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groupe de travail Droits de l'Homme et Dialogue Interculturel

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Etienne Le Roy et Camille Kuyu

 

 

LA POLITIQUE FRANCAISE

DE COOPERATION JUDICIAIRE :

BILAN et PERSPECTIVES[1]

 

 

(Observatoire de la Coopération française, Rapport 1997,

Paris, Karthala, 1997, p 36-65)

 

 

 

Introduction

 

Entre la justice comme "idée" ou comme "valeur" et la Justice comme institution, il n'y a pas seulement la différence d'une majuscule. La transposition de valeurs relatives au juste et à l'injuste (et plus ou moins largement partagées par les membres d'une société) dans le champ des institutions induit des choix de formalisation, dans ce qu'on appelle "l'organisation judiciaire". De même que pour Pierre Bourdieu, "codifier c'est mettre en forme et mettre des formes"[2], de même en est-il de l'institution judiciaire dont  forme, formalisme et formalités sont les maîtres mots. Pourtant, ces formes ne sont prédéterminées ni par des contraintes techniques (en particulier par les procédures) ni données une fois pour toute, comme l'expression de cet universalisme si typique de la conception française de la Justice que nous retrouverons au fil de l'étude. Toute transposition institutionnelle exprime une vision du monde et une organisation judiciaire doit, pour être légitime et efficace, tenir compte de ce qui est considéré comme juste et injuste ou comme « norme et déviance » ou délinquance dans chaque culture[3]. L'Afrique noire qui sera ensuite le cadre privilégié de nos réflexions (puisque c'est le champ prioritaire de la politique du Ministère de la  coopération) a ainsi vu se rencontrer plusieurs visions du monde, donc plusieurs conceptions de la justice.

 

Considérant d'entrée de jeu cette pluralité de conceptions comme la caractéristique principale des situations judiciaires en Afrique depuis une centaine d'années et constatant que toutes les politiques ont buté sur la difficulté à ordonner de manière satisfaisante cette pluralité, nous devrons examiner l'efficacité de notre Coopération  judiciaire à l'aune des réponses que cette coopération aura contribué à aménager.

 

Notre Coopération a-t-elle adopté le point de vue de cet observateur pressé et peu scrupuleux qui opposerait terme à terme une conception "traditionnelle" (sous entendue "locale et indigène") de la Justice à une conception "moderne" qui sera associée à la mise en place d'institutions étatiques sur le modèle européen puis occidental à la suite de la colonisation de la presque totalité du continent par les puissances impérialistes ?

 

          Si oui, une telle approche de la vie judiciaire au sud de la Méditerranée serait dommageable car cette présentation est doublement discutable.

 Elle l'est d'abord en ce qu'elle présuppose le plus souvent la supériorité de l'organisation moderne, la traditionnalité n'étant perçue que comme le contraire de la modernité selon l'application du principe que l'anthropologue Louis Dumont désigne comme "l'englobement du contraire" pour caractériser l'idéologie moderne[4].

 

En outre, une telle présentation est réductrice. Elle oublie l'existence sur la continent de modèles judiciaires  qui ne sont originellement ni africains  ni modernes tel le système judiciaire  "charaïtique", issu de l'application de la Sharia par les autorités musulmanes. Elle néglige aussi la prise en compte de la succession possible de plusieurs modèles judiciaires d'origine européenne, en particulier le modèle allemand prévalant dans les territoires qui relèveront d'un mandat français ou belge à la suite du traité de Versailles. Enfin et surtout elle caricature la très réelle complexité  de l'organisation de la Justice au sein de sociétés africaines.

 

De ce fait, notre Coopération judiciaire a-t-elle pris en compte les facteurs d'endogénéisation comme les influences exogènes ? Reconnait-elle, pour aborder les sociétés d’Afrique noire, que les différences (en particulier dans les formes de stratification sociale, allant de la plus forte hiérarchie à la plus grande isocratie ou égalitarisme) équilibrent largement les facteurs de ressemblance qu'on peut trouver dans une conception animiste du monde et dans une cosmogonie largement pluraliste.

 

Si l'Afrique est plurielle, non seulement l'Afrique actuelle[5] mais aussi cette Afrique ancienne que nous connaissons par la diversité des témoignages archéologiques, historiques et anthropologiques, notre politique de Coopération est-elle également plurielle ? A-t-elle adopté pour son intervention une configuration à "géométrie variable" qui lui permet de prendre en considération  la diversité, donc la pluralité, des demandes sociales  et d'y répondre d'une manière qui ne lui fasse pas perdre le sens de ses propres valeurs, tout en les enrichissant fortement [6] ?

 

En conséquence, un bilan de notre politique de coopération dans le domaine judiciaire doit évaluer la capacité à aménager la diversité et la pluralité des situations et des conflits dans l'unité d'une politique et d'une organisation judiciaires.

 

Cette démarche rencontre nécessairement des contradictions et suppose tout aussi nécessairement des choix puisqu'il s'agit de politique.

 

Ces contradictions ont été ou sont encore vives ou fortes car on retrouve ici l'opposition tradition/modernité, la diversité étant associée à la tradition (celle de la France de l'ancien régime) et les idées d'unité puis d'égalité par l'uniformité à la révolution moderne. En particulier, l'idée que l'uniformisation est le seul moyen d'assurer l'égalité des statuts est fortement ancrée dans nos croyances et en discuter les limites sans verser dans une conception élitiste ou aristocratique est délicat. Lever ces contradictions représente pourtant maintenant un enjeu considérable que l’on désigne sous la notion d'Etat de Droit[7] et où se mesure le degré de démocratisation et d’efficacité de l’organisation judiciaire.  C'est donc cette référence à l’Etat de Droit qui nous servira de repère dans la suite d'une investigation qui s'inscrira d'abord dans le précédent colonial pour  mieux en apprécier l'héritage et selon une préoccupation : depuis les Indépendances, cet héritage a-t-il été repensé, intégralement reconduit ou accepté sous réserve d'inventaire ?

 

On aura donc compris que plutôt qu'un procès en sorcellerie de la Coopération et de ses acteurs (les coopérants juristes et magistrats), notre démarche s'apparentera à un plaidoyer pour une innovation institutionnelle et pour une ouverture de notre coopération judiciaire à cette demande d'une justice plurielle[8]. Tout en s'efforçant de valoriser les aspects les plus ouverts ou les plus généreux de notre politique de coopération dans ses évolutions récentes, notre diagnostic aboutira aussi à une évaluation regrettant que le capital de connaissances des situations et des cultures qui fait l'originalité de notre ancrage africain pluriséculaire soit stérilisé par des solutions qui relèvent trop souvent du "prêt à penser" de la Banque Mondiale et d'une conception de la Justice "à l'américaine" qui s'inscrit dans une conception protestante et puritaine qui fut, comme l'a montré Max Weber, au fondement du capitalisme mais qui reste doublement étrangère à des  sociétés africaines peu capitalistes et superficiellement christiannisées.

 

 

 

 

1

 

 Repères historiques et anthropologiques :

 La colonisation enfermée dans une organisation judiciaire dualiste où un Etat de Droit est impensable

 

          Pour comprendre les problèmes immenses relatifs à la coopération judiciaire, depuis le début des années soixante, il est indispensable de rappeler comment on a posé la question judiciaire  durant la période coloniale et quels choix étaient privilégiés au moment  des indépendances.

