MEMOIRE

                                                                                                                                             

 

 

 

 

 

 

Autorégulation et co-régulation de l’entreprise en matière de droits de l’homme : l’exemple des codes de conduite et des labels sociaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

Il est difficile de ne pas se rendre compte du rôle grandissant joué par l’entreprise dans nos sociétés libérales. Si son essor ne peut être dissocié de l’ère industrielle qui l’a vu grandir, il est indéniable que sa structure, son poids économique et même son essence ont évolué avec le reste de la société. Cette nouvelle configuration de l’entreprise couplée avec les transformations de son environnement forme le substrat porteur de nombreuses espérances que la société place en elle. L’entreprise est devenue l’objet des fantasmes les plus divers quant à ses capacités et à sa volonté de créer un monde meilleur, plus riche.

 

            Un de ces espoirs (un peu fou ?) entend consacrer l’entreprise gardienne, au même titre que l’Etat, du respect des droits de l’homme. Cette idée, qui pourrait prêter à sourire, a pourtant fait son chemin. La voilà scandée par les entreprises elles-mêmes qui semblent vouloir relever le défi. La responsabilité sociale de l’entreprise est née.

 

           

            Nous nous proposons, dans cette étude, d’analyser les implications juridiques découlant des relations nouvelles qu’entretiennent l’entreprise et les droits de l’homme. Notre hypothèse de départ tend à vouloir démontrer que la production juridique occasionnée par la responsabilité nouvelle de l’entreprise en matière de droits de l’homme, s’insère dans une tendance plus large de modification de la rationalité juridique. Pour ce faire, notre choix s’est porté sur l’analyse de deux instruments normatifs directement liés à notre problématique. Ce sont les codes de conduite d’une part, et les instruments de labellisation sociale d’autre part.

 

           

 

            Notre exposé sera décomposé en deux parties.

 

           

            La première partie sera centrée autour de l’entreprise et de son environnement. Avant d’analyser dans le détail les instruments juridiques que nous nous proposons d’étudier, il nous paraît primordial de s’intéresser au contexte à l’origine de leur apparition. On se posera dès lors la question suivante : quels changements dans la nature même de l’entreprise ont permis de la considérer comme un acteur incontournable en matière de droits de l’homme. Parallèlement à cela, nous tâcherons de comprendre comment l’entreprise a progressivement obtenu un pouvoir d’autorégulation.

 

            Différents éléments de réponse seront proposés. Nous analyserons tout d’abord les transformations que subit la société toute entière. Ces éléments nous permettront de mieux comprendre la montée en puissance des grandes entreprises dans notre société globalisée. Ce sont ensuite les transformations qui touchent l’entreprise elle-même qui nous intéresseront. Nous évoquerons ici les débats autour de l’intérêt social de l’entreprise ainsi que l’accession de l’entreprise au statut de sujet juridique à part entière.

 

            Après avoir mis en lumière les fondements de la reconnaissance d’un pouvoir d’autorégulation à l’entreprise, notamment en matière de droits de l’homme, nous consacrerons notre deuxième partie à l’étude des codes de conduite et des labels sociaux. Ce sont les codes de conduite, instruments par excellence de l’autorégulation, qui retiendront d’abord notre intérêt. Leur nature puis les raisons de leur apparition seront analysées. Ensuite, nous examinerons leurs effets juridiques afin de mieux cerner leur mode de fonctionnement. Viendra enfin le tour des labels sociaux que nous aborderons en tant qu’instruments de contrôle de la politique sociale de l’entreprise.

 

            Nous terminerons notre étude par une analyse globale du champ de la responsabilité sociale de l’entreprise. Un éclairage sociologique permettra de mettre en perspective la stratégie des acteurs impliqués et les enseignements théoriques de la matière étudiée seront proposés en guise de conclusion.

 

            Il nous reste, avant de commencer, à prévenir le lecteur que notre propos s’inspirera d’une approche interdisciplinaire veillant à combiner des enseignements théoriques empruntés à plusieurs disciplines. Ce qui, nous l’espérons, aura le don d’enrichir la nature de l’exposé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Première partie : l’entreprise aujourd’hui

 

 

 

Liminaire : terminologie

 

                        Qu’est-ce qu’une entreprise ? Quelles en sont la substance et la forme ? Si ces questions ne permettent pas l’émergence d’une réponse univoque, il nous semble quand même nécessaire de préciser notre pensée en réduisant le champ des possibilités. On trouve une première définition dans le dictionnaire qui rend compte de l’entreprise en tant qu’organisation de production de biens (ou de services) à caractère commercial[1] [2]. Cette définition large met en exergue son rôle économique fondamental. Mais l’entreprise brasse plus large. Outre son objet économique, elle est également un fait juridique, culturel, social ou politique. C’est sous toutes ses coutures que doit être considérée l’entreprise pour comprendre la place particulière qu’elle occupe aujourd’hui dans la société. Elle s’apparente donc plus à un paradigme[3] qu’à un concept univoque, prêt à l’emploi. C’est en gardant à l’esprit la polysémie de ce concept que nous aborderons cette étude qui, tour à tour, fera ressortir avec plus de force un de ses nombreux visages.

 

            Au-delà de ces différentes facettes, l’entreprise varie également par ses dimensions. L’entreprise est une entité économique de taille extrêmement variable allant de l’épicerie du coin aux gigantesques multinationales. Si ces deux types d’entités sont des acteurs économiques, on se rend bien compte que leurs poids voire leurs rôles dans la société sont différents. Notre étude aura tendance à se focaliser sur les grosses structures économiques car ce sont à elles que l’on demande de jouer un rôle nouveau dans nos sociétés et ce sont elles qui subissent les transformations les plus importantes. Gardons pourtant en mémoire que les mouvements contemporains touchant les entreprises transnationales contaminent les structures moins imposantes qui peu à peu développent les mêmes symptômes que leurs grandes sœurs.[4]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre I. Un monde globalisé

 

A.   Les faits

 

            Avec la chute du mur de Berlin puis de l’Union soviétique, la fracture idéologique qui divisait le monde en deux blocs concurrents s’est désintégrée, laissant la voie libre au modèle libéral. Très rapidement, les anciens pays communistes, à quelques exceptions près, se sont ouverts à la société de marché et en adoptèrent les règles du jeu. Le modèle libéral est sorti vainqueur du duel avec son rival communiste. Cette analyse pèche probablement par son manque de nuances. Les prémisses de la globalisation remontent en effet plus loin dans le temps. Certains considèrent même que la globalisation n’est que l’évolution naturelle de notre système économique, en place depuis plusieurs siècles[5]. D’aucuns ont pourtant pu pressentir suite à l’évanouissement du bloc soviétique la mort de l’histoire[6] des hommes. Sans aller jusque là, la fin d’un monde bipolaire vit s’effacer la stabilité que celui-ci apportait. Chacune des deux entités jouait le rôle de garde-fou permettant de contenir l’expansion de son vis-à-vis. Aujourd’hui le libéralisme économique s’est imposé comme le modèle unique d’organisation sociale à travers la planète. Son développement s’est affranchi de la menace communiste. Cette reconfiguration de l’organisation politique mondiale créa un environnement favorable au développement d’un monde globalisé.

 

 

            Quelle(s) réalité(s) se cache(nt) derrière ce concept en vogue ? On a vu se multiplier ces dernières années les références à la globalisation, on lui a attribué presque tous les vices et toutes les vertus. Comment faire le tri entre ces multiples acceptions sans verser dans le subjectivisme absolu. Peut-on dès lors reconnaître à ce concept opaque une quelconque valeur scientifique[7] ? Plus fondamental encore, ce phénomène existe-t-il réellement ? [8] L’étude de toutes ces questions dépasse l’objet de notre analyse. Reste la conviction qu’il se passe réellement quelque chose de nouveau. Reste également l’existence d’un ensemble de faits sociaux posant question. Quelle est cette évolution qui s’échafaude devant nos yeux ? Nous tenterons d’en définir les axes majeurs et de les illustrer par différents exemples.

 

            Il nous faut tout d’abord préciser que c’est par son versant économique que nous aborderons le phénomène. Si il est certain que son impact dépasse la sphère du marché[9], la globalisation relève avant tout des bouleversements qu’a connu l’économie mondiale ces dernières années. Le premier d’entre eux procède de l’intensification des transactions et des échanges transnationaux de toutes sortes, non seulement financiers et économiques mais également au niveau des médias, des télécommunications, du tourisme ou tout simplement des relations personnelles[10].

 

            Si l’existence de circuits commerciaux internationaux ne constitue pas un phénomène nouveau, il était généralement cantonné à certains secteurs particuliers et restait dans des proportions somme toute limitées. L’intégration économique globale ne devint réalité qu’à partir du XIXème siècle suite à la révolution industrielle et l’expansion coloniale européenne. Après la seconde guerre mondiale, le phénomène s’accéléra considérablement avant de carrément s’emballer à la chute du bloc de communiste. Le commerce international est passé de $380 milliards en 1950 à $5860 milliards en 1997, soit un bond de près de 1500 %[11]. Outre le poids global du commerce international, c’est l’augmentation des secteurs d’activités impliqués qui étonne le plus. Aucun domaine n’est épargné. Pour garder la tête hors de l’eau dans cet univers ultra concurrentiel, les entreprises doivent se développer au niveau mondial ce qui les oblige souvent à s’associer, de gré ou de force, avec des sociétés étrangères. Nous y reviendrons par après. L’intégration des marchés financiers, leur dépendance mutuelle et la croissance exponentielle des investissements étrangers participent à ce même phénomène. On estime à $1.2 trillion les valeurs échangées quotidiennement par l’intermédiaire des marchés financiers internationaux et à $6 trillions les montants transférés chaque jour par les banques internationales[12].

 

            Cette intensification matérielle des échanges s’accompagne d’une accélération de ceux-ci. Les échanges ne sont pas seulement plus nombreux, ils sont plus rapides. Si cent ans auparavant il fallait deux jours pour que les informations de la bourse de Londres arrivent à New York, la communication est aujourd’hui instantanée. Mieux encore, elle est continue. Les marchés restent ouverts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le monde est devenu un village. Les observateurs parlent de « mort de la distance », de « fin de la géographie »[13].

 

            Pour comprendre ce phénomène, il nous faut souligner le rôle considérable qu’a joué la technologie dans ce développement. Ce sont les avancées technologiques qui permirent cette accélération du transfert de l’information. L’arrivée d’internet, le développement des moyens de communication et de la société de l’information sont à la fois les moteurs et les fruits de la globalisation. Plus qu’un simple vecteur de la globalisation, la technologie en est un des enjeux fondamentaux. La techno-science, c’est-à-dire la transformation de plus en plus rapide des connaissances en applications concrètes, est devenu un élément du pouvoir économique. Sous l’impulsion vigoureuse des entreprises, le progrès technologique tend à se systématiser, à s’accélérer, à se généraliser[14]. L’investissement de celle-ci dans l’innovation devient une nécessité vitale. Le financement des départements ‘recherche et développement’ des multinationales peut atteindre jusqu’à 20 % des investissements de l’entreprise comme c’est le cas dans le secteur pharmaceutique. Les PME ne sont pas en reste. Elles sont devenues les principales créatrices d’emplois dans nos pays occidentaux et les plus performantes sont généralement les plus innovantes. Les pouvoirs publics incitent à l’investissement dans ce qui est généralement appelé des pôles d’excellence, en d’autres termes les secteurs les plus innovants.

 

           

            En conclusion de cet état des lieux, rappelons tout de même que la globalisation ne concerne pas uniquement la sphère économique. Les enjeux culturels, de santé, d’environnement, de sécurité ont pris une dimension transnationale. Du terrorisme au réchauffement de la planète, des O.G.M. aux épidémies telles que la grippe aviaire, ces problèmes appellent une réponse au niveau planétaire.

 

B.   Les acteurs

 

            En toile de fond des glissements économiques produits par la globalisation, on constate également une redistribution des rapports entres les différents acteurs de notre société. L’Etat-nation, jadis omnipotent dans les choix en matière d’orientations politiques et sociales, doit aujourd’hui composer avec de nouveaux acteurs privés, agents économiques ou groupements de citoyens, qui revendiquent le droit d’être entendu voire de participer aux choix politiques.

 

1.        L’entreprise

 

            Grande bénéficiaire de la globalisation, l’entreprise a su jouer de ses atouts, comme la flexibilité et la réactivité, pour devenir un acteur incontournable de la globalisation. Deux évolutions nouvelles procèdent de ce mouvement.

