Tous mes remerciements :
au Pr. Etienne LE ROY, qui a accepté de conduire ce travail,
à l'équipe sympathique du Laboratoire qui a bien voulu guider
une cadette,
à la dynamique promotion 1997 du DEA Etudes Africaines,
à ma famille, si loin mais si près,
à tous les amis, pour leur patience et leur aide.
Un niveau ne se superpose plus
à un autre niveau pour le commander
ou le faire disparaître :
ils interagissent désormais.
Michel VAN de KERCHOVE et François OST
Les femmes espèrent
plus que d'autres que tout change
pour que tout reste pareil globalement.
Athanase BOPDA
C'est un drame d'être esclave ;
c'est un pire drame de croire
sa condition d'esclave immuable.
Monique ILBOUDO
Le Cameroun a hérité d'un droit autrefois imposé pendant
la colonisation, puis entériné en 1960 lors de l'accession
à l'indépendance. Cependant, c'est un droit qui demeure incompris
par la majeure partie de la population. C'est un ensemble de dispositions
auxquelles on ne recourt que contraint et forcé, à condition
déjà de les connaître ! Corrélativement aux
difficultés que son droit rencontre pour s'imposer, se pose aussi
le problème des rapports Etat/Société.
Cette crise n'est donc pas seulement institutionnelle ; elle est également
d'ordre structurel. On assiste à une dégradation des rapports
sociaux, particulièrement dans les relations hommes/femmes, situation
dont les causes résulteraient de l'introduction de l'économie
monétaire dans les sociétés africaines.
Depuis la période coloniale, le rôle de la femme aurait
évolué vers son infériorisation et sa marginalisation,
non seulement sur le plan des discours, mais également au regard des
comportements. Si certaines sociétés ont relativement pu
préserver la prééminence de la femme, d'une manière
générale, les structures de vie et d'organisation sociale
endogènes ont fortement été déstabilisées
et le droit moderne, par un certain nombre de ses dispositions, a contribué
à renforcer cette tendance.
La société était autrefois organisée sur la base
de la complémentarité entre hommes et femmes. Il existait
une répartition sexuée du travail, des rôles sociaux,
du pouvoir. Les sociétés faiblement structurées (dites
acéphales), c'est-à-dire celles où le politique
se distinguait peu de la sphère d'autorité à
l'intérieur du groupe familial ou clanique, valorisaient la femme
au regard de sa faculté naturelle de perpétuation du genre
humain. Les sociétés où la gestion globale des rapports
sociaux se distinguaient davantage de la sphère que l'on qualifierait
aujourd'hui de " privée " (sociétés dites
semi-complexes), accordaient davantage d'importance à la promotion
sociale de la femme au sein du groupe.
Il faut toutefois se garder de penser que tout était bien dans le
meilleur des mondes. G. BALANDIER nous fait remarquer la contradiction entre
l'importance accordée à la mère, gardienne du feu, gardienne
de la tradition, et cette autre perception de la femme : dangereuse, source
de désordre, que l'on devait donc nécessairement
contrôler.
Dans le système juridique adopté par le Cameroun indépendant
sur le modèle de ceux de ses colonisateurs la Grande-Bretagne et la
France, la femme a été traitée comme une mineure
placée sous la tutelle de son mari ou de son père. Son rôle
sur le plan de la gestion de son foyer ne lui est pas contesté. Au
contraire, elle y attache elle-même une grande importance car elle
s'en trouve valorisée socialement. On entendra d'ailleurs couramment
dire qu'elle s'y trouve dans son " bureau ". Aussi, tout ce qu'elle
peut entreprendre hors de son foyer devrait tendre à assurer le
mieux-être de ceux qui y vivent. C'est au mari qu'il appartiendrait
de subvenir aux besoins financiers des siens, et de prendre toutes les
décisions concernant les membres de sa famille. C'est lui qui est
en charge des " relations extérieures " !
Depuis un certain nombre d'années, particulièrement sous
l'impulsion des mouvements féministes occidentaux, des questionnements
ont commencé à émerger, par rapport à la condition
tant matérielle que sociale, de la femme africaine. Au départ,
l'accent était surtout porté sur le coût physique de
leur dur labeur. Les répercussions de la crise économique sur
les populations depuis les années 1980, (chômage croissant des
époux, baisse des revenus de l'agriculture de rente, compressions
de personnel dans la fonction publique) ont obligé les femmes à
s'impliquer davantage dans la gestion quotidienne des familles, suppléant
ainsi à la progressive défaillance des hommes, traditionnels
chefs de famille.
A la faveur de l'option démocratique qu'ont pris les Etats africains
au début des années 1990, on a assisté à une
éclosion de structures d'entraide, d'associations féminines
qui interviennent dans les registres les plus divers : commerce des produits
vivriers, activités de toutes sortes génératrices de
revenus, caisses d'épargne, tontines...
Elles ont doublement pris les choses en main car elles ont aussi
décidé de s'occuper de leur sort, du point de vue des rapports
sociaux. La dernière Conférence Mondiale des Femmes, qui s'est
tenue à Pékin en Chine (septembre 1995), a fait de
l'empowerment l'axe majeur de ses assises. Les femmes réclament
désormais le droit de s'exprimer, de participer à la gestion
du pays économiquement (ce qu'elles font déjà admirablement
dans l'économie non officielle dite " informelle ") et
politiquement (aspect qui évolue de manière assez
irrégulière au Cameroun). Elles réclament le droit de
pouvoir au moins décider de leur vie !
Nous nous sommes intéressée à l'ASSOCIATION CAMEROUNAISE
DE FEMMES JURISTES (ACAFEJ). C'est une ONG composée de magistrats,
avocats, notaires, juristes d'entreprise, huissiers... Elle s'est donnée
pour objectifs premiers de contribuer à l'élaboration des lois
relatives aux femmes, de dénoncer les discriminations à l'endroit
des femmes, de faire ratifier et appliquer les conventions et traités
internationaux relatifs à la protection de la femme et de l'enfant.
Née en 1989 à Yaoundé, elle a décidé en
1992 de s'engager, en marge des conférences, des émissions
radiodiffusés ou télévisées, dans des actions
de proximité, en intégrant la vulgarisation juridique
à ses activités, à l'instar de ce qui se faisait
déjà dans d'autre pays africains. Plusieurs Centres d'aide
juridique ont été créés, respectivement à
Yaoundé, à Douala et à Bafoussam.
Le but de ces Centres est d'offrir bénévolement information et conseil juridiques, soit dans leurs locaux (on parlera alors de Cliniques Fixes), soit en allant à la rencontre des femmes dans leur environnement (ce sont les Cliniques Mobiles).
Cela nécessite au préalable une prise de conscience de la
société et des femmes en particulier, quant aux problèmes
en cause. Comme le souligne M. ILBOUDO, rien " (...) dans la condition
des femmes africaines ne bougera véritablement si elles ne prennent
pas conscience que la situation peut et doit évoluer et qu'elles doivent
être les principales actrices de ce changement. " C'est
la raison pour laquelle l'ACAFEJ a mis un accent particulier sur l'information
juridique, sur cette " vulgarisation du droit ", dont le but n'est
pas uniquement de combattre l'ignorance juridique.
En effet, cette Association veut également former avec les destinataires
de son opération un mouvement de solidarité, tendant à
remettre en question et à provoquer un changement radical dans certaines
attitudes et pratiques qui dévalorisent la femme. Ces luttes devront
être concrétisées par une contribution à
l'édification du droit camerounais, à travers des propositions
de lois.
La question de l'adéquation du droit moderne en tant qu'ensemble
de règles codifiées applicables à tout citoyen ne se
pose donc plus actuellement, mais plutôt celle de sa capacité
à exprimer, à matérialiser ce que les femmes, ce que
la société tiennent actuellement pour valeurs idéales.
Devant l'échec de ses politiques et plans de développement,
l'Etat encourage beaucoup aujourd'hui les actions collectives des populations.
Les ONG sont devenues des partenaires des gouvernements, en raison de
l'efficacité de leurs initiatives en faveur d'un développement
endogène et participatif. De plus, ces groupes parviennent à
créer des formes de socialisation tout à fait nouvelles qui
intègrent valeurs exogènes et valeurs endogènes, ce
que l'Etat n'a pas réussi à faire.
L'opération de vulgarisation juridique, entreprise par l'ACAFEJ,
a la particularité d'être menée par des personnes qui
sont à la fois agents et bénéficiaires de cette action.
En effet, les dispositions juridiques du droit camerounais, sauf exceptions
prévues par les textes, s'appliquent à toutes les femmes, au
regard du principe constitutionnel d'égalité de tous les citoyens
devant la loi.
L'ACAFEJ est une ONG encore jeune, dont le domaine d'activité touche
toutefois à quelque chose d'essentiel à la reproduction d'une
société : la régulation des rapports sociaux. Nous avons
choisi de nous intéresser à la mise en place des programmes
de cette organisation, à leur faisabilité, à leur impact,
sur une période allant d'août 1992 (date de création
des Centres d'aide juridique) à décembre 1995.
L'examen des modalités techniques de cette action de diffusion du
droit révèle que l'Association recourt, au travers des
cliniques fixes et des cliniques mobiles, à des formes
d'organisation qui renvoient respectivement au mode de pensée
moderne, et au mode de pensée traditionnel communautaire.
Ce sera l'objet de la première partie de notre mémoire
(Première partie).
