UNIVERSITE DE PARIS I

PANTHEON - SORBONNE

( Département de Sciences politiques )


AIDE FRANCAISE ET

PROCESSUS DE DEMOCRATISATION

Les cas du BENIN et du GABON (1990-1994)



Mémoire en vue de l'obtention du D.E.A

Etudes Africaines Option Sciences politiques

Présenté et soutenu par

Jean-François OBIANG






Sous la direction de

M. Philippe MARCHESIN Juillet 1996

REMERCIEMENTS ET DEDICACES









Je remercie mon Directeur de mémoire M. Philippe Marchesin

qui a accepté de diriger ce travail malgré les charges qui sont

les siennes.

Puisse cette direction bienveillante augurer d'une collaboration

franche et harmonieuse pour des travaux à venir.

A mon épouse Suzie, pour sa présence fidèle et généreuse de

tous les instants.

A l'absent, si loin si près de moi.










PLAN DE TRAVAIL


INTRODUCTION GENERALE


PREMIERE PARTIE : LA COOPERATION FRANCAISE EN AFRIQUE :

PRAGMATISME POLITIQUE OU CLIENTELISME ?


CHAPITRE 1 : POUR UNE RELECTURE PREALABLE DU "DISCOURS

DE LA BAULE"

1. Un texte d'anticipation et de prudence

2. Une conditionnalité effective cependant

CHAPITRE 2 : L'APD FRANCAISE : DES MECANISMES COMPLEXES

ET OPAQUES AU SERVICE DE CHOIX POLITIQUES

PRECIS

1. Un système marqué par sa compléxité

2. Un fonctionnement sans grande lisibilité

CHAPITRE 3 : ETUDE DE DEUX CAS CONTRASTES : LE BENIN ET LE

GABON

1. Le BENIN : Modèle de transition réussie par excellence

2. Le GABON : Une évolution politique beaucoup plus heurtée


DEUXIEME PARTIE : LA " PRIME A LA DEMOCRATIE " A L'EPREUVE DES FAITS

CHAPITRE 4 : ANALYSE COMPAREE DES CHIFFRES DE L'AIDE AU

BENIN ET AU GABON DE 1990 A 1994

1. Les données brutes

2. L'Analyse critique de ces données

CHAPITRE 5 : " LA PARISTROIKA " INCIDENCES POLITIQUES

1. Une évolution institutionnelle apparente

2. Une démocratisation en trompe l'oeil ?

CHAPITRE 6 : VERS UNE NECESSAIRE REDEFINITION DE LA

POLITIQUE FRANCAISE DE COOPERATION EN

RAPPORT AVEC LE FAIT DEMOCRATIQUE EN

AFRIQUE

1. L'aide Française face à la question démocratique en Afrique

2. La problématique de la démocratie en Afrique


CONCLUSION




INTRODUCTION GENERALE

Le thème de l'Aide publique de la FRANCE au développement n'est ni nouveau, ni particulièrement original. En effet, de nombreux spécialistes se sont depuis plusieurs années régulièrement penchés sur cette question en aboutissant presque toujours aux mêmes conclusions, celles de la nécessité de reformer entièrement le système.

Notre propos, ne consistera donc pas à mener une étude générale de plus sur l'aide, mais plutôt à essayer de l'accoupler à un élément nouveau : la démocratisation en Afrique. Certes, le lien entre ces deux éléments d'actualité ne ressort pas de prime abord. Mais en prenant du recul, on se souvient assez rapidement de la doctrine en vogue dans le début des années 1990, et qui associait volontiers l'aide Française à la démocratisation en Afrique.

A l'origine de cette actualité, le "discours de la BAULE" et la nouvelle donne qu'elle a généré consciemment ou inconsciemment, la "prime à la démocratie". Il s'agissait d'une promesse présidentielle de la FRANCE qui conditionnait désormais l'octroi de son aide aux pays Africains à l'ouverture démocratique. A l'opposée, cette doctrine annonçait aussi une menace, celle de réduire voire de suspendre cette même aide aux pays qui rechigneraient à aller vers plus de liberté. Il est donc question (et c'est en cela que notre interrogation est nouvelle) de mesurer l'impact de l'aide au service de la démocratisation en Afrique.

Initialement, nous avions le projet de "piéger" en quelque sorte, la coopération Française en nous contentant simplement de vérifier si dans les faits la prime à la démocratie a été appliquée. Au fil de nos recherches et de nos premières lectures, nous nous sommes rendus très vite compte que n'aborder que ce seul aspect de la question était non seulement réducteur mais surtout cela nous empêchait de révéler l'ensemble des questions sous jacentes à cette interrogation et les véritables possibilités d'ouverture qu'elles offraient. Car, en effet quel peut être l'intérêt d'une telle étude ?

Aborder la question de l'aide et son lien éventuel d'avec la démocratisation en Afrique, c'est aller à la source de toute la philosophie de la politique de coopération, mais c'est aussi remettre sur la table la problématique de la démocratie en Afrique.

C'est en tenant compte d'une part de la richesse du champs de la recherche qui se présentait à nous et d'autre part de la difficulté évidente à mener une étude exhaustive dans ce cadre forcément étriqué du mémoire de DEA que nous avons trouvé utile de donner une orientation précise à notre analyse sans que cette orientation soit forcément la plus large possible. Notre interrogation principale est donc de rechercher l'impact, ou mieux les incidences de la prime à la démocratie. sur l'évolution démocratique des pays Africains.

Esquisser une forme de réponse à cette question suppose cependant la satisfaction de certains préalables : préciser ce qu'est la prime à la démocratie, prouver qu'il y' a bien eu au delà du discours à effet d'annonce une doctrine. Vérifier enfin que cette doctrine a été appliquée. Un tel déblayage est nécessaire en ce qu'il permet de ne pas tomber dans le piège de l'étude ne reposant sur aucune matérialité. En outre, notre but ultime étant de rechercher les incidences sur les processus de démocratisation en Afrique, ce retour au texte s'avérait primordial.

Nous avons choisi pour rechercher notre application deux pays Africains que tout oppose : l'histoire, la réalité économique et commerciale, les liens antérieurs d'avec la FRANCE, et l'évolution politique de ces dernières années. Pour être plus précis, le but premier étant de vérifier si la menace ou la promesse présidentielle étaient appliquée à tous et en tout temps, il fallait nécessairement choisir deux pays différents pour mieux établir notre comparaison. Les chiffres bruts de l'aide nous serviront alors d'indicateurs pour mesurer ce taux d'application.

Au regard de ce que nous venons de voir, une première partie introductive s'imposait. Elle servira notamment à resituer le texte dans son contexte et à justifier le choix de notre méthode de travail. Cet éclairage est nécessaire avant le choc des données, l'analyse de ces données et l'ébauche des réponses à nos interrogations.



PREMIER PARTIE :

CHAPITRE 1 : POUR UNE RELECTURE PREALABLE DU

DISCOURS DE LA BAULE

1. Un texte d'anticipation et de prudence

Il était de bon ton, au début des années 90, de ranger au chapitre des causes directes du déclenchement des processus de démocratisation en Afrique, le célèbre "discours de la baule". C'est qu'il avait suffit, au Président Français, François MITTERAND, lors du 16e sommet des chefs d'Etat de France et d'Afrique, en Juin 1990, de prononcer cette phrase d'apparence anodine mais aux conséquences politiques importantes : "...la FRANCE liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté". En son temps, cette phrase avait largement été interprétée, d'une part, comme un encouragement tacite de la France au démantèlement des anciens régimes autoritaires, et d'autre part, comme une préfuguration d'un changement radical de ce qu'avait jusqu' alors été la philosophie de la politique de coopération. Certes, cette phrase n'était pas tout le discours, elle n'en était pas le résumé, mais elle en avait été le moment fort, le grain de sel dans une soupe jusque là fade, cette conditionnalité, clairement énoncée supposait en effet, que désormais, la FRANCE qui jusque là avait soutenu les régimes autoritaires s'était enfin décidée, comme mue par le vent de l'est, à jouer la transparence, elle supposait aussi que loin de s'en tenir à une certaine neutralité qui aurait alors ressemblé à de la passivité, la France s'engageait clairement à encourager avec les moyens conséquents, les efforts vers les changements politiques. Cet optimisme, résultante d'une lecture partielle voire naïve du texte du discours de la Baule, pouvait au moins se justifier par un argument de géopolitique et de géostratégie : le communisme étant tombé à l'est, il n'y avait plus à priori de "menace rouge" en Afrique qui aurait justifié le soutien parfois aveugle aux dirigeants autocrates, ou le maintien absolu du statu quo. Le désengagement des Etats Unis, largement alors entamé sur le continent, constituait à cet égard un repère de plus.

Il ne faut donc pas s'étonner de voir les analystes parmi les plus avisés, les journaux, et les peuples en Afrique, au début de ces années 90, considérer la Baule comme point de départ, d'un renouveau des relations Franco-Africaines, d'une "PARISTROIKA" qui allait influer directement sur la démocratisation en Afrique : quelques années plus tard, peut-on réellement considérer cette lecture du discours de la Baule comme complète ? M. Mitterand a t-il vraiment décidé en Juin 1990 de tout faire pour aider à la démocratisation de l'Afrique ?

A sa relecture, il semble bien que le discours du Président MITTERAND a été sinon galvaudé, au moins largement restreint, la plupart des analystes et des destinataires n'en ayant retenu que la seule phrase énonçant la conditionnalité entre aide enthousiaste et la démocratisation. Avec le recul, il nous semble aujourd'hui que ce texte faisait ressortir trois éléments inhérents à la situation politique de l'époque, et dont la prise en compte en son temps aurait aidé à relativiser la conditionnalité aide-démocratisation : ces trois éléments sur lesquels nous revenons en détail sont la prudence de ton et d'attitude, la nécessité de l'anticipation, et enfin la stratégie politique.

En terme de prudence, il n'est pas besoin d'en référer au "discours de chaillot" (1) pour observer que M. MITTERAND apportait déjà un bémol à sa conditionnalité en précisant que chacun devait aller à son rythme selon ses modalités vers cette liberté : cette ambiguïté de ton et de texte, que le président MITTERAND justifiait par un refus d'entrer dans ce qu'il considérait comme étant une nouvelle forme de colonialisme, a pour conséquence de ne donner ni des modalités ni de rythme à ces processus. D'ailleurs, et c'est en cela que cette ambiguïté prend tout son relief, on constate aisément qu'au delà de cette énonciation, aucune véritable mesure d'accompagnement n'est prise, au Ministère de l'économie et des finances pour venir appuyer le discours.

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(1) lors du 4e sommet de la francophonie tenu au palais de Chaillot, M. MITTERAND allait apporter

un vrai bémol à ses propos de la BAULE en réaffirmant la nécessité de laisser chaque pays

Africain aller à son rytume vers la démocratisation

Le Conseil Economique et social dans un rapport présenté en 1993 (2) relève bien cette contradiction qui existe entre l'énonciation du principe, et l'application de ce principe en termes institutionnels. Certes, on peut noter la mise en place, au sein du ministère de la coopération d'un département chargé du développement institutionnel, mais son inefficacité naturelle (nous y reviendrons plus loin) à appliquer une conditionnalité par ailleurs assez floue renforce cette observation de prudence. Il apparaît donc clairement que le discours de la Baule, en même temps qu'il aborde une question jusqu' alors éludée, se situe dans la prudence : l'absence de cadre institutionnel à une conditionnalité touchant à un domaine complexe (l'aide publique au développement) est à cet égard révélatrice.

