28/09/2004
Droit,
gouvernance et dveloppement durable
Quelques
rflexions prliminaires
Christoph Eberhard
Facults universitaires Saint
Louis, Bruxelles
Laboratoire dÕAnthropologie Juridique de Paris
(Article
paratre dans Revue Interdisciplinaire dÕtudes Juridiques, n” 53,
dcembre 2004)
Ē Penser
que quelques uns sont priphriques, cÕest penser quÕil y a un centre.
Or la ŌdcentralisationÕ peut venir seulement si chacun de nous se con-centre
et trouve son centre et son centre concentrique avec les autres centres du
monde. Il y a ici toute une anthropologie faire. La ŌdcentralisationÕ peut
avoir lieu si je trouve mon centre et que je commence dcouvrir que mon
centre est aussi concentrique avec les autres centres. Donc chacun de nous peut
dire : je suis le roi et le centre du monde. Et il en est ainsi partout.
On nÕa donc
pas besoin dÕaller Ōwhere the action isÕ. (É) CÕest pour cela que jÕcris
ŌdcentralisationÕ
entre guillemets car je prfrerais parler de vraie centralisation Č
(Panikkar 1982 : 15-16)
Le prsent article sÕinscrit dans la
dynamique de recherche Ē Droit, gouvernance et dveloppement
durable Č. Cette dernire a t initie en janvier 2004 et est hberge
aux Facults Universitaires Saint Louis Bruxelles. Elle est finance par la
Fondation Charles Lopold Mayer pour le progrs de lÕhomme (FPH), se poursuivra
sur quatre ans et vise questionner la problmatique du Droit[1],
de la gouvernance et du dveloppement durable dans un contexte de globalisation
travers des clairages interculturels. Seront croises des perspectives
nord-amricaines (Universit de Montral), sud-amricaines (Nucleo de direitos
Humanos Š Pontificia Universidade Catolica do Rio de Janeiro), africaines
(Laboratoire dÕanthropologie juridique de Paris - LAJP) et indiennes (avec un
rseau indien Droit et Socit qui est en voie de constitution)[2]
en vue de dgager les enjeux de la restructuration du champ juridique lÕge
de la globalisation. Une premire tape est la publication en 2005 dÕun ouvrage
collectif portant sur la problmatique Ē Droit, gouvernance et
responsabilits Č.
Comme coordinateur de cette dynamique et
comme chercheur se situant dans lÕentre-deux de la thorie et de
lÕanthropologie du Droit, il me semble pertinent dÕinscrire la prsente
recherche dans la continuit dÕun travail men en 2001-2002 aux Facults
Universitaires Saint Louis en collaboration avec le LAJP et portant sur une
mise en perspective interculturelle du Droit[3].
Il apparat en effet que le croisement de perspectives occidentales et
non-occidentales permet de dcentrer notre regard et de rvler des enjeux
sous-jacents et souvent non-explicits. Ceci permettrait dÕenrichir nos
approches occidentales du Droit, mais aussi de prospecter les chemins
dÕalternatives culturelles diffrentes des institutions modernes qui ont t
exportes sur toute la plante. Dans certaines ex-colonies ces dernires se
sont trouves indignises, dans dÕautres elles nÕont pas su tre vritablement
reues, et ceci aprs des dcennies et des dcennies dÕindpendance. En outre,
la problmatique plus particulire du Droit entre pyramides et rseaux de cette
dernire recherche fait cho aux problmes soulevs par nos nouveaux
questionnements : celle dÕun Droit qui apparat de plus en plus multiple,
voire clat, de plus en plus souple, de plus en plus dlocalis Š ce qui nÕest
pas sans poser des questions sur les nouveaux fondements de la lgitimit, de
lÕautorit et des rapports entre Droit et pouvoir(s).
Dans le prsent texte, jÕaimerais soulever
quelques questions prliminaires qui me semblent incontournables pour notre
rflexion Š du moins du point de vue dÕune approche anthropologique et
interculturelle. LÕarticle refltera avant tout une dmarche qui part de
contextes non-occidentaux en prise avec un droit, une gouvernance, un
dveloppement durable compris lÕoccidentale, et refltera ce faisant plus
particulirement la sensibilit du groupe de recherche du LAJP dans notre
dynamique. Il sÕagira avant tout de faire un bref inventaire de quelques
interrogations qui mÕapparaissent comme fondamentales. Cependant, ces dernires
nÕont dÕune part aucune prtention lÕexhaustivit et seront dÕautre part
exposes de manire assez succinte, quitte tre approfondies par la suite au
cours de notre dynamique de recherche commune.
Il sÕagira pour lÕinstant de questionner
les points de dpart, ou les portes dÕentre de notre rflexion autour de la
gouvernance, de la globalisation et du Droit, et du nouveau partage du pouvoir
et des responsabilits. Il est en effet intressant de noter que si
beaucoup dÕauteurs en essayant de dfinir les concepts tels que
Ē gouvernance Č, Ē dveloppement durable Č, Ē socit
civile Č, relvent leur caractre polysmique et flou, peu dÕentre eux
questionnent la pertinence mme de ces concepts Š autant quant leur valeur
descriptive, que prescriptive, en rapport plus particulirement avec des
contextes non-occidentaux[4].
Comme nous le montrerons, du point de vue descriptif, des pans entiers de la
ralit socio-juridique sont passs sous silence dans la majorit des
rflexions qui ne prennent en compte que les ralits qui se laissent mouler
dans le champ smantique de lÕapproche politico-conomico-juridique occidentale
et ignorent les autres[5].
Et du point de vue prescriptif, il semblerait que les seuls horizons ultimes
pour un vivre ensemble Ē en dignit, en solidarit et en paix Č
restent les concepts occidentaux que sont la Ē bonne gouvernance Č,
Ē la dmocratie Č, Ē les droits de lÕhomme Č, Ē le
dveloppement durable ČÉ
Il est indispensable de questionner ces points dÕentre pour pouvoir dgager des problmatiques communes, non pas en les posant a priori comme cadre dÕanalyse, mais en les construisant patiemment travers une dmarche comparative, voire imparative, si on entend par cette dernire comme Raimon Panikkar (1988 : 127-129) une dmarche qui, au del de la comparaison, consiste apprendre en sÕouvrant aux diffrentes expriences humaines et qui oblige donc dÕaccepter la mtamorphose de nos propres points de vue et cadres conceptuels en cours de route. Ce nÕest quÕune telle dmarche additive qui permet de poser les fondements dÕune vritable dmarche dialogale, seule apte aborder les dfis contemporains de lÕaltrit, de la complexit et de lÕinterculturalit[6]. A dfaut on risque de tomber dans le vritable pige pistmologique que constitue lÕenglobement du contraire.
Ce dernier, et son influence masque dans notre vision moderne du monde, a t dgag par Louis Dumont, anthropologue qui aprs avoir travaill longuement sur une socit trs hirarchise, la socit indienne, et plus particulirement sur Ē son systme de castes et ses implications Č (Dumont 1979), sÕest intress nos propres socits et plus particulirement lÕidologie moderne (Dumont 1991). Louis Dumont dcouvrit lÕenglobement du contraire dans son travail sur le holisme et la hirarchie dans la socit indienne (1979 : 396-403) et sÕinterrogea sur son devenir dans nos socits modernes individualistes dont le mythe fondateur tait celui de lÕgalit (1991 : 140-141). Il le dcrit comme une relation hirarchique Ē entre un tout (ou un ensemble) et un lment de ce tout (ou ensemble) : lÕlment fait partie de lÕensemble, lui est en ce sens consubstantiel ou identique, et en mme temps il sÕen distingue ou sÕoppose lui. Č (Dumont 1991 : 140-141). Notre approche des autres cultures est, notre insu, profondment marque par ce principe. Nous construisons une catgorie gnrale dÕhumanit dans laquelle toutes les cultures sont construites explicitement comme gales, mais implicitement cÕest la culture occidentale et ses constructions politiques, juridiques, conomiques etc qui constituent le modle implicite, lÕhorizon vident en soi pour tous. Cette hirarchisation implicite et le refoulement de la hirarchie aboutissent, au-del de la simple non reconnaissance de lÕoriginalit des cultures non-occidentales dans un vritable principe structurant de la pense moderne qui se reflte dans la pense dichotomique, du Ē tiers exclu Č, et o les deux termes ne sont pas gaux mais dans une relation hirarchique. Nous avons tendance - et peut-tre dÕautant plus en tant que juristes qui avons appris regarder la socit travers les lentilles du droit[7] - raisonner partir de modles construits comme universels et poss a priori et nous dfinissons a contrario tout ce qui nÕy rentre pas. On peut donner comme exemple des couples dÕopposition tels que Ē universalisme Č et Ē particularismes Č, Ē modernit Č et Ē traditions Č, secteurs Ē formel Č et Ē informel Č pour nÕen citer que quelques uns[8].
DÕo
lÕimportance de questionner les points dÕentre dans notre problmatique afin
dÕviter autant que possible de nous faire piger. Dans cet article, il sÕagira
de poser quelques lments pour effectuer une premire ouverture quant la
manire dont nous abordons les questions du Droit, de la gouvernance et du
dveloppement durable. Nous esprons partir de l initier une dynamique
vritablement diatopique et dialogale o nous pourrons croiser les expriences
de nos diffrents topoi autant quant aux pratiques, quÕaux logiques et visions
du monde et de leurs relations respectives. Ceci permettra de reposer les
questions en dgageant les points de rencontre mais aussi les points de
divergence, non seulement au niveau des rponses aux questions dcoulant de la
problmatique Ē Droit, gouvernance et dveloppement durable Č, mais
aussi au niveau des questions mme poser Š ce qui pourra mener en cours de
route ouvrir ou transformer notre champ de rflexion initial.
Quelles sont, pour lÕinstant, les notions
clefs autour desquelles se structure notre champ de rflexion ? LÕhorizon
plus vaste dans lequel sÕinscrit notre problmatique est celui de la globalisation. Dans cette dernire, on assiste
une rorganisation du champ socio-politico-juridique o lÕtat perd sa prminence et o le gouvernement se trouve concurrenc par une gouvernance en qute dÕefficacit, qui
entrane dans son sillage lÕexigence dÕune participation accrue dans
lÕorganisation du vivre-ensemble de la socit civile. La gouvernance tout en devant
assurer lÕefficacit de lÕorganisation sociale vise aussi une participation
responsable de
tous les citoyens en vue dÕun dveloppement durable profitant tous, respectable de
lÕenvironnement et sauvegardant des ressources pour les gnrations futures.
Enfin, dans une perspective juridique, se pose bien sur la question du Droit comme moyen de mettre en forme
et de mettre des formes la reproduction des socits dans les domaines
quÕelles considrent comme vitaux.
La globalisation constitue la toile de
fonds de toutes les rflexions sur la gouvernance, sur le dveloppement durable
et sur la rorganisation de plus en plus clat ou Ē polycentrique Č[9]
des champs socio-juridiques. La globalisation est autre chose que la simple
internationalisation, voire lÕmergence du transnational. Elle dnote Ē la
compression du monde et lÕintensification de la conscience du monde comme un
tout Č[10] (Robertson 1994 : 8). Elle
renvoie au fait que notre monde est de plus en plus interconnect et quÕon est
de plus en plus oblig de penser Ē la structuration du monde comme un
tout Č
(Robertson 1996 : 20). Ceci implique de repenser ct de lÕmergence
dÕune structuration globale, aussi les relations complexes entre global et
local[11].
LÕide sous-jacente est celle dÕ Ē un monde Č, voire du
Ē village global Č, o nous devrions penser globalement pour agir
localement. Si on ne peut nier le phnomne de globalisation comme dÕune part
interdpendance accrue entre les diffrentes rgions du monde et dÕautre part
comme problmes communs rsoudre, il faut nanmoins relever les mythes
sous-jacents de la globalisation. Si la protection de lÕenvironnement, les
patrimoines communs de lÕhumanit voire les droits de lÕhomme ou les luttes
altermondialistes peuvent apparatre comme des enjeux globaux[12],
il ne reste pas moins que la globalisation est fortement marque par
lÕimaginaire conomique dÕune part et systmique dÕautre part, les deux tant
sous-tendu par une vision unitaire de la ralit.
LÕimaginaire conomique ressort dans les
nombreux crits qui se focalisent sur lÕmergence dÕun march plantaire qui
serait lÕidal atteindre pour une rpartition des richesses et une vie en
paix, et qui marquerait mme pour certains la fin de lÕhistoire. Serge Latouche
(1998 : 18) note que Ē La mondialisation, sous lÕapparence dÕun
constat neutre, est aussi, en fait, un slogan, un mot dÕordre, qui incite
agir dans le sens dÕune transformation souhaitable pour tous. Č Il ajoute que Ē la
mondialisation de lÕconomie ne se ralise pleinement quÕavec lÕachvement de
sa rciproque,
lÕconomicisation du monde, cÕest--dire la transformation de tous les
aspects de la vie en questions conomiques, sinon en marchandises. Sous cette
forme plus significative, en tant conomique, la mondialisation est de fait
technologique et culturelle, et recouvre bien la totalit de la vie de la
plante Č
(Latouche 1998 : 20-21).
La composante conomique de la
globalisation contribue probablement aussi renforcer son imaginaire
systmique sous-jacent[13].
Cet imaginaire ressort, a contrario, dans la plupart des analyses de la
globalisation qui essayent avant tout de modliser les interactions dÕun
systme de plus en plus complexe. Les divers acteurs et leurs stratgies ne
font souvent partie de la description que comme lments de modles systmiques[14].
