RŽception de la pyramide dans le contexte de pluralisme
juridique sŽnŽgalais.
Caroline Planon
Doctorante au Laboratoire dÕAnthropologie
juridique de Paris, UniversitŽ Paris 1 PanthŽon-Sorbonne
Paru dans RIEJ 49, p 137-158
On
parle de modle juridique qui irait de "la pyramide au rŽseau",
cependant on peut s'interroger sur l'antŽrioritŽ de ces notions. Si l'on
considre que le rŽseau est l'ensemble des relations en dehors de l'ordre
institutionnel, il semble que leur existence soit trs ancienne, et peut-tre
antŽrieure au modle pyramidal qui, lui, renvoie ˆ la centralisation et ˆ la
hiŽrarchie d'une structure politique, l'ƒtat, qui n'a ŽmergŽ qu'au XIIIe sicle
en Europe occidentale. Ainsi, dans la logique "de la pyramide au
rŽseau", l'antŽrioritŽ concerne l'intŽrt scientifique pour les deux
notions : bien que l'intŽrt pour la structure pyramidale du droit ait prŽcŽdŽ
celle du rŽseau qui semble prendre de l'ampleur et tre plus perceptible
aujourd'hui, les phŽnomnes relevant des rŽseaux Žtaient, nous semble-t-il, une
rŽalitŽ prŽsente et dŽjˆ ancienne ˆ l'Žpoque o Kelsen proposait son apport
thŽorique ˆ l'ƒtat et ˆ sa conception pyramidale.
Une autre remarque prŽliminaire concerne le
dŽcalage entre ce que dit ce modle thŽorique ˆ propos de la pyramide et ce qui
se passe dans la pratique de l'organisation Žtatique. On constate aujourd'hui
que le modle pyramidal n'est pas si pyramidal que ce qu'en dit la
thŽorie ; et on peut mme Žgalement se demander si la pyramide telle que
le dŽcrit la thŽorie, influencŽe par Kelsen, a rŽellement existŽ. Il semble en
effet que le modle pyramidal soit une construction thŽorique vers laquelle les
personnels politiques et administratifs ont tendu, mais qui n'a en fait jamais
connu dans la pratique les caractres qu'on voulait lui attribuer. Mais,
paradoxalement, mme si dans la pratique juridique, la pyramide ne prŽsente pas
les caractres que propose la thŽorie, mme si elle n'a pas la perfection qu'on
lui prte, la reprŽsentation pyramidale du droit continue ˆ influencer si
profondŽment la plupart des juristes, du moins occidentaux, que cette
conception garde toute sa pertinence et un important intŽrt scientifique pour
comprendre le fonctionnement du droit.
Au-delˆ de ces deux remarques prŽliminaires,
il n'en reste pas moins vrai que les phŽnomnes relevant des rŽseaux prennent
une ampleur grandissante : ils se manifestent ou sont suscitŽs par la
circulation des hommes, des capitaux, des idŽes soutenue par celle des
technologies ; ˆ cet Žgard, la communication par le rŽseau de l'Internet offre
des pistes de rŽflexion, peut-tre sans grande issue, mais nŽanmoins inŽdites,
sur la question des rŽseaux. Paralllement, et le lien de cause ˆ effet n'est
pas nŽcessairement direct entre les deux processus, on constate Žgalement les
difficultŽs du modle Žtatique classique dont les rŽponses juridiques semblent
de plus en plus inadaptŽes pour satisfaire les demandes d'une "sociŽtŽ
civile", mal dŽfinie et de plus en plus complexe. Ce phŽnomne se traduit
notamment par une remise en question du caractre unitaire du droit : c'est
pourquoi le rŽseau confrontŽ ˆ la pyramide peut tre associŽ aux diffŽrentes
rŽceptions et transformations du droit par la pratique et plus largement aux
questions relatives au pluralisme juridique.
Dans notre rŽflexion sur la figure de la
"pyramide importŽe", la question du pluralisme juridique prend une
part centrale : la notion concerne, dans ses diffŽrentes manifestations, les
deux contextes que nous examinons, celui de la France, "contexte
d'origine" et celui du SŽnŽgal o le modle pyramidal a ŽtŽ importŽ. Le dictionnaire
encyclopŽdique de thŽorie et de sociologie du droit dŽcrit le pluralisme juridique soit comme
"l'existence simultanŽe, au sein d'un mme ordre juridique, de rgles
de droit diffŽrentes s'appliquant ˆ des situations identiques", soit comme la "coexistence
d'une pluralitŽ d'ordres juridiques distincts qui Žtablissent ou non entre eux
des rapports de droit." Une remarque s'impose ˆ propos de
cette dŽfinition : Jacques Vanderlinden, son inspirateur, affirme "avoir
virer de bord ˆ 180 degrŽs" par rapport ˆ cette conception qui
date de 1969 (VANDERLINDEN 1993 : 574) et l'a rappelŽ lors de la dernire
rencontre de Bruxelles en fŽvrier 2002. Sa nouvelle position offre un nouvel
"angle d'attaque" et met l'individu, "sujet de
droits au centre de rŽseaux sociaux" et juridiques. Sa "nouvelle
approche du phŽnomne" considre le pluralisme juridique non
plus du haut de la pyramide mais du point de vue de l'individu. L'auteur semble
prŽsenter ce nouveau regard comme un remplacement de la version originelle qui
ne traduit plus son Žtat d'esprit actuel, mais il peut Žgalement tre compris
comme un enrichissement : ce nouveau "point de vue" Žlargit l'horizon du pluralisme
juridique.
Notre objet est de montrer que le modle pyramidal
importŽ au SŽnŽgal pendant la pŽriode coloniale puis interprŽtŽ par l'ƒtat
indŽpendant est ds son origine en France, imprŽgnŽ de logiques relevant du
rŽseau auxquelles l'ƒtat doit de plus en plus faire face, parfois sans
possibilitŽ de vŽritable contr™le. C'est pourquoi avant de relever certains
aspects des modalitŽs de rŽception du modle pyramidal au SŽnŽgal, nous
montrerons dans quelles mesures ce modle est Žgalement confrontŽ en France ˆ
des phŽnomnes qui remettent en cause les caractres pyramidaux et unitaires du
droit.
Comment les thmes de la pyramide et du rŽseau peuvent-ils nous conduire
ˆ Žvoquer ceux du pluralisme juridique et de la coutume ? Pour comprendre
comment s'Žtablit cette connexion, il peut tre intŽressant de dŽterminer les diffŽrentes manires
d'envisager la reprŽsentation pyramidale du droit. C'est par le support de deux
de ces reprŽsentations que nous illustrerons comment le rŽseau a imprŽgnŽ la
conception pyramidale.