 

            Tout d’abord on assiste à une croissance sans précédent de la taille des entreprises et de leur poids économique. En 2004, le Centre des Nations Unies pour les entreprises transnationales recensait quelque 64.000 multinationales (appelées aujourd’hui groupes transnationaux[15]) ainsi que 814.000 filiales étrangères y attenant[16]. Autre statistique intéressante, sur les 100 plus grandes entités économiques au monde, 51 sont des entreprises et 49 seulement des Etats[17]. On constate un rééquilibrage du poids économique entre Etats et entreprises à la faveur de ces dernières. Cette croissance se situe également dans l’espace. Les frontières étatiques ne sont plus des repères efficaces pour localiser les zones d’influence économique des grandes entreprises[18]. L’expansion se ressent enfin en terme de ressources humaines. Nombreux sont les groupes transnationaux qui emploient plus de 100.000 personnes à travers le monde[19].

 

            Cette croissance vertigineuse tient en grande partie aux fusions acquisitions qui se multiplient sur les marchés financiers. C’est à coup de rachats successifs de concurrents que les groupes transnationaux se forment. La croissance externe se substitue au développement interne. Les rachats se font généralement sous la forme d’O.P.A[20], pouvant être hostile ou amicale. La survie des entreprises passe irrémédiablement par leur expansion. Cette situation augmente encore la concurrence entre les groupes qui doivent constamment s’assurer de garder leur destinée entre leurs mains en évitant de se faire ‘manger à n’importe quelle sauce’.

 

            Concomitamment à cette concentration horizontale, les entreprises font preuve d’une volonté de recentrer leurs activités autours de leur métier de prédilection, sous-traitant le reste des activités nécessaires à la confection de leurs produits. Alors que jadis on privilégiait généralement l’intégration de toute la chaîne de production au sein de l’entreprise[21], Aujourd’hui, le recours au marché obéit à un ‘ principe de subsidiarité’, selon lequel l’entreprise ne produit en interne que ce qu’elle ne peut obtenir sur le marché à un meilleur prix ou dans une meilleure qualité.(…) La ligne de partage entre le faire et le faire faire s’est déplacée »[22][23] L’Union européenne s’intéresse de près à la question de la sous-traitance, phénomène qui selon la Commission représente entre 50 et 70 % de la valeur totale de la production dans les secteurs industriels[24]. Ce phénomène soulève certaines questions. En droit social notamment, le contrat de sous-traitance permet d’éviter l’assujettissement aux réglementations du droit du travail. Ce sont des contrats commerciaux ou civils qui sont conclus entre l’entreprise et son sous-traitant alors que, bien souvent, une véritable dépendance économique existe entre parties, voire parfois un lien de subordination.

 

            Une autre question est celle de l’externalisation des risques. Que ce soit par la création de filiales ou la sous-traitance, l’entreprise fait porter sur une autre entité juridique le risque de l’activité concernée. Il en découle que malgré l’unité économique de ce groupe d’entreprises, l’existence de personnalités juridiques différentes va généralement entraîner une exonération de responsabilité pour la société mère[25].

 

            Cette multiplication des filiales et des sous-traitants a considérablement modifié le visage des entreprises. Il est devenu difficile de cerner ses contours juridiques et économiques. L’entreprise devient diffuse, on passe D’une entreprise hiérarchisée vers un réseau coopératif (…) interdépendant[26], elle est décrite sous les traits d’un nœud de contrat (nexus of contracts)[27]. Les instruments juridiques classiques peinent à clarifier la situation alors que le phénomène prend de l’ampleur.

 

 

            Les entreprises sont les seules à avoir franchi tous les seuils de la globalisation: celui de la dimension, de l'horizon temporel, de la complexité, des ressources et de l'information.[28]

Elles ont su tirer leur épingle du jeu laissant à la traîne les Etats nations, en quête d’un second souffle.

2.    La société civile

 

            Un second acteur monte en puissance à coté des entreprises. C’est la société civile. L’acception contemporaine de cette formule renvoie généralement aux initiatives privées, citoyennes, non issues de la sphère du marché[29], dont les représentants les plus actifs et médiatisés sont les O.N.G.. Sous la forme d’associations de quartier, d’organisations de défense des consommateurs, de groupes de défense de l’environnement ou des droits de l’homme, leur influence tend à s’accroître considérablement. Utilisant adroitement les leviers juridiques et de la communication, les O.N.G. tentent de mobiliser l’opinion publique et de les rallier à leurs causes. Les Etats et les organisations internationales doivent dorénavant compter avec elles. Les O.N.G sont dès lors fréquemment invitées aux discussions sur les questions politiques rentrant dans leur objet social.

 

            L’union européenne fut une des premières à jouer le jeu. Dans son livre blanc sur la gouvernance européenne, la Commission européenne exprime son souhait de renforcer le dialogue et la participation de la société civile à ses travaux[30] [31]. L’Organisation des Nations Unies, elle aussi, a entamé un dialogue avec la société civile. On compte en 2005 plus de 2700 O.N.G. accréditées auprès des Nations Unies et pourvues d’un statut consultatif[32].

 

            On peut se poser la question de la prise en compte effective de l’avis de la société civile par les autorités publiques nationales et internationales. Certains ne voient dans cette consultation des O.N.G. qu’un moyen de légitimer les décisions et les institutions qui prennent ces décisions. Si ce rôle de faire-valoir est indéniable, il paraît fortement réducteur pour plusieurs raisons. Premièrement leur grande connaissance dans certains domaines comme les droits de l’homme ou l’environnement leur confère une véritable expertise qui intéresse les autorités publiques. Ensuite, nous avons souligné l’impact médiatique et la capacité de mobilisation de l’opinion publique qui obligent les autres acteurs à prendre au sérieux les exigences des représentants de la société civile. Enfin, leur fonction sociale tend à s’étendre. Les Etats leur laissent de plus en plus jouer un rôle important dans la lutte contre la pauvreté et l’aide d’urgence internationale. La catastrophe humanitaire provoquée par le tsunami en janvier dernier nous l’a rappelé une nouvelle fois. Certaines O.N.G. sont d’ailleurs devenues de véritables petites multinationales des droits de l’homme, de l’aide humanitaire ou de la protection de l’environnement.

 

            Cette montée en puissance de la société civile et plus particulièrement des O.N.G. internationales vues comme ses porte-parole a fini par soulever certaines questions quant à la légitimité de ces organisations. On a pu en effet leur reprocher tour à tour un manque de représentativité ainsi qu’un manque de transparence dans leur fonctionnement. Le premier grief ne peut être reçu.

 

            La société civile n’a pas comme rôle de représenter la société dans son ensemble. Les membres de la société civile qui s’investissent dans le débat et l’action publics ne s’autorisent que d’eux-même et, à proprement parler, ils ne représentent personne.(…) Il y a peu de sens sinon aucun à envisager leur légitimité en termes de représentation[33]. Par contre, un travail doit encore être accompli pour assurer une meilleure transparence de ces organisations. La transparence étant devenue une des clés de la légitimité du pouvoir il faudra que les O.N.G. s’adaptent à ces nouvelles exigences pour jouer le rôle qu’elles prétendent effectuer dans le débat public[34].

 

3.    L’Etat

 

           

            L’intensification des échanges transfrontaliers et le développement des moyens de communication font peu de cas des frontières étatiques. La reconfiguration des rapports internationaux confine les Etats dans une situation peu confortable où l’inadéquation de leur nature et de leur droit territorial ressort de manière criante. Nous assistons à un changement de perspective dans lequel l’échelon étatique est « trop étroit pour faire face au développement des échanges » et « trop vaste pour s’adapter aux besoins de la nouvelle quête identitaire »[35]. L’Etat moderne, fruit de l’ordre westphalien, devient un acteur redondant qui cherche sa place et tente de maintenir ses prérogatives et sa légitimité[36].

 

            Les entreprises transnationales, mieux adaptées aux défis que génère la globalisation, se trouvent dans une position de force face aux Etats. Ces derniers doivent faire face aux délocalisations d’une partie de la production des entreprises transnationales dans des Etats à main d’œuvre bon marché et aux normes sociales plus souples. Ce dumping social tend à effriter les systèmes de protection sociale mis en place dans la plupart des pays occidentaux. Ceux-ci étant obligés de revoir les droits des travailleurs à la baisse afin de rester attractifs aux yeux des entreprises[37]. Une véritable concurrence s’est d’ailleurs installée entre les Etats. Les gouvernements jouent en quelque sorte le rôle de représentants de commerce, tentant de vendre aux entreprises leurs territoires afin d’attirer les investisseurs étrangers. L’Etat va devoir s’adapter aux exigences des entreprises et ainsi perdre en grande partie la maîtrise de l’orientation économique de la société.

           

            Plus encore, l’Etat se voit irrésistiblement englué dans le giron du marché. Il doit se plier à ses règles et apparaît désormais comme le représentant un peu vieillissant d’une grande compagnie classique.[38] Pour paraphraser Michel Foucault, « l’Etat est sous surveillance du marché plutôt qu’un marché sous surveillance de l’Etat »[39].L’Etat n’est alors qu’un acteur économique parmi d’autres malgré le fondement social ou politique de ses actions.

 

           

            Ces transformations ont inévitablement eu un impact sur la nature des outils législatifs utilisés. Il va être fait usage de techniques nouvelles de régulation, plus consensuelles, négociées avec les acteurs intéressés, souples et non contraignantes. La figure du contrat entre pouvoirs publics et citoyens se répand dans le vocabulaire législatif[40]. Les relations entre l’Etat et ses administrés évoluent vers plus de dialogue et de souplesse.

           

 

 

           

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre II. Les changements touchant l’entreprise

 

           

I.     Corporate governance et intérêt social de l’entreprise

 

 

            La corporate governance constitue à n’en point douter la pierre de touche des questions théoriques autour de l’entreprise contemporaine. Provenant de la doctrine anglo-saxonne, cette expression sous-tend une double problématique aux enjeux considérables. Il s’agit d’une part de l’organisation et de la répartition des pouvoirs au sein de l’entreprise, entre ses différents organes, c’est l’acception stricte de la notion. D’autre part, en amont des questions de répartition se situe la question de la finalité de ces pouvoirs, en d’autres termes de la nature de l’intérêt social de l’entreprise. Ces deux branches de la corporate governance sont évidemment intrinsèquement liées et forme en réalité les deux faces d’une même réalité. Reconnaître, par exemple, à l’assemblée générale des actionnaires des prérogatives importantes, c’est s’assurer que l’intérêt des actionnaires soit privilégié et se confonde à peu de chose près avec l’intérêt social.

 

A.   Corporate governance au sens strict

 

                        En matière de répartition des pouvoirs, le débat se focalise sur le rôle que doivent jouer respectivement l’assemblée générale des actionnaires et les organes d’administration. Si depuis les années trente, les compétences du conseil d’administration ont eu tendance à s’accroître[41] afin de mettre le droit en concordance avec la manière dont les entreprises étaient effectivement gérées, la situation semble s’être inversée à partir des années 80[42]. L’actionnaire s’est vu reconnaître un rôle plus important dans le choix des grandes orientations de l’entreprise. Ces réformes trouvent leur source dans la volonté de redonner confiance aux investisseurs institutionnels et surtout aux particuliers, en d’autres termes aux marchés financiers dans leur ensemble. En Belgique par exemple, les aménagements apportés aux règles concernant la responsabilité des administrateurs, aux pouvoirs de contrôle reconnus à la Commission bancaire et financière ou encore la possibilité d’effectuer un dédoublement du management de l’entreprise en un organe de gestion encadré par un organe de contrôle (appelé conseil de surveillance) vont dans ce sens. Cet antagonisme entre management et actionnaires de l’entreprise trouve sa plus belle illustration en matière de défense anti-O.P.A. Suite à la déferlante d’O.P.A. hostiles en Europe et aux Etats-Unis dans les années 80 et 90, les conseils d’administrations des sociétés cibles élaborèrent différentes stratégies de défense afin de protéger leur entreprise. La question de la légitimité de ces mesures se posa sachant que l’offre d’achat pouvait se révéler intéressante pour les actionnaires. Fallait-il privilégier l’intérêt de l’entreprise (doctrine de la « business judgment rule ») ou des actionnaires (doctrine de la « rule of passivity ») ? Le législateur a une nouvelle fois tranché en faveur de ces derniers en limitant considérablement la marge de manœuvre du conseil d’administration.