Le fonctionnement de ces différentes cliniques permet de constater
une forte imbrication entre elles tant d'un point de vue pratique que sur
le plan idéologique. Il existerait ainsi une complémentarité
certain entre Cliniques Fixes et Cliniques Mobiles.
Cependant, cette interaction permet, par ailleurs, de se rendre compte des
limites du système actuel. Les faiblesses du droit moderne et les
carences du droit dit " traditionnel " sont mises en évidence.
La complémentarité ne serait-elle que factuelle, exprimant
en réalité l'absence d'un cadre référentiel
englobant, qui donnerait sens et cohérence aux actes, aux choix de
la société aujourd'hui ?
L'action de L'ACAFEJ est interpellante, car elle s'inscrit dans une
problématique plus vaste qui est celle de la crise de la Modernité.
La sociologie du droit nous enseigne que " le droit est trop humain
pour prétendre à l'absolu de la ligne droite " ; il est
" plus grand que la règle de droit. " Le problème
du droit doit également s'appréhender, comme y invite
l'Anthropologie du droit, par rapport aux phénomènes
juridiques.
Les institutions de l'Etat camerounais, telles qu'elles fonctionnent
actuellement, doivent donc être repensées, ou tout au moins,
réadaptées. En effet si sa toute puissance est aujourd'hui
battue en brèche, son rôle de gendarme, de rempart, de guide,
ne lui est pas contesté. Le constat tient en un paradoxe : d'une part,
l'affaiblissement du rôle régulateur et normatif de l'Etat est
indéniable mais parallèlement, on constate une reconnaissance
de la fonction d'encadrement, d'ordonnancement de son droit.
De nombreux courants philosophiques émergent depuis plusieurs années
pour offrir d'autres alternatives aux sociétés
industrialisées ou en voie de l'être. Le courant dit
post-moderne est né dans les Années 1970, dans la critique
architecturale occidentale puis, dans la littérature sous la forme
d'une défiance par rapport à la raison et à la
méthode.
Cette tendance se caractérise par la reconnaissance de la diversité,
de la multiplicité des points de vue. Elle propose une conception
du droit basée sur les concepts de pluralité,
d'interlégalité et un nouveau sens commun juridique. Dans le
contexte africain, elle postule la prise en compte du réel culturel
africain, celui-ci étant non un ensemble de traditions folklorisées,
mais une pratique sociale vivante, dynamique et quotidienne.
S'attaquer à la question de la crise de la société
camerounaise nécessite de repenser ce qui est à la base de
la structure étatique : le droit. A ce titre, il importe de s'attacher
aux normes considérées comme idéales, aux valeurs qui
contribuent à former une culture. Considérer
l'équité comme repère conceptuel nous paraît
être une démarche prospective permettant d'édifier un
droit du futur. C'est ce que nous essayerons de démontrer dans la
deuxième partie de notre travail, en nous appuyant sur les activités
de l'ACAFEJ (Deuxième partie).
PREMIERE
PARTIE :
CLINIQUES FIXES ET CLINIQUES MOBILES,
Dans une société camerounaise en pleine mutation, les femmes
se trouvent limitées non seulement par les préjugés
sociaux, mais également par leur ignorance des dispositions qui leur
permettraient de se réaliser, de s'affirmer économiquement
et socialement. Le but de l'ACAFEJ est de combattre cette situation en informant,
en discutant, en aidant. Dans cette perspective, elle a créé
des structures de diffusion du droit (Chapitre I), dont le mode d'organisation
et la logique qui les sous-tendent, se rapportent à des modèles
sociétaux différents (Chapitre II).
L'ACAFEJ organise essentiellement ses activités dans le cadre de deux
structures, les Cliniques Fixes (Section I), et les Cliniques Mobiles
(Section II). Leur mode d'organisation et leur fonctionnement ont pour
but de faciliter les objectifs principaux de cette action bénévole
d'éducation juridique.
Sect I : ORGANISATION
ET FONCTIONNEMENT DES CLINIQUES FIXES
Les Cliniques Fixes sont des séances d'information et de conseil tenues
dans un local du Centre d'aide et de consultation juridique. Ces séances
s'adressent particulièrement aux femmes, cible par excellence de l'ACAFEJ,
et en général, à toute personne physique ou morale de
droit privé ou de droit public. Il s'agira, dans les lignes qui suivent,
d'examiner les modalités de mise en place de ces Cliniques (§I)
ainsi que les activités menées depuis leur création
(§II).
§
I- L'ORGANISATION
Quel est le but de ces Centres (A)? Comment sont-ils structurés (B)?
A- Le but des Cliniques
Fixes
Les Cliniques Fixes se proposent de faire connaître aux femmes le
système juridique camerounais de manière globale et
particulièrement, les dispositions relatives au statut de la femme
et de l'enfant. Les portes sont également ouvertes aux hommes, non
seulement pour leur fournir informations et conseils mais aussi, pour obtenir
leur soutien à l'action menée par l'ACAFEJ en faveur de la
promotion de la femme dans la société camerounaise.
Les informations sont données sur les droits et devoirs des
différents partenaires dans leurs relations réciproques, et
par rapport à la famille. L'objectif est de permettre aux populations
de se prendre en charge, et de pouvoir gérer harmonieusement vie
individuelle, familiale et communautaire. Il ne s'agit donc pas d'imposer
un point de vue mais, de proposer une orientation par rapport aux questions
soumises à la conseillère, sur la base des textes en vigueur.
Des renseignements sont également fournis sur le droit foncier, le
droit du travail, le droit successoral...
Des consultations juridiques sont en outre proposées. La
consultation juridique a pour objectif d'aider la personne accueillie à
résoudre des situations litigieuses. La consultante va s'attacher
à identifier les problèmes, à les expliquer sur la base
des dispositions du droit y afférentes, à présenter
les différentes possibilités de résolution et le cas
échéant, les modalités de la procédure
judiciaire.
B- Leur structure
Les Cliniques Fixes ont pour site le siège de l'Association. Celui-ci
est ouvert au public deux jours par semaine : à Douala les Mercredis
(16h / 19h) et les Samedis (9h / 12h), à Yaoundé les mardis
et mercredis toute la journée. Les permanences sont assurées
par deux ou plusieurs personnes, dont au moins une juriste pratiquante
(magistrat, avocat).
Une fiche est ouverte au nom de la personne accueillie, pour permettre son
identification. Toutefois, celle-ci peut souhaiter préserver son anonymat,
voeu que la Clinique respecte car elle estime qu'il ne faut pas brusquer
les mentalités, même si selon elle, il existe une tendance
aujourd'hui qui veut que l'on s'assume en s'identifiant.
Les entretiens, dans tous les cas, demeurent confidentiels. Il en est cependant
conservé une trace dans des registres, ce qui permet d'assurer le
suivi des dossiers lors de consultations ultérieures.
§
II- LE FONCTIONNEMENT
Il s'agit de nous intéresser à l'effectivité de
l'activité des Cliniques Fixes (A), ainsi qu'à leur impact
auprès du public (B), durant la période 1994/1995.
A- L'effectivité de
l'activité des Cliniques Fixes
Les Centres de Douala et de Yaoundé ont été visités
entre août 1992 et décembre 1995, par des personnes provenant
de catégories socioprofessionnelles différentes :
commerçants, sans emplois, secrétaires, employés de
bureau, élèves, transporteurs... 95% de ces personnes disposaient
de revenus assez bas, voire inexistants.
Les questions ont le plus souvent porté sur les régimes
matrimoniaux, les successions, le droit de la famille et les litiges fonciers.
Le Centre de Douala (ville d'affaire, véritable poumon économique
du Cameroun), a particulièrement été sollicité
quant à la gestion des ressources du ménage.
Les femmes se sont surtout enquises du sort de leurs enfants, dans les situations de conflits conjugaux graves. Elles se sont montrées prêtes à toutes les concessions, pour rester avec eux. Toutefois, elles se sont informées sur les voies de recours qui leur étaient offertes, en cas de rupture inévitable, particulièrement en matière de recouvrement de pension alimentaire. Les hommes par contre, ont peu évoqué les question relatives à la rupture du lien conjugal, notamment lorsqu'ils étaient en situation de polygamie.
Les conseillères se sont toutefois attachées à faire
prendre conscience des répercussions néfastes des divorces
sur les enfants. Elle ont encouragé le plus possible, la recherche
de solutions amiables pour éviter la désunion, et préserver
ainsi l'harmonie et l'équilibre de la famille.
Les Centres ont également eu à connaître d'autre
problèmes familiaux. Il a été recommandé à
une jeune fille violée par son cousin de porter plainte contre ce
dernier, malgré les réticences de ses parents qui ne voulaient
pas qu'en s'ébruitant, cette affaire ne déshonorât la
famille. Une grand-mère s'est plainte de se voir interdire la visite
de ses petits-enfants. Malgré plusieurs réunions de famille,
son fils et sa belle-fille ne sont pas revenus à de meilleur sentiments.
Malheureusement, il n'existe en l'état actuel de la législation,
aucune disposition régissant ce type de situation. Il lui a donc
été conseillé de se tourner à nouveau vers le
conseil de famille !
B- Leur impact auprès
du public
Le Centre de Yaoundé, en trois ans d'activité, a enregistré
environ 160 consultations dont 75% au profit des femmes, avec une majorité
de femmes mariées. Celui de Douala (dont la population avoisine les
deux millions d'habitants) a été visité par près
de 300 personnes, dont 200 environ étaient des hommes. Sur la centaine
de femmes enregistrées, la proportion de célibataires, dont
l'âge variait entre 25 et 33 ans, était plus
élevée.