Face ˆ la formule "de la pyramide au rŽseau", le juriste a
davantage tendance ˆ se pencher sur la dŽfinition et les contours de ce que
peuvent tre les rŽseaux dont il peroit l'impact grandissant sans pour autant
pouvoir le circonscrire dans les cadres classiques ; or, en Žtant a priori bien
moins dŽstabilisante pour le juriste (occidental) au regard des conceptions
juridiques occidentales qui en dŽpendent largement, la reprŽsentation
pyramidale du droit renvoie ˆ plusieurs connexions, qui bien que conduisant toutes ˆ une mme
conception du droit, permettent d'envisager le thme "de la pyramide au
rŽseau" sous diffŽrents angles.
Pour certains la pyramide renvoie ˆ l'organisation gŽnŽrale de l'ƒtat, centralisŽe et hiŽrarchisŽe. Cet
ordonnancement se retrouve au niveau de chaque administration, comme une
pluralitŽ de petites pyramides qui formeraient une plus grande pyramide si l'on
poursuit la comparaison gŽomŽtrique. C'est une des connections possibles : elle
conduit ˆ se questionner d'abord sur le fonctionnement de la structure Žtatique
selon les cadres juridiques classiques relevant des logiques pyramidales, puis
sur les dysfonctionnements de cette organisation o les phŽnomnes en rŽseau
peuvent apporter certains Žclairages de comprŽhension.
La pyramide peut Žgalement Žvoquer une deuxime perception : celle de la
hiŽrarchie des diffŽrentes sources du droit avec dans la reprŽsentation visuelle bien connue, la
Constitution au sommet. Cette connexion concerne la thŽorie des sources du
droit, et de-lˆ, la pluralitŽ de ces sources. Le poids respectif qu'on leur
accorde, notamment ˆ la coutume, pose la question du pluralisme juridique :
outre le fait que sa dŽfinition comporte plusieurs aspects que nous
n'exposerons pas en dŽtails ici, l'intŽgration du pluralisme juridique dans un
systme traditionnellement moniste exige certaines prŽcautions thŽoriques car
la question est confrontŽe au cadre classique du droit occidental.
Dans le cadre d'un seul systme, la question du pluralisme des sources
se pose donc Žgalement dans la mesure o comme on peut le constater dans le cas
franais, ˆ c™tŽ de la pyramide o la hiŽrarchie des normes est Žtablie, il
existe des pratiques juridiques non Žtatiques et pourtant crŽatrices de droit,
nous Žvoquerons en particulier l'ensemble des rgles issues du droit du
commerce international. (B) Mais avant cela, on verra que les pratiques de
l'ƒtat lui-mme tendent ˆ nuancer le positivisme lŽgaliste en reconnaissant
dans certains cas ou en subissant sans pouvoir les contr™ler dans d'autres cas,
d'autres modes de rŽgulation des rapports sociaux pris en compte par l'ƒtat
lui-mme qui les intgre dans le mode de fonctionnement de ses administrations.
(A)
Les travaux sur l'organisation des
entreprises privŽes ou publiques et notamment de l'administration Žtatique
montrent que "dans une bureaucratie supposŽe impersonnelle,
rŽapparaissent des rapports personnels ˆ partir desquels se nouent tant des
relations de pouvoir que des situations conflictuelles." La hiŽrarchie fonctionnelle ˆ
l'intŽrieur de la structure Žtatique est Žgalement remise en cause par le r™le
que peuvent prendre dans la prise de dŽcision administrative les interventions
de notables en pŽriphŽrie. (BIRNBAUM, 1994 : 38) D'autre part, il est dŽsormais
reconnu que la mise en Ïuvre d'un tel systme organisationnel comporte "un
important facteur d'incertitude liŽ ˆ la reconnaissance, ˆ l'intŽrieur du
systme lui-mme, d'un certain degrŽ de libertŽ individuelle". (BIRNBAUM, 1994 : 189) Ainsi,
l'influence des rŽseaux peut se manifester entre les agents selon
l'appartenance ˆ tel ou tel groupe, appartenance qui peut constituer un facteur
actif, conscient ou inconscient, dans une prise de dŽcision. PrŽcisons que ces
comportements n'ont rien a priori d'illŽgal, ces relations privilŽgiŽes nŽes
autour d'une mme origine, d'une mme formation (Žnarques, X) sont inhŽrents
aux relations humaines.
Ces travaux qui tendent ˆ nuancer la dimension lŽgale-rationnelle des
processus dŽcisionnels de l'administration Žtatique nous conduisent ˆ
relativiser l'impact du modle pyramidal en le rendant peut-tre moins systŽmatique,
moins cohŽrent mais peut-tre Žgalement plus proche de la rŽalitŽ juridique.
Suivant cette mme approche, AndrŽ-Jean Arnaud situe ce phŽnomne au niveau de
l'application du droit Žtatique qui participe ˆ part entire ˆ la crŽation du
droit Žtant donnŽ le r™le grandissant des acteurs de sa mise en Ïuvre, tels que
les fonctionnaires : "ces acteurs produisent des normes juridiques non
seulement en mettant en Ïuvre les rgles du droit en vigueur, mais aussi en
utilisant des moyens non conventionnels (É) ou mme hors des procŽdures requises dans des
cas trs prŽcis (application du pouvoir discrŽtionnaire de certains
fonctionnaires)." (ARNAUD 1998 : 330) Ce ˆ quoi s'ajoutent
diffŽrents mouvements qui renforcent le caractre polycentrique de
l'organisation Žtatique o les rŽseaux peuvent influer, on pense notamment aux
AutoritŽs Administratives IndŽpendantes ; d'autres part, dans un contexte de
centralisation mais au de-lˆ de la structure classique Žtatique, la montŽe en
puissance des dŽcisions europŽennes est un autre contexte o les rŽseaux
prennent Žgalement place.
Au niveau interne, on constate dans l'Žtude des
administrations de l'ƒtat que leurs mŽcanismes de fonctionnement dŽpassent les
principes de hiŽrarchie et de centralisation. Or, les pratiques de droit du
commerce international reprŽsentent une autre manifestation de la remise en
cause du r™le de l'ƒtat en occident ou du moins de l'Žvolution du contenu de
ses fonctions. Ces pratiques, qui conduisent les ƒtats ˆ approuver aprs coup
un droit qui n'est pourtant pas le produit direct du pouvoir exŽcutif et
lŽgislatif, Žchappent en grande partie ˆ sa sphre d'influence et ˆ la
suprŽmatie du droit Žtatique. Cette situation pose Žgalement la question de
l'admission du pluralisme juridique dans un systme traditionnellement moniste.
La question de la coutume nous intŽresse ˆ double
titre. Elle conna”t un nouvel essor dans les pratiques occidentales qui a
attirŽ l'attention de certains auteurs. De plus, elle est une source de droit
essentielle dans les relations juridiques sŽnŽgalaises qui font l'objet du
deuxime temps de cette Žtude. La question de la coutume est au cÏur du
pluralisme juridique car son acceptation dŽpend en grande partie du statut attribuŽ
ˆ la coutume (source du droit ou pas) au regard du droit normatif Žtatique, ce
qui concernent pleinement les thmes de la pyramide et du rŽseau. La question
de l'acceptation du pluralisme juridique peut en effet tre envisagŽe du point
de vue de la place de la coutume dans le systme normatif, parce que la
position de celle-ci parmi les autres sources du droit, dans la hiŽrarchie des
normes dŽpend pour beaucoup de l'idŽe qu'on se fait du pluralisme juridique et
de l'importance qu'on lui attribue dans le phŽnomne juridique et constitue
pour Jacques Poumarde "un bon rŽvŽlateur de l'attitude des juristes ˆ
l'Žgard de leur objet d'Žtude : le droit."
