Violence de la fonction symbolique

et institutionnalisation du droit

contribution ˆ une anthropologie

de la juridicitŽ  et du pluralisme normatif

ƒtienne Le Roy

Professeur ŽmŽrite

UniversitŽ Paris  1 PanthŽon-Sorbonne

Laboratoire dĠanthropologieJuridique de Paris

 

Cette contribution aux Ç MŽlanges en lĠhonneur du professeur Trutz von Trotha È sĠinscrit dans une double prŽoccupation. DĠune part, et ce nĠest que justice, il convenait de privilŽgier les thmes de recherche de notre collgue et, particulirement, de prolonger le colloque singulier et amical que Trutz von Trotha et moi-mme avons enrichi depuis plus de vingt ans ˆ travers les rencontres franco-allemandes des Anthropologues du droit, Žlargies ensuite ˆ lĠŽchelle europŽenne. Il suffit de rappeler le titre de lĠouvrage que nous avions alors co-dirigŽ  Ç La violence et lĠƒtat, formes et Žvolution dĠun monopole È pour constater, dans lĠintitulŽ de cette communication, que je reste dans le droit fil de prŽoccupations alors partagŽes.

 

Pourtant, et dĠautre part, aprs tant de nouveaux travaux en dyade ou sŽparŽment, illustrant ce monopole de la violence physique que Max Weber associait ˆ la construction Žtatique en en faisant un des traits diacritiques de la conception moderne, occidentale et chrŽtienne du pouvoir politique[1], mon attention a ŽtŽ attirŽe par une face cachŽe de la pratique de ce monopole.

Au plus simple, la violence peut tre dŽfinie comme Ç abus de la force È, On ne peut en ignorer les manifestations physiques ou matŽrielles quelle que soit la rŽaction quĠelles provoquent chez le chercheur. Mais, en socio-anthropologues du droit, on doit remonter aux causes de ces manifestations et traiter aussi des sources, des implications et des consŽquences de cet abus, surtout quand il sĠinscrit dans ce qui est tenu par les uns pour lŽgal ou lŽgitime, mais par dĠautres pour Ç mauvais, excessif ou injuste È, ainsi que le dŽfinit le dictionnaire Robert ˆ lĠentrŽe Ç abus È (Robert, 1993, p. 10).

Je me suis donc intŽressŽ ˆ cette autre forme de violence qui relve de la symbolique, terme dont je dois tout de suite mĠexpliquer pour Žviter les piges du langage courant qui dŽfinit le symbolique comme ce Ç qui, tout en Žtant rŽel, nĠa pas dĠefficacitŽ ou de valeur en soi, mais en tant que signe dĠautre chose È  (Robert, 1993, 2188).

Or, sĠarrter ˆ cette dŽfinition serait ignorer tant la charge sŽmantique originelle que les virtualitŽs dĠune recherche prenant la violence de la symbolique au sŽrieux, et pas seulement comme Ç le signe dĠautre chose È. JĠinvite donc le lecteur ˆ remonter ˆ lĠorigine de cette terminologie, donc ˆ ses usages grecs.

 

-Ë propos du symbole comme expression dĠun partage

 

Ë lĠentrŽe sumbolon (sumbolon), le dictionnaire Bailly donne une explication exceptionnellement dŽveloppŽe :  il sĠagit primitivement Ç  dĠun objet coupŽ en deux, dont deux h™tes conservaient chacun une moitiŽ quĠils transmettaient ˆ leurs enfants. Ces deux parties rapprochŽes servaient ˆ faire reconna”tre les porteurs et ˆ prouver les relations dĠhospitalitŽ contractŽes antŽrieurement È (Bailly, 1950, p. 1821). Le dictionnaire nous apprend aussi que le substantif est dŽrivŽ du verbe sumballw (sumballo) qui veut dire Ç mettre ensemble, rapprocher, Žchanger , mettre en commun et partager È (idem , p. 1820). Ainsi, le symbole dŽsigne au sens premier un signe de reconnaissance, puis tout ce qui sert de signe de reconnaissance et ensuite seulement Ç tout signe sensible È de type emblme ou style allŽgorique analogue au sens du franais courant  relevŽ ci-dessus.  Ajoutons enfin un quatrime sens qui enrichit encore le champ sŽmantique puisque sumbolon dŽsigne au pluriel une convention entre deux pays contenant lĠensemble des dispositions rŽgissant, en particulier, les contestations commerciales.

 

Que nous apportent ces considŽrations ?

Laissons de c™tŽ ce qui intŽresse plus particulirement lĠhistorien et lĠanthropologue des institutions grecques. Le fait, par exemple, que le symbole soit initialement associŽ aux lois de lĠhospitalitŽ et ainsi, aux processus de parentalisation qui dŽterminent, dans des sociŽtŽs ˆ principe communautariste dĠorganisation, le jeu des structures sociales mĠavait ŽchappŽ lors de mes travaux inauguraux de 1973 (Le Roy, 1973, 1999). Ce qui me para”t important ici, cĠest lĠidŽe de partage quĠon retrouve dans la dŽfinition initiale du symbole, ˆ la fois comme signifiant la sŽparation ˆ travers un acte matŽriel, casser en deux un objet (gŽnŽralement un disque en argile),  et comme signifiant avoir en commun.

 Comme des notions voisines, je pense en particulier ˆ lĠidentitŽ ou ˆ la parentŽ, le symbole est une notion  ÔJanusĠ, ˆ double connotation. Elle est ˆ la fois ce qui distingue ou sŽpare et ce qui rattache et rend commun. Et, de ce fait, ce terme renvoie ˆ une troisime dimension qui est celle de lĠŽchange qui suppose bien de se sŽparer pour recevoir, de diffŽrencier puis dĠidentifier les analogies et les Žquivalences qui permettront la circulation de lĠtre ou de la chose sous condition de rŽciprocitŽ. 

Commentant le cŽlbre Ç Essai sur le don È de Marcel Mauss, (Le Roy 2007), jĠavais dŽjˆ soulignŽ la place centrale que doit tenir la notion de partage (plut™t que celle de la dette) dans une lecture anthropologique du don et, plus gŽnŽralement, des phŽnomnes juridiques. Je me propose ici dĠillustrer quĠelle pourrait tre effectivement dŽterminante pour comprendre, au sein de cette problŽmatique que je nomme le Ç mystre du droit È, ce qui fait lĠessence propre  de ces phŽnomnes et que je dŽsigne actuellement par le processus dĠinstitutionnalisation.