Au delà de la prudence, le texte du 20 Juin 1990 apparaît aussi comme étant un formidable exercice d'anticipation politique : Il ne faut pas oublier qu'à cette période, les troubles ont déjà largement gagné le continent, la question de fond qui se pose alors en FRANCE est moins de savoir comment aider l'Afrique à se démocratiser que comment faire en sorte que l'Afrique, notamment les pays du champs reste sous son influence ? Autrement dit, comment maintenir les mêmes relations et sauvegarder les mêmes intérêts quitte à opérer ici ou là des sacrifices ou des rafistolages ? Cette capacité d'anticipation est révélée par Claude WAUTHIER (3) à propos du BENIN : il montre bien à partir de l'exploitation d'une note confidentielle du directeur de cabinet du Président du BENIN, comment la FRANCE en monnayant son aide contre un changement au BENIN avait su anticiper l'évolution dans ce pays pionnier. Le président gabonais OMAR BONGO dans ses entretiens avec Christian CASTERAN confirme cette dimension : " Pour moi, le discours de la Baule était un cri d'alarme lancé par le Président MITTERAND . . . Maintenant messieurs, vous allez avoir la démocratie. Sachez l'appliquer . . . " (4)


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(2) André DUFFAURE Développement du tiers monde et croissance Française CES 1993 p. 23

(3) Claude WAUTHIER Qauatre présidents et l'Afrique Paris Seuil 1995 p. 550

(4) Omar BONGO Confidences d'un Africain Paris Albin Michel 1994 p. 72

Le dernier élément qu'exprime le discours de la Baule c'est qu'il s'agit visiblement d'un exercice de stratégie politique. Pour comprendre cet élément, il faut se situer dans le contexte politique de l'époque, marqué d'une part par un environnement international favorable à la démocratisation, et d'autre part par des situations internes proches du chaos en Afrique. Dans un article précurseur, Jean François BAYARD (5) montre bien l'importance de l'environnement international sur la position de la France face à la démocratisation. Il met en lumière l'hostilité affichée par certains partenaires de la France (BELGIQUE, CANADA, ETATS-UNIS) face au maintien du statu quo, et l'isolement politique dans lequel un non-réajustement de la politique française dans ce domaine l'aurait entraîné. On sait par exemple que la Belgique a pesé de tout son poids dans l'abandon du ZAIRE (6) comme pays hôte du quatrième sommet de la Francophonie en 1991.

Outre l'environnement international il est aussi plus que probable que le président Mitterand ait pris la réelle mesure de la dégradation irréversible de la situation intérieure des Etats Africains. En effet au plan politique, les débuts des années 90 sont marqués par la désintégration des systèmes de partis uniques. Ces systèmes originaux censés forger l'unité nationale et assurer le développement économique se révélaient en réalité n'avoir été rien d'autre que le creuset de manifestations de tous les phénomènes néo-patrimonialistes dont le paroxysme allait à contrario précipiter la fin. Cet éclatement des partis uniques dont on se rendait brusquement compte qu'ils n'étaient pas des partis de masses allait de pair avec une crise économique et financière aiguë dont les conséquences sociales ne pouvaient qu'inciter à la révolte. La difficulté par ailleurs affirmée d'appliquer les plans d'ajustement structurels tendait à créer un lien entre la démocratisation et le développement.


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(5) Jean-François BAYARD La problématique de la démocratie en Afrique LA BAULE et puis

après ? in POL AFRI N° 43

(6) Sylvie BRUNEL Le gaspillage de l'aide publique Paris Seuil 1993 p. 87

En clair, la stratégie de François MITTERAND a donc consisté à tenir compte de ces deux éléments pour anticiper dans la prudence. Dans cette optique, faut-il donner raison à MONGO BETI (7) qui parle de "la Baule et autres fables" en ce sens que pour lui l'Elysée n'a tenté que de prendre le train en marche sans vraiment comprendre la nature ni la portée des événements qui se déroulaient en Afrique . . ." ou mieux encore à Antoine GLASER et Stephan SMITH (8) qui ont du discours de la Baule une vision simplement anecdotique, les auteurs insistant surtout sur le fait que MITTERAND n'a fait que lire un discours (très contesté) écrit complaisamment par Eric ORSENNA ?

En fait, notre intérêt est de savoir si le discours de la Baule et la doctrine qu'il véhicule peut être considérée comme un engagement, au moins politique de la FRANCE vis à vis de la démocratisation. Une telle recherche est non seulement recommandée (pour mieux comprendre le sens de l'histoire) mais aussi nécessaire en ce qu'elle rendrait pertinente ou non notre démarche d'ensemble. Autrement dit, si le discours de la BAULE ne se révélait être autre chose que cette "fable" de MONGO BETI ou ce beau texte d'ORSENNA, alors la question ne se poserait même pas de savoir si la "prime à la démocratie" a influé ou non sur la démocratisation des pays Africains dès lors que l'inexistence de la réalité politique et institutionnelle de cette "prime à la démocratie" aura été révélée.










(7) MONGO BETI La France contre l'Afrique Paris La Découverte 1993 p. 112

(8) Antoine GLASER et Stephen SMITH L'Afrique sans les Africains Pariis Stock 1994 p. 100

2. Une conditionnalité effective cependant

Ici, il s'agira moins de lire entre les lignes afin de savoir si la mise en garde est contenue de façon explicite ou non dans le texte, que de rechercher dans les politiques de l'époque, dans les déclarations des hommes politiques, dans le non-dit, dans les réorganisations structurelles éventuelles des ministères, des éléments permettant de retrouver même de façon implicite, l'affirmation de l'existence et de la réalité de cette conditionnalité. Autrement dit, au lieu de se demander si dans le discours (qui n'est finalement qu'un instantané), le Président MITTERAND est oui ou non prudent, il faut plutôt voir si dans ses actes et dans les événements d'alors, il y' a réalité d'une volonté politique (intéressée ou non) de lier l'aide Française, aux efforts de démocratisation.

L'analyse des événements qui ont précédé le sommet de la Baule révèle que le discours qui y a été prononcé pour "révolutionnaire" qu'il a pu paraître, n'est ni un acte isolé, ni une erreur de langage. Il faut en effet se souvenir que les années 89, 90 sont celles au cours des quelles beaucoup de personnalités Françaises (sans doute par calcul politique) commencent ouvertement à parler de la démocratisation. Si l'on se souviendra aisément du "Coffre-fort de KOUCHNER adressé à MOBUTU" (9) il faut se rappeler que Jacques Pelletier, Ministre de la coopération, puis Michel ROCARD avaient largement commencé à évoquer la nécessité de la démocratisation en la rendant indissociable du développement (10). Cette période est aussi celle au cours de laquelle Michel ROCARD commande au député Alain VIVIEN un rapport dont les conclusions apparaîtront particulièrement dérangeantes (11). Il ne faut donc pas s'étonner que la France apporte un sérieux coup de main aux opposants Béninois dès 1989 en contraignant grâce à un chantage financier le Président KEREKOU à abandonner le Marxisme et à convoquer une conférence nationale souveraine.

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(9) Sylvie BRUNEL Op Cit p. 86

(10) Claude Wauthirt Op Cit p. 537

(11) Alain VIVIEN La rénovation de la coopération française Paris La documentation française 1990

Tous ces faits qui paraissent de prime abord anodins donnent pourtant une idée de ce qu'était la philosophie générale de l'époque, ce qui peut expliquer le caractère réellement objectif de notre conditionnalité.

Pour revenir à l'acteur principal, le Président MITTERAND, il semble aussi qu'il ait lui même réellement souhaité cette conditionnalité. En effet, il faut se souvenir que quelques jours avant le sommet de la Baule, au cours d'un voyage effectué dans l'océan Indien (Seychelles, Maurice, Comores, Madagascar), François Mitterand prend ouvertement position pour le multipartisme en félicitant la démocratie mauricienne et en dressant clairement à Madagascar une liste de critères dont la France tiendrait désormais compte pour mesurer son aide " institutions fondées sur des élections libres, c'est à dire le suffrage universel, indépendance de la presse, indépendance de la magistrature, multipartisme, abolition de la censure . . . " (12). En annonçant donc la conditionnalité à la Baule, on peut dire que M. MITTERAND s'inscrit dans un certain continuum . Cette position est d'autant plus logique que les premières actions qui suivent le sommet semblent s'inscrire clairement dans ce renouveau, cette "paristroïka" dont la presse se fait l'écho. Le Zaïre est ainsi écarté de l'organisation du sommet de la Francophonie (sous l'insistance, il est vrai de la Belgique) quand à Houphouët BOIGNY le président Ivoirien, il à dû lui même essuyer le refus de Paris de déployer dans la capitale le Bataillon Français d'infanterie de Marine en 1989.

Au delà de ces actes qui à notre sens concourrent à justifier la réalité de la conditionnalité aide-démocratisation, il est nécessaire de voir ce qui au plan institutionnel a participé de ce renouveau. Certes, le rapport VIVIEN comme bien d'autres avant le sien n'a pas été suivi de réalisations concrètes. Certes, on ne peut pas dire qu'il y ait eu révolution en la matière mais on notera quand même que dès la fin de l'année 1991, à l'occasion du centenaire de la Caisse centrale de la coopération économique (qui allait devenir la caisse Française de

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(12) Claude WAUTHIER Op Cit p. 559

développement), cette conditionnalité était réaffirmée en ces termes "Au moment où la démocratie et l'économie de marché s'imposent partout, le rôle de la caisse centrale est irremplaçable pour appliquer concrètement les conditionnalités de tous ordres qui sont appliquées à notre aide" (13).

A la suite de cette réaffirmation il a été mis en place au sein du Ministère de la coopération, un département chargé du développement institutionnel. Son rôle tel que défini dans le rapport d'activité 1995 du Ministère consiste à veiller dans les Etats Africains, à la mise en place et la consolidation des Etats de droits, au respect des libertés fondamentales, et à renforcer l'appareil juridique et les services de police. Dans le même ordre d'idées, des décisions ont été prises allant dans le sens de l'aide aux projets visant à moderniser les administrations douanières et fiscales, et des moyens sont engagés depuis le début des années 90 en faveur de la décentralisation.

Sans doute faut-il relativiser la portée et l'efficacité de ces mesures (nous le ferons quand nous aborderons plus loin les questions relatives à la complexité et à l'opacité du dispositif de l'aide), mais notre but dans l'immédiat n'est pas d'approfondir la question, il s'agissait simplement dans le deuxième versant de cette relecture de retrouver des éléments matériels susceptibles d'être considérés comme corollaires institutionnels de la conditionnalité énoncée lors du sommet de la Baule.

On peut donc se permettre, au terme de cette relecture, d'affirmer que la "Prime à la démocratie" a bien existé. On peut donc en faire un objet d'étude dès lors que nous aurons au préalable présenté sommairement le système de l'APD Française et nos deux exemples le BENIN et le GABON.