Dans le domaine du droit du commerce international,
on ne peut Žluder l'importance des rgles nŽes des usages des professionnels et
qui seraient indŽpendantes de toutes sanctions Žtatiques. Bruno Oppetit montre
que cette lex mercatoria
a ŽtŽ prise en compte par certaines conventions internationales avec
l'approbation des ƒtats. Parmi les conventions citŽes par cet auteur, on
remarque l'accord d'Alger du 19 janvier 1981 qui, dans la liste des sources du
droit ˆ prendre en compte, Žnumre expressŽment la lex mercatoria. Au niveau
national, la lex mercatoria est Žgalement reconnue par la jurisprudence et par
la doctrine. Le Tribunal de Grande Instance de Paris "n'a pas hŽsitŽ ˆ
voir dans la lex mercatoria une vŽritable source du droit, de mme nature que
la loi Žtatique et situŽe sur le mme plan que cette dernire dans la
hiŽrarchie des normes, et non dans une position subordonnŽe." (OPPETIT 1998 : 62) L'existence d'un
systme juridique international commercial qui s'imposerait aux juges nationaux
sans passer par une quelconque intervention Žtatique questionne aussi la
doctrine. Plus nuancŽe, la doctrine n'exclut pas l'existence d'un droit non
Žtatique issu de la coutume commerciale, mais l'ampleur de son impact reste ˆ
dŽfinir et ˆ dŽlimiter. Pour la plupart des auteurs, "la lex mercatoria
ne constitue pas encore un systme juridique complet, mais elle tend ˆ le
devenir (É) aucun des
auteurs n'exclut par principe un tel point d'aboutissement comme radicalement
incompatible avec sa conception du
droit. Tous s'en tiennent finalement ˆ une position moyenne, reconnaissant une
prŽŽminence certaine aux ordres juridiques Žtatiques sans Žcarter la
possibilitŽ d'une coexistence pacifique, voire d'une coopŽration, avec un corps
de rgles aspirant ˆ la complŽtude et ˆ l'autonomie sous la forme d'un
vŽritable systme juridique."
(OPPETIT 1998 : 61) La reconnaissance de la lex mercatoria pose celle de l'admission du pluralisme
juridique en gŽnŽral.
Bruno Oppetit met en Žvidence deux positionnements
radicalement opposŽs pour caractŽriser la place de la coutume dans le systme
juridique et plus largement pour concevoir le pluralisme juridique. Avant de
prŽsenter les deux seules attitudes "intellectuellement possible" selon lui, il s'Žtonne que la notion
de source du droit ne soit jamais prŽcisŽment dŽfinie dans la plupart des
manuels de droit, elle y est prŽsentŽe comme un constat o la dŽmonstration de
juridicitŽ est absente. Pour lui, cela s'explique par le contexte d'Žmergence
de la thŽorie des sources du droit : celle de l'idŽologie du positivisme
lŽgaliste dans laquelle est posŽ comme postulat que l'ƒtat a une vocation de
monopole normatif, ˆ l'exclusion de toutes autres sources. D'o la double
difficultŽ de considŽrer le r™le de la coutume et, c'est Žtroitement liŽ,
d'admettre la possibilitŽ du pluralisme juridique. Cependant, l'essor de la
coutume, on l'a vu en matire commerciale, contraint qui veut tre au contact
avec la rŽalitŽ juridique, ˆ s'interroger sur sa dimension gŽnŽrale dans
l'ordre juridique. En se posant la question : "une thŽorie des sources du droit dominŽe par le
principe du positivisme lŽgaliste tolre-t-elle la coexistence dans un mme
ensemble ˆ la fois de rgles d'origine Žtatique et d'un droit spontanŽ ?" (OPPETIT 1998 : 59), l'auteur aboutit
"par rigueur intellectuelle" ˆ deux propositions qui s'excluent l'une l'autre. Sa question
n'est pas celle de savoir ce qui est prŽfŽrable du monisme ou du pluralisme,
mais de savoir dans quelles conditions les deux hypothses sont logiquement
acceptables : pour lui, les deux approches sont incompatibles, on ne peut selon
lui tre ˆ la fois tenant du positivisme lŽgaliste et admettre le fait
coutumier : "ou bien l'on s'en tient sans faiblesse au dogme du
positivisme lŽgaliste et on rejette alors ce soi-disant droit spontanŽ dans le
domaine des faits, voire du non-droit (É) ou bien l'on procde ˆ un renversement complet
de la thŽorie des sources et l'on dŽcide de partir, non pas du caractre absolu
et exclusif du principe de lŽgalitŽ, mais du pluralisme des sources, en admettant
l'idŽe qu'il existe sur un mme plan divers modes de production des rgles de
droit, qui sont tous originaires au mme titre." (OPPETIT 1998 : 64) Selon lui, une troisime voix mŽdiane, ŽquilibrŽe entre les
deux, ne serait apparemment pas envisageable, Žtant donnŽ que "le
postulat sur lequel repose une telle thŽorie (celle du positivisme Žtatique) lui interdit, sous
peine de perdre sa cohŽrence,
de tolŽrer ne serait-ce qu'une part de pluralisme, comme le met en lumire
le difficile problme thŽorique que pose le concept de coutume contra legem." (OPPETIT 1998 : 44) Pourtant, "le
problme ne soulve pas de difficultŽ dans une perspective pluraliste, qui
rŽcuse le monopole Žtatique de production de rgles de droit, mais non pas la
primautŽ du droit Žtatique sur d'autres rgles de droit." (OPPETIT 1998 : 45) Admettre l'existence d'une
situation de pluralisme juridique en France impliquerait d'adopter une vision
plus large du droit en ne le rŽduisant pas seulement aux normes Žcrites mais en
allant au-delˆ du principe "le droit n'est que dans la norme", et
partant de lˆ, de prendre en compte les relations juridiques dŽcoulant de la
pratique. Ce dŽbat nous
conduit ou plus exactement, nous ramne aux questions de dŽfinition(s) du droit
en gŽnŽral, de sa place dans les rapports sociaux et de celle tenue par le
droit Žtatique. Bruno Oppetit parle non pas de monopole mais de primautŽ du
droit Žtatique. Deux remarques ˆ ce propos. La premire pour souligner que
reconna”tre le pluralisme juridique, c'est ˆ dire admettre la diversitŽ des
faits gŽnŽrateurs de droit, ne conduit pas ˆ la simplicitŽ des relations
juridiques. Une des questions concerne la connaissance de ce droit extra
Žtatique, non Žcrit. L'enjeu de l'accs ˆ la connaissance de ce droit est liŽ ˆ
celui de son contr™le et d'une Žventuelle sanction. D'autre part, admettre
qu'il existe une situation de pluralisme juridique o l'ƒtat n'a plus le
monopole de crŽation de droit et o le r™le de la coutume est rehaussŽ ne
signifie pas non plus dŽrŽgulation et ne doit pas se comprendre comme un
libŽralisme anti-Žtatique.