 

L’Afrique “ française ” a en effet vécu une très large part de l’époque coloniale sous l’empire de la constitution de la III° République et a été administrée sous la responsabilité directe et personnelle du chef de l’Etat, le Président de la République française  qui confondait sur sa personne les fonctions exécutive et législative. Il en fut de même pour le Congo du temps de l’Etat indépendant du Congo, propriété personnelle du souverain belge.

 

Trois principes d’organisation nous permettent de mieux comprendre en quoi l’Afrique était régulée de manière dérogatoire à l’Etat de Droit métropolitain  et, en particulier, aux principes de séparation des pouvoirs et de formulation de la règle de droit de manière générale et impersonnelle préalablement à son invocation devant une juridiction :

- le régime de l’indigénat,

- l’organisation judiciaire dualiste,

- l’application d’un droit coutumier résultant de l’invocation de la “ coutume ” par l’administrateur territorial présidant les juridictions indigènes de son ressort  et sous réserve de “ l’ordre public colonial ”.

 

La confusion est opérée entre l’éxécutif et le judiciaire pour le régime de l’indigénat ou le législatif et le judiciaire pour la création “ prétorienne ” du droit coutumier  par l'administrateur.

 

 

 

 

1.1.  La justice coloniale et le régime de l'indigénat

 

Nous devons à une jeune juriste et historienne du Droit, Frédérique Pie, une redécouverte d’une institution qui “ institue un pouvoir disciplinaire de l’administration [9]. Son origine repose sur un sénatus-consulte du second Empire applicable à l’Algérie et consistant “ à donner aux autorités administratives des colonies le droit de frapper les sujets de sanctions pénales sans en justifier devant une autorité judiciaire ”. Les sujets sont dans les textes de l’époque les non citoyens, le contraire de ceux qui bénéficient des droits civils et politiques...

 

“ Le décret du 30 septembre 1887 définit l’indigénat comme un ensemble de mesures exceptionnelles et rapides, visant à être efficace (...) l’exécutif et le judiciaire se confondant pour le fortifier. Il s’applique d’abord au Sénégal puis fait son apparition en Afrique équatoriale sous la forme d’un arrété du lieutenant gouverneur de l’Oubangui Tchad en date du 12 février 1902 qui établit une liste de 37 infractions devant être soumises au régime pénal de l’indigénat ”.

 

Les années suivantes la réglementation se précise et en 1910 le régime a trouvé une “ vitesse de croisière ” qui sera atténuée dans les années trente pour être finalement aboli en 1945 et 1946 à la suite des recommandations de la conférence de Brazzaville et des observations antérieurs restées sans effet des organes de la Société Des Nations (SDN) pour les territoires sous mandat.

Le commentaire d’un arrété de 1908 , applicable au Congo et dépendances permet de mesurer l’effet pernicieux de cette forme arbitraire d’ ”administration ” de la justice :

 

“ Il stigmatise tous les faits qui peuvent représenter une gêne pour l’exploitation économique, un danger pour la domination politique, un risque pour l’ordre social, la plupart des infractions pouvant être classées dans plusieurs catégories simultanément(...) Il organise par ailleurs un système de répression rapide , systématique et efficace visant à matérizaliser l’omniprésence et la permanence de la censure  de manière à entrainer une sorte de réflexe conditionné, et surtout à éviter toute “ contagion ” de comportements directement contraires aux nécessités immédiates imposées par l’ordre colonial(...) ”. Ces représentations et ces effets pernicieux ont eu leur paroxisme dans le Congo belge depuis la création de l’Etat du Congo et justifient une remarque de J.-C. Willame à propos de la basilocratie et du culte “ mobutuesque ” du chef : “ la crainte, l’obéissance et la soumission qui ont pesé sur des générations de Congolais relèvent donc du temps long de l’histoire[10].

 

Par contre, l’application d’une législation pénale respectueuse des principes de séparation des pouvoirs et autorisant l’idée d’un Etat de Droit se situe dans le temps court de l’hisoire : introduit par décret du 19 novembre 1947, le code pénal d’outre-mer n’est appliqué qu’une dizaine d’années et encore de manière sélective, sous réserve des exigences de l’ordre public.

 

 

1,2 - La justice duale  sous l'administration coloniale française

 

          L'organisation judiciaire de la période coloniale se caractérisait, en Afrique francophone, par la dualité des juridictions. Cette dualité résultait de la dualité du statut des personnes (de droit local et de droit français) et de la dualité du droit (coutumier et écrit). A ce premier dualisme, s'ajoutait la dualité des juridictions administratives et judiciaires à l'instar de la métropole.

 

          En effet, au fur et à mesure de leur installation en Afrique, une question fondamentale s'était posée aux Européens : fallait-il établir un ordre unique de juridictions auxquelles seraient soumis tous les litiges quel que soit le statut des plaideurs et quel que soit le droit qui pouvait leur être appliqué, traditionnel ou moderne ? A cette question s'ajoutait celle de savoir si ces juridictions seraient composées uniquement de magistrats de carrière ou comprendraient des juges coutumiers. Fallait-il, au contraire, prévoir deux sortes de juridictions : des tribunaux de droit moderne composés de magistrats professionnels et des juridictions de droit traditionnel formées de juges choisis selon leur connaissance des droits locaux ?

 

          Les législateurs européens ont, en vérité, beaucoup hésité ; ils ont refusé initialement  de faire table rase du passé et ont opté, non sans de nombreuses tergiversations, pour une solution intermédiaire : d'une part, ils ont décidé d maintenir les juridictions indigènes, d'autre part, ils ont créé des juridictions de droit écrit.

 

En 1905 en AOF et en 1910 en AEF, remarque F. PIE, s’opère un changement qualitatif : “ la prise en charge par l’administration coloniale de la régulation sociale du droit commun marque un net changement de la philosophie de l’intervention juridique. En effet, elle réintroduit, de manière visible, la dimension <humanitaire et civilisatrice> de la colonisation, au-delà de l’aspect strictement utilitaire, soutenue en cela par les idées de supériorité du droit européen, de despotisme et d’arbitraire (ou au contraire d’absence totale d’autorité) des chefs traditionnels, de primitivité archaïque et de cruauté des coutumes africaines tant sur le plan du droit que de la justice. Elle accentue aussi la volonté de la France de réduire au maximum l’autorité des chefs traditionnels... “ (1989-27).

 

Le dualisme de la Justice  s’exprime sur “ le plan des instruments juridiques. Celle-ci utilise en effet deux droits : les coutumes dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux principes de civilisation française et la loi française dans les domaines non réglés par la coutume ou quand la coutume est inacceptable.

Elle comprend aussi deux régimes procéduraux : maintien de la conciliation, de certaines techniques d’enquête traditionnelles, de certains rituels de justice et introduction de moyens procéduraux français.

Elle s’organise enfin selon un système d’échevinage dans les tribunaux de circonscription qui se composent d’un administrateur français (président) et d’assesseurs indigènes. Ces tribunaux ont en matière répressive connaissance de toutes les atteintes portées aux personnes et aux biens par des personnes ou au préjudice de personnes non justiciables des tribunaux français ” (PIE, 1989-28).

 

Malgré des réformes ultérieures (principalement en 1932) le recours à l’institution judiciaire est adultéré. L’Africain s’est détourné d’une Justice galvaudée. F. Pie écrit ainsi : “ à une justice hybride, mal comprise (...), mal perçue (...) n’ayant ni crédibilité ni légitimité aux yeux des justiciables, se substitue de fait la permanence d’une justice “ authentique, occulte, clandestine ou du moins officieuse ” (1989-29). Cette remarque reste valable pour certains pays, telle la République centrafricaine jusqu'à la période contemporaine[11]. F. PIE donne pour principale raison l’ethnocentrisme du colonisateur. “ Cet ethnocentrisme dans l’interprétation du droit africain ajouté à l’hétérogénéité des sources techniques et des finalités lui fait perdre toute cohérence et se trouve à l’origine d’un schisme, ou plutôt d’une dualité de la pratique juridique dont les conséquences sont encore vivaces aujourd’hui ” (Ibidem). Cet ethnocentrisme trouve principalement à s’exprimer dans la création du droit coutumier.

