DHDI
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Etienne Le Roy et Camille
Kuyu
LA POLITIQUE FRANCAISE
DE COOPERATION JUDICIAIRE
:
BILAN et
PERSPECTIVES[1]
(Observatoire de la Coopération française,
Rapport 1997,
Paris, Karthala, 1997, p
36-65)
Introduction
Entre la justice comme "idée" ou comme "valeur" et la Justice
comme institution, il n'y a pas seulement la différence d'une majuscule.
La transposition de valeurs relatives au juste et à l'injuste (et
plus ou moins largement partagées par les membres d'une
société) dans le champ des institutions induit des choix de
formalisation, dans ce qu'on appelle "l'organisation judiciaire". De même
que pour Pierre Bourdieu, "codifier c'est mettre en forme et mettre des
formes"[2],
de même en est-il de l'institution judiciaire
dont forme, formalisme et
formalités sont les maîtres mots. Pourtant, ces formes ne sont
prédéterminées ni par des contraintes techniques (en
particulier par les procédures) ni données une fois pour toute,
comme l'expression de cet universalisme si typique de la conception
française de la Justice que nous retrouverons au fil de l'étude.
Toute transposition institutionnelle exprime une vision du monde et une
organisation judiciaire doit, pour être légitime et efficace,
tenir compte de ce qui est considéré comme juste et injuste
ou comme « norme et déviance » ou délinquance
dans chaque
culture[3].
L'Afrique noire qui sera ensuite le cadre privilégié de nos
réflexions (puisque c'est le champ prioritaire de la politique du
Ministère de la
coopération) a ainsi vu se rencontrer plusieurs visions du
monde, donc plusieurs conceptions de la justice.
Considérant d'entrée de jeu cette pluralité de
conceptions comme la caractéristique principale des situations judiciaires
en Afrique depuis une centaine d'années et constatant que toutes les
politiques ont buté sur la difficulté à ordonner de
manière satisfaisante cette pluralité, nous devrons examiner
l'efficacité de notre
Coopération judiciaire
à l'aune des réponses que cette coopération aura
contribué à aménager.
Notre Coopération a-t-elle adopté le point de vue de
cet observateur pressé et peu scrupuleux qui opposerait terme à
terme une conception "traditionnelle" (sous entendue "locale et indigène")
de la Justice à une conception "moderne" qui sera associée
à la mise en place d'institutions étatiques sur le modèle
européen puis occidental à la suite de la colonisation de la
presque totalité du continent par les puissances impérialistes
?
Si oui, une telle approche de la vie judiciaire au sud de la
Méditerranée serait dommageable car cette présentation
est doublement discutable.
Elle l'est d'abord en ce qu'elle
présuppose le plus souvent la supériorité de l'organisation
moderne, la traditionnalité n'étant perçue que comme
le contraire de la modernité selon l'application du principe que
l'anthropologue Louis Dumont désigne comme "l'englobement du contraire"
pour caractériser l'idéologie
moderne[4].
En outre, une telle présentation est réductrice. Elle
oublie l'existence sur la continent de modèles
judiciaires qui ne sont
originellement ni africains ni modernes tel le système
judiciaire "charaïtique", issu de l'application de la Sharia
par les autorités musulmanes. Elle néglige aussi la prise en
compte de la succession possible de plusieurs modèles judiciaires
d'origine européenne, en particulier le modèle allemand
prévalant dans les territoires qui relèveront d'un mandat
français ou belge à la suite du traité de Versailles.
Enfin et surtout elle caricature la très réelle
complexité de l'organisation
de la Justice au sein de sociétés africaines.
De ce fait, notre Coopération judiciaire a-t-elle pris en compte
les facteurs d'endogénéisation comme les influences exogènes
? Reconnait-elle, pour aborder les sociétés dAfrique
noire, que les différences (en particulier dans les formes de
stratification sociale, allant de la plus forte hiérarchie à
la plus grande isocratie ou égalitarisme) équilibrent largement
les facteurs de ressemblance qu'on peut trouver dans une conception animiste
du monde et dans une cosmogonie largement pluraliste.
Si l'Afrique est plurielle, non seulement l'Afrique
actuelle[5]
mais aussi cette Afrique ancienne que nous connaissons par la diversité
des témoignages archéologiques, historiques et anthropologiques,
notre politique de Coopération est-elle également plurielle
? A-t-elle adopté pour son intervention une configuration à
"géométrie variable" qui lui permet de prendre en
considération la
diversité, donc la pluralité, des demandes
sociales et d'y répondre d'une manière qui ne lui
fasse pas perdre le sens de ses propres valeurs, tout en les enrichissant
fortement
[6]
?
En conséquence, un bilan
de notre politique de coopération dans le domaine judiciaire doit
évaluer la capacité à aménager la diversité
et la pluralité des situations et des conflits dans l'unité
d'une politique et d'une organisation judiciaires.
Cette démarche rencontre nécessairement des contradictions
et suppose tout aussi nécessairement des choix puisqu'il s'agit de
politique.
Ces contradictions ont été ou sont encore vives ou fortes
car on retrouve ici l'opposition tradition/modernité, la diversité
étant associée à la tradition (celle de la France de
l'ancien régime) et les idées d'unité puis
d'égalité par l'uniformité à la révolution
moderne. En particulier, l'idée que l'uniformisation est le seul moyen
d'assurer l'égalité des statuts est fortement ancrée
dans nos croyances et en discuter les limites sans verser dans une conception
élitiste ou aristocratique est délicat. Lever ces contradictions
représente pourtant maintenant un enjeu considérable que lon
désigne sous la notion d'Etat de
Droit[7] et
où se mesure le degré de démocratisation et
defficacité de lorganisation
judiciaire. C'est donc cette
référence à lEtat de Droit qui nous servira de
repère dans la suite d'une investigation qui s'inscrira d'abord dans
le précédent colonial pour
mieux en apprécier l'héritage et selon une
préoccupation : depuis les Indépendances, cet héritage
a-t-il été repensé, intégralement reconduit ou
accepté sous réserve d'inventaire ?
On aura donc compris que plutôt qu'un procès en sorcellerie
de la Coopération et de ses acteurs (les coopérants juristes
et magistrats), notre démarche s'apparentera à un plaidoyer
pour une innovation institutionnelle et pour une ouverture de notre
coopération judiciaire à cette demande d'une justice
plurielle[8]. Tout
en s'efforçant de valoriser les aspects les plus ouverts ou les plus
généreux de notre politique de coopération dans ses
évolutions récentes, notre diagnostic aboutira aussi à
une évaluation regrettant que le capital de connaissances des situations
et des cultures qui fait l'originalité de notre ancrage africain
pluriséculaire soit stérilisé par des solutions qui
relèvent trop souvent du "prêt à penser" de la Banque
Mondiale et d'une conception de la Justice "à l'américaine"
qui s'inscrit dans une conception protestante et puritaine qui fut, comme
l'a montré Max Weber, au fondement du capitalisme mais qui reste
doublement étrangère à
des sociétés africaines peu capitalistes et
superficiellement christiannisées.
1
Repères
historiques et anthropologiques :
La
colonisation enfermée dans une organisation judiciaire dualiste où
un Etat de Droit est impensable
Pour
comprendre les problèmes immenses relatifs à la coopération
judiciaire, depuis le début des années soixante, il est
indispensable de rappeler comment on a posé la question
judiciaire durant la période
coloniale et quels choix étaient privilégiés au
moment des
indépendances.
LAfrique française a en effet
vécu une très large part de lépoque coloniale
sous lempire de la constitution de la III° République et
a été administrée sous la responsabilité directe
et personnelle du chef de lEtat, le Président de la République
française qui confondait sur sa personne les fonctions exécutive
et législative. Il en fut de même pour le Congo du temps de
lEtat indépendant du Congo, propriété personnelle
du souverain belge.