Ces exemples sont quelques signes
des dŽcalages existants entre les prŽsentations thŽoriques du modle pyramidal
et les pratiques. Constater ces dŽcalages n'a pas pour objet de pointer le
doigt sur les dŽfaillances d'un systme, mais davantage de souligner comment ce
systme Žvolue et s'adapte ˆ de nouvelles rŽalitŽs, et ce, dans "sa
sociŽtŽ d'origine". Ce modle juridique a ŽtŽ diffusŽ et rŽceptionnŽ dans
d'autres contextes politiques et culturels lors de la pŽriode coloniale. En
s'appuyant sur des exemples au SŽnŽgal, nous tenterons de montrer certains
aspects de cet "Žchange imposŽ" en relevant notamment comment
s'oprent l'appropriation de nouvelles conceptions juridiques.
Le stade de la diffusion du modle pyramidal nous conduit ˆ considŽrer
la forme horizontale du pluralisme juridique, c'est ˆ dire celle o sur un mme
espace social plusieurs ordres juridiques coexistent et Žtablissent ou non des
relations entre eux, pour reprendre la dŽfinition du dictionnaire
encyclopŽdique de thŽorie et de sociologie du droit.
Deux situations peuvent se prŽsenter : soit la conception de la
hiŽrarchie des normes est peu ou prou similaire ou influencŽe par une mme
culture juridique, soit les deux systmes juridiques n'ont pas les mmes
conceptions du droit. Dans ce second cas, la confrontation des deux systmes
peut poser des difficultŽs ou du moins quelques questions, des questions qui
seront de natures diffŽrentes selon le point de vue o l'on se place : celui de l'ƒtat et des pouvoirs publics
qui appliquent et/ou tentent d'imposer leur politique ou bien celui des
populations destinataires de ces politiques qui "jonglent" avec les
diffŽrents droits pour survivre au jour le jour. La distinction entre ƒtat et
population permet de poser plus clairement les questions qui nous intŽressent,
mais elle ne doit pas tre caricaturŽe en une opposition franche. Il ne faut pas perdre de vue que lˆ
aussi, il existe un dŽcalage entre la lettre du droit positif et son
application par les fonctionnaires. Un dŽcalage d'autant plus significatif que,
nous l'avons constatŽ, le modle pyramidal importŽ conna”t des altŽrations dans
son milieu d'origine. ConsidŽrer d'une part l'ƒtat et les Žlites sŽnŽgalaise,
et d'autre part les populations nous permet de distinguer diffŽrents
comportements juridiques ˆ l'Žgard du modle pyramidal. Trois types de
comportements sont envisageables. Le premier est un comportement de mimŽtisme
du modle importŽ dont les caractŽristiques peuvent parfois tre accentuŽes y
compris les lourdeurs et les rigiditŽs. On peut parfois retrouver cette
tendance dans l'attitude des fonctionnaires et dans celle du personnel
politique sŽnŽgalais. Le rejet radical du modle est un autre comportement
possible, mais dans le cas du SŽnŽgal, cette attitude est, dans la plupart des
cas, transitoire. Il semblerait en effet, que les rgles du modle pyramidal
puissent tre conciliables avec les pratiques juridiques locales. Cette
troisime situation se retrouve dans les pratiques des populations qui
utilisent les rgles de diffŽrents ordres juridiques, les combinent et mme les
adaptent.
Avant de se placer du point de vue des populations (B) dont les pratiques juridiques relatives
ˆ l'occupation de l'espace dans la ville de Saint-Louis au SŽnŽgal associent
les diffŽrents droits selon les objectifs qu'elles souhaitent atteindre, nous
Žvoquerons la diffusion et la rŽception du modle pyramidal au SŽnŽgal par le personnel
politique, en privilŽgiant
la question de la gestion des terres aprs l'indŽpendance. (A)
Pour Žtudier le processus d'importation de modle juridique, deux
attitudes sont envisageables : se placer du point de vue de celui qui
diffuse son modle ou de celui qui
le rŽceptionne. Nous privilŽgions cet angle de vue en Žvoquant comment
l'ƒtat sŽnŽgalais ˆ travers son personnel politique a apprŽhendŽ le modle
juridique de caractre moniste et pyramidal, diffusŽ pendant la pŽriode
coloniale. La situation de pluralisme juridique au SŽnŽgal met en jeu
principalement deux ordres juridiques qui entretiennent des relations entre eux
par le biais des pratiques des populations. Coexistent le droit traditionnel
qui garde son influence notamment en matire foncire et le droit ŽdictŽ par
les pouvoirs publics sŽnŽgalais, influencŽ sous certains aspects par les
conceptions europŽennes du droit, ce qui n'est pas sans poser quelques
difficultŽs et blocages.
L'attitude des pouvoirs publics du SŽnŽgal indŽpendant vis ˆ vis des
politiques mises en Ïuvre pendant la pŽriode coloniale sur les questions
foncires et domaniales est parfois ambigu‘. L'ambigu•tŽ vient de la continuitŽ
du contenu des textes ŽdictŽs au lendemain de l'IndŽpendance. Sur certaines
questions, en particulier le sort des droits traditionnels, on peut s'Žtonner
que la rupture ne soit pas plus radicale et qu'au contraire, on puisse observer
une certaine continuitŽ dans la volontŽ de remettre en cause le fondement des
droits traditionnels sur le sol. A travers le sort rŽservŽ ˆ ces droits,
apparaissent diffŽrentes faons d'apprŽhender le droit en gŽnŽral, la
confrontation de ces diffŽrentes approches du droit relve des thmes qui nous
rŽunissent, le rŽseau, la pyramide et leur relation. Avant de dŽterminer en
quoi la politique d'immatriculation et la crŽation du fameux domaine national constitue une continuitŽ des
politiques foncires coloniales, prŽcisons les caractres essentiels des droits
traditionnels relatifs au sol.