 

-Instituer et institutionnaliser

 

JĠintroduis ici une nouvelle distinction qui est le fruit de travaux portant sur le transfert du modle Ç romano-germanique È du droit et de la justice en Afrique dans les contextes colonial et post-colonial. Pour traiter des modes de rglement des conflits dans des enceintes formellement reconnues, des juridictions au sens  du lieu o on dit le droit, je ne pouvais pas traiter de la mme manire les expŽriences endognes africaines et les expŽriences exognes coloniales. Ë la limite, et selon des exigences anthropologiques respectables, on peut tenir ces expŽriences pour incomparables. Elles devaient pourtant tre comparŽes, mais sur des bases satisfaisantes. Il mĠŽtait impossible de continuer ˆ utiliser un langage ethnocentrique qui marquerait une cŽsure inconciliable (de type civilisation et sauvagerie) et une infŽrioritŽ de pratiques des Africains alors quĠil sĠagit dĠune diffŽrence dans les logiques dĠorganisation et dans les visions du monde quĠon entend promouvoir. JĠai choisi, solution sans doute bancale, de mobiliser les majuscules et dĠŽcrire Justice quand je parlais de lĠexpŽrience coloniale et justice pour les modes endognes de rglement des diffŽrends, sur la base dĠun raisonnement dont je dois ici mĠexpliquer pour pouvoir ensuite le postuler dans le cadre de cette nouvelle contribution. .

 Il est indŽniable que tout observateur peut relever dans les expŽriences endognes des Africains, celles qui sont associŽes ˆ leur gŽnie propre et non ˆ une acculturation imposŽe par la colonisation europŽenne, des principes dĠorganisation, mme pour les dispositifs les plus rudimentaires que dŽcrit par exemple Evans-Pritchard pour les Nuer et leur Ç chef ˆ peau de lŽopard È (Evans-Pritchard , 19 94[1937]). Il y a bien institution dĠun mode de rglement existant antŽrieurement au diffŽrend et prŽsidant ˆ sa gestion ou ˆ son rglement. La Ç justice È est donc bien instituŽe  et on peut parler, dans la communication courante de nos travaux, dĠune institution de la justice, avec une minuscule pour chacun des deux termes.  

Pourtant, quand on confronte ces images Ç endognes È ˆ dĠautres reprŽsentations Žtatiques et modernes, telles les modernes cours dĠassises par exemple, on change de monde. On prend conscience, ainsi que le soulignait la filmographie judiciaire de notre collgue et ami nŽerlandais Adrian van Rouveroy van Nieuwaal pour le Togo, quĠil sĠagit de mondes incomparables et qui nĠavaient et nĠont toujours pas de chance de se rencontrer, sauf sur le mode de la nŽgation. Chacun de ces mondes (avec les expŽriences diverses et complexes qui le constituent) organise et institue la prise en charge des conflits. Mais lĠun, le n™tre occidental et moderne, y ajoute tant sur la forme que sur le fond des contraintes propres, issues dĠune histoire qui nous fait remonter au moins jusquĠau droit romain et, pour ses fondements, ˆ la vision du monde judŽo-grŽco-romano-chrŽtienne dont ces contraints de forme (procŽdures) et de fond (normes juridiques) sont une expression (infra). Comme, en outre, cette approche occidentale-moderne a prŽtendu dŽroger ˆ toutes les autres expŽriences humaines, quĠelles soient antŽrieures ou contemporaines, pour faire advenir une sociŽtŽ marquŽe en particulier par lĠindividualisme, un ƒtat dŽmocratique et un mode de production capitaliste assurant une accumulation continue de la richesse, il y a dans cette vision de la justice une dimension tŽlŽologique. JĠai souhaitŽ la restituer par lĠemploi du terme Ç institutionnalisation È, comme promotion dĠune conception propre de lĠinstitution destinŽe ˆ assurer le progrs, lĠordre ou la civilisation selon les contextes. 

Par le suffixe Ç nalisation È , je propose en particulier de rendre compte de cette force singulire et arbitraire, la symbolique, qui ayant , dans le contexte de la justice, transformŽ une institution en Institution , permet le passage, dans le domaine plus gŽnŽral de la vie juridique, de la juridicitŽ au droit. Autrement dit, je cherche ˆ comprendre le mouvement de transformation dĠun phŽnomne gŽnŽral dĠorganisation de la normativitŽ et commun ˆ toutes les sociŽtŽs (la juridicitŽ dont je vais reparler) en droit, comme mode spŽcifique dĠune domination lŽgale-rationnelle, proprement occidental et judŽo-chrŽtien, de concevoir lĠinstitution juridique de la vie en sociŽtŽ, le vitam instituere,[2] selon les canons de la modernitŽ et de ce quĠelle cache. Ou ce que nous ne savons plus voir car il nĠest pas besoin dĠtre grand clerc pour aboutir aux observations que nous dŽvelopperons au sujet des reprŽsentations qui sont ici ˆ lĠÏuvre.

Pour avancer dans cette analyse, je me propose dĠabord dĠexpliquer comment je suis arrivŽ ˆ associer le droit ˆ lĠinstitutionnalisation puis quelle charge de violence semble recouvrit   particulirement cette mise en mouvement de lĠinstitution dans le processus de lĠinstitutionnalisation et de sa symbolique, mouvement suffisamment crŽdible pour quĠil semble partagŽ par le plus grand nombre des Ç enfants de la modernitŽ È et ainsi Ç symboliquement È lŽgitime. Mais pourtant en crise

 

LĠinstitutionnalisation, signe diacritique du droit ?

 

-Le problme

 

Je me suis longtemps contentŽ dĠassocier le droit ˆ la sanction comme une procŽdure rendant obligatoire ou constatant le caractre obligatoire dĠun acte ou dĠune norme. Puis, jĠai commencŽ ˆ me poser des questions quand, il y a une dizaine dĠannŽes, lĠhypothse de la juridicitŽ a cessŽ dĠtre Ç symbolique È au sens dĠun signe exprimant une obligation qui pouvait relever de lĠinfra-droit ou du mŽta-droit, bref de ces contrŽes mystŽrieuses  explorŽes par exemple par Jean Carbonnier dans son Flexible droit (1995). Cet au-delˆ du droit que notre langage a tentŽ de circonscrire en mobilisant les termes coutumes, usages, pratiques etc. a chez nous Occidentaux les apparences dĠun rŽsidu qui doit cŽder ˆ toute pensŽe rationnelle et normalisante. Tel nĠest pas le cas dans les expŽriences dĠautres cultures qui nĠont pas eu ˆ inventer[3] lĠŽquivalent du droit tout en Žtant rŽgulŽes selon des modalitŽs qui peuvent tre des rituels dans lĠexpŽrience chinoise confucŽenne, le dharma dans la vision hindoue, le fiqh dans lĠIslam ou la tradition familiale ou locale dans nos campagnes franaises ou africaines.

Nous devons intŽgrer trois ruptures dans nos raisonnements et dans nos systmes de croyances.

Tout dĠabord le droit que nous pratiquons nĠest pas une rŽponse gŽnŽrale et commune ˆ lĠensemble du dŽveloppement humain, mais un folk system propre ˆ un moment particulier de cette histoire humaine.

 Mais il nĠest pas seulement une rŽponse parmi dĠautres, il a voulu, en outre, dŽroger ˆ des principes tenus pour non-nŽgociables durant des millŽnaires et dans lesquels se retrouvent, au moins, les deux tiers de lĠhumanitŽ, Ce Ç reste È, ce solde qui nĠest pas saisi par le droit,  est rŽgulŽ par des mŽcanismes de contr™le social tenus pour obligatoires et que je dŽnomme globalement la juridicitŽ..