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(13) André DUFFAURE Op Cit p. 87

CHAPITRE 2 : L'APD FRANCAISE : DES MECANISMES

COMPLEXES ET OPAQUES AU SERVICE DE

CHOIX POLITIQUES PRECIS

1. Un système marqué par sa complexité

Il n'est pas aisé de parler de l'aide publique au développement de la France au moins pour deux raisons. La première, c'est que l'on ne sait généralement pas quel contenu mettre dans cette notion, la seconde c'est qu'il est extrêmement difficile d'avoir les chiffres complets (nous reviendrons sur cet aspect précis dans la deuxième partie de notre travail) qui permettent d'esquisser le moindre bilan de cette aide. Il est inutile dans ces conditions de révéler la difficulté qui a été la nôtre de rencontrer un responsable à même de nous parler en gros du dispositif et de son mode de fonctionnement. Ceci étant déjà valable pour l'ensemble de l'APD. Cela est encore plus vrai pour l'aide bilatérale qui nous intéresse mais dont les critères de distribution apparaissent fort peu compréhensibles (Il s'agit là aussi d'une question sur laquelle nous nous étendrons). C'est l'ampleur de toute cette difficulté qui nous a contraint (dans un souci d'efficacité et pour éviter la dispersion) de nous intéresser qu'à trois aspects de la question : le dispositif de l'APD, son volume, et ses bénéficiaires. Ce faisant, nous avons donc volontairement laissé de côté les aspects relatifs au vote du budget, et autres procédures d'adoption dont l'intérêt évident est hélas à la mesure de la complexité de la question.

Complexe, le système de l'aide publique au développement de la France l'est largement au regard de son fonctionnement. D'une comparaison sommaire avec certains autres pays Européens à la multiplication des rapports souvent commandés à des experts ou des parlementaires un seul constat s'impose, ce dispositif est extraordinairement complexe.



Ce qui frappe d'abord dans ce dispositif, c'est la multiplicité des acteurs politiques qui se partagent la responsabilité de la gestion et de la distribution de cette aide. Car outre le Ministère de la coopération qui est chargé de ventiler 12% de l'APD (14), il y' a également le Ministère des Affaires étrangères qui gère 8%, le Ministère de la Recherche 6%, d'autres Ministères (dont ceux de l'Agriculture et de l'Education) 4% et enfin le véritable détenteur des responsabilités : le Ministère de l'économie, des finances, et du budget qui gère près de la moitié (49%) de l'APD totale sans compter les 8% dévolus à la CFD (Caisse Française de Développement). Une telle multiplicité d'acteurs politiques s'occupant de l'aide apparaît d'autant plus paradoxale qu'elle fait face à une quasi-inéxistance (ou tout au moins à une grande pauvreté) des opérateurs.La CFD étant le seul à jouer le rôle.

Si nous nous amusions à établir une comparaison avec d'autres grands pays pourvoyeurs d'aide, on comprend mieux la complexité du système : l'Allemagne par exemple n'a qu'un seul acteur politique, le ministère fédéral de la coopération économique qui se situe au sommet de deux séries d'agences : les opérateurs chargés d'accorder des prêts : le KFW (qui accorde des crédits pour la reconstruction) le DEG (qui finance les investissements) et les opérateurs qui octroient des dons : le GTZ (qui s'occupe de la coopération technique) le DSE (chargé du développement international) et enfin le DED (qui est réservé aux volontaires).

A côté de ce dispositif simplifié de l'Allemagne, il y' a celui encore plus simple de la SUEDE : An effet, ici, il n' y a qu'un seul acteur politique (le secrétariat à la coopération internationale pour le développement) rattaché au ministère des affaires étrangères qui coiffe cinq agences : le SIDA (qui s'occupe du développement international), le BITS (chargé de la coopération technique), le SAREC (auquel est dévolu la coopération scientifique), le SWEFUND (dont le champs d'action est celui de la coopération industrielle) enfin l'IMPOD (qui assure la promotion des produits importés).

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(14) Ministère de la coopération Rapport d'activité 1995 p. 13

Certes on pourra toujours dire que l'aide Allemande ou Suédoise est inférieure à celle de la France mais cette remarque ne justifie en rien l'extrême complexité du système, d'autant plus que proportionnellement au P.I.B, l'aide Française n'est pas si écrasante face à celle de la Suède et en volume elle est tout juste supérieure (en ne comptant pas la digestion de l'Allemagne de l'est) à celle de l'Allemagne.

Cette multiplicité d'acteurs politiques pose d'autant plus problème qu'il n'existe pas de grande coordination entre ces acteurs. Cette absence de coordination est observable aussi bien en amont (dans la phase préparatoire) qu'en aval (dans le processus de programmation): les anecdotes sont nombreuses qui illustrent des situations où face à certains pays, les acteurs de l'aide sont entrés en concurrence ouverte : témoin de ces contradictions, la CFD qui depuis la décision prise au sommet de la Baule de ne plus octroyer que des dons aux pays les plus pauvres a vu ses attributions changer, ainsi, elle ne se contenterait plus d'accorder des prêts pour des projets économiques, mais elle interviendrait aussi désormais dans le champs du ministère de la coopération en accordant des interventions aux pays les plus pauvres faisant ainsi double emploi avec la FAC (fond d'aide à la coopération). Le manque évident de coordination entre ces divers acteurs de l'aide à permis de remettre à l'ordre du jour la question d'harmonisation et de la simplification du système.

Dans un rapport au Premier ministre remis en 1990, le député Alain VIVIEN (15) propose ainsi, pour réformer tout cela, la création d'un "haut conseil de la coopération et du développement" qui aurait, d'après lui, pour rôle d'assurer le pilotage de l'ensemble du dispositif, son action serait de faire de l'évaluation et de la prospective. Dans un autre rapport cette fois-ci du conseil économique et social présenté en 1993 par André Duffaure (16).


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(15) Alain VIVIEN Op Cit p. 28

(16) André DUFFAURE Op Cit p.25

Ce dernier évoque et fait sienne une proposition enregistrée le 14 Octobre 1992 à l'Assemblée Nationale et qui envisageait, toujours dans un souci d'harmonisation et de simplification, "la mise en commun des moyens financiers et humains de la CFD et du Ministère de la coopération" afin de créer une "agence centrale du développement". L'OCDE quand à elle à travers le Bulletin du CAD (17) rappelle en 1994 une proposition de Serge Michaïlof à propos de la rénovation de la coopération : "...Mais il nous faut pour cela, dans un souci d'efficacité, envisager un redéploiement de ses moyens financiers ainsi qu'une simplification et une clarification de son cadre institutionnel".

En somme, et comme on le voit, le dispositif de l'Aide publique au développement de la FRANCE est complexe. Cette complexité, qui met en lumière un manque évident de coordination entre les acteurs rend pénible toute tentative de recherche dans ce domaine. Elle est aussi le fruit d'une volontaire opacité qui s'ajoute à elle et qui constitue incontestablement l'autre caractéristique majeure du système .














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(17) CAD Série d'examens en matière de coopération pour le développement (FRANCE) Paris

OCDE 1994 p. 18

2. Un dispositif sans grande lisibilité

Il nous semble que la complexité du système de l'Aide publique au développement est la résultante de deux situations politiques précises : la volonté de maintenir ce système dans une certaine opacité, et la genèse même de cette aide qui est avant tout au service d'objectifs politiques précis.

En effet, on se souviendra que c'est à la fin des années cinquante alors que la majorité des anciennes colonies s'apprêtent à accéder à l'indépendance que le général DE GAULLE met en place un système d'aide publique au développement. Il s'agit clairement pour ce dispositif de prendre le relais des liens coloniaux. Ceci se fera d'autant plus facilement que les dirigeants de ces nouveaux états indépendants ont dans leur grande majorité été intronisés par la FRANCE. On comprend mieux la part importante de cette aide réservée au bilatéral (qui constitue notre objet d'étude) et aux seuls pays du champs (nous reviendrons plus loin sur cette spécificité).

De fait aujourd'hui encore seuls 25% de l'aide publique totale au développement sont réservées aux organismes multilatéraux, et corollaire de cette situation, 99% de cette aide est concentrée entre les mains du gouvernement. Il y' a donc visiblement une absence totale de délégation qui affaiblit considérablement les organisations non gouvernementales françaises.

Pour revenir à notre question, il faudrait remarquer que lors de chacune de ses cessions auxquelles, le comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE s'interroge toujours sur cette complexité et cette opacité. Il n'est pas le seul à critiquer cette situation. En réalité, les critiques contre les dérives de l'aide publique au développement de la France sont plus anciennes. Dès 1963, le rapport JEANNENEY mettait déjà en garde les autorités françaises contre la tentation de vouloir rentabiliser l'aide. Plus précis et plus virulent, le rapport GORCE en 1970 s'insurgeait clairement contre une vision et une pratique de l'aide inféodée aux intérêts commerciaux.


Certes, la FRANCE en la circonstance n'a pas innové. On sait par exemple que le projet Américain "FOOD FOR PEACE" des vivres pour la paix, qui est à l'origine de l'aide alimentaire et qui a vu le jour par le biais de la loi PL de 1954 disait clairement que nourrir des populations affamées était le meilleur moyen d'ouvrir des nouveaux marchés. Il n'en demeure pas moins que la part de l'aide Américaine destinée aux organismes multilatéraux est autrement plus importante.

En outre, on ne saurait dire que cette vision mercantile de l'aide soit comparable avec les véritables subventions aux exportations ou clientélisme politique que l'on retrouve dans l'APD Française. Certains éléphants blancs, responsables en partie de l'importance de la dette des pays Africains sont le fait d'une conjonction d'intérêts ou mieux d'un complot entre entreprises Françaises, l'APD Française, et les dirigeants Africains. Il n'est pas lieu ici d'en dresser la liste : Tout de même, quand l'abus pousse le FAC (Fond d'aide à la coopération chargé de financer par des dons, des rapports conçus pour lutter contre la pauvreté et permettre le développement) à acheter pour 34 Millions de Francs un Mystère 20 en 1987 au Président Centrafricain (18) peut-on vraiment bien comprendre le sens de cette APD ? de même quand quelques années plus tard le même FAC va financer le réaménagement intérieur du DC 8 du Président BONGO (19), on peut difficilement ne pas croire en une opération de clientélisme politique et de corruption d'autant que derrière tout cela, généralement signés de juteux contrats. Il apparaît donc clairement, derrière les discours officiels, que l'APD Française par son organisation même se veut volontairement un outil non pas de coopération au sens strict du terme mais un outil de diplomatie et de bonnes affaires. Notre étude pourrait cependant nous amener à confirmer ou infirmer ce qui n'est pas encore un postulat mais une simple hypothèse de travail.


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(18) Sylvie BRUNEL Op. Cit p. 22

(19) Sylvie BRUNEL Op Cit p. 23

CHAPITRE 3 : ETUDE DE DEUX CAS CONTRASTES : LE BENIN ET

LE GABON

C'est à dessein que nous avons choisi pour mener notre étude de nous inspirer de ces deux exemples contrastés du BENIN et du GABON. Notre but ultime étant de vérifier dans quelles mesures la "Prime à la démocratie" a été mise en application, quelles sont les limites de son usage et surtout quelles incidences a t-elle sur l'évolution des processus de démocratisation, il nous a semblé que prendre en exemple deux pays que tout oppose (le milieu naturel, le passé politique, les relations d'avec la France, la réalité politique) était la meilleure manière d'opérer cette comparaison en nous en tenant aux seuls chiffres de l'aide bilatérale Française.