L'ACAFEJ déplore cette faible fréquentation, qu'elle attribue
à l'ignorance de la population féminine et aux blocages familiaux
qui pèsent sur elle. Une autre difficulté a été
relevée, concernant la difficulté d'avoir un retour d'écho
des informations et consultations délivrées ; le Centre de
Douala, n'a pu suivre que deux dossiers. Mais ces Cliniques sont maintenues,
car il faut tenir compte du facteur temps dans la vulgarisation de leurs
actions.
Nous nous attacherons, dans les lignes, qui suivent à présenter
le deuxième grand volet de l'action de cette Association Camerounaise
de Femmes Juristes : les Cliniques Mobiles.
Sect II : ORGANISATION
ET FONCTIONNEMENT DES CLINIQUES MOBILES
Les Cliniques Mobiles sont une activité décentralisée
des Centres d'aide et de consultation juridique, destinée aux populations
des zones rurales et à celles des couches urbaines
défavorisées (§I). Leur caractère de forum en a
fait des séances communément appelées " causeries
juridiques " (§II).
§
I- LEUR ORGANISATION
Cette forme d'action vise à créer un cadre autochtone d'information
et de rencontre (A). C'est la raison pour laquelle leur préparation
nécessite l'association des personnes visées (B).
A- Un cadre autochtone
d'information et de rencontre
Il s'agit essentiellement d'opérations de sensibilisation et
d'information. Les femmes juristes veulent ainsi aider leurs soeurs qui n'ont
pu accéder au savoir et qui, en plus de toutes les entraves liées
aux pratiques coutumières, sont durement frappées par les
difficultés économiques. Les hommes y sont toutefois les bienvenus
car, c'est une occasion de leur faire prendre conscience que le bien-être
de la communauté tout entière est lié à
l'épanouissement de la femme.
Dans les zones rurales, les séances sont animées par des
PARAJURISTES. Les Parajuristes sont des femmes formées par
l'ACAFEJ pour rendre le droit plus accessible aux populations vivant dans
ces régions. Ce ne sont donc ni des professionnelles ni des techniciennes
du droit. Ces personnes ont la particularité de résider et
d'être ressortissantes de la localité considérée.
Elles jouissent dans leur milieu de l'estime de la communauté, dont
elles connaissent bien les réalités sociologiques, les us et
coutumes.
Le rôle de la Parajuriste est d'élever la conscience juridique
des populations, lors des séances publiques ou dans le cadre du
règlement des conflits, en tant que médiatrice. Lors
des rencontres publiques, elle va relever les problèmes juridiques
qui se posent avec acuité au sein de la communauté, et s'en
référer à l'ACAFEJ pour recueillir les solutions
adéquates. Lorsqu'elle est sollicitée dans le cadre du
règlement des conflits, sa mission ne prendra fin que lorsqu'elle
sera certaine que l'accord obtenu sera respecté par les
médiés, de manière non vindicative.
B- La préparation
de ces opérations de terrain
Les rencontres sont l'oeuvre d'une équipe de cinq à huit personnes
(juristes de préférence), avec la collaboration de la Parajuriste
de la région concernée. Cela permet de faciliter le contact
et la traduction des messages en langues locales.
Une enquête sur les besoins est préalablement menée
auprès des autorités administratives, politiques, religieuses
avec l'aide des associations et groupes de femmes de la zone cible.
Parallèlement, une sensibilisation est faite dans les congrégations
religieuses, les partis politiques, par voie de radio, sous forme d'invitation,
de tracts...
Dans le cadre des séances organisées par la Parajuriste, la
préparation est beaucoup plus aisée, dans la mesure où
cette dernière jouit d'une proximité à la fois culturelle
et résidentielle avec les populations visées. Elle fera cependant
une petite enquête pour savoir quels sont les problèmes qui
reviennent assez souvent.
Les assises se tiennent dans une salle communale, sur la place du marché,
en plein air... Après un exposé sur des thèmes
préalablement choisis, la parole est laissée à l'assistance.
Le but est de susciter des questions, des remarques, voire des suggestions.
Des consultations personnalisées sont également offertes lors
de ces assises par les Juristes, ou par les Parajuristes dans les limites
de leurs compétences.
§ II-
LA MISE EN UVRE DES
ACTIVITES DES
CLINIQUES MOBILES
Après avoir présenté globalement les opérations menées entre 1994 et 1996
(A), nous examinerons la manière dont les populations-cible les ont
perçues (B).
A- Les actions menées
sur le terrain
Durant la période allant de 1994 à 1996, le Centre de Douala
a tenu environ vingt séances publiques d'information dans la province
du Littoral. L'ACAFEJ s'est rendue dans plus de quinze localités de
cette province. Elle a été chaque fois accueillie par une
autorité administrative : maire, chef de village, sous-préfet...
Selon l'importance de la circonscription administrative, la participation
a varié entre 20 et 150 personnes. Une forte présence masculine
(près de 50%) a été parfois relevée. Dans certaines
bourgades, des traductions simultanées étaient faites dans
la langue locale. A MBONGO, les exposés ont été
présentés en français et en pidgin.
Après une présentation de l'ACAFEJ, l'intervenante abordait
le ou les thèmes préparés pour l'occasion : la conception
cela famille en droit positif camerounais, les régimes matrimoniaux,
la gestion des biens dans le ménage, la filiation, le droit successoral
et plus particulièrement le statut de la veuve, le droit foncier
(problème soulevé en zones urbaines et périurbaines).
Les réactions ont été très vives. " Ainsi donc, mon mari en tant que chef de famille a le droit d'aliéner tous nos biens communs ? Votre loi est injuste! "
" Je ne peux donc hériter des biens de mon mari qu'en 4e ou 5e rang ! Je me demande pourquoi je me suis tant battue pour acquérir avec lui des biens; c'est injuste! "
" Tiens ! Mon mari peut donc reconnaître ses enfants
adultérins sans mon consentement ? Quels sont les droits de ces enfants
à l'héritage de leur père? "
Des questions ont été posées concernant les cas de mariage
forcé des toutes jeunes filles, la valeur de la lettre de
répudiation, les droits successoraux en cas de concubinage notoire
ou union libre, la pratique de la dot. Sur ce dernier point, l'adoption d'une
réglementation a été réclamée. Les femmes
ont également manifesté le désir de comprendre le
problème de dualité entre
le droit moderne et le droit traditionnel. Elles ont été
stupéfaites de constater que la loi ne les protégeait pas toujours
mieux que la coutume : " Ah bon, je pensais que votre loi parlait
d'égalité entre l'homme et la femme! Comment se fait-il que
mon mari puisse m'interdire de travailler? Qu'entendez-vous par
" intérêt du ménage "? Est-ce que je ne me
préoccupe pas toujours du bien-être de ma famille ? "
La rencontre avec les cinquante femmes détenues à la prison
centrale de New-Bell à Douala, a eu lieu en présence du responsable
socioculturel du centre de détention. Des consultations ont
été délivrées à cette occasion et certaines
ont pu bénéficier d'une prise en charge par l'Association du
suivi de leur affaire devant les tribunaux.
B- Leur réception
par les populations-cible
Ces assises ont été des moments de rapprochement pour toutes
les participantes. Ce contact direct a donné la possibilité
à des femmes d'horizons différents, de statuts sociaux
différents d'échanger des points de vue, de discuter de
problèmes qu'elles sont pratiquement toutes amenées à
rencontrer.
Les hommes qui y étaient présents ont également émis
des avis favorables. " En tant qu'homme et mari, je redoutais l'impact
de votre clinique mobile dans nos ménages. Après l'avoir suivie,
je pense sincèrement que c'est une bonne initiative, et que vous devriez
inviter plus d'hommes à vos cliniques. " Les autorités
administratives et coutumières ont aussi encouragé le
renouvellement de telles initiatives.
A cette diversité des modes d'action, correspond des philosophies
différentes quant à la conception de l'ordre même du
monde, de l'homme et donc, des rapports sociaux.
Les formes de l'action de l'ACAFEJ sont l'expression de modes de pensée
différents. Cette différence s'apprécie graduellement
tant par rapport à la conception des modalités de régulation
des rapports sociaux, que par rapport à la manière même
de penser l'ordre cosmique. Dans le cadre des Cliniques Fixes, l'individu
est saisi dans son unité biologique, soumis à un ordre
auquel on ne lui demande que de se conformer (Section I). Par contre, dans
le cadre des Cliniques Mobiles, l'individu est perçu au travers d'une
communauté dans laquelle il est nécessairement intégré,
et au sein de laquelle il a son mot à dire (Section II).
Sect I- LES CLINIQUES FIXES,
MATERIALISATION DU MODE DE PENSEE
" MODERNE "
Les Cliniques Fixes sont organisées pour recevoir
individuellement, tous ceux qui auraient besoin de leur aide, à
l'instar d'un conseil juridique ou d'un avocat. Elles s'identifient au
système juridictionnel moderne et donc à l'institution
étatique, quant à la structuration de cette dernière
(§I) et quant à la conception des rapports sociaux qui en
découle (§II).
§
I- LE MODELE SOCIETAL
ETATIQUE
Pour comprendre ce modèle d société, il faut partir
de la théorie de la formation de l'univers (A). Cela explique pourquoi
l'Etat est seul maître de l'ordonnancement de la société
(B).
A- De la formation de l'univers
à la Modernité
M. ALLIOT nous explique que pour l'Occident judéo-chrétien,
le monde provient du NEANT par l'intervention d'une instance supérieure.
