28/09/2004

 

 

Droit, gouvernance et dŽveloppement durable

Quelques rŽflexions prŽliminaires

 

Christoph Eberhard

 

FacultŽs universitaires Saint Louis, Bruxelles

Laboratoire dÕAnthropologie Juridique de Paris

 

(Article ˆ para”tre dans Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques, n” 53, dŽcembre 2004)

 

Ē Penser que quelques uns sont pŽriphŽriques, cÕest penser quÕil y a un centre. Or la ŌdŽcentralisationÕ peut venir seulement si chacun de nous se con-centre et trouve son centre et son centre concentrique avec les autres centres du monde. Il y a ici toute une anthropologie ˆ faire. La ŌdŽcentralisationÕ peut avoir lieu si je trouve mon centre et que je commence ˆ dŽcouvrir que mon centre est aussi concentrique avec les autres centres. Donc chacun de nous peut dire : je suis le roi et le centre du monde. Et il en est ainsi partout.

On nÕa donc pas besoin dÕaller Ōwhere the action isÕ. (É) CÕest pour cela que jՎcris

ŌdŽcentralisationÕ entre guillemets car je prŽfŽrerais parler de vraie centralisation Č

(Panikkar  1982 : 15-16)

 

 

Le prŽsent article sÕinscrit dans la dynamique de recherche Ē Droit, gouvernance et dŽveloppement durable Č. Cette dernire a ŽtŽ initiŽe en janvier 2004 et est hŽbergŽe aux FacultŽs Universitaires Saint Louis ˆ Bruxelles. Elle est financŽe par la Fondation Charles LŽopold Mayer pour le progrs de lÕhomme (FPH), se poursuivra sur quatre ans et vise ˆ questionner la problŽmatique du Droit[1], de la gouvernance et du dŽveloppement durable dans un contexte de globalisation ˆ travers des Žclairages interculturels. Seront croisŽes des perspectives nord-amŽricaines (UniversitŽ de MontrŽal), sud-amŽricaines (Nucleo de direitos Humanos Š Pontificia Universidade Catolica do Rio de Janeiro), africaines (Laboratoire dÕanthropologie juridique de Paris - LAJP) et indiennes (avec un rŽseau indien Droit et SociŽtŽ qui est en voie de constitution)[2] en vue de dŽgager les enjeux de la restructuration du champ juridique ˆ lՉge de la globalisation. Une premire Žtape est la publication en 2005 dÕun ouvrage collectif portant sur la problŽmatique Ē Droit, gouvernance et responsabilitŽs Č.

 

Comme coordinateur de cette dynamique et comme chercheur se situant dans lÕentre-deux de la thŽorie et de lÕanthropologie du Droit, il me semble pertinent dÕinscrire la prŽsente recherche dans la continuitŽ dÕun travail menŽ en 2001-2002 aux FacultŽs Universitaires Saint Louis en collaboration avec le LAJP et portant sur une mise en perspective interculturelle du Droit[3]. Il appara”t en effet que le croisement de perspectives occidentales et non-occidentales permet de dŽcentrer notre regard et de rŽvŽler des enjeux sous-jacents et souvent non-explicitŽs. Ceci permettrait dÕenrichir nos approches occidentales du Droit, mais aussi de prospecter les chemins dÕalternatives culturelles diffŽrentes des institutions modernes qui ont ŽtŽ exportŽes sur toute la plante. Dans certaines ex-colonies ces dernires se sont trouvŽes indigŽnisŽes, dans dÕautres elles nÕont pas su tre vŽritablement reues, et ceci aprs des dŽcennies et des dŽcennies dÕindŽpendance. En outre, la problŽmatique plus particulire du Droit entre pyramides et rŽseaux de cette dernire recherche fait Žcho aux problmes soulevŽs par nos nouveaux questionnements : celle dÕun Droit qui appara”t de plus en plus multiple, voire ŽclatŽ, de plus en plus souple, de plus en plus dŽlocalisŽ Š ce qui nÕest pas sans poser des questions sur les nouveaux fondements de la lŽgitimitŽ, de lÕautoritŽ et des rapports entre Droit et pouvoir(s).

 

Dans le prŽsent texte, jÕaimerais soulever quelques questions prŽliminaires qui me semblent incontournables pour notre rŽflexion Š du moins du point de vue dÕune approche anthropologique et interculturelle. LÕarticle reflŽtera avant tout une dŽmarche qui part de contextes non-occidentaux en prise avec un droit, une gouvernance, un dŽveloppement durable compris ˆ lÕoccidentale, et reflŽtera ce faisant plus particulirement la sensibilitŽ du groupe de recherche du LAJP dans notre dynamique. Il sÕagira avant tout de faire un bref inventaire de quelques interrogations qui mÕapparaissent comme fondamentales. Cependant, ces dernires nÕont dÕune part aucune prŽtention ˆ lÕexhaustivitŽ et seront dÕautre part exposŽes de manire assez succinte, quitte ˆ tre approfondies par la suite au cours de notre dynamique de recherche commune.

 

Il sÕagira pour lÕinstant de questionner les points de dŽpart, ou les portes dÕentrŽe de notre rŽflexion autour de la gouvernance, de la globalisation et du Droit, et du nouveau partage du pouvoir et des responsabilitŽs. Il est en effet intŽressant de noter que si beaucoup dÕauteurs en essayant de dŽfinir les concepts tels que Ē gouvernance Č, Ē dŽveloppement durable Č, Ē sociŽtŽ civile Č, relvent leur caractre polysŽmique et flou, peu dÕentre eux questionnent la pertinence mme de ces concepts Š autant quant ˆ leur valeur descriptive, que prescriptive, en rapport plus particulirement avec des contextes non-occidentaux[4]. Comme nous le montrerons, du point de vue descriptif, des pans entiers de la rŽalitŽ socio-juridique sont passŽs sous silence dans la majoritŽ des rŽflexions qui ne prennent en compte que les rŽalitŽs qui se laissent mouler dans le champ sŽmantique de lÕapproche politico-Žconomico-juridique occidentale et ignorent les autres[5]. Et du point de vue prescriptif, il semblerait que les seuls horizons ultimes pour un vivre ensemble Ē en dignitŽ, en solidaritŽ et en paix Č restent les concepts occidentaux que sont la Ē bonne gouvernance Č, Ē la dŽmocratie Č, Ē les droits de lÕhomme Č, Ē le dŽveloppement durable ČÉ

 

Il est indispensable de questionner ces points dÕentrŽe pour pouvoir dŽgager des problŽmatiques communes, non pas en les posant a priori comme cadre dÕanalyse, mais en les construisant patiemment ˆ travers une dŽmarche comparative, voire imparative, si on entend par cette dernire comme Raimon Panikkar (1988 : 127-129) une dŽmarche qui, au delˆ de la comparaison, consiste ˆ apprendre en sÕouvrant aux diffŽrentes expŽriences humaines et qui oblige donc dÕaccepter la mŽtamorphose de nos propres points de vue et cadres conceptuels en cours de route. Ce nÕest quÕune telle dŽmarche additive qui permet de poser les fondements dÕune vŽritable dŽmarche dialogale, seule apte ˆ aborder les dŽfis contemporains de lÕaltŽritŽ, de la complexitŽ et de lÕinterculturalitŽ[6]. A dŽfaut on risque de tomber dans le vŽritable pige ŽpistŽmologique que constitue lÕenglobement du contraire.

 

Ce dernier, et son influence masquŽe dans notre vision moderne du monde, a ŽtŽ dŽgagŽ par Louis Dumont, anthropologue qui aprs avoir travaillŽ longuement sur une sociŽtŽ trs hiŽrarchisŽe, la sociŽtŽ indienne, et plus particulirement sur Ē son systme de castes et ses implications Č (Dumont 1979), sÕest intŽressŽ ˆ nos propres sociŽtŽs et plus particulirement ˆ lÕidŽologie moderne (Dumont 1991). Louis Dumont dŽcouvrit lÕenglobement du contraire dans son travail sur le holisme et la hiŽrarchie dans la sociŽtŽ indienne (1979 : 396-403) et sÕinterrogea sur son devenir dans nos sociŽtŽs modernes individualistes dont le mythe fondateur Žtait celui de lՎgalitŽ (1991 : 140-141). Il le dŽcrit comme une relation hiŽrarchique Ē entre un tout (ou un ensemble) et un ŽlŽment de ce tout (ou ensemble) : lՎlŽment fait partie de lÕensemble, lui est en ce sens consubstantiel ou identique, et en mme temps il sÕen distingue ou sÕoppose ˆ lui. Č (Dumont 1991 : 140-141). Notre approche des autres cultures est, ˆ notre insu, profondŽment marquŽe par ce principe. Nous construisons une catŽgorie gŽnŽrale dÕhumanitŽ dans laquelle toutes les cultures sont construites explicitement comme Žgales, mais implicitement cÕest la culture occidentale et ses constructions politiques, juridiques, Žconomiques etc qui constituent le modle implicite, lÕhorizon Žvident en soi pour tous. Cette hiŽrarchisation implicite et le refoulement de la hiŽrarchie aboutissent, au-delˆ de la simple non reconnaissance de lÕoriginalitŽ des cultures non-occidentales dans un vŽritable principe structurant de la pensŽe moderne qui se reflte dans la pensŽe dichotomique, du Ē tiers exclu Č, et o les deux termes ne sont pas Žgaux mais dans une relation hiŽrarchique. Nous avons tendance - et peut-tre dÕautant plus en tant que juristes qui avons appris ˆ regarder la sociŽtŽ ˆ travers les lentilles du droit[7] - ˆ raisonner ˆ partir de modles construits comme universels et posŽs a priori et nous dŽfinissons a contrario tout ce qui nÕy rentre pas. On peut donner comme exemple des couples dÕopposition tels que Ē universalisme Č et Ē particularismes Č, Ē modernitŽ Č et Ē traditions Č, secteurs Ē formel Č et Ē informel Č pour nÕen citer que quelques uns[8].

 

DÕo lÕimportance de questionner les points dÕentrŽe dans notre problŽmatique afin dՎviter autant que possible de nous faire piŽger. Dans cet article, il sÕagira de poser quelques ŽlŽments pour effectuer une premire ouverture quant ˆ la manire dont nous abordons les questions du Droit, de la gouvernance et du dŽveloppement durable. Nous espŽrons ˆ partir de lˆ initier une dynamique vŽritablement diatopique et dialogale o nous pourrons croiser les expŽriences de nos diffŽrents topoi autant quant aux pratiques, quÕaux logiques et visions du monde et de leurs relations respectives. Ceci permettra de reposer les questions en dŽgageant les points de rencontre mais aussi les points de divergence, non seulement au niveau des rŽponses aux questions dŽcoulant de la problŽmatique Ē Droit, gouvernance et dŽveloppement durable Č, mais aussi au niveau des questions mme ˆ poser Š ce qui pourra mener en cours de route ˆ ouvrir ou ˆ transformer notre champ de rŽflexion initial.

 

Quelles sont, pour lÕinstant, les notions clefs autour desquelles se structure notre champ de rŽflexion ? LÕhorizon plus vaste dans lequel sÕinscrit notre problŽmatique est celui de la globalisation. Dans cette dernire, on assiste ˆ une rŽorganisation du champ socio-politico-juridique o lՃtat perd sa prŽŽminence et o le gouvernement se trouve concurrencŽ par une gouvernance en qute dÕefficacitŽ, qui entra”ne dans son sillage lÕexigence dÕune participation accrue dans lÕorganisation du vivre-ensemble de la sociŽtŽ civile. La gouvernance tout en devant assurer lÕefficacitŽ de lÕorganisation sociale vise aussi ˆ une participation responsable de tous les citoyens en vue dÕun dŽveloppement durable profitant ˆ tous, respectable de lÕenvironnement et sauvegardant des ressources pour les gŽnŽrations futures. Enfin, dans une perspective juridique, se pose bien sur la question du Droit comme moyen de mettre en forme et de mettre des formes ˆ la reproduction des sociŽtŽs dans les domaines quÕelles considrent comme vitaux.