En conséquence, pour étudier tour à tour ces deux pays, nous en ferons à chaque fois une brève présentation, nous parlerons sommairement de leur évolution politique de ces cinq dernières années, avant de faire le point de leurs relations commerciales (nous verrons plus loin, en quoi cet aspect nous a semblé important) d'avec la FRANCE.


1. LE BENIN : Le modèle de transition réussie par excellence

a) brève présentation

Ancienne colonie Française indépendante comme nombre de ses pairs en 1960, le BENIN (anciennement DAHOMEY avant le changement de nom imposé par le Président KEREKOU en 1975) est un petit pays de 112 622 km2 (le 1/5 de la superficie de la FRANCE) qui compte 4,9 Millions d'habitants selon les estimations de la BAD (Banque Africaine de Développement) en 1992. Situé en Afrique de l'ouest, il est limité au nord par le BURKINA FASO et le NIGER à l'ouest par le TOGO et à l'est par le NIGERIA.

Du point de vue de la situation économique, le BENIN avec un Produit Intérieur Brut de 380 dollars par habitant en 1992 est classé parmi les pays les moins avancés. Il faut dire qu'à la différence de ses voisins potentiellement riches, le BENIN ne peut pas compter sur la rente procurée par l'exportation des produits du sous-sol. L'Agriculture (avec 36,8% du PIB) constitue encore avec les activités de service (46,7% du PIB) le secteur prédominant. On comprend mieux que dans le cadre de la répartition de la population, le taux d'urbanisation n'atteigne que 38% alors qu'il s'agit d'une population jeune (47 habitants sur 100 ont moins de 14 ans).

Depuis l'indépendance, le BENIN a connu une évolution politique tourmentée manquée par deux périodes distinctes : la période de l'instabilité qui part de 1960 à 1972, et la période du Parti Unique Marxiste Leniniste de 1972 à 1989.

En effet, à l'indépendance, M. HUBERT MAGA premier président instaure une organisation politique proche de celle de la 5e république Française, le multipartisme qui semble de lui même s'imposer naturellement va pourtant s'effriter sous les coups de boutoirs des grèves incessantes et les mouvements d'étudiants. La culture syndicale et la culture tout court des béninois semblent à contrario jouer contre la stabilité politique : En 1963 M. MAGA est renversé et mis en résidence surveillée. Commence alors une longue période d'instabilité marquée par des coups d'Etats (quatre au total) qui aboutissent presque toujours au même scénario : remise du pouvoir aux civils, incapacité de ces derniers à s'entendre jusqu'au nouveau coup d'état. Il y' a alors une succession de présidents à la tête de ce qui est encore le DAHOMEY. APITHY, SOGLO, ALLEY, ZINSOU, AHOMADEGBE, se passent donc le pouvoir jusqu'en Octobre 1972 et le coup d'Etat du commandant KEREKOU.

Cette date marque un tournant dans la vie politique du DAHOMEY car le nouveau président dissoudra bientôt tous les autres partis avant d'instaurer à son tour un parti unique : le Parti de la Révolution Populaire Béninoise (PRPB) en 1975. La même année le Dahomey deviendra le BENIN. Mais ce n'est pas la seule instauration du parti unique qui va modifier la donne et altérer les rapports entre le BENIN et la FRANCE. Outre donc le parti unique et ses corollaires (confusion entre le parti et l'état avec prééminence du parti sur l'Etat, néopartimonialisme, toute puissance d'un seul homme . . .etc) c'est surtout l'orientation idéologique du nouveau régime (le Marxisme-léninisme) qui modifiera ses rapports d'avec ses anciens partenaires : Ainsi dès 1976 la FRANCE suspend toute aide au BENIN. Cette suspension de l'aide ne fait qu'empirer la situation car le BENIN, qui reçoit finalement peu de l'URSS (formation d'étudiants beninois à l'Université LUMUMBA de Moscou) de la CHINE de la COREE ou de la BULGARIE (initiation de quelques projets économiques), s'appuiera surtout sur son puissant voisin, le NIGERIA, qui se trouve être en froid alors avec la FRANCE pour cause de soutien de cette dernière aux biaffrais.

C'est finalement la chute des prix du pétrole qui va pousser, au début des années 80 le BENIN à se retourner vers l'ouest notamment les Etats Unis et la France, le voyage effectué en 1983 à Cotonou par le président MITTERAND marque le revirement.


















b) l'Evolution politique de ces dernières années.

Jusqu'en 1989 donc, le BENIN a vécu sous l'impulsion du RPRB. Mais entre temps, depuis le milieu des années 80, divers phénomènes sociaux et économiques déclenchent les troubles. La chute des échanges commerciaux avec la FRANCE (du 1er semestre 1987 au 1er semestre 1988 les importations de produits Français passent de 325,9 M FF à 275,2 M FF et les exportations vers la France de 12,8 M FF à 5,6 M FF) traduit le désarroi de l'économie. La constante dépréciation du naïra (la monnaie nigériane) rend peu viables les projets industriels puisque la production locale du BENIN ne peut concurrencer les biens manufacturés importés frauduleusement du grand voisin.

Après le soulèvement des étudiants et la Fronde des factions d'extrême gauche, la contestation atteint l'armée. Mars et Juin 1988 voient la sécurité déjouer deux coups d'état militaire dont le deuxième est conduit par deux proches du Président : son ancien aide de camp et l'ancien responsable de la sécurité. En fait, la réalité de la situation en cette année 1988 est comme le remarque ADAMON est que les caisses du pays sont vides, les salaires des fonctionnaires et les bourses des étudiants sont payés (quand ils le sont) avec plusieurs mois de retard. Malgré ce mécontentement généralisé, le président KEREKOU se fait réélire en Août 1989 par son assemblée nationale. Mais la pression des bailleurs de fonds se fait de plus en plus permanente.

Michel CAMDESSUS (directeur général du Fond Monétaire International) déclarera à propos du BENIN : "notre expérience au F.M.I. nous montre qu'une politique économique musclée réussit le mieux quand les dirigeants politiques sont en mesure d'obtenir un consensus populaire en faveur de leur stratégie économique grâce à un véritable dialogue avec la population" (20). On ne peut être plus clair.

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(20) ADAMON Le renouveau démocratique au BENIN Paris l'Harmattan 1994 p. 23

Ce sont d'ailleurs ces bailleurs de fonds, le F.M.I. en tête qui accepteront d'avancer trois mois d'arriérés de salaires, et la FRANCE qui accordera 160 Millions de Francs contre l'abandon du Marxisme léninisme et la tenue d'une conférence nationale souveraine, qui pousseront KEREKOU au Multipartisme, aux élections libres, et à la liberté de la presse.

La Conférence nationale souveraine, terme nouveau dans le vocabulaire de la science politique a donc lieu du 19 au 28 Février 1990 après une minutieuse préparation. Elle dépouille intégralement le Président de l'ensemble de ses pouvoirs qu'elle transmet au Premier Ministre chargé de gérer la période transitoire lui même élu par la conférence. La dissolution de l'ancien parti unique est confirmée, une amnistie est prononcée à l'endroit des exilés politiques, des institutions nouvelles conformes à la vie politique dans un Etat de droit sont mises en place : Des élections libres, démocratiques sont organisées, elles permettent non seulement le renouvellement de l'assemblée nationale désormais majoritairement tenue par l'opposition et présidée par un ancien exilé M. Adrien HOUGBEDJI mais les élections permettent surtout l'alternance au pouvoir. M. Nicéphore SOGLO remplace KEREKOU à la tête du BENIN.

Le déroulement de cette transition, l'excellence de ses résultats, et le changement radical observé aussi bien dans les moeurs et les pratiques politiques que dans les orientations économiques ont fait dire à nombre d'analystes que la transition béninoise constituait l'exemple même de transition réussie. Cette réussite parait si éclatante que la formule de la conférence nationale a été adoptée (avec une inégale réussite cependant) par d'autres pays Africains dont le GABON. Aujourd'hui ce système politique semble toujours si bien fonctionner, il semble si bien fonctionner qu'il a consacré une nouvelle alternance au pouvoir au mois de Mars dernier. M. KEREKOU est revenu au pouvoir après avoir devancé au deuxième tour le président sortant Nicéphore SOGLO. Avec un tel processus démocratique, nous verrons de quelle manière la prime à la démocratie a été appliquée. Mais avant cela, faisons le point sur les relations commerciales voire politiques entre le BENIN et la FRANCE.

c) Le point des relations commerciales et de la coopération avec la

France.

Comme je notais plus haut, c'est le voyage du président MITTERAND en 1983 qui a amorcé la reprise de la coopération entre le BENIN et la FRANCE. Les premiers éléments de cette reprise allaient être l'achat par le BENIN de véhicules blindés, ainsi que la demande officielle d'une coopération militaire. Cependant du fait de certains obstacles idéologiques en particulier, les liens entre le BENIN et son ancien colonisateur n'ont vraiment jamais été aussi chaleureux par exemple que ceux qui unissent la FRANCE au GABON. Le commerce entre les deux pays s'en ressentira car, même si l'on peut considérer aujourd'hui que les relations commerciales entre les deux pays sont privilégiées. Il n'en demeure pas moins vrai que celles-ci ne sont pas semblables (en volume et en dynamisme) à celles que la France entretient avec le GABON.

L'évolution des échanges Franco-béninois entre 1989 et 1992 fait apparaître une hausse continue et significatives des importations béninoises qui passent de 498 595 000 francs en 1989 à 785 045 000 francs trois ans plus tard. Les exportations béninoises ne suivant pas la même évolution en volume dans la même période, il en résulte un solde commercial largement positif au profit de la FRANCE. Dans la même période, le nombre d'entreprises Françaises commerçant officiellement au BENIN a augmenté passant de 744 en 1991 à 1072 en 1992. Malgré cette embellie, on peut dire que le commerce de la FRANCE vers le BENIN demeure globalement timide à cause de deux raisons principales : l'étroitesse du marché (ou la faiblesse du pouvoir d'achat) mais surtout la concurrence des produits nigérians. En gros, on peut dire que le BENIN n'est pas vraiment un grand client de la FRANCE, et que cette situation justifiera peut être plus loin (du moins en partie) la nature des rapports de coopération et d'aide qui existent d'avec la FRANCE.





2. LE GABON : UN EXEMPLE D'EVOLUTION PLUS HEURTEE

a) Brève présentation :

Ancienne colonie Française membre de l'AEF (Afrique Equatoriale Française) le GABON est un exemple atypique : En effet, avec une superficie de 267 667 km2 (soit environ la moitié de la France) le recensement effectué en 1993 ne lui donne qu'à peine 1 million d'habitants. De plus avec 2/3 de ce chiffre vivant dans les villes (principalement Libreville la capitale) il s'agit d'un pays où le secteur agricole est faible et n'a que tardivement suscité l'attention des politiques. Le GABON vit donc largement de la rente pétrolière (c'est le 3e producteur de l'Afrique noire après le Nigeria et l'Angola) et de l'extraction du Manganèse et de l'Uranium. Quand au bois longtemps unique ressource du pays, il subit aujourd'hui de plein fouet la concurrence des bois asiatiques. Le GABON est classé parmi les pays à revenu intermédiaire. Il occupe le premier rang pour l'Afrique subsaharienne (devant l'Afrique du sud) pour le PNB par tête d'habitant.