A l'origine, il n'existait que le créateur. Il est et il a toujours
été. " Je suis celui qui suis. " Il a
décidé de créer le monde tel qu'il est ; il aurait pu
aussi en décider autrement.
Il a créé le monde par étapes successives et depuis
l'origine des temps, le crée à chaque instant de façon
continue. L'univers est ainsi totalement dépendant de lui. E. LE ROY
nous fait remarquer " que non seulement Dieu, comme force
extérieure et supérieure est à l'origine du monde mais
qu'il a ordonné le monde et l'homme à son
image. "
L'entrée de la société occidentale dans l'ère
de la modernité au 14° siècle, va construire une
image nouvelle de Dieu, en renforçant le principe d'unité.
" Non seulement Dieu est un, mais encore il commande seul à
sa création. " L'Etat moderne n'est en réalité
que l'avatar laïcisé de Dieu. Il présente en effet les
mêmes caractéristiques d'unité, de supériorité
et d'omnipotence.
B- L'Etat, seul maître de l'ordonnancement
de la société
L'Etat se présentant comme détenteur de tout pouvoir,
l'organisation de la société, de l'espace est soumise à
son contrôle à travers les lois et décrets qu'il
édicte. L'ACAFEJ en décidant de souscrire à la
formalité de déclaration en Préfecture, respectait ainsi
la loi de 1990 sur la liberté d'association. Pourtant, les associations
non déclarées, les " associations de fait ",
ne sont pas considérées comme illégales, en vertu de
la liberté de réunion protégée par la Constitution
et affirmée par la loi suscitée.
Seulement, le récépissé de dépôt des statuts
fait office d'acte d'accession à la " vie " juridique. Par
cette déclaration, l'association acquiert la personnalité
juridique, c'est-à-dire qu'elle existe désormais officiellement
aux yeux de l'Etat, peut passer tous les actes de la vie courante : avoir
une boite postale, un compte en banque, agir en justice le cas
échéant... Cette formalité lui permet également
de prouver que son action n'est pas contraire à l'ordre public
camerounais.
Les modalités de régulation des rapports sociaux, de gestion
des situations conflictuelles relèvent également du pouvoir
régalien de l'Etat à qui l'homme par le " contrat
social ", a confié toute responsabilité quant à
son présent mais aussi, par rapport à son devenir.
§
II- LES CARACTERISTIQUES
DE LA REGULATION SOCIALE
La société occidentale pose le postulat de la complétude
de l'individu (A). Corrélativement, il paraît justifié
de considérer la règle de droit comme uniforme, et donc
nécessairement préexistante au conflit (B).
A- Le postulat de la
complétude de l'individu
Dans la société moderne, chacun se suffit à lui-même.
L'individu est " un être moral, indépendant, autonome,
et ainsi (essentiellement) non social. " En cas de
nécessité, il doit se tourner vers l'Etat-providence qui fait
tout et qui peut tout.
Conçus à l'image de Dieu et donc tous égaux,
les individus ont les mêmes droits et les mêmes obligations devant
la loi. Il y a donc uniformité des statuts et des conditions. Cette
égalité est proclamée par la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme, et par toutes les Conventions relatives à la
protection de la femme et de l'enfant. Ce principe est également garantit
par la Constitution camerounaise.
Pourtant, certaines dispositions du droit camerounais consacrent
l'infériorité juridique de la femme. Ainsi en matière
de ressources des biens du ménage, il est stipulé par l'art
1421 du cciv que le mari dispose seul des pouvoirs d'administration et de
disposition.
B- Conséquences : préexistence et uniformité
de la règle de
droit
La résolution des situations conflictuelles se ramène toujours
à la détermination de ce qui est VRAI, par référence
à un système de règles préétablies contenues
dans la BIBLE de Dieu, dans la LOI de l'Etat. La vérité
préexiste donc au conflit. C'est la raison pour laquelle l'ACAFEJ
a engagé cette action de diffusion des lois que, selon une maxime
remontant au droit romain, nul n'est censé ignorer.
Cependant il n'appartient pas, en principe, aux parties au litige de
déterminer cette vérité car, " nul n'a le droit
de se rendre justice par lui-même ". Elles doivent s'adresser
à une personne extérieure au conflit et donc nécessairement
impartiale, le juge ou toute personne investie par l'Etat de la mission
de trancher entre juste et injuste. Cette conception du droit exclut donc
d'emblée toute idée de conciliation. Elle vise à
sanctionner ; elle est fondée sur l'idée du
péché qui pervertit, qui éloigne de ce qui est
bon.
Partant de cette certitude que tout oscille entre juste et injuste, entre bon et mauvais, entre bien et mal, on peut comprendre la prétention à l'universalité de la conception occidentale des droits de l'homme, et donc des Conventions et Traités internationaux relatifs à la protection de la femme et de l'enfant. Les codes et lois du Cameroun, sont porteurs de cette même philosophie juridique positiviste, malgré les nombreux aménagements visant à intégrer certains us et pratiques coutumiers tels que la polygamie, la reconnaissance d'enfants adultérins a patre, qui trouvent à s'exprimer dans le cadre des Cliniques Mobiles.
Sect II- LES CLINIQUES MOBILES,
EXPRESSION D'UN MODE DE PENSEE " TRADITIONNEL "
Les Cliniques Mobiles sont des séances collectives au cours
desquelles les femmes se retrouvent dans leur diversité. Elles s'inspirent
du communautarisme qui est à la fois philosophie de vie, principe
d'organisation (§I) et principe de régulation sociale (§II)
dans les sociétés traditionnelles africaines.
§
I- LE MODELE SOCIETAL
COMMUNAUTARISTE
Il se construit à partir d'une cosmogonie (A) et, fonctionne sur la
base de la responsabilité de l'être humain dans l'ordonnancement
de la société (B).
A- La cosmogonie des
sociétés traditionnelles africaines
A la cosmologie (ou théorie) de l'univers extrait du néant
que nous avons vu ci-dessus, s'oppose la cosmogonie (ou histoire) d'un monde
provenant du CHAOS. A l'origine, tout existait en puissance, aussi bien la
création que le créateur. Progressivement, se sont distingués
le Dieu primordial puis, les dieux primordiaux " qu'il ne faut pas
concevoir comme des personnes indépendantes mais plutôt comme
l'inéluctable développement du chaos ou de la divinité
dont les puissances apparaissent en se différenciant le plus souvent
en couples complémentaires. "
Par la suite, ces divinités ont tiré le monde visible et ensuite
l'homme du chaos, après de nombreuses tentatives. La création
est ainsi incessante, et se fait par différenciation progressive.
Cette différenciation continue implique nécessairement la
cohérence du système, car les différents
éléments sont incomplets et s'attirent automatiquement pour
pouvoir se reproduire.
Le modèle sociétal communautariste est bâtit sur les
mêmes principes de différence et de conjonctions de ces
différences. Cela donne à l'homme un rôle éminent
dans l'univers visible. Il doit continuer l'uvre de création
car " l'inorganisé est au fondement de l'être et (...)
l'apparence n'est stable que dans la mesure fragile où les
forces de l'ordre l'emportent sur les puissances de désordre. "
B- La responsabilité
de l'être humain dans l'ordonnancement de la
société
La société communautariste est structurée en une multiplicité de groupes, de réseaux tous différents tout en étant interdépendants. Elle se caractérise par une pluralité de rôles, de statuts et la nécessité de rechercher l'unité de ces éléments qui concourent tous à sa définition. C'est donc un modèle de société qui ne définit pas le vivre ensemble mais se contente d'en dessiner le cadre, ce qui donne une responsabilité certaine à l'individu dans la gestion de ce vivre ensemble.
La différenciation dans la société peut se saisir à plusieurs niveaux.
La différence de sexes. Dans de nombreuses mythologies, les
femmes en tant que reproductrices de l'espèce humaine, sont
représentées en termes de puiseuses d'eau, de gardiennes du
feu, de pourvoyeuses d'aliments. Les hommes quant à eux creusent le
puits, abattent les arbres permettant de maintenir le feu, rapportent du
gibier, protègent physiquement le groupe contre les agressions.
La stratification sociale. A l'intérieur d'un groupe si tous les
éléments sont indispensables, ils ne le sont pas au même
titre. Toutefois, " le rapport hiérarchique n'exprime pas
les positions respectives des êtres considérés mais l'origine
des flux d'énergie que l'on reçoit ou que l'on
transmet. "
Ainsi, les juristes de l'ACAFEJ représentent les
aînées, grâce à ces connaissances juridiques
qu'elles se proposent de dispenser auprès de leurs " soeurs qui
n'ont pas pu (...) accéder au savoir. " Cependant, si dans
notre contexte elle sont en position hiérarchique dominante, dans
d'autres instances, elles vont se retrouver cadettes en raison de
leur âge, de leur position sociale, des fonctions remplies au sein
du groupe ethnique...
Cette différenciation à tous les niveaux dans l'organisation
de la société, suppose la recherche de points de convergence
car, les divers éléments sont en soi incomplets. L'unité
n'est donc pas acquise, elle est en permanence à construire, sur la
base d'une négociation permanente entre intérêts divergents.
Ces caractéristiques sociétales vont se retrouver dans la gestion
des rapports au quotidien entre les hommes.
§
II- LA GESTION DES RAPPORTS
SOCIAUX
La différenciation existentielle entre les êtres humains rend
nécessaire la recherche de la cohésion au moyen de la
solidarité (A) et, sur la base de la négociation en
matière de gestion des situations tensionnelles (B).