Trois principes dorganisation nous permettent de mieux comprendre
en quoi lAfrique était régulée de manière
dérogatoire à lEtat de Droit métropolitain
et, en particulier, aux principes
de séparation des pouvoirs et de formulation de la règle de
droit de manière générale et impersonnelle
préalablement à son invocation devant une juridiction
:
-
le régime de lindigénat,
-
lorganisation judiciaire dualiste,
-
lapplication dun droit coutumier résultant de
linvocation de la coutume par
ladministrateur territorial présidant les juridictions
indigènes de son ressort et
sous réserve de lordre public
colonial .
La confusion est opérée entre léxécutif
et le judiciaire pour le régime de lindigénat ou le
législatif et le judiciaire pour la création
prétorienne du droit
coutumier par
l'administrateur.
1.1. La
justice coloniale et le régime de l'indigénat
Nous devons à une jeune juriste et historienne du Droit,
Frédérique Pie, une redécouverte dune institution
qui institue un pouvoir
disciplinaire de
ladministration [9].
Son origine repose sur un sénatus-consulte du second Empire applicable
à lAlgérie et consistant
à donner aux
autorités administratives des colonies le droit de frapper les sujets
de sanctions pénales sans en justifier devant une autorité
judiciaire . Les sujets sont dans les textes de
lépoque les non citoyens, le contraire de ceux qui
bénéficient des droits civils et
politiques...
Le décret du 30 septembre 1887
définit lindigénat comme un ensemble de mesures
exceptionnelles et rapides, visant à être efficace (...)
lexécutif et le judiciaire se confondant pour le fortifier.
Il sapplique dabord au Sénégal puis fait son apparition
en Afrique équatoriale sous la forme dun arrété
du lieutenant gouverneur de lOubangui Tchad en date du 12 février
1902 qui établit une liste de 37 infractions devant être soumises
au régime pénal de
lindigénat .
Les années suivantes la réglementation se précise
et en 1910 le régime a trouvé une vitesse de
croisière qui sera atténuée dans les
années trente pour être finalement aboli en 1945 et 1946 à
la suite des recommandations de la conférence de Brazzaville et des
observations antérieurs restées sans effet des organes de la
Société Des Nations (SDN) pour les territoires sous mandat.
Le
commentaire dun arrété de 1908 , applicable au Congo
et dépendances permet de mesurer leffet pernicieux de cette
forme arbitraire d administration de la justice
:
Il stigmatise tous les faits qui peuvent
représenter une gêne pour lexploitation économique,
un danger pour la domination politique, un risque pour lordre social,
la plupart des infractions pouvant être classées dans plusieurs
catégories simultanément(...) Il organise par ailleurs un
système de répression rapide , systématique et efficace
visant à matérizaliser lomniprésence et la permanence
de la censure de manière
à entrainer une sorte de réflexe conditionné, et surtout
à éviter toute contagion de comportements
directement contraires aux nécessités immédiates
imposées par lordre colonial(...) . Ces
représentations et ces effets pernicieux ont eu leur paroxisme dans
le Congo belge depuis la création de lEtat du Congo et justifient
une remarque de J.-C. Willame à propos de la basilocratie et du culte
mobutuesque du chef :
la crainte,
lobéissance et la soumission qui ont pesé sur des
générations de Congolais relèvent donc du temps long
de lhistoire
[10].
Par contre, lapplication dune législation pénale
respectueuse des principes de séparation des pouvoirs et autorisant
lidée dun Etat de Droit se situe dans le temps court de
lhisoire : introduit par décret du 19 novembre 1947, le code
pénal doutre-mer nest appliqué quune dizaine
dannées et encore de manière sélective, sous
réserve des exigences de lordre public.
1,2 - La justice
duale sous l'administration coloniale
française
L'organisation
judiciaire de la période coloniale se caractérisait, en Afrique
francophone, par la dualité des juridictions. Cette dualité
résultait de la dualité du statut des personnes (de droit local
et de droit français) et de la dualité du droit (coutumier
et écrit). A ce premier dualisme, s'ajoutait la dualité des
juridictions administratives et judiciaires à l'instar de la
métropole.
En effet, au fur et à mesure de leur installation en Afrique,
une question fondamentale s'était posée aux Européens
: fallait-il établir un ordre unique de juridictions auxquelles seraient
soumis tous les litiges quel que soit le statut des plaideurs et quel que
soit le droit qui pouvait leur être appliqué, traditionnel ou
moderne ? A cette question s'ajoutait celle de savoir si ces juridictions
seraient composées uniquement de magistrats de carrière ou
comprendraient des juges coutumiers. Fallait-il, au contraire, prévoir
deux sortes de juridictions : des tribunaux de droit moderne composés
de magistrats professionnels et des juridictions de droit traditionnel
formées de juges choisis selon leur connaissance des droits locaux
?
Les législateurs européens ont, en vérité,
beaucoup hésité ; ils ont refusé
initialement de faire table rase du passé et ont opté,
non sans de nombreuses tergiversations, pour une solution intermédiaire
: d'une part, ils ont décidé d maintenir les juridictions
indigènes, d'autre part, ils ont créé des juridictions
de droit écrit.
En 1905 en AOF et en 1910 en AEF, remarque F. PIE, sopère
un changement qualitatif :
la prise en charge par
ladministration coloniale de la régulation sociale du droit
commun marque un net changement de la philosophie de lintervention
juridique. En effet, elle réintroduit, de manière visible,
la dimension <humanitaire et civilisatrice> de la colonisation,
au-delà de laspect strictement utilitaire, soutenue en cela
par les idées de supériorité du droit européen,
de despotisme et darbitraire (ou au contraire dabsence totale
dautorité) des chefs traditionnels, de primitivité
archaïque et de cruauté des coutumes africaines tant sur le plan
du droit que de la justice. Elle accentue aussi la volonté de la France
de réduire au maximum lautorité des chefs
traditionnels... (1989-27).
Le dualisme de la Justice
sexprime sur
le plan des instruments
juridiques. Celle-ci utilise en effet deux droits : les coutumes dans la
mesure où elles ne sont pas contraires aux principes de civilisation
française et la loi française dans les domaines non
réglés par la coutume ou quand la coutume est
inacceptable.
Elle comprend aussi deux régimes
procéduraux : maintien de la conciliation, de certaines techniques
denquête traditionnelles, de certains rituels de justice et
introduction de moyens procéduraux français.
Elle sorganise enfin selon un système
déchevinage dans les tribunaux de circonscription qui se composent
dun administrateur français (président) et dassesseurs
indigènes. Ces tribunaux ont en matière répressive
connaissance de toutes les atteintes portées aux personnes et aux
biens par des personnes ou au préjudice de personnes non justiciables
des tribunaux
français (PIE, 1989-28).
Malgré des réformes ultérieures (principalement
en 1932) le recours à linstitution judiciaire est
adultéré. LAfricain sest détourné
dune Justice galvaudée. F. Pie écrit ainsi :
à une justice hybride,
mal comprise (...), mal perçue (...) nayant ni
crédibilité ni légitimité aux yeux des justiciables,
se substitue de fait la permanence dune justice authentique,
occulte, clandestine ou du moins officieuse (1989-29). Cette
remarque reste valable pour certains pays, telle la République
centrafricaine jusqu'à la période
contemporaine[11].