 

            La tendance s’est encore accélérée depuis les récentes faillites frauduleuses qui ont secoué le monde financier ces dernières années. Avec comme antienne les principes de transparence et d’égalité des actionnaires, de nouvelles réformes sont venues parfaire la tendance vers toujours plus de lisibilité pour les marchés et d’efficacité dans la gestion de l’entreprise[43]. Conséquence de tout cela, l’économie est entrée dans l’ère de la finance avec un bilan mitigé. Côté pile, l’afflux massif de particuliers investissant en bourse ainsi que le développement des surpuissants fonds de pension[44] ont apporté de nouvelles perspectives de financement aux entreprises faisant publiquement appel à l’épargne. Côté face, la valeur des actions se désincarne de la valeur réelle de l’entreprise. Les entreprises se voient soumises à des exigences de rentabilité à court terme. La publication trimestrielle des résultats dicte sa loi et la déception des attentes du marché est sanctionnée par la chute du cours de l’action. Corrélativement, les effets spéculatifs peuvent faire s’envoler un titre sans raison apparente. La bulle des télécommunications a suffisamment démontré les excès potentiels de ce phénomène.

 

           

B.   Intérêt social de l’entreprise

 

            Vu sous l’angle de la répartition des pouvoirs, tant la tendance législative que la réalité sociologique reflètent donc l’influence accrue des intérêts des actionnaires dans les développements de la corporate governance. On constate pourtant que les débats sur les finalités à poursuivre par l’entreprise connaissent un regain d’intérêt ces dernières années. Ces débats nous intéressent tout particulièrement car on y retrouve en filigrane les bases théoriques à la responsabilité sociale de l’entreprise.

 

            Les enjeux principaux de la discussion peuvent être résumés comme suit : Quel(s) intérêt(s) l’entreprise doit-elle poursuivre ? La maximalisation du profit de ses actionnaires ou un intérêt plus large ? Deux thèses s’affrontent à ce sujet. La première privilégie une approche patrimoniale de l’entreprise. L’entreprise est vue comme la propriété de ses actionnaires. De ce fait elle n’existe que dans le but de satisfaire leurs intérêts, en l’occurrence, la maximalisation de leur profit.[45] C’est la position classique en la matière. Elle s’exprime sous les traits de shareholdership. À l’opposé, on trouve la stakeholdership[46] qui prône la prise en compte d’intérêts plus larges par l’entreprise. I

 

            Quels fondements sous-tendent ces deux positions ? Comme nous l’avons souligné, la shareholder value puise sa légitimité dans l’idée de propriété. Les actionnaires investissent une part de leur patrimoine dans le capital de la société. Ils en sont collectivement propriétaires. Il semble donc normal que les mandataires de l’entreprise poursuivent l’intérêt de ses propriétaires. Parallèlement à la propriété, un autre élément vient singulariser l’investissement actionnarial à savoir l’incertitude inhérente à ce type d’investissement. L’actionnaire, à l’inverse du créancier ordinaire, n’est en effet pas sûr de retrouver sa mise de départ. Cette caractéristique confère différents droits aux actionnaires dont celui d’être intéressés aux bénéfices de l’entreprise (droit aux dividendes) et de voter à l’assemblée générale, celle-là même qui va nommer et contrôler l’action du conseil d’administration. Cette idéologie patrimoniale de l’entreprise s’exprime encore largement en droit. L’article 1 du code des sociétés belge, par exemple, définit la société dans son alinéa premier comme étant constituée par un contrat aux termes duquel deux ou plusieurs personnes mettent quelque chose en commun, pour exercer une ou plusieurs activités déterminées et dans le but de procurer aux associés un bénéfice patrimonial direct ou indirect.


            Pourtant, certains auteurs ont stigmatisé le décalage existant entre droit et réalité. Karl Renner, ancien chancelier autrichien écrivait déjà dans les années 40 que le droit de propriété moderne littéralement ‘consacré’ par le Code civil en un droit absolu, indivisible semble ne plus exprimer la réalité de la propriété contemporaine.[47] L’époque ayant vu émerger cette acception du droit de propriété s’enracinait dans un contexte social différent où le modèle était celui de l’artisan ou du paysan. Il n’existait pas d’entité organique entre l’individu et sa production et le fruit du travail allait entièrement à son auteur.

 

            Berle et Means sont à la base d’un basculement dans la perception du droit de propriété. Dans un ouvrage qui fit grand bruit[48], ces deux auteurs décrivent la division de fait qui existe entre les attributs de « propriété » et de « contrôle » au sein de l’entreprise. Prenant en cela le contre-pied d’une conception classique prévalant depuis Adam Smith[49], Berle et Means soutiennent que « in the moderne corporation, this unity (entre propriété et contrôle)[50] has been broken. Passive property – specifically, shares of stock or bonds, - gives its possessors an interest in an enterprise but gives them practically no control over it, and involves no responsibility[51].

 

            À l’opposé, c’est le “management” de l’entreprise qui possède “ l’active property” c'est-à-dire le contrôle des « plant, good will, and organization which make up the actual enterprise.[52] Ce constat est encore valable aujourd’hui. On ne peut en effet parler de l’actionnariat comme un groupe homogène. La fracture principale se situe entre l’actionnariat de contrôle et les autres porteurs de titres. Seuls les premiers contrôlent effectivement la société. Les actionnaires du public ne se soucient généralement que très peu du management de la société. Le droit prend acte de cette dichotomie. Des règles spécifiques veillant à garantir le contrôle de la société existent, on pense aux pactes de votation ou aux règles tempérant la négociabilité des titres ou encore à la possibilité de squeeze out[53]. Plus récemment encore de nouveaux types d’actions ont vu le jour. Les actions sans droit de vote et les actions à votes plurales sont venues renforcer cet état de fait. Dans ce contexte, il est difficile de soutenir que l’entreprise doit poursuivre l’unique intérêt des actionnaires alors que ceux-ci ont des intérêts hétérogènes, et même parfois contradictoires. C’est la conséquence que tirent Berle et Means de leur analyse de la structure moderne de l’entreprise. The extensive separation of ownership and control, and the strengthening of the powers of control, raise a new situation calling for a decision whether social and legal pressure should be applied in an effort to insure corporate operation primarily in the interests of the « owners » or whether such pressure shall be applied in the interests of some other or wider group[54].

 

            Affirmer cela ne nous donne pas plus d’information sur la nature de ces « autres intérêts » à prendre en considération. Quels sont-ils en définitive ? Différentes approches sont possibles.

 

            Certains insistent sur les rapports entre propriété du capital et propriété du travail. L’enjeu bien connu ici est la confiscation par le capital des bénéfices créés par les travailleurs. C’est une vision duale qui vise l’intéressement des travailleurs aux bénéfices et à la prise de décision dans l’entreprise. Cette dialectique travail – capital trouve sa synthèse dans le « modèle rhénan » qui prévoit une participation des travailleurs dans le processus décisionnel.

 

            Une autre conception élargit la perspective de l’entreprise en la replaçant dans son contexte sociétal global. C’est l’idée de l’ « entreprise citoyenne », s’enracinant dans la communauté et devant veiller à son développement dans son ensemble. La notion de stakeholder s’étend dans cette perspective à d’autres acteurs. Mis à part les propriétaires, investisseurs, managers et employés, on y incorpore également les consommateurs, l’environnement, la communauté dans son ensemble et les sous-traitants de l’entreprise[55]. L’entreprise se voit confier la difficile tâche de concilier tous les intérêts de ces stakeholders. Elle est ici désincarnée. Elle posséderait une volonté propre, différente de la volonté des personnes physiques qui l’animent.

           

            Si cette seconde approche a le mérite d’apporter un nouvel éclairage sur l’impact de l’entreprise dans la société toute entière et la nécessité pour elle d’en avoir conscience, on peut se demander si elle ne rajoute pas plus de questions qu’elle n’en résout. Comment en effet le management de l’entreprise va-t-il concilier les intérêts de chacun ou trancher le cas échéant entre ces différents intérêts[56] ? Une réponse semble envisageable lorsqu’il s’agit de définir l’allocation des profits de l’entreprise car une distribution proportionnelle peut prendre place. Mais qu’en est-il des choix stratégiques de l’entreprise ?

 

            Sheldon Leader s’est intéressé à ces questions. Partant de l’exemple d’une décision de délocalisation, il remarque à juste titre que “In practice it will mean that some shareholders and other stakholders will lose and others will gain from the decision »[57]. Les employés de l’entreprise délocalisée risquent en effet de perdre leur emploi mais la décision va bénéficier à d’autres stakeholders et shareholders. Il serait donc inapproprié pour les administrateurs de trancher la question d’une délocalisation en fonction de leurs perceptions du « juste » en fonction de certains stakeholders plutôt que d’autres. En réalité, the management will often see advantages of introducing a change (…) in plant location because of the advantages i twill bring to the company, and then[58] asks about the fairest way in which to distribute the benefits and burdens that result. They do not reason in the other direction, first asking who deserves to gain and who to lose and then deciding how to orient company strategy[59].

 

            Dès lors, quels sont les intérêts privilégiés qui doivent être poursuivis par l’entreprise?

 

            Les difficultés rencontrées pour répondre à cette question proviennent peut-être de la manière dont la question est formulée. Elle appelle en effet un choix entre les intérêts de différentes catégories de personnes (intérêt des travailleurs, de la communauté, des actionnaires…). Or c’est plutôt la qualité des intérêts en jeu qui sera déterminante et non l’identité du titulaire de ces intérêts. Sheldon Leader propose le concept « d’intérêts dérivés[60] » pour illustrer ce propos. Selon lui, ce sont les intérêts personnels des différentes parties prenantes de l’entreprise correspondant aux objectifs de l’entreprise qui doivent être privilégiés. L’intérêt de la société ne se confond parfaitement avec aucun intérêt personnel mais plutôt avec certains intérêts de chaque partie prenante qui rentrent dans les objectifs de l’entreprise. Les intérêts des actionnaires ne sont donc pas les seuls à être pris en compte. Pour bien fonctionner et se développer, l’entreprise va devoir par exemple satisfaire certaines des exigences des travailleurs et ainsi augmenter les salaires plutôt que les dividendes. L’entreprise va peut-être devoir investir dans la qualité de ses produits ou dans l’amélioration de ses relations avec la communauté plutôt que distribuer un dividende exceptionnel aux actionnaires trop gourmands.

 

            Cette approche semble refléter une conception de l’intérêt social assez réaliste. Elle ouvre une troisième voie entre une vision centrée uniquement sur le profit des actionnaires et une autre tentant de faire de l’entreprise une société démocratique. Le débat n’est pourtant pas clos. La théorie de Sheldon Leader n’est pas sans zones d’ombres car si l’on cerne mieux la manière de trancher entre les intérêts en présence, le concept d’objectif de l’entreprise reste indéfini, ce qui transpose une partie de la question initiale sur ce nouveau concept.

 

            Ceci étant, il nous faut conclure en soulignant que la tendance générale contemporaine insiste pour une meilleure prise en compte du rôle social et de l’impact environnemental de l’entreprise. Ces considérations influencent manifestement les stratégies des groupes de sociétés qui essaient de donner une image correspondant à ces nouvelles attentes. Elles ne peuvent en tout cas plus ignorer ces questions contemporaines.

 

 

 

II.   L’entreprise, sujet de droit

 

A.   Introduction

 

            Comme nous l’avons rappelé, l’entreprise est autant une réalité économique et sociale que juridique. L’entreprise est une grande consommatrice de droit. Le droit constitue une ressource vitale à son développement et à la défense de ses intérêts. Pour être reconnue par le droit et bénéficier d’un cadre juridique, elle va devoir revêtir un habit juridique. Cette reconnaissance se concrétise par l’octroi du précieux sésame qu’est la personnalité juridique. L’entreprise est alors un sujet de droit autonome, apte à être titulaire de droit, apte à contracter des obligations et possédant un patrimoine distinct de celui des personnes physiques qui la font vivre. Tant la personnalité juridique que la division du patrimoine qui en découle nous paraissent aujourd’hui aller de soi. Elles font partie du paysage juridique ordinaire et plus personne ne semble s’en émouvoir. Pourtant ces fictions juridiques, auxquelles ont peut ajouter la limitation de la responsabilité des associés, ont bouleversé la manière de concevoir l’investissement économique capitaliste et ont garanti le développement des structures collectives de production.