Le projet moderne de la rationalisation du vivre ensemble (voir Bauman 1987
& 1993) semble exalt par lÕthique conomique dont la neutralit
axiologique cache selon Serge Latouche une imposture deux
niveaux : Ē celui de lÕapprhension de la ŌralitÕ comme
conomique travers lÕappareil conceptuel, et celui du ŌprjugÕ sur cette ralit. Dans le premier cas,
lÕappareil conceptuel issu du champ smantique constitutif de lÕconomique
(ŌbesoinÕ, ŌraretÕ, ŌutilitÕ, ŌvaleurÕ, ŌproductionÕ, ŌtravailÕ, etc.) met en
place tout un imaginaire et transforme insidieusement le jugement de fait en
jugement de valeur. Ces concepts, en effet, ne sont pas donns par une ralit
ŌnaturelleÕ, ils ne sont pas purement et simplement dÕun tat de choses qui
irait de soi. Ils ne font sens que sur la base de prsupposs naturalistes,
hdonistes et individualistes issus des Lumires. (É) les conomistes en
concluent que la ralit conomique, pourvu quÕelle soit le rsultat du libre
jeu des seules forces conomiques, est la plus efficiente, cÕest--dire reprsente la
construction du meilleur des mondes possibles. Cette conclusion est renforce
par le deuxime volet de lÕartifice conomiciste, qui consiste non seulement
dans la construction dÕune sphre autorfrentielle de concepts vides, mais
dans le prjug moral
positif impos cette ralit. Il sÕagit l dÕun glissement plus insidieux
encore selon lequel lÕefficience sÕidentifie au bien
(Efficience=Avoir=Bonheur=Bien). Č
Ces deux
imaginaires conomique et systmique sous-tendant la globalisation se
retrouvent dans le mythe du dveloppement qui est intimement li celui de la
globalisation comme nous lÕentrapercevons dj et comme nous le dvelopperons
ci-dessous. Ils sont tous les deux sous-tendus par un mythe unitaire : le
champ social peut-tre systmatis, ordonn et donc ramen lÕunit Š ce qui
sÕaccompagne aussi de lÕide quÕil pourrait devenir entirement comprhensible,
donc transparent, et donc grable rationnellement travers des lois uniformes
gnrales et impersonnelles.
Le dfi, autant au niveau descriptif que
prescriptif, consiste peut-tre sÕmanciper de lÕunivers de la globalisation[15].
Cet univers nÕexiste en effet que tant que lÕon regarde le monde comme un grand
systme[16]
qui doit tre gr de la manire la plus rationnelle possible en amenant tous
sur la voie du dveloppement, durable ou Ē visage humain Č, suppos
apporter tous lÕopulence et favoriser dans le processus la paix entre les
peuples. Outre lÕconomique et le systmique cÕest du Ē monde un Č
quÕil faut sÕmanciper. Sa dsignation comme Ē village global Č
nÕest-elle pas une contradiction dans les termes ? Un village est par
nature local et non global. CÕest un lieu o les habitants se connaissent,
partagent des manires de voire et des manires de faire, de vivre ensemble, et
se distinguent dÕautres localits. Parler de village global est au minimum un
non-sens, voire mme une mystification qui fait miroiter ceux qui sont aux
centres du pouvoir que leur perspective (celle du Ē village du
pouvoir Č) est celle de tous les habitants de la plante. Cette rhtorique
exclut de fait les perspectives diffrentes, qui sont ignores ou qui sont au
mieux considres comme des reliques du pass qui doivent vite tre dpasses,
voire intgres dans le Ē systme Č. Or, nous vivons dans un
plurivers[17] plutt que
dans un univers : et ce plurivers nÕest pas uniquement
Ē postmoderne Č, ou plural dans le sens dÕun clatement des visions
modernes de notre vivre ensemble, mais plus fondamentalement par le fait quÕil
existe dÕautres fentres que la fentre moderne pour regarder le monde.
LÕuniversalit de la problmatique de la globalisation, du dveloppement, de la
gouvernance ou des droits de lÕhomme nÕapparat comme telle quÕ partir de
lÕintrieur de notre vision du monde qui la pose comme telle. Mais lÕinstar
des autres visions culturelles qui peuvent nous paratre particularistes ou
bornes, elle se rvle trs relative ds lors quÕon la regarde partir dÕune
autre fentre culturelle[18].
Le plurivers est donc plus quÕun simple Ē plurivers postmoderne Č o
la fragmentation se fait de plus en plus jour partir dÕune vision moderne du
monde. CÕest reconnatre que pour beaucoup dÕtre humains la modernit telle
que nous lÕavons conu en Occident, nÕa jamais t, et nÕest toujours pas,
centrale Š et que cÕest bien ce pluralisme l quÕil faudra aborder dans nos
questionnements dÕune Ē globalisation Č plus interculturelle, si on
ne veut pas se limiter lÕimposition dÕun cadre qui au plus ferait de la place
lÕexotisme sous forme dÕautorisation, voire de valorisation dÕun
Ē folklore Č : les cultures se rsumeraient uniquement des
ornements ; le politique, le juridique et lÕconomique, que nous voyons
comme au cĻur de la reproduction des socits, seraient par contre le monopole
justement du politique, de lÕconomique et du juridique comme nous lÕentendons,
lÕoccidentale[19].
Pour rsumer : le village global est
aussi impossible que de penser globalement et dÕagir localement Š toute pense
ncessite une perspective, qui est forcment informe par lÕendroit o nous
nous plaons. Nous sommes ainsi dÕune certaine manire tous des centres du
monde et il nÕexiste pas un point de fuite, global, non-situ. Ce quÕon observe
plutt dans les faits cÕest que ceux qui disent penser globalement, agissent en
fait sur une chelle globale tout en pensant localement, se spcialisant ainsi
dans ce que Boaventura de Sousa Santos (1995 : 263) appelle les
Ē localismes globaliss Č. On assisterait ainsi une nouvelle
division internationale du travail, les centres du pouvoir se spcialisant dans
la globalisation de ses localismes, dans lÕexportation de localismes
globaliss ; les zones Ē priphriques Č quant elles se
spcialiseraient dans lÕimportation de ces localismes globaliss, donc dans la
production de globalismes localiss. Il apparat urgent de sortir de cette
division de travail, de sÕengager dans une htrotopie (de Sousa Santos 1995 :
479 ss) et de prendre les diffrents topoi au srieux, ce qui implique dans nos
recherches de nous orienter vers les dmarches diatopiques et dialogales,
centrales au projet de lÕanthropologie du Droit (Eberhard 2001, Le Roy1990a,
Vachon 1990).
Comme nous lÕavons entraperu ci-dessus, la globalisation et lÕmergence de
la gouvernance sont sous-tendues par le mythe du dveloppement conomique qui
est suppos apporter prosprit et paix tous. Commenons par dire quelques
mots sur le dveloppement, avant de nous intresser son suffixe
Ē durable Č.
En quoi consiste le dveloppement[20] ? SÕil sÕagit dÕune croissance organique permettant un organisme, ou une socit de se dvelopper jusquÕ maturit, le dveloppement apparat effectivement comme un idal qui peut tre souhaitable pour tous[21]. Mais la notion de dveloppement a une histoire et trane avec elle tout une srie de connotations. Au sortir de la deuxime guerre mondiale, lÕinvention du concept de dveloppement a cr dans son sillage lÕmergence dÕun monde sous-dvelopp et donc dvelopper[22]. La matrice est profondment occidentale, et le dveloppement a pu prendre la suite du rle que pouvait jouer lors de lÕpoque des colonisations lÕide de civilisation. Dans le pass le rapport de lÕoccident aux Ē autres Č sÕest longtemps manifest comme mission de christianiser, de civiliser les barbares et les sauvages. On est pass ensuite lÕide de devoir les dvelopper. Dans la perspective dÕune socit qui croit en la matrise absolue de lÕhomme sur la nature, en une volution historique linaire vers le progrs, en lÕamassement illimit de richesses (comme signe mme de grce divine), des socits valorisant par exemple lÕinscription de lÕHomme dans le cosmos, dans un temps cyclique et dont la cohsion sociale se structure plutt autour de devoirs remplir plutt que de droits exiger et qui prnent lÕautosuffisance, le contrle de lÕaccroissement de richesses pour viter une possible concentration cratrice de situations de pouvoir et de dpendance, ne peuvent apparatre que comme primitives, comme bloques un stade antrieur du progrs ou du dveloppement humain. CÕest par rapport au modle du dveloppement occidental que le fait de ne pas avoir dÕeau courante ou dÕlectricit a pu tre dcrt au sortir de la deuxime guerre mondiale comme une pauvret quÕil fallait radiquer. Pour Ē civiliser Č peut-tre, mais aussi, ne nous leurrons pas, pour le but pragmatique de pouvoir ouvrir de nouveaux marchs.
Or, que sÕest-il pass ? Si le plan Marshall a eu dÕincontestables succs en Europe tant au niveau macroconomique quÕau plan des retombes sociales pour les Europens, le dveloppement du reste du monde a apport des rsultats plus mitigs[23]. Il a men ce que dans de nombreux contextes la pauvret a t petit petit chasse par la misre pour reprendre la terminologie de Majid Rahnema (2003). De nombreux habitants de pays en voie de dveloppement ne sont plus pauvres[24] uniquement dÕaprs nos standards, tout en vivant une vie qui fasse sens pour eux et leur permet de satisfaire leurs besoins en conformit avec leurs visions du monde et de la socit. Ils sont devenus misrables, cÕest--dire placs dans des conditions o ils ne peuvent plus assurer leur propre survie de manire digne en conformit avec leurs valeurs, leurs aspirations et leurs ressources. Un des effets du dveloppement a t de crer du sous-dveloppement. Mme la Banque Mondiale et le Fonds Montaire International (FMI) sont contraints de reconnatre que statistiquement le nombre des pauvres dans le monde nÕa cess dÕaugmenter en termes absolus et relatifs et que lÕcart entre riches et pauvres nÕa pas cess de sÕagrandir[25]. Le dveloppement semble donc surtout profiter aux dvelopps, ceux qui sont au centre des structures de pouvoir Š mais aux dpens de ceux qui sont supposs tre sous-dvelopps[26]. Ces derniers outre leur sous-dveloppement sont placs en situation dÕexclusion par rapport au modle du vivre-ensemble moderne et dvelopp. En Inde par exemple, mais la situation illustre une tendance plus universelle, Ē La logique de classement et de dclassement de la modernisation exclut (É) les trois quarts ou les quatre cinquimes de la population Č (Heuz 1993 : 43). Ē Dans le contexte de lÕInde, la rfrence la ŌmodernitÕ signifie (É) lÕintroduction de polarisations jusquÕalors inconnues. On est ou lÕon nÕest pas moderne. Ce qui nÕest pas moderne est traditionnel (arrir) et se trouve de ce fait fossilis et Ōsorti de lÕhistoireÕ. La perspective progressiste conceptualise et impose un temps linaire au long duquel chacun se trouve tiquet. (É) depuis peu, Ōon estÕ ou Ōon nÕest pasÕ dans la ville[27]. On ne veut plus des Ōgens du basÕ ou de la frange qui ont longtemps compos lÕessentiel du paysage urbain. En tout cas on ne veut plus les voir. La leon que bien de gens en tirent, cÕest que la modernisation, concrtise par exemple par lÕintroduction de titres de proprit, a souvent signifi lÕaccentuation de dpossessions en tous genres. Si les brahmanes et les despotes du pass ne manquaient pas dÕarrogance et dÕautoritarisme, ils nÕavaient gure dÕambition quant au dveloppement conomique. Ils ne touchaient pas non plus aux ensembles locaux. Č (Heuz 1993 : 44).
Cette remarque sur les effets Ē pervers Č du dveloppement nous mne rflchir au concept du dveloppement Ē durable Č. Pourquoi parler de dveloppement durable ? Ou de Ē dveloppement visage humain Č dÕailleurs ? Pourquoi ce besoin de qualifier le dveloppement ? Serait-ce pour lÕadoucir un peu, pour le rendre plus acceptable ? Rien que cette qualification ne suggre-t-elle pas que le dveloppement pourrait avoir une essence non-durable, non-humaine[28] ? Les diverses socits du monde ont vcu pendant des millnaires en sachant sÕadapter aux conditions de leur environnement Š elles ont fait preuve dÕingniosit et de durabilit. CÕest en se lanant dans le dveloppement moderne quÕon a commenc puiser de manire de plus en plus irrmdiable les ressources de notre plante (Shiva 1997), non seulement naturelles faudrait-il prciser, mais aussi humaines. CÕest face cette non-durabilit, cette non-humanit, quÕil a bien fallu tirer les sonnettes dÕalarme : attention, prudence ! Il faut ne pas perdre de vue la dure et lÕinscription de lÕHomme[29] dans le monde qui lÕentoure. Mais cette prise de conscience nÕa pas su nous manciper du mythe du dveloppement et ne nous a pas men nous interroger sur la question si ce nÕest pas le dveloppement mme et tout ce quÕil implique, qui pourrait constituer le problme ou du moins une partie du problme. La question aujourdÕhui ne serait alors pas tellement de se contenter de rflchir ou de mettre en pratique un dveloppement alternatif, mais dÕessayer en outre de dgager des alternatives au dveloppement[30]. Notons que ces alternatives ne sont dÕailleurs pas forcment des utopies : il existe encore de nombreux exemples de modes de vie Ē durables Č - le dfi est peut-tre de les reconnatre, de les encourager et de rflchir leur articulation, leur mise en dialogue avec les processus de dveloppement contemporains, qui sÕen trouveront forcment relativiss. LÕtat, refond au besoin (Le Roy 1997c ; 2004), a certainement encore un rle important jouer dans ce processus.