A- La solidarité s'impose entre des êtres humains
tous différents
Chaque dimension de la société, chaque individu est relié
à un autre, chaque groupe est inclus dans un autre. L'homme lui-même
" est un ensemble éclaté d'éléments
interdépendants, temporairement réunis pendant la durée
de la vie de l'individu mais toujours susceptibles de dissociation par le
fait du sujet lui-même ou d'autrui. "
La solidarité s'impose non seulement pour pouvoir exister, mais
également pour s'affirmer par rapport aux autres. Cette solidarité
n'est donc pas choisie " mais imposée par une menace politique.
Il vaut mieux être protégé par son groupe
de frères. On ne sait jamais ! même si ce dernier peut contrarier
ses désirs. "
Les différents déplacements que le Centre de Douala a pu effectuer
dans la province du Littoral, ont ainsi été l'occasion de
construire un lien, un pont entre toutes les femmes qui ont participé
à ces rencontres. Des femmes que beaucoup de choses éloignent
d'un point de vue économique et social mais, que beaucoup de choses
rapprochent aussi pourtant : problèmes d'intégration dans les
structures professionnelles, problèmes d'accès aux prêts
bancaires, à une meilleure scolarité, le besoin d'une
considération sociale réelle et non simplement
affirmée...
L'association des hommes à ces activités révèle
la volonté d'en faire une véritable question de
société, et non une simple démarche sectaire. La
conscientisation doit donc se faire tant chez les femmes que chez les hommes,
dans la concertation permanente, dans la négociation.
B- La résolution des conflits se fait idéalement
sur la base de la
négociation
Chacun des membres de la société communautariste répond
de l'équilibre du groupe. Tout conflit doit donc être apaisé
de telle sorte que la déchirure, la rupture soient évitées.
Les Wolofs (membres d'un grand groupe ethnique du Sénégal),
disent que " tout doit se régler dans le ventre du village
".
Les affaires familiales ne doivent pas être révélées
car, leur vulgarisation peut couvrir la famille ou la communauté de
honte aux yeux des autres familles ou communautés, et prouver leur
manque de cohésion interne.
A l'intérieur du groupe qui a vu naître le différend,
il s'agit non seulement de maintenir l'ordre existant mais également,
de préserver les relations futures entre les protagonistes qui se
trouvent en relation d'identité.
Pour apaiser les tensions sociales, la recherche du consensus est
le principe dans la société communautariste. C'est une
société responsable d'elle-même. C'est la raison pour
laquelle le mode pacifique de règlement des conflits est
privilégié.
C'est l'autorité que la décision aura et non son caractère
de véracité qui fera la loi. Dans ce modèle sociétal,
la norme juridique, la règle de droit n'est pas le référent
unique à partir duquel tout est déduit. C'est un moyen comme
la morale, les préceptes religieux, la coutume de réguler la
société.
La charge de régler le différend incombe alors aux parties
en litige. On constate cependant une gradation dans la manière dont
le conflit sera réglé. Plus il y aura de la distance entre
les individus ou les communautés, plus on verra apparaître le
besoin de faire intervenir une tierce personne : conseil de famille, instance
coutumière, médiateur tel que la Parajuriste.
La gravité du litige peut aussi imposer la nécessité
de rompre l'état actuel des relations, quelle que soit l'étendue
des liens d'identité entre les personnes en cause. Le problème
d'agression sexuelle qui a été soumis à l'ACAFEJ correspond
à un acte qui pouvait autrefois valoir au coupable le bannissement
voire, sa condamnation à mort. On constate ainsi qu'à
côté du règlement pacifique des conflits, existent
également dans ces sociétés, des sanctions à
vocation punitive.
Il nous paraît important d'essayer à présent, de
découvrir les significations et les conséquences, qui peuvent
découler des interrelations entre les différentes conceptions
idéologiques que nous venons d'examiner ci-dessus.
DEUXIEME PARTIE :
SIGNIFICATIONS ET CONSEQUENCES
DE CETTE INTERACTION
Après avoir révélé les cadres idéels et
conceptuels se rattachant aux différentes activités de l'ACAFEJ,
ainsi que les convergences qui existent entre elles, il est important de
rechercher pourquoi ces deux champs différents d'action et de pensée
Cliniques Fixes et Cliniques Mobiles ne sont pas pour autant antinomiques
(Chapitre I). Toutefois, le constat d'une nécessaire et inévitable
interaction ne réussit pas à résoudre le problème
de la crise de régulation sociale et sociétale. Il s'agira
donc également, dans cette deuxième partie de notre travail,
de découvrir des pistes permettant, de dépasser ces
difficultés dirimantes et de concevoir l'action de ces femmes juristes
dans une démarche totalement prospective (Chapitre II).
La coexistence entre Cliniques Fixes et Cliniques Mobiles, les interactions
qui découlent de leur fonctionnement respectifs n'est pas un fait
du hasard, un phénomène ponctuel. Elle trouve un sens dans
la pensée traditionnelle africaine. Cependant, cette interaction
présente des faiblesses profondes (Section II), constatées
à partir de l'observation des éléments
caractéristiques du phénomène, dans le cadre de
l'activité de l'ACAFEJ (Section I).
Sect
I- LES CARACTERISTIQUES
DU PHENOMENE
Il s'agit essentiellement de mettre en évidence, la manière
cette complémentarité s'est manifestée dans l'exercice
des activités des Cliniques Fixes et des Cliniques Mobiles (§I)
ainsi que les raisons de cet état de fait (§II).
§ I- LES EXPRESSIONS DE CETTE COMPLEMENTARITE
DANS L'ACTIVITE DE
L'ACAFEJ
Des éléments de convergence entre Cliniques Fixes et Cliniques
Mobiles peuvent se constater, quant à l'organisation matérielle
des Cliniques Juridiques (A) et, quant aux modalités de règlement
des situations litigieuses (B).
A- Quant à l'organisation matérielle des
Cliniques Juridiques
Pour réaliser leur objectif de vulgarisation du droit, l'ACAFEJ s'appuie
à la fois sur des structures modernes (les consultations au siège
de l'Association) et sur des structures traditionnelles (les rencontres).
L'on a pu constater également que les Parajuristes sont l'illustration
de l'articulation entre deux savoirs : à la connaissance des us et
coutumes de leur zone d'intervention, elles doublent des connaissances
rudimentaires du droit camerounais.
Même si de nombreux documents écrits sont gratuitement mis à
la disposition des femmes (brochures, tracts, dépliants, journaux...),
l'oralité apparaît comme le moyen de communication et
d'information par excellence. C'est dans cette optique que s'inscrivent les
sensibilisations faites au sein des communautés religieuses, des
associations de femmes, les messages et émissions radiodiffusés,
télédiffusés, les conférences-débats,
les " causeries juridiques ".
Il est ainsi tenu compte de l'état d'analphabétisme de la population camerounaise mais surtout, du rôle de l'oralité dans la société africaine. C'est non seulement un mode d'acquisition du savoir mais également, de préservation de ce savoir.
B- Quant aux modalités de résolution des
situations litigieuses
Nous avons pu remarquer que les problèmes les plus fréquemment
soumis à l'ACAFEJ portaient sur les relations familiales. A ce titre,
l'accent a été donné au maintien de la cohésion
de la structure familiale, particulièrement en matière de conflits
conjugaux.
Le cas de viol offre aussi un exemple d'articulation entre
spécificités endogènes et particularités liées
à la modernité. Dès lors qu'il s'apparente à
une agression physique, un tel acte est condamnable tant du point de vue
de la tradition que de la modernité. Il est possible d'aller encore
plus loin, et considérer que l'acte s'étant produit au sein
de la famille, il devient incestueux. En droit positif, l'inceste est le
fait pour un homme et une femme de s'unir à un degré où
le mariage est interdit. Par extension, tout rapprochement sexuel entre ces
parents aura une connotation incestueuse.
Partant de la notion plus large de la famille en Afrique par opposition à
la famille nucléaire occidentale, le viol par le cousin devient donc
incestueux. Dans un tel cas, la plupart des pratiques coutumières
prévoit des rites de purification voire, des sanctions physiques à
l'endroit du coupable. Or dans notre hypothèse, il n'a même
pas été tenu un conseil de famille. Aussi, l'ACAFEJ a vivement
conseillé à la jeune fille de porter plainte auprès
des services de police pour que cet acte ne reste pas impuni.
Cette propension à récupérer d'autres moyens de
répression pour suppléer à un vide, à une lacune,
s'inscrit dans la logique traditionnelle endogène.
§
II- LES RAISONS DE CETTE
COMPLEMENTARITE
La sociologie (A) et l'histoire (B) nous aident à comprendre comment
ce rapprochement et cette complémentarité peuvent être
possibles.
A- Sur le plan sociologique
On assiste à la résurgence de conceptions endogènes
de la régulation et même de l'organisation sociale ; conceptions
qui, on le constate avec force aujourd'hui à l'heure de la
démocratisation, ont en réalité toujours été
récurrentes.