Au plan politique, la société gabonaise reste marquée par une longue prééminence du parti unique. En effet, le multipartisme n'a duré que quatre années de 1960 à 1964. Par la suite, le régime du président Léon MBA ayant été victime d'un coup d'état qui n'échouera que grâce à l'intervention des forces aéroportées Françaises à Libreville (21), les principaux responsables de l'UDSG (Union Démocratique et Sociale du Gabon, principal parti d'opposition) furent arrêtés accusés d'avoir eu partie liée avec les militaires putschistes. Le coup d'arrêt porté au pluralisme sera institutionnalisé dès le 12 Mars 1968. Le successeur de Léon MBA, le président BONGO qui arrive au pouvoir en 1967 va dissoudre l'ensemble des partis préexistants pour les remplacer par un parti unique : le P.D.G (Parti Démocratique Gabonais).

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(21) François GAULME Le GABON et son ombre Paris Karthala p. 32

Cette mise en place du parti unique, malgré son accompagnement par un arsenal de règles institutionnelles ayant toutes les unes comme les autres pour objectif d'aérer, de créer au sein même du parti une espèce de micro démocratie, malgré cela disions nous, le système allait rapidement montrer ses limites freinant plus qu'il ne devait favoriser le développement. C'est que, le parti se confondant puis se substituant comme partout ailleurs à l'Etat, les organes directeurs du parti (comité central, bureau politique) jouant le rôle normalement dévolu au gouvernement et au et au parlement. On assista de plus en plus inévitable du clientélisme politique sur l'ensemble du tissu social. Cet ensemble fragile a cependant tenu tant que le pétrole se vendait bien et que l'ensemble de la population pouvait bénéficier de la rente ainsi procurée par la redistribution. Les débuts des années 90 coïncidant avec une grave crise financière ont marqué le point de départ de l'implosion de ce système.




















b) Evolution politique de ces dernières années

A la différence du Bénin, le Gabon a plus ou moins vécu dans une sorte d'apathie politique dès 1968. Les rares tentatives de remise en cause de l'ordre ont été rapidement canalisés. On a pu ainsi voir les militants du MORENA (Mouvement de Redressement National, parti clandestin) arrêtés et mis en prison en 1981, Pierre MAMBOUMDOU (opposant accusé par le pouvoir gabonais d'avoir fomenté un coup d'Etat) expulsé de la FRANCE vers le SENEGAL en 1989 . . . etc.

Cependant, ce qui se passait ailleurs finit par atteindre le Gabon dès 1989. Il y'a eu une conjugaison de phénomènes qui ont concouru à cette explosion. L'implosion lente mais progressive d'un parti unique que la rente ne permettait plus de faire vivre créant en son sein des aigris, les étudiants ouverts sur le monde et qui éprouvaient de plus en plus le besoin de souffler, l'immense majorité de la population enfin en grande partie citadine et qui s'était habituée à un certain niveau de vie que tendait à remettre en cause la baisse des recettes pétrolières et son corollaire immédiat, les programmes d'ajustement structurels du Fond Monétaire International. Pris de court, le régime a bien tenté de reprendre en main la situation en anticipant sur les événements par trois décisions d'importance : dissolution de l'ancien parti unique, création d'un parti unifié ayant vocation à réunir en son sein l'ensemble des sensibilités politiques du pays, organisation d'une conférence nationale dite consultative qui aurait eu pour mission d'amender justement les statuts du nouveau parti unifié.

Mais le mécontentement était déjà tel que tout ceci n'empêchera pas l'instauration du multipartisme dès 1990. Hélas la suite du processus a été moins limpide qu'au BENIN : les élections législatives qui ont suivi ont donné l'occasion d'une fraude massive, qui permit au parti au pouvoir (dont l'annonce de la dissolution avait été entre temps annulée) de sauver de justesse une majorité à l'assemblée nationale. Quand aux élections présidentielles de 1993, elles furent l'objet d'une grande farce. En effet, la fraude fut importante que le Ministère de l'intérieur proclama la victoire du Président BONGO alors même que le dépouillement était loin d'être terminé. Cette fraude plongea d'ailleurs le GABON dans une crise politique aiguë qui vit l'opposition former parallèlement son gouvernement. C'est finalement sous l'égide de la France que furent signés les "accords de PARIS" entérinant le principe du résultat électoral de 1993 moyennant : une promesse écrite du Président BONGO de confier l'organisation des élections futures à une commission indépendante du Ministère de l'intérieur, la formation d'un gouvernement d'unité nationale accueillant largement en son sein des membres de l'opposition, et la transformation de la garde présidentielle en une garde républicaine. Pour autant, le climat politique est loin d'être serein à l'approche des élections législatives de Juillet 1996. Les troubles ont recommencé et l'opposition accuse de nouveau le pouvoir de ne pas respecter ses engagements n'essayant pour se maintenir que "d'acheter" les opposants de faible conviction.

En somme et on le voit bien, on ne peut vraiment pas dire, à la différence du BENIN que le processus de démocratisation est bien amorcé. Au contraire, le GABON semble bien symboliser l'expression de cette démocratie de façade sur laquelle nous nous interrogerons dans la dernière partie de notre travail et dans laquelle nombre d'anciens dirigeants africains semblent être passés maîtres. Ce qui ajoute à l'amertume de ce constat c'est la complaisance, voire la complicité que la coopération Française établit parfois avec certains de ces régimes. Sans empiéter d'ores et déjà sur l'objet de notre étude, nous nous souviendrons que c'est l'armée Française qui en 1990 sauva à Port Gentil le régime gabonais, et que c'est la coopération qui appuya l'accélération des fraudes de l'élection présidentielle de 1993 en supervisant les accords de PARIS. A l'heure du compte, nous verrons si l'aide à tenu compte de ces trajectoires politiques.









c) Le point des relations commerciales et de coopération d'avec la

France

Il a fallu un livre entier à Pierre PEAN (22) pour ébaucher simplement la complexité, la profondeur, et l'étroitesse des relations de commerce ou de coopération qui peuvent exister entre la FRANCE et le GABON. La profondeur de ces relations est telle qu'il est arrivé d'après Pierre PEAN que le Président Gabonais donne son avis sur la nomination du Ministre Français de la Coopération, qu'il finance tel ou tel parti politique, ou qu'il menace ouvertement par voie de presse (lors des événements de PORT GENTIL en 1990) une grande société comme ELF. De même, la FRANCE va jusqu'à choisir le Président du GABON (23) si l'on en croit Jacques FOCCART.

Une telle entrée en matière préfigure déjà de ce que seront les relations commerciales entre "l'Emirat équatorial" (24) pour reprendre le terme de Philippe DECRAENE et la France au point d'en faire son "chouchou" (selon l'expression de François Xavier VERSCHAVE). Qu'en est-il donc des relations commerciales entre la France et le Gabon ?

La France est le premier partenaire économique du GABON. Malgré la dévaluation du Franc CFA en 1994, elle reste le premier fournisseur avec 150,4 Milliards de F CFA ce qui équivaut à 40% des importations totales du GABON (25). A l'opposé, la France importe du Manganèse, du bois et de l'Uranium. En tenant compte du pétrole, la balance commerciale est bénéficiaire pour le GABON. Par comparaison avec les autres pays Africains, le GABON a été en 1994 le 7eme fournisseur Africain de la France et le 10e client Africain en termes de volume d'achats (26).

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(22) Pierre PEAN Affaires Africaines Paris Fayard 1983 340 p.

(23) Jeune Afrique Extraits de FOCCART 1995

(24) Philippe DECREANE L'Afrique Centrale

(25) Centre Français du Commerce Extérieur Le GABON 1995 p. 34

(26) Ambassade du GABON en France - Bulletin d'informations Mars 1996

En fait, au GABON, la FRANCE est à l'abri de la concurrence pour l'accès aux matières premières stratégiques que sont le pétrole, l'Uranium, et le Manganèse : François Xavier VERSHAVE considère même que le GABON est le "réservoir officiel" des matières premières Françaises. Outre le CEA (Commissariat à l'Energie Atomique), THOMSON CSF, les CHARBONNAGES de FRANCE, qui y prospèrent, il y' a surtout ELF qui extrait près de 85% de sa production pétrolière du pays.

Au delà du simple commerce entre états, il apparaît donc clairement que les liens de coopération entre le GABON et la FRANCE sont beaucoup plus profonds mais également plus troubles. Il s'agit là pour nous de la meilleure façon de mesurer le degré d'application de notre conditionnalité et de ses limites. Observer entre un pays politiquement sain (du point de vue de l'évolution démocratique) mais ou la FRANCE ne dispose pas de grands intérêts économiques et commerciaux, et un pays au processus démocratique tumultueux (mais qui est la réserve en matières stratégiques), observer disions-nous la répartition et le volume de l'aide conditionnelle tel est notre projet.

DEUXIEME PARTIE

LA "PRIME A LA DEMOCRATIE" A L'EPREUVE DES FAITS

Après une partie introductive dont la raison d'être était de resituer le texte (du discours de la BAULE) dans son contexte, nous allons maintenant mesurer le degré de mise en application de cette conditionnalité.

Ici, il s'agira moins de tenir compte du volume de l'aide bilatérale Française accordée aux deux pays, que de mener une étude comparative et proportionnelle de l'évolution de cette aide. Le but est de partir des chiffres bruts (qui sont au départ nécessairement épars) de les ordonner et de comparer leur évolution à l'évolution de la situation politique dans ces deux pays. Sachant par avance que le processus de démocratisation a évolué presque de façon parfaite au BENIN et qu'il connaît d'énormes difficultés au GABON, la tendance des chiffres devrait donc, en toute logique prendre la même courbe. En revanche, si l'évolution des chiffres ne correspondait pas à cette évolution politique, alors il faudra essayer de comprendre cette inadéquation.

Enfin, le dernier élément de cette analyse consistera à aller au delà des données globales pour analyser les postes privilégiées dans l'octroi de l'aide. Ainsi, on se demandera bien volontiers si l'aide est octroyée pour créer ou appuyer une entreprise ou améliorer la santé ou l'éducation des enfants ou si au contraire elle vise à équilibrer les finances publiques ou à participer au maintien de l'ordre.

En clair, à partir de données souvent peu lisibles, éparpillées entre la direction du trésor, la CFD ou le FAC, il s'agira de faire un bilan de la "prime à la démocratie" et d'en tirer les enseignements qui s'imposent non seulement au regard de la coopération Française mais également par rapport à la problématique de la démocratisation en Afrique.

CHAPITRE 4 : LES CHIFFRES DE L'AIDE , ANALYSE

COMPAREE

1. Les données brutes

C'est à ce niveau de notre étude que la complexité et l'opacité de l'A.P.D Française dont nous avons parlé en première partie prend toute son importance. En effet, s'il est déjà peu facile d'avoir les chiffres de l'aide pays par pays et département par département, c'est surtout la coordination de ces chiffres qui pose encore plus de problèmes. Il y' a ainsi des départements comme le ministère de la coopération (27) qui donnent un chiffre certes global mais qui ne concerne que le seul ministère, le centre français du commerce extérieur qui donne des chiffres prétendument globaux mais exprimés en Francs CFA introduisant une vraie difficulté quand à leurs volumes (la dévaluation du Franc CFA étant intervenue en 1994) et enfin le ministère de l'économie et des finances qui argue du secret (28) pour ne pas entrer dans les détails de certains décaissements. Face à cette difficulté, la tendance est grande de n'en référer qu'aux chiffres fournis par les instances internationales, l'OCDE, le FMI ou le PNUD. Mais dans cette optique nous perdrions définitivement la possibilité de mener une analyse plus qualitative de cette aide, ce qui forcément nuirait à la profondeur de notre étude. Ainsi les chiffres que nous donnerons ici font donc l'objet d'un arbitrage assez serré et ne peuvent hélas, compte tenu du cadre étriqué de ce travail, (il ne s'agit ici que d'un modeste mémoire de DEA) être considérés comme exhaustifs.



