004, et dans la qute de lordre se cache ainsi bien lenjeu plus profond de visions du monde et du Droit.

 

Si la France illustre particulirement bien les enjeux et les dfis dune mancipation du cadre moderne pour repenser des situations contemporaines marques de plus en plus fortement et de manire de plus en plus explicite par linterculturalit et le pluralisme, ceux-ci se retrouvent poss de manire gnrale, bien que sous des formes diverses, tous les tats Nations modernes qui devront laisser une plus grande marge de manuvre leurs  socits civiles . Et ceci mme pour des pays champions du pluralisme tel que lInde. Ashis Nandy pointe vers une des voies explorer pour relever les dfis dun vritable scularisme, lՎquivalent indien de la lacit franaise en Inde qui met laccent non sur le rejet du religieux de la sphre publique, mais soumet lՃtat un devoir dimpartialit envers toutes les communauts : au lieu de btir sur la conscience ou la bonne foi dune lite occidentalise et de ses reprsentations et de vouloir y convertir tous les indiens, il serait plus srieux dexplorer les philosophies, symbolismes et univers mentaux des hindous, musulmans, sikhs, bouddhistes etc. de tous les jours et de reconnatre que la tolrance ne devrait pas se limiter une tolrance entre religions qui devrait avoir une base laque ou sculaire, mais devrait aussi pouvoir laisser place des visions religieuses de la tolrance[89]. Cest sur le partage de certaines valeurs partir denracinements divers que peut merger une vritable culture de lՎchange, du dialogue, du partage et du respect mutuel.

 

Plus prs de nous et en partant de lexprience qubcoise, elle aussi bien plus pluraliste que la situation franaise mais partageant les mmes enjeux et blocages fondamentaux, Robert Vachon[90], nous permettra de conclure, ou douvrir, nos rflexions :

 

 En rgle gnrale, toute socit devrait tre aussi pluraliste quelle peut se lautoriser. Toute socit, comme tout groupe et toute personne, a ses limites et son propre coefficient de cohrence et dharmonie dans la diffrence. Toutes ne sont pas appeles aux mmes intimits interculturelles. Parfois il faut mme prendre de la distance de lautre. Ces tensions cratrices entre diffrents ples de la ralit socio-politique constituent les douleurs de lenfantement du mythe grandissant du pluralisme culturel et religieux et du dynamisme de la cration. Il est vident que le passage dun Qubec intgrationniste un Qubec interculturel est un sacr dfi. Il ne peut tre prdfini, impos ou lgifr. JՎtais oblig de prsenter une vision plutt quun projet. () Une vision, il me semble trs raliste, qui demande de nombreux projets de sensibilisation, dՎducation et de recherche[91]

 

Nous esprons avoir travers cet article, contribu dgager quelques pistes de rflexions pour nous orienter petit petit vers un tel horizon pluraliste et interculturel o inscrire notre vivre ensemble contemporain.

 


 

 

Bibliographie complmentaire

 

 

BOUZAR Dounia, 2001, Lislam des banlieues, Paris, La Dcouverte et Syros

 

BOUZAR Sounia et KADA Saida, 2003, Lune voile, lautre pas, Paris, Albin Michel

 

EBERHARD Christoph, 2002, Droits de lhomme et dialogue interculturel, Paris, ditions des crivains, 398 p.

 

GUENIF SOUILAMAS Nacira, 2000, Des  Beurettes  aux descendantes dimmigrants nord-africains, Paris, Grasset.

 

NANDY Ashis, 2001,  The Politics of Secularism and the Recovery of Religious Tolerance , in Time Warps, Delhi, Permanent Black, 244 p (61-88)

 

NORDMANN Charlotte (sous la direction de), 2004, Le Foulard islamique en questions, Paris, Editions Amsterdam

 

PANIKKAR Raimundo, 1982,  Alternatives la culture moderne , Interculture, Vol. XV, n 4, Cahier 77, p 5-16

 

ROULAND Norbert, 1994,  La tradition juridique franaise et la diversit culturelle , Droit et Socit, n 27, p 381-419

 

ROY Olivier, 1998,  Naissance dun islam europen , Esprit, n 239, p 10-35

 

VACHON Robert, 1998,  LInstitut Interculturel de Montral et sa revue : Une alternative interculturelle et un interculturel alternatif , Interculture, n 135, p 4-75

 

VENEL, Nancy, 2004, Musulmans et citoyens, Paris, PUF.