 

 

La globalisation

 

La globalisation constitue la toile de fonds de toutes les rŽflexions sur la gouvernance, sur le dŽveloppement durable et sur la rŽorganisation de plus en plus ŽclatŽ ou Ē polycentrique Č[9] des champs socio-juridiques. La globalisation est autre chose que la simple internationalisation, voire lՎmergence du transnational. Elle dŽnote Ē la compression du monde et lÕintensification de la conscience du monde comme un tout Č[10] (Robertson 1994 : 8). Elle renvoie au fait que notre monde est de plus en plus interconnectŽ et quÕon est de plus en plus obligŽ de penser Ē la structuration du monde comme un tout Č (Robertson 1996 : 20). Ceci implique de repenser ˆ c™tŽ de lՎmergence dÕune structuration globale, aussi les relations complexes entre global et local[11]. LÕidŽe sous-jacente est celle dÕ Ē un monde Č, voire du Ē village global Č, o nous devrions penser globalement pour agir localement. Si on ne peut nier le phŽnomne de globalisation comme dÕune part interdŽpendance accrue entre les diffŽrentes rŽgions du monde et dÕautre part comme problmes communs ˆ rŽsoudre, il faut nŽanmoins relever les mythes sous-jacents de la globalisation. Si la protection de lÕenvironnement, les patrimoines communs de lÕhumanitŽ voire les droits de lÕhomme ou les luttes altermondialistes peuvent appara”tre comme des enjeux globaux[12], il ne reste pas moins que la globalisation est fortement marquŽe par lÕimaginaire Žconomique dÕune part et systŽmique dÕautre part, les deux Žtant sous-tendu par une vision unitaire de la rŽalitŽ.

 

LÕimaginaire Žconomique ressort dans les nombreux Žcrits qui se focalisent sur lՎmergence dÕun marchŽ planŽtaire qui serait lÕidŽal ˆ atteindre pour une rŽpartition des richesses et une vie en paix, et qui marquerait mme pour certains la fin de lÕhistoire. Serge Latouche (1998 : 18) note que Ē La mondialisation, sous lÕapparence dÕun constat neutre, est aussi, en fait, un slogan, un mot dÕordre, qui incite ˆ agir dans le sens dÕune transformation souhaitable pour tous. Č Il ajoute que Ē la mondialisation de lՎconomie ne se rŽalise pleinement quÕavec lÕachvement de sa rŽciproque, lՎconomicisation du monde, cÕest-ˆ-dire la transformation de tous les aspects de la vie en questions Žconomiques, sinon en marchandises. Sous cette forme plus significative, en Žtant Žconomique, la mondialisation est de fait technologique et culturelle, et recouvre bien la totalitŽ de la vie de la plante Č (Latouche 1998 : 20-21).

 

La composante Žconomique de la globalisation contribue probablement aussi ˆ renforcer son imaginaire systŽmique sous-jacent[13]. Cet imaginaire ressort, a contrario, dans la plupart des analyses de la globalisation qui essayent avant tout de modŽliser les interactions dÕun systme de plus en plus complexe. Les divers acteurs et leurs stratŽgies ne font souvent partie de la description que comme ŽlŽments de modles systŽmiques[14]. Le projet moderne de la rationalisation du vivre ensemble (voir Bauman 1987 & 1993) semble exaltŽ par lՎthique Žconomique dont la neutralitŽ axiologique cache selon Serge Latouche une imposture ˆ deux niveaux : Ē celui de lÕapprŽhension de la ŌrŽalitŽÕ comme Žconomique ˆ travers lÕappareil conceptuel, et celui du ŌprŽjugŽÕ sur cette rŽalitŽ. Dans le premier cas, lÕappareil conceptuel issu du champ sŽmantique constitutif de lՎconomique (ŌbesoinÕ, ŌraretŽÕ, ŌutilitŽÕ, ŌvaleurÕ, ŌproductionÕ, ŌtravailÕ, etc.) met en place tout un imaginaire et transforme insidieusement le jugement de fait en jugement de valeur. Ces concepts, en effet, ne sont pas donnŽs par une rŽalitŽ ŌnaturelleÕ, ils ne sont pas purement et simplement dÕun Žtat de choses qui irait de soi. Ils ne font sens que sur la base de prŽsupposŽs naturalistes, hŽdonistes et individualistes issus des Lumires. (É) les Žconomistes en concluent que la rŽalitŽ Žconomique, pourvu quÕelle soit le rŽsultat du libre jeu des seules forces Žconomiques, est la plus efficiente, cÕest-ˆ-dire reprŽsente la construction du meilleur des mondes possibles. Cette conclusion est renforcŽe par le deuxime volet de lÕartifice Žconomiciste, qui consiste non seulement dans la construction dÕune sphre autorŽfŽrentielle de concepts vides, mais dans le prŽjugŽ moral positif imposŽ ˆ cette rŽalitŽ. Il sÕagit lˆ dÕun glissement plus insidieux encore selon lequel lÕefficience sÕidentifie au bien (Efficience=Avoir=Bonheur=Bien). Č

 

Ces deux imaginaires Žconomique et systŽmique sous-tendant la globalisation se retrouvent dans le mythe du dŽveloppement qui est intimement liŽ ˆ celui de la globalisation comme nous lÕentrapercevons dŽjˆ et comme nous le dŽvelopperons ci-dessous. Ils sont tous les deux sous-tendus par un mythe unitaire : le champ social peut-tre systŽmatisŽ, ordonnŽ et donc ramenŽ ˆ lÕunitŽ Š ce qui sÕaccompagne aussi de lÕidŽe quÕil pourrait devenir entirement comprŽhensible, donc transparent, et donc gŽrable rationnellement ˆ travers des lois uniformes gŽnŽrales et impersonnelles.

 

Le dŽfi, autant au niveau descriptif que prescriptif, consiste peut-tre ˆ sՎmanciper de lÕunivers de la globalisation[15]. Cet univers nÕexiste en effet que tant que lÕon regarde le monde comme un grand systme[16] qui doit tre gŽrŽ de la manire la plus rationnelle possible en amenant tous sur la voie du dŽveloppement, durable ou ˆ Ē visage humain Č, supposŽ apporter ˆ tous lÕopulence et favoriser dans le processus la paix entre les peuples. Outre lՎconomique et le systŽmique cÕest du Ē monde un Č quÕil faut sՎmanciper. Sa dŽsignation comme Ē village global Č nÕest-elle pas une contradiction dans les termes ? Un village est par nature local et non global. CÕest un lieu o les habitants se connaissent, partagent des manires de voire et des manires de faire, de vivre ensemble, et se distinguent dÕautres localitŽs. Parler de village global est au minimum un non-sens, voire mme une mystification qui fait miroiter ˆ ceux qui sont aux centres du pouvoir que leur perspective (celle du Ē village du pouvoir Č) est celle de tous les habitants de la plante. Cette rhŽtorique exclut de fait les perspectives diffŽrentes, qui sont ignorŽes ou qui sont au mieux considŽrŽes comme des reliques du passŽ qui doivent vite tre dŽpassŽes, voire intŽgrŽes dans le Ē systme Č. Or, nous vivons dans un plurivers[17] plut™t que dans un univers : et ce plurivers nÕest pas uniquement Ē postmoderne Č, ou plural dans le sens dÕun Žclatement des visions modernes de notre vivre ensemble, mais plus fondamentalement par le fait quÕil existe dÕautres fentres que la fentre moderne pour regarder le monde. LÕuniversalitŽ de la problŽmatique de la globalisation, du dŽveloppement, de la gouvernance ou des droits de lÕhomme nÕappara”t comme telle quՈ partir de lÕintŽrieur de notre vision du monde qui la pose comme telle. Mais ˆ lÕinstar des autres visions culturelles qui peuvent nous para”tre particularistes ou bornŽes, elle se rŽvle trs relative ds lors quÕon la regarde ˆ partir dÕune autre fentre culturelle[18]. Le plurivers est donc plus quÕun simple Ē plurivers postmoderne Č o la fragmentation se fait de plus en plus jour ˆ partir dÕune vision moderne du monde. CÕest reconna”tre que pour beaucoup dՐtre humains la modernitŽ telle que nous lÕavons conu en Occident, nÕa jamais ŽtŽ, et nÕest toujours pas, centrale Š et que cÕest bien ce pluralisme lˆ quÕil faudra aborder dans nos questionnements dÕune Ē globalisation Č plus interculturelle, si on ne veut pas se limiter ˆ lÕimposition dÕun cadre qui au plus ferait de la place ˆ lÕexotisme sous forme dÕautorisation, voire de valorisation dÕun Ē folklore Č : les cultures se rŽsumeraient uniquement ˆ des ornements ; le politique, le juridique et lՎconomique, que nous voyons comme au cĻur de la reproduction des sociŽtŽs, seraient par contre le monopole justement du politique, de lՎconomique et du juridique comme nous lÕentendons, ˆ lÕoccidentale[19].

 

Pour rŽsumer : le village global est aussi impossible que de penser globalement et dÕagir localement Š toute pensŽe nŽcessite une perspective, qui est forcŽment informŽe par lÕendroit o nous nous plaons. Nous sommes ainsi dÕune certaine manire tous des centres du monde et il nÕexiste pas un point de fuite, global, non-situŽ. Ce quÕon observe plut™t dans les faits cÕest que ceux qui disent penser globalement, agissent en fait sur une Žchelle globale tout en pensant localement, se spŽcialisant ainsi dans ce que Boaventura de Sousa Santos (1995 : 263) appelle les Ē localismes globalisŽs Č. On assisterait ainsi ˆ une nouvelle division internationale du travail, les centres du pouvoir se spŽcialisant dans la globalisation de ses localismes, dans lÕexportation de localismes globalisŽs ; les zones Ē pŽriphŽriques Č quant ˆ elles se spŽcialiseraient dans lÕimportation de ces localismes globalisŽs, donc dans la production de globalismes localisŽs. Il appara”t urgent de sortir de cette division de travail, de sÕengager dans une hŽtŽrotopie (de Sousa Santos 1995 : 479 ss) et de prendre les diffŽrents topoi au sŽrieux, ce qui implique dans nos recherches de nous orienter vers les dŽmarches diatopiques et dialogales, centrales au projet de lÕanthropologie du Droit (Eberhard 2001, Le Roy1990a, Vachon 1990).

 

 

Le dŽveloppement durable

 

Comme nous lÕavons entraperu ci-dessus, la globalisation et lՎmergence de la gouvernance sont sous-tendues par le mythe du dŽveloppement Žconomique qui est supposŽ apporter prospŽritŽ et paix ˆ tous. Commenons par dire quelques mots sur le dŽveloppement, avant de nous intŽresser ˆ son suffixe Ē durable Č.

 

En quoi consiste le dŽveloppement[20] ? SÕil sÕagit dÕune croissance organique permettant ˆ un organisme, ou ˆ une sociŽtŽ de se dŽvelopper jusquՈ maturitŽ, le dŽveloppement appara”t effectivement comme un idŽal qui peut tre souhaitable pour tous[21]. Mais la notion de dŽveloppement a une histoire et tra”ne avec elle tout une sŽrie de connotations. Au sortir de la deuxime guerre mondiale, lÕinvention du concept de dŽveloppement a crŽŽ dans son sillage lՎmergence dÕun monde sous-dŽveloppŽ et donc ˆ dŽvelopper[22]. La matrice est profondŽment occidentale, et le dŽveloppement a pu prendre la suite du r™le que pouvait jouer lors de lՎpoque des colonisations lÕidŽe de civilisation. Dans le passŽ le rapport de lÕoccident aux Ē autres Č sÕest longtemps manifestŽ comme mission de christianiser, de civiliser les barbares et les sauvages. On est passŽ ensuite ˆ lÕidŽe de devoir les dŽvelopper. Dans la perspective dÕune sociŽtŽ qui croit en la ma”trise absolue de lÕhomme sur la nature, en une Žvolution historique linŽaire vers le progrs, en lÕamassement illimitŽ de richesses (comme signe mme de gr‰ce divine), des sociŽtŽs valorisant par exemple lÕinscription de lÕHomme dans le cosmos, dans un temps cyclique et dont la cohŽsion sociale se structure plut™t autour de devoirs ˆ remplir plut™t que de droits ˆ exiger et qui pr™nent lÕautosuffisance, le contr™le de lÕaccroissement de richesses pour Žviter une possible concentration crŽatrice de situations de pouvoir et de dŽpendance, ne peuvent appara”tre que comme primitives, comme bloquŽes ˆ un stade antŽrieur du progrs ou du dŽveloppement humain. CÕest par rapport au modle du dŽveloppement occidental que le fait de ne pas avoir dÕeau courante ou dՎlectricitŽ a pu tre dŽcrŽtŽ au sortir de la deuxime guerre mondiale comme une pauvretŽ quÕil fallait Žradiquer. Pour Ē civiliser Č peut-tre, mais aussi, ne nous leurrons pas, pour le but pragmatique de pouvoir ouvrir de nouveaux marchŽs.