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(27) Ministère de la coopération - Rapport d'activité 1994-1995 pp 17-21

(28) intérrogée par le député Jacques MYARD au sujet des activités de la COFACE, Madame le

Secretaire d'Etat au commerce extérieur a évoqué la nécessaire discrétion pour s'opposer à toute

réforme (débats parlementaires Avril 1996).












2. L'Analyse critique de ces données

Comme nous le laissions déjà remarquer dans les pages précédentes, il apparaît d'abord que l'aide de la FRANCE au BENIN est nettement inférieure en volume à celle qu'elle accorde au GABON. Il s'agit là d'une situation qui résulte sans doute de l'histoire politique (le BENIN ayant choisi en 1975 le marxisme léninisme, ses liens avec la FRANCE s'en sont trouvés distendus) et de l'étroitesse ou non des relations qui existent entre chacun de ces deux pays et la FRANCE. On peut quand même observer puisque l'on parle de l'aide que le BENIN est rangé parmi les pays les moins avancés, alors que la coopération Française range le GABON dans le giron des pays à revenu intermédiaire (ce qui le rendrait moins prioritaire dans l'octroi de l'aide). Ce n'est donc pas la différence en volume de l'aide aux deux pays qui nous interpelle (encore qu'il s'agisse d'une énorme différence) c'est plutôt l'évolution de ces flux d'aides en rapport avec l'évolution politique intérieure de ces pays qui fait vraiment l'objet de notre étude.

Le tableau 1 qui prend les pourcentages de l'aide depuis 1970 fait clairement apparaître déjà à cette date, une part plus importante de l'aide Française destinée au GABON (1,6% de l'APD totale) face à celle du BENIN. Cette différence atteint son paroxysme dans les années 1980-1981 et pour cause, le BENIN n'entretient plus alors de rapports avec la FRANCE (ceux-ci ne reprendront qu'en 1983 avec le voyage à Cotonou du Président MITTERAND). Les chiffres font apparaître un changement presque brutal en 1989-1990. Alors que les flux d'aide au GABON se maintiennent, l'aide au BENIN connaît une brusque remontée : il s'agit là incontestablement d'une "prime à la démocratie" qui récompense ainsi le pays des efforts engagés non seulement pour aller vers le pluralisme , mais également pour assainir ses finances publiques. Cette embellie atteint son paroxysme en 1990-1991 lorsque le pourcentage de l'aide Française destinée au BENIN atteint 1% se rapprochant ainsi de celui du GABON.



Si l'on a assisté là au paroxysme, on a assisté aussi à la fin de l'embellie. Alors que le BENIN fait plus que jamais en Afrique et dans le monde figure d'exemple à suivre en matière d'évolution démocratique, alors qu'il vient de connaître une alternance politique sans heurts au pouvoir, la part de l'aide française qui lui est destinée chute vertigineusement en 1991-1992. Dans le même temps, elle est maintenue au GABON qui doit faire face à des tripatouillages électoraux, des soulèvements populaires (réprimés à PORT-GENTIL par l'opération REQUIN). A ce niveau de l'analyse, on peut s'interroger sur la continuité de la prime à la démocratie, mais il ne faut pas s'arrêter sur ce seul aspect des choses, car la France n'a pas encore arrêté d'aider le BENIN et il convient d'aller dans les profondeurs de cette aide.

Le deuxième tableau qui fait apparaître l'évolution de l'aide Française (en comparaison avec celle d'autres pays membres du comité d'aide au développement) depuis le début des processus de démocratisation (en 1989) jusqu' en 1993 permet de voir que si l'aide est octroyée de façon continue, son volume hélas est de plus en plus irrégulier. Hormis les trois années de référence (1989, 1990, 1991) les années qui suivent ne permettent pas de parler d'une évolution. Les chiffres ont tendances à baisser alors même que le BENIN ne s'est jamais si bien portée politiquement. A contrario, on voit émerger de nouveaux donateurs comme l'Allemagne, la Suisse, ou les Etats-Unis qui semblent vraiment encourager le processus de démocratisation. La perplexité dans laquelle la lecture de ces chiffres laisserait tout observateur est encore accrue avec les chiffres de l'aide au GABON sur le tableau 3. En effet, entre 1985 et 1990, l'aide Française a augmenté de façon régulière et conséquente par rapport au volume, il semble ici que l'évolution politique à l'intérieur de ce pays ne soit pas un facteur essentiel à la réception de l'aide.

Cette inadéquation révélée progressivement entre l'évolution politique et l'octroi de l'aide apparaît clairement à la lecture des tableaux 4 et 5. Ici, il s'agit de données brutes, récentes prises à des périodes politiques charnières de ces deux pays. Si l'APD Française destinée au GABON double littéralement de 1993 à 1994, en revanche elle évolue modestement dans la même période pour le BENIN. Ce sont des années charnières car il y' a eu des élections présidentielles au GABON en 1993 dont le résultat a été largement contesté. Il en a résulté une grave crise qu'il a fallu résoudre pour le pouvoir en payant le prix fort : démission du gouvernement, constitution d'un gouvernement d'unité nationale, refus de reconnaissance au ministère de l'intérieur le pouvoir d'organiser les élections futures . . . etc. Autant de preuves de reconnaissance de la fraude, c'est donc pendant cette période trouble que la France décide de doubler son aide au GABON. Quand au BENIN, la stabilité politique est loin d'être de fait récompensée.

Cette analyse, qui n'est encore que quantitative de l'aide nous permet d'ores et déjà d'aboutir à deux conclusions : la première c'est s'agissant du BENIN, la "prime à la démocratie" n'a fonctionné que pendant trois ans entre 1989 et 1991. Par la suite, les objectifs politiques habituels, les intérêts économiques et commerciaux qui sont ici peu importants ont repris leurs droits. Il ne pouvait d'ailleurs en être autrement face à une structure (le système de l'APD) qui n'avait pas connu de changement véritable malgré le discours de la BAULE. La deuxième conclusion est que si la prime à la démocratie est applicable (du moins temporairement) sur des pays pauvres, elle l'est plus difficilement sur des pays à fortes potentialités. L'invariabilité de l'aide, sa régularité et son volume (au plus fort des troubles et des fraudes) prouvent bien que lorsqu'il s'agit de sauvegarder des intérêts, les conditionnalités politiques passent au second rang.

Nous n'allons cependant pas nous arrêter là, car outre la quantité, il faut aussi s'intéresser à la qualité : nous allons donc voir en quoi proportionnellement a consisté en cette période l'APD française.

S'il est un outil (le seul) qui a vu le jour pour justifier dans les faits la volonté de l'aide et la coopération Française en général à s'adapter à la donnée Afrique, c'est le département du développement institutionnel mis en place pour pallier l'inadaptation des structures existantes à un environnement en pleine mutation. Ce département qui développe ses actes selon quatre axes : l'appui institutionnel, la protection des personnes et des biens, la formation du citoyen, la décentralisation, n'a pas non plus pu présenter un bilan permettant de conclure en la réalité de la conditionnalité. Si dans le cadre de l'Etat de droit et des libertés publiques, il peut se targuer d'avoir aidé à organiser des élections pluralistes, le NIGER, cité comme exemple de cette collaboration (29) parait se présenter comme un exemple malheureux si l'on tient compte de la situation politique actuelle de ce pays où les militaires après avoir renversé (avec la reconnaissance de la FRANCE) les civils élus sont en passe de s'installer durablement au pouvoir.

Ce n'est pas à ce seul niveau qu'on notera l'ambiguïté de cet appui institutionnel aux états. Car si le concours de la coopération est notable dans la mise en oeuvre des processus électoraux de pays pauvres (comme le BENIN) il ne peut être observé dans des pays à fort potentiel comme le GABON qui peuvent donc ne pas faire appel à des observateurs internationaux (sauf ceux qui sont acquis à leur cause). L'autre facteur qui tend à confirmer les limites de la conditionnalité et la dérive de la coopération française face à démocratisation est le contenu des aides. Nous avons vu que ces aides au BENIN se maintenaient sans évoluer alors qu'elles doublaient d'année en année pour le GABON. Si l'on s'en tient aux seuls décaissements pour l'Etat de Droit et les libertés publiques du FAC les postes de la sécurité civile sont les postes les plus importants. 50% des décaissements sont ainsi effectués au compte de la police. Comme si la stabilité et le maintien de l'ordre (thèmes dominants du sommet de Libreville en 1992) étaient les éléments les plus importants de l'Etat de droit. En revanche, au niveau du renforcement des institutions judiciaires, au lieu de se pencher sur la question essentielle en Afrique et ailleurs de l'indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs, le département se penche plutôt sur les questions de mise à jour des textes législatifs et donne l'exemple de sa coopération avec la JUSTICE GUINEENNE. Quand on sait ce qui s'y est passé à l'issue de la mutinerie d'une partie de l'armée, on est en droit de s'interroger.



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(29) Les élections Nigériennes sont présentéess par le Ministère de la coopération comme exemple

Op Cit p. 37

CHAPITRE 5 : LA "PARISTROIKA" INCIDENCES SUR

L'EVOLUTION POLITIQUE ET LIMITES

1. Un développement institutionnel apparent

Même si, comme nous venons de le voir par les chiffres, la "prime à la démocratie" n'a pas été appliquée durablement, même si elle n'a pas été appliquée à tous avec la même rigueur, force est de constater que son énonciation a incontestablement eu un impact sur l'évolution des transitions démocratiques en Afrique. On ne saurait trop ne pas rappeler que c'est grâce à la pression française que le président KEREKOU au BENIN a été obligé de lâcher du lest. On peut encore se souvenir que c'est contre le payement par la FRANCE et le FMI de trois mois d'arriérés de salaire que ce même KEREKOU a accepté d'aller à la conférence nationale, accepté de perdre l'ensemble de ses prérogatives favorisant ainsi l'ouverture démocratique qui sert de référence en Afrique.

Faut-il dans cet ordre d'idée considérer comme une simple coïncidence ou alors faut-il ranger ces faits dans les corollaires du discours de la Baule ? En tous les cas, on observe ainsi que les chefs d'Etats Africains qui avaient le plus marqué leur désapprobation à LA BAULE sont tour à tour éjectés du pouvoir : HISSENE HABRE perd ainsi le pouvoir dès la fin de l'année 1990, chassé par IDRISS DEBY qui est accompagné pour la circonstance d'un officier de la DGSE (30) même si interrogé sur le sujet, le ministre de la coopération de l'époque Jacques PELLETIER affirmait que la FRANCE s'était cantonnée dans cette affaire dans une stricte neutralité. Quelques mois après HABRE, c'est MOUSSA TRAORE autre récalcitrant qui perdait le pouvoir après un bain de sang. Coïncidence ou corollaire, PARIS accordera en un mois au MALI une aide d'urgence de 90 Millions de Francs (l'équivalent de ce qu'elle lui avait accordé pour toute l'année 1990).