 

            Reconnaître la personnalité juridique à l’entreprise c'est-à-dire l’aptitude à être titulaire de droits et d’obligations[61] ne nous dit encore rien sur l’étendue des droits et obligations susceptible d’être reconnus à l’entreprise. « Chez les personnes physiques, le droit subjectif sert indistinctement à atteindre tous les buts auxquels tend la volonté du sujet. (…) Pour lui, tout but est permis, sauf ceux qui lui sont expressément interdits par la loi. [62] » Qu’en est-il des personnes morales ? Un détour par les évolutions juridiques en la matière allant vers toujours plus d’autonomie pour l’entreprise nous permettra de mettre en perspective la place grandissante qu’elle occupe en tant qu’acteur titulaire et garante des droits de l’homme.

 

 

B.   L’entreprise, vers un sujet de droit à part entière 

 

            L’entreprise, en tant que personne morale, n’est pas un sujet de droit ‘comme les autres’[63]. C’est un être purement juridique constitué pour la poursuite d’objectifs économiques définis. Elle ne possède la capacité juridique que dans le but de la réalisation de ses objectifs. Cette particularité est consacrée dans les principes de spécialité légale et statutaire.

 

1.    Principe de la spécialité légale

 

            Le principe de « spécialité légale » [64] signifie « que les personnes morales peuvent uniquement accomplir les actes correspondant aux finalités en vue desquelles le législateur les a instituées. Notons que cette limitation légale de la capacité des entreprises n’a jamais vraiment trouvé écho en droit anglo-saxon, montrant ainsi une vision différente de l’entreprise. Chez nous, ce principe n’a pas résisté à la diversification des activités de l’entreprise. D’une conception étroite de la spécialité légale cantonnant l’entreprise à une recherche de profit matériel, on a admis la recherche de simples avantages économiques, puis finalement la possibilité d’effectuer des libéralités. Aux Etats-Unis où la question des actes à titre gratuit fut également soulevée, on constate que certaines législations fédérales ont pris acte du rôle social étendu que l’entreprise est susceptible de jouer dans la communauté dans laquelle elle s’insère. La législation californienne prévoit par exemple que « a corporation shall have all powers of a national person in carrying out its business activities, including, without limitations, the power to … make donations, regardless of specific corporate benefit, for the public welfare or for community fund, hospital, charitable, educational, scientific, civic or similar pruposes[65].

 

 

2.    Principe de spécialité statutaire

 

            On remarque le même phénomène de dilution du principe de spécialité statutaire censé limiter la capacité de l’entreprise à la poursuite son objet social. Dans ce cas c’est l’adoption par les firmes de clauses statutaires extrêmement larges permettant à l’entreprise de poser tous actes licites qui ont fait perdre sa substance au principe. L’analyse du principe de spécialité statutaire et de son évolution nous fournit également des informations précieuses quant à la nature juridique de l’entreprise. La question qui se pose ici est de savoir quelle sanction appliquer en cas de dépassement de l’objet social. Les évolutions législatives et jurisprudentielles sont pour le moins parlantes à ce sujet. A l’origine, la position de la jurisprudence ne laissait planer aucun doute. L’acte était nul et inopposable aux tiers. Il ne pouvait créer aucun droit ou obligation tant dans le chef de l’entreprise que dans le chef des tiers[66]. La tendance s’inversa en 1973, date à laquelle le législateur décréta que la société est liée par les actes accomplis par le conseil d’administration … même si ces actes excèdent l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer.[67] La Cour de cassation belge clôtura la polémique en considérant que cette loi avait une portée commutative et que si la société ne pouvait opposer aux tiers que l’acte excède l’objet statutaire, le tiers ne pouvait davantage opposer le dépassement de l’objet social à l’entreprise[68].

 

           

3.    Conception institutionnelle de l’entreprise

 

            Si la volonté de protéger les tiers contractants semble être à la base de cette évolution, il n’en reste pas moins que cette dernière symbolise le glissement vers une conception institutionnelle de l’entreprise. D’une vision contractuelle obnubilée par la fonctionnalité première de l’entreprise, c'est-à-dire de poursuivre les intérêts contractuellement définis par les associés qui l’ont créée, il a fallu prendre acte de l’émancipation de l’entreprise contemporaine par rapport à ses propriétaires. On sent ressurgir le débat sur l’intérêt social et la nature de cet intérêt à la différence que le chemin est inversé. C’est ici le regard de ‘l’autre’ sur l’entreprise qui est en jeu et non le regard de l’entreprise elle-même sur sa fonction.

 

            D’autres évolutions juridiques attestent d’ailleurs de la nature institutionnelle de l’entreprise[69]. Citons par exemple la généralisation du terme d’actionnaire à la place d’associé, ce dernier minimisant l’autonomie organique de l’institution. Enfin, la réforme la plus spectaculaire de ces dernières années est sans doute la reconnaissance de la responsabilité pénale de l’entreprise. Les personnes morales sont aujourd’hui des sujets de droit pénal et peuvent se voir condamner pour des infractions commises personnellement[70].

 

            Les mutations qu’ont connues les entreprises ont obligé le droit à adapter le regard qu’il posait sur ces institutions économiques. Il a fallu que le droit prenne en compte la désincarnation de l’entreprise par rapport à ses fondateurs et reconnaisse que « la personne morale n’est plus une fiction juridique, mais bien une réalité sociale »[71]. Cette autonomie gagnée par l’entreprise et son poids grandissant dans la société sont les préludes au développement d’une nouvelle dimension juridique de l’entreprise qui passe par la reconnaissance de droits et obligations que l’on croyait réservés, par essence, aux personnes physiques.

 

           

C.   L’entreprise, sujet des droits de l’homme

 

            Nous venons de dégager les lignes de forces ayant contribué à l’émancipation juridique de l’entreprise. Il nous faut à présent recentrer notre propos sur la nature des droits fondamentaux qui lui sont reconnus. Parallèlement aux droits, nous parlerons des obligations qui lui son imputées. Plus que la nature précise de ceux-ci, c’est avant tout les instruments juridiques classiques offerts par le droit national et international pour la contraindre à respecter les droits de l’homme qui retiendra notre attention dans cette section.

           


1.    Entreprise titulaire des droits de l’homme

 

(A) Principe

            Avant d’être débitrice de droits fondamentaux, l’entreprise en est avant tout créancière. La grande majorité de la doctrine et de la jurisprudence est favorable à la reconnaissance des droits de l’homme aux entreprises. La philosophie des droits de l’homme s’ancre dans une perspective de protection de la sphère privée face aux abus des pouvoirs publics. L’entreprise se voit donc protégée de la même manière que les individus.

(B) Capacité d’ester en justice

            La question de l’accès au prétoire des personnes morales ne pose guère de problèmes en droit interne. La quasi-totalité des pays permettent aux personnes morales de défendre leurs droits devant leurs juridictions nationales. La situation est moins tranchée au niveau international. La capacité pour une personne morale de saisir une Cour internationale varie au cas par cas. En Europe, la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît l’accès au prétoire aux personnes morales en qualité de demandeur[72]. A l’opposé de cette approche, tant la Cour interaméricaine des droits de l’homme que le Comité des droits de l’homme ne prévoient pas cette possibilité.

 

(C) Droits de l’homme reconnus aux entreprise

 

            Quels sont les droits fondamentaux que peut invoquer l’entreprise ? Le droit au respect des biens dont parle notamment l’article premier du premier protocole additionnel à la CEDH ne semble pas poser trop de questions au regard de la nature économique de l’entreprise et sa prédisposition à être propriétaire de valeur patrimoniale.

 

            Corollaire à sa capacité d’ester en justice, la personne morale s’est vue également reconnaître les garanties du procès équitable telles qu’énoncées à l’article 6 de la CEDH. Les prérogatives du « due process of law » qui sont l’équivalent du procès équitable en droit anglo-saxon leur sont également accordées là où elles sont en vigueur.

 

            La liberté d’expression protège également les personnes morales. En Europe, cette liberté est surtout invoquée par les entreprises des médias dans le but d’éviter toute censure[73]. Son utilisation recouvre un champ plus large aux Etats-Unis. Le premier amendement a permis à la Cour suprême des Etats-Unis d’abroger une loi d’un Etat qui interdisait aux sociétés américaines d’influencer le vote sur toute question soumise aux électeurs. Selon la Cour suprême, “The inherent worth of the speech in terms of its capacity for informing the public does not depend upon the identity of its source, whether corporation, association, union, or individual” [74]. L’étendue de la protection apportée par le droit à la liberté d’expression peut varier d’intensité selon la nature du discours en cause. Les discours à caractère commercial font l’objet d’une protection moins complète que les autres types de discours. Dans le chef de l’entreprise, on éprouvera les plus grandes difficultés à distinguer ce qui correspond à un discours commercial ou pas. Peut-on réduire tout communication de l’entreprise à une recherche – ne fut-ce qu’indirecte – de profit pour l’entreprise ? La question n’est pas anodine et peut avoir des implications extrêmement importantes sur le sort à réserver aux communications non économiques des sociétés. En matière de responsabilité sociale de l’entreprise par exemple, le contrôle du contenu des documents émanant des entreprises qui traitent de ses activités sociales pourrait être différent si ces documents étaient considérés comme des discours commerciaux. L’application des règles commerciales très strictes en matière de publicités trompeuses en dépend. Nous développerons plus avant cette question épineuse dans le chapitre suivant

 

            Les libertés consenties par le Traité des Communautés européennes sont également reconnues aux entreprises. Des libertés telles que la libre circulation des marchandises et des services ont d’ailleurs une consistance économique très marquée qui correspond parfaitement aux missions de l’entreprise.

           

            A coté de ces droits fondamentaux dont l’application à la personne morale ne fait guère débat, la reconnaissance récente de certains autres droits semble plus audacieuse[75]. La jurisprudence a ainsi étendu aux personnes morales la possibilité d’introduire des actions en réparation d’un préjudice moral. Cette extension peut paraître manquer de bon sens sauf à considérer que l’entreprise a des sentiments. La doctrine et la jurisprudence majoritaire ne s’y sont pourtant pas arrêtées. C’est en effet l’atteinte à l’honneur ou à la réputation qui est visée ici. C’est par souci de pragmatisme qu’il faut comprendre cette extension anthropomorphique des droits de l’entreprise.

 

            Plus frappant encore est l’invocation par une entreprise canadienne de son droit à la liberté de culte afin d’éviter l’application d’une loi interdisant le travail du dimanche. Si la Cour canadienne ne reconnut pas un quelconque droit à la liberté de conscience à l’entreprise, elle abonda partiellement dans son sens en considérant la loi en question comme inconstitutionnelle. La loi portait de la sorte atteinte à la liberté de conviction de l’ensemble de la population.[76]

 

            L’entreprise semble donc se voir reconnaître davantage de droits de l’homme que sa nature virtuelle aurait pu laisser présumer. L’invocation de ceux-ci ne semble plus choquer et l’entreprise use allégrement de ces nouveaux outils juridiques. Mais chaque médaille a son revers ou plutôt son prix. Un sujet de droit à part entière a des droits mais également des obligations. L’octroi de droits toujours plus importants à l’entreprise n’aurait pu s’imaginer sans un accroissement de ses obligations.

 

2.    Entreprise garante des droits de l’homme

           

(A)      Position du problème

           

            On peut se demander, à première vue, quelles sont les difficultés qui entraveraient la soumission de l’entreprise aux législations visant à protéger les droits de l’homme. Les personnes morales - comme tout sujet juridique - se doivent en effet de respecter le droit national de l’Etat dans lequel elles exercent leurs activités. Ces législations protègent presque toujours les droits fondamentaux des individus. Dès lors, une violation de ces règles par l’entreprise est susceptible d’engager sa responsabilité civile ou pénale. Il faut pourtant nuancer ce tableau en le confrontant à la réalité des faits.

 

            Tout d’abord il faut rappeler que certains régimes non démocratiques ne semblent que très peu se soucier du bien-être de ses habitants. D’autres, en situation économique délicate sont prêts à fermer les yeux sur les violations des règlementations en vigueur ou à abaisser leurs standards sociaux afin d’attirer les entreprises. Le poids grandissant des groupes transnationaux ainsi que leur grande mobilité ne sont pas étrangers à ce phénomène. Les Etats doivent se soumettre aux nouvelles règles du marché et tentent ainsi de séduire les entreprises afin qu’elles s’installent sur leur territoire. Résultat, on assiste à un véritable dumping social, une « race to the bottom »[77] que se livrent les Etats, au grand bonheur des acteurs économiques.