M. ALLIOT démontre d'ailleurs qu'en toute communauté se cachent
des structures sociétales et qu'à l'inverse, l'on retrouve
des structures communautaires dans les modèles sociétaux
étatiques. " Les structures d'une société ont toujours
un niveau apparent et un niveau caché (...) Au
premier abord, on peut dire que les communautés d'Afrique noire valorisent
traditionnellement la hiérarchie et les complémentarités
au niveau apparent, la fraternité au niveau caché, tandis que
celles d'Europe valorisent l'égalité et la similitude au niveau
apparent, les hiérarchies au niveau caché. "
Aucune société n'est donc uniquement communautaire ou individualiste mais, elle se définira soit comme étant communautaire soit comme étant individualiste, par rapport à la conception qu'elle se fait d'elle-même et l'ordre du monde. L'Occident judéo-chrétien a choisi de nier l'existence en son sein la hiérarchie, en idéalisant l'unité.
C'est ce que L. DUMONT appelle le principe d'englobement du contraire.
L'auteur l'explique à travers le mythe d'Adam et Eve.
Eve a été conçue comme le contraire d'Adam par Dieu,
puis en deuxième temps, elle a été englobée dans
le corps d'Adam, que Dieu avait créé en premier, ce que
matérialise la côte qui fut prélevée à
Adam pour la créer. Or dans une même société,
" des logiques différentes ne s'excluent pas, elles correspondent
à des situations différentes et contribuent toutes à
la constitution du modèle de cette société. "
Toute société est donc essentiellement plurale. Ce
pluralisme se perçoit par rapport à l'être humain
lui-même qui " possède une identité multiple
l'englobant dans plusieurs sociétés et donc, dans plusieurs
droits. " C'est ce que l'Anthropologie du droit appelle le
pluralisme juridique qui, selon la définition de
J.GRIFFITHS, consiste dans " la multiplicité des droits en
présence à l'intérieur d'un champ social. "
B- Sur le plan historique
Toute société est soumise à des mutations, à
des échanges, à des emprunts de traits. L'acculturation
est une caractéristique commune à toutes les sociétés
humaines. Elle se définit comme " l'ensemble des
phénomènes qui résultent d'un contact continu entre
des groupes d'individus de cultures différentes et qui entraînent
des changements dans les modèles (patterns) culturels initiaux
de l'un ou des deux groupes. "
C'est un processus permanent, dynamique. Contrairement à ce que
démontre René BASTIDE dans son analyse des situations de
" contacts culturels ", les sociétés à
dominante communautaire ne sont donc pas moins perméables aux influences
culturelles extérieures, que les sociétés plus
individualisées et plus différenciées.
La médiation a envahi aujourd'hui les tribunaux, même si elle
y est considérée comme un mode " alternatif " de
règlement des conflits. La soft justice s'est
développée aux Etats-Unis depuis les années 1970. En
France, particulièrement dans le cadre de la justice des mineurs,
le recours à la médiation est presque devenu de rigueur.
Par contre dans une société communautaire, elle est la forme
principale de résolution des conflits. Ainsi, à la différence
du magistrat ou de toute personne ayant reçue mission d'intervenir
comme intermédiateur, la parajuriste, bien que faisant la jonction
avec le droit moderne, est le reflet du mode de pensée
endogène.
L'intégration de traits nouveaux va s'effectuer dans le sens d'une
réappropriation, d'une absorption de ces éléments
exogènes qui vont prendre signification dans la société
réceptrice, sur la base de valeurs considérées comme
essentielles telles que la famille, le mariage, la possession de la terre.
Même si l'union entre un homme et une femme est considérée
comme réalisée par l'accomplissement des rites traditionnels
relatifs à la dot, l'acte de mariage ne représente pas une
simple formalité. C'est un document qui confère une certaine
sécurité aux femmes et à leur progéniture et
donc, qui est une manière de contraindre les hommes à plus
de responsabilité. Par contre en Occident, on constate l'importance
grandissante de l'union libre considérée comme un mariage
" de fait ", auquel on applique quasiment tout le régime
juridique et fiscal d'un mariage célébré par devant
le maire.
L'acte de naissance revêt une symbolique particulière. De manière générale, la conception traditionnelle de la paternité dans les sociétés africaines est rattachée à la notion d'autorité, et non à la filiation biologique. Le père est celui qui détient l'autorité sur l'enfant. Ainsi, on constate au Cameroun que la détention ou la remise de l'acte de naissance d'un enfant à une tierce personne, constitue la preuve de la possession ou de la transmission de l'autorité sur cet enfant.
Malgré un cadre apparemment favorable, le constat est celui de l'incapacité du système, tel qu'il fonctionne, à offrir une sécurité réelle à la société et particulièrement aux femmes, objet de l'action de l'ACAFEJ.
SECT II : LES FAIBLESSES
DU PHENOMENE
Les incertitudes, les approximations génèrent une situation
complexe (§I) qui fait apparaître les limites de cette
complémentarité (§II).
§
I- UNE COMPLEMENTARITE
VECUE DE MANIERE COMPLEXE
La coexistence entre les différents Cliniques révèle
d'une part, des situations de métissage juridique face à une
prétention à l'autonomie de chacune des logiques (A), et d'autre
part, le jeu dialectique entre logique institutionnelle et logique fonctionnelle
(B).
A- Des situation de métissage juridique face à
une prétention à l'autonomie de chacune
des logiques
Les dispositions reçues de l'ancienne puissance colonisatrice
étaient entièrement défavorables aux enfants naturels,
dans le souci de protéger les enfants nés
" légitimement " du mariage entre leur père et leur
mère. Le législateur, par l'Ordonnance de 1981, a donc voulu
entériner un mode traditionnel de rattachement filiatique.
Plusieurs éléments rentrent en ligne de compte.
La polygamie qui permet à un homme d'avoir plusieurs épouses ; la valeur du mariage traditionnel par rapport au mariage civil. C'est la conception même du mariage qui est ainsi en cause. S'arrête-t-elle à l'union entre un homme et une femme, ou faut-il l'appréhender à partir de la possibilité pour un homme de prendre plusieurs épouses ?
D'autre part, vont aussi se trouver en conflit la religion chrétienne
et les croyances religieuses animistes.
Mais les dispositions nouvelles de l'Ordonnance de 1981 précitée
sont battues en brèche par l'accroissement du rôle économique
des femmes. Le corrolaire en est l'accroissement de leur pouvoir au sein
de la famille face à la notable tendance à l'irresponsabilité
des hommes.
B- Le jeu dialectique entre logique institutionnelle
et logique fonctionnelle
Sous le vocable " ONG ", l'ACAFEJ jouit d'une meilleure
visibilité sur le plan international. Ce vocable lui permet
également de mettre en évidence sa vocation d'organisme
orienté vers des actions de développement en marge de
l'intervention de l'Etat.
Mais le souci d'accéder au statut des associations déclarées
révèle la volonté de s'intégrer dans l'ordre
juridique institutionnel. La sociologie du droit qualifie ces situations
de " phénomènes de raccordement du fait au
droit. "
On assiste ainsi un double mouvement tendant à " (...)
échapper au formalisme, tout en appelant le droit à la rescousse
pour qu'il procure les commodités de la
représentation. "
Mais cette interaction entre une logique fonctionnelle, logique de l'acteur,
et la logique institutionnelle, celle de l'Etat, ne s'effectue pas sans
conséquences, ce qui va nous conduire à en constater les
limites.
§
II- LES LIMITES DE CETTE
COMPLEMENTARITE
Les faiblesses de cette imbrication entre des logiques différentes
tiennent essentiellement en l'absence d'un modèle sociétal
englobant d'identification (A) et par ailleurs, en la forte emprise du
modèle occidental dit " dominant " (B).
A- L'absence d'un modèle
sociétal englobant d'identification
La crise des institutions n'a pas fait de la société une zone
de " non-droit ". Le problème qui se pose est celui de la
dérive utilitariste. En effet, on assiste à un double mouvement
d'instrumentalisation du droit moderne et de manipulation des us et coutumes.
La " coexistence de modèles endogènes et de modèles
exogènes induit (...) des stratégies plus ou moins
détournées pour tirer profit des unes ou des autres. "
Le vécu des femmes au Cameroun témoigne tout particulièrement
de cette situation.
Le droit, aujourd'hui, vise à satisfaire les besoins des êtres.
Or le droit n'est pas uniquement lié à l'action, le droit est
aussi modèle de société, projet de société.
On constate en définitive qu'actuellement, on se trouve dans une
société " qui manque en réalité d'une
conception générale de l'univers et de la vie adaptée
aux défis du moment. "
B- L'emprise du modèle
dominant
La constitution des Cliniques Fixes au Cameroun, et dans d'autres pays du
continent africain, s'est faite à l'instar de celles qui existent
au Canada. Les activités de l'ACAFEJ sont en grande partie financées
par le Ministère canadien de la justice. Les différentes ONG
de femmes juristes existant sur le continent ne risquent-elles pas d'être
le véhicule du transfert de nouveaux modèles juridiques ?
Ce transfert de modèle est tributaire d'un certain état d'esprit
: la certitude de la " transposabilité " du concept dans
un contexte supposé identique. Une telle conviction est directement
liée à la philosophie universaliste que les termes de
" globalisation " ou de " mondialisation " ne parviennent
pas à évincer.
Cela s'explique à un double point de vue. D'une part, le droit
positif camerounais basé sur la loi, la doctrine et la jurisprudence,
est inspiré ou plutôt, calqué sur le modèle occidental
du colonisateur. D'autre part, le Canada, pays confronté au problème
des communautés autochtones amérindiennes minoritaires
revendiquant le droit à la différence culturelle, se
propose de partager ainsi son expérience de la diversité.