 

Or, que sÕest-il passŽ ? Si le plan Marshall a eu dÕincontestables succs en Europe tant au niveau macroŽconomique quÕau plan des retombŽes sociales pour les EuropŽens, le dŽveloppement du reste du monde a apportŽ des rŽsultats plus mitigŽs[23]. Il a menŽ ˆ ce que dans de nombreux contextes la pauvretŽ a ŽtŽ petit ˆ petit chassŽe par la misre pour reprendre la terminologie de Majid Rahnema (2003). De nombreux habitants de pays en voie de dŽveloppement ne sont plus pauvres[24] uniquement dÕaprs nos standards, tout en vivant une vie qui fasse sens pour eux et leur permet de satisfaire leurs besoins en conformitŽ avec leurs visions du monde et de la sociŽtŽ. Ils sont devenus misŽrables, cÕest-ˆ-dire placŽs dans des conditions o ils ne peuvent plus assurer leur propre survie de manire digne en conformitŽ avec leurs valeurs, leurs aspirations et leurs ressources. Un des effets du dŽveloppement a ŽtŽ de crŽer du sous-dŽveloppement. Mme la Banque Mondiale et le Fonds MonŽtaire International (FMI) sont contraints de reconna”tre que statistiquement le nombre des pauvres dans le monde nÕa cessŽ dÕaugmenter en termes absolus et relatifs et que lՎcart entre riches et pauvres nÕa pas cessŽ de sÕagrandir[25]. Le dŽveloppement semble donc surtout profiter aux dŽveloppŽs, ˆ ceux qui sont au centre des structures de pouvoir Š mais aux dŽpens de ceux qui sont supposŽs tre sous-dŽveloppŽs[26]. Ces derniers outre leur sous-dŽveloppement sont placŽs en situation dÕexclusion par rapport au modle du vivre-ensemble moderne et dŽveloppŽ. En Inde par exemple, mais la situation illustre une tendance plus universelle, Ē La logique de classement et de dŽclassement de la modernisation exclut (É) les trois quarts ou les quatre cinquimes de la population Č (HeuzŽ 1993 : 43). Ē Dans le contexte de lÕInde, la rŽfŽrence ˆ la ŌmodernitŽÕ signifie (É) lÕintroduction de polarisations jusquÕalors inconnues. On est ou lÕon nÕest pas moderne. Ce qui nÕest pas moderne est traditionnel (arriŽrŽ) et se trouve de ce fait fossilisŽ et Ōsorti de lÕhistoireÕ. La perspective progressiste conceptualise et impose un temps linŽaire au long duquel chacun se trouve ŽtiquetŽ. (É) depuis peu, Ōon estÕ ou Ōon nÕest pasÕ dans la ville[27]. On ne veut plus des Ōgens du basÕ ou de la frange qui ont longtemps composŽ lÕessentiel du paysage urbain. En tout cas on ne veut plus les voir. La leon que bien de gens en tirent, cÕest que la modernisation, concrŽtisŽe par exemple par lÕintroduction de titres de propriŽtŽ, a souvent signifiŽ lÕaccentuation de dŽpossessions en tous genres. Si les brahmanes et les despotes du passŽ ne manquaient pas dÕarrogance et dÕautoritarisme, ils nÕavaient gure dÕambition quant au dŽveloppement Žconomique. Ils ne touchaient pas non plus aux ensembles locaux. Č (HeuzŽ 1993 : 44).

 

Cette remarque sur les effets Ē pervers Č du dŽveloppement nous mne ˆ rŽflŽchir au concept du dŽveloppement Ē durable Č. Pourquoi parler de dŽveloppement durable ? Ou de Ē dŽveloppement ˆ visage humain Č dÕailleurs ? Pourquoi ce besoin de qualifier le dŽveloppement ? Serait-ce pour lÕadoucir un peu, pour le rendre plus acceptable ? Rien que cette qualification ne suggre-t-elle pas que le dŽveloppement pourrait avoir une essence non-durable, non-humaine[28] ? Les diverses sociŽtŽs du monde ont vŽcu pendant des millŽnaires en sachant sÕadapter aux conditions de leur environnement Š elles ont fait preuve dÕingŽniositŽ et de durabilitŽ. CÕest en se lanant dans le dŽveloppement moderne quÕon a commencŽ ˆ Žpuiser de manire de plus en plus irrŽmŽdiable les ressources de notre plante (Shiva 1997), non seulement naturelles faudrait-il prŽciser, mais aussi humaines. CÕest face ˆ cette non-durabilitŽ, ˆ cette non-humanitŽ, quÕil a bien fallu tirer les sonnettes dÕalarme : attention, prudence ! Il faut ne pas perdre de vue la durŽe et lÕinscription de lÕHomme[29] dans le monde qui lÕentoure. Mais cette prise de conscience nÕa pas su nous Žmanciper du mythe du dŽveloppement et ne nous a pas menŽ ˆ nous interroger sur la question si ce nÕest pas le dŽveloppement mme et tout ce quÕil implique, qui pourrait constituer le problme ou du moins une partie du problme. La question aujourdÕhui ne serait alors pas tellement de se contenter de rŽflŽchir ou de mettre en pratique un dŽveloppement alternatif, mais dÕessayer en outre de dŽgager des alternatives au dŽveloppement[30]. Notons que ces alternatives ne sont dÕailleurs pas forcŽment des utopies : il existe encore de nombreux exemples de modes de vie Ē durables Č - le dŽfi est peut-tre de les reconna”tre, de les encourager et de rŽflŽchir ˆ leur articulation, ˆ leur mise en dialogue avec les processus de dŽveloppement contemporains, qui sÕen trouveront forcŽment relativisŽs. LՃtat, refondŽ au besoin (Le Roy 1997c ; 2004), a certainement encore un r™le important ˆ jouer dans ce processus.

 

 

LՃtat entre gouvernement et gouvernance

 

LՃtat nous dit-on a perdu le monopole de la rŽgulation juridique dans les processus de globalisation. Il se trouve remis en cause par lՎmergence de droits transnationaux aux niveaux global ou rŽgional, ainsi que par lՎmergence de droits locaux liŽs ˆ des processus accrus de dŽcentralisation (Arnaud 1997). Il sÕorienterait davantage vers la gouvernance, cÕest-ˆ-dire la mise en Ļuvre dÕune gestion efficace de la sociŽtŽ, et laisserait de plus en plus de c™tŽ le gouvernement peru comme plus hiŽrarchique, plus imposŽ É mais aussi plus politique. Pour la Commission sur la Gouvernance Globale, la gouvernance est Ē lÕensemble des diffŽrents moyens par lesquels les individus et les institutions publiques et privŽes, grent leurs affaires communes. CÕest un processus continu de coopŽration et dÕaccomodements entre des intŽrts divers et conflictuels. Elle inclut les institutions officielles et les rŽgimes dotŽs de pouvoirs exŽcutoires tout aussi bien que les arrangements informels sur lesquels les peuples et les institutions sont dÕaccord ou quÕils peroivent tre de leur intŽrt Č (citŽ et traduit par Froger 2003 : 12). Si la gouvernance est prŽsentŽe comme prŽfŽrable au gouvernement cÕest quÕelle appara”t comme un processus plus participatif[31] et donc plus dŽmocratique, dans le sens dÕune dŽmocratie directe et non pas seulement dÕune dŽmocratie reprŽsentative o les Žlecteurs ne participent que pŽriodiquement ˆ lՎlection de ceux qui ensuite les dirigeront. Pour AndrŽ-Jean Arnaud (2003 : 343), Ē Ce qui est en jeu, cÕest une possibilitŽ pour les citoyens de sÕexprimer autrement que par la seule voie de la reprŽsentation  dŽmocratique et nationale, et de ŌparticiperÕ ˆ lՎlaboration des normes relevant de lÕespace public, selon la volontŽ clairement exprimŽe par les mouvements sociaux de plus en plus nombreux et divers dans leur constitutions tout autant que dans leur expression Č. Mais ce qui semble sous-jacent dans le champ sŽmantique de la gouvernance est, plut™t quÕune participation politique accrue, une gestion plus efficace de la sociŽtŽ[32]. On passe dÕun mythe politique du vivre-ensemble ˆ un mythe Žconomique cristallisŽ dans lÕidŽologie du dŽveloppement. La bonne politique est celle qui est efficace en termes de rentabilitŽ macro-Žconomique, cÕest celle qui rŽduit le plus possible le r™le de lՃtat É et du politique.  LÕillustration la plus flagrante est celle de lÕimposition par le Fonds MonŽtaire International (FMI) ou la Banque Mondiale de plans dÕajustement structurels ˆ de petits pays, par exemple africains : lÕajustement structurel se base uniquement sur des critres de macro-Žconomie qui sÕimposent comme si elles Žtaient des lois naturelles, absolues et non-susceptibles de questionnement par le politique. La question de choix de Ē projet de sociŽtŽ Č, qui est peut-tre la question politique fondamentale est compltement ŽvacuŽe Š il ne sÕagit que de gŽrer le plus efficacement possible en vue dÕun dŽveloppement conforme aux Ē lois naturelles Č du marchŽ[33] É

 

Mais revenons aux termes et aux paradigmes de base.

 

Tout dÕabord lՃtat. Si la globalisation du droit et la gouvernance semblent remettre en question la centralitŽ de lՃtat dans la mise en forme du vivre ensemble au niveau politique et juridique, il faut tre  conscient que nombreux sont les contextes o lՃtat nÕa jamais eu la centralitŽ et le monopole du politique et du juridique tels que dans les Ē Žtats modernes dŽveloppŽs Č. Il reste avant tout une invention occidentale qui a ŽtŽ exportŽe sur le reste de la plante (Badie 1992). Le constat de lՎchec du transfert institutionnel de lՃtat de droit ne date pas dÕhier (Alliot 1980, 1982, Le Roy 1986). Il faut donc sŽrieusement se poser la question de ce que signifie par exemple Ē dŽcentraliser Č dans des contextes qui nÕont jamais ŽtŽ centralisŽs, de Ē dŽgraisser lՃtat Č dans des contextes o il nÕa jamais rŽussi ˆ remplir ne serait-ce que les fonctions les plus ŽlŽmentaires dÕun ƒtat de Droit, cÕest-ˆ-dire assurer la sŽcuritŽ juridique ˆ ses citoyens, rendre la justice, collecter des imp™ts, redistribuer les richesses etc[34].

 

Cependant, si lՃtat nÕa pas su remplir ses fonctions ŽlŽmentaires par le passŽ (et au prŽsent) dans de nombreux contextes non-occidentaux, il faut sÕinterroger sur lÕidŽal de la rŽduction encore plus accrue de lՃtat dans une dynamique globale privilŽgiant une Ē gouvernance Č plus diffuse. La problŽmatique essentielle dans de nombreux contextes, notamment africains, ne semble pas tellement tre le Ē moins dՃtat Č, mais le Ē mieux ƒtat Č. Ce quÕon peut rŽsumer en Afrique par un ƒtat capable de rŽpondre au niveau international ˆ un besoin dÕefficacitŽ de ses institutions, exigence qui Žmerge dans les conditionnalitŽs des programmes dÕajustement structurel, au niveau national ˆ un besoin de lŽgitimitŽ[35] et au niveau local ˆ un besoin de sŽcuritŽ des personnes autant concernant leur sŽcuritŽ physique que la confiance en un avenir moins incertain (Le Roy 1997a : 16 ; voir aussi Le Roy 1999 : 363 ss).