LÕtat nous dit-on a perdu le monopole de la rgulation juridique dans les processus de globalisation. Il se trouve remis en cause par lÕmergence de droits transnationaux aux niveaux global ou rgional, ainsi que par lÕmergence de droits locaux lis des processus accrus de dcentralisation (Arnaud 1997). Il sÕorienterait davantage vers la gouvernance, cÕest--dire la mise en Ļuvre dÕune gestion efficace de la socit, et laisserait de plus en plus de ct le gouvernement peru comme plus hirarchique, plus impos É mais aussi plus politique. Pour la Commission sur la Gouvernance Globale, la gouvernance est Ē lÕensemble des diffrents moyens par lesquels les individus et les institutions publiques et prives, grent leurs affaires communes. CÕest un processus continu de coopration et dÕaccomodements entre des intrts divers et conflictuels. Elle inclut les institutions officielles et les rgimes dots de pouvoirs excutoires tout aussi bien que les arrangements informels sur lesquels les peuples et les institutions sont dÕaccord ou quÕils peroivent tre de leur intrt Č (cit et traduit par Froger 2003 : 12). Si la gouvernance est prsente comme prfrable au gouvernement cÕest quÕelle apparat comme un processus plus participatif[31] et donc plus dmocratique, dans le sens dÕune dmocratie directe et non pas seulement dÕune dmocratie reprsentative o les lecteurs ne participent que priodiquement lÕlection de ceux qui ensuite les dirigeront. Pour Andr-Jean Arnaud (2003 : 343), Ē Ce qui est en jeu, cÕest une possibilit pour les citoyens de sÕexprimer autrement que par la seule voie de la reprsentation dmocratique et nationale, et de ŌparticiperÕ lÕlaboration des normes relevant de lÕespace public, selon la volont clairement exprime par les mouvements sociaux de plus en plus nombreux et divers dans leur constitutions tout autant que dans leur expression Č. Mais ce qui semble sous-jacent dans le champ smantique de la gouvernance est, plutt quÕune participation politique accrue, une gestion plus efficace de la socit[32]. On passe dÕun mythe politique du vivre-ensemble un mythe conomique cristallis dans lÕidologie du dveloppement. La bonne politique est celle qui est efficace en termes de rentabilit macro-conomique, cÕest celle qui rduit le plus possible le rle de lÕtat É et du politique. LÕillustration la plus flagrante est celle de lÕimposition par le Fonds Montaire International (FMI) ou la Banque Mondiale de plans dÕajustement structurels de petits pays, par exemple africains : lÕajustement structurel se base uniquement sur des critres de macro-conomie qui sÕimposent comme si elles taient des lois naturelles, absolues et non-susceptibles de questionnement par le politique. La question de choix de Ē projet de socit Č, qui est peut-tre la question politique fondamentale est compltement vacue Š il ne sÕagit que de grer le plus efficacement possible en vue dÕun dveloppement conforme aux Ē lois naturelles Č du march[33] É
Mais revenons aux termes et aux paradigmes de base.
Tout dÕabord lÕtat. Si la globalisation du droit et la gouvernance semblent remettre en question la centralit de lÕtat dans la mise en forme du vivre ensemble au niveau politique et juridique, il faut tre conscient que nombreux sont les contextes o lÕtat nÕa jamais eu la centralit et le monopole du politique et du juridique tels que dans les Ē tats modernes dvelopps Č. Il reste avant tout une invention occidentale qui a t exporte sur le reste de la plante (Badie 1992). Le constat de lÕchec du transfert institutionnel de lÕtat de droit ne date pas dÕhier (Alliot 1980, 1982, Le Roy 1986). Il faut donc srieusement se poser la question de ce que signifie par exemple Ē dcentraliser Č dans des contextes qui nÕont jamais t centraliss, de Ē dgraisser lÕtat Č dans des contextes o il nÕa jamais russi remplir ne serait-ce que les fonctions les plus lmentaires dÕun tat de Droit, cÕest--dire assurer la scurit juridique ses citoyens, rendre la justice, collecter des impts, redistribuer les richesses etc[34].
Cependant, si lÕtat nÕa pas su remplir ses fonctions lmentaires par le
pass (et au prsent) dans de nombreux contextes non-occidentaux, il faut
sÕinterroger sur lÕidal de la rduction encore plus accrue de lÕtat dans une
dynamique globale privilgiant une Ē gouvernance Č plus diffuse. La
problmatique essentielle dans de nombreux contextes, notamment africains, ne
semble pas tellement tre le Ē moins dÕtat Č, mais le Ē mieux
tat Č. Ce quÕon peut rsumer en Afrique par un tat capable de rpondre
au niveau international un besoin dÕefficacit de ses institutions, exigence
qui merge dans les conditionnalits des programmes dÕajustement structurel, au
niveau national un besoin de lgitimit[35]
et au niveau local un besoin de scurit des personnes autant concernant leur
scurit physique que la confiance en un avenir moins incertain (Le Roy
1997a : 16 ; voir aussi Le Roy 1999 : 363 ss).
On pourrait alors se demander si au lieu de Ē moins dÕtat Č il
nÕen faudrait dans certains contextes pas plus Š tout en prenant conscience que
cÕest surtout dÕun tat diffrent, russissant incarner une certaine
lgitimit, dont on a besoin. Il ne sÕagit donc pas dÕun tat plus fort au sens
de plus totalitaire, mais plus fort dans le sens quÕil puisse effectivement
assurer le minimum de services, tout en fonctionnant en complmentarit avec
les autres ressources sociales, disons pour lÕinstant de Ē la socit
civile Č, terme sur lequel nous reviendrons.
Mais le discours de lÕaffaiblissement de lÕtat et de sa
dresponsabilisation croissante cache aussi une autre ralit. Si dÕune part de
nombreux tats, tant dans les Nords que dans les Suds se disculpent de
politiques mal perues en en rejetant la responsabilit sur Ē la
globalisation Č, il reste que la courroie de transmission entre le global
et le local, reste lÕtat (voir Ost & van de Kerchove 2002 : 168 ss).
CÕest bien lui qui met finalement en Ļuvre les plans dÕajustement structurels
travers ses lgislations et lÕemploi de son monopole de violence lgitime.
Suite aux analyses de Shalini Randeria (2002), on peut distinguer au moins
trois formes dÕtat : ceux qui sont suffisamment forts et o on assiste
simplement lÕmergence dÕun champ politico-juridique plus plural, plus complexe
et plus flou, o lÕtat reste un acteur central bien que relativis ; ceux
o lÕtat a pratiquement perdu toute son autonomie et se rsume pratiquement au
rle de courroie de transmission des Ē forces globales Č ; et
enfin ceux qui sont dans une catgorie intermdiaire telle les grands tats du
Sud, comme lÕInde ou le Brsil, qui ont en fait une indpendance non
ngligeable, mais se dresponsabilisent parfois en se rfugiant derrire
lÕexcuse de la globalisation pour ouvrir leur pays au march global tout en
fragilisant ainsi leurs propres populations qui sont sacrifies sur lÕautel du
dveloppement macroconomique qui est souvent contradictoire avec
lÕautodveloppement et lÕautosuffisance[36].
Reste enfin la question de savoir ce quÕon entend par Ē bonne gouvernance Č. LÕadjectif pointerait vers le fait que toute gouvernance nÕest pas forcment bonne. CÕest la Banque Mondiale qui encourage aprs 1996 le glissement de la notion de gouvernance celle de good governance ou bonne gouvernance, qui est prsente comme un style dÕaction politique optimum, mais qui reste fort oriente par des proccupations macro-conomiques. Les trois lments essentiels dÕune bonne gouvernance sont une gestion de lÕaction publique impartiale et transparente pour tous les citoyens, une accountability relle, fonde sur des valuations techniques et financires et une mobilisation de relles comptences gestionnaires dans lÕexcution des programmes dÕaide qui doivent permettre une vritable effectivit du public management (Gaudin 2002 : 72 ; Le Roy 1995 : 236). On notera que la notion de Ē bonne gouvernance Č est plus prescriptive que celle de Ē gouvernance Č voque plus haut. Ē DÕautant quÕil faut ajouter que les orientations de la Banque mondiale pour la bonne gouvernance insistent galement sur lÕimportance des privatisations possibles des services publics, sur les partenariats public-priv toujours trs souhaitable, et sur le caractre ŌbancableÕ (ligible aux rgles classiques du crdit) des oprations. Č (Gaudin 2002 : 72). Et ces orientations ne restent pas uniquement prescriptives en thorie, mais font lÕobjet dÕun vritable proslytisme sinon dÕune imposition pure et simple de nombreux pays. Ē Les missionnaires de la Banque vont en effet entreprendre travers le monde un vaste travail proslyte : convertir et former de nouvelles lites dans chaque pays concern. Car si lÕon entend, en effet, se passer, au moins pour partie, des bureaucraties traditionnelles et des entourages compromis des chefs dÕtat, il faut se doter de nouveaux interlocuteurs, les former et les sensibiliser. Ce jeu peut se rvler dlicat, car en imposant privatisations et libralisation des activits productives et minires, les organismes conomiques internationaux ont tendance priver les hommes politiques ŌclassiquesÕ dÕune part de leurs ressources habituelles, pour leurs clientles ou pour eux-mmes. Les institutions des tats en dveloppement peuvent donc paradoxalement sÕen trouver plus encore fragiliss et les interlocuteurs venir manquer, surtout si de nouveaux porteurs de projets ne se manifestent pas assez vite. Č (Gaudin 2002 : 73) Or pour contourner les lites traditionnelles, il faut former de nouvelles lites, activit dans laquelle sÕest lance la Banque mondiale surtout travers ses activits de rflexion et de formation gravitant autour du World Bank Institute, de ses publications et de ses formations (Gaudin 2002 : 74). Or lÕide sous-jacente des meilleures pratiques auxquelles veut duquer la Banque mondiale lient Ē troitement lÕaide internationale une ouverture fortement accrue des conomies des pays pauvres non seulement au commerce international mais aussi aux investissements directs de lÕtranger (É) qui correspondent aux crations locales de filiales ou aux prises de contrle dÕentreprises opres par les grandes multinationales (É) Č (Gaudin 2002 : 78). Ė travers la bonne gouvernance, la gouvernance aurait ainsi, sous un masque moralisateur, trouv sa Ē bonne Č, ses utilits immdiates pour la Banque mondiale (Gaudin 2002 : 78). Ē Paradoxalement Č, la Ē bonne Č gouvernance a tendance vider la gouvernance de toutes ses potentialits mancipatrices et porteuses dÕune plus grande participation des socits civiles au vivre-ensemble. Elle instaure en effet, par son caractre prescriptif, des blocages la participation et assure un contrle de fait sur les tats par les institutions financires internationales. La possibilit de participation des socits civiles travers le processus de gouvernance se trouve remis en cause. Pour Andr-Jean Arnaud (2003 : 404), avec la bonne gouvernance Ē Plus de construction des problmes par une intervention citoyenne. Plus de projet labor par les premiers intresss, les membres de la socit civile. Plus de travail dÕexperts rellement indpendants : les critres de leur travail sont ceux qui sont poss par les dcideurs. Pas de choix parmi des plans selon un critre de ŌsatisfactionÕ par rapport au projet initial, mais une dcision autoritaire, dont lÕlaboration rpondrait plutt au style classique du one best way (É) Les rcursivits (É) sont limites des demandes ventuelles de reconception des plans dÕaction. De plus, ces derniers, une fois reformuls, ne sont pris en compte par le dcideur que sÕils correspondent des critres que lui-mme a fixs Š le Consensus de Washington servant de Bible aussi bien pour formuler les plans que pour prendre la dcision qui semble sÕimposer. Č
Il faut noter cependant que la Banque mondiale et le FMI nÕont pas le monopole de la dfinition de la Ē bonne gouvernance Č. Rien nÕempche dÕy inclure des exigences plus explicitement politiques, lÕinstar par exemple de lÕAide Canadienne (Gervais 1997). Et on peut dÕailleurs faire le choix de sÕinterroger plutt sur la spcificit de ce que peut apporter la notion de gouvernance pour repenser de nos jours les problmatiques dÕun vivre ensemble en dignit et en paix, plutt que de sÕengager dans les sentiers idologiques dÕune Ē bonne gouvernance Č. On peut ainsi lÕaborder dans la ligne par exemple de Pierre Calame (2003 : 16) pour qui Ē Introduire cet Ōancien nouveau conceptÕ, cÕest sÕobliger porter sur les rgulations sociales un regard plus large, plus englobant, plus articul quÕon ne le fait dÕhabitude. Č en recentrant la rflexion et lÕaction sur lÕide de relation (2003 : 20). Dans ce sens des pistes telles que celles dgages par Bernard Husson qui permettent de repenser les questions de la lgitimit et de lÕautorit par rapport lÕinvention et la mise en Ļuvre de projets de socit porteurs de sens pour les populations concernes dans des contextes africains semblent heuristiques. Pour cet auteur (1997 : 32-33) Ē Le concept de good governance peut tre construit, non partir du niveau central mais partir du mode de fonctionnement des socits locales : cÕest parce que les personnes et les groupes locaux partageront la mme notion de lÕefficacit quÕils peuvent sÕorganiser et construire un avenir (É) cÕest parce que les membres des socits locales partagent une mme conception de la nature du pouvoir, de son organisation, de sa distribution entre les diffrents niveaux É que les processus de dmocratisation et de dstatisation pourront tre engags. A partir de cette approche dcentralise, la notion de good governance peut tre dfinie comme la gestion de lÕvolution dÕune socit sur la base de valeurs, consciemment identifies ou non, communment portes par ses membres. Č[37]. Ce qui nous renvoie maintenant une rflexion sur les socits civiles et leurs rles et responsabilits dans le vivre-ensemble.