En apparence, cette association admet la diversité mais, la réduit
toujours à l'unitarisme. Au nom de la revendication d'un meilleur
statut pour les femmes, elle continue de jouer " de manière
plurale dans un registre marqué par le droit savant unitaire."
Comment dans de telles conditions faire émerger un véritable
projet de société, dans lequel la conscience collective se
reconnaîtrait ? Ne faut-il pas alors reconstruire les termes de la
complémentarité en partant de l'intérieur,
c'est-à-dire se positionner de telle manière que le droit
camerounais soit réellement le reflet de la manière dont se
pense la société camerounaise aujourd'hui ?
La modernisation de la société camerounaise, bien que
favorisée par un contexte animé par la diversité, la
pluralité, a montré ses limites. Pour pouvoir mettre en symbiose
les différents cadres dans lesquels les femmes en particulier et la
population en général, inscrivent aujourd'hui leur action,
il s'agit de penser autrement le projet de société. Le courant
dit " post-moderne " (Section I) apparaît, à notre
avis, comme un cadre permettant d'entamer une telle réflexion, autour
du concept " d'équité " (Section II).
Sect I- PENSER LA REGULATION
SOCIALE DANS UNE PERSPECTIVE POST-MODERNE
Envisager des perspectives de sortie de cette situation de crise sociale,
qui est essentiellement une crise sociale et institutionnelle des
mécanismes de régulation sociale, nécessite à
travers une approche post-moderne (§I), de donner un rôle certain
aux acteurs sociaux dans la production d'un nouveau code de droit
(§II).
§ I- L'APPROCHE POST-MODERNE POUR SORTIR
DE LA CRISE
INSTITUTIONNELLE
La caractéristique de la société camerounaise actuelle
est l'incapacité de la tradition et de la modernité à
faire ensemble, autorité (A). La voie post-moderne permettrait d'envisager
leur conciliation (B).
A- L'incapacité de la tradition et de la modernité
de faire autorité
ensemble
Le mode de vie traditionnel n'assure plus suffisamment l'épanouissement
de la femme et de la société en général, au regard
des transformations que la modernité a provoqué dans les rapports
sociaux, dans les conditions matérielles d'existence. On a pu se rendre
compte de limites dans l'action de l'ACAFEJ. Le cas de la vieille dame,
privée par sa famille de ses petits-enfants, est révélateur
de situations de blocages auxquels on peut aujourd'hui assister ; cas non
prévus par le droit moderne, et dont la résolution au niveau
" traditionnel " s'avère également
problématique .
La règle procédurale camerounaise en vertu de laquelle,
" option de juridiction emporte option de
législation ", met en évidence les contradictions
profondes du droit positif camerounais. L'option du justiciable pour la
juridiction de droit coutumier résiste-t-elle à l'emprise du
droit moderne ? Si on passe cette règle à l'épreuve
du principe de l'englobement du contraire, on se rend compte en
réalité que les deux règles ne rythment pas le système
judiciaire camerounais. En réalité, le modèle juridique
étatique " tolère " jusque dans une certaine mesure
le droit coutumier ; la condition sine qua non étant que
les coutumes invoquées devant les tribunaux de droit coutumier, ne
soient pas contraires aux lois et aux bonnes moeurs déterminées
par l'Etat !
Quid des mutations actuelles qui mettent en évidence la
montée en puissance de femmes chefs de famille monoparentales ? Pourquoi
ces femmes se voient reconnaître par la loi tous les pouvoirs de chef
de famille contrairement à celles qui sont mariées ?
L'incapacité juridique qui pèse sur la femme mariée
au regard du droit moderne, et sur toutes les femmes au regard de la tradition,
est en contradiction avec le vécu. Peut-on continuer à
considérer que c'est une manière de " protéger "
la femme ?
Comment entériner les mutations sociales dans un tel contexte ? A
notre avis, il faut changer l'angle de perception du droit camerounais,
d'où l'intérêt de la voie post-moderne.
B- L'intérêt de la voie post-moderne pour
envisager leur
conciliation
Les définitions d'une société sont toujours à
reprendre. La société est perpétuellement confrontée
à des besoins nouveaux, à des remises en question. Elle est
toujours entre maintien et devenir. Toutefois, elle ne se déterminera
que par rapport à ce qui lui permet d'assurer son bon fonctionnement
et sa pérennité.
D'autre part, comme le fait remarquer G. ROSSATANGA-RIGNAULT,
" il n'y a pas d'opposition fondamentale et irréductible entre
les logiques d'eau et les logiques de feu, pour que l'on sache, c'est le
feu qui fait bouillir l'eau " !
Face à l'exclusivité, au monopole de la régulation et du contrôle de l'action sociale à laquelle aspire chacun des ordres décelés dans une société plurale, la perspective post-moderne permettrait, sur la base de caractéristiques dégagées par A.-J. ARNAUD :
la réinsertion du droit dans le temps ;
la prise en compte de la complexité des phénomènes sociaux
et donc, l'acceptation de périodes de permanences et de ruptures ;
la prise en compte de la diversité, de la multiplicité des points de vue et donc aussi celle des lieux d'où l'on parle,
c'est-à-dire des lieux d'intégration, des lieux où s'invente au quotidien l'avenir, où s'exprime la manière dont la société se pense et exprime concrètement ses attentes ;
la prise en compte des mouvements sociaux qui en découlent, et de
la montée en force des revendications sociales quant à la
participation populaire dans la gestion, dans le contrôle de la
polis.
§ II- LE ROLE DES ACTEURS SOCIAUX DANS
LA PRODUCTION D'UN NOUVEAU
CODE DE DROIT
Nous distinguons deux catégories d'acteurs sociaux : les femmes, dont
la situation sociale est à l'origine de la création de l'ACAFEJ
(A) ; et les membres de cette Association, en raison de leur
spécificité professionnelle (B).
A- Les femmes
Mères " courages ". L'action des femmes africaines en tant
de guerre n'est plus à démontrer. Pendant la colonisation,
on les a vues dans les mouvements de libération. Aujourd'hui, on les
retrouvent dans les luttes pour l'instauration de la démocratie. Le
12 janvier 1997, les femmes nigériennes se sont regroupés au
stade à Niamey (capitale du Niger), pour réclamer la
libération de leurs frères, maris, pères, opposants
au parti politique au pouvoir.
Femmes et transition. " La femme est toujours située en ces
lieux où se marquent les différences et les discontinuités,
et où elle permet d'assurer les liaisons (...) Elle est requise là
où sont les frontières et se font les passages: de la nature
à la culture, de la reproduction à la production, de la
société à ce qui lui est extérieur, de
l'égalité à l'inégalité, des choses aux
signes et symboles. "
Les femmes ont une capacité à identifier les véritables
enjeux. Garantes de la tradition, elles sont facteurs de maintien ou de remise
en état, protectrices de l'ordre existant. Les femmes ont toujours
été en première ligne pour résoudre les
difficultés de survie quotidienne de leur famille. C'est grâce
à elles qu'un bon nombre de ménages camerounais réussit
à amortir les effets de la " conjoncture ".
La question de la responsabilité de la femme par rapport à sa famille ne se pose donc pas. Il s'agit plutôt de son passage du statut de sujet à celui de citoyenne, c'est-à-dire de quelqu'un qui sait qu'il pèse dans l'organisation et le fonctionnement de sa communauté et par ricochet, dans celui de l'Etat.
L'action des juristes de l'ACAFEJ exprime cette recherche de
visibilité.
B- Les juristes
La spécificité de l'ACAFEJ à savoir, le fait d'être
composée de femmes " juristes " s'inscrit dans ce mode
traditionnel d'organisation de la société commmunautariste
: la spécialisation des fonctions. Ainsi, cette Association va avoir
des choses particulières à dire, ce qu'elle a entrepris de
faire, mais aussi et surtout, un rôle et une responsabilité
certaine dans le processus d'édification du système normatif
camerounais.
Certes, nous avons pu constater la nécessité restituer
" la production du droit aux Peuples ", à
la société, aux acteurs du quotidien pris dans leur
diversité. Mais le droit n'est pas seulement affaire de relations
effectives entre membres d'un groupe social. Il n'est pas uniquement
lié à l'action, à la pratique, aux pratiques.
C'est ici qu'intervient l'autre objectif de cette Association, qui est de participer à la formalisation des règles du jeu, aux côtés du législateur. Cela suppose que dans son action, elle repère les relations transversales et prévisibles entre les éléments du système tel qu'il fonctionne actuellement, éléments traduisant une certaine répétitivité dans les comportements, par référence à certaines logiques identifiées et identifiables.
Une telle prise de position nécessite de se munir d'outils idéologiques et méthodologiques. L'équité nous semble être un concept propice à ce programme.
SECT II : L'EQUITE, COMME
PARADIGME PORTEUR DE CETTE DEMARCHE NOUVELLE
L'équité est un concept qui remonte à l'Antiquité
grecque. Le droit international contemporain en fait un grand usage. Nous
nous limiterons, dans notre propos, à une présentation du point
de vue de la sociologie du droit (§I). Sur le plan du droit interne,
cette notion permettrait de dessiner les contours d'un droit prospectif,
un droit équitable " post-moderne " (§II).
§I- PRESENTATION GENERALE
DE L'EQUITE
Après avoir exposé les acceptions classiques de
l'équité (A), nous en présenterons les limites (B).