Cet article a t rdig dans le cadre de la prparation dun dossier thmatique sur le pluralisme juridique dirig par Andr Hoekema et qui paratra dans Droit & Socit en 2006.

Enseignant / chercheur en anthropologie du Droit, Facults universitaires Saint Louis, Bruxelles / Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris.

* Doctorante en anthropologie lUniversit de Chicago qui vient de terminer son terrain en France sur les jeunes musulmans et le renouveau de lIslam en France.

* Avocate, Docteur en Droit (Universit Paris 1 et Tunis III), Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris.

[1] Voir Dominique SCHNAPPER, 1994, Communaut de citoyens, sur lide moderne de la nation, Paris, Gallimard

[2] Voir Zygmunt BAUMAN, 1993 (1991), Modernity and Ambivalence, Great Britain, Polity Press, 285 p.

[3] Voir Alain TOURAINE, 1992, Critique de la modernit, Paris, Fayard, 2e d., Col. Biblio Essais, 510 p

[4] Au sens dhorizon invisible dans lequel sinscrit toute rflexion, de supposs implicites auxquels nous croyons tellement que nous ne croyons pas que nous y croyons et qui ne peuvent tre dvoils que dans la rencontre avec des personnes inscrites dans un mythe diffrent. Voir : Raimon PANIKKAR, 1979, Myth, Faith and Hermeneutics - Cross-cultural studies, USA, Paulist Press, 500 p ; Robert VACHON, 1997,  Le mythe mergent du pluralisme et de linterculturalisme de la ralit , Confrence donne au sminaire Pluralisme et Socit, Discours alternatifs la culture dominante, organis par lInstitut Interculturel de Montral, le 15 Fvrier 1997, 34 p, consultable sur http://www.dhdi.org.

[5] Relativement la mythologie du droit moderne voir Peter FITZPATRICK, 1992, The Mythology of Modern Law, London, Routledge, Sociology of Law & Crime, 235 p et LENOBLE Jacques, OST Franois, 1980a, Droit, mythe et raison. Essai sur la drive mytho-logique de la rationalit juridique, Bruxelles, Facults Universiatires Saint Louis, 590 p

[6] Voir Michel ALLIOT, 2003,  Anthropologie et juristique. Sur les conditions de lՎlaboration dune science du droit , in Le droit et le service public au miroir de lanthropologie, (textes choisis et dits par Camille Kuyu), Paris, Karthala, 400 p (283-305)

[7] Voir aussi Grard TIMSIT, 1997,  La loi : la recherche du paradigme perdu , Archipel de la norme, Paris, PUF, Les voies du droit, 257 p (9-42) TIMSIT Grard, 1997,  La loi : la recherche du paradigme perdu , Archipel de la norme, Paris, PUF, Les voies du droit, 257 p (9-42)

[8] Voir SCHNAPPER, op. cit. Voir aussi Henri PENA-RUIZ 2003, Quest-ce que la lacit, Paris, Gallimard ; Emile POULAT 2003, Notre lacit publique, Paris, Berg International.

[9] Voir Christoph EBERHARD, 2003,  Prrequis pistmologiques pour une approche interculturelle du Droit. Le dfi de laltrit , Droit et Cultures, n46 2003/2, p 9-27

[10] De manire gnrale pour les dfis que rencontre le droit moderne lՎpoque contemporaine voir : Andr-Jean Arnaud, 2004, Entre modernit et mondialisation. Leons d'histoire de la philosophie du droit et de l'Etat, 2e dition, Paris, L.G.D.J., 2004de SOUSA SANTOS Boaventura, 1995, Toward a New Commnon Sense - Law, Science and Politics in the Paradigmatic Transition, New York-London, Routledge, After the Law Series, 614 p

[11] Louvrage dAndr-Jean Arnaud, 1991, Pour une pense juridique europenne, Vendme, PUF, Col. Les Voies du Droit, 304 p nous semble dj proposer es pistes intressantes dans ce sens.