 

1.3  - La création du Droit coutumier.

 

L'Afrique est multiple et voit foisonner une multitude de groupes sociaux régis chacun par des coutumes propres qui assurent son identité et sa pérennité. Davantage que ces coutumes particulières, c'est l'esprit de la coutume qui est digne d'intérêt ici. Mais, pour traduire cet esprit, il est nécessaire de considérer l'usage de la coutume dans le règlement des conflits.

 

          Dans le souci constant de maintenir la cohésion du groupe, il importe d'apporter à chacun, lors de la résolution des conflits, un minimum de satisfaction. Cette volonté procède de la nécessité de renforcer les liens qui rattachent entre eux les individus au sein du groupe et en l’absence d’un principe de cohésion extérieur et supérieur qui, dans les sociétés judéo-chétiennes fut Dieu puis l’Etat (principe de primauté des facteurs d'internité sur  la recherche d'une causalité externe).

 

Il est primordial, en effet, que l’individu soit intégré au groupe et qu'il en ait conscience pour pouvoir investir son énergie dans l'intérêt de tous. Le sentiment de son appartenance à la communauté sera renforcé par la conscience de la "sécurité juridique" qui y règne. Car la nécessité d'aboutir à un consensus garantit à chacun la prise en considération de ses prétentions propres et le respect de son statut juridique. La conviction joue aussi qu'une solution bonne pour la communauté ne peut être réellement désavantageuse pour un particulier puisqu'il appartient à celle-ci.

 

          Les conflits sont résolus d'après les précédents judiciaires transmis oralement. Les "juges" sont en fait des jurisprudents, donc le plus souvent les "anciens" du groupe qui ont une expérience particulière de la justice coutumière. L'objectif à atteindre étant la cohésion du groupe à partir d'un mouvement de structuration interne, issu du "bir u keur, du ventre de la communauté familiale comme disent les Wolof du Sénégal, la justice coutumière repose sur un "ordre" (comme ordonnancement social) plus "négocié" qu'imposé. Ainsi, et à la différence de la Justice occidentale, la justice africaine ne correspond pas à un jeu à somme non nulle (je gagne, tu perds), mais à un jeu à somme nulle (je gagne, tu gagnes). La procédure a lieu d'habitude sous un arbre ou en tout lieu inspirant les sentiments de pacification et d'écoute de l'autre. Souvent des proverbes, des contes et/ou d'autres documents oraux sont cités pour donner plus de force aux arguments utilisés. C''est en effet à partir de cette structure argumentative qu'on découvrira le paradigme judiciaire invoqué, c'est à dire les modèles de conduite et de comportements que la société juge, à un moment donné, pertinents pour assurer la pérennité des rapports communautaires[12]. Faute de percevoir la cohérence de cette démarche négociant la cohésion future du groupe, on dénommera ce type d'instance une "palabre" au sens de "discussions interminables et oiseuses" (Robert, 1967, 1219).

 

La coutume ainsi entendue peut être définie comme “ les manières de dire les manières de faire pour assurer la reproduction et la perennité du groupe ”. La coutume repose principalement sur un ou des modèle(s) de conduite  et de comportements qui sont proposés à l’observance des membres. Ainsi, la coutume n’est pas spécialement juridique ou judiciaire et c’est sur la base de leurs références métropolitaines que les administrateurs des colonies ont tenté puis imposé la métamorphose de la coutume en Droit coutumier. En France , la coutume ayant fait l’objet d’une “ absorption” en trois temps (rédaction au XV° siècle, compilation aux XVII° et XVIII° siècles, abrogation  au XIX°) on s’efforce de réaliser en une trentaine d’années en Afrique l’équivalent de quatre siècles d’uniformisation progressive assuré par les juristes français pour aboutir au Code civil. C’est donc le modèle civiliste qui servira le travail de rédaction et de compilation, principalement entre 1932 et 1937, et dont l’essentiel des résultats, les "coutumiers juridiques de l'AOF", publiés en trois volumes aux éditions Larose en 1939 est particulièrement navrant.

 

“ En aucun cas il ne conviendra (...) de prendre le droit coutumier pour l’authentique droit africain. Il s’agit seulement du droit appliqué dans les tribunaux indigènes et recueilli pour les besoins du système colonial ” [13].

 

1,4 - L'héritage colonial de la justice en Afrique, au moment des indépendances : autorité, unité, uniformité & centralité

 

Nous possédons, par une étude d'un de ses acteurs, Michel Jéol, un témoignage direct des conditions intellectuelles et politiques qui ont présidé au transfert de compétences.

 

En effet, la IV° République a été l'occasion d'une part d'instaurer, pour une trop brève période, un certain "Etat de Droit" en Afrique au sud du Sahara et d'autre part de redécouvrir les mérites d'un Droit coutumier apte à mieux encadrer que le Code Napoléon une évolution  inéluctable mais devant être négociée. Ainsi, mais ce ne fut pas une attitude générale, certains administrateurs des colonies (J.-C. Froelich, Y. Person, J. Colin) découvrent-ils les techniques du Droit traditionnel (à la suite de Labouret ) et des magistrats ou professeurs de Droit (Robert, Chabas, Lampué, voire Gonidec et Luchaire) la justice traditionnelle et le droit coutumier.

 

Le décolonisation favorise l'expression des personnalités et la prise en compte des diverses sensibilités, voire des particularismes du coté des anciens colonisateurs. Il n'en fut pas de même du coté des anciens colonisés car les hommes de coutumes se transformèrent, sous l'effet de cinquante ans de politique systématique de dénaturation du droit originel africain, en légistes, en codificateurs, voire en autocrates.

 

Michel Jéol écrit ainsi : "Pour des considérations d'ordre financier mais aussi d'ordre juridique et social, il apparaît, en effet, que la seule solution satisfaisante au problème de la justice coutumière doit être trouvée dans la fusion des deux ordres de juridiction que le législateur colonial avait organisé séparement  pour des raisons qui ont pu apparaître légitimes mais qui sont aujourd'hui dépassées". On assiste donc à la "suppression des juridictions de droit traditionnel"[14]. Pour assurer l'autorité de l'Etat nouveau, on suppose que l'unité nationale ne peut reposer que sur une unité de juridiction et que seule l'uniformisation de l'organisation peut garantir un tel dispositif. Mais, ce faisant, on renforce les tendances centralisatrices qui favorisent l'autoritarisme, lequel débouchera sur des formules autocratiques contraires à l'idée d'Etat de Droit. Notre coopération est alors globalement favorable à une telle évolution.

 

Malgré quelques mises en garde, telle cette "prière à Thémis pour l'Afrique" du doyen de Cottignie publiée dans Les annales africaines de la faculté de Droit de Dakar en 1961, le mimétisme unitaire va l'emporter et, au lendemain des indépendances, les systèmes judiciaires occidentaux vont servir de modèles pour l'organisation de la justice dans les nouveaux Etats d'Afrique. Cette organisation est, quasiment partout, une copie de celle de l'ancienne puissance coloniale qui inspira, stimula et orienta les rédacteurs africains des réformes judiciaires, eux-mêmes victimes de leur formation universitaire occidentale.