F. PIE donne pour principale raison lethnocentrisme du colonisateur.
Cet ethnocentrisme dans
linterprétation du droit africain ajouté à
lhétérogénéité des sources techniques
et des finalités lui fait perdre toute cohérence et se trouve
à lorigine dun schisme, ou plutôt dune
dualité de la pratique juridique dont les conséquences sont
encore vivaces aujourdhui (Ibidem). Cet ethnocentrisme
trouve principalement à sexprimer dans la création du
droit coutumier.
1.3 -
La création du Droit coutumier.
L'Afrique est multiple et voit foisonner une multitude de groupes
sociaux régis chacun par des coutumes propres qui assurent son
identité et sa pérennité. Davantage que ces coutumes
particulières, c'est l'esprit de la coutume qui est digne
d'intérêt ici. Mais, pour traduire cet esprit, il est
nécessaire de considérer l'usage de la coutume dans le
règlement des conflits.
Dans le souci constant de maintenir la cohésion du groupe,
il importe d'apporter à chacun, lors de la résolution des conflits,
un minimum de satisfaction. Cette volonté procède de la
nécessité de renforcer les liens qui rattachent entre eux les
individus au sein du groupe et
en labsence dun principe de cohésion extérieur
et supérieur qui, dans les sociétés
judéo-chétiennes fut Dieu puis lEtat (principe de
primauté des facteurs d'internité
sur la recherche d'une
causalité externe).
Il est primordial, en effet, que lindividu soit intégré
au groupe et qu'il en ait conscience pour pouvoir investir son énergie
dans l'intérêt de tous. Le sentiment de son appartenance à
la communauté sera renforcé par la conscience de la
"sécurité juridique" qui y règne. Car la
nécessité d'aboutir à un consensus garantit à
chacun la prise en considération de ses prétentions propres
et le respect de son statut juridique. La conviction joue aussi qu'une solution
bonne pour la communauté ne peut être réellement
désavantageuse pour un particulier puisqu'il appartient à
celle-ci.
Les conflits sont résolus d'après les précédents
judiciaires transmis oralement. Les "juges" sont en fait des jurisprudents,
donc le plus souvent les "anciens" du groupe qui ont une expérience
particulière de la justice coutumière. L'objectif à
atteindre étant la cohésion du groupe à partir d'un
mouvement de structuration interne, issu du
"bir u keur, du ventre de la
communauté familiale comme disent les Wolof du Sénégal,
la justice coutumière repose sur un "ordre" (comme ordonnancement
social) plus "négocié" qu'imposé. Ainsi, et à
la différence de la Justice occidentale, la justice africaine ne
correspond pas à un jeu à somme non nulle (je gagne, tu perds),
mais à un jeu à somme nulle (je gagne, tu gagnes). La
procédure a lieu d'habitude sous un arbre ou en tout lieu inspirant
les sentiments de pacification et d'écoute de l'autre. Souvent des
proverbes, des contes et/ou d'autres documents oraux sont cités pour
donner plus de force aux arguments utilisés. C''est en effet à
partir de cette structure argumentative qu'on découvrira le paradigme
judiciaire invoqué, c'est à dire les modèles de conduite
et de comportements que la société juge, à un moment
donné, pertinents pour assurer la pérennité des rapports
communautaires[12].
Faute de percevoir la cohérence de cette démarche négociant
la cohésion future du groupe, on dénommera ce type d'instance
une "palabre" au sens de "discussions interminables et oiseuses" (Robert,
1967, 1219).
La coutume ainsi entendue peut être définie comme
les manières de dire les manières de faire pour
assurer la reproduction et la perennité du groupe . La
coutume repose principalement sur un ou des modèle(s) de
conduite et de comportements
qui sont proposés à lobservance des membres. Ainsi, la
coutume nest pas spécialement juridique ou judiciaire et cest
sur la base de leurs références métropolitaines que
les administrateurs des colonies ont tenté puis imposé la
métamorphose de la coutume en Droit coutumier. En France , la coutume
ayant fait lobjet dune absorption en trois
temps (rédaction au XV° siècle, compilation aux XVII°
et XVIII° siècles,
abrogation au XIX°) on sefforce de réaliser en
une trentaine dannées en Afrique léquivalent de
quatre siècles duniformisation progressive assuré par
les juristes français pour aboutir au Code civil. Cest donc
le modèle civiliste qui servira le travail de rédaction et
de compilation, principalement entre 1932 et 1937, et dont lessentiel
des résultats, les "coutumiers juridiques de l'AOF", publiés
en trois volumes aux éditions Larose en 1939 est particulièrement
navrant.
En aucun cas il ne conviendra (...) de
prendre le droit coutumier pour lauthentique droit africain. Il
sagit seulement du droit appliqué dans les tribunaux indigènes
et recueilli pour les besoins du système colonial
[13].
1,4 - L'héritage colonial de la justice
en Afrique, au moment des indépendances : autorité, unité,
uniformité & centralité
Nous possédons, par une étude d'un de ses acteurs, Michel
Jéol, un témoignage direct des conditions intellectuelles et
politiques qui ont présidé au transfert de
compétences.
En effet, la IV° République a été l'occasion
d'une part d'instaurer, pour une trop brève période, un certain
"Etat de Droit" en Afrique au sud du Sahara et d'autre part de redécouvrir
les mérites d'un Droit coutumier apte à mieux encadrer que
le Code Napoléon une
évolution inéluctable
mais devant être négociée. Ainsi, mais ce ne fut pas
une attitude générale, certains administrateurs des colonies
(J.-C. Froelich, Y. Person, J. Colin) découvrent-ils les techniques
du Droit traditionnel (à la suite de Labouret ) et des magistrats
ou professeurs de Droit (Robert, Chabas, Lampué, voire Gonidec et
Luchaire) la justice traditionnelle et le droit
coutumier.
Le décolonisation favorise l'expression des personnalités
et la prise en compte des diverses sensibilités, voire des particularismes
du coté des anciens colonisateurs. Il n'en fut pas de même du
coté des anciens colonisés car les hommes de coutumes se
transformèrent, sous l'effet de cinquante ans de politique
systématique de dénaturation du droit originel africain, en
légistes, en codificateurs, voire en autocrates.
Michel Jéol écrit ainsi :
"Pour des considérations d'ordre
financier mais aussi d'ordre juridique et social, il apparaît, en effet,
que la seule solution satisfaisante au problème de la justice
coutumière doit être trouvée dans la fusion des deux
ordres de juridiction que le législateur colonial avait organisé
séparement pour des raisons
qui ont pu apparaître légitimes mais qui sont aujourd'hui
dépassées". On assiste donc à la
"suppression des juridictions de droit
traditionnel"[14]. Pour
assurer l'autorité de l'Etat nouveau, on suppose que l'unité
nationale ne peut reposer que sur une unité de juridiction et que
seule l'uniformisation de l'organisation peut garantir un tel dispositif.
Mais, ce faisant, on renforce les tendances centralisatrices qui favorisent
l'autoritarisme, lequel débouchera sur des formules autocratiques
contraires à l'idée d'Etat de Droit. Notre coopération
est alors globalement favorable à une telle
évolution.
Malgré quelques mises en garde, telle cette "prière
à Thémis pour l'Afrique" du doyen de Cottignie publiée
dans Les annales africaines de la faculté de Droit de Dakar
en 1961, le mimétisme unitaire va l'emporter et, au lendemain des
indépendances, les systèmes judiciaires occidentaux vont servir
de modèles pour l'organisation de la justice dans les nouveaux Etats
d'Afrique. Cette organisation est, quasiment partout, une copie de celle
de l'ancienne puissance coloniale qui inspira, stimula et orienta les
rédacteurs africains des réformes judiciaires, eux-mêmes
victimes de leur formation universitaire occidentale.