[12] Sur cette distinction entre dialogue dialectique et dialogal et ses implications voir Christoph EBERHARD, 2002, Droits de lhomme et dialogue interculturel, Paris, ditions des crivains, 398 p (100-128) ; PANIKKAR Raimon, 1984c,  The Dialogical Dialogue , WHALING F. (d.), The Worlds Religious Traditions, Edinburgh, T. & T. Clark, 311 p (201-221)

[13] Dans cet article nous nous concentrons sur la jurisprudence relative au port du voile. Mais il est intressant de noter que le 14 avril 1995 le Conseil dՃtat sest prononc sur deux requtes qil a rejet relatives une demande de dispense gnrale de prsence le samedi matin dans deux tablissement denseignement du second degr loccasion de la fte hebdomadaire de shabbat. Voir : Conseil dՃtat n 125148 et 157653 tous deux publi sau Recueil Lebon.

[14] Dont par exemple la Dclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 aot 1789, la Constitution du 27 octobre 1946, la Constitution du 4 octobre 1958 ; la convention europenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des liberts fondamentales du 4 novembre 1950 etc.

[15] C.E., Kherouaa, 2 novembre 1992. C.E., poux Aoukili, 10 mars 1995. C.E., Ministre de lEducation nationale c/ Khalid et Mme Sefiani, 27 novembre 1996. Enseignement, Questions gnrales concernant les lves, Recueil Lebon, 1999, p. 810.

[16] Assemble gnrale (Section de lintrieure) n 346.893 27 novembre 1989.

[17] Cf. les principes constitutionnels cits supra

[18] C.E., Kherouaa, 2 novembre 1992, Recueil Lebon, pp. 389-390.

[19] C.E., poux Aoukili, 10 mars 1995, Recueil Lebon, pp. 122-123.

[20] Ibid.

[21] Enseignement, Questions gnrales concernant les lves, Recueil Lebon, 1999, p. 810.

[22] Bulletin Officiel de lEducation nationale, n35, 29 septembre 1994

[23] Il faut remarquer que la responsabilisation des proviseurs de cette faon a quelquefois laiss la place leurs propres prjugs et leur a permis dagir avec mauvaise foi en interprtant les directives du Conseil dEtat et ainsi dexclure des filles voiles qui nauraient pas d tre exclues daprs la jurisprudence du Conseil dEtat.

[24] En juin 2003 a t mise en place la mission parlementaire de rflexion sur les signes religieux lՎcole, prside par Jean-Louis Debr (UMP), prsident d lAssemble nationale. Le 12 novembre, la mission Debr se prononce pour une loi interdisant le  port visible de tout signe dappartenance religieuse ou politique  lՎcole.

[25] Du discours prononc par M Chirac en installant la commission Stasi.

[26] La  main de Fatma  est une expression ne pendant la priode coloniale pour dsigner un bijou nord-africain cens protger du  mauvais il , reprsent par une petite main qui est port essentiellement par les femmes musulmanes et juives. Ce bijou berbre pr-islamique, na aucun caractre religieux mais revt en revanche une valeur culturelle. En arabe ce bijou est dsign par lexpression  khomsa  qui signifie les  cinq doigts de la main . Les reprsentations coloniales en ont fait un bijou port exclusivement par les femmes musulmanes afin de diviser pour mieux rgner toutes dsignes, par mpris vis vis de l indigne arabe , par le prnom de  Fatma , do lexpression de main de Fatma . La journaliste-crivain dorigine tunisienne et juive, Sophie BESSIS sest indigne du discours du Prsident de la Rpublique, Jacques Chirac du 17 dcembre 2003, dans un article paru dans le journal  Le Monde  du 16 janvier 2004, intitul  Pauvre main de Fatma !  quelle dbute en ces termes :  MA pauvre grand-mre - que le Dieu des juifs la garde puisque c'est celui-l qu'elle adorait - doit se retourner dans sa tombe l'ide qu'elle m'offrit autrefois, pour ma russite au baccalaurat, un signe religieux musulman ostensible ! Il est vrai que la main de Fatma qu'elle m'avait donne cette occasion est de dimensions aussi imposantes que la protection qu'elle tait cense m'assurer. 