 

On pourrait alors se demander si au lieu de Ē moins dՃtat Č il nÕen faudrait dans certains contextes pas plus Š tout en prenant conscience que cÕest surtout dÕun ƒtat diffŽrent, rŽussissant ˆ incarner une certaine lŽgitimitŽ, dont on a besoin. Il ne sÕagit donc pas dÕun ƒtat plus fort au sens de plus totalitaire, mais plus fort dans le sens quÕil puisse effectivement assurer le minimum de services, tout en fonctionnant en complŽmentaritŽ avec les autres ressources sociales, disons pour lÕinstant de Ē la sociŽtŽ civile Č, terme sur lequel nous reviendrons.

 

Mais le discours de lÕaffaiblissement de lՃtat et de sa dŽresponsabilisation croissante cache aussi une autre rŽalitŽ. Si dÕune part de nombreux ƒtats, tant dans les Nords que dans les Suds se disculpent de politiques mal perues en en rejetant la responsabilitŽ sur Ē la globalisation Č, il reste que la courroie de transmission entre le global et le local, reste lՃtat (voir Ost & van de Kerchove 2002 : 168 ss). CÕest bien lui qui met finalement en Ļuvre les plans dÕajustement structurels ˆ travers ses lŽgislations et lÕemploi de son monopole de violence lŽgitime. Suite aux analyses de Shalini Randeria (2002), on peut distinguer au moins trois formes dՃtat : ceux qui sont suffisamment forts et o on assiste simplement ˆ lՎmergence dÕun champ politico-juridique plus plural, plus complexe et plus flou, o lՃtat reste un acteur central bien que relativisŽ ; ceux o lՃtat a pratiquement perdu toute son autonomie et se rŽsume pratiquement au r™le de courroie de transmission des Ē forces globales Č ; et enfin ceux qui sont dans une catŽgorie intermŽdiaire telle les grands ƒtats du Sud, comme lÕInde ou le BrŽsil, qui ont en fait une indŽpendance non nŽgligeable, mais se dŽresponsabilisent parfois en se rŽfugiant derrire lÕexcuse de la globalisation pour ouvrir leur pays au marchŽ global tout en fragilisant ainsi leurs propres populations qui sont sacrifiŽes sur lÕautel du dŽveloppement macroŽconomique qui est souvent contradictoire avec lÕautodŽveloppement et lÕautosuffisance[36].

 

Reste enfin la question de savoir ce quÕon entend par Ē bonne gouvernance Č. LÕadjectif pointerait vers le fait que toute gouvernance nÕest pas forcŽment bonne. CÕest la Banque Mondiale qui encourage aprs 1996 le glissement de la notion de gouvernance ˆ celle de good governance ou bonne gouvernance, qui est prŽsentŽe comme un style dÕaction politique optimum, mais qui reste fort orientŽe par des prŽoccupations macro-Žconomiques. Les trois ŽlŽments essentiels dÕune bonne gouvernance sont une gestion de lÕaction publique impartiale et transparente pour tous les citoyens, une accountability rŽelle, fondŽe sur des Žvaluations techniques et financires et une mobilisation de rŽelles compŽtences gestionnaires dans lÕexŽcution des programmes dÕaide qui doivent permettre une vŽritable effectivitŽ du public management (Gaudin 2002 : 72 ; Le Roy 1995 : 236). On notera que la notion de Ē bonne gouvernance Č est plus prescriptive que celle de Ē gouvernance Č ŽvoquŽe plus haut. Ē DÕautant quÕil faut ajouter que les orientations de la Banque mondiale pour la bonne gouvernance insistent Žgalement sur lÕimportance des privatisations possibles des services publics, sur les partenariats public-privŽ toujours trs souhaitable, et sur le caractre ŌbancableÕ (Žligible aux rgles classiques du crŽdit) des opŽrations. Č (Gaudin 2002 : 72). Et ces orientations ne restent pas uniquement prescriptives en thŽorie, mais font lÕobjet dÕun vŽritable prosŽlytisme sinon dÕune imposition pure et simple ˆ de nombreux pays. Ē Les missionnaires de la Banque vont en effet entreprendre ˆ travers le monde un vaste travail prosŽlyte : convertir et former de nouvelles Žlites dans chaque pays concernŽ. Car si lÕon entend, en effet, se passer, au moins pour partie, des bureaucraties traditionnelles et des entourages compromis des chefs dՃtat, il faut se doter de nouveaux interlocuteurs, les former et les sensibiliser. Ce jeu peut se rŽvŽler dŽlicat, car en imposant privatisations et libŽralisation des activitŽs productives et minires, les organismes Žconomiques internationaux ont tendance ˆ priver les hommes politiques ŌclassiquesÕ dÕune part de leurs ressources habituelles, pour leurs clientles ou pour eux-mmes. Les institutions des ƒtats en dŽveloppement peuvent donc paradoxalement sÕen trouver plus encore fragilisŽs et les interlocuteurs venir ˆ manquer, surtout si de nouveaux porteurs de projets ne se manifestent pas assez vite. Č (Gaudin 2002 : 73) Or pour contourner les Žlites traditionnelles, il faut former de nouvelles Žlites, activitŽ dans laquelle sÕest lancŽe la Banque mondiale surtout ˆ travers ses activitŽs de rŽflexion et de formation gravitant autour du World Bank Institute, de ses publications et de ses formations (Gaudin 2002 : 74). Or lÕidŽe sous-jacente des meilleures pratiques auxquelles veut Žduquer la Banque mondiale lient Ē Žtroitement lÕaide internationale ˆ une ouverture fortement accrue des Žconomies des pays pauvres  non seulement au commerce international mais aussi aux investissements directs de lՎtranger (É) qui correspondent aux crŽations locales de filiales ou aux prises de contr™le dÕentreprises opŽrŽes par les grandes multinationales (É) Č (Gaudin 2002 : 78). Ė travers la bonne gouvernance, la gouvernance aurait ainsi, sous un masque moralisateur, trouvŽ sa Ē bonne Č, ses utilitŽs immŽdiates pour la Banque mondiale (Gaudin 2002 : 78). Ē Paradoxalement Č, la Ē bonne Č gouvernance a tendance ˆ vider la gouvernance de toutes ses potentialitŽs Žmancipatrices et porteuses dÕune plus grande participation des sociŽtŽs civiles au vivre-ensemble. Elle instaure en effet, par son caractre prescriptif, des blocages ˆ la participation et assure un contr™le de fait sur les ƒtats par les institutions financires internationales. La possibilitŽ de participation des sociŽtŽs civiles ˆ travers le processus de gouvernance se trouve remis en cause. Pour AndrŽ-Jean Arnaud (2003 : 404), avec la bonne gouvernance Ē Plus de construction des problmes par une intervention citoyenne. Plus de projet ŽlaborŽ par les premiers intŽressŽs, les membres de la sociŽtŽ civile. Plus de travail dÕexperts rŽellement indŽpendants : les critres de leur travail sont ceux qui sont posŽs par les dŽcideurs. Pas de choix parmi des plans selon un critre de ŌsatisfactionÕ par rapport au projet initial, mais une dŽcision autoritaire, dont lՎlaboration rŽpondrait plut™t au style classique du one best way (É) Les rŽcursivitŽs (É) sont limitŽes ˆ des demandes Žventuelles de reconception des plans dÕaction. De plus, ces derniers, une fois reformulŽs, ne sont pris en compte par le dŽcideur que sÕils correspondent ˆ des critres que lui-mme a fixŽs Š le Consensus de Washington servant de Bible aussi bien pour formuler les plans que pour prendre la dŽcision qui semble sÕimposer. Č

 

Il faut noter cependant que la Banque mondiale et le FMI nÕont pas le monopole de la dŽfinition de la Ē bonne gouvernance Č. Rien nÕempche dÕy inclure des exigences plus explicitement politiques, ˆ lÕinstar par exemple de lÕAide Canadienne (Gervais 1997). Et on peut dÕailleurs faire le choix de sÕinterroger plut™t sur la spŽcificitŽ de ce que peut apporter la notion de gouvernance pour repenser de nos jours les problŽmatiques dÕun vivre ensemble en dignitŽ et en paix, plut™t que de sÕengager dans les sentiers idŽologiques dÕune Ē bonne gouvernance Č. On peut ainsi lÕaborder dans la lignŽe par exemple de Pierre Calame (2003 : 16) pour qui Ē Introduire cet Ōancien nouveau conceptÕ, cÕest sÕobliger ˆ porter sur les rŽgulations sociales un regard plus large, plus englobant, plus articulŽ quÕon ne le fait dÕhabitude. Č en recentrant la rŽflexion et lÕaction sur lÕidŽe de relation (2003 : 20). Dans ce sens des pistes telles que celles dŽgagŽes par Bernard Husson qui permettent de repenser les questions de la lŽgitimitŽ et de lÕautoritŽ par rapport ˆ lÕinvention et la mise en Ļuvre de projets de sociŽtŽ porteurs de sens pour les populations concernŽes dans des contextes africains semblent heuristiques. Pour cet auteur (1997 : 32-33) Ē Le concept de good governance peut tre construit, non ˆ partir du niveau central mais ˆ partir du mode de fonctionnement des sociŽtŽs locales : cÕest parce que  les personnes et les groupes locaux partageront la mme notion de lÕefficacitŽ quÕils peuvent sÕorganiser et construire un avenir (É) cÕest parce que les membres des sociŽtŽs locales partagent une mme conception de la nature du pouvoir, de son organisation, de sa distribution entre les diffŽrents niveaux É que les processus de dŽmocratisation et de dŽsŽtatisation pourront tre engagŽs. A partir de cette approche dŽcentralisŽe, la notion de good governance peut tre dŽfinie comme la gestion de lՎvolution dÕune sociŽtŽ sur la base de valeurs, consciemment identifiŽes ou non, communŽment portŽes par ses membres. Č[37].  Ce qui nous renvoie maintenant ˆ une rŽflexion sur les sociŽtŽs civiles et leurs r™les et responsabilitŽs dans le vivre-ensemble.