Dans son acceptation mancipatrice qui ne
voit pas uniquement la gouvernance comme courroie de transmission du
nolibralisme et comme faon de rduire de plus en plus le rle de lÕtat Š et
du politique Š face au march et aux logiques conomiques, mais comme une
manire plus participative dÕorganiser le vivre ensemble, le rle de la socit
civile apparat comme crucial. CÕest en la mobilisant quÕon arriverait
sÕacheminer vers une gestion plus participative des problmes de la cit, et
ainsi une dmocratie plus directe, plus vivante. Mais il y a l des
problmes. Tout dÕabord, notons que la socit civile se dfinit par rapport a
lÕtat, comme une sphre autonome qui sÕoppose lui, voire qui peut lui tre
complmentaire[38]. Or, dj
en Occident se pose une premire question. QuÕest ce qui fait partie de cette
socit civile ? Si thoriquement elle se dfinit surtout par rapport sa
diffrentiation avec lÕtat, devraient en faire partie les diverses dynamiques
conomiques et sociales. Or, le march, en semble exclu, et a fortiori les
grands acteurs conomiques telles les socits multinationales. Le dbat sur la
gouvernance se structure explicitement dans lÕarticulation des champs de
lÕtat, de la socit civile et du march. En ce qui concerne lÕmergence dÕune
socit civile globale, certains auteurs la dfinissent Ē comme
lÕensemble des organisations politiques, conomiques, sociales et culturelles
qui ne sont pas cres ou mandates par lÕtat (Lipschutz 2002). Pour dÕautres
auteurs, la socit civile exclut en revanche les forces conomiques, puisque
nous dit-on, les acteurs de la gouvernance sont Ōla socit politique, la
socit conomique, et la socit civile (qui) ngocient les modalits et les
formes dÕarrangements sociaux plantaires sur la base du principe de la
coopration conflictuelleÕ (Lamiet Zaidi 2002 : 204) Č (Serfati 2003 : 21). De
plus, mme si on carte les agents conomiques directs (entreprises), o ranger
les Ē forums professionnels Č tels que le Forum conomique Mondial,
ou des associations tels le MEDEF ? Pour affiner les critres certains auteurs
proposent de distinguer les organisations se proposant de reprsenter le peuple
et de travailler dans son intrt quÕils distinguent des Ē intrts du
capital Č (Serfati 2003 : 21). On voit que les choses sont loin
dÕtre simples et que Ē la socit civile Č est loin de constituer
une catgorie homogne. Par sa dfinition en ngatif de la sphre tatique, qui
nÕest que le reflet dÕune opposition plus profonde entre Ē public Č
et Ē priv Č on se retrouve ici plutt dans une nouvelle application
de lÕenglobement du contraire.
Mais lÕambigut ou la difficult
sÕaggrave encore ds lors quÕon sort de contextes occidentaux. DÕune part, la
structuration socio-juridico-politique occidentale entre tat et socit civile
ne se retrouve pas en tant que telle partout. Nous avons dj voqu plus haut
la Ē faiblesse Č de lÕtat dans de nombreux contextes. On peut aussi
penser la personnalisation de lÕtat et de ses infrastructures dans de
nombreux pays, o de fait les limites entre sphre publique et sphre prive,
entre conomie moderne et redistribution Ē traditionnelle Č ne sont pas tranches, bien au
contraire. Une opposition fondatrice pour nous ne lÕest donc pas forcment
ailleurs, ce qui rend encore moins pertinent lÕutilisation de ces concepts dans
des contextes o ne sont pas partages nos mythes juridico-politiques.
Illustrant la problmatique de lÕtat en Afrique, Franois Bayart (1991 :
217-218) note que Ē (É) la dichotomie entre les gouvernants et les
gouverns est moins pousse que ne le donne croire lÕapparence
institutionnelle. Il est frappant de constater combien les ŌpetitsÕ, les
Ōen-bas du basÕ comme lÕon dit en Cte dÕIvoire, sont informs des faits et
gestes des ŌgrandsÕ, des Ōen haut du hautÕ, ne serait-ce que par le biais de
ŌRadio trottoirÕ. Cette communication politique nÕest quÕun signe parmi
dÕautres du maillage des socits africaines en rseau. Rseaux horizontaux qui
favorisent les alliances entre les lites des diffrentes rgions et qui
articulent les villes aux terroirs ruraux grce de multiples changes
dmographiques, matriels ou symboliques. Mais aussi, simultanment, rseaux
verticaux dans le cadre desquels sÕeffectuent les transactions entre les
entrepreneurs politiques et leurs clients. La distinction classique entre tat
et socit doit donc tre nuance au sujet de lÕAfrique, bien que le premier,
suppos modernisateur, ait prtendu se dfinir contre la seconde, suppose
traditionnelle, dans la droite ligne de lÕhritage bureaucratique et
idologique colonial. (É) LÕtat postcolonial vit comme un rhizome, comme un
ensemble de tiges souterraines dont les parties ariennes, les institutions
politiques, sont moins importantes que les racines adventives, leurs
correspondances multiples avec les diverses forces sociales et notamment, dans
les provinces, les hirarchies des terroirs historiques. En mme temps que sur
la coercition, dont il fait volontiers usage, il repose sur des ngociations et
des compromis permanents entre toutes ces forces ; en dÕautres termes, il
reste troitement tributaire des performances individuelles de ses
acteurs. Č[39]
LÕexpression ou la mise en forme de la
socit civile est aussi moule dans une vision occidentale moderne. Le concept
de socit civile renvoie la societas, assemblement dÕindividus lis par un
contrat social (Dumont 1991 : 98-99), et la civitas, la cit politique. On est dans
une construction particulire du rapport au politique, au juridique et au
social. On pense immdiatement en rfrant la socit civile des
associations, des organisations non gouvernementales, des mouvements citoyens É
Mais o sont les structures politiques, sociales, conomiques et juridiques
plus traditionnelles, telles les rseaux familiaux, religieux, de castes,
dÕentraide qui ne sont pas forcment mouls dans des formes modernes[40] ?
Soit on ne les prend pas en compte, soit on nÕen peroit que la pointe merge
de lÕiceberg travers leur ventuelle participation, entre autre, des
Ē jeux modernes Č, par exemple une participation dans une activit
dÕONG. Il reste quÕon nÕapprend rien des mcanismes et des structures de ces
organisations sociales. Elles ont tendance dans lÕignorance quÕon a dÕelles
apparatre tout au plus comme des freins au dveloppement radiquer et
remplacer par des structures plus adaptes a notre temps. Or, premirement, le
fait de sÕopposer au choix politique du dveloppement peut tre tout fait
lgitime dans certains cas, en vue de ce que nous avons dit plus haut sur le
dveloppement, et mrite au moins discussion, au lieu de se voir opposer a
priori un Ē argument Č de non-recevabilit consistant rappeler le
caractre arrir et non pertinent de toute organisation ne se rclamant pas et
ne fonctionnant pas selon les institutions et mcanismes modernes.
Deuximement, ces dynamiques se montrent parfois fort adaptables aux
contraintes contemporaines : dans certains cas, elles peuvent mme
garantir un meilleur Ē dveloppement Č et pourraient servir de modle de rflexion pour un
reformatage ou une indignisation de structures importes qui autrement
continueront rester dconnectes des ralits locales[41].
Enfin, se pose la question de situations
o la socit civile, et dans ce cas dÕailleurs souvent plutt une
Ē socit civile globale Č, ou du moins globalise, tente de
compltement remplacer lÕtat : on pense certains contextes africains o
on dirait que les seuls acteurs de dveloppement sont les ONG finances par
lÕtranger É et qui sapent par leur prsence le peu de lgitimit que
pourraient gagner certains tats en remplissant eux-mmes certains services
publics et vacuent sous prtexte dÕurgence, la dimension politique des choix
de socit[42]. Pour
Bernard Hours, les ONG travaillant dans Ē les Suds Č apparaissent, si
lÕon tient compte de leur idologie sous-jacente et leurs effets implicites,
par bien des aspects plutt comme muselant les vritables socits civiles que
comme acteurs dÕune vritable participation dmocratique lÕlaboration de
projets de socits. Elles nÕmanent plus Ē de la socit civile
quÕelles invoquent car celle-ci disparat ds lors que sont occultes toutes
les contradictions sociales et que prvaut une seule idologie de consentement
au consensus, un seul modle de dveloppement, une seule humanit plantaire
(socit civile fictive) (É) les ONG humanitaires constituent une matrice
idologique essentielle de production du consensus partir de valeurs
sublimes, apolitiques, non confessionnelles, libres, bref
dmocratiques. Č
(Hours 1998 : 74-75). De son point de vue, la Ē socit civile
plantaire, communautaire et dmocratique, se construit sur lÕabsence de
socits civiles. Il nÕy a pas de socits (au pluriel) sans frontires, pas
plus quÕil nÕy a de socits civiles sans des territoires o sÕinscrit la
pertinence de leurs discours. Cette
socit unifie fictive, accessoire ncessaire du march mondial, a
besoin des ONG de la mme faon que les tats afin de rendre dmocratiques,
donc comestibles pour les citoyens consommateurs, les Ōncessits conomiquesÕ
articules aux Ōncessits humanitairesÕ. Instrument majeur de lÕintgration
idologique mondiale en cours, les ONG oprent une mdiation indispensable
entre les pouvoirs conomiques, les pouvoirs tatiques dominants et les
nouvelles formes de pillage du tiers-monde ralises au nom de lÕconomie de
march. Le consensus produit par les ONG est indispensable dans ce contexte,
tout comme leur fonction dÕalibi dmocratique. Il transforme la brutalit des
rapports de force dÕune injustice radicale en exercice pdagogique paternaliste
et bienveillant lÕgard du Sud. Č (Hours 1998 : 81)
Il apparat quÕune question fondamentale
sous-jacente la question de la socit civile est celle de la responsabilit
politique, elle-mme sous-tendue par la question plus gnrale de la
Ē participation Č la vie en commun.
Commenons par la responsabilit
politique. Outre la dynamique que vient dÕvoquer Bernard Hours, il faut garder
lÕesprit que la logique de dresponsabilisation politique est surtout
caractristique de la mythologie de lÕtat moderne : une institution
suprieure et extrieure, lÕtat, est suppos gouverner le peuple pour son
bien. Or, dans de nombreuses socits le politique nÕa jamais t dissocie de
la responsabilit directe des diverses communauts et de leurs membres[43].
Donc, si nous voulons rintroduire une responsabilit accrue des citoyens dans
les tats modernes, ne ngligeons pas le fait quÕinitialement ce sont les tats
qui se sont arroges le monopole de violence lgitime, de pouvoir politique et
donc aussi de responsabilit. Si on dlgue maintenant la responsabilit la
socit civile tout en gardant le pouvoir dans lÕtat, voire dans lÕconomique,
le processus nÕapparat-il pas plutt comme un pratique processus de
dresponsabilisation de ceux qui ont le pouvoir et une responsabilisation de
ceux qui nÕen ont pas Š et qui deviennent ainsi les responsables de leur
sous-dveloppement ? Il est curieux que la responsabilit se pense surtout
par rapport aux autres : ce sont ceux qui ont t jets hors du grand jeu
social par les logiques de modernisation puis de globalisation qui doivent
maintenant (enfin) devenir responsables[44],
et ceci bien sr par rapport une responsabilit telle que perue par les
centres du pouvoir. Or, les constatations suivantes de Babacar Sall sur ce
quÕil appelle lÕantatisme dans de nombreux contextes africains donne
rflchir : Ē (É) le contexte politique et conomique est tel que
tous les mots drivs de la modernit dominante tels que ŌdveloppementÕ,
ŌdmocratieÕ, ŌtatÕ, ne veulent plus rien dire socialement, parce que
justement, ils nÕont pas russi amliorer le social dans sa relation
problmatique aux besoins fondamentaux. Ce qui compte, par consquent, nÕest
pas la longue dure, le programme, le sens de lÕhistoire, mais le quotidien
avec son impratif alimentaire et sanitaire. On est en prsence dÕun contexte
de controverse et dÕinversion o le social se dpolitise et o le politique se
dsocialise sans que la rupture ou la dperdition de lÕun en lÕautre ne ruine
dfinitivement le systme global. Il y a l, manifestement, une rupture
structurelle entre ces deux ples dominants du socital qui fait que le social
se pense, se dit et se fait sans le politique et vice-versa. (É) la
dsocialisation ne traduit pas uniquement un manque dÕarticulation entre
lÕtatique et le social, mais un rinvestissement discriminatoire des
structures de lÕtat par des groupes dominants qui en font leur proprit et un
instrument de violence en vue de rgler leur avantage des diffrends
sculaires les opposant dÕautres cits concurrentes. Vus sous cet angle, on
peut affirmer que les registres idologiques de lÕtat contemporain en Afrique,
avec son systme partisan, sa bureaucratie, ses rites, ses mthodes de
lgitimation, procdent dÕun jeu virtuel de lÕuniversalit dominante impose
par les puissances dmocratiques. Mais cÕest seulement en des cas rares quÕils
ont effectivement prise effective sur le corps social Ōparce que lÕessentiel de
la vie sociale, culturelle et conomique, sÕeffectue en dehors du cadre
institutionnel fix par lÕtat. Č (Sall 1997 : 252-253).
La dernire rflexion de Babacar Sall est
une bonne transition pour la question sous-jacente la question de la
Ē participation Č. De quoi parle-t-on quand on en parle ? Si
lÕessentiel de la vie sociale, culturelle et conomique sÕeffectue hors du
cadre institutionnel fix par lÕtat peut-on en dduire que la majorit de la population
ne participerait pas sa propre vie ? La rfrence lÕtat entrane avec
lui une division inconsciente entre sphres publiques et prives. Le bien
commun relverait de la sphre publique, cÕest la res publica. A contrario tout ce qui nÕest
pas tatique, ne serait que simples intrts privs. Nous voil de nouveau en
prise avec lÕenglobement du contraire que nous avons dj voqu plus haut par
rapport la dfinition de la notion de Ē socit civile Č. Il
apparat quÕinconsciemment lorsque nous parlons de participation, nous
entendons participation au mode de vie moderne, cÕest--dire structur par les
institutions de lÕtat et du march, voire de la socit civile mais qui reste
justement dfinie en rfrence lÕtat, comme son image inverse ! Dans
des contextes tels quÕillustrs par Babacar Sall ci-dessus peut-on
raisonnablement considrer que la vraie participation populaire doive reposer
sur une conversion de masse des populations africaines lÕidologie
moderne ? Ou ne peut-on pas se demander si ce ne serait pas, du moins en
partie, aussi aux institutions modernes importes de sÕadapter aux attentes,
besoins et reprsentations de ses supposs Ē destinataires Č[45].