[27]  Loi lacit : 43 exclusions depuis la rentre , TF1, le 17 dcembre 2004. Selon Pierre TEVANIAN, le ministre de lEducation nationale dcompte 48 exclusions au mois de janvier 2005, auxquelles il faut ajouter plus de soixante dmissions sans conseil de discipline . Voir :  Des exclusions invisibles  sur le site web du collectif Les mots sont importants [http://lmsi.net/article.php3?id_article=337]).

[28] Journal Le Monde, Mardi 15 mars 2005, p. 9

[29] Lexemple des Sikhs est intressant car dans le dbat autour du voile souvent sont associs des arguments relatifs la soumission de la femme quil faudrait manciper ou dun Islam proslyte contre lequel il faudrait prendre des mesures. Or dans le cas des Sikhs ces deux arguments tombent leau et il apparat dautant plus clairement que cest la simple diffrence culturelle qui est perue comme dangereuse et comme remettant en cause les fondements mmes du pacte social.

[30] Voir CSARI Jocelyn, 1998, Musulmans et rpublicains : les jeunes, lislam et la France, Bruxelles, Edition Complexe, KHOSROKHAVAR Farhad, 1997a, Lislam des jeunes, Paris, Flammarion, Une Socit Fragmente: le multiculturalisme en dbat, sous la direction de Michel Wieviorka, Paris, La Dcouverte/Poche, GASPARD Franoise et KHOSROKHAVAR Farhad, 1995, Le Foulard et la Rpublique, Paris, Dcouverte, et ROY Olivier,  Naissance dun islam europen , Esprit, n239, p 10-35.

[31] Libration, 15 octobre 2003 (p. 3). Le Monde constate 300 le chiffre pour les cas contentieux o elle intervient (11/12/2003, p. 11). Hanifa Cherifi, du fait de son exprience en tant que mdiatrice, a t choisie comme membre de la Commission Stasi.

[32] Entretien avec Jean-Charles Ringard, recueilli par Philippe Bernard. Le Monde, 11/12/2003, p. 11. Daprs le journaliste, la Seine-Saint-Denis compte plus dun millier de foulards aux lyces et collges ; c'est--dire que seulement sept de ces cas posaient un problme disciplinaire et ont t signals au Rectorat.

[33] Rapport de la Commission de rflexion sur lapplication du principe de lacit dans la Rpublique (Remis au Prsident de la Rpublique le 11 dcembre 2003), Paris, La Documentation franaise, 2004, p. 13. Pour consulter le rapport : http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/034000725/0000.pdf

[34] Mme Djavann a t appele devant la commission Stasi, et M Stasi se rappela plus tard que son tmoignage tait  le plus bouleversant. 

[35] Une phrase invoque par Gay Patek, ancien membre de la Commission Stasi, pendant une confrence le 5 fvrier 2004 au Muse dArt et dHistoire du Judasme.

[36] Emmanuel BRENNER, Les territoires perdus de la Rpublique, Mille et une nuits, Paris, 2002, 240 pp. Cet ouvrage collectif trs dterminant pour le discours de la classe politique et mdiatique, comprend des tmoignages dvastateurs de quelques enseignants sur lantismitisme, le racisme, et le sexisme dans le milieu scolaire.

[37] Dclaration de Mme Nicole Ameline, Paris le 14 novembre 2003 (Audition devant la Commission de rflexion sur le principe de lacit dans la Rpublique).

[38] In Antoine GUIRAL et Vanessa SCHNEIDER,  Une loi pour se draper dans la dfense de la Rpublique,  Libration, 06/11/2003.

[39] Jean-Pierre RAFARRIN, Discours prononc loccasion de la prsentation du projet de loi sur la lacit, lAssemble nationale. 03/02/2004.

[40] Discours prononc par Jacques Chirac,  Relatif au respect du principe de lacit dans la Rpublique,  Palais de lElyse, 17 dcembre 2003.

[41], Chahdortt DJAVANN  La lacit, garante de lunit nationale  in Le Figaro, 06/01/2004.