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(30) L'officier en question se nomme FONTBONNE et est devenu plus tard le conseiller du Président

DEBY. Voir Antoine GLASER et Stephen SMITH Ces messieux Afrique p. 210

Il apparaît donc clairement, au vu de ce petit rappel des événements que la prime à la démocratie a sinon déclenché les changements, au moins servi de catalyseur en un certain temps et dans certains pays. Aussi est-on passé rapidement d'un climat de frilosité ambiante dans les instances supérieures des pouvoirs africains à une ruée forcée vers la mise en place d'un pluralisme politique. Ce dernier supposait presque toujours la tenue d'une conférence nationale, l'instauration du multipartisme, la libéralisation de la presse, la mise en place d'institutions comme celles qui régissent une démocratie aussi vieille et "exemplaire" que celle qui leur servait de modèle : la démocratie française. Ces chefs d'Etats Africains allaient d'autant plus vite vers le changement que les oppositions en Afrique, croyant savoir la France derrière elles, élevaient les enchères.

On a donc pu à l'orée des années 1992-1993 observer le même type de scénario dans l'ensemble des pays africains sous influence Française. Abandon et parfois dissolution de l'ancien parti unique, création d'un nombre incalculable de partis politiques (au GABON, pays d' à peine 1 Million d'habitants, plus de 50 associations politiques ont participé à la conférence nationale, en 1993 pour l'élection présidentielle, 13 candidats ont pris le départ), adoption d'une constitution qui semble toujours être la réplique Ivoirienne, Gabonaise, Béninoise de la constitution de la cinquième république Française.

En clair, l'évolution institutionnelle étant visible car l'ensemble de ces pays s'était doté de l'arsenal complet de tout pays démocratique. Quelques années plus tard, on est désormais en droit de s'interroger sur la réalité de cette évolution démocratique car si le modèle démocratique basé sur le pluralisme est celui qui a fait ses preuves, on n'arrive pas en Afrique à trouver le point de convergence entre cette démocratie et le développement auquel tous les hommes aspirent.




L'adoption de ces modèles institutionnels pour parfaite qu'elle parait n'en demeure pas moins étonnante. Non seulement elle ne déclenche pas le développement dans la plupart des cas, mais en plus elle ne met pas fin aux maux décriés sous le parti unique. La question ethnique, le néopatrimonialisme, les détournements de fond ne semblent pas régresser, au contraire le multipartisme semble les accélérer. Dans ces conditions, grande est la tentation de revenir en arrière, ce qui justifie que les coups de force ou tentatives de coup de force perpétrés ces derniers mois n'ont pas vraiment été désapprouvés par les peuples car après tout si l'on avait choisi le multipartisme c'était pour améliorer le quotidien.























2. Une démocratisation en trompe l'oeil ?

Si l'on a pu penser que la prime à la démocratie a servi en certaines circonstances de catalyseur des jeunes démocraties Africaines, on demeure cependant perplexe devant l'importance des échecs de tous les ordres et des obstacles qui semblent freiner aujourd'hui cette évolution. L'ampleur et la nature de ces freins incitent forcément à s'interroger sur les incidences réelles de cette prime à la démocratie sur l'évolution des processus de démocratisation en Afrique et à mieux disséquer les causes de ces échecs.

L'un de ces échecs les plus notables est d'abord celui des "cohabitations à l'Africaine". En effet, corollaire de la "paristroïka", un certain nombre de pays africains dans lesquels les anciens dirigeants s'étaient maintenus tant bien que mal au pouvoir avait choisi cependant pour faire bonne figure, de se doter d'un Premier Ministre ayant un profil de gestionnaire. Il s'agissait de rassurer les institutions financières internationales, mais surtout de rechercher la prime à la bonne gestion qui avait été la doctrine de la coopération française lors du sommet de Libreville en 1992.

La COTE D'IVOIRE (arrivée à la primature de M. ALASSANE OUATTARA ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale) et le GABON (nomination comme Premier Ministre de M. CASIMIR OYEMBA, ancien gouverneur de la Banque des Etats de l'Afrique Centrale) qui avaient notamment choisi cette voie ont dû tous les deux constater l'inefficacité d'une formule qui en niant la réalité de la problématique politique (on a préféré penser que c'est la seule gestion qui était en cause) portait en elle même les germes de son échec.

L'autre phénomène marquant de cette évolution en dents de scie est lié à l'actualité. Il s'agit de la recrudescence des coups d'Etats ou des tentatives de coups d'Etats remettant en cause les résultats électoraux sans que ni les peuples, ni la France ne contestent véritablement ces remises en cause. Il en est ainsi des COMORES mais surtout du NIGER où les militaires sont en passe de s'installer durablement au pouvoir comme si l'élection présidentielle libre qui s'était tenue quelques mois plus tôt et à laquelle en apparence tous avaient semblé adhérer n'avait été qu'une vaste mascarade.

On peut ranger dans le cadre des échecs, les défaites électorales de ceux que l'on considérait volontiers il y' a quelques années comme représentatifs d'une nouvelle classe politique Africaine, ces jeunes "technocrates" le plus souvent formés à l'occidentale et qui avaient été les grands vainqueurs des premières élections libres. C'est le cas du béninois SOGLO battu par l'ancien dictateur, le revenant Mathieu KEREKOU. Ailleurs sur le continent, au CONGO, SAO TOME, on annonce ainsi les retours probables des anciens dictateurs. Certes, on peut toujours interpréter ce phénomène comme étant la preuve même du bon fonctionnement de la démocratie, mais on a du mal à croire que tous ces anciens tenants du parti unique ont déjà accomplit leur mue et sont ainsi devenus sinon des démocrates au moins respectueux du pluralisme.

Au delà des échecs au sommet dont nous venons de faire un aperçu, il est intéressant aussi de voir ce qui dans le fond, au niveau du fonctionnement et du bouillonnement même de la société, doit être considéré comme des obstacles patents. Si l'on parle avec insistance de la politisation de l'ethnicisme et des conséquences de cette situation comme on a pu le voir au RWANDA et au BURUNDI ou au CONGO, c'est davantage à des phénomènes comme la banalisation et le développement de la criminalité, ou à la montée de l'inflation, qu'il faut se référer pour bien montrer qu'au total, en dehors de la liberté de la presse qui semble aujourd'hui constituer une avancée réelle, on observe comme une stagnation quand il n' y a pas franchement régression. Comment expliquer ce phénomène à l'envers, cette sorte de retour au bâton alors même que la démocratie est censée permettre d'améliorer les choses. Enfin, quel lien peut-il y avoir entre la "Paristroïka" et les difficultés de démocratisation en Afrique ?

Incontestablement, l'une des raisons de cette difficulté est en relation directe avec le développement en Afrique de ce que l'on appelé les "démocratisation en trompe l'oeil" ou démocratie de façade. En effet, il s'agit le plus souvent pour certains dirigeants de pays de se parer de tous, les attributs institutionnels et juridiques d'un Etat démocratique et de se montrer ainsi au monde. C'est un processus qui commence par l'organisation de conférences nationales factices dites consultatives (cas du GABON et du TOGO) ou d'organiser des élections surprises et non préparées (cas du CAMEROUN ou de la COTE D'IVOIRE). Ce faisant, on essaie surtout de prendre à témoin la communauté internationale et de se donner une certaine image d'ouverture, cette entreprise réussit d'autant plus facilement que les opposants sont la plupart du temps des anciens membres du parti unique qui en ont été écartés un temps donné et qui se servent du multipartisme pour accéder au pouvoir à tous les prix. Là sont donc posés deux types de problèmes. D'une part celui de l'usage de la démocratie de l'autre celui des élités qui se complaisent dans une sorte de démocratie imposée par le haut.

Pour le premier point, il n'est pas nécessaire d'être observateur attentif de la politique Africaine pour voir qu'il y' a réappropriation de la "Prime à la démocratie" par certains Etats Africains. Certains se sont en effet servis de cette doctrine pour se parer rapidement de tous les attributs de la démocratie pour mieux réclamer l'aide française. Pour ce faire, il leur a suffi d'importer ce que l'historien KI ZERBO appelle les prêts à porter institutionnels d'en habiller l'ancien parti unique de "fabriquer" parfois quelques opposants alimentaires pour faire bonne mesure. Ainsi, la course à la prime à la démocratie devient-elle la nouvelle source de chantage, ou la démocratisation n'est qu'une opération de communication destinée à charmer l'extérieur. Ces limites révélées de la prime à la démocratie sont d'autant plus nettes que les pays qui se livrent à ce jeu sont de toutes les manières des pays où l'importance des intérêts Français aurait rendu difficile un durcissement de ton.

Le dernier point explicatif de cette démocratisation en trompe l'oeil est la pratique ou la confiscation au débat politique par la seule élité. On a donc l'impression que l'élite (pouvoir et opposition) semble parler au nom du peuple dont elle aurait eu mandat. Il en découle nécessairement une forme de démocratisation imposée par le haut dans laquelle les peuples ne comprennent pas grand chose . . . Ceci peut expliquer l'absentéisme électoral surprenant dans un contexte de liberté comme cela a été le cas du MALI lors de l'élection de KONARE.

CHAPITRE 6 : POUR UNE NECESSAIRE REDEFINITION DE LA

POLITIQUE DE COOPERATION EN RAPPORT

AVEC LE FAIT DEMOCRATIQUE EN AFRIQUE

1. L'aide face à la question démocratique en Afrique

Notre étude pour sommaire qu'elle est n'en a pas moins révélé la complexité et l'ambiguïté des relations entre l'aide et la démocratisation. En fait, il s'agit surtout ici de mettre en évidence le caractère parfois peu logique ou rationnel d'une incitation financière sur la disposition d'un pays à aller vers plus de démocratie. Mais avant de prendre la mesure de cette complexité, il importe déjà de savoir si l'incitation est réelle ou feinte et si, selon qu'elle sera réelle ou feinte, cela influera différemment sur l'évolution des processus de démocratisation.

Dans le cas du BENIN même si l'incitation de 1989 obéit à d'autres mobiles (il s'agissait alors avant tout d'acculer le président KEREKOU contre le mur afin de plus facilement obtenir de lui l'abandon du Marxisme léninisme), il est clair que celle-ci a joué un rôle de catalyseur en permettant notamment la tenue d'une conférence nationale. Mais ce principe n'est-il pas inconsciemment à l'origine d'une politique d'assistanat (le BENIN apparaît dans les années 90-91-92 comme l'un des pays Africains les plus aidés) qui en généralisant une sorte de culte du cargo détruirait ainsi toutes les velléités locales. Bien sur pour un pays qui repart à zéro, un minimum d'appui extérieur n'est pas une mauvaise chose mais faut-il en faire la règle ? Ne doit-on pas aller à la source des problèmes en négociant la dette par exemple ou en lui permettant d'exporter ?