Dfinir les responsabilits des uns et
des autres et sÕatteler leur articulation en vue dÕun objectif suppose aussi
de dbattre de lÕobjectif. Si lÕobjectif est plus ou moins impos et que les
responsabilits des uns et des autres apparaissent plutt comme des cooptations
dans un systme qui ne peut tre remis en question, le transfert de responsabilits
peut apparatre comme tout simplement une bonne excuse pour dsamorcer des
dynamiques de contestation du projet de socit qui nÕest pas peru comme
lgitime par la majorit, voire comme excuse pour rduire les responsabilits
de ceux qui dominent dans le systme. DÕun point de vue du Sud, il peut
paratre curieux, voire de mauvaise foi, dÕen appeler par exemple la
responsabilit des pays du Sud dans le contrle des naissances en vue de ne pas
crer une pnurie des ressources mondiales, alors quÕon ne parle pas de la
responsabilit des pays du Nord rduire la consommation de leurs citoyens qui
est sans commune mesure avec celle des habitants des pays du Sud.
Majid Rahnema dans son analyse historique
de lÕutilisation du concept de participation dans la sphre du dveloppement
note quÕil faut consciencieusement distinguer entre participations spontane,
manipule voire tlguide dans les cas o les participants sans tre forcs de
faire quelque chose y sont incits ou dirigs par des centres hors de leur
contrle (Rahnema 1997 : 116). Si lÕorigine le concept de participation
avait un caractre subversif et rsultait dans les annes 50 de travailleurs
sociaux qui pointaient vers la ncessit de la prise en compte des ralits
locales dans les programmes de dveloppement, il a petit petit t coopt par
les gouvernements et institutions de dveloppement qui taient ds les annes
1970 explicitement confrontes aux checs de leurs programmes et sentaient le
besoin de relais pour leur activit. Et ceci, dÕaprs Majid Rahnema
(1997 : 117-120), pour six raisons principales : le concept nÕest
plus peru comme menace ; il est devenu un slogan politique
attractif ; il est devenu une proposition attrayante conomiquement ;
il est maintenant peru comme lÕinstrument dÕune plus grande effectivit ainsi
que comme une nouvelle source dÕinvestissement ; il devient un bon moyen
pour chercher des financements (fundraising) ; enfin, une notion largie de la
notion de participation permet au secteur priv de devenir directement acteur
dans le business du dveloppement[46].
Se pose donc la question de bien dfinir de quoi on parle lorsquÕon parle de
Ē participation Č dans une rflexion sur la gouvernance.
Bonnie Campbell (1997b) souligne lÕenjeu
primordial de cette dfinition travers son analyse critique de la mise en
place de plans dÕajustements structurels (PAS) dans les tats africains. En
effet, confront aux chec des PAS et leur
Ē non-faisabilit politique Č au dbut des annes 1980, se met
en place un effort majeur de rflexion sur la construction de lgitimit
politique de ces programmes. Cette dernire sÕappuiera la fin des annes 1980
sur les notions dÕ Ē empowerment Č et de Ē consensus
building Č, puis partir des annes 1990 surtout sur la notion de
Ē participation Č. Or comme le souligne Bonnie Campbell (1997b :
219-220) Ē (É) il sÕagit dÕun ŌempowermentÕ pour assurer et pour
faciliter le dveloppement, qui semble tre, comme nous lÕavons vu, une
finalit dfinie dÕavance, et non pas une participation effective lÕexercice
du pouvoir en vue de participer la dfinition et la mise en Ļuvre dÕun
projet de socit. (É) Dans ce sens, la notion de participation se rfre 1.
un moyen pour obtenir un appui local et une coopration locale ; 2. un moyen
pour asseoir une lgitimit populaire, mais lgitimit pour ceux qui
introduisent, non pas ceux qui rsistent ou qui sÕopposent aux PAS. CÕest dans
ce mme sens technique et fonctionnel que lÕon peut expliquer la porte limite
de la notion dÕ ŌaccountabilityÕ ou de responsabilisation. Sa dfinition qui,
premire vue, apparat assez large : ŌAccountability at its simplest means
holding public officials responsible for their actionsÕ. Mais cette notion ne
sera pas prcise et donc manquera dÕefficacit politique pour ce qui est de
son interprtation au sens large. Afin dÕtre oprationnelle sur le plan
politique, il aurait t essentiel de prciser : responsabilisation de
qui, quoi, par quels mcanismes, quel degr et selon quels normes ? On
comprend mieux ce manque de prcision lorsque lÕon se rend compte quÕil sÕagit
essentiellement de responsabilisation budgtaire et conomique (É) :
ŌSimilarly, the Bank is rightly concerned with financial and economic
accountability, but political acountability is outside its mandate.Õ (É) CÕest
ce type de considrations qui nous amne conclure que la notion dÕ
ŌempowermentÕ utilis par la Banque dans les annes Õ80 et celle de
ŌparticipationÕ dans les annes Õ90, manent non pas dÕun souci de
participation effective mais renvoient un concept de Ōmanagrialisme
populisteÕ. Č
Franois Ost, dans son article rcent
Ē Stand Up For Your Rights Č (2004) illustre ce que peut tre au
mieux une dfinition de responsabilits diverses qui se situent des niveaux
diffrents ainsi que leur articulation autour dÕun projet donn, dans son cas
celui de la lutte contre le SIDA en Afrique du Sud. Mais il faut rester trs
vigilant sur les implicites du modle de participation quÕon a en tte plus ou
moins consciemment et qui se refltera forcment dans nos dfinitions des
responsabilits des uns et des autres. En tant quÕanthropologue du Droit,
sensible la diversit des projets de socit[47]
et des manires de les mettre en forme, vritablement prendre les
Ē socits civiles Č et leur Ē participation Č au srieux
pour pouvoir dgager les responsabilits des uns et des autres dans notre
vivre-ensemble impliquerait alors de sÕintresser la partie immerge de
lÕiceberg de la rgulation juridico-politique des socits, comprise au sens
large. Pour ce faire il est indispensable dÕexplorer le grand jeu de la
juridicit en posant les questions, non pas en partant des institutions
modernes, mais en partant de problmatiques spcifiques partir de la totalit
sociale (voir par exemple Le Roy 1990b, Vanderlinden 1996). La rflexion mne
donc nous interroger sur les transformations du Droit, ou de la juridicit
dans le contexte contemporain marqu par les logiques de globalisation, de
dveloppement durable et de remise en question de lÕtat travers la
gouvernance que nous avons commenc dcortiquer ci-dessus.
Le questionnement interculturel et la prise en compte des Ē expriences de la base Č nous obligerons, en conformit avec lÕexigence anthropologique, de ne pas penser notre problmatique uniquement partir dÕune vision de juriste ou en partant du point de vue des institutions, mais en renversant la perspective, en partant de la totalit sociale pour comprendre les enjeux du Droit, de la gouvernance et du dveloppement durable. Ce nÕest quÕune telle approche qui permettra de mieux saisir les responsabilits des uns et des autres et de dgager des horizons possibles pour des rformes institutionnelles. Pour ce faire, il ne sÕagira pas de sÕarrter la prise en compte de Ē pratiques alternatives Č du droit[48] ou du dveloppement[49], mais de reprer aussi, voire de dgager, des droits ou dveloppements alternatifs, voire des alternatives au dveloppement et au Droit (mme compris comme phnomne juridique) avec une majuscule. Si lÕanthropologie du Droit telle que pratique au Laboratoire dÕanthropologie juridique de Paris se veut politique (Eberhard 2002d), il semble que dans la problmatique prsente nous devrons encore plus explicitement focaliser notre attention sur les jeux et les enjeux de pouvoir qui sous-tendent les luttes autour de la juridicit[50] Š et ce faisant il me semble aussi important de Ē dtotaliser Č lÕapproche anthropologique du Droit. Certaines approches alternatives perdent en effet tout leur potentiel subversif ou mancipateur ds lors quÕelles sont cooptes par le systme, comme lÕa montr la dynamique des pratiques alternatives du droit dans de nombreux contextes sud-amricains[51]. Si la description doit rendre compte de tous les lments structurants des processus juridiques, il faut se mfier dÕen tirer des consquences prescriptives quant lÕintgration de tous ces lments dans un champs normatif officialis. Bref, il faut garder lÕanthropologie du Droit ouverte au pluralisme, non seulement au niveau de son objet dÕtude, la juridicit, mais en pluralisant aussi ses fondements cognitifs. Mais nÕen disons pas plus ce stade, notre projet commun ne regroupant pas seulement des anthropologues du Droit, mais aussi des chercheurs provenant dÕautres horizons. Contentons nous dÕouvrir ici une autre fentre primordiale pour notre rflexion : le lien suppos ou rel entre droit et dveloppement.
On continue lier le dveloppement des rformes juridiques et
institutionnelles. Si les formes ont un peu changes, on reste enracine dans
une vision qui lie dveloppement conomique et droit moderne. Accder au
dveloppement impliquerait aussi accder au droit moderne. A nouveau nous nous retrouvons ici dans
le principe de lÕenglobement du contraire, le modle occidental servant de
rfrence implicite. Les catgories du droit et du dveloppement tant
universels, ils peuvent tre atteints par tous et existent en germe, de manire
non parfaite dans toutes les cultures. Accder la modernit, donc lÕhorizon
universel contemporain pour imaginer notre vivre-ensemble, ncessite de se
doter dÕune conomie moderne et dÕun droit moderne les deux tant intimement
lis. Si les approches communistes ne sont plus dÕactualit dans les discours
globaux aujourdÕhui, cÕest dsormais la version librale du lien droit / conomie qui prvaut. On peut
rsumer celle-ci dans lÕquation suivante : le dveloppement a besoin dÕun
march libre or ce dernier est irrmdiablement li lÕexistence dÕun droit
moderne. Le dveloppement ncessiterait donc des ajustements structurels et des
rformes institutionnelles. DÕailleurs le dveloppement institutionnel lui-mme
pour permettre la mise en place de Ē dmocratie Č, de Ē bonne
gouvernance Č, de Ē dveloppement durable Č fait partie du
dveloppement. Il parat utile de se replonger dans certains textes, dont
certains remontent dj une bonne trentaine dÕannes, qui avaient dj port
de srieuses critiques ce point de vue et ont soulign que le messianisme
juridique et lÕexportation des divers modles occidentaux dans les anciennes
colonies nÕont eu que peu avoir avec le dveloppement ou non de ces pays et
incitaient plutt essayer de comprendre les dynamiques de dveloppement dans
les divers contextes sociaux, conomiques, historiques et culturels dans leur
originalit (voir Franck
1972 ; Trubek 1972 ; Greenberg 1980 ; Zagaris 1988). En outre se
pose la question des idologies ou visions du monde sous-jacentes. Le social,
lÕconomique, le juridique, le culturel sont lis. Dans diverses socits ces questions
sont noues ensemble de manire diverses. Il faudra donc autant sÕintresser
aux quivalents homomorphes[52]
au Ē dveloppement Č et la Ē gouvernance Č dans dÕautres
cultures quÕ celui du Droit pour pouvoir comprendre comment sÕy posent les
questions.
Dans notre optique commune, il semble que les questions principales explorer seront celles des nouveaux liens mergeant entre diverses formes de rgulation, entre diverses lgalits, lgitimits et autorits par rapport des projets de socit donns, quÕils soient implicites ou cachs, ou affichs de manire plus explicite. Outre lÕarticulation des rgulations se situant des chelles et des temporalits de rgulation diffrentes, il semble important dÕinscrire la rflexion dans le creuset du plurivers o notre attention devra se porter sur une explicitation des archtypes, logiques, pratiques et projets de socit en jeu et de leur articulation (voir Eberhard 1999). Ē (É) chaque contexte culturel offre sa propre interprtation de ce qui lui apparat la bonne ŌgouvernanceÕ et peut offrir les solutions les plus appropries pour lier dcideurs et gouverns une fois quÕun consensus sÕest dessin. Ce qui fait autorit dans une socit nÕa pas ncessairement ses quivalents ailleurs et la croyance nave dans lÕuniversalit des conceptions occidentales de lÕtat de Droit, a sans doute davantage que certains autocratismes, invalid une good governance dans les annes passes, faute de fondements endognes. Č (Le Roy 1996 : 238). Creuser ces problmatiques et dgager la multiplicit des Ē gouvernances Č existantes et inventer en partant de contextes culturels diffrents peut offrir un angle dÕapproche original par rapport la littrature existante sur la globalisation du droit, de la gouvernance et du dveloppement durable.
Si tous les chercheurs de notre dynamique ne travaillent pas forcment sur des contextes non-occidentaux, et que la question de la gouvernance, du dveloppement durable et dÕun nouveau partage de responsabilits se pose de manire tout aussi urgente dans le Ē monde dvelopp Č, il nÕen reste pas moins que lÕorientation interculturelle de la recherche doit nous rendre mfiante envers des Ē fausses vidences Č. De mme, quÕ travers un questionnement interculturel, lÕorientation de la pyramide au rseau la recherche dÕun nouveau paradigme juridique pouvait apparatre comme accrditant en fait un individualisme mthodologique faisant fi de lÕinscription des individus dans divers rseaux et champs sociaux semi-autonomes[53] et leurs articulations (voir Eberhard 2002b), de mme il apparat quÕune rflexion sur une gouvernance Ē mancipatrice Č qui nÕest pas suffisamment sensible aux ralits de terrain et aux exigences de lÕinterculturalit peut, tout en dgageant des pistes intressantes, vite tre pervertis en nouveau relais dÕapproches nolibrales qui nient fondamentalement - tant au niveaux descriptif que prescriptif - le social, le politique et le juridique, en les subsumant sous un conomique, lui aussi trs partialement dfini.