 

 

SociŽtŽ civile, responsabilitŽ et participation

 

Dans son acceptation Žmancipatrice qui ne voit pas uniquement la gouvernance comme courroie de transmission du nŽolibŽralisme et comme faon de rŽduire de plus en plus le r™le de lՃtat Š et du politique Š face au marchŽ et aux logiques Žconomiques, mais comme une manire plus participative dÕorganiser le vivre ensemble, le r™le de la sociŽtŽ civile appara”t comme crucial. CÕest en la mobilisant quÕon arriverait ˆ sÕacheminer vers une gestion plus participative des problmes de la citŽ, et ainsi ˆ une dŽmocratie plus directe, plus vivante. Mais il y a lˆ des problmes. Tout dÕabord, notons que la sociŽtŽ civile se dŽfinit par rapport a lՃtat, comme une sphre autonome qui sÕoppose ˆ lui, voire qui peut lui tre complŽmentaire[38]. Or, dŽjˆ en Occident se pose une premire question. QuÕest ce qui fait partie de cette sociŽtŽ civile ? Si thŽoriquement elle se dŽfinit surtout par rapport ˆ sa diffŽrentiation avec lՃtat, devraient en faire partie les diverses dynamiques Žconomiques et sociales. Or, le marchŽ, en semble exclu, et a fortiori les grands acteurs Žconomiques telles les sociŽtŽs multinationales. Le dŽbat sur la gouvernance se structure explicitement dans lÕarticulation des champs de lՃtat, de la sociŽtŽ civile et du marchŽ. En ce qui concerne lՎmergence dÕune sociŽtŽ civile globale, certains auteurs la dŽfinissent Ē comme lÕensemble des organisations politiques, Žconomiques, sociales et culturelles qui ne sont pas crŽŽes ou mandatŽes par lՃtat (Lipschutz 2002). Pour dÕautres auteurs, la sociŽtŽ civile exclut en revanche les forces Žconomiques, puisque nous dit-on, les acteurs de la gouvernance sont Ōla sociŽtŽ politique, la sociŽtŽ Žconomique, et la sociŽtŽ civile (qui) nŽgocient les modalitŽs et les formes dÕarrangements sociaux planŽtaires sur la base du principe de la coopŽration conflictuelleÕ (Lamiet Zaidi 2002 : 204) Č (Serfati 2003 : 21). De plus, mme si on Žcarte les agents Žconomiques directs (entreprises), o ranger les Ē forums professionnels Č tels que le Forum ƒconomique Mondial, ou des associations tels le MEDEF ? Pour affiner les critres certains auteurs proposent de distinguer les organisations se proposant de reprŽsenter le peuple et de travailler dans son intŽrt quÕils distinguent des Ē intŽrts du capital Č (Serfati 2003 : 21). On voit que les choses sont loin dՐtre simples et que Ē la sociŽtŽ civile Č est loin de constituer une catŽgorie homogne. Par sa dŽfinition en nŽgatif de la sphre Žtatique, qui nÕest que le reflet dÕune opposition plus profonde entre Ē public Č et Ē privŽ Č on se retrouve ici plut™t dans une nouvelle application de lÕenglobement du contraire.

 

Mais lÕambigu•tŽ ou la difficultŽ sÕaggrave encore ds lors quÕon sort de contextes occidentaux. DÕune part, la structuration socio-juridico-politique occidentale entre ƒtat et sociŽtŽ civile ne se retrouve pas en tant que telle partout. Nous avons dŽjˆ ŽvoquŽ plus haut la Ē faiblesse Č de lՃtat dans de nombreux contextes. On peut aussi penser ˆ la personnalisation de lՃtat et de ses infrastructures dans de nombreux pays, o de fait les limites entre sphre publique et sphre privŽe, entre Žconomie moderne et redistribution Ē traditionnelle Č  ne sont pas tranchŽes, bien au contraire. Une opposition fondatrice pour nous ne lÕest donc pas forcŽment ailleurs, ce qui rend encore moins pertinent lÕutilisation de ces concepts dans des contextes o ne sont pas partagŽes nos mythes juridico-politiques. Illustrant la problŽmatique de lՃtat en Afrique, Franois Bayart (1991 : 217-218) note que Ē (É) la dichotomie entre les gouvernants et les gouvernŽs est moins poussŽe que ne le donne ˆ croire lÕapparence institutionnelle. Il est frappant de constater combien les ŌpetitsÕ, les Ōen-bas du basÕ comme lÕon dit en C™te dÕIvoire, sont informŽs des faits et gestes des ŌgrandsÕ, des Ōen haut du hautÕ, ne serait-ce que par le biais de ŌRadio trottoirÕ. Cette communication politique nÕest quÕun signe parmi dÕautres du maillage des sociŽtŽs africaines en rŽseau. RŽseaux horizontaux qui favorisent les alliances entre les Žlites des diffŽrentes rŽgions et qui articulent les villes aux terroirs ruraux gr‰ce ˆ de multiples Žchanges dŽmographiques, matŽriels ou symboliques. Mais aussi, simultanŽment, rŽseaux verticaux dans le cadre desquels sÕeffectuent les transactions entre les entrepreneurs politiques et leurs clients. La distinction classique entre ƒtat et sociŽtŽ doit donc tre nuancŽe au sujet de lÕAfrique, bien que le premier, supposŽ modernisateur, ait prŽtendu se dŽfinir contre la seconde, supposŽe traditionnelle, dans la droite ligne de lÕhŽritage bureaucratique et idŽologique colonial. (É) LՃtat postcolonial vit comme un rhizome, comme un ensemble de tiges souterraines dont les parties aŽriennes, les institutions politiques, sont moins importantes que les racines adventives, leurs correspondances multiples avec les diverses forces sociales et notamment, dans les provinces, les hiŽrarchies des terroirs historiques. En mme temps que sur la coercition, dont il fait volontiers usage, il repose sur des nŽgociations et des compromis permanents entre toutes ces forces ; en dÕautres termes, il reste Žtroitement tributaire des performances individuelles de ses acteurs. Č[39]

 

LÕexpression ou la mise en forme de la sociŽtŽ civile est aussi moulŽe dans une vision occidentale moderne. Le concept de sociŽtŽ civile renvoie ˆ la societas, assemblement dÕindividus liŽs par un contrat social (Dumont 1991 : 98-99), et ˆ la civitas, la citŽ politique. On est dans une construction particulire du rapport au politique, au juridique et au social. On pense immŽdiatement en rŽfŽrant ˆ la sociŽtŽ civile ˆ des associations, des organisations non gouvernementales, des mouvements citoyens É Mais o sont les structures politiques, sociales, Žconomiques et juridiques plus traditionnelles, telles les rŽseaux familiaux, religieux, de castes, dÕentraide qui ne sont pas forcŽment moulŽs dans des formes modernes[40] ? Soit on ne les prend pas en compte, soit on nÕen peroit que la pointe ŽmergŽe de lÕiceberg ˆ travers leur Žventuelle participation, entre autre, ˆ des Ē jeux modernes Č, par exemple une participation dans une activitŽ dÕONG. Il reste quÕon nÕapprend rien des mŽcanismes et des structures de ces organisations sociales. Elles ont tendance dans lÕignorance quÕon a dÕelles ˆ appara”tre tout au plus comme des freins au dŽveloppement ˆ Žradiquer et ˆ remplacer par des structures plus adaptŽes a notre temps. Or, premirement, le fait de sÕopposer au choix politique du dŽveloppement peut tre tout ˆ fait lŽgitime dans certains cas, en vue de ce que nous avons dit plus haut sur le dŽveloppement, et mŽrite au moins discussion, au lieu de se voir opposer a priori un Ē argument Č de non-recevabilitŽ consistant ˆ rappeler le caractre arriŽrŽ et non pertinent de toute organisation ne se rŽclamant pas et ne fonctionnant pas selon les institutions et mŽcanismes modernes. Deuximement, ces dynamiques se montrent parfois fort adaptables aux contraintes contemporaines : dans certains cas, elles peuvent mme garantir un meilleur Ē dŽveloppement Č  et pourraient servir de modle de rŽflexion pour un reformatage ou une indigŽnisation de structures importŽes qui autrement continueront ˆ rester dŽconnectŽes des rŽalitŽs locales[41].

 

Enfin, se pose la question de situations o la sociŽtŽ civile, et dans ce cas dÕailleurs souvent plut™t une Ē sociŽtŽ civile globale Č, ou du moins globalisŽe, tente de compltement remplacer lՃtat : on pense ˆ certains contextes africains o on dirait que les seuls acteurs de dŽveloppement sont les ONG financŽes par lՎtranger É et qui sapent par leur prŽsence le peu de lŽgitimitŽ que pourraient gagner certains Žtats en remplissant eux-mmes certains services publics et Žvacuent sous prŽtexte dÕurgence, la dimension politique des choix de sociŽtŽ[42]. Pour Bernard Hours, les ONG travaillant dans Ē les Suds Č apparaissent, si lÕon tient compte de leur idŽologie sous-jacente et leurs effets implicites, par bien des aspects plut™t comme muselant les vŽritables sociŽtŽs civiles que comme acteurs dÕune vŽritable participation dŽmocratique ˆ lՎlaboration de projets de sociŽtŽs. Elles nՎmanent plus Ē de la sociŽtŽ civile quÕelles invoquent car celle-ci dispara”t ds lors que sont occultŽes toutes les contradictions sociales et que prŽvaut une seule idŽologie de consentement au consensus, un seul modle de dŽveloppement, une seule humanitŽ planŽtaire (sociŽtŽ civile fictive) (É) les ONG humanitaires constituent une matrice idŽologique essentielle de production du consensus ˆ partir de valeurs sublimŽes, apolitiques, non confessionnelles, libres, bref dŽmocratiques. Č (Hours 1998 : 74-75). De son point de vue, la Ē sociŽtŽ civile planŽtaire, communautaire et dŽmocratique, se construit sur lÕabsence de sociŽtŽs civiles. Il nÕy a pas de sociŽtŽs (au pluriel) sans frontires, pas plus quÕil nÕy a de sociŽtŽs civiles sans des territoires o sÕinscrit la pertinence de leurs discours. Cette  sociŽtŽ unifiŽe fictive, accessoire nŽcessaire du marchŽ mondial, a besoin des ONG de la mme faon que les ƒtats afin de rendre dŽmocratiques, donc comestibles pour les citoyens consommateurs, les ŌnŽcessitŽs ŽconomiquesÕ articulŽes aux ŌnŽcessitŽs humanitairesÕ. Instrument majeur de lÕintŽgration idŽologique mondiale en cours, les ONG oprent une mŽdiation indispensable entre les pouvoirs Žconomiques, les pouvoirs Žtatiques dominants et les nouvelles formes de pillage du tiers-monde rŽalisŽes au nom de lՎconomie de marchŽ. Le consensus produit par les ONG est indispensable dans ce contexte, tout comme leur fonction dÕalibi dŽmocratique. Il transforme la brutalitŽ des rapports de force dÕune injustice radicale en exercice pŽdagogique paternaliste et bienveillant ˆ lՎgard du Sud. Č (Hours 1998 : 81)

 

Il appara”t quÕune question fondamentale sous-jacente ˆ la question de la sociŽtŽ civile est celle de la responsabilitŽ politique, elle-mme sous-tendue par la question plus gŽnŽrale de la Ē participation Č ˆ la vie en commun.

 

Commenons par la responsabilitŽ politique. Outre la dynamique que vient dՎvoquer Bernard Hours, il faut garder ˆ lÕesprit que la logique de dŽresponsabilisation politique est surtout caractŽristique de la mythologie de lՃtat moderne : une institution supŽrieure et extŽrieure, lՃtat, est supposŽ gouverner le peuple pour son bien. Or, dans de nombreuses sociŽtŽs le politique nÕa jamais ŽtŽ dissociŽe de la responsabilitŽ directe des diverses communautŽs et de leurs membres[43]. Donc, si nous voulons rŽintroduire une responsabilitŽ accrue des citoyens dans les ƒtats modernes, ne nŽgligeons pas le fait quÕinitialement ce sont les ƒtats qui se sont arrogŽes le monopole de violence lŽgitime, de pouvoir politique et donc aussi de responsabilitŽ. Si on dŽlgue maintenant la responsabilitŽ ˆ la sociŽtŽ civile tout en gardant le pouvoir dans lՃtat, voire dans lՎconomique, le processus nÕappara”t-il pas plut™t comme un pratique processus de dŽresponsabilisation de ceux qui ont le pouvoir et une responsabilisation de ceux qui nÕen ont pas Š et qui deviennent ainsi les responsables de leur sous-dŽveloppement ? Il est curieux que la responsabilitŽ se pense surtout par rapport aux autres : ce sont ceux qui ont ŽtŽ jetŽs hors du grand jeu social par les logiques de modernisation puis de globalisation qui doivent maintenant (enfin) devenir responsables[44], et ceci bien sžr par rapport ˆ une responsabilitŽ telle que perue par les centres du pouvoir. Or, les constatations suivantes de Babacar Sall sur ce quÕil appelle lÕanŽtatisme dans de nombreux contextes africains donne ˆ rŽflŽchir : Ē (É) le contexte politique et Žconomique est tel que tous les mots dŽrivŽs de la modernitŽ dominante tels que ŌdŽveloppementÕ, ŌdŽmocratieÕ, ԃtatÕ, ne veulent plus rien dire socialement, parce que justement, ils nÕont pas rŽussi ˆ amŽliorer le social dans sa relation problŽmatique aux besoins fondamentaux. Ce qui compte, par consŽquent, nÕest pas la longue durŽe, le programme, le sens de lÕhistoire, mais le quotidien avec son impŽratif alimentaire et sanitaire. On est en prŽsence dÕun contexte de controverse et dÕinversion o le social se dŽpolitise et o le politique se dŽsocialise sans que la rupture ou la dŽperdition de lÕun en lÕautre ne ruine dŽfinitivement le systme global. Il y a lˆ, manifestement, une rupture structurelle entre ces deux p™les dominants du sociŽtal qui fait que le social se pense, se dit et se fait sans le politique et vice-versa. (É) la dŽsocialisation ne traduit pas uniquement un manque dÕarticulation entre lՎtatique et le social, mais un rŽinvestissement discriminatoire des structures de lՃtat par des groupes dominants qui en font leur propriŽtŽ et un instrument de violence en vue de rŽgler ˆ leur avantage des diffŽrends sŽculaires les opposant ˆ dÕautres citŽs concurrentes. Vus sous cet angle, on peut affirmer que les registres idŽologiques de lՃtat contemporain en Afrique, avec son systme partisan, sa bureaucratie, ses rites, ses mŽthodes de lŽgitimation, procdent dÕun jeu virtuel de lÕuniversalitŽ dominante imposŽe par les puissances dŽmocratiques. Mais cÕest seulement en des cas rares quÕils ont effectivement prise effective sur le corps social Ōparce que lÕessentiel de la vie sociale, culturelle et Žconomique, sÕeffectue en dehors du cadre institutionnel fixŽ par lՃtat. Č (Sall 1997 : 252-253).