2
La difficile transposition d'une "justice
administrée" coloniale en une "coopération
judiciaire"
La coopération, mise en place par le général
De Gaulle, était censée promouvoir le "développement"
d'Etats "modernes" en Afrique. Sur le plan juridique et judiciaire, elle
se traduisait concrètement par la mise à la disposition de
ces Etats d'un personnel d'assistance technique. La présence de magistrats
français aux côtés des législateurs africains
n'a fait que renforcer le mimétisme. Cela n'était pas
étonnant. Car, la tendance naturelle de ces experts était de
faire bénéficier les Etats africains de ce qu'ils croyaient
être le meilleure droit possible, c'est-à-dire celui de leur
propre pays. Au Sénégal par exemple, dans le cadre d'une recherche
sur la justice des mineurs financée par le Ministère
(français) de la justice et intervenant en février 1988, à
la suite d'émeutes urbaines assez violentes, nos deux principaux
interlocuteurs "sénégalais" furent un ministre d'Etat ancien
administrateur colonial (Jean Colin) et un directeur (coopérant
français) des Affaires criminelles et des grâces du ministère
(sénégalais) de la Justice. S'ils exprimaient l'un et l'autre
une grande compétence et un très rare sens du service public
(et sous réserve d'un jugement quant à la portée politique
de la gestion de Jean Colin), ils ne pouvaient ni l'un ni l'autre exprimer
les demandes de Droit et de Justice émanant des Africains et
vérouillaient trop, au moins par leurs personnalités, le
système judiciaire.
Cette coopération de substitution, plutôt paternaliste
et fondée sur les compétences procédurales des magistrats
désignés à des postes d'autorité ou à
des fonctions de jugement plutôt que de conseil et de formation, durera
jusqu'au début des années quatre-vingt dix. La réforme
du ministère français de la coopération en 1993 avec
la création du bureau de l'Etat de Droit au sein de la sous direction
du développement institutionnel viendra en modifier l'inflexion.
2,1 - Demandes de justice et accès au Droit
dans les années soixante à
quatre-vingt
Les
législateurs africains, dans leur oeuvre de "modernisation" des
sociétés africaines, ne sont parvenus qu'à des
résultats médiocres. L'appareil juridictionnel, en Afrique,
se révèle inapte à remplir la fonction qui lui revient
dans les Etats modernes, celle d'assurer la résolution officielle
et définitive des conflits entre sujets de droit. Déjà
handicapée par sa (trop) grande proximité avec le pouvoir,
la justice éprouve des difficultés à s'insérer
dans son environnement, surtout lorsqu'il est rural. Outre des facteurs propres
qui font déserter les palais de justice (éloignement, frais
de justice, langues usitées, corruption...), la conception même
de procès contribue à éloigner le justiciable de la
justice : depuis l'époque précoloniale, ainsi que nous l'avons
rappelé, la justice en Afrique est conçue comme une fonction
de conciliation, son rôle ne consistant pas à régler
un litige en fonction de la règle de droit applicable au cas
d'espèce mais à préserver l'équilibre de ceux
des groupes sociaux impliqués dans le litige. Or, déjà
peu prise en compte par l'organisation judiciaire "moderne", cette
préoccupation s'est estompée au profit d'une autre, la fonction
répressive.
En conséquence, l'appareil juridictionnel de l'Etat ne
connaît que d'un petit nombre de litiges ; les citoyens
préférant soit saisir d'autres autorités politiques
et administratives ou traditionnelles ou religieuses, soit recourir à
d'autres mécanismes tels l'arbitrage ou la conciliation, soit encore
s'abstenir de tout recours et vivre avec son conflit comme on vieillit avec
une ancienne douleur.
Il résulte de ce qui précède que se développent
partout des expériences de médiation des conflits, hors du
Droit officiel.On parlait à la fin de la décennie "80" d'une
"redécouverte"[15] de
la médiation. On parlerait maintenant plutôt de permanence d'une
justice fondée sur un "Droit"
devenu "hors la loi", selon
une distinction anglaise , law
outlaw. Ces expériences sont le plus souvent initiées
par des "figures d'autorité", au sein des "forums de négociations".
Certains de ces forums sont institués sur un mode traditionnel. C'est
notamment le cas des "guurti" en Somaliland, présidés par des
anciens (elders) qui s'efforcent à arracher les jeunes "mooriyans"
des bandes armées et d'une "culture de pillage" pour les mobiliser
pour une culture de paix.
D'autres arènes de confrontation et de négociation
exotériques autant qu'ésotériques (groupes charismatiques,
sectes, francs-maçons, etc.), formelles et informelles, offrent l'espoir
de résoudre le conflit sur une base négociée et
satisfaisante.Elles se multiplient
partout sur un mode communautaire et à travers la
prolifération des tontines, des réseaux d'acteurs ou des transferts
aux populations de la gestion des collectivités (décentralisation)
ou des ressources (gestion
patrimoniale). Ces formes de
détournement ou de contournement, voire d'évitement de la justice
moderne expliquent largement le délabrement de l'institution judiciaire
au début des années "90".
2,2 - La décennie "90" et le
délabrement de l'institution
judiciaire.
Une
enquête réalisée par l'Agence de Coopération
Culturelle et Technique (ACCT) en 1994 en vue de la conférence des
ministres francophones de la justice tenue au Caire du 30 octobre au 1°
novembre 1995 propose des données
statistiques[16]
qui justifient des conclusions pessimistes, non publiées, d'un des
rapporteurs généraux africains, Ousmane Batoko
:
"la coopération juridique et judiciaire(...)
est devenue l'une des missions sinon la mission la plus complexe et la plus
délicate que l'agence s'est jamais vue confier depuis sa création
il y a vingt ans.
En effet, si la matérialité de certains
autres domaines d'intervention (...) est de préhension relativement
aisée, il n'en est pas de même pour "le Droit au service du
développement et de la démocratie". Certes, on saisit facilement
ce que peut contenir une "malette juridique" ou un "envoi général
de documentation juridique et judiciaire". Certes, on peut savoir le nombre
de magistrats, d'avocats, de greffiers et autres auxilliaires de Justice
dont dispose ou dont a besoin un pays. Mais que représentent ces
éléments matériels et statistiques, et à quoi
pourraient-ils servir :
-devant le dénuement quasi-total dans lequel
se trouvent les Etats concernés et face à
l'immensité de leurs besoins de tous ordres, les uns aussi prioritaires
que les autres et qui, dès le départ, donnent un sentiment
d'impuissance totale?
- devant les difficultés actuelles à
concilier harmonieusement la volonté de modernisation institutionnelle
des Etats et le soubassement culturel traditionnel de leur environnement
social et culturel ?
- grâce aux atermoiements et aux remises
en cause brutales des processus politiques dans certains pays (...) malgré
les espoirs -et les enthousiasmes- suscités , et en dépit des
efforts déployés par la communauté internationale pour
les engager et les soutenir sur les chemins de la démocratisation
?"[17]
Ce document évoque, entre autres, une coopération en
publications, le besoin des malettes juridiques permettant d'imaginer
l'extrème pauvreté dont souffrent les services de la justice
qui dépendent, faute de machines à écrire, de l'intervention
de l'ACCT pour saisir les textes de loi ou les décisions de justice
[18].
Mais, surtout, ce document fait état, avec beaucoup de diplomatie,
de l'abime existant entre le droit proclamé et le "soubassement culturel"
des populations.
Trente cinq ans après les indépendances, un tel fossé
entre les offres et les demandes de
justice pose problème
par sa permanence et son intensité, créant une schizophrénie
collective chez les juristes (et bien dautres citoyens), dans la mesure
où cette maladie est définie par "une ambivalence des
pensées, des sentiments, une conduite paradoxale, la perte du contact
avec la réalité".