 

            Les ordres juridiques nationaux, soumis au principe de territorialité semblent inefficaces face à ce phénomène. La structure des groupes de sociétés, en réseau, se joue des frontières et sert d’écran de fumée face au droit étatique. Les juridictions internationales ne semblent pas plus à même de résoudre l’équation. Selon la théorie classique, seuls les Etats sont reconnus en tant que sujets à part entière du droit international. Les individus et les entreprises n’en sont que des objets. Il en résulte que ceux-ci ne peuvent se voir imputer des obligations internationales ou être poursuivis devant les juridictions internationales. Leur seule existence dans cet ordre juridique supérieur provient du fait qu’ils peuvent en être des sujets indirects en se voyant reconnaître des droits par les Etats ou les organisations internationales.

 

            Pourtant la situation n’est pas désespérée, les droits internationaux et nationaux tentent de s’adapter à cette nouvelle réalité. Petit à petit, par à coup, on voit se développer des mécanismes de droit contraignant tentant de replacer les multinationales sous contrôle en bousculant le principe de territorialité ou en ressuscitant une loi que l’on croyait oubliée. Le droit étatique tente même d’aller au-delà d’un simple respect des droits de l’homme. Il veut faire de l’entreprise un acteur de la promotion de ceux-ci, conscient que les Etats sont (devenus) incapables d’assumer seuls cette importante mission.

 

(B) Etendue des garanties

 

                        Les relations entre entreprises et droits de l’homme doivent s’analyser dans une double perspective. Tout d’abord l’entreprise doit respecter les droits de l’homme. Il pèse sur elle une obligation négative de s’abstenir d’actes qui pourraient faire obstacle à l’exercice des droits de l’homme. Cette première perspective ne semble point poser de difficulté sur le principe. Dans son application, notons qu’il n’est pas rare que ce soit en tant que complice de violation des droits fondamentaux que certaines sociétés se voient inquiétées.[78] [79]

 

            Parallèlement à cette obligation d’abstention, se développe un courant de pensée tant dans le monde politique que dans le monde entreprenarial, se positionnant pour un rôle plus actif de l’entreprise en matière de droits de l’homme. Ils invoquent une obligation de promouvoir les droits de l’homme de la part de l’entreprise. La réflexion part du constat que les grands groupes transnationaux jouissent d’une influence considérable sur la communauté et l’environnement dans lesquels elles s’épanouissent. Cette influence représente un pouvoir considérable pour ces groupes. Et ce pouvoir doit être contrebalancé par une responsabilité équivalente. La question de la légitimité de ce pouvoir en dépend. A l’appui de ces affirmations, il est remarquable de constater que jamais le consommateur citoyen n’a autant marqué sa méfiance par rapport à l’économie en général et à ses acteurs vedettes en particulier. Un sondage IPSOS datant du mois de juin 2005 révèle par exemple que plus de 55% des français ont une mauvaise image des multinationales[80]. Ce constat peut bien évidemment être étendu aux autres pays occidentaux. De surcroît, les groupes transnationaux, de par leur structure en réseau, tissent leur toile à l’échelle planétaire puisqu’ils possèdent des ramifications et des relations commerciales aux quatre coins du monde. Ce sont probablement les acteurs les mieux adaptés au monde globalisé faisant d’eux des vecteurs privilégiés en matière de droits de l’homme. Enfin, leurs rôles de créateur de richesse et de stimulateur de la croissance économique semblent pouvoir se combiner avec une mission de promotion des droits sociaux et économiques.

 

            Si le menu fait rêver, le service laisse encore à désirer. De nombreuses questions juridiques viennent tempérer l’enthousiasme naissant. Le concept de promotion des droits de l’homme reste extrêmement vague et imprécis. Quelle doit être l’étendue de cette obligation de promotion des droits de l’homme ? Doit-elle se limiter à une approche volontariste de la part des entreprises  comme semble le suggérer la tournure des débats sur la responsabilité sociale des entreprises (cfr. infra). Si des normes contraignantes sont amenées à émerger, il semble de toute façon qu’elles prendraient des formes assez souples, probablement inspirées du principe anglo-saxon de « due-diligence », principe déjà utilisé pour déterminer l’étendue des obligations des entreprises à l’égard des communautés locales[81]. La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme privilégie, de son côté, une approche graduelle de la force contraignante de ces obligations. Il faudrait, selon elle, définir la responsabilité des entreprises en terme d’actions essentielles, attendues ou souhaitables[82]. On entraperçoit la proposition d’une articulation nouvelle entre norme contraignante et auto-régulation vers laquelle tend le droit contemporain. Cette question va nous occuper dans la seconde partie de cette étude.

 

 


(C)      Mécanismes de contrainte

 

            Nous avons évoqué les difficultés éprouvées par les juridictions étatiques et internationales pour sanctionner les comportements des entreprises en infraction avec les droits fondamentaux. Etudions à présent les différents mécanismes visant à améliorer la protection de ces droits.

 

            La première piste intéressante nous vient de la doctrine allemande qui a échafaudé la théorie de la « Drittwirkung » que l’on peut traduire en français par effet horizontal. « L’effet horizontal permet très concrètement de mettre en œuvre la responsabilité internationale de l’Etat pour une violation commise par un particulier ou une entité privée si l’inaction ou l’action de l’Etat l’a rendue possible »[83]. Cela équivaut à un renforcement des droits de l’homme dans leur dimension interindividuelle. Les violations de ces droits vont donc pouvoir entraîner réparation vu l’obligation positive qui incombe sous certaines conditions aux Etats d’assurer la jouissance effective de ces droits et ce, même vis-à-vis de personnes privées[84]. L’application de l’effet horizontal semble aujourd’hui solidement ancré dans la jurisprudence de Strasbourg[85]. Même si dans le cas présent c’est l’Etat qui engage sa responsabilité internationale, l’effet horizontal permet de sanctionner les comportements non conformes au droit international émanant d’acteurs privés. Cette technique en pleine expansion remédie à l’absence de responsabilité internationale des acteurs appartenant à la sphère privée.

 

              Principal obstacle à l’efficacité du droit, le principe de territorialité est l’objet de plus de plus d’aménagements. Si des dérogations au principe de territorialité ont toujours existé, il n’empêche qu’elles restaient exceptionnelles. L’augmentation récente de ces dérogations ne peut laisser indifférent. Un exemple intéressant mais qui n’est qu’indirectement lié au champ des droits de l’homme nous est apporté par la Convention adoptée dans le cadre de l’OCDE en matière de corruption des agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales[86]. Cette convention exhorte les Etats à prendre les mesures nécessaires, conformément à ses principes juridiques, pour établir la responsabilité des personnes morales en cas de corruption d’un agent public étranger[87]. Le but final de la Convention étant de permettre la poursuite d’entreprises nationales pour des faits de corruption commis à l’étranger. Cet exemple n’est pas isolé[88], il en existe d’autres en matières d’environnement[89] notamment et de lutte contre la prostitution et la pornographie enfantine[90].

 

            Il n’y a pas que le droit international qui tente de s’adapter aux nouvelles règles du jeu. Le même phénomène est observable en droit interne. Les Etats-Unis sont de loin le pays dans lequel les acteurs juridiques ont été les plus ingénieux. C’est en effet une loi adoptée en 1789 dont l’utilisation ne fut couronnée de succès que deux fois en près de 200 ans qui jouit aujourd’hui d’une seconde vie et légitime les dérogations au principe de territorialité. L’Alien Tort Claim Act (ci-après ATCA) permet à tout étranger de saisir les tribunaux civils américains contre une personne ayant agi en violation du droit des gens (Law of Nations). Dans les années 80, cette loi a permis à plusieurs non américains d’obtenir réparation pour des exactions en contradiction avec le droit des gens[91]. De là à poursuivre des entreprises multinationales dans les mêmes conditions, il n’y avait qu’un pas qui fut franchi dans les années 90. En l’espèce, Texaco qui exerçait des activités en Equateur dans une joint-venture avec une compagnie locale, fut poursuivi par des indiens du Pérou et de l’Equateur suite aux dommages causés à l’environnement par les activités pétrolières de la firme. Si la plainte n’aboutit pas, elle ouvrit le champ à d’autres types d’actions du même genre contre des groupes transnationaux. Aucune condamnation définitive n’a encore été rendue contre une entreprise. L’impact de l’ACTA est pourtant bien réel. Un nombre important de règlements à l’amiable vient d’ailleurs étayer cette hypothèse, montrant clairement que les entreprises prennent le risque de condamnation au sérieux.[92] L’application de l’ACTA par les Cours et Tribunaux américains reste pourtant encore hésitante. Le cœur de la controverse quand à son application réside dans la notion de droit des gens. La cour suprême des Etats-Unis, récemment saisie à ce sujet[93], n’a pas clairement tranché la question. Elle insiste sur la nécessité d’une application prudente de ce concept sans proposer de critères à sa bonne application[94].

 

            La responsabilité pénale de l’entreprise est une autre piste pouvant servir à mieux contrôler les entreprises. Sa première utilisation remonte déjà à plus d’un demi siècle. Les statuts du Tribunal Militaire International de Nuremberg prévoyaient en effet la possibilité de condamner un groupe ou une organisation criminelle. Les Organisations internationales paraissent cependant frileuses à l’idée de rééditer l’expérience. Ni le Statut du Tribunal pénal pour l’Ex-Yougoslavie, ni le Statut de Rome de la Cour pénale internationale n’autorisent de telles poursuites.La question n’a pas encore été tranchée vis-à-vis de la loi belge de compétence universelle. La firme Total a pourtant fait l’objet d’une plainte au sujet de ses activités en Birmanie. La Cour de Cassation a refusé de poursuivre la firme non pas en raison de sa personnalité morale mais du fait de l’absence de critère de rattachement dans le chef des plaignants[95].

 

 

 

3.    Commentaires

           

            Quels enseignements pouvons nous tirer de notre analyse ?

 

            Tout d’abord, les entreprises sont bel et bien tombées dans la marmite des droits de l’homme. Elles s’en nourrissent mais doivent également s’y soumettre. Les droits de l’homme les renforcent autant qu’ils les contraignent. Mary Robinson, Haute Commissaire aux droits de l’homme en 1998 exprima cet état de fait en affirmant que « Business needs human rights and human rights need business »[96]. Dans cette perspective, il est même possible d’émettre l’hypothèse que cette reconnaissance massive de droits fondamentaux aux entreprises ne serait qu’un moyen de leur imputer des responsabilités. Elles se sont vu appâtées par les droits et les voilà prises au piège des obligations. Cette perspective d’un jeu de dupe nous offre une grille d’analyse intéressante pour comprendre les raisons d’une reconnaissance des droits de l’homme aux personnes morales.

 

            Deuxièmement, les développements juridiques contemporains nous prouvent que le droit étatique et le droit international classique ne doivent pas être enterrés trop vite. Cette lapalissade a le mérite de nuancer une perspective trop radicale qui voudrait inférer de la montée en puissance de nouveaux acteurs privés l’impuissance voire l’inadéquation d’une régulation étatique. L’Etat a toujours un rôle à jouer dans les orientations de l’intérêt général et garde certaines armes pour le faire. Il faut nous méfier d’une idéologie trop marquée condamnant à priori l’intervention étatique au nom d’une certaine efficacité ou d’un ordre spontané. Gardons à l’esprit qu’il y a des intérêts latents importants qui sous-tendent la stratégie des acteurs. Leur position n’est pas neutre. Nous étudierons la question plus en profondeur ultérieurement.

 

           

 

D.   L’entreprise, sujet de droit international ?

 

            Pour conclure avec ce cette section consacrée à l’entreprise – sujet de droit, il nous faut parler des conséquences occasionnées par le nouveau rôle joué par les entreprises en matière de droits de l’homme.

 

            Selon les règles classiques du droit international, les Etats et les Organisations internationales qu’ils constituent sont les uniques sujets de droit international. Il s’en suit qu’en matière de droits de l’homme, les Etats sont considérés comme les premiers débiteurs du respect de ceux-ci. Il est de leur mission de veiller à garantir la jouissance des droits fondamentaux de leurs citoyens. Reconnaître une responsabilité dans ce domaine aux multinationales vient perturber cette vision classique du droit international. N’assistons nous pas à une institutionnalisation des multinationales au rang de sujet de droit international à coté des Etats et des Organisations internationales. Une frange non négligeable de la doctrine semble en tout cas le penser[97].