 

La dernire rŽflexion de Babacar Sall est une bonne transition pour la question sous-jacente ˆ la question de la Ē participation Č. De quoi parle-t-on quand on en parle ? Si lÕessentiel de la vie sociale, culturelle et Žconomique sÕeffectue hors du cadre institutionnel fixŽ par lՃtat peut-on en dŽduire que la majoritŽ de la population ne participerait pas ˆ sa propre vie ? La rŽfŽrence ˆ lՃtat entra”ne avec lui une division inconsciente entre sphres publiques et privŽes. Le bien commun relŽverait de la sphre publique, cÕest la res publica. A contrario tout ce qui nÕest pas Žtatique, ne serait que simples intŽrts privŽs. Nous voilˆ de nouveau en prise avec lÕenglobement du contraire que nous avons dŽjˆ ŽvoquŽ plus haut par rapport ˆ la dŽfinition de la notion de Ē sociŽtŽ civile Č. Il appara”t quÕinconsciemment lorsque nous parlons de participation, nous entendons participation au mode de vie moderne, cÕest-ˆ-dire structurŽ par les institutions de lՃtat et du marchŽ, voire de la sociŽtŽ civile mais qui reste justement dŽfinie en rŽfŽrence ˆ lՃtat, comme son image inversŽe ! Dans des contextes tels quÕillustrŽs par Babacar Sall ci-dessus peut-on raisonnablement considŽrer que la vraie participation populaire doive reposer sur une conversion de masse des populations africaines ˆ lÕidŽologie moderne ? Ou ne peut-on pas se demander si ce ne serait pas, du moins en partie, aussi aux institutions modernes importŽes de sÕadapter aux attentes, besoins et reprŽsentations de ses supposŽs Ē destinataires Č[45].

 

DŽfinir les responsabilitŽs des uns et des autres et sÕatteler ˆ leur articulation en vue dÕun objectif suppose aussi de dŽbattre de lÕobjectif. Si lÕobjectif est plus ou moins imposŽ et que les responsabilitŽs des uns et des autres apparaissent plut™t comme des cooptations dans un systme qui ne peut tre remis en question, le transfert de responsabilitŽs peut appara”tre comme tout simplement une bonne excuse pour dŽsamorcer des dynamiques de contestation du projet de sociŽtŽ qui nÕest pas peru comme lŽgitime par la majoritŽ, voire comme excuse pour rŽduire les responsabilitŽs de ceux qui dominent dans le systme. DÕun point de vue du Sud, il peut para”tre curieux, voire de mauvaise foi, dÕen appeler par exemple ˆ la responsabilitŽ des pays du Sud dans le contr™le des naissances en vue de ne pas crŽer une pŽnurie des ressources mondiales, alors quÕon ne parle pas de la responsabilitŽ des pays du Nord ˆ rŽduire la consommation de leurs citoyens qui est sans commune mesure avec celle des habitants des pays du Sud.

 

Majid Rahnema dans son analyse historique de lÕutilisation du concept de participation dans la sphre du dŽveloppement note quÕil faut consciencieusement distinguer entre participations spontanŽe, manipulŽe voire tŽlŽguidŽe dans les cas o les participants sans tre forcŽs de faire quelque chose y sont incitŽs ou dirigŽs par des centres hors de leur contr™le (Rahnema 1997 : 116). Si ˆ lÕorigine le concept de participation avait un caractre subversif et rŽsultait dans les annŽes 50 de travailleurs sociaux qui pointaient vers la nŽcessitŽ de la prise en compte des rŽalitŽs locales dans les programmes de dŽveloppement, il a petit ˆ petit ŽtŽ cooptŽ par les gouvernements et institutions de dŽveloppement qui Žtaient ds les annŽes 1970 explicitement confrontŽes aux Žchecs de leurs programmes et sentaient le besoin de relais pour leur activitŽ. Et ceci, dÕaprs Majid Rahnema (1997 : 117-120), pour six raisons principales : le concept nÕest plus peru comme menace ; il est devenu un slogan politique attractif ; il est devenu une proposition attrayante Žconomiquement ; il est maintenant peru comme lÕinstrument dÕune plus grande effectivitŽ ainsi que comme une nouvelle source dÕinvestissement ; il devient un bon moyen pour chercher des financements (fundraising) ; enfin, une notion Žlargie de la notion de participation permet au secteur privŽ de devenir directement acteur dans le business du dŽveloppement[46]. Se pose donc la question de bien dŽfinir de quoi on parle lorsquÕon parle de Ē participation Č dans une rŽflexion sur la gouvernance.

 

Bonnie Campbell (1997b) souligne lÕenjeu primordial de cette dŽfinition ˆ travers son analyse critique de la mise en place de plans dÕajustements structurels (PAS) dans les ƒtats africains. En effet, confrontŽ aux Žchec des PAS et ˆ leur Ē non-faisabilitŽ politique Č au dŽbut des annŽes 1980, se met en place un effort majeur de rŽflexion sur la construction de lŽgitimitŽ politique de ces programmes. Cette dernire sÕappuiera ˆ la fin des annŽes 1980 sur les notions dÕ Ē empowerment Č et de Ē consensus building Č, puis ˆ partir des annŽes 1990 surtout sur la notion de Ē participation Č. Or comme le souligne Bonnie Campbell (1997b : 219-220) Ē (É) il sÕagit dÕun ŌempowermentÕ pour assurer et pour faciliter le dŽveloppement, qui semble tre, comme nous lÕavons vu, une finalitŽ dŽfinie dÕavance, et non pas une participation effective ˆ lÕexercice du pouvoir en vue de participer ˆ la dŽfinition et ˆ la mise en Ļuvre dÕun projet de sociŽtŽ. (É) Dans ce sens, la notion de participation se rŽfre ˆ 1. un moyen pour obtenir un appui local et une coopŽration locale ; 2. un moyen pour asseoir une lŽgitimitŽ populaire, mais lŽgitimitŽ pour ceux qui introduisent, non pas ceux qui rŽsistent ou qui sÕopposent aux PAS. CÕest dans ce mme sens technique et fonctionnel que lÕon peut expliquer la portŽe limitŽe de la notion dÕ ŌaccountabilityÕ ou de responsabilisation. Sa dŽfinition qui, ˆ premire vue, appara”t assez large : ŌAccountability at its simplest means holding public officials responsible for their actionsÕ. Mais cette notion ne sera pas prŽcisŽe et donc manquera dÕefficacitŽ politique pour ce qui est de son interprŽtation au sens large. Afin dՐtre opŽrationnelle sur le plan politique, il aurait ŽtŽ essentiel de prŽciser : responsabilisation de qui, ˆ quoi, par quels mŽcanismes, ˆ quel degrŽ et selon quels normes ? On comprend mieux ce manque de prŽcision lorsque lÕon se rend compte quÕil sÕagit essentiellement de responsabilisation budgŽtaire et Žconomique (É) : ŌSimilarly, the Bank is rightly concerned with financial and economic accountability, but political acountability is outside its mandate.Õ (É) CÕest ce type de considŽrations qui nous amne ˆ conclure que la notion dÕ ŌempowermentÕ utilisŽ par la Banque dans les annŽes Õ80 et celle de ŌparticipationÕ dans les annŽes Õ90, Žmanent non pas dÕun souci de participation effective mais renvoient ˆ un concept de ŌmanagŽrialisme populisteÕ. Č

 

Franois Ost, dans son article rŽcent Ē Stand Up For Your Rights Č (2004) illustre ce que peut tre au mieux une dŽfinition de responsabilitŽs diverses qui se situent ˆ des niveaux diffŽrents ainsi que leur articulation autour dÕun projet donnŽ, dans son cas celui de la lutte contre le SIDA en Afrique du Sud. Mais il faut rester trs vigilant sur les implicites du modle de participation quÕon a en tte plus ou moins consciemment et qui se refltera forcŽment dans nos dŽfinitions des responsabilitŽs des uns et des autres. En tant quÕanthropologue du Droit, sensible ˆ la diversitŽ des projets de sociŽtŽ[47] et des manires de les mettre en forme, vŽritablement prendre les Ē sociŽtŽs civiles Č et leur Ē participation Č au sŽrieux pour pouvoir dŽgager les responsabilitŽs des uns et des autres dans notre vivre-ensemble impliquerait alors de sÕintŽresser ˆ la partie immergŽe de lÕiceberg de la rŽgulation juridico-politique des sociŽtŽs, comprise au sens large. Pour ce faire il est indispensable dÕexplorer le grand jeu de la juridicitŽ en posant les questions, non pas en partant des institutions modernes, mais en partant de problŽmatiques spŽcifiques ˆ partir de la totalitŽ sociale (voir par exemple Le Roy 1990b, Vanderlinden 1996). La rŽflexion mne donc ˆ nous interroger sur les transformations du Droit, ou de la juridicitŽ dans le contexte contemporain marquŽ par les logiques de globalisation, de dŽveloppement durable et de remise en question de lՃtat ˆ travers la gouvernance que nous avons commencŽ ˆ dŽcortiquer ci-dessus.

 

 

Le Droit

 

Le questionnement interculturel et la prise en  compte des Ē expŽriences de la base Č nous obligerons, en conformitŽ avec lÕexigence anthropologique, de ne pas penser notre problŽmatique uniquement ˆ partir dÕune vision de juriste ou en partant du point de vue des institutions, mais en renversant la perspective, en partant de la totalitŽ sociale pour comprendre les enjeux du Droit, de la gouvernance et du dŽveloppement durable. Ce nÕest quÕune telle approche qui permettra de mieux saisir les responsabilitŽs des uns et des autres et de dŽgager des horizons possibles pour des rŽformes institutionnelles. Pour ce faire, il ne sÕagira pas de sÕarrter ˆ la prise en compte de Ē pratiques alternatives Č du droit[48] ou du dŽveloppement[49], mais de repŽrer aussi, voire de dŽgager, des droits ou dŽveloppements alternatifs, voire des alternatives au dŽveloppement et au Droit (mme compris comme phŽnomne juridique) avec une majuscule. Si lÕanthropologie du Droit telle que pratiquŽe au Laboratoire dÕanthropologie juridique de Paris se veut politique (Eberhard 2002d), il semble que dans la problŽmatique prŽsente nous devrons encore plus explicitement focaliser notre attention sur les jeux et les enjeux de pouvoir qui sous-tendent les luttes autour de la juridicitŽ[50] Š et ce faisant il me semble aussi important de Ē dŽtotaliser Č lÕapproche anthropologique du Droit. Certaines approches alternatives perdent en effet tout leur potentiel subversif ou Žmancipateur ds lors quÕelles sont cooptŽes par le systme, comme lÕa montrŽ la dynamique des pratiques alternatives du droit dans de nombreux contextes sud-amŽricains[51]. Si la description doit rendre compte de tous les ŽlŽments structurants des processus juridiques, il faut se mŽfier dÕen tirer des consŽquences prescriptives quant ˆ lÕintŽgration de tous ces ŽlŽments dans un champs normatif officialisŽ. Bref, il faut garder lÕanthropologie du Droit ouverte au pluralisme, non seulement au niveau de son objet dՎtude, la juridicitŽ, mais en pluralisant aussi ses fondements cognitifs. Mais nÕen disons pas plus ˆ ce stade, notre projet commun ne regroupant pas seulement des anthropologues du Droit, mais aussi des chercheurs provenant dÕautres horizons. Contentons nous dÕouvrir ici une autre fentre primordiale pour notre rŽflexion : le lien supposŽ ou rŽel entre droit et dŽveloppement.