 Par ailleurs, le droit est issu de la juridicitŽ et appelŽ Žventuellement ˆ y retourner selon une procŽdure de qualification que jĠai ci-dessus dŽnommŽe lĠinstitutionnalisation ou de disqualification qui reposera sur une procŽdure parallle de dŽs-institutionnalisation.

Comment, stimulŽ par des expŽriences ultramarines, en Afrique, en Australie et au Canada, expliquer o et comment sĠopre ce passage de la juridicitŽ  au droit ?

Par quelle magie Ç blanche È passe-t-on dĠun niveau de conscience de pratiques tenues pour obligatoires selon les considŽrations tirŽes de la rŽpŽtition, du recopiage, de la paraphrase, de la reproduction plus ou moins conforme des modles, etc., ˆ un autre niveau qui est celui du droit et dans lequel, par une conception promŽthŽenne constamment mobilisŽe et revisitŽe[4], chacun fait sa vie par lĠentremise dĠun droit qui ; comme le marchŽ, doit tre transparent et immŽdiatement mobilisable pour concourir  ˆ la rŽussite de la nouvelle sociŽtŽ des individus. Donc reposer sur des normes neutres, abstraites, impersonnelle, universalisables, comme supports aptes ˆ assurer lĠŽchange gŽnŽralisŽ et le partage selon les contraintes du marchŽ, tant juridique que financier (Alliot, 2003, Bourdieu, 1980, Le Roy, 2007).

Pour avancer, je vais revenir ˆ une Žtude, rŽcemment redŽcouverte, dĠun des fondateurs du pluralisme juridique Ç radical È, Roderick Macdonald qui va nous aider ˆ mieux comprendre ce que reprŽsente la normativitŽ de la juridicitŽ et le saut qualitatif que reprŽsente lĠinstitutionnalisation de la juridicitŽ en droit.

 

- Ç Pour la reconnaissance dĠune normativitŽ juridique implicite et infŽrentielle È (Macdonald, 1986)

 

 Roderick Macdonald est professeur de thŽorie du droit ˆ lĠuniversitŽ MacGill de MontrŽal. Il est ainsi tout autant common lawyer que civiliste. Cette ma”trise des deux grandes traditions juridiques occidentales lui permet dĠanalyser avec talent la commune tendance ˆ enfermer le droit dans ce quĠil nomme le Ç positivisme institutionnel È, dominŽ par le culte de la loi..

On ne reviendra pas sur lĠexposŽ de ce positivisme institutionnel qui est donc consacrŽ ˆ la manire de traiter les sources du droit sauf pour relever une mŽtaphore qui en dit long  et dont la formulation est empruntŽe successivement ˆ P.J. Fitzgerald  et ˆ J. Ghesthin: Ç les sources du droit sont les <gates through which new principles can find entrance into the law>[5], ou <les modes de crŽation des rgles de droit È (1986, 50). Des portes qui font accŽder ˆ une nouvelle rŽalitŽ, par la gr‰ce dĠune reformulation !

Retenons pourtant une observation qui sera utile par la suite :

 Ç Les auteurs qui ont tentŽ dĠidentifier les sources du droit en sont invariablement venus ˆ la conclusion que la lŽgislation, la jurisprudence et la coutume sont parmi ces sources. La premire est lŽgitimŽe par une volontŽ politique, la seconde, par une dŽlŽgation de pouvoirs de lĠƒtat, la troisime, par une pratique sociale. Curieusement, peu dĠefforts sont faits pour ŽnumŽrer ou diffŽrencier les propriŽtŽs de chacune de ces sources. On tente de les rŽduire toutes les trois ˆ une structure logique commune et de les conceptualiser  suivant cette structure, cĠest-ˆ-dire sous la forme explicite et propositionnelle caractŽristique de la loi È (Macdonald, 1986, 50, soulignŽ par moi, infra).

         LĠuniformitŽ logique et le modle de la loi sont les deux variables principales qui vont tre retravaillŽes  par lĠauteur pour proposer une nouvelle typologie des normes juridiques :

 On pourrait Žtablir, par inversion, une typologie plus subtile, en postulant deux axes distincts : lĠun figurant le continuum de la loi et de lĠusage coutumier, et lĠautre le continuum de la loi aux dŽcisions judiciaires. Sur le premier axe, qui est vertical, on Žtablit la distinction entre les normes en ce quĠelles sont explicites ou implicites, cĠest-ˆ-dire exposŽes avec plus ou moins dĠautoritŽ. Sur le deuxime axe, qui est horizontal, on distingue les normes codifiŽes (cĠest-ˆ-dire exactes, canoniques et vŽrifiŽes) et les normes infŽrŽes (cĠest-ˆ-dire approximatives, mŽdiates et mŽtaphoriques), selon la transparence de leur signification  normative È (Macdonald, 1986, 52).

 

Tableau NĦ 1 (Macdonald, 1986, 53).

                                            Nature du sens normatif

Mode dĠŽlaboration

Transparent

mŽdiat

institutionnel

Explicite et formulŽ

(loi)

explicite et infŽrentiel

(dŽcision  judiciaire)

interactionel

Implicite et formulŽ

(coutume/usage)

Implicite et infŽrentiel

(principes et concepts)

 

 

JĠai introduit dans chaque case en itialique et entre parenthses lĠŽquivalent des sources de droit identifiŽes par lĠauteur. Et jĠai ajoutŽ la trame grisŽe de la case implicite et infŽrentiel pour mieux repŽrer la logique dĠutilisation du tableau, partant de cette case pour expliquer les transformations de concepts et de principes normatifs en lois, coutumes ou dŽcisions judiciaires. Sous rŽserve de ces explications[6], allons directement aux conclusions de lĠauteur Ç portant sur la normativitŽ implicite et infŽrentielle dans les systmes juridiques modernes È.

-Premirement, chaque groupe social comprend un systme normatif composŽ de normes explicites et implicites, ainsi que des normes formulŽes et infŽrentielles.

:

-Deuximement, quand surgissent des institutions chargŽes dĠappliquer la loi, le centre dĠintŽrt pour la recherche normative se dŽplace des normes infŽrentielles et implicites vers les normes explicites et formulŽes, confirmŽes par ces institutions.

 

-Troisimement, ˆ ce moment-lˆ, on nĠa plus tendance ˆ reconna”tre les normes infŽrentielles et implicites comme normes, mais plut™t de les redŽfinir, soit comme des antŽcŽdents de dŽcisions judiciaires, soit comme de simples ŽlŽments dĠinterprŽtation de textes formulŽs et explicites.

- Quatrimement, la perte de lŽgitimitŽ des normes infŽrentielles et implicites entra”ne une illŽgitimitŽ croissante des institutions infŽrentielles et implicites, et renforce lĠidŽe que les systmes normatifs incapables de produire des normes des institutions formulŽes et explicites sont prŽ-juridiques ou non juridiques È (1986, 57-58).