Au SŽnŽgal, le droit traditionnel foncier continue d'orienter les
pratiques et de servir de repre aux populations. Un des principes de ce droit
est de considŽrer la terre comme une entitŽ sacrŽe. La conception d'espace
sacrŽ a des consŽquences sur les pratiques et notamment sur la circulations des
biens immobiliers, ceci est plus marquŽ dans les zones rurales. Le caractre
sacrŽ de l'espace fait rŽfŽrence au r™le important donnŽ aux anctres dans
l'organisation sociale et au culte que le groupe leur voue. Norbert Rouland
explique dans son ouvrage Anthropologie juridique que "nŽs de la terre, les anctres y
retournent, tandis que la culture introduit leur parole dans la terre,
transformant la brousse, simple espace physique, en milieu humanisŽ et
sociabilisŽ. L'anctre fondateur d'une communautŽ est censŽ avoir conclu cette
alliance avec les puissances tutŽlaires de la Terre ; il transmet sa fonction
de faon hŽrŽditaire ˆ des chefs de terre qui jouissent sur les hommes de
certains pouvoirs en raison de l'autoritŽ qu'ils dŽtiennent sur le sol." (ROULAND 1988 : 253) S'il s'agit
d'une premire occupation, "l'origine religieuse des prŽrogatives des
autochtones, (É) (va) amener
ˆ distinguer entre les "droits" de ceux qui ont dŽfrichŽ par le feu
("daj") et ceux qui, intervenus plus tard, n'ont fait qu'essarter une
terre dŽjˆ dŽcouverte, en recourant ˆ la hache lŽgre, ou ngaddyo" (LE ROY 1980 : 118) Cette conception de la
terre a des incidences sur les modalitŽs d'occupation et de gestion. Une
consŽquence de la sacralitŽ est le caractre inaliŽnable de la terre, ce
caractre d'inaliŽnabilitŽ n'est pas absolu. Raymond Verdier prŽfre au terme inaliŽnabilitŽ celui
d'"exo-intransmibilitŽ"
qui dŽcrit selon lui, plus prŽcisŽment, la situation : la possibilitŽ de
circulation de la terre existe mais seulement ˆ l'intŽrieur du groupe, suite ˆ
un hŽritage ou ˆ titre gratuit. En revanche, "ˆ l'extŽrieur du groupe,
s'applique le principe d'exo-intransmissibilitŽ : on peut prter ou louer la
terre ˆ des Žtrangers au lignage mais non la cŽder ˆ titre dŽfinitif." (VERDIER 1986 : 20)
En Žcho ˆ l'intervention de Nawel Gafsia sur le droit tunisien de la
famille, lors de notre premire rencontre ˆ Bruxelles en mai 2001, remarquons
que l'influence du droit musulman existe Žgalement au SŽnŽgal mais ne prend pas
la mme forme. Les SŽnŽgalais sont majoritairement musulmans mais l'ƒtat
sŽnŽgalais, ƒtat la•c, n'a dŽsignŽ aucune religion dans sa Constitution,
permettant de ce fait la pratique de toutes les religions. Le droit musulman
est prŽsent dans les pratiques des SŽnŽgalais, notamment dans le droit de la
famille, l'esprit de l'Islam se retrouve aussi en matire Žconomique, en particulier
avec le dynamisme de la confrŽrie des mourides qui du point de vue de
l'organisation des rŽseaux est un exemple d'efficacitŽ ˆ travers le monde.
En matire foncire et domaniale, il
est intŽressant au regard de la question des relations entre pyramide et
rŽseau, de se pencher sur la faon dont l'ƒtat sŽnŽgalais au sortir de la
pŽriode coloniale, a intŽgrŽ, en les adaptant, certains des principes et
conceptions du modle juridique franais, dans un contexte social et culturel
pourtant diffŽrent. L'Žtude du droit Žtatique applicable aujourd'hui au SŽnŽgal
nous conduit ˆ constater une certaine continuitŽ dans la logique
d'appropriation et de gestion des terres. Pour cela, attardons-nous sur deux
des techniques qui caractŽrisent la politique domaniale et foncire, la notion
spŽcifiquement sŽnŽgalaise du domaine national et celle plus gŽnŽrale de
l'immatriculation, utilisŽe au SŽnŽgal, elle a une incidence sur les droits
traditionnels.
Le domaine national a ŽtŽ constituŽ
en 1964, il recouvre les terres non classŽes dans le domaine public et celles
qui ne font pas l'objet d'une immatriculation, ainsi, 98% du territoire est
"dŽtenu" par l'ƒtat sŽnŽgalais qui "a seul vocation ˆ organiser,
contr™ler et garantir pour le bien de tous, l'usage de l'ensemble des terres." (projet de loi Peytavin). Une des
questions posŽes a concernŽ le sort des occupants coutumiers relevant de droits
traditionnels et qui ˆ partir de 1964 se sont retrouvŽs soudainement occupants
du domaine national. La loi prŽvoyait pour ces nouveaux occupants la
possibilitŽ de requŽrir une demande d'immatriculation ; cependant, on peut
s'interroger sur la vŽritable volontŽ du lŽgislateur de voir ces occupants
accŽder ˆ une immatriculation, dans la mesure o le dŽlai pour y requŽrir
n'Žtait que de six mois, ce qui est un dŽlai court et qu'aucune dŽlivrance d'un
titre Žtablissant l'existence des droits traditionnels n'Žtait prŽvue. En
raison des logiques qui pr™nent l'accession ˆ la propriŽtŽ sous le contr™le
Žtatique, la politique de l'ƒtat sŽnŽgalais Žtait de favoriser le recours ˆ
l'immatriculation, mme au dŽtriment des droits traditionnels.
Cette procŽdure d'immatriculation
conna”t un certain dŽveloppement dans le SŽnŽgal d'aujourd'hui, surtout dans
les zones urbaines, mais elle y est mise en Ïuvre depuis la colonie. Mme si
les acteurs politiques ont changŽ depuis cette pŽriode, on peut constater que
l'esprit des rŽformes et les motivations de l'ƒtat sŽnŽgalais sont dans une
large mesure dans la continuitŽ des politiques de l'ƒtat franais pendant la
colonie.
La premire Žtape avait consistŽ, au
dŽbut du XIXe sicle, ˆ prendre possession des sols sŽnŽgalais en nŽgociant
avec les souverains locaux. Or, nous avons vu que diffŽrentes conceptions de
rapport ˆ la terre existaient et que le caractre sacrŽ de certains espaces
Žtait incompatible avec la ma”trise absolue. Ces diffŽrentes perceptions de
l'espace ont eu des incidences sur les rapports juridiques liŽs ˆ la gestion des
sols. Aprs la prise de possession des sols, les tentatives d'imposition du
concept de propriŽtŽ sont passŽes par l'instauration du systme
d'immatriculation des terres. Ce systme, dŽjˆ appliquŽ en France pour
sŽcuriser les transactions, permettait en thŽorie au SŽnŽgal la reconnaissance
des droits traditionnels puis leur transformation en "titre rŽgulier de
propriŽtŽ". Dans la pratique, l'administration fit preuve d'une grande
rigueur pour apprŽcier si les droits coutumiers Žtaient susceptibles d'tre transformŽs
en droit de propriŽtŽ, considŽrant dans de nombreux cas que les terrains
relevaient de la catŽgorie des "terres vacantes et sans ma”tre", catŽgorie qui permettait de justifier
l'intŽgration dans le domaine colonial de terrains, sans tenir compte des
pratiques de jachre qui prŽsentent une terre apparemment "vacante et
sans ma”tre", mais
nŽanmoins occupŽes.