 

On continue ˆ lier le dŽveloppement ˆ des rŽformes juridiques et institutionnelles. Si les formes ont un peu changŽes, on reste enracinŽe dans une vision qui lie dŽveloppement Žconomique et droit moderne. AccŽder au dŽveloppement impliquerait aussi accŽder au droit moderne.  A nouveau nous nous retrouvons ici dans le principe de lÕenglobement du contraire, le modle occidental servant de rŽfŽrence implicite. Les catŽgories du droit et du dŽveloppement Žtant universels, ils peuvent tre atteints par tous et existent en germe, de manire non parfaite dans toutes les cultures. AccŽder ˆ la modernitŽ, donc ˆ lÕhorizon universel contemporain pour imaginer notre vivre-ensemble, nŽcessite de se doter dÕune Žconomie moderne et dÕun droit moderne les deux Žtant intimement liŽs. Si les approches communistes ne sont plus dÕactualitŽ dans les discours globaux aujourdÕhui, cÕest dŽsormais la version  libŽrale du lien droit / Žconomie qui prŽvaut. On peut rŽsumer celle-ci dans lՎquation suivante : le dŽveloppement a besoin dÕun marchŽ libre or ce dernier est irrŽmŽdiablement liŽ ˆ lÕexistence dÕun droit moderne. Le dŽveloppement nŽcessiterait donc des ajustements structurels et des rŽformes institutionnelles. DÕailleurs le dŽveloppement institutionnel lui-mme pour permettre la mise en place de Ē dŽmocratie Č, de Ē bonne gouvernance Č, de Ē dŽveloppement durable Č fait partie du dŽveloppement. Il para”t utile de se replonger dans certains textes, dont certains remontent dŽjˆ ˆ une bonne trentaine dÕannŽes, qui avaient dŽjˆ portŽ de sŽrieuses critiques ˆ ce point de vue et ont soulignŽ que le messianisme juridique et lÕexportation des divers modles occidentaux dans les anciennes colonies nÕont eu que peu avoir avec le dŽveloppement ou non de ces pays et incitaient ˆ plut™t essayer de comprendre les dynamiques de dŽveloppement dans les divers contextes sociaux, Žconomiques, historiques et culturels dans leur originalitŽ (voir  Franck 1972 ; Trubek 1972 ; Greenberg 1980 ; Zagaris 1988). En outre se pose la question des idŽologies ou visions du monde sous-jacentes. Le social, lՎconomique, le juridique, le culturel sont liŽs. Dans diverses sociŽtŽs ces questions sont nouŽes ensemble de manire diverses. Il faudra donc autant sÕintŽresser aux Žquivalents homŽomorphes[52] au Ē dŽveloppement Č et ˆ la Ē gouvernance Č dans dÕautres cultures quՈ celui du Droit pour pouvoir comprendre comment sÕy posent les questions.

 

Dans notre optique commune, il semble que les questions principales ˆ explorer seront celles des nouveaux liens Žmergeant entre diverses formes de rŽgulation, entre diverses lŽgalitŽs, lŽgitimitŽs et autoritŽs par rapport ˆ des projets de sociŽtŽ donnŽs, quÕils soient implicites ou cachŽs, ou affichŽs de manire plus explicite. Outre lÕarticulation des rŽgulations se situant ˆ des Žchelles et des temporalitŽs de rŽgulation diffŽrentes, il semble important dÕinscrire la rŽflexion dans le creuset du plurivers o notre attention devra se porter sur une explicitation des archŽtypes, logiques, pratiques et projets de sociŽtŽ en jeu et de leur articulation (voir Eberhard 1999). Ē (É) chaque contexte culturel offre sa propre interprŽtation de ce qui lui appara”t la bonne ŌgouvernanceÕ et peut offrir les solutions les plus appropriŽes pour lier dŽcideurs et gouvernŽs une fois quÕun consensus sÕest dessinŽ. Ce qui fait autoritŽ dans une sociŽtŽ nÕa pas nŽcessairement ses Žquivalents ailleurs et la croyance na•ve dans lÕuniversalitŽ des conceptions occidentales de lՃtat de Droit, a sans doute davantage que certains autocratismes, invalidŽ une good governance dans les annŽes passŽes, faute de fondements endognes. Č (Le Roy 1996 : 238). Creuser ces problŽmatiques et dŽgager la multiplicitŽ des Ē gouvernances Č existantes et ˆ inventer en partant de contextes culturels diffŽrents peut offrir un angle dÕapproche original par rapport ˆ la littŽrature existante sur la globalisation du droit, de la gouvernance et du dŽveloppement durable.

 

Si tous les chercheurs de notre dynamique ne travaillent pas forcŽment sur des contextes non-occidentaux, et que la question de la gouvernance, du dŽveloppement durable et dÕun nouveau partage de responsabilitŽs se pose de manire tout aussi urgente dans le Ē monde dŽveloppŽ Č, il nÕen reste pas moins que lÕorientation interculturelle de la recherche doit nous rendre mŽfiante envers des Ē fausses Žvidences Č. De mme, quՈ travers un questionnement interculturel, lÕorientation de la pyramide au rŽseau ˆ la recherche dÕun nouveau paradigme juridique pouvait appara”tre comme accrŽditant en fait un individualisme mŽthodologique faisant fi de lÕinscription des individus dans divers rŽseaux et champs sociaux semi-autonomes[53] et leurs articulations (voir Eberhard 2002b), de mme il appara”t quÕune rŽflexion sur une gouvernance Ē Žmancipatrice Č qui nÕest pas suffisamment sensible aux rŽalitŽs de terrain et aux exigences de lÕinterculturalitŽ peut, tout en dŽgageant des pistes intŽressantes, vite tre pervertis en nouveau relais dÕapproches nŽolibŽrales qui nient fondamentalement - tant au niveaux descriptif que prescriptif - le social, le politique et le juridique, en les subsumant sous un Žconomique, lui aussi trs partialement dŽfini.

 

 

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[1] Lorsque jՎcris Ē Droit Č avec une majuscule, cÕest pour rŽfŽrer ˆ la juridicitŽ telle quÕentendue par les anthropologues du Droit, et dont le Ē droit Č avec minuscule, compris ˆ lÕoccidentale, ne constitue que la pointe ŽmergŽe de lÕiceberg.

[2] Il est possible que des chercheurs chinois se joignent aussi ˆ la dynamique.

[3] Les rŽsultats de cette recherche ont ŽtŽ publiŽs sous forme dÕun numŽro thŽmatique de la Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques, Ē Le Droit en perspective interculturelle. Images rŽflŽchies de la pyramide et du rŽseau Č (Eberhard 2002b).

[4] Voir par exemple des ouvrages introductifs ˆ une rŽflexion sur la gouvernance ou plus approfondis tels que Arnaud 2003, Calame 2003, Gaudin 2002, Moreau Defarges 2003. Outre les dŽveloppements qui vont suivre, il serait aussi intŽressant de mener une Žtude sŽmantique sur la manire dont ces concepts sont traduits dans diffŽrentes langues et ˆ quoi renvoient leurs Žquivalents. JÕai participŽ au questionnement interculturel des termes principaux dÕun texte ˆ visŽe internationale traduit dans de nombreuses langues, la Charte pour un Monde responsable et solidaire o il apparaissait trs clairement que toute traduction Žtait une trahison, dÕautant plus grande que les langues Žtaient ŽloignŽes (Sizoo 2000).

[5] Et notons quÕen Ē moulant Č les expŽriences diverses dans un champ sŽmantique donnŽ, on passe la plupart du temps ˆ c™tŽ de lÕoriginalitŽ de ces expŽriences et on ne les construit que de manire caricaturale selon le principe de lÕenglobement du contraire (sur lÕenglobement du contraire, concept empruntŽ ˆ Louis Dumont, voir Eberhard 2003 : 11-15).

[6] Pour les liens entre altŽritŽ, complexitŽ et interculturalitŽ dans une perspective dÕanthropologie du Droit, voir Eberhard 2005.

[7] Voir la cŽlbre mŽtaphore de Boaventura de Sousa Santos du droit comme carte de lecture dŽformŽe de la rŽalitŽ (1988).

[8] Pour une prŽsentation plus approfondie du principe de lÕenglobement du contraire et de ses enjeux dans le domaine du Droit voir Eberhard 2003.

[9] Voir notamment sur ce concept Petersen & Zahle 1995. Voir aussi Arnaud 2003 : 185-191.

[10] Toutes les citations en langue Žtrangre ont ŽtŽ traduites par lÕauteur.

[11] Pour des dŽfinitions introductives de la globalisation voir Arnaud 1998 : 21 ss, Beck 2000, Dagorn 1999, Piel 1999, Robertson 1994 & 1996. Sur le paradigme Žmergent dÕune Ē re globale Č remettant en question les acquis de la modernitŽ voir par exemple Albrow 1999.

[12] Voir par exemple les dŽveloppements dans Boaventura de Sousa Santos 1995 : 250 ss. Voir aussi Delmas-Marty 1998.

[13] Sur lÕarchŽtype rationaliste sous-tendant cet imaginaire voir Eberhard 2002a : 145-152.

[14] Voir par exemple Arnaud 2003. Et voir les distinctions pertinentes que fait ƒtienne Le Roy (1999 : 38-42) entre modles de systme, modles de phŽnomne et modles processualistes.

[15] Voir Sachs 1997, Panikkar 1990, Esteva & Prakash 1998

[16] Voir sur la dŽrive du Ē grand systme Č Balandier 2001.

[17] JÕai explicitement commencŽ ˆ rŽflŽchir en termes de plurivers par rapport au Droit en contexte de globalisation dans Eberhard 2000.

[18] Comparer avec  les rŽflexions dŽveloppŽes dans Vachon 2000.

[19] Sur ces questions, il est utile de se reporter ˆ Panikkar 1982, 1999a &  1999a et Vachon 1990 & 2000

[20] Pour des premires dŽfinitions voir Rist 1996 et Sachs 1990.

[21] Bien que mme cette vision semble fortement imprŽgnŽe dՎvolutionnisme.

[22] On peut mme dater le jour de lÕavnement de lՏre du dŽveloppement o des milliards dՐtres humains sont soudainement devenus sous-dŽveloppŽs : le 20 janvier 1949, investiture du prŽsident Truman qui dŽclarait dans son discours Ē We must embark on a bold new program for making the benefits of our scientific advaces and industrial progress available for the improvement and growth of underdeveloped areas. Č (voir Esteva 1997 : 6).

[23] Sur les multiples visages de Ē lÕaide au dŽveloppement et de ses enjeux Č voir Sogge 2003.

[24] Pour une discussion des notions de pauvretŽ, de besoins et de standard de vie ˆ lՉge de la globalisation voir Rahnema 1997, Illich 1997 et Latouche 1997.