Chacun
sait, magistrat africain ou coopérant français, que la situation
est inacceptable et constitue un déni de Droit, car nul n'est plus
censé ni connaître ni appliquer le Droit de
l'Etat. On reconnaît,
toujours en privé, qu'une rupture forte devrait intervenir mais on
n'ose pas rompre avec l'idéologie développementaliste, tant
on continue à croire dans la supériorité du modèle
judiciaire et (implicitement) de la civilisation qui lui a donné
naissance.
Par exemple, un autre rapport général de la conférence
du Caire, relatif aux "Institutions et mécanismes contribuant à
la consolidation de l'Etat de Droit et à la protection des Droits
de l'homme en matière de Justice" (Paris, avril 1995) suggère
principalement "d'assurer la promotion et la vulgarisation des droits auprès
des populations" (p. 17) . Le rédacteur ne s'interroge pas sur
le contenu du message mais sur les seules modalités de conversion
à la nouvelle idéologie. La mentalité du missionnaire
juridique colonial n'a décidément pas disparu.
D'autres approches de la Justice, donc de la coopération
judiciaire, existent. Avant de les évoquer, appréhendons ces
axes de la réforme institutionnelle de 1993 et des nouvelles offres
de la coopération française.
2,3. - La politique
actuelle
On distinguera les options politiques et leurs applications pratiques,
moins pour identifier de possibles contradictions que pour apprécier
des évolutions positives de ces pratiques malgré
l'incohérence des (hommes) politiques.
Les options politiques
On a déjà indiqué que la réforme de la
coopération judiciaire se situait dans l'orbite de la création
d'un "bureau de l'Etat de Droit".
Cette évolution est, elle-même, à resituer dans
l'émergence du "développement institutionnel" comme principal
enjeu de notre coopération et comme sous-direction principale dans
l'organigramme du Ministère de la Coopération. Comme le dit
malicieusement un intellectuel africain, la France peut
proposer une coopération
et assoit son leadership en Afrique par la vente ou le service après-vente
de deux produits, la francophonie et ses institutions étatiques, dont
font partie, au premier chef, la justice et la codification du Droit. Mais,
l'émergence d'un bureau dont l'appellation officielle est "bureau
de l'Etat de Droit et des libertés publiques" s'inscrit aussi dans
un processus plus complexe, marqué par la démocratisation bien
connue d'un certain nombre des régimes mais également par un
besoin de sécurité, individuel etcollectif, dont on s'est fait
l'écho par
ailleurs[19].
De ce fait, la coopération ne saurait se limiter
aux
seules institutions étatiques et doit intégrer la
"société civile", tout en sachant par ailleurs que la notion
de société civile n'est guère mieux définie que
la notion d'Etat de Droit. Ainsi, les critères de détermination
de l'inclusion, localement, de
certaines forces sociales dans la société civile est plutôt
laissée à la très large appréciation des chefs
de mission ou des conseillers en poste en Afrique. De même en est-il
des financements de leurs activités.
Un autre axe principal du bureau de l'Etat de Droit est de
privilégier certaines fonctions essentielles et de concentrer sa
coopération sur ces fonctions. Cette option s'inscrit dans une
évolution générale de
la coopération
bilatérale et multilatérale qui cherche à "recentrer
l'Etat sur ses fonctions essentielles" sans clarifier ou approfondir la
question[20].
L'organigramme interne du bureau (dont le sigle IDL condense les notions
d'Institutionnel, de Droit et de Libertés) met en évidence
les fonctions
privilégiées en 1995 :
-
la coopération juridique et judiciaire,
-
la coopération documentaire, en particulier mobilisée autour
de la constitution de banque de données et de la concrétisation
du traité de
l'OHADA[21],
-
la coopération parlementaire et gouvernementale, l'organisation des
élections et les Droits
de l'homme,
-
la coopération administrative,
-
la coopération policière et la sécurité
civile.
Présentant ces grandes orientations, le chef de bureau en commente
les implications en reconnaissant qu'il y a des secteurs qui ne sont en Afrique
guère favorables à une coopération, spécialement
tout ce qui concerne la justice traditionnelle, ce qui, dans les faits,
réduit considérablement l'impact de la coopération
judiciaire et risque d'en faire une coopération profitant aux populations
urbaines, lettrées, voire fonctionnarisées. Même si le
secteur urbain se développe fortement, l'idée d'une justice
"à deux vitesses" et d'une coopération privilégiant
une minorité vont à l'encontre des valeurs affichées
par nos politiques judiciaires en Métropole.
Par ailleurs, une autre difficulté tient à la
nécessité de résister "aux pressions amicales" en vue
de transférer purement et simplement l'ensemble du dispositif
institutionnel à la française en l'absence de moyens financiers
et d'un personnel formé et disponible, (ainsi dans le domaine des
juridictions administratives), voire dune demande de ce type de justice
par les citoyens, comme le révèlent nos enquêtes
guinéennes que nous évoquons plus loin.
Les pratiques
Reprenons lanalyse de trois directions qui méritent une
attention particulière : l'assistance technique, la formation et la
documentation.
.L'assistance
technique
L'assistance technique en matière de justice revêt trois
formes différentes :
- l'expertise française pour des questions ponctuelles (nous
avons peu d'informations directes sur ce domaine qui implique principalement
la coordination des autres activités par les fonctionnaires de la
« centrale » de la rue Monsieur),
- la participation à
la formation de magistrats et auxiliaires de
justice dans les Ecoles nationales
d'Administration et de la Magistrature, spécialement par l'envoi de
documentation, la programmation des formations...,
- l'envoi des conseillers résidents auprès des ministres
de la Justice.
En 1995, sur un personnel d'assistance technique de 78 personnes relevant
du bureau, onze magistrats étaient en détachement en
Afrique[22]
alors que les services de police et sécurité
civile comprenaient cinquante
coopérants. On peut également relever que pour le secteur de
la coopération judiciaire, en 1995, le montant des crédits
engagés pour la réalisation de projets était de soixante
millions deux cents mille francs, soit 22,2% du total des crédits
affectés au bureau. Ces crédits se
montaient à 271,7 millions
de francs pour 36 projets dont 17 concernant la police et la sécurité
civile (pour 47,1% du total des crédits).
La
formation en
France
La
création au sein de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM,
Bordeaux) d'une section
internationale s'inscrit dans le cadre d'accords d'aide
et de coopération qui
mettent en présence la France et différents partenaires au
premier rang desquels se situent les pays francophones
d'Afrique.
La formation est organisée sous forme de directions d'études,
qui correspondent aux fonctions existant dans une juridiction française.
Cette organisation qui répond à la préoccupation de
préparer "techniquement" les auditeurs est complétée
par des conférences et des séminaires dont les thèmes
diversifiés constituent un ensemble d'informations et nourrissent
une réflexion en rapport avec la future profession de
magistrat.
Toutefois c'est le stage en juridiction qui sera pour l'auditeur
l'occasion de mettre en oeuvre le savoir qui reste quelque peu abstrait.
C'est donc le modèle français qu'il expérimentera et
qu'il sera implicitement chargé de transférer à son
retour en juridiction en Afrique.
La
documentation
Le
ministère de la Coopération met à la disposition de
ses partenaires de nouveaux moyens en matière de documentation
fondamentale et de documentation moderne. En 1995, sur un total de projets
FAC d'intérêt général ou Inter-Etats de 48 millions
de francs, le bureau a affecté douze millions aux banques de données
juridiques et judiciaires, deux millions à la documentation des magistrats
africains pour "l'aide à la décision juridique" et 10 millions
pour la concrétisation du traité de l'OHADA
précité. En outre, une part des six millions affectés à
l'ACCT semble utilisée pour des fins de documentation, selon les
informations dont nous disposons par ailleurs.