ABEL Richard L., 1982, The Politics of Informal
Justice, Volume 2 : Comparative Studies, New York, London, Toronto, Sidney, San Francisco,
Academic Press, 338 p
ALBROW Martin, 1999 (1996), The Global Age. State
and Society Beyond Modernity,
Cornwall, Polity Press, 246 p
ALLIOT Michel, 1980, Ē Un droit nouveau est-il en train de natre en
Afrique ? Č, CONAC Grard (d.), Dynamiques et finalits des droits
africains - Actes du colloque de la Sorbonne Ē La vie du Droit en
Afrique Č, Paris,
Economica, Col. Recherches Panthon-Sorbonne Universit de Paris I, Srie
Sciences juridiques, 509 p (467-495)
ALLIOT Michel, 1982, Ē Les transferts de droit ou
la double illusion Č, Bulletin de liaison du Laboratoire
dÕAnthropologie Juridique de Paris, Paris, n” 5, p 121-131
ARNAUD Andr-Jean, 1997, Ē De la rgulation par
le droit lÕheure de la globalisation. Quelques observations critiques Č,
Droit et Socit, n” 35, p
11-35
ARNAUD Andr-Jean, 1998, Entre modernit et
mondialisation - Cinq leons d'histoire de la philosophie du droit et de l'tat, France, L.G.D.J., Col. Droit et Socit n”
20, 185 p
ARNAUD Andr-Jean, 2003, Critique de la raison
juridique 2. Gouvernants sans frontires. Entre mondialisation et
post-mondialisation, Paris,
LGDJ, 433 p
BADIE Bertrand, 1992, LÕtat import - LÕoccidentalisation de
lÕordre politique,
Mesnil-sur-lÕEstre, Fayard, Col. LÕespace du politique, 334 p
BADIE Bertrand, 1995, La fin des territoires - Essai sur le
dsordre international et sur lÕutilit sociale du respect, France, Fayard, Col. LÕespace du politique,
276 p
BADIE Bertrand, 1999, Un monde sans souverainet.
Les tats entre ruse et responsabilit, France, Fayard, Col. LÕespace du politique, 306 p
BALANDIER Georges, 2001, Le Grand Systme, Fayard, Paris, 274 p
BAUMAN Zygmunt, 1987, Legislators and Interpreters
- On Modernity, Post-modernity and Intellectuals, Great Britain, Polity Press, 209 p
BAUMAN Zygmunt, 1993 (1991), Modernity and
Ambivalence, Great Britain,
Polity Press, 285 p
BAUMAN Zygmunt, 1998, Globalization. The Human
Consequences, Great Britain,
Polity Press, 136 p
BARON Catherine, 2003, Ē La gouvernance :
dbats autour dÕun concept polysmique Č, Droit et Socit, n” 54, p 329-351
BAYART Jean-Franois, 1987, LÕtat en Afrique. La
politique du ventre,
Mesnil-sur-lÕEstre, Fayard, 439 p
BAYART Jean-Franois, 1991, Ē LÕtat Č,
COULON Christian, MARTIN Denis-Constant (ds.), Les afriques politiques, Saint-Amand (Cher), La Dcouverte, Col.
Textes lÕappui, Srie Histoire contemporaine, 294 p (213-230)
BECK Ulrich, 2000, What is Globalization ?, Cambridge, Polity Press, 180 p
CALAME Pierre, 2003, La dmocratie en miettes. Pour
une rvolution de la gouvernance,
ditions Charles Lopold Mayer / Descartes & Cie, Paris, 331 p
CAMPBELL Bonnie, 1997a, Ē Dbats actuels sur la
reconceptualisation de lÕtat par les organismes de financement multilatraux
et lÕUSAID Č, GEMDEV, Les avatars de lÕtat en Afrique, Paris, Karthala, 338 p (79-93)
CAMPBELL Bonnie, 1997b, Ē Reconceptualisation de
lÕtat au Sud Š Participation dmocratique ou managrialisme populiste Č,
in CRPEAU Franois, Mondialisation des changes et fonctions de lÕtat, Bruxelles, Bruylant, 294 p (163-231)
COHEN-TANUGI Laurent, 1992, Le droit sans lÕtat, Quadrige / PUF, 206 p
CONAC Grard, 1980, Ē La vie du droit en
Afrique Č, CONAC Grard (d.), Dynamiques et finalits des droits
africains - Actes du colloque de la Sorbonne Ē La vie du Droit en
Afrique Č, Paris, Economica, Col. Recherches
Panthon-Sorbonne Universit de Paris I, Srie: Sciences juridiques, 509 p
(V-XXXX)
DAGORN Ren, 1999, Ē Une brve histoire du mot
ŌmondialisationÕ Č, GEMDEV (d.), 1999, Mondialisation. Les mots et les
choses, France, Karthala, 358
p (187-204)
DELMAS-MARTY Mireille, 1998, Trois dfis pour un
droit mondial, Mayenne,
Seuil, Col. Essais, 200 p
DUMONT Louis, 1979 (1966), Homo hierarchicus - Le systme des castes
et ses implications,
Saint-Amand (Cher), Gallimard, Col. Tel, 449 p
DUMONT Louis, 1991 (1983), Essais sur
lÕindividualisme - Une perspective anthropologique sur lÕidologie moderne, Saint Amand (Cher), Seuil, 3e d., Col.
Points, Srie Essais, 310 p
de SOUSA SANTOS Boaventura, 1995, Toward a New
Commnon Sense - Law, Science and Politics in the Paradigmatic Transition, New York-London, Routledge, After the Law
Series, 614 p
de SOUSA SANTOS Boaventura, 1998, La globalizacion
del Derecho. Los nuevos caminos de la regulacion y la emacipacion, Colombie, Universidad Nacional de Colombia /
ILSA, 287 p
de SENARCLENS Pierre, 2002 (1998), La
mondialisation. Thories, enjeux et dbats, Paris, Dalloz / Armand Colin, 233 p
DUMONT Louis, 1976, Homo aequalis. Gense et
panouissement de lÕidologie conomique, France, Gallimard, 270 p
DUMONT Louis, 1991 (1983), Essais sur
lÕindividualisme - Une perspective anthropologique sur lÕidologie moderne, Saint Amand (Cher), Seuil, 3e d., Col.
Points, Srie Essais, 310 p
EBERHARD Christoph, 1999, Ē Les politiques
juridiques lÕge de la globalisation. Entre archtypes, logiques, pratiques
et Ōprojets de socitÕ. Č, Bulletin de liaison du Laboratoire
dÕAnthropologie Juridique de Paris, n” 24, p 5 Š 20
EBERHARD Christoph, 2000, Ē Justice, Droits de
lÕHomme et globalisation dans le miroir africain : lÕimage
communautaire Č, Revue Interdisciplinaire
dÕtudes Juridiques, n” 45, p 57-86
EBERHARD Christoph, 2002a, Droits de lÕhomme et
dialogue interculturel,
Paris, ditions des crivains, 398 p
EBERHARD Christoph (d.), 2002b, Le Droit en
perspective interculturelle,
numro 49 thmatique de la Revue Interdisciplinaire dÕtudes Juridiques, 346 p
EBERHARD Christoph, 2002c, Ē Vers une nouvelle
approche du Droit travers ses pratiques. Quelques implications des approches
alternatives Č, Revue Interdisciplinaire dÕtudes Juridiques, n” 48
EBERHARD Christoph,
2002d, Ē Challenges and Prospects for the Anthropology of Law. A
Francophone Perspective Č, Newsletter of the Commission on Folk Law and
Legal Pluralism, n”XXXV, p 47-68
EBERHARD Christoph,
2003, Ē Prrequis pistmologiques pour une approche interculturelle du
Droit. Le dfi de lÕaltrit Č, Droit et Cultures, n”46, p 9-27
EBERHARD Christoph, 2005, Ē LÕanthropologie du
Droit : un itinraire entre altrit, complexit et
interculturalit Č, in, RUDE-ANTOINE . & ZAGIANARIS J., Croise
des champs disciplinaires et recherches en sciences sociales, France, CURAPP
ESCOBAR Arturo, 1997, Ē Planning Č, SACHS
Wolfgang (d.), The Development Dictionary. A Guide to Knowledge as Power, Great Britain, Zed Books, 306 p (132-145)
ESTEVA Gustavo, 1997, Ē Development Č, SACHS
Wolfgang (d.), The Development Dictionary. A Guide to Knowledge as Power, Great Britain, Zed Books, 306 p (7-25)
ESTEVA Gustavo, 1993, La nouvelle source dÕespoir :
Ē les marginaux Č, Interculture, n” 119, 66 p
ESTEVA Gustavo, PRAKASH Madhu Suri, 1998, Grassroots
Post-Modernism - Remaking the Soil of Cultures, United Kingdom, Zed Books, 223 p
FRANCK Thomas M., 1972, Ē The New
Development : Can American Law and Legal Institutions help Developing
Countries ? Č, Wisconsin Law Review, 12, p 767-801
FROGER Graldine, 2003, Ē Gouvernance mondiale et
dveloppement durable : une analyse en termes de jeux dÕacteurs Č,
Cahier du GEMDEV, n” 29, p
11-16
GAUDIN Jean-Pierre, 2002, Pourquoi la
gouvernance ?, France,
Presses de Sciences Po, 137 p
GAXIE Daniel & LABORIER Pascale, 2003, Ē Des
obstacles lÕvaluation des actions publiques et quelques pistes pour tenter
de les surmonter Č, FAVRE Pierre, HAYWARD Jacques & SCHEMEIL Yves
(ds.), ętre gouvern. tudes en lÕhonneur de Jean Leca, Mayenne, Presses de Science Po, 376 p (201-224)
GEMDEV, 1999, Mondialisation. Les mots et les
choses, France, Karthala, 358
p
GERVAIS Myriam, Ē La bonne gouvernance et lÕtat
africain : la position de lÕAide canadienne Č, GEMDEV, Les avatars
de lÕtat en Afrique, Paris,
Karthala, 338 p (123-135)
GREENBERG David F., 1980, Ē Law and Development
in Light of Dependency Theory Č, Research in Law and Sociology, n” 3, p 129-159
HAMMOUDA Hakim Ben, 1999, LÕconomie politique du
post-ajustement, 1999, Paris,
Karthala, 393 p
HENRY Alain, TCHENTE Guy-Honor, GUILLERME-DIEUMEGARD
Philippe, 1991, Tontines et banques au Cameroun. Les principes de la Socit
des amis, Paris, Karthala,
166 p
HESSELING Gerti, LE ROY tienne, 1990, Ē Le Droit
et ses pratiques Č, Politique Africaine, Dcembre, n” 40, p 2-11
HEUZ Grard, 1993, O va lÕInde moderne ?
LÕaggravation des crises politiques et sociales, C.E.E., LÕHarmattan, Col. Conjonctures politiques,
190 p
HOURS Bernard, 1998, LÕidologie humanitaire ou le
spectacle de lÕaltrit perdue,
Paris, LÕHarmattan, 173 p
HUSSON Bernard, 1997, Ē Prolgomnes. La
problmatique en dbats, entre indignits et modernits Č, GEMDEV (d.), Les
avatars de lÕtat en Afrique,
Paris, Karthala, p 23-39
HUYGHEBAERT Patricia & MARTIN Boris, 2002, Quand
le droit fait lÕcole buissonnire. Pratiques populaires de droit, France, ditions Charles Lopold Mayer /
Descartes & Cie, 222 p
ILLICH Ivan, 1997, Ē Needs Č, SACHS Wolfgang
(d.), The Development Dictionary. A Guide to Knowledge as Power, Great Britain, Zed Books, 306 p (88-101)
JOBERT Bruno, 2003, Ē Le mythe de la gouvernance
dpolitise Č, FAVRE Pierre, HAYWARD Jacques & SCHEMEIL Yves (ds.), ętre
gouvern. tudes en lÕhonneur de Jean Leca, Mayenne, Presses de Science Po, 376 p (273-284)
KOTHARI Rajni, 1990a, State against Democracy. In
search of Humane Governance,
India, Aspect Publications Ltd, 308 p
KOTHARI Rajni, 1990b, Rethinking Development. In
search of Humane Alternatives,
India, Aspect Publications Ltd, 220 p
KOTHARI Rajni, 1990c, Transformation and Survival.