Pour revenir au SŽnŽgal
d'aujourd'hui, on a pu se demander si le lŽgislateur sŽnŽgalais avec le domaine
national de 1964 n'a pas poursuivi les mmes objectifs que le colonisateur :
s'accaparer le sol sŽnŽgalais ˆ moindre cožt, et "dŽnier toute
existence aux formes autochtones et prŽcoloniales d'appropriation de l'espace (É). En prŽfŽrant la conception civiliste
du droit de propriŽtŽ, le lŽgislateur sŽnŽgalais reproduit donc le modle
individualiste de sociŽtŽ et de droit de son ancien colonisateur : sous couvert
de socialisme sŽnŽgalais, le lŽgislateur amŽliore l'action coloniale sans en
modifier substantiellement les orientations, ni rŽcuser les a priori
ethnocentriques qui avaient conduit ˆ caricaturer les conceptions africaines
prŽcoloniales du droit de l'appropriation".
(LE ROY 1985 : 670)
La rŽception des conceptions
juridiques franaises par le personnel politique sŽnŽgalais a dŽbutŽ pendant la
pŽriode coloniale, ces logiques se sont maintenues aprs l'indŽpendance, cette
continuitŽ suggre de nuancer l'opposition que l'on a pu faire entre
administration/europŽens et colonisŽs/sŽnŽgalais : les notables sŽnŽgalais ont
parfois accompagnŽ ces politiques, notamment dans les zones urbaines. La
rŽception de ce modle juridique par le personnel politique n'est pas sans
poser des questions d'ordre pratique.
On peut souligner trois difficultŽs dans l'adoption du modle pyramidal
dans la situation sŽnŽgalaise. La premire concerne le niveau d'Žrosion du
modle pyramidal y compris
dans le contexte o il a ŽmergŽ : nous avons ŽvoquŽ certaines de ces limites en
premire partie avec le fonctionnement de l'administration publique et
l'influence de la coutume dans les pratiques juridiques. Ensuite, le processus
d'importation d'un modle
juridique comme celui de l'ƒtat comporte en lui-mme certaines limites. Les
mŽcanismes d'imitation et d'emprunt en matire de circulation de techniques
juridiques sont source d'inventivitŽ. Mais dans le cas du SŽnŽgal et de la
plupart des pays africains, plus que d'imitation, il s'agit d'imposition.
Bertrand Badie dŽsigne l'acte d'importation comme "le transfert, au
sein d'une sociŽtŽ donnŽe, d'un modle ou d'une pratique de nature politique,
Žconomique ou sociale, forgŽ et inventŽ dans une histoire qui lui est Žtrangre
et qui relve d'un ordre social fondamentalement diffŽrent. En ce sens,
l'acuitŽ des dissonances culturelles devient naturellement l'ŽlŽment de
cristallisation des dysfonctions qui accompagnent ce processus." (BADIE 1992 : 125) De manire
paradoxale, malgrŽ la dŽfaillance du modle importŽ et l'Žchec de sa diffusion,
"les Žlites importatrices" poursuivent son application et mme la renforce. La structure
pyramidale est conservŽe et les pratiques juridiques rŽvlent une conception du
droit strictement normativiste. La troisime difficultŽ concerne le dŽcalage
entre thŽorie et pratique qui est d'autant plus grand que les carences de
l'ƒtat sont importantes.
Babacar Sall remarque ˆ propos du SŽnŽgal, que ces carences sont soulignŽes par
"l'apparition grandissante d'espaces anŽtatiques" nŽs de "l'interfŽrence entre
le social et l'Žtatique"
c'est ˆ dire "d'un phŽnomne qui ne contredit pas forcŽment l'ƒtat mais
le rŽinvente ˆ des fins fragmentaires en mobilisant le systme socio-affectif
comme la parentŽ."
(SALL, 1996 : 172) Cette rŽinvention de l'ƒtat confirme dans un certain sens
que les greffes juridiques ne sont pas opŽratoires immŽdiatement et qu'elles
doivent faire l'objet de transformations pour s'adapter ˆ de nouveaux
contextes. AndrŽ-Jean Arnaud prŽcise que pour la rŽussite des greffes
juridiques, il est nŽcessaire de prendre en considŽration la "culture
juridique" de la sociŽtŽ
rŽceptrice, c'est ˆ dire "non seulement les crŽateurs
"lŽgitimes" de droit, mais Žgalement, les mouvements sociaux." (ARNAUD 1998 : 328) "Les
crŽateurs lŽgitimes de droit"
ne s'en sont pas tenus ˆ la rŽception de la pyramide, dans l'observation du fonctionnement
de la pyramide au SŽnŽgal on constate des adaptations au contexte sŽnŽgalais,
citons pour exemple le cas de l'unicitŽ du juge administratif et judiciaire,
rappelŽ lors de la rencontre en septembre 2001 ˆ Paris par Ibrahima Arona
Diallo : le modle pyramidal mis en Ïuvre actuellement au SŽnŽgal n'est plus le
modle originel, il a ŽtŽ transformŽ et adaptŽ, il s'agirait davantage d'une
deuxime pyramide.
L'Žtude du comportement des "crŽateurs "lŽgitimes" de
droit" pour transformer
le modle de droit pyramidal nŽcessite d'tre complŽtŽ par les solutions
adoptŽes par les populations qui, elles aussi, participent sinon ˆ
l'Žlaboration du droit, du moins ˆ son application et ˆ ses transformations
adaptŽes aux circonstances locales, l'exemple des pratiques juridiques d'un
quartier de la ville de Saint-Louis nous permettra d'approcher certains de ces
mŽcanismes.
L'objet est de montrer que d'une situation de dŽpart
"chaotique" dŽcoulent des combinaisons juridiques qui rŽpondent aux
attentes des populations. De la mme faon que les mŽtiers qui constituent ce
qu'on appelle couramment le secteur informel de l'Žconomie manifeste, selon
l'expression de Babacar Sall, "l'inventivitŽ des groupes sociaux qui
tentent d'organiser des solutions de survie", (SALL, 1996 : 173), cette inventivitŽ existe Žgalement dans les pratiques
juridiques. Nous nous proposons d'exposer la situation juridique et sociale
d'un quartier de la ville de Saint-Louis o les pratiques juridiques locales
assimilent, en les transformant, les rgles Žtatiques imposŽes et parfois
inadaptŽes au contexte.
Aprs avoir ŽvoquŽ les
caractŽristiques historiques et juridiques du quartier de Pikine, notamment les
diffŽrents comportements face au systme juridique Žtatique pyramidal, que cela
se manifeste par une attitude de rŽsistance au droit Žcrit qui s'opposerait au
droit traditionnel foncier ou par une attitude d'assimilation du droit imposŽ
par les pratiques sociales, nous nous interrogerons sur les mŽcanismes qui
prŽsident ˆ une telle dynamique en tentant d'apporter quelques ŽlŽments de
rŽponse.