3
Pour une nouvelle politique de coopération
en matière de
justice
Il est temps maintenant de tenter
un bilan et d'introduire les perspectives d'avenir de la coopération
judiciaire.
Par
rapport à des précédents
coloniaux marqués par
des dérives autoritaires et administratives, la politique de
coopération n'a vraiment évolué que ces toutes
dernières années et d'une manière plutôt
hésitante , tant le poids des relations politiques (ou financières)
entre Etats ou entre chefs dEtat s'impose aux choix des
coopérants.
Si on se réfère au principal critère proposé
dans l'introduction générale, la prise en compte de la
diversité des situations et de la pluralité des modes de
réglement des conflits n'est que très exceptionnelle car, au
contraire, toute la tradition intellectuelle et politique française
plaide pour l'universalisme et son corrolaire l'uniformisation. Tout ce qui
relève du droit traditionnel et des modes endogènes de
réglement des conflits est donc ignoré par notre coopération
judiciaire.
L'échec de notre politique passée de coopération
judiciaire est donc, sous cet angle,
réel mais doit être
relativisé. Le défi de la période qui s'ouvre devant
nous est en effet moins de revaloriser les différences au risque de
survaloriser les oppositions régionales ou ethniques que de favoriser
une articulation, un métissage
ou une complémentarité entre deux exigences qui se
révèlent nécessairement dialectiques : l'inévitable
mondialisation ouvrant l'Afrique à l'économie internationale
et au concert des nations, et
lindispensable prise en compte des spécificités culturelles
permettant aux innovations de
prendre racine dans le terreau civilisationnel endogène. Pas d'avenir
pour l'Afrique si elle ne lève pas cette double
hypothèque.
C'est dans la mesure où ce défi peut (ou ne peut) être
relevé que notre coopération apparaîtra pertinente ou
inacceptable pour les Africains. Or nous pensons que, parmi toutes les
coopérations bilatérales ou multilatérales,
seule la coopération
française peut relever un
tel défi.
3, 1. Bilan
de la politique de coopération
Considérée
globalement, la coopération judiciaire s'inscrit largement dans une
logique institutionnelle et ne prend pas en considération les besoins
et attentes des Africains. En d'autres termes, la coopération judiciaire
tourne le dos à l'Afrique réelle qui, elle, fonctionne en dehors
de l'Etat et de ses institutions. De nombreux travaux de chercheurs africains
et africanistes mettent pourtant en évidence cette contradiction de
l'Afrique officielle par l'Afrique réelle. L'Etat de Droit, qui est
souhaité par la grande majorité des Africains, n'est pas possible
si le Droit proclamé n'est ni conforme aux valeurs effectivement
pratiquées en Afrique ni respecté par les élites et
respectable par le plus grand nombre. Une autre dimension du grand défi
que les politiques judiciaires étatiques ont à relever consistera
à rendre compatibles les deux Afriques. La coopération devra
aider les Etats dans cette nouvelle direction.
En revenant sur les trois directions que prend la politique
française de coopération judiciaire, trois observations peuvent
être faites :
L'assistance technique : si l'expertise ponctuelle et la
présence des spécialistes français dans les centres
de formation des magistrats et auxiliaires de justice peuvent sembler
justifiées, il n'en est pas de même pour la présence
des conseillers résidents au sein des ministères de la Justice.
Trente cinq ans après les indépendances, les Etats africains
ont suffisamment de cadres formés et susceptibles de remplir la fonction
de conseiller du ministre et avec des exigences financières réduites
. On doit donc rompre avec le confort de la « perfusion »
du modèle judiciaire et rattacher les coopérants aux missions
daide et de coopération
La
formation (entre l'ENM en France et les séminaires
nationaux)
Cette formation ne peut vraiment être bénéfique
que si elle ne contribue pas à renforcer le mimétisme. A Paris,
la collaboration entre l'ENM et les organismes de recherche susceptibles
de répondre aux besoins de formation des magistrats à la
réalité africaine ne s'opère
que de façon discontinue et superficielle faute de
pouvoir sortir des sentiers battus .
Inversement, le projet "appui à la réforme du système
judiciaire" signé en 1993 entre le Sénégal et la France
apparaît exemplaire car il débouche très vite sur une
double innovation dans les domaines de la formation des magistrats et de
para-juristes.
Une formation spéciale des magistrats est instaurée
au sein d'un Centre de Formation Judiciaire (CFJ) chargé de la formation
initiale et continue des magistrats et greffiers. Comme le note un rapport
de 1995, grâce à un tel centre
"la formation judiciaire est l'affaire
des juges et l'expression, par là même, de la
spécificité et de l'indépendance de la magistrature
au sein des institutions étatiques".
Le même rapport indique le développement d'une formation
de para-juristes assurée par le Comité Africain pour le Droit
et le Développement (CADD-Sénégal) en 1995 dans la
région du Sénégal Oriental et le financement d'un
séminaire de formation. L'auteur souligne que
"cette rencontre a permis à des magistrats exerçant
à Dakar mais également à des présidents de tribunaux
départementaux, à des universitaires, à des responsables
des Eaux et Forêts d'être confrontés à une population
passionnée par les problèmes de Droit qui se sont
avérés être ceux de son quotidien".
Pour
qui veut bien lire entre les lignes, les éléments d'espoir
sont au moins autant à trouver dans l'expérience de la formation
de para-juristes que dans la professionnalisation des
magistrats.
La documentation
L'envoi des documents fondamentaux et revues aux cours, tribunaux
et ministères de Justice est important. Mais le contenu renforce le
mimétisme dans la mesure
où sont expédiées des revues "du nord" alors
qu'il faudrait publier et commenter les décisions de juridictions
"du sud". Paradoxalement, les magistrats africains ne connaissent que les
décisions des hautes juridictions de l'ancienne puissance coloniale
et il n'est pas rare d'y référer explicitement dans le corps
des commentaires
darrêts[23]. Par
ailleurs, la plupart du temps, les différents documents sont
détournés et se retrouvent dans des bibliothèques
privées de certains responsables. Aussi, il est souhaitable que la
coopération prenne des mesures propres à assurer une utilisation
optimale de la documentation nécessaire aux magistrats et aux personnes
auxiliaires de justice. Pour ce faire, la création des Centres nationaux
de documentation juridique et judiciaire est souhaitable.
3.3.
pour une coopération
rénovée
Dans
le point précédent, nous avons noté que la coopération
devrait aider les Etats à rendre compatibles le réel juridique
et le Droit proclamé. En d'autres termes, elle devrait aider les Etats
à mettre en oeuvre des réformes pour mieux répondre
aux attentes de la population dans le domaine judiciaire. Mais tout d'abord,
quelles sont ces attentes ?
- Les besoins et les attentes des populations
africaines en cette fin du XX° siècle
Ils
sont nombreux. Pour ne pas nous perdre dans des considérations trop
générales, reprenons ceux que nous avons recensés en
Guinée, en mars 1996 :
1. Une justice équitable et impartiale dans son rôle
d'arbitrage et non au service de quelques individus ;
2. Une lutte ouverte contre la corruption, les détournements
et le despotisme ;
3. Un choix judicieux des juges et des fonctionnaires selon leur
mérite, leurs expériences et leur "patriotisme"
;
4. Une équité dans la répartition des revenus
par préfecture, par région, selon les professions,
etc...