[42] Un procd dnonc par un Jean-Marc Trigeaud, professeur de Philosophie du Droit et rdacteur en chef des Archives de Philosophie du Droit (Paris, Sirey) dans sa prface de louvrage de Louisa LARABI HENDAZ  Le voile humili  - ou les auditions manques de la commission Stasi Avec le tmoignage de femmes musulmanes , Editions Marjane, Paris, 2005, 318 pp. p. 17 et s.

[43] Dclaration de Mme Nicole Ameline, Paris le 14 novembre 2003 (Audition devant la Commission de rflexion sur le principe de lacit dans la Rpublique).

[44] Le Monde, 11/12/2003 (p. 11).

[45] Voile couvrant tout le corps.

[46] Philippe BERNARD,  Foulard lՎcole: la ralit cache derrire les chiffres officiels  in Le Monde, 11/12/2003 (p. 11).

[47] Idem.

[48] Prononc par Sgolne Royal in  On doit savoir dire stop.  Propos recueillis par Frdric Gerschel. Le Parisien. 17/12/2003 (p. 2).

[49] Dclaration dAlain Jupp, Prsident de lUMP, Paris, le 28 Octobre 2003 (Audition devant la Commission de rflexion sur le principe de lacit dans la Rpublique).

[50] Christoph Eberhard, 2002,  Construire le dialogue interculturel. Le cas des droits de lhomme , in Carole Youns & tienne Le Roy (ds.), Mdiation et diversit culturelle. Pour quelle socit, Paris, Karthala, 311 p (235-252)

[51] Gisle HALIMI  Lgifrer, pour que gagne le droit  in Le Monde 2 (numro 34, p. 66), novembre 2003.

[52] Idem.

[53] Barbier, Christophe.  Enqute sur les ennemis de la Rpublique  in LExpress, 26/01/2004.

[54]  100 minutes pour comprendre  sur France 2, 19 janvier 2004.

[55] Mohammed Belqasmi, Fatima Berrichi, et Samba Diagouraga,  Pas de filles voiles dans la salle dattente dans un cabinet mdical dEvry,  oumma.com, 22 janvier 2004 [http://www.oumma.com/article.php3?id_article=906&var_recherche=medecin+].

[56] Kily, Mohamed,  Laffaire du voile la Socit Gnrale : ce qui sest rellement pass,  oumma.com, 26 dcembre 2003 [http://www.oumma.com/article.php3?id_article=834&var_recherche=medicin+femme+voilee].

[57] Journal Le Monde, dimanche 26 lundi 27 septembre 2004, p. 9.

[58] Prononc par M. Sarkozy su  100 Minutes pour convaincre  sur France 2, 20 novembre 2003.

[59] Prononc par M. Dray sur  93, Faubourg Saint-Honor  diffuse sur la chane prive Paris Premire. Voir  Sexisme den haut, sexime den bas : mme combat  sur le site web du collectif Les mots sont importants (http://lmsi.net/article.php3?id_article=226).

[60] Extrait de lexpos des motifs :  Ce texte [la loi du 15 mars 2004] sinscrit dans le droit fil de lՎquilibre qui sest construit patiemment depuis des dcennies dans notre pays autour du principe de lacit 

[61] Voir  Une loi antilaque, antifministe et antisociale  in Le Monde Diplomatique, Fvrier 2004, p. 8.

[62] Rapport de la Commission Stasi, p. 10.

[63] Rapport de la Commission Stasi, p. 95.

[64] Voir bibliographie complment la fin de larticle.

[65] Selon un des membres de la Commission Stasi, qui prfrait rester anonyme.

[66] Henri PENA-RUIZ,  Lacit et galit, leviers de lՎmancipation , Le Monde Diplomatique, Fvrier 2004.

[67] Rapport de la Commission Stasi, p. 57.

[68] Idem, p. 39. Nous soulignons.

[69] Marcel LONG et Patrick WEIL.  La lacit en voie dadaptation  in Libration, 26/01/2004. Weil et Long taient membres de la commission Stasi. M Weil a utilis le langage de  sacrifice  dans un entretien avec nous.