 

            Ce « processus constituant »[98] trouve peut-être son expression la plus visible dans le Global compact de Kofi Annan. Ce pacte mondial fut proposé en 1999 au forum économique mondial de Davos en 1999. Kofi Annan y demande aux dirigeants des entreprises "d’embrasser, promouvoir et faire respecter " un ensemble de valeurs fondamentales dans le domaine des droits de l'homme, des normes du travail, de l'environnement et de la lutte contre la corruption[99]. Le Global Compact a engendré la création d’un forum dans le cadre des Nations Unies. Ce forum réunit Organisations internationales, entreprises et acteurs de la société civile. On compte aujourd’hui déjà plus de 2000 entreprises membres. L’entreprise, plus qu’un sujet de droit, ne serait-elle pas devenue un sujet politique ?

 

            D’autres textes internationaux viennent étayer cette hypothèse. Le Global compact n’est pas la seule initiative visant à responsabiliser les entreprises multinationales. D’autres Organisations internationales ont précédé l’Organisation des Nations Unies dans cette direction. Dès 1976, l’OCDE édictait ses « Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales[100] » (révisés en 2000) qui furent suivi, l’année suivante, par la Déclaration tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale[101] (modifiée en 2000). La participation à ces deux programmes se fait sur base volontaire pour les entreprises. Il est tout de même prévu un certain suivi par l’intermédiaire de rapports et de recommandations. Plus récemment, la sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme des Nations Unies a élaboré un projet de Normes sur la responsabilité des sociétés transnationales et autres entreprises en matière de droits de l’homme[102]. Ce projet représente le premier prototype de normes coercitives qui pourrait être adoptées dans le futur. Son avenir est toutefois plus qu’incertain, les entreprises ayant déjà exprimé de nombreuses réserves face à ce projet qu’elles estiment inadapté.[103]

 

 

            Enfin il nous reste à nous demander si cette intronisation de l’entreprise en tant que garante des droits de l’homme ne contient pas quelque chose de contre-nature, de schizophrénique. L’entreprise a-t-elle les capacités intrinsèques d’assumer cette tâche ? Ne sommes-nous pas en train de nous fourvoyer en croyant qu’un acteur privé dont la fonction première est de créer de la richesse pourra réussir là où les garants de l’intérêt général ont mainte fois échoué ? Ne nageons-nous pas en plein dans une idéologie néo-libérale qui croit au recoupement presque naturel entre expansion économique et développement des droits humains ? Le bon sens populaire nous met en garde : à chacun son métier, les moutons seront bien gardés. Il faut évidemment rester attentif à ces questions, mais peut-être que la participation des entreprises à la protection des droits de l’homme n’est pas liée à une question de volonté. L’entreprise n’a d’ailleurs pas de volonté propre car elle ne sert que d’interface à la volonté des hommes qui l’animent. Ce ne sera donc pas un choix moral de conviction qui pourra mouvoir l’entreprise vers une prise en compte plus grande des droits de l’homme mais plutôt des forces extérieures, des procédures douces ou contraignantes qui pousseront l’entreprise dans la bonne direction. C’est l’émergence d’une éthique procédurale plutôt que subjective.

 

III. L’entreprise, sujet éthique

 

 

A.   Contexte

 

            La prise en compte des droits de l’homme par l’entreprise doit s’analyser dans une perspective plus large d’une moralisation de l’entreprise. L’entreprise se dit, se veut éthique à l’aube du XXIème siècle. Un bref tour d’horizon des différents codes de conduite des grandes multinationales nous éclaire à ce sujet. Presque tous abordent cette question. L’entreprise se veut citoyenne, investie dans la communauté, dans le développement durable Elle se dit aujourd’hui consciente d’exercer une responsabilité sociale envers la société dans son ensemble.

 

            Les relations entre éthique et entreprises sont pourtant loin d’être récentes. Des chefs d’entreprises, dans l’esprit d’une économie sociale, ont depuis longtemps essayé d’insuffler une démarche éthique à leurs actions, souvent incités par leurs convictions religieuses[104] voire humanistes. Ce qui frappe aujourd’hui c’est la généralisation de ce type de préoccupations et son expression médiatique.

 

B.   Ethique ou morale ?

 

            Pourquoi cette référence systématique à l’éthique et non à la morale ? Le choix de ce concept a-t-il une signification particulière ou est-il interchangeable avec ces concepts voisins ? Selon nous, ce choix n’est pas anodin et met en évidence le nouveau regard que l’entreprise porte sur elle-même. A l’inverse de la morale qui se veut générale, abstrait et universelle, l’éthique se situe dans le concret, dans l’action. La morale est prescriptive, extérieur au sujet, l’éthique est immanente et procède d’un positionnement propre à chaque individu face à une situation donnée. D’un coté, des commandements, des impératifs, des interdits, des valeurs, des contraintes, des sanctions, de l’autre, des questionnements, des recommandations, des arguments, des discours. La morale est catégorique et obligatoire. L’éthique est facultative et hypothétique ; elle s’impose dans la visée, le but, la finalité, l’efficacité, le calcul, « l’opportunisme » (…). La morale appartient à la société, l’éthique est le fait des individus et des groupes. L’une se situe au niveau de la conviction, l’autre au niveau de la responsabilité[105].

 

            L’éthique offre donc une perspective nouvelle au développement de l’entreprise. L’entreprise a maintenant les cartes en main et possède une plus grande marge de manœuvre pour choisir sa destinée. L’auto-régulation de l’entreprise trouve ici un fondement certain à son développement mais également les limites de son utilisation.

 

C.   Réalité

 

 

            La teneur de ce discours reste extrêmement discutée. Sommes-nous face à un phénomène éthique ou cosmétique[106] ? Business et éthique sont ils incompatible ? Business éthique : un oxymore, un slogan publicitaire ? Une réponse univoque est évidemment impossible. L’entreprise n’a pas de volonté propre, ce sont les hommes qui l’animent qui insuffleront ou non cette éthique qu’elle se targue de posséder. Ces hommes seraient-ils devenus meilleurs, plus conscients de leur responsabilité éthique ? Seule une analyse au cas par cas pourrait nous donner une réponse.

 

            Certains exemples prouvent en tout cas que les pratiques ne sont pas toujours en concordance avec le discours. Pensons à Enron par exemple. Cette société américaine fit faillite suite à la mauvaise gestion de ces dirigeants et diverses fraudes de leur part alors qu’elle était donnée en exemple pour son code de bonne conduite et son comportement social irréprochable. Le cas de Enron qui n’est pas isolé montre que l’éthique ne va pas de soi et que son existence dépend avant tout de la volonté des individus qui l’animent. Cette volonté peut d’ailleurs être provoquée. Les diverses législations sur la bonne gouvernance d’entreprise prennent racine dans cette volonté d’encadrer les comportements éthiques de l’entreprise. La pression des consommateurs joue aussi le rôle d’incitant à ce propos comme nous le verrons lorsque nous analyserons le fonctionnement des codes de conduite.

 

 

D.   Dimensions

 

            Trois dimensions peuvent être observées dans la relation imbriquant entreprises et éthique. Il s’agit de l’éthique par l’entreprise, entre entreprises et dans l’entreprise.

 

            L’éthique par l’entreprise renvoie d’une part à son discours résolument tourné vers une rhétorique imbibée de références à l’éthique mais également aux initiatives concrètes mises en place par les entreprises afin d’intégrer leurs actions dans une perspective éthique. Celles-ci sont nombreuses et prennent généralement forme dans le cadre de la responsabilité sociale de l’entreprise. Elle procède de la prise de conscience par l’entreprise de la fonction sociale importante qu’elle joue dans la société.

 

            L’éthique entre entreprises représente le deuxième pan de développement du business éthique. On y retrouve tout d’abord les actions communes à plusieurs entreprises, souvent dans le même secteur. On peut citer par exemple la « clean clothes campagne » propre au secteur du textile ou encore les principes Wolfsbergs du secteur bancaire. Ce sont souvent les groupes transnationaux leader de leur secteur qui se retrouvent à la base de ces initiatives. Elles s’imposent des critères éthiques communs dans leur politique économique ce qui engendre un effet vertueux sur les autres entreprises du secteur. Très vite en effet ces critères ont tendance à devenir la norme de fonctionnement dans le domaine et les sociétés moins influentes doivent suivre le mouvement pour garder une certaine crédibilité sur le marché. Cet effet vertueux peut également résulter des relations économiques qu’entretiennent les multinationales avec leur cocontractants et fournisseurs. Nous avions parlé de la structure réticulaire de l’entreprise et de l’externalisation d’une partie de la production. Cela n’empêche pas que des liens économiques très poussés créant une certaine influence de la société mère sur ces fournisseurs voire une réelle dépendance de ces derniers apparaît. Les multinationales vont pouvoir faire pression sur ces cocontractants pour qu’ils répondent aux mêmes critères d’exigence dans leurs activités que ceux qu’elles s’imposent à elles même. Nous reviendrons sur ces questions quand nous étudierons les codes de conduite.

 

            Enfin, la dernière dimension se rapporte à l’éthique dans l’entreprise. L’entreprise tente en effet de créer en son sein une véritable culture d’entreprise basée sur des valeurs qui lui seraient propres. Cette culture trouve dans une pensée éthique les fondations à cette culture qu’ils essaient d’insuffler aux hommes qui l’animent.

 

 

IV. L’entreprise, ordre juridique

 

 

            Les codes de conduite et la labellisation sociale sont des instruments normatifs qui émanent des entreprises ou qui sont établis en partenariat avec elles, et auxquelles elles se soumettent volontairement. Ces instruments régulent donc son propre comportement. Deux éléments ressortent de cette constatation. Premièrement l’entreprise édicte des normes de comportement. Deuxièmement elle se les impose à elle-même. Cette affirmation ne prend sens que si nous considérons les entreprises comme une communauté d’individus regroupés au sein d’une même organisation possédant des règles propre. En se sens, elle constitue une institution sociale, un lieu de contrôle normatif[107] et donc un ordre juridique[108] L’entreprise n’est d’ailleurs pas la seule institution sociale existante à exercer un contrôle normatif sur ces membres. Il en existe d’autres comme par exemple la famille, l’école, l’université, les organisations sportives…

                        Pourtant, selon la théorie classique directement puisée dans la philosophie des lumières, il ne peut y avoir de corps intermédiaire entre les individus et l’Etat. Cette position découle d’une conception du pouvoir centrée sur l’individu, la Nation. Le peuple est vu comme source de tout pouvoir, c’est lui qui va nommer les personnes qui sont censées le gouverner. Les corps intermédiaires, situés entre le pouvoir légitime de l’Etat et l’espace de liberté individuel sont donc vus comme des menaces à ces libertés. Cette conception trouve une belle illustration dans la loi Le Chapelier qui supprima les corporations. Citons également les importantes contraintes qui limitaient la possibilité de constitution de société par actions afin de contenir la taille des entreprises[109]. Mais l’industrialisation et la concurrence entre les ordres juridiques étatiques ont eu raison de cette conception idyllique de la société. Progressivement les règles juridiques se sont assouplies. Ce qui permit le développement massif des sociétés par actions.

 

Comment se manifeste ce pouvoir normatif de l’entreprise sur ces sujets ? L’entreprise fixe les règles de temps de travail, de discipline, de salaire de ses travailleurs. L’Etat fixe il est vrai le cadre dans lequel l’entreprise peut agir. Mais ce cadre reste assez large laissant l’entreprise juger du contenu précis de ces normes. Dans cette perspective, les codes de conduite constituent un élargissement du pouvoir de régulation propre à l’entreprise.

 

            A ce sujet, le code de conduite de la société Hallibuton est très illustratif[110]. Il stipule que: The company shall consistently enforce its Code of Business Conduct through appropriate means of discipline. Pursuant to procedures adopted by it, the Executive Committee shall determine whether violations of the Code of Business Conduct have occurred and, if so, shall determine the disciplinary measures to be taken against any employee or agent of the company (…) The disciplinary measures, which may be invoked at the discretion of the Executive Committee, include, but are not limited to, counselling, oral or written reprimands, warnings, probation or suspension without pay, demotions, reductions in salary, termination of employment and restitution.[111]

 

            Un autre exemple de cet élargissement du contrôle des entreprises sur ses sujets se manifeste par la création de hotlines au sein de certaines entreprises, tel Kodak, pour permettre aux employés de dénoncer les comportements problématiques de leurs collègues[112]. On peut se demander si ce système de délation n’entraîne pas plus d’effets pervers que de vertus.