Pour revenir à notre problème, si dans le cas du BENIN (du moins dans les premières années) cette incitation est réelle, par la suite et les chiffres le prouvent, cette incitation tombe. A l'opposée, dans le cas du GABON par exemple jamais la conditionnalité n'a été appliquée au contraire. Le développement rapide d'une mascarade démocratique semble obéir non pas à une volonté d'ouverture qui serait plus tard éventuellement récompensée mais à un savant jeu de rôle du maître qui menace de sévir tout en sachant par ailleurs qu'il n'en a pas les moyens et de l'élève qui fait semblant de se plier tout en n'ignorant pas que de toutes les façons il ne sera pas puni loin s'en faut. Au total, la conditionnalité n'est appliquée que de moitié car il n' y a pas de structure adéquate pour en faire un système et la volonté politique en ce domaine est absente sinon elle ne s'exprime que pour maintenir le statu quo garant de la stabilité, et face aux pays un peu plus nantis la conditionnalité n'est même pas évoquée dès lors que c'est la sauvegarde des intérêts à court terme qui est le leitmotiv.

Quand à la complexité des liens qui existeraient entre incitation financière et démocratisation le résultat auquel nous aboutissons commande une certaine réserve : faut-il nécessairement inciter au risque de voir se développer des modèles de démocratisation en trompe l'oeil ? question complexe qui renvoient à des débats aussi actuels que celui du devoir d'ingérence ou de la recolonisation. Il n'est malheureusement pas lieu d'en discuter ici mais nous devons tout de même observer que s'il ne s'agit pas de s'ingérer il n'est pas non plus sain pour la France de coopérer avec toutes les formes de régimes. Une des pistes de sortie de ce débat serait que l'aide prenne de moins en moins le visage d'un assistanat (ce qu'elle n'est d'ailleurs pas au regard des intérêts coupables qu'elle génère) et de plus en plus celui d'un partenariat comme le suggère ELIKIA MBOKOLO (5). Il s'agira moins de parler de la coopération de la France en Afrique que la coopération Franco-Africaine où en entrant en rapports de partenariat, la France et l'Afrique coopéreraient. L'impératif démocratique apparaîtrait alors non pas comme un ordre imposé par la France mais comme un besoin intérieur à satisfaire.









2. La problématique de la démocratie en Afrique

Dans les pages précédentes nous avons montré de quelle manière la démocratie pouvait être ressentie par les acteurs du continent comme besoin de l'intérieur. Il est primordial que la question démocratique soit posée en ce sens car autrement elle demeurera toujours au même titre que l'Etat, un produit importé que les élites seules se réapproprieraient afin de le mettre à leur service par le haut, dans le mépris total des peuples qui n'en seraient à l'occasion que la chair à canon.

Cette réflexion s'impose d'autant plus que six ans après les débuts tonitruants des processus de démocratisation en cours, à l'heure des premiers bilans on ne peut se montrer réellement satisfait ni pour la situation actuelle, ni en termes de prévision. Au delà du retour annoncé voire programmé de certains ardents défenseurs du parti unique aux affaires, ce sont surtout les faits sur place qui poussent à l'inquiétude : le regain du problème ethnique même dans les pays où cela n'ira pas à l'affrontement physique, les lourdeurs de l'administration, l'aggravation de la dette, l'accélération des détournements de fonds publics fait toujours penser que le continent n'est pas sorti du parti unique. Cette accélération des maux est si prononcée que les sceptiques de toujours recommencent à évoquer avec nostalgie la période du parti unique. Pour ne pas aller jusque là il importe tout de même d'esquisser l'inventaire des obstacles à la démocratisation afin de penser une démocratie africaine. Tour à tour nous aborderons la question ethnique, celle des élites, et certaines autres questions secondaire comme la culture politique ou le rôle des armées.

Les élites, il s'agit ici des élites intellectuelles certes mais aussi commerciales et économiques, tous ceux qui occupent une position sociale leur permettant de participer en tant qu'acteurs au débat politique. C'est dans cette élite qu'est recruté l'ensemble du personnel politique. Or depuis les années 70, on peut constater que cette élite qu'elle soit membre des pouvoirs ou des oppositions, n'a pas été renouvelée. C'est une élite qui aujourd'hui a presque confisqué le débat politique l'imposant du haut et en écartant les femmes dont le rôle social et économique en Afrique est capital. La résolution de la question des élites constitue une des voies de la démocratisation véritable.

L'ethnicisme ou mieux la politisation du fait ethnique est à l'origine de nombre de problèmes que certaines jeunes démocraties ont rencontré. Au CONGO, au RWANDA, au BURUNDI mais aussi au GABON, au CAMEROUN et en COTE D'IVOIRE le facteur ethnique fait l'objet d'une exploitation politique préjudiciable à la démocratisation.

On aurait tout aussi pu évoquer la question des armées de leurs mues, le problème de la culture politique, celui de l'importation du modèle et du mimétisme, autant de questions centrales qui entrent bien dans la problématique de la démocratie en Afrique et dont il n'est malheureusement pas lieu de parler ici.


CONCLUSION

Au terme de ce travail et même si à priori nous reconnaissons n'être pas entrés dans la profondeur des chiffres et par voie de conséquence de l'analyse, nous pouvons cependant dégager un certain nombre de points que la vérification de nos hypothèses de départ nous permet.

En premier lieu et pour revenir au texte, force est de reconnaître que le discours de la BAULE qui est à l'origine de la doctrine de la "Prime à la démocratie" était bien plus ambiguë qu'on a bien voulu le croire en son temps. Il semble d'ailleurs avec le recul que l'on ne puisse pas dire avec certitude, si ce texte relève sincèrement d'une volonté délibérée d'aider les pays Africains à se démocratiser (comme on a pu le croire en cette période donnée), s'il relève comme l'affirme MONGO BETI (1) du calcul politique d'un homme voulant demeurer dans le vent de l'histoire, ou si au contraire (comme nous le croyons) ce discours fait partie des errements et des tergiversations d'une politique de coopération qui reste cependant accrochée à deux termes clés, la stabilité, et la sauvegarde des intérêts Français.

Malgré le constat, la lecture attentive de ce texte ainsi que l'analyse du contexte nous permettent aujourd'hui de dire même s'il n'y a pas eu révolution en la demeure. La prime à la démocratie est bien une doctrine qui a existé autrement que dans les paroles mais qui a du s'arrêter aux limites liées de ses capacités. Car telle qu'énoncée, cette doctrine n'aurait pu s'appliquer durablement et avec efficacité, que si au préalable le système même de l'APD Française avait été entièrement changé. En effet, conditionner l'aide à l'ouverture démocratique supposait prendre le contre pied total et de la philosophie et de ses objectifs non seulement du système mais également de l'ensemble de la politique de la coopération Française. Cela suppose qu'il aurait fallu clarifier le système, définir des critères connus de tous, rénover des organismes comme la COFACE, regrouper autant que faire se peut l'ensemble du dispositif.

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(1) MONGO BETI Op. Cit p. 152

Comme nous l'avons vu, si cette pratique de la conditionnalité a pu s'exercer pendant trois ans avec le BENIN, c'est précisément parce que avec ce pays, les liens commerciaux ou de clientélisme n'ont jamais été bien importants. En revanche, avec le GABON, la prime à la démocratie, coquille vide de toute autorité institutionnelle a vécue pour ne pas dire qu'elle n'a jamais vu le jour.

Dans cette optique y'a t-il eu incidences sur l'évolution politique et cette parenthèse est-elle de nature à modifier quelque chose dans les relations entre la France et l'Afrique autrement dit préfigure t-elle d'un changement dans les orientations de cette politique ?

S'il y' a eu des incidences sur l'évolution politique des nouvelles "démocraties" Africaines, elles ne sont pas forcément celles que l'on attendait. Que le BENIN ait continué son ouverture malgré une aide de plus en plus modeste de la FRANCE et que le GABON ait poursuivi dans la voie de la fuite en avant de la démocratie de façade malgré des aides de plus en plus importantes apparaît comme un phénomène paradoxal. Comme si à la limite, il fallait être le moins soutenu possible pour trouver sa voie car ici, ce que l'aide semble surtout générer c'est ce que Stephen SMITH appelle la concurrence pour la "rente démocratique (2) qui n'est pas le meilleur fondement d'une ouverture démocratique véritable. Quand à une modification éventuelle des rapports entre la France et l'Afrique, c'est ignorer que la prime à la démocratie n'a justement été qu'une parenthèse que d'imaginer que la politique de coopération aura radicalement changé. A ce propos, il nous semble que les événements récents sur le continent, ceux qui sont en cours et ceux qui sont à venir sont de bons indicateurs pour donner la mesure des changements intervenus depuis le discours de la BAULE.





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(2) Stephen SMITH Libération le 29/04/91

En république centrafricaine d'abord, l'intervention Française qui a sauvé le pouvoir d'Ange PATASSE ne s'est pas décidée sans heurts, il semble, selon AFRICA INTERNATIONAL (3), qu'elle ait été précédée d'un vif affrontement entre ceux qui étaient partisans d'une intervention limitée à la seule protection des français et des étrangers (Dominique de VILLEPIN) et ceux qui souhaitaient sauver aussi "un président élu démocratiquement".

Le président de la République a finalement choisi de se ranger à l'avis de Jacques FOCCART pour qui en protégeant PATASSE on rassurait aussi les autres chefs d'Etats de la région. Au TCHAD, il semble finalement que la FRANCE a choisi IDRISS DEBY, quand au GABON, Jacques CHIRAC a choisi de s'y rendre en Juillet en pleine période de campagne électorale . . . comme quoi la "prime à la démocratie" choisit ses récipiendaires.

Et la démocratisation Africaine dans tout cela me diriez-vous ? Elle évolue au gré de ces errements d'où la nécessité pour elle de rechercher sa propre voie. Comme on l'a vu dans le cas du GABON, la démocratie de façade n'est pas la démocratie, elle fait presque autant de mal que le parti unique. Le seul multipartisme non plus n'est pas la démocratie. Il faut aux pays Africains tout en conservant le principe (de peur de donner raison à ceux qui ne leur reconnaissent pas la maturité et la capacité de se démocratiser), inventer leur modèle démocratique. Pour cela, même si l'aide des pays occidentaux peut s'avérer nécessaire, elle ne peut constituer la seule motivation à la source de la conscience démocratique.






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(3) AFRICA INTERNATIONAL 16/06/96



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Française CES Mai 1993

MINISTERE DE LA Rapport d'activité 1994 - 1995

COOPERATION PARIS 1995 151 p.


OBSERVATOIRE PERMANENT DE LA COOPERATION FRANCAISE

Rapport 1995 Paris Desclée de BROUWER

OBSERVATOIRE PERMANENT DE LA COOPERATION FRANCAISE

Rapport 1996 Paris Desclée de BROUWER

PNUD RAPPORT ANNUEL SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN

1992

PNUD RAPPORT ANNUEL SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN

1993

PNUD RAPPORT ANNUEL SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN

1994

VIVIEN Alain La Rénovation de la coopération française . Rapport au 1er Ministère PARIS La documentation Française 1991










ARTICLES DE REVUE


BADIE (B) Démocratie modèle universel ? in croissance

HERMET (G) N° 382 Mai 1995

BAYART (J.F) La problématique de la démocratie en Afrique noire, LA BAULE et puis après ?

in Politique Africaine N° 43 Oct 1991 pp 5-20

MBEMBE (A) Diagnostic sur les dérapages de la transition en Afrique in Afrique 2000, RAPI n° 12 1993

MOUELE (N) La conférence nationale Africaine, l'émergence d'un

mythe politique in Afrique 2000, RAPI n° 7 1993

NZOUANKEU (JM) L'Afrique devant l'idée de démocratie in RISS

n° 128 1991


Autres Sources