 

LĠauteur identifie enfin une Ç dynamique de la normativitŽ È qui, suppose-t-il, Ç prŽvaut dans tous les systmes normatifs È. Ë lĠinverse de ce que nous posons trop rapidement en Occident, dit-il,

Ç les normes explicites et formulŽes ne rŽglementent pas et ne contr™lent pas la vie sociale, mais, en contribuant ˆ dŽfinir des aspects particuliers de lĠinteraction humaine (É) , elles crŽent des diffŽrends qui appellent une solution formelle.

Une normativitŽ implicite et infŽrentielle est inhŽrente ˆ toutes les communautŽs ; le processus de prise de dŽcision juridique consiste en rŽalitŽ ˆ retrouver et reconna”tre, au-delˆ de la manire formelle de rŽsoudre des diffŽrends, le jeu des normes implicites et infŽrentielles. Pour cette raison, seules les normes implicites et infŽrentielles sont rŽellement normatives. (Macdonald, 1986, 58).[7]

 

 

- ConsŽquences qui peuvent tre tirŽes  des propositions de Rod. Macdonald

 

Je distinguerai dĠabord des enseignements qui me paraissent clairs et en conformitŽ avec mes travaux antŽrieurs et ceux qui supposent des investissements nouveaux.

 

Les convergences

Si on accepte dĠassimiler les normes implicites et infŽrentielles ˆ la juridicitŽ, question de convention[8],  on posera que cette juridicitŽ est un rŽservoir, voire le seule rŽservoir, dans lequel la sociŽtŽ peut puiser pour rŽguler les comportements de ses membres.

Si on accepte aussi lĠidŽe selon laquelle Ç le droit È est la transposition  de la juridicitŽ Ç pour dŽfinir des aspects particuliers de lĠinteraction humaine È, on retrouve les deux thŽormes de Jean Carbonnier[9], ˆ cette rŽserve prs que ce qui est dit implicite et infŽrentiel nĠest pas des pratiques sociales mais est tenu pour des normes  de premier degrŽ et, finalement, pour les seules normes qui interfrent avec la rŽgulation/pacification de la vie en sociŽtŽ. Je considre depuis de nombreuses annŽes, ˆ la suite de Michel Alliot (2003) que ces Ç aspects particuliers È concernent les domaines quĠune sociŽtŽ tient pour vitaux. Et plus particulirement, reprenant Pierre Legendre (1999), que cĠest lˆ o Ç se nouent le social, le biologique et lĠinconscient pour assurer la reproduction de lĠhumanitŽ È.

La troisime idŽe quĠon peut en dŽduire est que le passage de la juridicitŽ au droit sĠopre sous une double contrainte, allant de lĠimplicite ˆ lĠexplicite, de lĠinformulŽ au formulŽ,  contraintes ˆ la fois de forme et de fond, mais dĠabord de forme. Brodant autour de la formule de Pierre Bourdieu Ç codifier, cÔest mettre en forme et mettre des formes È (Bourdieu, 1986), je proposais, sous la formule Ç in ordinem adducere È de CicŽron, de considŽrer que le droit met en ordre et met de lĠordre (Le Roy, 2006) et que cĠest lˆ o le mystre de lĠinstitutionnalisation va interfŽrer.

Une quatrime idŽe me para”t aussi devoir tre retenue, mme si elle peut bouleverser les reprŽsentations des modes de rŽgulation des sociŽtŽs traditionnelles. Toutes les sociŽtŽs (donc pas seulement les sociŽtŽs contemporaines) connaissent des normes explicites et formulŽes ˆ c™tŽ des normes implicites et infŽrentielles, mais ce nĠest pas pour cela quĠelles connaissent Ç le droit È[10]. Je suis venu lentement ˆ cette Žvidence parcequĠil fallait dissocier  le fonds que jĠappelle Ç normes gŽnŽrales et impersonnelles È de la formule spŽcifique de ces normes telles que monopolisŽes par un pouvoir politique centralisŽ et monarchique, formule qui est dite Çla loi È. Mais, une fois cette Žvidence acceptŽe, il faut traiter lĠensemble du problme, cĠest-ˆ-dire  comment les trois fondements de la juridicitŽ concourent  ˆ lĠinstitutionnalisation du droit[11]. Je rappelle pour mŽmoire que, dans Le jeu des lois (Le Roy, 1999), je distingue entre normes gŽnŽrales et impersonnelles (NGI), modles de conduites et de comportements (MCC) et systmes de dispositions durables (SDD) ou habitus dans le langage de P. Bourdieu (Bourdieu, 1980).  Je considre Žgalement que ces trois fondements se retrouvent dans toutes les sociŽtŽs, mais selon des montages spŽcifiques qui signent lĠoriginalitŽ de chacune des traditions. Je crois savoir enfin quĠen Afrique comme en Picardie et dans les premires nations du Canada, la coutume est essentiellement faite de modles de conduites et de comportements. JĠai Žgalement observŽ une occultation assez gŽnŽrale des systmes de disposition durable (SDD) dans nos droits occidentaux, alors quĠils sont ˆ la base de la socialisation juridique chez nous et le fondement de lĠapproche confucŽenne de la ritualisation et de lĠŽducation.

 

Les questionnements

Il y a un certain nombre de questions qui apparaissent rŽgulirement depuis une trentaine dĠannŽes dans ma pratique de recherche et pour lesquelles des intuitions de dŽpart se transforment de plus en plus en convictions, au risque de cŽder ˆ la croyance plut™t que de prouver rationnellement. Mais cĠest justement une des conditions mises pour avancer que de sortir des limites logiques des modes modernes de penser la sociŽtŽ et son droit car les contradictions ne sont pas nŽcessairement lˆ o elles sont explicitement formulŽes.

 Une premire sŽrie de problmes tient ˆ la qualification des matŽriaux ˆ la base de la rŽgulation. Deux termes de lĠauteur sont particulirement discriminants, norme et ordre. SĠils sont pertinents dans le langage du droit, le sont-ils dans celui de la juridicitŽ ? Mon opinion est de plus en plus dubitative sĠil sĠagit ainsi dĠaligner les catŽgories conceptuelles de la juridicitŽ (les normes implicites et infŽrentielles dans le langage de R. M.acdonald) sur celles du droit. Si le droit est pensŽ comme autonome, voire auto-poiŽtique, la juridicitŽ est hŽtŽronome (Le Roy, ˆ para”tre) et se trouve rŽgulŽe par des catŽgories qui relvent dĠautres champs, le politique, la morale ou la religion en particulier. JĠen tire deux consŽquences. DĠune part, on ne peut parler gŽnŽralement dĠordre juridique unique pour une sociŽtŽ ds lors quĠon reconna”t la prŽsence, mme occultŽe, de la juridicitŽ derrire le droit. On doit tre sensible ˆ deux rŽalitŽs distinctes auxquelles doivent correspondre logiquement des modes originaux de qualification, surtout quand lĠun, le droit, nie la rŽalitŽ de lĠautre. Et, dĠautre part, en situation de pluralisme juridique ˆ laquelle nous aboutissons presque mŽcaniquement dans ce type de raisonnement, le respect des modes dĠŽnonciation est indispensable et interdit les fausses gŽnŽralisations. Pour oiseuse quĠelle puisse para”tre, cette discussion nĠen nĠest pas moins essentielle pour la suite de notre rŽflexion. Si ordre et normes nĠappartiennent pas ˆ lĠensemble juridicitŽ mais discriminent lĠensemble Ç droit È ils ont donc un rapport particulier avec le processus dĠinstitutionnalisation, imposant des contraintes propres qui doivent tre ma”trisŽes pour passer de lĠimplicite ˆ lĠexplicite et de lĠinformulŽ au formulŽ dans le modle macdonaldien, des usages ˆ la loi plus gŽnŽralement .