[70] Cette explication du voile, et de lՎveil islamique plus gnralement, est celle accept par un certain nombre de sociologues de lIslam en France, comme Khosrokhavar op. cit., Csari op. cit., et Nikola TIETZE, 2002, Jeunes musulmans de France et dAllemagne, Paris, LHarmattan

[71] Cette explication est celle favorise par dautres sociologues comme WIEVIORKA Michel, 1997,  Culture, socit, dmocratie , Une Socit Fragmente: le multiculturalisme en dbat, sous la direction de Michel Wieviorka, Paris, La Dcouverte/Poche et Alain TOURAINE, 1997, Pourrons-nous vivre ensemble?: gaux et diffrents, Paris, Fayard

[72] Voir Saida KADA et Dounia BOUZAR, 2003, Une Voile, lautre pas, Paris, Albin Michel (voir en particulier pp. 48-61 et 88-99). Voir aussi Farhad KHOSROKHAVAR, 1997, Lislam des jeunes, Paris, Flammarion.

[73] Il faut distinguer entre une politique islamiste qui cherchent obtenir le pouvoir politique par des moyens  lgitimes , c'est--dire par le biais de la socit civile et les structures politique de lՎtat (comme, par exemple, le Parti de la justice et du dveloppement [AKP] ou lancien Parti de la prosprit [Refah] en Turquie, ou le Parti de la renaissance [An-Nahda] en Tunisie) et une politique violente islamiste qui ne croient pas en et, donc, nutilisent pas ces moyens (comme le GIA en Algrie ou, bien sr, les cellules dal-Qaeda). Il existe une minorit de jeunes franais qui font partie dune idologie violente islamiste, mais comme nous le montre Farhard KHOSROKHAVAR (Les Nouveaux martyrs dAllah, Paris, Flammarion, 2002), cest une petite minorit. Dailleurs, mme sils partagent une affinit doctrinale, il y a galement trs peu de jeunes musulmans en France qui sintressent la politique ( lgitime ) islamiste trangre, prcisment parce que la politiques des partis islamistes demeure national et ne concerne que leurs pays respectifs (voir Olivier ROY, LՎchec de lislam politique, Paris, Seuil 1992.)

[74] Nous utilisons des pseudonymes.

[75] Nayant pas russi son bac, Anissa a dcid de ne pas rentrer au Lyce cause de la nouvelle loi ; elle prpare son bac chez elle.

[76] Les versets (sourates) du Coran normalement considr daborder le port du voile sont sourate 24/31 (Sourate an-Nur) et sourate 33/59 (Sourate al-Ahzab).

[77] Circulaire du 18 mai 2004 relative la mise en uvre de la loi n2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de lacit, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les coles, collges et lyces publics, Journal Officiel n118 du 22 mai 2004, p. 9033.

[78] Cf. Fatima MERNISSI, 1987, Le Harem Politique . Le Prophte et les femmes, Paris, Albin Michel, 293 p

[79] Voir Laurent BONNEFOY, La Stigmatisation de lislam et ses limites dans les discours et pratiques des institutions publiques en France et en Grande-Bretagne aprs le 11 septembre 2001, Mmoire de DEA prsent lInstitut dEtudes Politiques de Paris, 2003

[80] Presque une moiti (55%) du conseil a t lu tandis que 45% a t coopt par le gouvernement.

[81] La Mosque de Paris est fortement influenc et ses imams rmunr par le gouvernement algrien. De faon similaire, le FNMF est influenc par le gouvernement marocain, et la plupart des mosques gres par le FNMF compte des imams envoys du Maroc. LUOIF est peut-tre le plus divers de ces grandes associations, mais lui aussi est dirigs par des Algriens, Tunisiens, et Marocains.