 

 

2

 

La difficile transposition d'une "justice administrée" coloniale en une "coopération judiciaire"

 

          La coopération, mise en place par le général De Gaulle, était censée promouvoir le "développement" d'Etats "modernes" en Afrique. Sur le plan juridique et judiciaire, elle se traduisait concrètement par la mise à la disposition de ces Etats d'un personnel d'assistance technique. La présence de magistrats français aux côtés des législateurs africains n'a fait que renforcer le mimétisme. Cela n'était pas étonnant. Car, la tendance naturelle de ces experts était de faire bénéficier les Etats africains de ce qu'ils croyaient être le meilleure droit possible, c'est-à-dire celui de leur propre pays. Au Sénégal par exemple, dans le cadre d'une recherche sur la justice des mineurs financée par le Ministère (français) de la justice et intervenant en février 1988, à la suite d'émeutes urbaines assez violentes, nos deux principaux interlocuteurs "sénégalais" furent un ministre d'Etat ancien administrateur colonial (Jean Colin) et un directeur (coopérant français) des Affaires criminelles et des grâces du ministère (sénégalais) de la Justice. S'ils exprimaient l'un et l'autre une grande compétence et un très rare sens du service public (et sous réserve d'un jugement quant à la portée politique de la gestion de Jean Colin), ils ne pouvaient ni l'un ni l'autre exprimer les demandes de Droit et de Justice émanant des Africains et vérouillaient trop, au moins par leurs personnalités, le système judiciaire.

 

Cette coopération de substitution, plutôt paternaliste et fondée sur les compétences procédurales des magistrats désignés à des postes d'autorité ou à des fonctions de jugement plutôt que de conseil et de formation, durera jusqu'au début des années quatre-vingt dix. La réforme du ministère français de la coopération en 1993 avec la création du bureau de l'Etat de Droit au sein de la sous direction du développement institutionnel viendra en modifier l'inflexion.

 

 

2,1 - Demandes de justice et accès au Droit dans les années soixante à quatre-vingt

 

          Les législateurs africains, dans leur oeuvre de "modernisation" des sociétés africaines, ne sont parvenus qu'à des résultats médiocres. L'appareil juridictionnel, en Afrique, se révèle inapte à remplir la fonction qui lui revient dans les Etats modernes, celle d'assurer la résolution officielle et définitive des conflits entre sujets de droit. Déjà handicapée par sa (trop) grande proximité avec le pouvoir, la justice éprouve des difficultés à s'insérer dans son environnement, surtout lorsqu'il est rural. Outre des facteurs propres qui font déserter les palais de justice (éloignement, frais de justice, langues usitées, corruption...), la conception même de procès contribue à éloigner le justiciable de la justice : depuis l'époque précoloniale, ainsi que nous l'avons rappelé, la justice en Afrique est conçue comme une fonction de conciliation, son rôle ne consistant pas à régler un litige en fonction de la règle de droit applicable au cas d'espèce mais à préserver l'équilibre de ceux des groupes sociaux impliqués dans le litige. Or, déjà peu prise en compte par l'organisation judiciaire "moderne", cette préoccupation s'est estompée au profit d'une autre, la fonction répressive.

 

          En conséquence, l'appareil juridictionnel de l'Etat ne connaît que d'un petit nombre de litiges ; les citoyens préférant soit saisir d'autres autorités politiques et administratives ou traditionnelles ou religieuses, soit recourir à d'autres mécanismes tels l'arbitrage ou la conciliation, soit encore s'abstenir de tout recours et vivre avec son conflit comme on vieillit avec une ancienne douleur.

 

          Il résulte de ce qui précède que se développent partout des expériences de médiation des conflits, hors du Droit officiel.On parlait à la fin de la décennie "80" d'une "redécouverte"[15] de la médiation. On parlerait maintenant plutôt de permanence d'une justice fondée sur un "Droit" devenu  "hors la loi", selon une distinction anglaise , law outlaw.  Ces expériences sont le plus souvent initiées par des "figures d'autorité", au sein des "forums de négociations". Certains de ces forums sont institués sur un mode traditionnel. C'est notamment le cas des "guurti" en Somaliland, présidés par des anciens (elders) qui s'efforcent à arracher les jeunes "mooriyans" des bandes armées et d'une "culture de pillage" pour les mobiliser pour une culture de paix.

 

          D'autres arènes de confrontation et de négociation exotériques autant qu'ésotériques (groupes charismatiques, sectes, francs-maçons, etc.), formelles et informelles, offrent l'espoir de résoudre le conflit sur une base négociée et satisfaisante.Elles se multiplient  partout sur un mode communautaire et à travers la prolifération des tontines, des réseaux d'acteurs ou des transferts aux populations de la gestion des collectivités (décentralisation) ou des ressources (gestion patrimoniale).  Ces formes de détournement ou de contournement, voire d'évitement de la justice moderne expliquent largement le délabrement de l'institution judiciaire au début des années "90".

 

 

 

 

 

2,2 - La décennie "90" et le délabrement  de l'institution judiciaire.

 

Une enquête réalisée par l'Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT) en 1994 en vue de la conférence des ministres francophones de la justice tenue au Caire du 30 octobre au 1° novembre 1995 propose des données statistiques[16] qui justifient des conclusions pessimistes, non publiées, d'un des rapporteurs généraux africains, Ousmane Batoko :

 

"la coopération juridique et judiciaire(...) est devenue l'une des missions sinon la mission la plus complexe et la plus délicate que l'agence s'est jamais vue confier depuis sa création il y a vingt ans.

En effet, si la matérialité de certains autres domaines d'intervention (...) est de préhension relativement aisée, il n'en est pas de même pour "le Droit au service du développement et de la démocratie". Certes, on saisit facilement ce que peut contenir une "malette juridique" ou un "envoi général de documentation juridique et judiciaire". Certes, on peut savoir le nombre de magistrats, d'avocats, de greffiers et autres auxilliaires de Justice dont dispose ou dont a besoin un pays. Mais que représentent ces éléments matériels et statistiques, et à quoi pourraient-ils servir :

-devant le dénuement quasi-total dans lequel se trouvent les Etats concernés et face à l'immensité  de leurs besoins de tous ordres, les uns aussi prioritaires que les autres et qui, dès le départ, donnent un sentiment d'impuissance totale?

- devant les difficultés actuelles à concilier harmonieusement la volonté de modernisation institutionnelle des Etats et le soubassement culturel traditionnel de leur environnement social et culturel ?

- grâce aux atermoiements et aux remises en cause brutales des processus politiques dans certains pays (...) malgré les espoirs -et les enthousiasmes- suscités , et en dépit des efforts déployés par la communauté internationale pour les engager et les soutenir sur les chemins de la démocratisation ?"[17]

 

Ce document évoque, entre autres, une coopération en publications, le besoin des malettes juridiques permettant d'imaginer l'extrème pauvreté dont souffrent les services de la justice qui dépendent, faute de machines à écrire, de l'intervention de l'ACCT pour saisir les textes de loi ou les décisions de justice [18].

 

Mais, surtout, ce document fait état, avec beaucoup de diplomatie, de l'abime existant entre le droit proclamé et le "soubassement culturel" des populations.

 

Trente cinq ans après les indépendances, un tel fossé entre les offres et les demandes de justice  pose problème par sa permanence et son intensité, créant une schizophrénie collective chez les juristes (et bien d’autres citoyens), dans la mesure où cette maladie est définie par "une ambivalence des pensées, des sentiments, une conduite paradoxale, la perte du contact avec la réalité".