De plus, et Rod. Macdonald le souligne continžment, ce processus ne porte pas sur lĠinvention ou la crŽation de normes originales mais sur le passage dĠun domaine de la rŽgulation ˆ un autre en respectant des procŽdŽs et des procŽdures de requalification qui font du respect de la forme une contrainte au moins aussi dŽterminante que celui des normes gŽnŽrales et impersonnelles instituant des rgles de fond. CĠet aussi le cas des modles de conduites et de comportements au fondement de la coutume. On retrouve ici incidemment une Ç vieille È question qui partageait jadis les anthropologues du droit nord-amŽricains ˆ propos de la thŽorie de la double articulation des faits sociaux en normes sociales  puis en normes de droit/law (Pospisil, 1971).

 

- En consŽquence, on voit mieux appara”tre ce que peut tre le mŽcanisme de lĠinstitutionnalisation de la juridicitŽ pour produire du droit.

 

- On est en face dĠun mouvement quĠon doit considŽrer comme incessant, allant dans les deux sens, de la juridicitŽ vers le droit et inversement. Ç Tout change et la seule chose qui ne change pas cĠest que tout change È (Debussy citŽ par Le Roy, 1999). Mais juridicitŽ et droit ne changent pas de manire synchronique et il nĠy a ni reflet parfait de lĠune dans lĠautre ni continuitŽs. Et les contradictions sont dĠautant plus fortes que, comme le remarque R. Macdonald, la formalisation de la norme implicite en norme de droit provoque des blocages et des contraintes qui appellent toujours plus dĠintervention, donc dĠinstitutionnalisation.

- Ce passage dĠune sphre dans une autre repose sur une transposition dĠun registre dans lĠautre, Žquivalant ˆ une vŽritable traduction en recourant ˆ une terminologie et ˆ une grammaire propres ˆ la langue du droit. Seuls les initiŽs peuvent en dŽcoder les implications Mais qui dit traduire dit trahire.  Entre dŽperdition de sens, incomprŽhensions, disqualification de la juridicitŽ en raison de choix Žthiques ou politiques, il y a de nombreuses opportunitŽs ˆ une cŽsure qui peut tre aussi censure. LĠinstitutionnalisation nĠest donc pas seulement un outil de traduction. Il se rŽvle un instrument de domination et dĠexclusion, voire dĠexploitation. 

Car, par ailleurs, en raison du lien entre lĠinstitutionnalisation et la loi, la loi et lĠƒtat, la souverainetŽ et les principes dĠautoritŽ, lĠadage de Hobbes se vŽrifie pleinement : auctoritas non veritas facit ius CĠest ce qui augmente (augere) plut™t que ce qui exprime le rŽel qui fait le droit. Mais, quĠaugmente-t-on dans le processus dĠinstitutionnalisation ? La part de bonne rŽgulation des individus, la bonne gouvernance de la sociŽtŽ ou le monopole du pouvoir Žtatique ? Entre autresÉ

Enfin, ce processus suppose une Ç perte en ligne È. Comme le souligne R. Macdonald, le passage des Ç normes implicites et infŽrentielles È ˆ des catŽgories juridiques implique un effet dĠoccultation ou de disqualification des normes et des institutions infŽrentielles qui y sont associŽes. La formalisation rigidifie et introduit des contraintes puis des conflits qui appellent toujours plus de droit pour les rŽsoudre. Paradoxe du mŽcanisme dĠinstitutionnalisation ; trop de droit tue le droit (Le Roy, 1999). Plus on y recourt, plus il est disqualifiŽ aux yeux des sujets de droit.

 

La symbolique de lĠinstitutionnalisation, violence et contestation

 

Dans sa version moderne, lĠinstitution est une invention religieuse, chrŽtienne mme, qui emprunte ˆ son contexte dogmatique ses reprŽsentations et sa fonction anthropologique. Sa symbolique y est donc associŽe, mais moins par ses aspects thŽologiques que par sa finalitŽ tŽlŽologique, ai-je dŽjˆ dit. CĠest ˆ cela que nous allons nous attacher ici pour en comprendre les enjeux contemporains, les rejets dont ses excs font lĠobjet et les solutions qui annonceraient Ç le commencement dĠun monde È (Guillebaud, 2008).

 

- LĠorigine religieuse de la conception moderne de lĠinstitution

 

Je nĠai ici que peu dĠarguments ˆ ajouter ˆ ceux que jĠavais rŽunis dans mon ouvrage sur lĠInstitution de la Justice (Le Roy, 2004) et que je synthŽtise ˆ lĠattention du lecteur qui nĠa pu consulter cet opus.

Dans le Dictionnaire encyclopŽdique de thŽorie et de sociologie du Droit, Danile Loschack,(1993, 305)  Žcrit ˆ lĠentrŽe ÔINSTITUTIONĠ ;

Ò DĠun commun accord, la gense du concept moderne dĠÓinstitution Ó fait remonter lĠutilisation du terme ˆ la tradition juridique canonique mŽdiŽvale, et plus prŽcisŽment ˆ lĠÏuvre du juriste Sinibaldo de Fieschi (devenu pape sous le nom dĠInnocent IV). En fait, celui-ci recourut le premier au terme latin institutio pour dŽsigner un type particulier de persona ficta et repraesantata, diffŽrente de la persona ficta de la corporation autant que de la fondation.

LĠŽlŽment caractŽristique (et nouveau) de lĠinstitutio est la prŽsence constitutive dĠune auctoritas supŽrieure externe qui, par la suite, acquiert le caractre immanent de la structure organisationnelle et performative de lĠinstitutio elle-mme. Dans lĠinstitutio, le donnŽ social et matŽriel se conjugue inextricablement avec lĠaspect spirituel et symbolique: lĠinstitutio  est un corpus mysticum  vŽritable et particulier (1993-304) Ò.

 

Rappelons que, selon la dŽfinition du Droit canon, fictio est figura veritas, la fiction est une configuration de la rŽalitŽ telle quĠelle est prŽsentŽe ou reprŽsentŽe. CĠest un mode juridique de mise en forme qui nous situe au cÏur du Ômystre du DroitĠ.