In Search of Humane World Order,
India, Aspect Publications Ltd, 233 p
LAGROYE Jacques & SIMANT Johanna, 2003,
Ē Gouvernement des humains et lgitimation des institutions Č, FAVRE
Pierre, HAYWARD Jacques & SCHEMEIL Yves (ds.), ętre gouvern. tudes en
lÕhonneur de Jean Leca,
Mayenne, Presses de Science Po, 376 p (53-71)
LAJOIE Andre, 1999, Ē Gouvernance et socit
civile Č, Prsentation la Socit Royale du Canada, 20 novembre 1999, 15
p
La ligne dÕhorizon (d.), 2003, Dfaire le
dveloppement. Refaire le monde,
France, Parangon, 410 p
LATOUCHE Serge, 1997, Ē Standard of
Living Č, SACHS Wolfgang (d.), The Development Dictionary. A Guide to
Knowledge as Power, Great
Britain, Zed Books, 306 p (250-263)
LATOUCHE Serge, 1998, Les dangers du march
plantaire, France, Presses
de Sciences Po, Col. La bibliothque du citoyen, 131 p
LATOUCHE Serge, 2003, Justice sans limites. Le dfi
de lÕthique dans une conomie mondialise, France, Fayard, 360 p
LE ROY tienne, 1986, Ē LÕintroduction du modle
europen de lÕtat en Afrique francophone. Logiques et mythologiques du
discours juridique Č, Coquery Vidrovitch C et Forest A (ds.), Dcolonisation
et nouvelles dpendances,
1986, Lille, PUF, p 81-110
LE ROY tienne, 1990a,
Ē Juristique et anthropologie : Un pari sur lÕavenir Č, Journal of
legal pluralism and unofficial law, number 29, p 5-21
LE ROY tienne, 1990b, Ē Le justiciable africain
et la redcouverte dÕune voie ngocie de rglement des conflits Č, Afrique
Contemporaine, 4e trimestre,
n” 156 (spcial), p 111-120
LE ROY tienne, 1991, Ē Les usages politiques du
droit Č, COULON Christian, MARTIN Denis-Constant (ds.), Les afriques
politiques, Saint-Amand
(Cher), La Dcouverte, Col. Textes lÕappui, Srie Histoire contemporaine, 294
p (109-122)
LE ROY tienne, 1995, Ē Les enjeux de la
gouvernementalit Č, LE ROY tienne, KARSENTY Alain, BERTRAND Alain
(ds.),1996, La scurisation foncire en Afrique - Pour une Gestion viable
des ressources renouvelables,
Clamecy, Karthala, 388 p (233-239)
LE ROY tienne, 1997a, Ē La formation de lÕtat
en Afrique, entre indignisation et inculturation Č, GEMDEV (d.), Les
avatars de lÕtat en Afrique,
Paris, Karthala, p 7-21
LE ROY tienne, 1997b, Ē La face cache du
complexe normatif en Afrique noire francophone Č, ROBERT Philippe,
SOUBIRAN-PAILLET Francine, van de KERCHOVE Michel (ds.), Normes, Normes
juridiques, Normes pnales - Pour une sociologie des frontires - Tome I, CEE, LÕHarmattan, Col. Logiques Sociales,
Srie Dviance/GERN, 353 p (123-138)
LE ROY tienne, 1997c, Ē Contribution la
ŌrefondationÕ de la politique judiciaire en Afrique francophone partir
dÕexemples maliens et centrafricains Č, Afrika Spektrum, 32. Jahrgang, n” 3, p 311-327
LE ROY tienne, 1997d, Ē Gouvernance et
dcentralisation ou le dilemme de la lgitimit dans la rforme de lÕtat
africain de la fin du XXme sicle Č, GEMDEV (d.), Les avatars de
lÕtat en Afrique, Paris,
Karthala, 153-160
LE ROY tienne, 1999, Le jeu des lois. Une
anthropologie Ē dynamique Č du Droit, France, LGDJ, Col. Droit et Socit, Srie
anthropologique, 415 p
LE ROY
tienne, 2004, Les Africains et l'Institution de la Justice,
Paris, Dalloz, 283 p
LE ROY tienne, KARSENTY Alain, BERTRAND Alain
(ds.),1996, La scurisation foncire en Afrique - Pour une Gestion viable des
ressources renouvelables,
Clamecy, Karthala, 388 p
LE ROY tienne, KUYU Camille Mwissa, 1996, La
politique franaise de coopration judiciaire : bilan et perspectives, 29 p, publi dans Observatoire permanent
de la Coopration franaise, Rapport 1997, Paris, Karthala, 1997, p 36-65
LEYDET Dominique, 1997, Ē Mondialistation et
dmocratie : la notion de socit civile globale Č, in CRPEAU
Franois, Mondialisation des changes et fonctions de lÕtat, Bruxelles, Bruylant, 294 p (255-279)
LUMMIS C. Douglas, 1996, Radical Democracy, Ithaca and London, Cornell University Press,
185 p
MOORE Sally Falk, 1973, Ē Law and Social Change :
The Semi-Autonomous Social Field as an Appropriate Subject of Study Č, Law
and Society Review, Summer, p
719-746
MOREAU DEFARGES Philippe, 2003, La gouvernance, Vendme, PUF, Que sais-je ?, 127 p
NANDY Ashis, 1983, The Intimate Enemy. Loss and
Recovery of Self Under Colonialism, 121 p, in Exiled at home. Comprising At the Edge of Psychology,
The Intimate Ennemy, Creating a Nationality, Delhi, Oxford University Press, 1998
NANDY Ashis, 1988, Ē La culture, lÕtat et la
redcouverte dÕune politique indienne Č, Interculture, Vol. XXI, n” 2, Cahier n” 99, p 2-19
NANDY Ashis, 1997, Ē State Č, SACHS Wolfgang
(d.), The Development Dictionary. A Guide to Knowledge as Power, Great Britain, Zed Books, 306 p (264-274)
OSMONT Annick, 1997, Ē LÕtat efficace selon la
Banque mondiale. Les villes et lÕajustement structurel Č, GEMDEV, Les
avatars de lÕtat en Afrique,
Paris, Karthala, 338 p (95-114)
OST Franois, van de KERCHOVE Michel,
2002, De la pyramide au rseau ? Pour une thorie dialectique du droit, Bruxelles, Facults
Universitaires Saint Louis, 596 p
OST Franois, 2004, Ē Stand up for your
rights ! Č, 19 p
PANIKKAR Raimundo, 1982, Ē Alternatives la
culture moderne Č, Interculture, Vol. XV, n” 4, Cahier 77, p 5-16
PANIKKAR Raimon, 1988, Ē What is Comparative
Philososphy Comparing ? Č, in LARSON Gerald James & DEUTSCH
Eliot, Interpreting Across Boundaries. New Essays in Comparative Philosophy, USA, Princeton University Press, p 116-136
PANIKKAR Raimundo, 1990, Ē Cessons de parler du
Ōvillage globalÕ Č, VACHON Robert (d.), 1990, Alternatives au
dveloppement. Approches interculturelles la bonne vie et la coopration
internationale, Victoriaville
(Qubec), Institut Interculturel de Montral - dititons du Fleuve, Col.
Alternatives, 350 p (79-81)
PANIKKAR Raimon, 1995a, Cultural Disarmament - The
Way to Peace, USA,
Westminster John Knox Press, 142 p
PANIKKAR Raimon, 1999a, Ē Les fondements de la
dmocratie (force, faiblesse, limite) Č, Interculture, n” 136, p 4-23
PANIKKAR Raimon, 1999b, Ē La dcouverte du
mtapolitique Č, Interculture, n” 136, p 24-60
PETERSEN H., ZAHLE H. (ds.),1995, Legal Polycentricity : Consequences
of Pluralism in Law, UK,
Dartmouth, 245 p
PIEL Jean, 1999, Ē De quelques considrations
lexicales et historiques propos de la ŌmondialisationÕ Č, GEMDEV (d.),
1999, Mondialisation. Les mots et les choses, France, Karthala, 358 p (141-166)
POLANYI Karl, 1998 (1944), La grande
transformation. Aux origines politiques et conomiques de notre temps, France, Gallimard, 419 p
RAHNEMA Majid, 1997, Ē Poverty Č, SACHS
Wolfgang (d.), The Development Dictionary. A Guide to Knowledge as Power, Great Britain, Zed Books, 306 p (158-176)
RAHNEMA Majid, 2003, Quand la misre chasse la
pauvret, France, Fayard /
Actes Sud, 321 p
RANDERIA Shalini, 2002, Ē Protecting the Rights
of Indigenous Communities in the New Architecture of Global Governance :
The Interplay of International Institutions and Postcolonial States Č,
PRADHAN Rajendra (d.), Legal Pluralism and Unofficial Law in Social,
Economic and Political Development. Volume III, ICNEC, Kathmandu, 417 p (175-189)
RAHNEMA Majid, 1997, Ē Participation Č,
SACHS Wolfgang (d.), The Development Dictionary. A Guide to Knowledge as
Power, Great Britain, Zed
Books, 306 p (116-131)
RAHNEMA Majid, 2003, Quand la misre chasse la
pauvret, France, Fayard /
Actes Sud, 321 p
RIST Gilbert, 1996, Le dveloppement. Histoire
dÕune croyance occidentale,
France, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, Col.
Rfrences indites, 426 p
ROBERTSON Roland, 1994, Globalization - Social
Theory and Global Culture,
UK, Sage Publications, Theory, Culture & Society Series, 211 p
ROBERTSON Roland, 1996, Ē Mapping the Global
Condition : Globalization as the Central Concept Č, FEATHERSTONE Mike
(d.), Global Culture - Nationalism, Globalization and modernity, Great Britain, Sage Publications, A Theory,
Culture & Society special issue, 411 p (15-30)
ROCHEGUDE Alain, 2002, Ē De la pyramide au rseau
? de la ncessit du politique dans la production du droit Č, Revue interdisciplinaire d'tudes
juridiques n” 49 spcial : Le
droit en perspective interculturelle, sous la direction de Christoph Eberhard,
p. 117-136
SACHS Wolfgang, 1997, Ē One World Č, SACHS
Wolfgang (d.), The Development Dictionary. A Guide to Knowledge as Power, Great Britain, Zed Books, 306 p (102-115)
SACHS Wolfgang, 1990, LÕarchologie du concept de
dveloppement, Interculture, Volume XXIII, n” 4, Cahier n” 109, 41 p
SALL Babacar, 1997, Ē Antatisme et modes sociaux
de recours Č, GEMDEV, Les avatars de lÕtat en Afrique, Paris, Karthala, 338 p (247-257)
SCHOLTE Jan Aart, 1998, The International Monetary
Fund and Civil Society. An Underdeveloped Dialogue., Working Paper Series, n” 272, The Hague, Institute of Social Studies, 56 p
SERFATI Claude, 2003, Ē Les dynamiques de la
gouvernance globale Č, Cahier du GEMDEV, n” 29, p 17-25
SIMOULIN Vincent, 2003, Ē La gouvernance et
lÕaction publique : le succs dÕune forme simmlienne Č, Droit et
Socit, n” 54, p 307-328
SHIVA Vandana, 1997, Ē Resources Č, SACHS
Wolfgang (d.), The Development Dictionary. A Guide to Knowledge as Power, Great Britain, Zed Books, 306 p (206-218)
SHIVA Vandana, 2001, Le terrorisme alimentaire.
Comment les mutlinationales affament le tiers-monde, France, Fayard, 197 p
SIZOO dith (d.), 2000, Ce que les mots ne disent pas. Quelques
pistes pour rduire les
malentendus interculturels : la singulire exprience des traductions de la plate-forme de l'Alliance pour un
monde responsable et solidaire, France,
ditions Charles Lopold Mayer, 106 p
SMOUTS M.C., 1998, Ē Du bon usage de la
gouvernance en relations interntionales Č, Revue Internationale des
Sciences Sociales, n” 55, p
85-94
SOGGE David, 2003, Les mirages de lÕaide
internationale. Quand le calcul lÕemporte sur la solidarit, Tunis, Enjeux Plante, 330 p
TRUBEK David M., 1972, Ē Toward a Social Theory
of Law : An Essay on the Study of Law and Development Č, The Yale
Law Journal, 82, n” 1, p 1-50
VACHON Robert, 1990, Ē LÕtude du pluralisme
juridique - une approche diatopique et dialogale Č, Journal of Legal
Pluralism and Unofficial Law,
n” 29, p 163-173
VACHON Robert (d.), 1990, Alternatives au
dveloppement. Approches interculturelles la bonne vie et la coopration
internationale, Victoriaville
(Qubec), Institut Interculturel de Montral - dititons du Fleuve, Col.
Alternatives, 350 p
VACHON Robert, 1997, Ē Le mythe mergent du
pluralisme et de lÕinterculturalisme de la ralit Č, Confrence donne au
sminaire Pluralisme et Socit, Discours alternatifs la culture dominante, organis par lÕInstitut Interculturel de
Montral, le 15 Fvrier 1997, 34 p, consultable sur http://www.dhdi.org
VACHON Robert, 1998, Ē LÕIIM et sa revue : Une
alternative interculturelle et un interculturel alternatif Č, Interculture, n” 135, p 4-75
VACHON Robert, 2000, Ē Au-del de
lÕuniversalisation et de lÕinterculturation des droits de lÕhomme, du droit et
de lÕordre ngoci Č, Bulletin de liaison du Laboratoire
dÕAnthropologie Juridique de Paris, n” 25, p 9-21
VANDERLINDEN Jacques, 1996, Ē Rendre la
production du droit aux ŌpeuplesÕ Č, Politique Africaine, n” 62, p 83-94
ZAGARIS Bruce, 1988, Ē Law and Development or
Comparative Law and Social Change Š The Application of Old Concepts in the
Commonwealth Caribbean Č, University of Miami Inter-American Law Review, n” 19, p 549-593
[1] Lorsque jÕcris
Ē Droit Č avec une majuscule, cÕest pour rfrer la juridicit
telle quÕentendue par les anthropologues du Droit, et dont le
Ē droit Č avec minuscule, compris lÕoccidentale, ne constitue que
la pointe merge de lÕiceberg.
[2] Il est possible que des
chercheurs chinois se joignent aussi la dynamique.
[3] Les rsultats de cette recherche
ont t publis sous forme dÕun numro thmatique de la Revue
Interdisciplinaire dÕtudes Juridiques, Ē Le Droit en perspective
interculturelle. Images rflchies de la pyramide et du rseau Č (Eberhard
2002b).
[4] Voir par exemple des ouvrages
introductifs une rflexion sur la gouvernance ou plus approfondis tels que
Arnaud 2003, Calame 2003, Gaudin 2002, Moreau Defarges 2003. Outre les
dveloppements qui vont suivre, il serait aussi intressant de mener une tude
smantique sur la manire dont ces concepts sont traduits dans diffrentes
langues et quoi renvoient leurs quivalents. JÕai particip au questionnement
interculturel des termes principaux dÕun texte vise internationale traduit
dans de nombreuses langues, la Charte pour un Monde responsable et solidaire o
il apparaissait trs clairement que toute traduction tait une trahison,
dÕautant plus grande que les langues taient loignes (Sizoo 2000).
[5] Et notons quÕen
Ē moulant Č les expriences diverses dans un champ smantique donn,
on passe la plupart du temps ct de lÕoriginalit de ces expriences et on
ne les construit que de manire caricaturale selon le principe de lÕenglobement
du contraire (sur lÕenglobement du contraire, concept emprunt Louis Dumont,
voir Eberhard 2003 : 11-15).