La formation du quartier de Pikine et la particularitŽ historique de son
statut juridique sont des ŽlŽments importants pour comprendre les pratiques
juridiques actuelles de ce quartier dit spontanŽ.
Le quartier relativement rŽcent de Pikine ˆ Saint-Louis[1]
se situe sur le continent au sud du quartier de Sor, de formation plus
ancienne. Pikine se prŽsente comme un quartier relativement rŽcent par rapport
aux autres quartiers de Saint-Louis, mais en raison d'un statut foncier
particulier, son dŽveloppement a ŽtŽ trs rapide. A l'origine, le terrain a ŽtŽ
offert ˆ un notable saint-louisien, YŽrim Mbagnick qui l'a reu du gouverneur
Faidherbe en remerciement des services rendus ˆ la cause coloniale. Le terrain
a ensuite ŽtŽ "parcellisŽ", et "vendu" par ses hŽritiers, le plus souvent sans acte notariŽ, ni aucun
autre document officiel. Aujourd'hui, de nombreux propriŽtaires ont en leur
possession un document manuscrit attestant du contrat sous seing privŽ mais,
dans certains secteurs du quartier, aucun document n'atteste les transactions
de vente ou de location. La formation proprement dite du quartier de Pikine
remonte ˆ la fin des annŽes cinquante o, ˆ l'occasion du programme de
rŽnovation du quartier de Diamagueune, les premires familles s'installent. Jusqu'ˆ
l'indŽpendance, l'habitat reste l‰che et plut™t rural. Mais, la croissance
urbaine s'accŽlre et en 1975, Pikine est devenu urbain et compte selon le
ministre de l'urbanisme et de l'habitat prs de 12000 habitants. Du point de
vue de la qualitŽ de l'habitat, la plupart des constructions sont en dur, les baraques ne reprŽsentant
que 13% de l'ensemble. Signalons ce fait notable : Pikine a la particularitŽ,
bien qu'Žtant un quartier spontanŽ, de ne pas tre forcŽment le plus pauvre de
Saint-Louis, 15% des salariŽs de la ville y logent. La principale difficultŽ
rŽside dans la pauvretŽ des Žquipements collectifs : une seule voie, la voie Angle
Tall est carrossable, et de
nombreuses zones ne sont reliŽes ni au rŽseau de l'eau ni ˆ celui de
l'ŽlectricitŽ.
Cette situation urbaine et foncire a conduit les pouvoirs publics ˆ
mettre en Ïuvre ˆ la fin des annŽes soixante-dix un programme de rŽhabilitation
autour de deux axes : une rŽgularisation foncire et une amŽlioration des
conditions de logement. Ces nouvelles politiques ont posŽ des questions
juridiques qui mettent en jeu l'efficacitŽ des opŽrations Žtatiques face aux
pratiques dŽveloppŽes par les populations. La dŽcision de rŽamŽnager le
quartier en concertation avec les populations peut se comprendre comme une
consŽquence des difficultŽs auxquelles l'ƒtat Žtait confrontŽ dans la gestion
du sol urbain, ce qui intŽresse directement la thŽmatique du rŽseau et de la
pyramide.
La situation juridique de Pikine place l'ƒtat dans
une situation paradoxale. Le quartier n'est pas reconnu officiellement par
l'ƒtat, les occupants n'Žtant pas en possession d'un titre rŽgulier de
propriŽtŽ ou d'occupation. Pourtant, le quartier rŽsiste, et la dŽcision de le
rŽamŽnager en concertation avec les populations a ŽtŽ prise. Comment s'explique
cette position ? Michel Prouzet a analysŽ les diffŽrents niveaux de dŽgradation
de la ma”trise du sol par l'ƒtat au regard des types juridiques d'occupation
dans diffŽrentes villes africaines, il observe que plus la situation est
illŽgale, plus l'ƒtat rencontre des rŽsistances, alors que face ˆ des
titulaires de titres fonciers rŽguliers, il n'Žprouve aucune difficultŽ ˆ
reprendre possession de terrain qu'il contr™le, pour les avoir lui-mme
attribuŽs. (PROUZET 1986 : 281-296) A Pikine, l'illŽgalitŽ de l'occupation
place l'ƒtat hors des procŽdures juridiques habituelles dont il est le ma”tre
et le met dans une situation relativement moins "confortable". Ainsi,
mme si l'ƒtat peut toujours, thŽoriquement, en dernire instance, recourir ˆ
la force, le fait social illŽgal peut nŽanmoins dŽfier le droit positif.
Dans le quartier de Pikine, plusieurs ŽlŽments
illustrent et expliquent les "rŽsistances" rencontrŽes par l'ƒtat. En dŽpit d'une
situation prŽcaire juridiquement les habitants se comportent comme des habitants
rŽguliers. Le paradoxe juridique de la situation du quartier rŽside dans le
fait que toutes spontanŽes et illŽgales qu'elles sont, les modalitŽs
d'occupation du sol urbain, observables dans le quartier ont une cohŽrence au
regard du droit en vigueur dont elles s'inspirent.
L'un de ces ŽlŽments concerne l'aspect mme de l'habitat. Les habitations sont construites en
matŽriaux solides : cela a une consŽquence sur l'apparence globale du quartier
qui n'a pas l'aspect d'un bidonville qui serait dans ce cas davantage ˆ la
merci d'un dŽguerpissement brutal. Alain Sinou dŽveloppe cette analyse dans
"Habiter ˆ Bamako et ˆ Saint-Louis du SŽnŽgal". Il constate que "les habitants
n'hŽsitent plus ˆ construire en "dur" ds leur installation, malgrŽ
l'occupation prŽcaire du sol. Par cette technique, ces citadins signifient en
fait leur volontŽ de rester en place, (É) au risque de perdre leur investissement en cas
de dŽguerpissement brutal." L'auteur commente que "cette dŽmarche n'est pas une innovation ;
elle est une intŽriorisation par de nouvelles couches de populations de
rŽglementation ŽdictŽes pendant la pŽriode coloniale : ce type de construction
permettait alors l'obtention de titre foncier." (SINOU, 1987 : 95)
Outre les stratŽgies visant ˆ la rŽgularisation foncire, les modalitŽs d'organisation de l'espace urbain tendent elles aussi ˆ se
rapprocher du modle proposŽ et imposŽ, par les rŽglementations d'urbanisme.
Ainsi, ˆ Pikine on constate que les techniques de construction s'accompagnent
de mŽthode d'amŽnagement qui reproduisent le modle du lotissement et ne sont
pas un autre modle d'urbanisation. Alain Sinou souligne que "les notables se substituent ˆ l'appareil d'ƒtat
dŽfaillant et organisent pour leur propre compte une opŽration de promotion
foncire. La volontŽ de suivre ce modle d'urbanisation met en Žvidence (qu'ils) ont repŽrŽ les avantages que
procure cette procŽdure."