Deuximement, cette fiction permet de rendre prŽsent (representare) dans le corps social ce quĠon dŽsigne ci-dessus comme Ôune auctoritas superioris externeĠ mais quĠil nous faut dŽcomposer. Par Ôauctoritas superiorisĠ on pourrait entendre Ò une autoritŽ de rang supŽrieur Ó.  Mais auctoritas est un terme dĠune plus grande richesse si on se rŽfre ˆ sa racine, le verbe augere, qui signifie faire cro”tre ou advenir, donner de la puissance. LĠauctoritas est ainsi ce qui  garantit lĠefficacitŽ dĠun dispositif ou dĠun droit en lui donnant une puissance particulire. Auctoritas superioris doit donc tre entendu par Ôune garantie dĠun rang supŽrieurĠ aux autres fondements de la vie juridique. Quel serait alors ce fondement ?

Le qualificatf Ò externe Ó peut para”tre nŽbuleux, mais il  est dŽterminant car il donne la clef structurale, le mode de lecture Ç symbolique È qui assure la cohŽrence  du dispositif social  ne pouvant, dans les sociŽtŽs judŽo-chrŽtiennes, que venir de lĠextŽrieur alors que dans les sociŽtŽs animistes africaines, par exemple, cĠest de lĠintŽrieur du corps social que viendra ce principe de cohŽrence, cette symbolique. Dans les sociŽtŽs dĠhŽritage judŽo-chrŽtien, il semble que la Ôgarantie de rang supŽrieur externeĠ quĠapporte lĠinstitution selon la conceptions des Canonistes ne pouvait tre originellement apportŽe que par une seule instance : Dieu, lequel pourra ensuite tre remplacŽ par des fictions de portŽe Žquivalente, lĠƒtat ou la Justice comme Institution.

Ceci a au moins deux consŽquences. DĠune part, cela permet dĠŽclairer lĠaspect spirituel et symbolique de lĠinstitution comme un corpus mysticum. DĠautre part, cette remarque permet de justifier le lien substantiel entre la conception moderne de lĠƒtat et de la Justice et la reprŽsentation de Dieu, depuis le livre de la Gense jusquĠˆ la Contre-RŽforme, en la dotant des quatre attributs divins. Si, en effet, nous reprenons, comme nous lĠavons fait dans Le jeu des lois, (Le Roy, 1999) le livre de la Gense (qui contient le cosmogonie des Juifs et des ChrŽtiens) dans la version de la Bible de JŽrusalem, nous pouvons identifier  une reprŽsentation dĠun Dieu crŽateur du monde ˆ partir du nŽant, reprŽsentation qui repose sur quatre attributs : une puissance extŽrieure ˆ ses crŽatures, supŽrieure, omnipotente et omnisciente. Ces attributs seront implicitement associŽs ˆ toutes les Ôinstitutions de rang supŽrieurĠ, dont lĠƒtat, en inscrivant dans la structure de lĠinstitution non seulement le monopole  mais aussi lĠarbitraire,germe des dictatures.

 

Sur la base de ces observations, on peut voir appara”tre un mŽcanisme de mise en relation du visible et de lĠinvisible,de communication des instances qui les organisent et o lĠinstitution appara”t sous des mŽtaphores qui relvent du paratonnerre, de lĠascenseur ou de lĠitinŽraire du shaman revisitŽ par le monothŽisme.  Il y a une charge Ç mŽtaphysique È dans lĠinstitution, ce dont des juristes de droit public comme Maurice Hauriou avaient conscience en se proposant de ma”triser lĠinstitution pour mieux assurer tant lĠefficacitŽ de lĠadministration que lĠexercice du jeu dŽmocratique (Sfez, 2003).

  Ë ces observations, jĠai ajoutŽ rŽcemment une notation supplŽmentaire relative ˆ ce quĠimplique ce monothŽisme ˆ partir de rŽflexions de lĠhistorien Paul Veyne sur les origines juives du monothŽisme et quĠil dŽsigne comme de la monol‰trie.

 

- Une symbolique de lĠinstitution reposant sur la monol‰trie

 

Cela  faisait de nombreuses annŽes que jĠavais repŽrŽ la prŽsence, obsŽdante, dĠune structure unitaire dans les mŽcanismes dĠŽlaboration du droit et des institutions Ç modernes È. Cette structure me para”t ici le vrai symbole de lĠinstitution dans sa formulation unitariste. Elle assure ainsi la fonction Ç symbolique È de rŽduction de la diversitŽ normative selon les canons de la loi.

 

 Paul Veyne dans un addendum Ç PolythŽisme et monol‰trie dans le juda•sme ancien È de son histoire de la conversion de lĠEmpire romain au christianisme (Veyne, 2007, 269 et s.) confirme que le monisme est une trs lente invention, liŽe ˆ des visŽes politiques et que la sociŽtŽ juive a largement composŽ avec un polythŽisme modŽrŽ. La monol‰trie est le creuset au sein duquel, et durant le millŽnaire prŽcŽdant lĠarrivŽe du Christ, on inventera progressivement lĠuniversalisme de Dieu et le monothŽisme.  Je suis de plus en plus enclin ˆ me demander si la vŽritable rŽvolution introduite par les Juifs ne serait pas ce Ç culte du seul È (monol‰trie) plut™t que lĠaffirmation dĠun seul Dieu (monothŽisme). Dans nos usages contemporains et dans nos rapports ˆ lĠƒtat et au Droit, nous sommes sans doute plus les hŽritiers dĠune monol‰trie que du monothŽisme.

Nous sommes en effet non seulement face ˆ un culte de lĠun, mais du culte du seul, le monoV (monos) grec. JĠai tentŽ dans Le Jeu des Lois (Le Roy, 1999) de restituer cette opŽration de rŽduction de la diversitŽ ˆ lĠunitŽ imposŽe dĠun concept ou dĠune institution sous la qualification dĠunitarisme. Cet unitarisme, quĠon retrouve au fondement de toutes les grandes inventions de la modernitŽ juridique, lĠƒtat, le marchŽ, la personne juridique, la souverainetŽ et la propriŽtŽ etc. structure donc lĠorganisation de nos sociŽtŽs, lĠindividualisme, lĠŽtatisme et le capitalisme en particulier.

Comment opŽrer cette Ç rŽduction È, opŽration non seulement logique mais pratique, au sens quasi-culinaire ? Plusieurs formules sont mobilisŽes. JĠen commente ici seulement deux, essentielles.

 Louis Dumont (Dumont, 1983) avait identifiŽ uneÔfigure discursiveĠ, de portŽe exceptionnelle et quĠil considŽrait comme la base de lĠidŽologie moderne, lĠenglobement du contraire. Cette opŽration consiste ˆ ramener la diversitŽ du rŽel ˆ deux ensembles et, par application du principe aristotŽlicien du contraire, ˆ penser lĠun comme le contraire de lĠautre, lĠun Žtant prŽfŽrŽ ˆ lĠautre et, comme par hasard, lĠun Žtant celui que nous, Occidentaux, pratiquons et qui est jugŽ supŽrieur au nom du progrs ou de la civilisation. On passe ainsi de la sur-valorisation de lĠun aux dŽpens des autres ˆ la justification du monopole de lĠUn et le tour est jouŽ, admirablement il faut bien le reconna”tre.