Chacun sait, magistrat africain ou coopérant français, que la situation est inacceptable et constitue un déni de Droit, car nul n'est plus censé ni connaître ni appliquer le Droit de l'Etat.  On reconnaît, toujours en privé, qu'une rupture forte devrait intervenir mais on n'ose pas rompre avec l'idéologie développementaliste, tant on continue à croire dans la supériorité du modèle judiciaire et (implicitement) de la civilisation qui lui a donné naissance.

 

Par exemple, un autre rapport général de la conférence du Caire, relatif aux "Institutions et mécanismes contribuant à la consolidation de l'Etat de Droit et à la protection des Droits de l'homme en matière de Justice" (Paris, avril 1995) suggère principalement "d'assurer la promotion et la vulgarisation des droits auprès des populations" (p. 17) . Le rédacteur ne s'interroge pas sur le contenu du message mais sur les seules modalités de conversion à la nouvelle idéologie. La mentalité du missionnaire juridique colonial n'a décidément pas disparu.

D'autres approches de la Justice, donc de la coopération judiciaire, existent. Avant de les évoquer, appréhendons ces axes de la réforme institutionnelle de 1993 et des nouvelles offres de la coopération française.

 

 

 

2,3. - La politique actuelle

 

On distinguera les options politiques et leurs applications pratiques, moins pour identifier de possibles contradictions que pour apprécier des évolutions positives de ces pratiques malgré l'incohérence des (hommes) politiques.

 

Les options politiques

 

On a déjà indiqué que la réforme de la coopération judiciaire se situait dans l'orbite de la création d'un  "bureau de l'Etat de Droit". Cette évolution est, elle-même, à resituer dans l'émergence du "développement institutionnel" comme principal enjeu de notre coopération et comme sous-direction principale dans l'organigramme du Ministère de la Coopération. Comme le dit malicieusement un intellectuel africain, la France peut proposer  une coopération et assoit son leadership en Afrique par la vente ou le service après-vente de deux produits, la francophonie et ses institutions étatiques, dont font partie, au premier chef, la justice et la codification du Droit. Mais, l'émergence d'un bureau dont l'appellation officielle est "bureau de l'Etat de Droit et des libertés publiques" s'inscrit aussi dans un processus plus complexe, marqué par la démocratisation bien connue d'un certain nombre des régimes mais également par un besoin de sécurité, individuel etcollectif, dont on s'est fait l'écho par ailleurs[19]. De ce fait, la coopération ne saurait se limiter

aux seules institutions étatiques et doit intégrer la "société civile", tout en sachant par ailleurs que la notion de société civile n'est guère mieux définie que la notion d'Etat de Droit. Ainsi, les critères de détermination de l'inclusion, localement,  de certaines forces sociales dans la société civile est plutôt laissée à la très large appréciation des chefs de mission ou des conseillers en poste en Afrique. De même en est-il des financements de leurs activités.

 

Un autre axe principal du bureau de l'Etat de Droit est de privilégier certaines fonctions essentielles et de concentrer sa coopération sur ces fonctions. Cette option s'inscrit dans une évolution générale de la  coopération bilatérale et multilatérale qui cherche à "recentrer l'Etat sur ses fonctions essentielles" sans clarifier ou approfondir la question[20]. L'organigramme interne du bureau (dont le sigle IDL condense les notions d'Institutionnel, de Droit et de Libertés) met en évidence les fonctions  privilégiées en 1995 :

 

- la coopération juridique et judiciaire,

- la coopération documentaire, en particulier mobilisée autour de la constitution de banque de données et de la concrétisation du traité de l'OHADA[21],

- la coopération parlementaire et gouvernementale, l'organisation des élections  et les Droits de l'homme,

- la coopération administrative,

- la coopération policière et la sécurité civile.

 

Présentant ces grandes orientations, le chef de bureau en commente les implications en reconnaissant qu'il y a des secteurs qui ne sont en Afrique guère favorables à une coopération, spécialement tout ce qui concerne la justice traditionnelle, ce qui, dans les faits, réduit considérablement l'impact de la coopération judiciaire et risque d'en faire une coopération profitant aux populations urbaines, lettrées, voire fonctionnarisées. Même si le secteur urbain se développe fortement, l'idée d'une justice "à deux vitesses" et d'une coopération privilégiant une minorité vont à l'encontre des valeurs affichées par nos politiques judiciaires en Métropole.

 

Par ailleurs, une autre difficulté tient à la nécessité de résister "aux pressions amicales" en vue de transférer purement et simplement l'ensemble du dispositif institutionnel à la française en l'absence de moyens financiers et d'un personnel formé et disponible, (ainsi dans le domaine des juridictions administratives), voire d’une demande de ce type de justice par les citoyens, comme le révèlent nos enquêtes guinéennes que nous évoquons plus loin.

 

 

Les pratiques

 

Reprenons l’analyse de trois directions qui méritent une attention particulière : l'assistance technique, la formation et la documentation.

 

.L'assistance technique

 

L'assistance technique en matière de justice revêt trois formes différentes :

 

          - l'expertise française pour des questions ponctuelles (nous avons peu d'informations directes sur ce domaine qui implique principalement la coordination des autres activités par les fonctionnaires de la « centrale » de la rue Monsieur),

          - la  participation à la formation de magistrats et auxiliaires de justice  dans les Ecoles nationales d'Administration et de la Magistrature, spécialement par l'envoi de documentation, la programmation des formations...,

          - l'envoi des conseillers résidents auprès des ministres de la Justice.

 

En 1995, sur un personnel d'assistance technique de 78 personnes relevant du bureau, onze magistrats étaient en détachement en Afrique[22] alors que les services de police et sécurité civile  comprenaient cinquante coopérants. On peut également relever que pour le secteur de la coopération judiciaire, en 1995, le montant des crédits engagés pour la réalisation de projets était de soixante millions deux cents mille francs, soit 22,2% du total des crédits affectés au bureau. Ces crédits se montaient  à 271,7 millions de francs pour 36 projets dont 17 concernant la police et la sécurité civile (pour 47,1% du total des crédits).

 

La formation en France

 

          La création au sein de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM, Bordeaux)  d'une section internationale s'inscrit dans le cadre d'accords d'aide et  de coopération qui mettent en présence la France et différents partenaires au premier rang desquels se situent les pays francophones d'Afrique.

 

          La formation est organisée sous forme de directions d'études, qui correspondent aux fonctions existant dans une juridiction française. Cette organisation qui répond à la préoccupation de préparer "techniquement" les auditeurs est complétée par des conférences et des séminaires dont les thèmes diversifiés constituent un ensemble d'informations et nourrissent une réflexion en rapport avec la future profession de magistrat.

 

          Toutefois c'est le stage en juridiction qui sera pour l'auditeur l'occasion de mettre en oeuvre le savoir qui reste quelque peu abstrait. C'est donc le modèle français qu'il expérimentera et qu'il sera implicitement chargé de transférer à son retour en juridiction en Afrique.

 

 

La documentation

 

          Le ministère de la Coopération met à la disposition de ses partenaires de nouveaux moyens en matière de documentation fondamentale et de documentation moderne. En 1995, sur un total de projets FAC d'intérêt général ou Inter-Etats de 48 millions de francs, le bureau a affecté douze millions aux banques de données juridiques et judiciaires, deux millions à la documentation des magistrats africains pour "l'aide à la décision juridique" et 10 millions pour la concrétisation du traité de l'OHADA précité.  En outre, une part des six millions affectés à l'ACCT semble utilisée pour des fins de documentation, selon les informations dont nous disposons par ailleurs.