 

 

L’entreprise est un ordre juridique efficace qui réglemente les comportements des individus qui la composent. Cet ordre juridique est indépendant de celui de l’Etat même si des références et des contraintes réciproques existent. L’ordre juridique de l’entreprise «  n’est pas reconnu comme tel par l’Etat mais certains faits et certains rapports que [l’entreprise] retient et réglemente sont pris en considération [par l’ordre juridique étatique] qui le réglemente donc à son tour.[113] Le droit étatique ne pourra pas pour autant connaître de l’existence de l’entreprise telle qu’elle se donne car il ne la voit qu’à travers le prisme de ses propres références juridiques. Ce qui implique que « ce qui est un contrat pour le droit étatique représente, dans l’autre ordre, un système en soi de droit objectif, plus ou moins autonome, qui règne au sein de l’organisation grâce aux moyens dont elle dispose[114]. L’entreprise comme l’Etat sont donc deux ordres juridiques, deux systèmes ouverts cognitivement mais munie d’une clôture opérationnelle[115].

 

            Les codes de conduites édictés par l’entreprise forment une nouvelle génération d’instruments juridiques adaptés aux mutations que connaît l’entreprise. Parallèlement à cela, on remarque aujourd’hui que l’entreprise, corps intermédiaire entre l’Etat et le citoyen se voit plébisciter dans ses prétentions normatives. On lui demande aujourd’hui de garantir les droits de l’homme. L’ordre juridique des entreprises, par sa structure en réseau et transfrontalière représente peut-être l’espace juridique d’avenir pour les droits de l’homme.

 

 

 

V.   Conclusion

 

 

            Depuis que le capitalisme est monde, l’entreprise, fruit de la mise en commun de moyens économiques, sociaux sous une armature juridique en a toujours été le moteur. A l’aube de la globalisation, sa nature économique n’a pas fondamentalement changée. Si sa nature reste intacte, sa taille et son influence ont grandi de manière exponentielle. Ce changement d’intensité provoque évidement des conséquences sur son environnement. L’impact de ses actions sur la société en général a pris une importance considérable.

 

            En matière de droits de l’homme, les multinationales peuvent désormais jouer le rôle, soit de tortionnaire, soit celui d’ange gardien. Sans contrainte, c’est sûrement le premier de ses rôles qui triomphera malgré les bonnes intentions éthiques affichées par celles-ci. Les droits étatiques et international classiques ne semblent plus pouvoir réguler à eux seuls le comportement de l’entreprise même si il reste un outil précieux à cet effet ; on l’a vu, sa nature économique a beau rester la même, on constate des changements quant à sa personnalité juridique qui augure peut-être de nouvelles possibilités.

 

            Où trouver ses nouveaux outils ? Et si la réponse venait de l’entreprise elle-même. Et si l’entreprise, incitée à agir, prenait la décision de s’autoréguler, de soumettre son comportement à des contraintes qu’elles décident de s’imposer ou qu’elle accepte de plein gré. Telle est la trame qui voit se développer les nouveaux outils normatifs que sont les codes de conduite et les labels sociaux auxquels nous consacrerons notre prochain chapitre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         Deuxième partie : codes de conduite et labellisation sociale

 

 

Liminaires

 

A.   Introduction

 

            Les transformations que connaît la structure des entreprises ont mis le droit à l’épreuve. Fissuration de la logique territoriale, extension des caractéristiques de la personne morale, intronisation de nouveaux sujets de droit international, … . Le droit « classique » tente de s’adapter aux exigences de la réalité, au risque d’altérer sa pureté théorique. Il nous faut à présent franchir un pallier supplémentaire en étudiant les nouveaux outils juridiques en matière de droits de l’homme pour les entreprises. Ils ont la particularité d’émaner des entreprises ou d’être taillés sur mesure pour elles. Ces « objets juridiques non identifiés » trouvent difficilement leur place dans les catégories juridiques classiques. Celles-ci éclatent à leur contact car le souci d’efficacité triomphe ici du souci de légalité.

 

            Notre propos se situera à la frontière entre droit et non droit, dans cette zone grise grandissante où se joue l’essentiel des évolutions juridiques contemporaines. Nous partirons du postulat que la normativité ne peut se concevoir que dans une perspective graduelle et non binaire. Toute proposition juridique n’a donc pas la même intensité normative[116]. Seule cette approche graduelle de la normativité peut nous permettre de cerner les enjeux que représentent ces nouvelles formes de régulation.

 

Le droit n’est pas le seul mode de régulation des comportements. Les nouveaux outils juridiques embrassent cette idée et font appel à d’autres mécanismes, tels ceux du marché, afin d’améliorer l’efficacité de la régulation. C’est de ce savant dosage entre mécanismes juridiques, économiques et moraux qu’ont émergé les nouveaux outils normatifs. Ces « bâtards juridiques » ont de quoi choquer les orthodoxes du droit, à raison parfois car leur efficacité ne va pas forcément de soi. Mais leur prolifération mérite que l’on s’y arrête et que l’on en évalue la portée au-delà des critères purement juridiques. C’est donc une approche interdisciplinaire qui nous guidera dans cette voie car elle seule peut mettre en lumière les différentes facettes de la réalité qui se joue devant nous.

 

           Il faut également éviter à tout prix une approche « top down », trop formaliste, trop positiviste qui consisterait à prendre comme point de départ les concepts classiques du droit (tels que les sources du droit) pour les appliquer aux objets étudiés afin d’en évaluer la juridicité, « sous peine de condamner le droit à manquer un pan entier de la réalité à laquelle il s’adresse »[117]. Une méthodologie inverse sera appliquée à cette étude. Nous partirons de la pratique telle qu’elle se donne pour ensuite revenir aux concepts et voir en quoi cette pratique les enrichit. Autrement dit, au lieu de partir des universaux pour en déduire des phénomènes concrets, ou plutôt que de partir des universaux comme grille d’intelligibilité obligatoire pour un certain nombre de pratiques concrètes, je voudrais partir de ces pratiques concrètes et passer en quelque sorte les universaux à la grille de ces pratiques[118].

 

            Nous commencerons dans ce chapitre par nous intéresser aux codes de conduite. Instruments phares de l’autorégulation de l’entreprise. Nous en étudierons le contexte d’apparition, les raisons de l’engouement qu’ils suscitent et leur morphologie. Nous tenterons également de décrire les effets juridiques que ces instruments peuvent induire. Nous nous intéresserons ensuite aux outils de la labellisation sociale. Ils constituent un moyen intéressant de s’assurer du suivi des codes de conduites. Enfin, nous proposerons un cadre théorique d’analyse de ces instruments afin de mieux comprendre leurs particularités.

 

 

           

 

B.   Définitions

 

 

            Si nous éviterons de nous imposer une grille de lecture conceptuelle dès l’entame de cette seconde partie, il nous faut à tout le moins définir notre champ d’investigation. Notre propos aura pour objet d’identifier les différents outils normatifs touchant aux droits de l’homme, élaborés par les entreprises ou pour les entreprises, qui n’ont ni force juridique obligatoire, ni force juridique impérative par nature et cela, afin d’étudier leur contenu et leur modus operandi.

 

            Le champ de régulation des codes de conduite dépasse pourtant les relations sociales au sein de l’entreprise. Une définition large semble nécessaire pour en cerner les contours. La notion de code de conduite renvoie aux réglementations écrites ou aux déclarations de principes dont le but est de servir de fondement au respect par l’entreprise de certains comportements qu’elle s’est engagée à suivre.

 

 

            Les labels sociaux, quant à eux, sont traditionnellement définis en tant que : marques, apposées à certains produits de consommation qui ont pour but de communiquer des informations aux consommateurs sur les conditions de production de ces produits. Cette définition ne prend pas en compte le grand nombre de nouveaux instruments de certification qui exerce une fonction similaire. Nous définirons donc les labels sociaux en tant que moyens de communiquer des informations sur les conditions sociales au sein de l’entreprise, qui entourent la fabrication d’un produit ou une prestation de service.

           

 

 

 

 

 

Chapitre I. Les codes de conduite

 

A.   Historique

 

            Si l’on peut situer l’utilisation généralisée des codes de conduites aux débuts des années nonante, il faut revenir à l’entre-deux-guerres pour en voir apparaître les premiers prototypes. C’est à la Chambre de commerce international que revient la palme du premier code de conduite. Elle crée en 1937 son code international de pratiques loyales en matière de promotions des ventes. Ce code, modifié en 1974, établit des normes de conduite éthique dans le cadre d'auto - réglementation du marketing et complète ainsi le droit existant dans les pays concernés[119]. Vient ensuite le premier code édicté par une entreprise. Fruit d’une réflexion entamée huit ans plus tôt, Johnson & Johnson adopte son credo en 1943.

 

            L’intensification des investissements à l’étranger après la deuxième guerre mondiale renforça le besoin de lignes de conduite plus claires en la matière. Les Chambres de Commerce internationale et nationales, épaulées par certains gouvernements nationaux, développèrent de nouveaux codes pour réguler ces nouveaux investissements étrangers[120].

 

            La fin des années septante sera témoin d’une seconde vague de codes de conduite. Les Organisations internationales deviennent à l’époque de plus en plus conscientes du poids des multinationales au niveau mondial. L’Organisation des Nations Unies créa en 1974 son Centre sur les sociétés transnationales suite à un rapport « d’éminents experts » témoignant de la montée en puissance de ces acteurs économiques particuliers. D’autres Organisations internationales se décidèrent à réguler les entreprises en édictant des lignes directrices applicables sur base volontaire par celles-ci.. C’est tout d’abord l’OCDE qui en 1976 adopta ses « lignes directrices » pour les entreprises multinationales, suivie l’année suivante par l’OIT. Ces codes internationaux tentent de rétablir un certain équilibre entre les intérêts des multinationales et ceux des pays sur lesquels elles exercent leurs activités.

 

            Les opérateurs économiques édictèrent également de nouveaux codes de conduite afin d’auto-réguler certains secteurs d’activité ou la sphère économique dans son ensemble. On pense par exemple aux Sullivan Principles, adoptés en 1977 et destinés aux entreprises américaines investissant en Afrique du Sud sous le régime d’apartheid[121]. Un code similaire fut proposé par la Communauté européenne pour les investissements européens. En matière de régulation sectorielle, l’exemple le plus connu est la Clean Clothe Campaign dans le secteur du textile.

 

           

            L’édiction par les entreprises de leurs propres codes de conduite ne se généralisa réellement qu’à la suite de mouvements d’opinions désapprouvant certaines pratiques des grandes multinationales. On se souvient par exemple du scandale qui toucha la société Nestlé à propos de son lait pour bébés. Chiquita, Levi’s, Gap, les grandes multinationales pétrolières, Nike et bien d’autres furent également la cible du lynchage médiatique qui décrédibilisa leurs marques. C’est dans ce contexte de défiance du public que se sont propagés, début des années nonante les codes de conduite privés. Aujourd’hui, le phénomène s’est encore amplifié pour toucher presque toutes les sociétés multinationales.

 

B.   Morphologie des codes de conduite

 

            On compte presque autant de sorte de codes de conduite qu’il existe de codes. Leur caractère volontaire fait que chaque émetteur possède un pouvoir total quant au contenu qu’il veut lui donner. Il nous est pourtant nécessaire d’identifier certains critères pertinents pour mieux cerner les principales différences existant entre ces codes de conduite.

1.    Source

            Les codes les plus répandus aujourd’hui émanent des entreprises. Mais, comme nous l’avons déjà souligné, d’autres émetteurs existent. A coté des codes émanant des sociétés elles-mêmes, on trouve tout d’abord des codes sectoriels émanant d’organisations professionnelles par exemple. Nous l’avons vu, des organisations internationales édictent également certains codes de conduite destinés aux entreprises. D’autres acteurs notamment les organisations syndicales[122] ou les O.N.G.[123] ont aussi développé des « codes types » destinés aux entreprises.

 

2.    Mode de formation

            Ces codes de conduite peuvent soit résulter d’une décision unilatérale de l’émetteur, soit être le fruit d’une concertation quant à son contenu. Cette question intéresse surtout les codes édictés par les sociétés elles-mêmes. Ils peuvent émaner d’une décision du conseil d’administration de la société ou être rédigés en collaboration avec des représentants élus des travailleurs, des organisations syndicales ou des O.N.G.