[6] Pour les liens entre altrit,
complexit et interculturalit dans une perspective dÕanthropologie du Droit,
voir Eberhard 2005.
[7] Voir la clbre mtaphore de
Boaventura de Sousa Santos du droit comme carte de lecture dforme de la
ralit (1988).
[8] Pour une prsentation plus
approfondie du principe de lÕenglobement du contraire et de ses enjeux dans le
domaine du Droit voir Eberhard 2003.
[9] Voir notamment sur ce concept
Petersen & Zahle 1995. Voir aussi Arnaud 2003 : 185-191.
[10] Toutes les citations en langue
trangre ont t traduites par lÕauteur.
[11] Pour des dfinitions
introductives de la globalisation voir Arnaud 1998 : 21 ss, Beck 2000,
Dagorn 1999, Piel 1999, Robertson 1994 & 1996. Sur le paradigme mergent
dÕune Ē re globale Č remettant en question les acquis de la
modernit voir par exemple Albrow 1999.
[12] Voir par exemple les
dveloppements dans Boaventura de Sousa Santos 1995 : 250 ss. Voir aussi
Delmas-Marty 1998.
[13] Sur lÕarchtype rationaliste
sous-tendant cet imaginaire voir Eberhard 2002a : 145-152.
[14] Voir par exemple Arnaud 2003. Et
voir les distinctions pertinentes que fait tienne Le Roy (1999 : 38-42)
entre modles de systme, modles de phnomne et modles processualistes.
[15] Voir Sachs 1997, Panikkar 1990,
Esteva & Prakash 1998
[16] Voir sur la drive du
Ē grand systme Č Balandier 2001.
[17] JÕai explicitement commenc
rflchir en termes de plurivers par rapport au Droit en contexte de
globalisation dans Eberhard 2000.
[18] Comparer avec les rflexions dveloppes dans Vachon
2000.
[19] Sur ces questions, il est utile
de se reporter Panikkar 1982, 1999a & 1999a et Vachon 1990 & 2000
[20] Pour des premires dfinitions
voir Rist 1996 et Sachs 1990.
[21] Bien que mme cette vision
semble fortement imprgne dÕvolutionnisme.
[22] On peut mme dater le jour de
lÕavnement de lÕre du dveloppement o des milliards dÕtres humains sont
soudainement devenus sous-dvelopps : le 20 janvier 1949, investiture du
prsident Truman qui dclarait dans son discours Ē We must embark on a
bold new program for making the benefits of our scientific advaces and
industrial progress available for the improvement and growth of underdeveloped
areas. Č (voir
Esteva 1997 : 6).
[23] Sur les multiples visages de
Ē lÕaide au dveloppement et de ses enjeux Č voir Sogge 2003.
[24] Pour une discussion des notions
de pauvret, de besoins et de standard de vie lÕge de la globalisation voir
Rahnema 1997, Illich 1997 et Latouche 1997.
[25] Ē Le foss entre Nord et
Sud sÕagrandit alors de plus en plus vite de sicle en sicle, pour passer
finalement de 1 6 au dbut des annes 50 pratiquement 1 63 en ce dbut de
XXI sicle. La polarisation de la richesse entre les rgions et entre les
individus atteint des sommets inusits. Selon le dernier rapport du PNUD (1999),
si la richesse de la plante a t multiplie par 6 depuis 1950, le revenu
moyen des habitants de 100 des 174 pays recenss est en plein rgression, de
mme que lÕesprance de vie. Les 3 personnes les plus riches du monde ont une
fortune suprieure au PIB total des 48 pays les plus pauvres. Le patrimoine des
15 individus les plus fortuns dpasse le PIB de toute lÕAfrique subsaharienne.
Enfin, les avoirs des 84 personnes les plus riches surpassent le PIB de la
Chine, avec son 1,2 milliards dÕhabitants. Č (Latouche 2003 : 126).
[26] Il est dÕailleurs intressant de
noter que le dveloppement est quelque chose quÕon applique quelquÕun. Pour
parler de lÕaccumulation de richesses pour les pays occidentaux, dj
Ē dvelopps Č on parle plutt en terme de Ē croissance Č.
Les autres par contre doivent se dvelopper par une imposition du
dveloppement.
[27] Alors quÕil faut garder
lÕesprit que les trois quarts de la population indienne est rurale.
[28] La notion de
Ē dveloppement durable Č merge dans les annes 1980. Il est dfini
comme Ē le dveloppement qui rpond aux besoins du prsent sans
compromettre la capacit des gnrations futures de rpondre aux leurs Č
dans le rapport des Nations Unies Notre avenir tous de 1987. Le PNUD a aussi initi
une rflexion sur un dveloppement plus centr sur lÕhomme pour se librer du
carcan de lÕajustement structurel qui commenait montrer ses limites et
ncessitait dÕtre repens avec Ē un visage plus humain Č (Ben
Hammouda 1999 : 8-9).
[29] Ē Homme Č avec
majuscule renvoie ici lÕtre humain, au Mensch en allemand.
[30] Voir par exemple Vachon 1990 et
La ligne dÕhorizon 2003.
[31] Mais notons dj ici lÕambigut
de la notion idologise de Ē participation Č qui connote
positivement, lgitime en soi toutes sortes dÕintervention sans quÕon
sÕintresse aux modalits concrtes, aux jeux et enjeux de pouvoir. Nous
reviendrons sur cette question importante en traitant un peu plus bas de la
Ē socit civile Č.
[32] Pour Claude Serfati (2003 :
18) en anglais le terme de gouvernance Ē qualifie dÕune part lÕexercice
de lÕautorit, le contrle, autrement dit le ŌgouvernementÕ exerc par une
institution, et dÕautre part une mthode de gouvernement ou de gestion. Certes
on peut admettre une certaine complmentarit entre les deux dfinitions,
puisque lÕexercice de lÕautorit sÕappuie videmment sur un certain nombre de
mthodes. Pourtant, lÕutilisation abondante du terme de gouvernance a pour
rsultat de dissocier les deux dimensions, voire de les opposer. Ceux qui
mettent lÕaccent sur les mthodes et les procdures distinguent soigneusement
gouvernance et gouvernement (au sens du pouvoir), parfois mme gouvernance et
autorit. Telle est le sens donn la dfinition trs connue de Rosneau
(1997 : 183) : Ōla gouvernance globale (Éest) la somme de myriades Š
au sens littral de millions Š de mcanismes de contrles actionns par
diffrentes histoires, diffrents buts, diffrentes structures, diffrents
processusÕ (É) La gouvernance comprise comme ensemble de mthodes, nÕest donc
pas fonde sur la domination mais sur
lÕaccomodement (Smouts 1997) Č. Voir aussi les dveloppements sur le
mythe de la gouvernance dpolitise dans Jobert 2003.
[33] Voir Gervais 1997, Osmont 1997,
Campbell 1997a. Voir aussi pour lÕvolution de lÕajustement, de son mergence
au post-ajustement Ben Hammouda 1999.
[34] Voir dans ce contexte par
exemple les rflexions sur la coopration judiciaire franaise avec lÕAfrique
dans Le Roy & Kuyu 1996.
[35] Cette question de la lgitimit
de lÕtat, lie entre autres celle dÕefficacit est primordiale. Comme le
remarque Bernard Husson (1997 : 26) Ē Dans la plus grande partie
des pays dÕAfrique, lÕtat est rcus en tant quÕinstance capable de mobiliser
les forces sociales du pays autour dÕun projet dÕavenir. On constate au
contraire une dconnexion entre dtention du pouvoir et lgitimit. Č Voir aussi les rflexions
dÕtienne Le Roy (1999 : 263-267) sur les exigences de lÕtat de Droit qui
comportent la conformit de lÕtat aux reprsentations et aux valeurs de
socit du plus grand nombre, ce qui nÕest souvent pas le cas en Afrique.
[36] Ces analyses gagnent tre
mises en perspective par les dveloppements de Bertrand Badie sur les tats
entre ruse et responsabilit dans un monde sans souverainet (1999). Voir aussi
de Senarclens (2002) qui analyse les mutations et reconfigurations du rle
lÕtat dans les nouveaux rapports de pouvoir qui mergent avec les dynamiques
de globalisation.
[37] Pour une illustration dÕune
telle approche dans le domaine du foncier voir par exemple Le Roy, Karsenty
& Bertrand 1996. Comparer aussi avec lÕapproche dÕune humane governance par une prise en compte des grassroots
movements
propos par Rajni Kothari (1990a : 2ss).
[38] Pour une trs bonne introduction
aux ambiguts et aux enjeux des notions de Ē socit civile Č et de
Ē socit civile globale Č tant au niveau descriptif que prescriptif
voir Leydet 1997.
[39] Voir aussi Bayart 1987 et mettre
en relation avec Le Roy 1997b. Sur la question des rseaux voir entre autres
les contributions sur lÕAfrique dans Eberhard 2002b. On peut aussi se poser la
question de la pertinence de parler de Ē socit civile Č dans des
contextes qui ne la connaissent pas et ne la reconnaissent pas officiellement
telle la Chine par exemple.
[40] Sur la difficult de la prise en
compte des structures ou dynamiques traditionnelles quand on raisonne en termes
de Ē socit civile Č voir par exemple Mandani & Wamba-Dia-Wamba
1997, Sall 1997.
[41] Un exemple concret intressant
est celui de la tontine qui dans la plupart des contextes africains est LE
mcanisme de crdit et dont on pourrait sÕinspirer dans une refonte des du mode
de fonctionnement des banques africaines (voir Henry, Tchente &
Guillerme-Dieumegard 1991.
[42] Dans ce contexte, il est aussi
utile de garder lÕesprit le caractre fort slectif du dialogue des
institutions avec la Ē socit civile Č qui a tendance se muter en
Ē cooptation Č par les institutions de dynamiques
Ē populaires Č en vue de leur confrer une plus grande lgitimit.
Voir par exemple pour une analyse du dialogue entre le Fonds Montaire
International et la socit civile Scholte 1998.
[43] Il est intressant de mettre en
rapport cette constatation avec les interrogations de Lagroie et de Simant sur
lÕmergence chez des individus du sentiment de Ē pouvoir agir sur les
choses Č (2003 : 60).
[44] Ce qui fait penser ce quÕils
doivent devenir Ē adultes Č, grandir Š on est l encore dans les
reprsentations volutionnistes o les occidentaux ou occidentaliss
dveloppes sont les matures et les Ē autres Č les Ē enfants Č.
[45] Dans ce contexte, le lecteur
pourra tre intress par le dernier ouvrage dÕtienne Le Roy, Les Africains et l'Institution de la Justice (2004) dont lÕobjet Ē (É) est de mettre
jour les fondements dÕune incomprhension qui affecte la vie juridique et les
politiques judiciaires en Afrique ds lors que quÕon ignore, plus ou moins
volontairement, le ddoublement des modes de rglement de conflit qui en
rsulte. En effet, les modes ŌformelsÕ cÕest--dire officiels et tatiques sont
ŌdbordsÕ par des modes ŌinformelsÕ, officieux, occults ou illgaux selon le
cas. Cette situation de ddoublement et de dbordement existe depuis les
origines de lÕintroduction du modle occidental et tatique de la Justice dans
le contexte colonial. Elle tait tenue pour temporaire et transitoire, donc
acceptable selon les critres de lÕpoque. Les concepteurs de politiques
pensaient en effet au dbut du XXme sicle que la vertu de la Justice ŌvraieÕ
devait lÕemporter au nom des Ōprincipes de civilisationÕ puis par lÕeffet
dÕentrainement des politiques de dveloppement. Il faut bien reconnatre
pourtant quÕun sicle aprs la mise en place dÕInstitutions judiciaires
europennes puis sur le modle europen , les justices dites indignes,
coutumires ou populaires se portent bien. Mme si leur statut hybride et leur
fonctionnement mriteront de nouvelles tudes (É) leur dynamique est
irrcusable et doit tre prise en compte par toute politique rformatrice. Le
cĻur de cet ouvrage sera donc consacr une anthropologie historique et
politique de la justice en Afrique noire depuis un sicle. Č (p VII-VIII).
[46] Il est intressant de contraster
et de complter cette approche par lÕapproche de la planification par Arturo
Escobar (1997).
[47] Et voir mme dans Eberhard 1999
ma mfiance de parler en termes de Ē projet de socit Č dans
certains contextes, cette notion tant elle aussi probablement trop moderne
pour tre interculturellement valable.
[48] Pour la problmatique des
Ē pratiques alternatives du droit Č voir par exemple Arnaud
2003 : 249-260, Huyghebaert & Martin 2002. Pour une rflexion de
pratiques alternatives du droit des pratiques alternatives au Droit voir
Eberhard 2002c.
[49] Voir par exemple Kothari 1990b.
[50] En suivant par exemple Le Roy
1991 ou Rochegude 2002.
[51] Et on peut se demander si voir
du Droit partout ne trahit pas parfois outre une dformation de juriste, celle
plus spcifique de lÕantropologue du Droit qui a trs tendu la notion de Droit
pour pouvoir sÕatteler la comparaison du droit occidental avec ses
quivalents homomorphes dans dÕautres cultures, au risque de juridiciser
indment certaines ralits ? Ceci risque de poser surtout problme dans
les cas o lÕanthropologue du Droit glisse de la description la prescription
et se fait lÕavocat de pratiques juridiques non-tatiques pour les faire
reconnatre dans la sphre institutionnelle tatique. Pour amorcer une
rflexion plus particulirement en ce qui concerne les conditions diffrentes
dans lesquelles peuvent fonctionner justices Ē formelle Č et
Ē informelle Č voir Abel 1982 (surtout son introduction p 1-13). Voir
aussi Eberhard 2002c.
[52] cÕest--dire aux quivalents
fonctionnels par rapport la vision du monde dÕune autre culture. Voir pour
une prsentation de ce concept emprunt Raimon Panikkar : Eberhard 2002a :123-124.
[53] Pour ce concept voir Moore 1973.