 


 

3

 

Pour une nouvelle politique de coopération

en matière de justice

 

Il est temps maintenant de tenter  un bilan et d'introduire les perspectives d'avenir de la coopération judiciaire.

Par rapport à des précédents coloniaux  marqués par des dérives autoritaires et administratives, la politique de coopération n'a vraiment évolué que ces toutes dernières années et d'une manière plutôt hésitante , tant le poids des relations politiques (ou financières) entre Etats ou entre chefs d’Etat s'impose aux choix des coopérants.

 

Si on se réfère au principal critère proposé dans l'introduction générale, la prise en compte de la diversité des situations et de la pluralité des modes de réglement des conflits n'est que très exceptionnelle car, au contraire, toute la tradition intellectuelle et politique française plaide pour l'universalisme et son corrolaire l'uniformisation. Tout ce qui relève du droit traditionnel et des modes endogènes de réglement des conflits est donc ignoré par notre coopération judiciaire.

 

L'échec de notre politique passée de coopération judiciaire est donc, sous cet angle, réel  mais doit être relativisé. Le défi de la période qui s'ouvre devant nous est en effet moins de revaloriser les différences au risque de survaloriser les oppositions régionales ou ethniques que de favoriser une articulation, un métissage ou une complémentarité entre deux exigences qui se révèlent nécessairement dialectiques : l'inévitable mondialisation ouvrant l'Afrique à l'économie internationale et au concert des nations,  et l’indispensable prise en compte des spécificités culturelles permettant aux  innovations de prendre racine dans le terreau civilisationnel endogène. Pas d'avenir pour l'Afrique si elle ne lève pas cette double hypothèque.

 

C'est dans la mesure où ce défi peut (ou ne peut) être relevé que notre coopération apparaîtra pertinente ou inacceptable pour les Africains. Or nous pensons que, parmi toutes les coopérations bilatérales ou multilatérales, seule  la coopération française peut relever un  tel défi.

 

 

3, 1. Bilan  de la politique de coopération

 

          Considérée globalement, la coopération judiciaire s'inscrit largement dans une logique institutionnelle et ne prend pas en considération les besoins et attentes des Africains. En d'autres termes, la coopération judiciaire tourne le dos à l'Afrique réelle qui, elle, fonctionne en dehors de l'Etat et de ses institutions. De nombreux travaux de chercheurs africains et africanistes mettent pourtant en évidence cette contradiction de l'Afrique officielle par l'Afrique réelle. L'Etat de Droit, qui est souhaité par la grande majorité des Africains, n'est pas possible si le Droit proclamé n'est ni conforme aux valeurs effectivement pratiquées en Afrique ni respecté par les élites et respectable par le plus grand nombre. Une autre dimension du grand défi que les politiques judiciaires étatiques ont à relever consistera à rendre compatibles les deux Afriques. La coopération devra aider les Etats dans cette nouvelle direction.

 

          En revenant sur les trois directions que prend la politique française de coopération judiciaire, trois observations peuvent être faites :

 

          L'assistance technique : si l'expertise ponctuelle et la présence des spécialistes français dans les centres de formation des magistrats et auxiliaires de justice peuvent sembler justifiées, il n'en est pas de même pour la présence des conseillers résidents au sein des ministères de la Justice. Trente cinq ans après les indépendances, les Etats africains ont suffisamment de cadres formés et susceptibles de remplir la fonction de conseiller du ministre et avec des exigences financières réduites . On doit donc rompre avec le confort de la « perfusion » du modèle judiciaire et rattacher les coopérants aux missions d’aide et de coopération

 

 

La formation (entre l'ENM en France et les séminaires nationaux)

 

Cette formation ne peut vraiment être bénéfique que si elle ne contribue pas à renforcer le mimétisme. A Paris, la collaboration entre l'ENM et les organismes de recherche susceptibles de répondre aux besoins de formation des magistrats à la réalité africaine ne s'opère que  de façon discontinue et superficielle faute de pouvoir sortir des sentiers battus .

 

Inversement, le projet "appui à la réforme du système judiciaire" signé en 1993 entre le Sénégal et la France apparaît exemplaire car il débouche très vite sur une double innovation dans les domaines de la formation des magistrats et de para-juristes.

 

Une formation spéciale des magistrats est instaurée au sein d'un Centre de Formation Judiciaire (CFJ) chargé de la formation initiale et continue des magistrats et greffiers. Comme le note un rapport de 1995, grâce à un tel centre "la formation judiciaire est l'affaire des juges et l'expression, par là même, de la spécificité et de l'indépendance de la magistrature au sein des institutions étatiques".

 

Le même rapport indique le développement d'une formation de para-juristes assurée par le Comité Africain pour le Droit et le Développement (CADD-Sénégal) en 1995 dans la région du Sénégal Oriental et le financement d'un séminaire de formation. L'auteur souligne que "cette rencontre a permis à des magistrats exerçant à Dakar mais également à des présidents de tribunaux départementaux, à des universitaires, à des responsables des Eaux et Forêts d'être confrontés à une population passionnée par les problèmes de Droit qui se sont avérés être ceux de son quotidien".

Pour qui veut bien lire entre les lignes, les éléments d'espoir sont au moins autant à trouver dans l'expérience de la formation de para-juristes que dans la professionnalisation des magistrats.

 

          La documentation

 

          L'envoi des documents fondamentaux et revues aux cours, tribunaux et ministères de Justice est important. Mais le contenu renforce le mimétisme dans la mesure où  sont expédiées des revues "du nord" alors qu'il faudrait publier et commenter les décisions de juridictions "du sud". Paradoxalement, les magistrats africains ne connaissent que les décisions des hautes juridictions de l'ancienne puissance coloniale et il n'est pas rare d'y référer explicitement dans le corps des commentaires d’arrêts[23]. Par ailleurs, la plupart du temps, les différents documents sont détournés et se retrouvent dans des bibliothèques privées de certains responsables. Aussi, il est souhaitable que la coopération prenne des mesures propres à assurer une utilisation optimale de la documentation nécessaire aux magistrats et aux personnes auxiliaires de justice. Pour ce faire, la création des Centres nationaux de documentation juridique et judiciaire est souhaitable.

 

 

3.3.  pour une coopération rénovée

 

          Dans le point précédent, nous avons noté que la coopération devrait aider les Etats à rendre compatibles le réel juridique et le Droit proclamé. En d'autres termes, elle devrait aider les Etats à mettre en oeuvre des réformes pour mieux répondre aux attentes de la population dans le domaine judiciaire. Mais tout d'abord, quelles sont ces attentes ?

 

 

 

- Les besoins et les attentes des populations africaines en cette fin du XX° siècle

 

          Ils sont nombreux. Pour ne pas nous perdre dans des considérations trop générales, reprenons ceux que nous avons recensés en Guinée, en mars 1996 :

 

          1. Une justice équitable et impartiale dans son rôle d'arbitrage et non au service de quelques individus ;

          2. Une lutte ouverte contre la corruption, les détournements et le despotisme ;

          3. Un choix judicieux des juges et des fonctionnaires selon leur mérite, leurs expériences et leur "patriotisme" ;

          4. Une équité dans la répartition des revenus par préfecture, par région, selon les professions, etc...

          5. Une prise en compte des valeurs coutumières avec pour objet d'adapter les droits aux besoins communautaires ;

          6. Une éducation civique des citoyens guinéens quant à leurs droits vis-à-vis de la nation ;

          7. Un contrôle suivi des gestionnaires des biens et du patrimoine publics

          8. Une protection accrue du citoyen, notamment des femmes, des enfants et des marginaux ;

          9. L'abandon des intimidations et la sauvegarde de la paix et de l'unité nationale sont les réalités et les moyens du pays ;

          10. L'association des leaders communautaires au règlement des conflits ;

          11. La gratuité des jugements dans la transparence ;

          12. L'amélioration des conditions de travail des magistrats ; créer des compétences en améliorant la qualité de la formation ;

          13. Une publication des décisions de justice ;

          14. Encouragement par des récompenses et des promotions des bons juges et sanction des juges indisciplinés et incompétents.