A- Les acceptions classiques
de l'équité
De manière générale, la sociologie du droit propose
deux acceptions de l'équité, tantôt " (...) perçue
comme non seulement extra-juridique mais bien plus comme exogène au
droit positif, et là elle procéderait de l'acception qu'on
peut qualifier d'objectiviste de l'équité ; tantôt elle
est perçue de manière diffuse et intuitive comme une sorte
d'instinct inhérent à la condition humaine et dont la fonction
consiste à relativiser les exigences systématiques et formelles
du droit. Il s'agit dans ce cas, de l'acception qu'on peut qualifier de
subjectiviste de l'équité. "
La conception objectiviste présente l'équité comme un
ensemble de principes exogènes au droit positif, qui le transcendent
et lui préexistent. L'équité oriente aussi bien
l'élaboration que l'application du droit. Par contre, la conception
subjectiviste la définit comme un principe immanent, consubstantiel
au droit. Elle est alors perçue comme la prise en considération
par le juge des circonstances individuelles, ce qui permet d'humaniser le
droit.
Le système juridique camerounais, ainsi que sa science du droit,
étant d'inspiration française et anglo-saxonne, il est
nécessaire d'examiner les conceptions de l'équité
rattachées à ces deux zones d'influence. En droit français,
l'équité joue un rôle de moralisation pour tempérer
les rigueurs de la généralisation et de l'abstraction du droit.
Elle a ainsi une fonction correctrice.
En droit anglo-saxon, c'est également une source du droit mais selon
une maxime anglaise, l'équité vient après le droit,
" Equity follows the Law ". Toutefois, dans les pays de
Common Law, les rapports entre le droit et l'Equity sont
envisagés en termes de complémentarité, tant devant
les Tribunaux que sur le plan législatif.
Globalement, on constate ainsi que l'équité introduit la
réhabilitation d'injonctions morales humanistes au sein du droit.
Cependant, ces conceptions de l'équité ne nous paraissent pas
entièrement satisfaisantes pour répondre efficacement à
l'exigence d'un cadre conceptuel différent.
B- Leurs limites
Si l'équité permet la relativisation du droit, nous demeurons
dans cette logique positiviste, uniformisante et universaliste, qui se base
sur des configurations juridiques instituées dont justement, nous
avons mis en évidence l'inadéquation dès le début
de ce travail.
Certes, l'équité connote la notion de " proportion "
; mais nous sommes toujours dans une optique égalitariste et non dans
cette approche " inégalitaire " des relations sociales,
que nous avons identifiée dans la logique égypto-africaine,
comme corollaire de la complémentarité.
La présentation classique de l'équité ne prend donc
pas réellement en compte cette pluralité qui
caractérise et anime la société communautariste. Elle
n'exprime pas cette alliance entre " l'inégalité
irréductible et l'idéal égalitaire le plus exigeant,
le sens de l'autorité hiérarchique et le souci de
l'indépendance."
Il nous apparaît alors nécessaire de l'enrichir dans une approche
différente, que nous avons identifiée tantôt comme
étant " post-moderne ".
§ II- LE DROIT EQUITABLE
POST-MODERNE
La caractéristique majeure du droit post-moderne est d'émaner
de l'intérieur, de se construire à partir des pratiques collectives
et individuelles (A) et donc, de se cristalliser sur la base d'un certain
consensus (B).
A- Un droit émanant
de la pratique sociale
Si la question du droit n'est plus envisagée essentiellement pour
fustiger son mode d'introduction dans les anciennes colonies, il faut alors
s'attacher désormais au problème de son contenu vivant.
Le droit se construit sur des valeurs et des pratiques. Puisque nous avons
reconnu aux femmes, aux groupes sociaux la possibilité et même
le devoir d'oeuvrer pour la pérennisation de la société,
c'est donc de leur action que doit émerger les bases d'un droit
correspondant à leur aspirations fondamentales. Ce processus s'effectue
à partir de données endogènes mais également,
de tous les éléments " étrangers " qui paraissent
socialement nécessaires et vitaux aujourd'hui.
Il doit donc s'agir d'un droit capable de saisir et de restituer la
pluralité, la diversité de la réalité sociale,
et non d'un droit qui modéliserait de nouveaux les comportements.
Ceci n'est cependant réalisable que sur la base du consensus.
B- La mise en forme de ce droit sur la base
du consensus
Nous avons pu constater que la société camerounaise accorde
une importance certaine aux dispositions juridiques, comme instrument de
contrôle et de régulation. C'est dans ce sens que vont les
revendications exprimées par quelques femmes, visant à la
réglementation des pratiques dotales, pour freiner les nombreux
abus.
Une action de l'ACAFEJ en matière de codification correspond d'ailleurs
à l'un des objectifs de cette Association qui est, de contribuer à
l'élaboration des dispositions juridiques régissant le statut
de la femme et de l'enfant.
Cela suppose un travail de discussion, de gestion des conflits
d'intérêts divergents qui surgissent nécessairement,
de concertation, de négociation. La négociation est
un mode de gestion des rapport sociaux, malgré la hiérarchisation
qui, en apparence, dénie à certaines catégories sociales
tout droit à la parole.
Il s'édifie ainsi un socle culturel commun. Cette culture
commune, dont la caractéristique est d'être partagée
par le plus grand nombre, résulterait de choix réfléchis
opérés par la totalité des membres du groupe en question.
Elle se construit sur la base du partage de valeurs identifiées dans
les différents modèles culturels et endogènes pour leur
efficacité et qui, en outre, sont en continuité des cultures
natives.
La " mise en forme " du " consensus sur le
résultat des luttes " doit donc articuler à la fois
données exogènes et données endogènes. Toute
mesure contraignante, fut-elle écrite ou non, ne peut s'imposer que
si elle s'inscrit dans un cadre culturel et idéologique qui lui a
donné naissance, ou qui l'a volontairement accueillie en son sein.
" Les stratégies actuelles des femmes africaines pour valoriser
leurs statuts sont enracinées dans la culture et les traditions des
différentes ethnies. " Si les comportements évoluent,
les valeurs auxquelles ils renvoient sont toujours les mêmes. Ainsi,
" la loi du village n'est plus la coutume, mais
une expression normative spécifique produite par l'effet novateur
des normes exogènes imposées à ces sociétés
depuis la période coloniale. "
Cependant cette loi du village se rapporte toujours à certaines valeurs
qui font la spécificité des sociétés africaines,
par rapport aux sociétés judéo-chrétiennes. Si
les femmes réclament aujourd'hui le droit de disposer de leur esprit,
de leur corps, de décider pour elles-mêmes, c'est toujours dans
l'optique d'une promotion de leur être au travers de leurs familles
ou de leurs communautés. Le " droit équitable " aurait
donc pour objectif de leur permettre de continuer à assurer " la
complémentarité voulue par le créateur ", tout
en ayant les atouts nécessaires pour pouvoir s'épanouir
personnellement.
Un peuple responsable de lui-même est également responsable
et maître de la production des normes et règles qui visent à
réguler les rapports sociaux en son sein. Cependant, une
" communauté n'est pas faite de simples voisins mais
d'associés dans une entreprise sociale. " Il ne peut donc y avoir
un véritable projet éthique que si celui s'inscrit dans la
perspective d'une communauté de destin, et émane d'une action
commune. " Chacun a une contribution différente et si chaque
contribution est également reconnue, le principe de
complémentarité peut donner la possibilité aux membres
d'une société, de faire valoir leurs droits et la valeur de
leur contribution dans les activités des différentes
sphères. "
La question du lien social se pose ainsi avec acuité. Si au
travers de leur actions de proximité, l'ACAFEJ réussit à
rentrer en contact avec les femmes, sa conception du droit, si elle se limite
à une approche positiviste ne favorisera pas à terme
l'établissement d'un lien durable. Pour qu'émerge un
véritable projet de société, c'est " d'une
manière durable que les acteurs sociaux doivent saisir les chances
qu'ils créent eux-mêmes en agissant. "
Cette question se pose toutefois doublement car, cette action de l'ACAFEJ vise aussi à rapprocher l'Etat et la société. Nous considérons à la suite de
J.-G. BIDIMA qu'aujourd'hui, l'on " ne peut édifier un Etat
démocratique, promouvoir l'avènement d'un Etat de droit si
on ne répond pas d'abord en Afrique à cette question du
lien. " La condition nécessaire mais non suffisante pour
y répondre serait alors, selon l'auteur, " l'édification
d'un espace public où il serait possible de discuter. "
Les populations rurales ont un rôle important à jouer dans les
redéfinitions de la société camerounaise, parce qu'elles
représentent démographiquement la majeure partie du Cameroun.
D'autre part, à la faveur de la crise de l'emploi dans les zones urbaines,
il est en train d'apparaître une classe moyenne rurale, qui entretient
de nombreux échanges avec la ville, sur le plan économique,
agricole, qui n'ignore plus les modes de consommation des citadins.
L'acculturation est un besoin pour toute société qui ne veut
pas se laisser mourir. Ce travail nous a permis de voir comment une action
d'information et de conscientisation peut être le facteur d'émergence
de configurations juridiques tout à fait novatrices, dans une
démarche se situant hors de la science juridique classique. L'action
éducative de cette Association, si elle s'inscrit dans une logique
plurale, si elle s'attache à mettre en évidence les mutations
internes de la société camerounaise actuelle, pourra
réellement être prospective.
Une approche du droit de l'après modernité, à travers
la notion d'équité telle que nous l'avons redéfinie,
nous paraît être une démarche à la fois scientifique
et pragmatique, permettant aujourd'hui de faire face au problème de
crise des institutions au Cameroun en particulier, et en Afrique sub-saharienne
en général.
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