5. Une prise en compte des valeurs coutumières avec pour objet
d'adapter les droits aux besoins communautaires ;
6. Une éducation civique des citoyens guinéens quant
à leurs droits vis-à-vis de la nation ;
7. Un contrôle suivi des gestionnaires des biens et du patrimoine
publics
8. Une protection accrue du citoyen, notamment des femmes, des enfants
et des marginaux ;
9. L'abandon des intimidations et la sauvegarde de la paix et de
l'unité nationale sont les réalités et les moyens du
pays ;
10. L'association des leaders communautaires au règlement des
conflits ;
11. La gratuité des jugements dans la transparence
;
12. L'amélioration des conditions de travail des magistrats
; créer des compétences en améliorant la qualité
de la formation ;
13. Une publication des décisions de justice
;
14. Encouragement par des récompenses et des promotions des
bons juges et sanction des juges indisciplinés et
incompétents.
Les
derniers points sont apparus les plus déterminats, les premiers
étant évoqués de manière plus
rituelle.
- Les axes d'une politique réformatrice
fondée sur le pluralisme judiciaire
Examinons
successivement ses niveaux d'organisation puis la philosophie pouvant guider
l'oeuvre réformatrice.
- Les niveaux d'organisation du pluralisme
judiciaire
Dans notre rapport « Demandes de justice et accès
au Droit en Guinée »
[24],
K. Conde distingue trois types de conflits :
- "les conflits intra-communautaires mineurs",
- "les conflits relevant du domaine public", au sens
d'extra-communautaires, étatiques ou impliquant le monopole de la
violence physique,
- "les conflits en rapport avec les deux tableaux", c'est-à-dire
qui se posent dans les relations entre les groupes (de nature
extra-communautaire), mais qui ne peuvent être saisis dans (ou par)
le droit moderne parce qu'impliquant plus la restauration du lien social
que la sanction.
Cette grille, on le constate, combine des critères de distinction
du droit traditionnel (intra/extra communautaire) et du droit moderne (les
régulations publiques mises en oeuvre par l'Etat). Si on note l'absence
du "référent privé" (dans le couple public/privé),
c'est sans doute parce que l'individualisme fortement critiqué dans
les conduites de certaines élites n'est pas encore considéré
comme un comportement légitime susceptible d'être sanctionné
par un type de juridiction qui serait, par exemple, un tribunal de grande
instance.
Cette combinaison est conforme à notre hypothèse de
métissage institutionnel et était déjà l'axe
privilégié de notre rapport à la Conférence des
ministres francophones de la Justice du Caire.
Comment mettre en forme un dispositif institutionnel fondé
sur le pluralisme judiciaire et, en particulier, préciser les
terminologies et les compétences ?
Tout d'abord, il conviendrait de ne pas utiliser le terme justice
là où il faut préférer une médiation pour
les conflits intra-communautaires. Ansi, il conviendrait de proposer des
"Instances amiables de règlement des conflits",comme le sous bassement
de toute réorganisation de la justice.
Ensuite il conviendrait dorganiser un mode extra-communautaire
de réglement des conflits, qu'on propose d'associer à une justice
de paix à compétence étendue pour tous les litiges en
matière privée et pour les contraventions.
Enfin, le dernier niveau serait une justice
« publique » (composée de magistrats
professionnels), compétente
en première et seconde instances pour les affaires civiles et
pénales relevant du Droit guinéen moderne et sur la base
dune option dune des parties.
- Philosophie de la réforme
proposée :
Sans prétendre résoudre des contradictions insurmontables,
la réforme exprimerait trois ambitions :
1) Assurer l'autonomie des instances amiables de règlement
des conflits, précédemment présentées comme justice
traditionnelle mais qui ne sont pas compétentes pour rendre la justice
au sens moderne.
Les autorités traditionnelles, familiales ou locales interviennent
en tierce partie pour favoriser un consensus qui est l'expression du principe
"les conventions librement formées tiennent lieu de loi à ceux
qui les ont faites".
On suppose donc, que les instances amiables peuvent librement se
créer, intervenir sur la scène juridique et favoriser tout
consensus, dès lors que les buts poursuivis ne sont pas contraires
à l'intérêt général ou aux bonnes moeurs
et susceptibles, à ce titre seulement, de la censure du ministère
public, au titre de la loi sur les associations.
D'un point de vue anthropologique, ces instances amiables doivent
être considérées comme des "champs sociaux semi-autonomes"
au sens de Sally Falk Moore (Law as Process, London, Henley, 1978). C'est la qualité
de la solution qui détermine leur efficacité, donc leur
pérennité, donc leur
légitimité.
L'intérêt général
commande de rendre l'intervention
de ces instances néo-coutumières et néo-communautaires
la plus transparente possible, en particulier en autorisant une saine concurrence
entre elles et une publication de leurs solutions.
2) Construire une instance intermédiaire, la justice de paix,
habilitée à se saisir de tout conflit en matière civile
en première instance, ainsi que les interventions en privilégiant
un mode négocié de solution plutôt que la décision
contentieuse.
Le choix de l'expression "justice de paix" n'est pas de renouer avec
une vieille terminologie mais bien de fonder
la pacification de la
société sur une approche spécifique.
Il conviendrait d'approfondir la recherche pour préciser si
le titulaire doit être un juriste ou un
"magistrate" au sens britannique,
dans le cas un membre de la communauté, désigné en raison
de ses qualités intellectuelles, morales et de sa connaissance du
Droit pour remplir un mandat pluriannuel reconductible.
3) Réduire l'intervention de la justice professionnelle aux
seules matières impliquant un investissement technique et professionnel
lourd : le droit pénal délictuel et criminel, d'autre part,
en matière civile, les questions détat des personnes
ou de droit patrimonial relevant du secteur moderne et urbain de la
société et du droit des affaires.
La réduction des compétences peut conduire à
une meilleure formation des magistrats, mais aussi à une meilleure
professionnalisation et rémunération.
Ainsi, la fonction du juge comme figure d'autorité pourrait
être restaurée en liaison avec l'exercice de toutes les
compétences disciplinaires et de toutes les voies de recours
nécessaires pour moraliser et professionnaliser la magistrature à
ce niveau.
- Bénéfices escomptés de la
politique judiciaire préconisée
Pour restituer aux Africains une confiance dans leur justice, il ne
suffit pas de commenter plus ou moins laudativement les avantages comparatifs
de la justice moderne. Cette attitude risque surtout de favoriser un certain
griotisme tout en renforçant le caractère dualiste (à
double vitesse) du régime judiciaire actuel dont une très large
partie, la "justice traditionnelle" est actuellement condamnée à
une vie occulte, sous-marinière pourrait-on dire.
L'exigence de l'Etat de droit tient moins à l'existence de
codes adaptés qu'à la possibilité de sanctionner
l'autorité publique qui n'accepterait pas d'être obligée
par les normes qu'elle édicte. Surtout, l'Etat de droit doit
refléter par ses normes, les valeurs sociales poursuivies par le plus
grand nombre, ces valeurs étant en Afrique
néo-communautaires.
Parmi ces valeurs, le fait de partager la solution d'un conflit au
sein du groupe qui l'a vu naître est caractéristique de la
permanence du référent communautaire.
C'est donc dans cette perspective qu'il faut concevoir une intervention,
en n'hésitant sans doute pas à jeter les bases
"révolutionnaires" (au sens copernicien) de la réforme de la
justice.
Ce grand "big-bang" judiciaire devrait, en revalorisant la solution
des conflits au sein des communautés et en y donnant la publicité
souhaitée, favoriser un mouvement de pacification de la
société, mouvement qui devrait être prolongé par
un processus analogue à celui observé en Afrique du Sud du
"national peace agreement" porté par le mouvement des
"civics"[25].