[25] Ē Le fossŽ entre Nord et Sud sÕagrandit alors de plus en plus vite de sicle en sicle, pour passer finalement de 1 ˆ 6 au dŽbut des annŽes 50 ˆ pratiquement 1 ˆ 63 en ce dŽbut de XXI sicle. La polarisation de la richesse entre les rŽgions et entre les individus atteint des sommets inusitŽs. Selon le dernier rapport du PNUD (1999), si la richesse de la plante a ŽtŽ multipliŽe par 6 depuis 1950, le revenu moyen des habitants de 100 des 174 pays recensŽs est en plein rŽgression, de mme que lÕespŽrance de vie. Les 3 personnes les plus riches du monde ont une fortune supŽrieure au PIB total des 48 pays les plus pauvres. Le patrimoine des 15 individus les plus fortunŽs dŽpasse le PIB de toute lÕAfrique subsaharienne. Enfin, les avoirs des 84 personnes les plus riches surpassent le PIB de la Chine, avec son 1,2 milliards dÕhabitants. Č (Latouche 2003 : 126).

[26] Il est dÕailleurs intŽressant de noter que le dŽveloppement est quelque chose quÕon applique ˆ quelquÕun. Pour parler de lÕaccumulation de richesses pour les pays occidentaux, dŽjˆ Ē dŽveloppŽs Č on parle plut™t en terme de Ē croissance Č. Les autres par contre doivent se dŽvelopper par une imposition du dŽveloppement.

[27] Alors quÕil faut garder ˆ lÕesprit que les trois quarts de la population indienne est rurale.

[28] La notion de Ē dŽveloppement durable Č Žmerge dans les annŽes 1980. Il est dŽfini comme Ē le dŽveloppement qui rŽpond aux besoins du prŽsent sans compromettre la capacitŽ des gŽnŽrations futures de rŽpondre aux leurs Č dans le rapport des Nations Unies Notre avenir ˆ tous de 1987. Le PNUD a aussi initiŽ une rŽflexion sur un dŽveloppement plus centrŽ sur lÕhomme pour se libŽrer du carcan de lÕajustement structurel qui commenait ˆ montrer ses limites et nŽcessitait dՐtre repensŽ avec Ē un visage plus humain Č (Ben Hammouda 1999 : 8-9).

[29] Ē Homme Č avec majuscule renvoie ici ˆ lՐtre humain, au Mensch en allemand.

[30] Voir par exemple Vachon 1990 et La ligne dÕhorizon 2003.

[31] Mais notons dŽjˆ ici lÕambigu•tŽ de la notion idŽologisŽe de Ē participation Č qui connotŽe positivement, lŽgitime en soi toutes sortes dÕintervention sans quÕon sÕintŽresse aux modalitŽs concrtes, aux jeux et enjeux de pouvoir. Nous reviendrons sur cette question importante en traitant un peu plus bas de la Ē sociŽtŽ civile Č.

[32] Pour Claude Serfati (2003 : 18) en anglais le terme de gouvernance Ē qualifie dÕune part lÕexercice de lÕautoritŽ, le contr™le, autrement dit le ŌgouvernementÕ exercŽ par une institution, et dÕautre part une mŽthode de gouvernement ou de gestion. Certes on peut admettre une certaine complŽmentaritŽ entre les deux dŽfinitions, puisque lÕexercice de lÕautoritŽ sÕappuie Žvidemment sur un certain nombre de mŽthodes. Pourtant, lÕutilisation abondante du terme de gouvernance a pour rŽsultat de dissocier les deux dimensions, voire de les opposer. Ceux qui mettent lÕaccent sur les mŽthodes et les procŽdures distinguent soigneusement gouvernance et gouvernement (au sens du pouvoir), parfois mme gouvernance et autoritŽ. Telle est le sens donnŽ ˆ la dŽfinition trs connue de Rosneau (1997 : 183) : Ōla gouvernance globale (Éest) la somme de myriades Š au sens littŽral de millions Š de mŽcanismes de contr™les actionnŽs par diffŽrentes histoires, diffŽrents buts, diffŽrentes structures, diffŽrents processusÕ (É) La gouvernance comprise comme ensemble de mŽthodes, nÕest donc pas fondŽe sur la domination mais sur  lÕaccomodement (Smouts 1997) Č. Voir aussi les dŽveloppements sur le mythe de la gouvernance dŽpolitisŽe dans Jobert 2003.

[33] Voir Gervais 1997, Osmont 1997, Campbell 1997a. Voir aussi pour lՎvolution de lÕajustement, de son Žmergence au post-ajustement Ben Hammouda 1999.

[34] Voir dans ce contexte par exemple les rŽflexions sur la coopŽration judiciaire franaise avec lÕAfrique dans Le Roy & Kuyu 1996.

[35] Cette question de la lŽgitimitŽ de lՃtat, liŽe entre autres ˆ celle dÕefficacitŽ est primordiale. Comme le remarque Bernard Husson (1997 : 26) Ē Dans la plus grande partie des pays dÕAfrique, lՃtat est rŽcusŽ en tant quÕinstance capable de mobiliser les forces sociales du pays autour dÕun projet dÕavenir. On constate au contraire une dŽconnexion entre dŽtention du pouvoir et lŽgitimitŽ. Č Voir aussi les rŽflexions dՃtienne Le Roy (1999 : 263-267) sur les exigences de lՃtat de Droit qui comportent la conformitŽ de lՃtat aux reprŽsentations et aux valeurs de sociŽtŽ du plus grand nombre, ce qui nÕest souvent pas le cas en Afrique.

[36] Ces analyses gagnent ˆ tre mises en perspective par les dŽveloppements de Bertrand Badie sur les ƒtats entre ruse et responsabilitŽ dans un monde sans souverainetŽ (1999). Voir aussi de Senarclens (2002) qui analyse les mutations et reconfigurations du r™le lՃtat dans les nouveaux rapports de pouvoir qui Žmergent avec les dynamiques de globalisation.

[37] Pour une illustration dÕune telle approche dans le domaine du foncier voir par exemple Le Roy, Karsenty & Bertrand 1996. Comparer aussi avec lÕapproche dÕune humane governance par une prise en compte des grassroots movements proposŽ par Rajni Kothari (1990a : 2ss).

[38] Pour une trs bonne introduction aux ambigu•tŽs et aux enjeux des notions de Ē sociŽtŽ civile Č et de Ē sociŽtŽ civile globale Č tant au niveau descriptif que prescriptif voir Leydet 1997.

[39] Voir aussi Bayart 1987 et mettre en relation avec Le Roy 1997b. Sur la question des rŽseaux voir entre autres les contributions sur lÕAfrique dans Eberhard 2002b. On peut aussi se poser la question de la pertinence de parler de Ē sociŽtŽ civile Č dans des contextes qui ne la connaissent pas et ne la reconnaissent pas officiellement telle la Chine par exemple.

[40] Sur la difficultŽ de la prise en compte des structures ou dynamiques traditionnelles quand on raisonne en termes de Ē sociŽtŽ civile Č voir par exemple Mandani & Wamba-Dia-Wamba 1997, Sall 1997.

[41] Un exemple concret intŽressant est celui de la tontine qui dans la plupart des contextes africains est LE mŽcanisme de crŽdit et dont on pourrait sÕinspirer dans une refonte des du mode de fonctionnement des banques africaines (voir Henry, Tchente & Guillerme-Dieumegard 1991.

[42] Dans ce contexte, il est aussi utile de garder ˆ lÕesprit le caractre fort sŽlectif du dialogue des institutions avec la Ē sociŽtŽ civile Č qui a tendance ˆ se muter en Ē cooptation Č par les institutions de dynamiques Ē populaires Č en vue de leur confŽrer une plus grande lŽgitimitŽ. Voir par exemple pour une analyse du dialogue entre le Fonds MonŽtaire International et la sociŽtŽ civile Scholte 1998.

[43] Il est intŽressant de mettre en rapport cette constatation avec les interrogations de Lagroie et de SimŽant sur lՎmergence chez des individus du sentiment de Ē pouvoir agir sur les choses Č (2003 : 60).

[44] Ce qui fait penser ˆ ce quÕils doivent devenir Ē adultes Č, grandir Š on est lˆ encore dans les reprŽsentations Žvolutionnistes o les occidentaux ou occidentalisŽs dŽveloppŽes sont les matures et les Ē autres Č les Ē enfants Č.

[45] Dans ce contexte, le lecteur pourra tre intŽressŽ par le dernier ouvrage dՃtienne Le Roy, Les Africains et l'Institution de la Justice (2004) dont lÕobjet Ē (É) est de mettre ˆ jour les fondements dÕune incomprŽhension qui affecte la vie juridique et les politiques judiciaires en Afrique ds lors que quÕon ignore, plus ou moins volontairement, le dŽdoublement des modes de rglement de conflit qui en rŽsulte. En effet, les modes ŌformelsÕ cÕest-ˆ-dire officiels et Žtatiques sont ŌdŽbordŽsÕ par des modes ŌinformelsÕ, officieux, occultŽs ou illŽgaux selon le cas. Cette situation de dŽdoublement et de dŽbordement existe depuis les origines de lÕintroduction du modle occidental et Žtatique de la Justice dans le contexte colonial. Elle Žtait tenue pour temporaire et transitoire, donc acceptable selon les critres de lՎpoque. Les concepteurs de politiques pensaient en effet au dŽbut du XXme sicle que la vertu de la Justice ŌvraieÕ devait lÕemporter au nom des Ōprincipes de civilisationÕ puis par lÕeffet dÕentrainement des politiques de dŽveloppement. Il faut bien reconna”tre pourtant quÕun sicle aprs la mise en place dÕInstitutions judiciaires europŽennes puis sur le modle europŽen , les justices dites indignes, coutumires ou populaires se portent bien. Mme si leur statut hybride et leur fonctionnement mŽriteront de nouvelles Žtudes (É) leur dynamique est irrŽcusable et doit tre prise en compte par toute politique rŽformatrice. Le cĻur de cet ouvrage sera donc consacrŽ ˆ une anthropologie historique et politique de la justice en Afrique noire depuis un sicle. Č (p VII-VIII).

[46] Il est intŽressant de contraster et de complŽter cette approche par lÕapproche de la planification par Arturo Escobar (1997).

[47] Et voir mme dans Eberhard 1999 ma mŽfiance de parler en termes de Ē projet de sociŽtŽ Č dans certains contextes, cette notion Žtant elle aussi probablement trop moderne pour tre interculturellement valable.

[48] Pour la problŽmatique des Ē pratiques alternatives du droit Č voir par exemple Arnaud 2003 : 249-260, Huyghebaert & Martin 2002. Pour une rŽflexion de pratiques alternatives du droit ˆ des pratiques alternatives au Droit voir Eberhard 2002c.

[49] Voir par exemple Kothari 1990b.

[50] En suivant par exemple Le Roy 1991 ou Rochegude 2002.

[51] Et on peut se demander si voir du Droit partout ne trahit pas parfois outre une dŽformation de juriste, celle plus spŽcifique de lÕantropologue du Droit qui a trs Žtendu la notion de Droit pour pouvoir sÕatteler ˆ la comparaison du droit occidental avec ses Žquivalents homŽomorphes dans dÕautres cultures, au risque de juridiciser indžment certaines rŽalitŽs ? Ceci risque de poser surtout problme dans les cas o lÕanthropologue du Droit glisse de la description ˆ la prescription et se fait lÕavocat de pratiques juridiques non-Žtatiques pour les faire reconna”tre dans la sphre institutionnelle Žtatique. Pour amorcer une rŽflexion plus particulirement en ce qui concerne les conditions diffŽrentes dans lesquelles peuvent fonctionner justices Ē formelle Č et Ē informelle Č voir Abel 1982 (surtout son introduction p 1-13). Voir aussi Eberhard 2002c.

[52] cÕest-ˆ-dire aux Žquivalents fonctionnels par rapport ˆ la vision du monde dÕune autre culture. Voir pour une prŽsentation de ce concept empruntŽ ˆ Raimon Panikkar :  Eberhard 2002a :123-124.

[53] Pour ce concept voir Moore 1973.