 

Une autre figure tout aussi performante est celle de la triangulation institutionnelle issue de la symbolique du concile chrŽtien de NicŽe. On se rappelle que ce concile, lĠun des plus importants de lĠhistoire des dŽbuts de lĠƒglise, en 325, se tint en prŽsence de lĠempereur Constantin pour rŽsoudre les consŽquences de lĠhŽrŽsie arienne. Selon Arius, le Christ, parce quĠengendrŽ par Dieu ne pouvait tre considŽrŽ comme Ç Dieu È mais comme crŽature, sans doute la plus parfaite, mais seulement comme crŽature. Cette doctrine qui divisa la chrŽtientŽ et la Cour impŽriale au dŽbut du IVĦ sicle fut rŽsolue par une affirmation  dogmatique dite le symbole (ou le triangle) de NicŽe, Dieu est Pre, Fils et Esprit . Dans ce montage, Ç Dieu È est TROIS en Un. Douze sicles plus tard, lors du concile de Trente, convoquŽ dans le nord de lĠItalie pour apporter les rŽponses romaines ˆ la rŽforme protestante, on assiste ˆ une reformulation Ç moderne È du symbole de NicŽe o Dieu est UN en trois.


LĠaccentuation change la portŽe du montage symbolique. Lˆ o, ˆ NicŽe et pour des raisons politiques, on composait avec le pluralisme tout en rappelant le monothŽisme, on assiste ˆ Trente et pour dĠautres raisons politiques, ˆ lĠaffirmation dĠune ƒglise qui se prŽsente comme la seule instance dĠintermŽdiation entre Dieu et les hommes en se disant catholiqu
e (universelle), apostolique (missionnaire) et romaine (dirigŽe par un seul chef, le souverain pontife, Žvque de Rome[12]).

 Que la la•cisation des sociŽtŽs soit intervenue par la suite nĠy changera rien pour ce qui concerne la prŽvalence de lĠunitarisme car, sans considŽrer la la•citŽ comme une nouvelle religion, elle suppose une non prise en considŽration des diffŽrences. Elle opre ˆ la manire et Žventuellement avec les consŽquences des mŽcanismes unitaristes qui ont marquŽ lĠapogŽe de la revendication du monopole chrŽtien ˆ la vŽritŽ et ˆ lĠinstitution de la vie en sociŽtŽ, lĠinquisition par exemple.

Avec les mŽcanisme de triangulation institutionnelle, ou dĠenglobement du contraire, on donne lĠapparence de respecter la diversitŽ des composantes de lĠorganisation considŽrŽes, tout en ramenant ces parties au tout et en passant ensuite, selon des modalitŽs plus ou moins bien nŽgociŽes, du tout au TOUT. Un seul FŸhrer pour le Grand Reich allemand !

 

- La violence de lĠunitarisme et sa contestation

 

Je rappelle ce quĠavait prŽcŽdemment relevŽ Roderick Macdonald ˆ propos des sources du droit : . Ç On tente de les rŽduire toutes les trois ˆ une structure logique commune et de les conceptualiser suivant cette structure, cĠest-ˆ-dire sous la forme explicite et propositionnelle caractŽristique de la loi È

La recherche de lĠunitŽ, avec son corollaire Ç politique È lĠŽgalitŽ, passe par une uniformisation des catŽgories constitutives de lĠhumain et, de lĠindiffŽrence aux diffŽrences, on passe facilement au rejet de toute diffŽrence pour aboutir ˆ une indiffŽrenciation qui est ˆ la fois un enjeu de la post-modernitŽ et un des rŽcifs sur lequel viennent sĠŽchouer des tentatives  originales asiatiques ou africaines, de domestication de la modernitŽ. CĠest aussi un obstacle essentiel ˆ la possibilitŽ de penser des Ç scŽnarios de sortie de crise È de la sociŽtŽ, ˆ la hauteur de la complexitŽ des enjeux contemporains.

Jean-Claude Guillebaud parle avec raison de Ç lĠangoisse de lĠindiffŽrenciation È et, ˆ propos de la violence islamique, remarque que cette violence Ç  na”t dĠun refus de la ressemblance et non point dĠune altŽritŽ de principe. (É) LĠeffacement angoissant des <diffŽrences> conduit ˆ mythifier lĠidentitŽ en pŽril È. Car, lĠexplique lĠauteur Ç lĠislam contemporain est obsŽdŽ par le thme de lĠeffacement des limites, des frontires et des catŽgories fondatrices, effacement qui leur semble caractŽriser la culture occidentale. Les <frontires > en question sont celles qui sŽparent nature et culture, vie et mort, parents et enfants, hommes et femmes, limite et transgression. La modernitŽ est engagŽe dans un processus dĠindiffŽrenciation, censŽ rŽpondre ˆ une exigence de libertŽ individuelle È (2008, 245).

ƒlargissant son propos au-delˆ de la problŽmatique islamique, J.-C. Guillebaud remarque : Ç Ce projet dĠauto-fondation de lĠhumain peut tre jugŽ menaant en ce quĠil sape les fondements de lĠordre symbolique. Les musulmans ne sont pas les seuls ˆ raisonner ainsi. Les thŽologiens chrŽtiens et juifs, de mme que les humanistes fidles aux Lumires europŽennes se montrent tout aussi alarmŽs. Pour Schmuel Trigano, lĠindiffŽrenciation est telle Ç que les traits du visage humain sont en train de sĠeffacer È (ibidem).  

On sait depuis RenŽ Girard, que cite aussi Guillebaud,  combien et comment une violence peut rŽpondre ˆ une autre violence dans un processus dĠanalogie qui sĠauto-reproduit ds lors quĠil est enclenchŽ, conduisant au sacrifice du bouc Žmissaire.

 Ce quĠon imagine plus difficilement cĠest quĠen raison de cette relation entre lĠinstitutionnalisation du droit et la violence associŽe ˆ la symbolique unitariste qui la sous-tend, une dŽmarche de gŽnŽralisation de lĠƒtat de droit dans les pays du Sud (ou chez certains de nos concitoyens) peut tre perue par des Ç honntes gens È soucieux de lĠavenir de leurs sociŽtŽs comme une agression supposant une rŽponse appropriŽe.

Cette rŽponse relve souvent de lĠŽvitement, parfois dĠun rŽel souci de domestication de ces innovations mais parfois aussi dĠun rejet plus ou moins radical.

On lĠa repŽrŽ en Afrique lors de formations aux droits de lĠhomme et ˆ lĠƒtat de droit organisŽes dans les annŽes 1990 ˆ la demande de la coopŽration franaise ou suisse. Il ne sĠagissait nullement de justifier lĠarbitraire ou lĠautoritarisme et lĠhorizon dŽmocratique Žtait perceptible dans les positions des acteurs. Ils souhaitaient seulement quĠon prenne conscience de lĠŽpaisseur historique des expŽriences du politique, tant antŽ-coloniales que coloniales et post-coloniales, et quĠon les aide ˆ inventer des solutions les situant dans une nŽo-modernitŽ ˆ laquelle de solides  travaux ont ŽtŽ consacrŽs (GEMDEV, 1997, Le Roy, 1999)), et non dans le registre de la nŽgation ou de lĠoccultation.