[82] Voir par exemple Ashis NANDY, 1983, The Intimate Enemy. Loss and Recovery of Self Under Colonialism, 121 p, republi dans Exiled at home. Comprising At the Edge of Psychology, The Intimate Ennemy, Creating a Nationality, Delhi, Oxford University Press, 1998 ; Christoph EBERHARD, 2000,  Ouvertures pour la Paix. Une approche dialogale et transmoderne , Bulletin de liaison du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris, n 25, p 97-113; Raimon PANIKKAR, 1995, Cultural Disarmament - The Way to Peace, USA, Westminster John Knox Press, 142 p ; Robert VACHON, 1985,  Le dsarmement culturel et la Paix , Interculture, Vol. XVIII, n 4, Cahier 89, p 37-43

[83] Christoph EBERHARD, 2005,  Lanthropologie du Droit : un itinraire entre altrit, complexit et interculturalit , in, RUDE-ANTOINE . & ZAGIANARIS J., Croise des champs disciplinaires et recherches en sciences sociales, France, CURAPP

[84] On pourra se faire une premire ide de ce mouvement travers louvrage synthtique David LUDDEN, 2002, Reading Subaltern Studies. Critical History, Contested Meaning and the Globalization of South Asia, Anthem Press, 448 p. Voir aussila bibliographie indicative sur : http://web.clas.ufl.edu/users/gthursby/ind/salter-01.htm.

[85] Cf., Nawel GAFSIA,  Mariage par tapes et mariage ponctuel en Tunisie , Thse de doctorat en Droit, Universit Paris 1, soutenue le 07 Juillet 2004.

[86] On peut lire dans des attendus darrt des constatations comme :  Attendu quil ny a pas en effet en lespce, conflit entre les lois de deux puissances trangres, quil y a ici dune part une puissance souveraine la France, et un pays annex, lAlgrieAttendu dautre part quen matire de conflit dannexion il y a conflit entre deux civilisations ingales ; que ceci doit se traduire par la prdominance de la lgislation la plus civilise et constituera une raison de prfrence en faveur de cette loi  Tribunal de Sidi-Bel-Abbes, 14 fvrier 1933, Revue Algrienne, 1941, p. 15 et s.

[87] Une recherche sur la Justice des mineurs men par la Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris a fait clairement apparatre un tabou de laltrit dans la Justice franaise : lhorizon reste toujours celui de lassimilation de lautre soi. La diffrence, dans le meilleur des cas, ne pas tre pense autrement quune simple tape qui doit tre dpasse pour que lautre accde une manire dՐtre perue comme universelle et refltant la  civilisation . Voir Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris (sous la direction dՃtienne Le Roy) La diffrence culturelle, argument devant la juridiction des mineurs, dfi la socit franaise., Rapport dune recherche contractuelle ralise pour le compte du Ministre de la Justice. Paris : LAJP, 1989.

[88] Christoph EBERHARD, 2003,  Penser le pluralisme juridique de manire pluraliste. Dfi pour une thorie interculturelle du Droit , Cahiers dAnthropologie du Droit, n2, Paris, Karthala, p 51-63  ; Raimon PANIKKAR, 1990,  The Pluralism of Truth , Harry James Carger (d.), Invisible Harmony. Essays on Contemplation and Responsibility, USA, Fortress Press, 210 p (92-101) ; Robert VACHON, 1990,  LՎtude du pluralisme juridique - une approche diatopique et dialogale , Journal of Legal Pluralism and Unofficial Law, n 29, p 163-173 ; Robert VACHON, 1997,  Le mythe mergent du pluralisme et de linterculturalisme de la ralit , Confrence donne au sminaire Pluralisme et Socit, Discours alternatifs la culture dominante, organis par lInstitut Interculturel de Montral, le 15 Fvrier 1997, 34 p consultable sur http://www.dhdi.org; Jacques VANDERLINDEN, 1993,  Vers une nouvelle conception du pluralisme juridique , Revue de la Recherche Juridique - Droit prospectif, XVIII, 2, p 573-583

[89] Ashis NANDY,  The Politics of Secularism and the Recovery of Religious Tolerance , Time Warps, Delhi, Permanent Black, 2001, 244 p (61-128), p 81 & 128.

[90] Robert Vachon estcofondateur/directeur de lInstitut Interculturel de Montral qui a maintenant plus de quarante ans et directeur de la revue Interculture qui va vers sa quarantaine. Il a ddi toute sa vie la recherche / action dans le domaine de linterculturel. Voir le Cahier spcial n135 dInterculture qui retrace le parcours de lInstitut et de la revue.

[91] Robert VACHON, From an Integrational to a Cross-Cultural Qubec, Interculture , n 73, 1981, 36 p. Citation traduite en franais par les auteurs de cet article.