Par ailleurs, la redéfinition du rôle des magistrats
devrait être une occasion de rendre à l'institution judiciaire
son rôle de garant de l'unité nationale, de la démocratie
et d'acteur impartial du développement.
Le mitage de l'institution par l'ethnicité, le népotisme
ou le clientélisme ne saurait disparaître par enchantement.
Il faut donc considérer cette réalité en face, ne pas
se satisfaire de seuls jugements moralisateurs et être persuadés
que la corruption n'est pas une fatalité si on se donne les moyens
de l'éviter et de la sanctionner. Dans ce domaine, une réflexion
nouvelle devrait accompagner la réhabilitation de l'inspection
générale des services judiciaires pour coordonner les
différentes actions ou directions du monde
judiciaire.
Mais,
en
conclusion, ces travaux n'ont d'intérêt que s'ils
font l'objet d'une prise en charge par le haut appareil de l'Etat et dans
une perspective au moins quinquennale. L'apport de la justice à la
vie économique est conditionné par cette transformation qualitative
que nos pages ont tenté d'approcher
globalement[26]. Souhaitons
que ces analyses soient non seulement reconnues mais aussi
concrétisées et que la coopération française
y contribue puisamment puisqu'elle possède les expériences
et les compétences pour y faire face.
[1]Rapport préparé par Etienne Le Roy, professeur à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur du DEA d'études africaines et du Laboratoire d'anthropologie juridique de Paris et Camille Mwissa Kuyu, docteur en Droit, chargé d'enseignement à l'université de Paris 1, consultant.
[2] Pierre Bourdieu, Habitus, code et codification , Actes de la recherche en sciences sociales, 1986, volume 65, p. 40.
[3]Michel Alliot, "Hâtives réflexions sur lavant-projet de symposium <le Droit de punir>",Bulletin de liaison du Laboratoire dantropologie juridique de Paris, volume 2, 1980, p. 69-73
[4] On fera, au moins provisoirement et pour ne pas décourager la curiosité du lecteur, l'économie d'un commentaire sur les conséquences d'une analyse qui induit ce qu'en termes savants on appelle une "rupture épistémologique". Dans ses Essais sur l'individualisme, une perspective anthropologique sur l'idéologie moderne ,('Paris, Seuil, 1983), Louis Dumont explique que l'englobement du contraire tente de lever la contradiction entre deux principes d'organisation de la société, celui de hiérarchie inhérent à toute société, et le principe d'égalité, si typiquement "moderne", occidental et individualiste.
[5]Nous retrouvons ici la distinction qui a donné son titre à l'ouvrage en l'hommage à Georges Balandier, Afrique plurielle, Afrique actuelle, Paris, Karthala, 1986, 272 p.
[6] Cette approche de notre politique de coopération induisant un enrichissement à terme de notre conception de la justice, tant en Afrique quen France, a fait lobjet de présentations et de débats féconds depuis 1994 à lEcole Nationale de la Magistrature, au Ministère de la Coopération, à lInstitut International dAdministration Publique...mais demande à être portée par un projet politique qui paraît, en létat, ne pouvoir être qu « alternatif ».
[7] Voir notre analyse dans E. Le Roy, "Problèmes de légitimité dans les théories contemporaines de l'Etat de Droit en France et en Afrique", Legitimation von Herrschaft und Recht, la légitimation du pouvoir et du droit,, sous la dir. de Wilhelm J.G. Mölhlig und Trutz von Trotha, Köln, Rüdiger Köppe Verlag, 1994, 43-54.
[8] Cette demande de justice a été initialement diagnostiquée dans le numéro spécial d'Afrique contemporaine consacré à "La justice en Afrique", (N° 156, 4° tim. 1990), en particulier la partie du numéro traitant de la justice au quotidien, pp. 93-165. Nous y reviendrons dans la suite de notre rapport.
[9] Frédérique PIE, Les politiques pénales en Afrique noire francophone : le cas du Gabon. Bordeaux, Institut détudes politiques, Centre dEtude dAfrique noire, 1989, pp. 24-25.
[10] JeanClaude Willame, Lautomne dun despotisme, Paris, Karthala, 1992, p. 26.
[11]Voir pour Centrafrique Maryse Raynal,Justice traditionnelle, Justice moderne, le devin, le juge, le sorcier, Paris, Lharmattan 1994, 338 p.
[12]E. Le Roy, "l'ordre négocié, l'oralité juridique et les mutations techniques et sociales", Cahiers Science - Technologie - Société, N° 12 Ordre juridique et ordre technologique, Paris, CNRS , 1986, pp. 117-133.
[13] E. Le Roy, la formation du droit coutumier, in E. Le Roy et M. Wane, <la formation des droits non-étatiques>, Encyclopédie juridique de lAfrique, Tome 1 LEtat et le Droit, chap. XV, 1982, p. 371.
[14]Michel Jéol, La réforme de la justice en Afrique noire, Paris, Pedone, 1963, p.58.
[15]Voir notre article " La justice africaine et la redécouverte de la voie négociée de réglement des conflits"dans Afrique contemporaine 1990, référencé note 8.
[16]ACCT, La justice dans les pays francophones, Paris, col. Droit, Démocratie et Développement 1995, 131 p., annexes.
[17]Ousmane Bakoto, Quatre ans de coopération juridique et judiciaire : bilan et perspectives d'avenir, Paris ACCT 30.06 94, pp. 17 & 18.
[18]
Voir, par exemple, dans l'annexe III
du dit rapport, mention de la dactylographie de l'arrét Bokassa,
Centrafrique, 1991
[19]Voir le numéro "Besoin d'Etat", Politique africaine, volume 61, mars 1996 et dans le rapport 1996 de l'OPCF les analyses de D. Bangoura et l'avis relatif à la coopération militaire.
[20]Bonnie Campbell, "Débats actuels sur la reconceptualisation de l'Etat par les organismes de financement multilatéraux et l'USAID" et mes commentaires dans E. Le Roy, "L' Odyssée de l'Etat", Politique Africaine, vol. 61, 1996, pp. 8-25.
[21] L'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a été instituée par traité signé à Port-Louis le 19 octobre 1993 et ouvert à tout membre de l'Organisation de l'Unité africaine. L'action des parties françaises a été déterminante pour la réussite d'un projet d'intérêt commun. Le traité a pour principal objet d'assurer la sécurité judiciaire des transactions commerciales et ainsi de favoriser les échanges, les investissements et la relance de l'activité économique. Sa fonction est essentielle , même si l'activité économique relève principalement des activités "informelles".
[22]En général les magistrats sont détachés maintenant auprès du ministre de la justice en qualité de conseiller technique. Mais le coopérant peut être simplement rattaché à la mission d'aide ou de coopération ou détaché auprès du premier ministre, voire, mais cest bien entendu exceptionnel, du président de la République, en qualité de conseiller juridique et administratif...
[23] On pense en particulier à une des rares revues juridiques performantes, la revue burkinabé de Droit, publiée grâce au concours de la coopération belge.
[24] Rapport dune enquête anthropologique réalisée en mars 1996 pour le Ministère de la Justice, République de Guinée par E. Le Roy, C. Kuyu et K. Conde Paris, LAJP ,mars 1996, 43 p. annexes.
[25] E. Le Roy, "La médiation des conflits peut-elle offrir une alternative à la généralisation de la violence en Afrique du Sud ?" Constitutions et sociétés en Afrique australe, Paris, Economica, 1995.
[26] Pour prolonger ces analyses , voir E. Le Roy, Oser le pluralisme judiciaire, Rapport de synthèse à la conférence des Ministres francophones de la Justice du Caire, 28 p. , non publié.