Et dans ce domaine, je suggre toujours aux Franais si habituŽs ˆ donner des leons de balayer devant leur porte et de rŽflŽchir au sens de lĠexception franaise quĠils affichent face ˆ lĠamŽricanisation supposŽe du monde.

 

 

 

 

En conclusion, peut-on (et comment) sortir de cette violence et Žviter quĠelle se gŽnŽralise ?

 

J.-C. Guillebaud ci-dessus Žvoquait un projet qui Ç sape les fondements de lĠordre symbolique È. En rŽalitŽ, il sĠagit lˆ dĠun ordre symbolique original, diffŽrent de celui de la modernitŽ. Cet ordre symbolique a ŽtŽ repŽrŽ et travaillŽ sur les terrains africains et amŽricains. Il est fondamentalement pluraliste car Ç tout y est pensŽ en termes multiples, spŽcialisŽs et interdŽpendants È. Ici, cĠest donc le principe de la complŽmentaritŽ des diffŽrences qui est prŽfŽrŽ ˆ lĠenglobement du contraire (Le Roy, ˆ para”tre) et la triangulation des facteurs constitutifs de lĠinstitution (avec minuscule) nĠest pas lĠinitiation dĠune rŽduction unitariste mais au contraire le moteur dĠune diffŽrenciation continue selon lĠarchŽtype que Michel Alliot dŽsigne comme Ç animiste È (Alliot, 2003) et Marc AugŽ (AugŽ, 1982) comme appartenant au paganisme.

 Ce paradigme pluraliste est naturellement au centre des prŽoccupations de tous ceux qui luttent pour une reconnaissance de lĠinterculturalitŽ. Il est Žgalement connu en droit pour fonder le pluralisme juridique, en particulier dans la version radicale quĠillustrent par ailleurs Roderick Macdonald et Jacques Vanderlinden (CAD, 2003).

 Le choix du pluralisme juridique radical conduit ˆ rŽduire considŽrablement la charge de violence que contient la gŽnŽralisation du droit-loi dans les sociŽtŽs du Sud en laissant lĠopportunitŽ aux acteurs de mobiliser celles des normes qui lui paraissent les plus adaptŽes (conceptuellement, culturellement et techniquement) aux problmes ˆ rŽsoudre, dans un entre-deux plein de crŽativitŽ. Il peut ainsi puiser dans chacune des quatre catŽgories de normes distinguŽes supra par Rod. Macdonald (tableau NĦ 1) et passer de la juridicitŽ au droit et du droit ˆ la juridicitŽ dans un contexte de systme juridique ouvert et dynamique. Sans doute le pluralisme ne fait-il pas dispara”tre la violence, quĠelle soit physique ou symbolique, parce que cette violence est consubstantielle ˆ notre condition Ç dĠanimal parlant È pour reprendre une expression de Pierre Legendre. Mais ce pluralisme restituant ˆ chacun la responsabilitŽ de trouver les solutions qui lui importent et quĠil doit nŽgocier avec les autres peut tre fondateur dĠune dŽmocratie plus rŽellement participative et ainsi mieux garantir notre libertŽ, une libertŽ qui nĠest pas laxisme, mais bien contribution au bien commun et ˆ lĠintŽrt gŽnŽral. Il sĠagirait dĠune refondation symbolique renouant avec lĠidŽe originale du sumbolon grec comme Ç un partage des conditions de vie en sociŽtŽ È, une sociŽtŽ trans-moderne dont on pourrait gŽrer les enjeux et la complexitŽ.

La grande rŽvolution qui sĠannonce, non sans contradictions, est donc celle du pluralisme. Et les travaux de notre collgue et ami Trutz von Trotha vont y contribuer puissamment. 

 

Bibliographie

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- AugŽ Marc 1982, Le gŽnie du paganisme, Paris, Gallimard.

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- Carbonnier Jean, 1995, Flexible droit, pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, LGDJ.(1Ħ ed. 1969).

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[1] Ç il nĠexiste de nos jours de violence lŽgitime que dans la mesure o lĠordre Žtatique la permet (É) Cet aspect du monopole de la violence rŽservŽ ˆ la domination Žtatique est une caractŽristique aussi essentielle de la condition prŽsente que son caractre < dĠinstitution rationnelle> ou <dĠentreprise>continue È (Weber (1995/ [1956], 99).

[2] Cette expression de Pierre Legendre (1999) Ôinstituer la vieĠ est au centre de cette argumentation et je ne saurai cacher ma dette  ˆ lĠŽgard de cette Ïuvre exceptionnelle, constamment rŽfŽrencŽe depuis vingt ans.

[3] Parce que cette dŽmarche sort de lĠŽpure que propose leur vision du monde et non en raison de quelque infŽrioritŽ.

[4] Au nom de la dŽmocratie, du dŽveloppement, de la gouvernance actuellementÉ

[5] Ç Les portes par lesquelles de nouveaux principes peuvent trouver leur inscription dans le droit È.(ELR)

[6] Les contraintes de place et le souci de ne pas abuser de la patience du lecteur me conduisent directement ˆ la conclusion de lĠŽtude, donc ignorent les arguments qui la justifient et auxquels je renvoie chacun. Logiquement, les quatre Ç thŽormes È de Rod. Macdonald seront donc par la suite axiomatisŽs.

[7] Dans cette citation, la formule Ç crŽent des diffŽrends È pourrait tre associŽe ˆ une autre dŽfinition de Michel Alliot pour qui le droit est mise en forme des luttes et consensus sur le rŽsultat des luttes. Si le droit crŽŽe occasionnellement des diffŽrends par les contradictions quĠil introduit, par exemple, entre catŽgories de normes juridiques, il est surtout lĠexposant des conflits traversant la sociŽtŽ, ce dont tŽmoigne lĠhyper-judiciarisation des nos sociŽtŽs occidentales.

[8] On ne veut pas dire ici que la juridicitŽ se rŽduit ˆ ces normes implicites et infŽrentielles, mais que ces normes appartiennent ˆ la juridicitŽ, ˆ c™tŽ dĠautres composantes.

[9] Ç  Le droit est plus grand que les sources formelles du droit (É) le droit est plus petit que lĠensemble des relations entre les hommes È (Carbonnier, 1995, 20-22)

[10] Il sĠagit, par exemple, chez les Wolof du SŽnŽgal, des commandements du prince.

[11] Le lecteur constatera quĠi nĠy a pas un recouvrement complet des distinctions de R. Macdonald et du Jeu des lois, ce qui nĠinvalide pas nos dŽmonstrations, mais rend la question de lĠinstitutionnalisation encore plus mystŽrieuse.

 

[12] Et infaillible, le concile de Vatican de 1870 ayant rŽduit cette infaillibilitŽ aux seuls domaines de la foi !