Dans le cas de Pikine, les hŽritiers du premier propriŽtaire du terrain YŽrim
Mbagnick, ont jouŽ un r™le important dans la gestion et dans la production de
l'espace Žtant donnŽ les carences de l'ƒtat et des collectivitŽs locales. Cette
situation suggre ˆ Alain Sinou que la notion mme de "quartier
spontanŽ" doit tre
remise en question : "Él'espace programmŽ se dŽmodŽlise tandis que
l'espace spontanŽ se rŽgularise, (É) il serait plus juste de les considŽrer comme des zones
d'occupation prŽcaire, l'ƒtat ne les reconnaissant pas officiellement." (SINOU 1987 : 111)
Ces diffŽrents ŽlŽments relevŽs dans la pratique expliquent pourquoi les
pouvoirs publics ont dž adapter leurs stratŽgies urbaines pour la
restructuration du quartier de Pikine : Žtant donnŽes les constructions en
matŽriaux rŽsistants et le caractre ordonnŽ de l'espace, les opŽrations de
dŽguerpissement ou "mŽthode du bulldozer" des annŽes soixante-dix
n'ont pu tre utilisŽes sur le site. Politiquement, l'ƒtat ne pouvait s'engager
dans cette voie, socialement dangereuse et inefficace sur le long terme. C'est
pourquoi, finalement, pour le rŽamŽnagement, l'ƒtat a mis en Ïuvre une politique
de concertation avec les populations qui regroupŽes en Groupement d'IntŽrt
Economique (GIE), ont ŽtŽ sollicitŽes pour exprimer leurs besoins en matire
d'Žquipements collectifs.
L'expŽrience rŽalisŽe ˆ Pikine permet selon Annick Osmont qui commente
une opŽration similaire achevŽe dans le quartier dakarois de Dalifort,
d'apprŽcier "comment l'ƒtat codifie des pratiques rejetŽes auparavant,
en se mettant lui-mme en dehors ou ˆ l'extrme limite de sa propre lŽgalitŽ ;
elle permet aussi de voir quelles pratiques dŽveloppent les bŽnŽficiaires de la
rŽgularisation, en tant qu'acteurs individuels, mais le plus souvent
collectifs." (OSMONT
1993 : 48) Avec cet auteur, remarquons dans la continuitŽ du thme sur les
carences de l'ƒtat ŽvoquŽes plus haut, que s'y ajoutent celles des
collectivitŽs locales. Que ce soit ˆ Dakar ou ˆ Saint-Louis, on constate
l'absence de la commune qui serait pourtant un intermŽdiaire tout dŽsignŽ entre
la population ˆ rŽgulariser et l'administration centrale, agissant pour le compte de l'ƒtat.
Suite ˆ ces quelques exemples recueillis parmi les pratiques des
habitants du quartier saint-louisien de Pikine, indissociables de celles mises
en Ïuvre par les pouvoirs publics, on peut Žvoquer la nature des mŽcanismes
sociaux et culturels qui prŽsident ˆ ces mutations dans le cadre d'une
situation de pluralisme juridique et s'interroger sur les enjeux de la
diffusion du modle juridique pyramidal.
Les deux attitudes du point de vue du personnel Žtatique et des
populations ˆ l'Žgard du modle pyramidal permettent de se pencher de faon
plus gŽnŽrale sur les situations de pluralisme juridique et d'importation de
modle juridique, en l'occurrence le modle occidental pyramidal. Cette diffusion/rŽception peut se
traduire par une imitation du modle ou par son adaptation aux conceptions
locales. Cette situation de pluralisme juridique pose diffŽrentes questions sur
la nature et le fonctionnement du systme (des systmes ?) en prŽsence.
L'existence de pluralisme juridique prŽsuppose la coexistence de
diffŽrents systmes en relation. Or, leur coexistence sur un long terme avec
des relations de plus en plus Žtroites entre les conceptions juridiques
tend-elle vers l'Žmergence d'un nouveau modle ? En d'autres termes,
sommes-nous en prŽsence de la relation de deux systmes auxquels recourent
simultanŽment les populations ou bien d'un systme unique, de type mixte. La
question de la nature du systme renvoie au fonctionnement de celui-ci et ˆ
l'aptitude des populations ˆ manier ces rgles juridiques qui les concernent
non d'un point de vue thŽorique, mais d'un point de vue pratique et quotidien :
comment s'oprent les relations de rŽception et d'adaptation de nouvelles
techniques ? Le r™le des reprŽsentations peut nous aider ˆ comprendre certains mŽcanismes et
caractres du pluralisme juridique, en particulier le dynamisme et
l'inventivitŽ des solutions retenues notamment en situation de blocage. Une
situation de blocage peut se produire quand appara”t une contradiction forte
entre les diffŽrentes conceptions pour rŽgler un diffŽrend. De telles
situations arrivent couramment, parfois une opposition radicale empche tout
accord et rŽsolution pacifique du litige. Mais il peut arriver aussi que la
question soit rŽsolue au terme d'Žchanges, de nŽgociations o les parties en
prŽsence, concessions aprs comprŽhension, vont tomber d'accord. Pourquoi
l'attribuer aux reprŽsentations ? Denise Jodelet propose de dŽfinir les
reprŽsentations comme "une forme de connaissance socialement ŽlaborŽe
et partagŽe, ayant une visŽe pratique et concourrant ˆ la construction d'une
rŽalitŽ commune ˆ un ensemble social." (JODELET
1997 : 36) Il semble qu'elles aient un r™le important dans le processus de
transformation et d'adaptation des manires de considŽrer et de pratiquer le
droit parce que les reprŽsentations elles-mmes ne sont pas figŽes, leur
souplesse permet leur modification et par consŽquent celles des pratiques. On
peut dire que par le biais des reprŽsentations les populations s'adaptent aux
droits, ˆ dŽfaut que le droit s'adapte aux populations. Cette question nous
conduit ˆ la question des perspectives et des enjeux du pluralisme juridique
quand il rŽsulte de l'importation d'un modle juridique.
L'inventivitŽ juridique a besoin d'Žchanges de techniques ; l'imitation
et l'emprunt participent de
l'enrichissement du droit. Le droit se doit en effet d'tre vivant et mobile,
les populations changent, leurs reprŽsentations Žgalement : l'enjeu consiste
tout en respectant les valeurs qui forgent l'identitŽ d'un groupe ˆ ne pas
s'enfermer et restreindre le droit dans une authenticitŽ originelle. Ainsi, le
voyage des idŽes, ne peut tre critiquŽ en soi, ce qui, en revanche, peut crŽer
dŽbat, ce sont les motivations qui l'accompagnent. Le bŽnŽfice de l'Žchange est
souvent remis en cause par le dŽsŽquilibre du rapport de force et le degrŽ de
libertŽ dans le choix d'adopter ou non de nouvelles conceptions et techniques
juridiques. Cette libertŽ limitŽe rŽsulte de la suprŽmatie d'une des parties
pour imposer son mode de raisonnement et ses reprŽsentations du droit.
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