Les derniers points sont apparus les plus déterminats, les premiers étant évoqués de manière plus rituelle.

 

 

 

 

 

- Les axes d'une politique réformatrice fondée sur le pluralisme judiciaire

 

          Examinons successivement ses niveaux d'organisation puis la philosophie pouvant guider l'oeuvre réformatrice.

          - Les niveaux d'organisation du pluralisme judiciaire

           Dans notre rapport « Demandes de justice et accès au Droit en Guinée » [24], K. Conde distingue trois types de conflits :

          - "les conflits intra-communautaires mineurs",

          - "les conflits relevant du domaine public", au sens d'extra-communautaires, étatiques ou impliquant le monopole de la violence physique,

          - "les conflits en rapport avec les deux tableaux", c'est-à-dire qui se posent dans les relations entre les groupes (de nature extra-communautaire), mais qui ne peuvent être saisis dans (ou par) le droit moderne parce qu'impliquant plus la restauration du lien social que la sanction.

 

          Cette grille, on le constate, combine des critères de distinction du droit traditionnel (intra/extra communautaire) et du droit moderne (les régulations publiques mises en oeuvre par l'Etat). Si on note l'absence du "référent privé" (dans le couple public/privé), c'est sans doute parce que l'individualisme fortement critiqué dans les conduites de certaines élites n'est pas encore considéré comme un comportement légitime susceptible d'être sanctionné par un type de juridiction qui serait, par exemple, un tribunal de grande instance.

 

          Cette combinaison est conforme à notre hypothèse de métissage institutionnel et était déjà l'axe privilégié de notre rapport à la Conférence des ministres francophones de la Justice du Caire.

 

          Comment mettre en forme un dispositif institutionnel fondé sur le pluralisme judiciaire et, en particulier, préciser les terminologies et les compétences ?

 

          Tout d'abord, il conviendrait de ne pas utiliser le terme justice là où il faut préférer une médiation pour les conflits intra-communautaires. Ansi, il conviendrait de proposer des "Instances amiables de règlement des conflits",comme le sous bassement de toute réorganisation de la justice.

 

          Ensuite il conviendrait d’organiser un mode extra-communautaire de réglement des conflits, qu'on propose d'associer à une justice de paix à compétence étendue pour tous les litiges en matière privée et pour les contraventions.

 

          Enfin, le dernier niveau serait une justice « publique » (composée de magistrats professionnels),  compétente en première et seconde instances pour les affaires civiles et pénales relevant du Droit guinéen moderne et sur la base d’une option d’une des parties.

 

- Philosophie de la réforme proposée :

 

          Sans prétendre résoudre des contradictions insurmontables, la réforme exprimerait trois ambitions :

 

          1) Assurer l'autonomie des instances amiables de règlement des conflits, précédemment présentées comme justice traditionnelle mais qui ne sont pas compétentes pour rendre la justice au sens moderne.

 

          Les autorités traditionnelles, familiales ou locales interviennent en tierce partie pour favoriser un consensus qui est l'expression du principe "les conventions librement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites".

 

          On suppose donc, que les instances amiables peuvent librement se créer, intervenir sur la scène juridique et favoriser tout consensus, dès lors que les buts poursuivis ne sont pas contraires à l'intérêt général ou aux bonnes moeurs et susceptibles, à ce titre seulement, de la censure du ministère public, au titre de la loi sur les associations.

 

          D'un point de vue anthropologique, ces instances amiables doivent être considérées comme des "champs sociaux semi-autonomes" au sens de Sally Falk Moore (Law as Process, London, Henley, 1978). C'est la qualité de la solution qui détermine leur efficacité, donc leur pérennité, donc leur légitimité.

 

          L'intérêt général commande  de rendre l'intervention de ces instances néo-coutumières et néo-communautaires la plus transparente possible, en particulier en autorisant une saine concurrence entre elles et une publication de leurs solutions.

 

          2) Construire une instance intermédiaire, la justice de paix, habilitée à se saisir de tout conflit en matière civile en première instance, ainsi que les interventions en privilégiant un mode négocié de solution plutôt que la décision contentieuse.

 

          Le choix de l'expression "justice de paix" n'est pas de renouer avec une vieille terminologie mais bien de fonder la pacification de la société sur une approche spécifique.

 

          Il conviendrait d'approfondir la recherche pour préciser si le titulaire doit être un juriste ou un "magistrate" au sens britannique, dans le cas un membre de la communauté, désigné en raison de ses qualités intellectuelles, morales et de sa connaissance du Droit pour remplir un mandat pluriannuel reconductible.

 

          3) Réduire l'intervention de la justice professionnelle aux seules matières impliquant un investissement technique et professionnel lourd : le droit pénal délictuel et criminel, d'autre part, en matière civile, les questions d’état des personnes ou de droit patrimonial relevant du secteur moderne et urbain de la société et du droit des affaires.

 

          La réduction des compétences peut conduire à une meilleure formation des magistrats, mais aussi à une meilleure professionnalisation et rémunération.

 

          Ainsi, la fonction du juge comme figure d'autorité pourrait être restaurée en liaison avec l'exercice de toutes les compétences disciplinaires et de toutes les voies de recours nécessaires pour moraliser et professionnaliser la magistrature à ce niveau.

 

 

- Bénéfices escomptés de la politique judiciaire préconisée

 

          Pour restituer aux Africains une confiance dans leur justice, il ne suffit pas de commenter plus ou moins laudativement les avantages comparatifs de la justice moderne. Cette attitude risque surtout de favoriser un certain griotisme tout en renforçant le caractère dualiste (à double vitesse) du régime judiciaire actuel dont une très large partie, la "justice traditionnelle" est actuellement condamnée à une vie occulte, sous-marinière pourrait-on dire.

 

          L'exigence de l'Etat de droit tient moins à l'existence de codes adaptés qu'à la possibilité de sanctionner l'autorité publique qui n'accepterait pas d'être obligée par les normes qu'elle édicte. Surtout, l'Etat de droit doit refléter par ses normes, les valeurs sociales poursuivies par le plus grand nombre, ces valeurs étant en Afrique néo-communautaires.

 

          Parmi ces valeurs, le fait de partager la solution d'un conflit au sein du groupe qui l'a vu naître est caractéristique de la permanence du référent communautaire.

 

          C'est donc dans cette perspective qu'il faut concevoir une intervention, en n'hésitant sans doute pas à jeter les bases "révolutionnaires" (au sens copernicien) de la réforme de la justice.

 

          Ce grand "big-bang" judiciaire devrait, en revalorisant la solution des conflits au sein des communautés et en y donnant la publicité souhaitée, favoriser un mouvement de pacification de la société, mouvement qui devrait être prolongé par un processus analogue à celui observé en Afrique du Sud du "national peace agreement" porté par le mouvement des "civics"[25].

 

          Par ailleurs, la redéfinition du rôle des magistrats devrait être une occasion de rendre à l'institution judiciaire son rôle de garant de l'unité nationale, de la démocratie et d'acteur impartial du développement.

 

          Le mitage de l'institution par l'ethnicité, le népotisme ou le clientélisme ne saurait disparaître par enchantement. Il faut donc considérer cette réalité en face, ne pas se satisfaire de seuls jugements moralisateurs et être persuadés que la corruption n'est pas une fatalité si on se donne les moyens de l'éviter et de la sanctionner. Dans ce domaine, une réflexion nouvelle devrait accompagner la réhabilitation de l'inspection générale des services judiciaires pour coordonner les différentes actions ou directions du monde judiciaire.

 

          Mais, en conclusion, ces travaux n'ont d'intérêt que s'ils font l'objet d'une prise en charge par le haut appareil de l'Etat et dans une perspective au moins quinquennale. L'apport de la justice à la vie économique est conditionné par cette transformation qualitative que nos pages ont tenté d'approcher globalement[26]. Souhaitons que ces analyses soient non seulement reconnues mais aussi concrétisées et que la coopération française y contribue puisamment puisqu'elle possède les expériences et les compétences pour y faire face.

 



[1]Rapport préparé par Etienne Le Roy, professeur à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur du DEA d'études africaines et du Laboratoire d'anthropologie juridique de Paris et Camille Mwissa Kuyu, docteur en Droit, chargé d'enseignement à l'université de Paris 1, consultant.

[2] Pierre Bourdieu, “ Habitus, code et codification ”, Actes de la recherche en sciences sociales, 1986, volume 65, p. 40.

[3]Michel Alliot, "Hâtives réflexions sur l’avant-projet de symposium <le Droit de punir>",Bulletin de liaison du Laboratoire d’antropologie juridique de Paris, volume 2, 1980, p. 69-73

[4] On fera, au moins provisoirement et pour ne pas décourager la curiosité du lecteur, l'économie d'un commentaire sur les conséquences d'une analyse qui induit ce qu'en termes savants on appelle une "rupture épistémologique". Dans ses Essais sur l'individualisme, une perspective anthropologique sur l'idéologie moderne ,('Paris, Seuil, 1983), Louis Dumont explique que l'englobement du contraire tente de lever la contradiction entre deux principes d'organisation de la société, celui de hiérarchie inhérent à toute société, et le principe d'égalité, si typiquement "moderne", occidental et individualiste.

[5]Nous retrouvons ici la distinction qui a donné son titre à l'ouvrage en l'hommage à Georges Balandier, Afrique plurielle, Afrique actuelle, Paris, Karthala, 1986, 272 p.

[6] Cette approche de notre politique de coopération induisant un enrichissement à terme de notre conception de la justice, tant en Afrique qu’en France, a fait l’objet de présentations et de débats féconds depuis 1994 à l’Ecole Nationale de la Magistrature, au Ministère de la Coopération, à l’Institut International d’Administration Publique...mais demande à  être portée par un projet politique  qui paraît, en l’état, ne pouvoir être qu ’ « alternatif ».

[7] Voir notre analyse dans E. Le Roy, "Problèmes de légitimité dans les théories contemporaines de l'Etat de Droit en France et en Afrique", Legitimation von Herrschaft und Recht, la légitimation du pouvoir et du droit,, sous la dir. de Wilhelm J.G. Mölhlig und Trutz von Trotha, Köln, Rüdiger Köppe Verlag, 1994, 43-54.

[8] Cette demande de justice a été initialement diagnostiquée dans le numéro spécial d'Afrique contemporaine consacré  à "La justice en Afrique", (N° 156, 4° tim. 1990), en particulier la partie du numéro traitant de la justice au quotidien, pp. 93-165. Nous y reviendrons dans la suite de notre rapport.

[9] Frédérique PIE, Les politiques pénales en Afrique noire francophone : le cas du Gabon. Bordeaux, Institut d’études politiques, Centre d’Etude d’Afrique noire, 1989, pp. 24-25.

[10] JeanClaude Willame, L’automne d’un despotisme, Paris, Karthala, 1992, p. 26.

[11]Voir pour Centrafrique Maryse Raynal,Justice traditionnelle, Justice moderne, le devin,  le juge, le sorcier, Paris, L’harmattan 1994, 338 p. 

[12]E. Le Roy, "l'ordre négocié, l'oralité juridique et les mutations techniques et sociales",  Cahiers Science - Technologie - Société, N° 12 Ordre juridique et ordre technologique, Paris, CNRS , 1986, pp. 117-133.

[13] E. Le Roy, “ la formation du droit coutumier, “  in E. Le Roy et M. Wane, <la formation des droits non-étatiques>,  Encyclopédie juridique de l’Afrique, Tome 1 L’Etat et le Droit, chap. XV, 1982, p. 371.

[14]Michel Jéol, La réforme de la justice en Afrique noire, Paris, Pedone, 1963, p.58.

[15]Voir notre article " La justice africaine et la redécouverte de la voie négociée de réglement des conflits"dans Afrique contemporaine  1990, référencé note 8.

[16]ACCT, La justice dans les pays francophones, Paris, col. Droit, Démocratie et Développement 1995, 131 p., annexes.

[17]Ousmane Bakoto, Quatre ans de coopération juridique et judiciaire : bilan et perspectives d'avenir, Paris ACCT 30.06 94, pp. 17 & 18.

[18] Voir, par exemple, dans l'annexe III du dit rapport, mention de la dactylographie de l'arrét Bokassa, Centrafrique, 1991

 

[19]Voir le numéro "Besoin d'Etat", Politique africaine, volume 61, mars 1996 et dans le rapport 1996 de l'OPCF les analyses de D. Bangoura et  l'avis relatif à la coopération militaire.

[20]Bonnie Campbell, "Débats actuels sur la reconceptualisation de l'Etat par les organismes de financement multilatéraux et l'USAID" et mes commentaires dans E. Le Roy, "L' Odyssée de l'Etat", Politique Africaine, vol. 61, 1996, pp. 8-25.

[21] L'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a été instituée par traité signé à Port-Louis le 19 octobre 1993 et ouvert à tout membre de l'Organisation de l'Unité africaine. L'action des parties françaises a été déterminante pour la réussite d'un projet d'intérêt commun. Le traité a pour principal objet d'assurer la sécurité judiciaire des transactions commerciales et ainsi de favoriser les échanges, les investissements et la relance de l'activité économique. Sa fonction est essentielle , même si l'activité économique relève principalement des activités "informelles".

[22]En général les magistrats sont détachés maintenant auprès du ministre de la justice en qualité de conseiller technique. Mais le coopérant peut être simplement rattaché à la mission d'aide ou de coopération ou détaché auprès du premier ministre, voire, mais c’est bien entendu exceptionnel, du président de la République, en qualité de conseiller juridique et administratif...

[23] On pense en particulier à une des rares revues juridiques performantes, la revue burkinabé de Droit, publiée grâce au concours de la coopération belge.

 [24] Rapport d’une enquête anthropologique réalisée en mars 1996 pour le Ministère de la Justice, République de Guinée par E. Le Roy, C. Kuyu et K. Conde Paris, LAJP ,mars 1996, 43 p. annexes. 

[25] E. Le Roy, "La médiation des conflits peut-elle offrir une alternative à la généralisation de la violence en Afrique du Sud ?" Constitutions et sociétés en Afrique australe, Paris, Economica, 1995.

[26] Pour prolonger ces analyses , voir E. Le Roy, Oser le pluralisme judiciaire, Rapport de synthèse à la conférence des Ministres francophones de la Justice du Caire, 28 p. , non publié.