 

3.    Contenu

 

            On constate aujourd’hui que ces codes abordent près de 50 sujets différents[124], dans des domaines aussi variés que l’éthique, la corporate governance, la corruption, la responsabilité sociale de l’entreprise, la responsabilité environnementale de l’entreprise, les relations avec les partenaires commerciaux[125]

 

            Le contenu des engagements en matière de droits de l’homme est également extrêmement disparate. Certains codes de conduite font explicitement référence à des textes de droit international tels la déclaration universelle des droits de l’homme ou les normes de l’O.I.T., d’autres évitent toutes références à ceux-ci.

 

4.    Nature de l’engagement

 

            Si les thèmes varient, la manière de les traiter aussi. Certains codes sont rédigés dans des termes très généraux, se bornant à de simples déclarations ou à des engagements flous. D’autres entrent plus dans les détails, décrivant concrètement les objectifs de l’entreprise ou s’engageant à respecter certains objectifs concrets. Analyser la manière dont les codes abordent les sujets traités n’est pas sans intérêt. L’étendue des obligations qui sont susceptibles d’être déduites de ces codes en dépend.

 

5.    Mise en œuvre et suivi

 

            Pour que le code de conduite édicté par une société ne reste pas une simple déclaration d’intention, celui-ci doit prévoir des mécanismes de mise en œuvre et de suivi. Ici encore la pratique est extrêmement variée. Certains codes ne prévoient aucun de ces mécanismes. Ceux qui en prévoient utilisent différentes techniques à l’efficacité variable. Notons également que ces mécanismes peuvent se révéler complémentaires et être utilisés simultanément.

 

            La mise en œuvre du code consiste tout d’abord à le diffuser. Mis à part une simple publication sur le site internet de l’entreprise, elle comprend généralement une diffusion aux membres du personnel en leur en donnant copie ou en l’affichant sur le lieu de travail. Un département au sein de l’entreprise sera généralement créé ou désigné pour gérer cette diffusion qui peut s’avérer extrêmement laborieuse. Les grands groupes transnationaux emploient généralement des dizaines de milliers de personnes à travers le monde. Un effort de traduction dans de nombreuses langues est donc parfois nécessaire.

 

            Le suivi du code est également un élément d’une importance capitale. C’est ici que s’insèrent les instruments de labellisation et de certification que nous étudierons par la suite. Le contrôle du respect des codes de conduites peut prendre différentes formes. L’indépendance des contrôleurs (contrôle interne ou externe) et l’étendue de leurs moyens d’actions (visites planifiées ou inopinées des lieux de production) sont les principaux enjeux de ce suivi . Le type de suivi le moins contraignant prend la forme d’un contrôle exercé par l’entreprise elle-même pouvant parfois s’accompagner d’un rapport social ou environnemental.

 

            Il arrive de plus en plus souvent que l’entreprise confie le contrôle de son code de conduite et du respect de sa politique socialement responsable à un tiers extérieur à l’entreprise. La question de l’indépendance du contrôleur n’en est pas pour autant totalement réglée. En effet, ce tiers se trouvera souvent être un cocontractant de l’entreprise. De plus en plus de firmes d’audit, originairement spécialisées dans le contrôle financier ou comptable, diversifient leurs activités et se lancent dans le contrôle des prestations sociales de leurs clientes, à la demande de ces derniers[126].

 

            Les firmes qui ont fait appel à la labellisation sociale ou la certification subissent quant à elles un contrôle effectué par des organismes externes telles les O.N.G. Nous analyserons ces procédures plus en détail par la suite.

 

            De nombreuses questions ont été soulevées en matière de contrôle des codes de conduite. L’indépendance des organes de contrôle, la prise en charge du coût élevé de ces procédures font l’objet de débats intenses entre entreprises et autres parties prenantes. C’est un des enjeux majeurs de ces codes car leur effectivité en dépend largement.

 

 

6.    Champ d’application

 

            Enfin, le dernier critère sélectionné porte sur le champ d’application des codes de conduite. De manière générale, les codes de conduites sont destinés à s’appliquer dans l’ensemble des sociétés faisant partie du même groupe. Les codes possèdent donc un impact potentiel extrêmement important tant en termes de personnes auxquelles ils sont destinés qu’au nombre de pays dans lesquels ils s’appliquent.

 

            Souvent, les réseaux d’entreprises se dotent en outre de codes de conduite plus spécifiques pour chacune de leurs branches d’activités, ce qui peut constituer une véritable pyramide de codes. C’est le cas du groupe Suez, par exemple, qui a adopté une charte de bonne conduite applicable à l’ensemble du groupe qu’il a ensuite précisée au niveau de chaque métier par des déclarations de déontologie professionnelle. Enfin, un code de conduite complète ces principes au niveau de chaque société.

 

            L’impact le plus spectaculaire des codes de conduite se situe dans l’effet contraignant que ceux-ci peuvent avoir sur l’ensemble de la chaîne de production. Nous avons évoqué le fait que, au-delà de la constitution d’imposants groupes de société, les entreprises ont de plus en plus tendance à sous-traiter une partie de leur production. Les entreprises sous-traitantes ne font pas juridiquement partie du holding pour lequel elles effectuent un travail déterminé. Leurs relations sont donc contractuelles et les sous-traitants ne sont pas soumis aux codes de conduites de la société mère.

 

            Pourtant, de plus en plus de grands groupes insèrent une clause contractuelle dans leurs contrats obligeant ses cocontractants à respecter le code de conduite. La portée du code de conduite dépasse alors les frontières juridiques des sociétés pour se calquer sur ses frontières économiques. Cet effet « extraterritorial » fait du code de conduite un outil extrêmement prometteur en matière de régulation de la sphère économique dans son ensemble.

 

 

C.   Incitants à l’adoption d’un code de conduite

 

            L’entreprise ne s’autorégule pas par plaisir. Pourtant aucun texte légal n’oblige l’entreprise à adopter un code de bonne conduite. Quels facteurs poussent donc les groupes transnationaux à s’auto-réguler ?

 

1.    Soigner l’image de l’entreprise

 

(A) Image de l’entreprise tournée vers l’extérieur

           

            L’image d’une entreprise est une des ressources les plus importantes des entreprises.Warren Buffet déclara à son arrivée à la présidence de Salomon Brothers à sa nouvelle équipe : « Si vous perdez de l’argent au nom de notre société, je pourrais me montrer compréhensif, mais si vous perdez ne fut-ce qu’une once de notre réputation, je serai intraitable »[127]. Pourtant, rien n’est plus insaisissable, incontrôlable que l’image d’une société. La partie n’est jamais gagnée lorsqu’ il est question de réputation.

 

           

            Or, aujourd’hui, les multinationales souffrent d’un déficit chronique en terme d’image. Ce déficit trouve en partie sa source dans la surexposition médiatique des activités de ces grandes entreprises. Nous l’avons évoqué, les multinationales sont aujourd’hui sous surveillance permanente de nombreuses associations et O.N.G. prêtes à dénoncer leur faux pas éventuels. Ces véritables chiens de garde (watchdogs) se concentrent principalement sur les politiques sociales des entreprises alertant l’opinion publique en cas d’abus révélés.

 

            Les Codes de conduite ont été développés afin de restaurer la confiance des consommateurs vis-à-vis de ces grandes entreprises. Parallèlement à ces vertus curatives, les codes de conduites jouent également un rôle prophylactique. Les codes sont censés exprimer la politique générale de l’entreprise. Ils révèlent que les entreprises sont activement investies dans les matières sociales et les droits de l’homme. Les comportements éthiques et socialement responsables deviennent donc la règle, et d’éventuelles violations des normes éthiques, l’exception. En quelque sorte, une présomption de comportement éthique est instaurée par les codes de conduite, ce qui peut minimiser l’impact des éventuels abus futurs de l’entreprise.

 

 

(B) Image de l’entreprise en interne

 

            Une politique socialement responsable renforce également l’image de l’entreprise en interne et participe de ce fait à l’essor d’une véritable culture d’entreprise. Les employés se trouvent plus impliqués dans leur entreprise, il y a moins de turnover, c'est-à-dire de roulement au sein du personnel, et la productivité a tendance à être supérieure. Selon la Commission européenne, la reconnaissance de la responsabilité sociale de l’entreprise inscrite notamment dans un code de bonne conduite permet d’atteindre « a better productivity and a more stable workforce with less employee turnover »[128]. L’Organisation des Nations Unies fait le même constat et un sondage effectué par l’institut IPSO dans quatre pays européens ne dément pas non plus cette affirmation. Neuf salariés sur dix affirment en effet que la reconnaissance par l’entreprise de sa responsabilité sociale les rendraient plus fidèles à leur employeur[129].

 

            Les codes de conduite peuvent donc servir de colonne vertébrale à une culture d’entreprise forte. Ils sont un atout non négligeable dans le chef des entreprises afin de retenir leurs travailleurs et d’en attirer de nouveaux. En effet, The clear commitment to social and ethical standards will make it easier for a company to attract well trained and skilled staff –a factor which is seen as THE key succes factor in the next millenium »[130]

 

2.    Eviter les régulations plus contraignantes

 

            Les Etats se désengagent progressivement de leur politique sociale. Privatisation du secteur public et de la sécurité sociale, concurrence entre ordres législatifs étatiques entraînant un assouplissement des réglementations du travail, ces phénomènes ont permis aux entreprises d’investir de nouveaux secteurs économiques et de limiter les réglementations trop contraignantes en matière d’emploi.

 

            Parallèlement à cela, l’essor des multinationales a révélé de manière éclatante la difficulté qu’éprouvait les Etats à réguler les comportements de ces groupes transfrontaliers en matière de droits de l’homme.

 

           

            La montée en puissance des multinationales et l’impact grandissant de leurs activités notamment en matière de droits de l’homme ne laissent pourtant pas la communauté internationale sans réaction. Nous avons vu que cette situation est d’ailleurs à l’origine des premiers codes de conduite émanant des organisations internationales. De plus, une éventuelle aggravation de la situation des droits de l’homme conjuguée à la pression grandissante de l’opinion publique pourraient redonner aux Etats une volonté politique plus marquée de mieux réglementer les agissements des multinationales. La crainte d’une législation plus contraignante qui pourrait nuire à leur développement économique se trouve également en filigrane de l’autorégulation des multinationales. Ce spectre de la contrainte joue en quelque sorte le rôle de loi damoclès[131] menaçant l’entreprise.

 

3.    Eviter le vide juridique

 

            Si le droit abhorre l’incertitude, il en va de même pour l’entreprise. La planification de leur stratégie dépend d’une certaine stabilisation des perspectives futures. Pourtant, l’entreprise ne dispose pas d’un contrôle total sur l’environnement dans lequel elle gravite.

 

            L’environnement de l’entreprise tend d’ailleurs à se complexifier, à devenir de plus en plus instable. Il lui faut donc prendre les devants et anticiper les risques futurs qui pointent à l’horizon. Cette gestion du risque s’avèrent être une des préoccupations majeures des entreprises. Un bon capitaine d’entreprise ne peut se permettre de naviguer à vue dans les eaux houleuses de la globalisation.

 

            L’exigence grandissante de la société à l’égard des entreprises en matière de responsabilité sociale de l’entreprise oblige celle-ci à stabiliser ces attentes pour éviter toutes mauvaises surprises. Les codes de conduite permettent à l’entreprise de répondre à ces exigences et d’éviter l’incertitude liée au vide juridique en la matière.

 

           

 

4.    Incitants législatifs

 

            Les droits étatiques jouent également un rôle dans le succès des codes de conduite. Les Etats vont tantôt jouer un rôle d’incitateur, tantôt d’entremetteur dans l’adoption des codes de conduite.

 

            L’exemple le plus frappant du rôle d’incitateur joué par les pouvoirs publics nous vient des Etats-Unis, pays d’origine des codes de conduite. En 1991, le sénat américain adopta les Sentencing Guidelines for Organizations, qui établissent une hiérarchisation des sanctions pour toute violation de la réglementation étatique par les entreprises. Parallèlement, sont prévus dans cette loi différents critères objectifs qui auront pour effet de diminuer la sanction appliquée. Parmi ces critères, se trouve la démonstration par l’entreprise qu’elle mène un programme effectif de prévention et de détection des infractions légales. L’absence de ces mesures de préventions aux infractions constituant inversément une circonstance aggravante à l’infraction ! Dans ce contexte, les codes de conduite sont interprétés comme étant le signe d’un programme effectif de prévention aux infractions. Cet incitant a eu un impact majeur sur l’adoption de code par les entreprises.

 

            L’effet des sentencing guidelines n’est d’ailleurs pas limité aux Etats-Unis. Toust groupe étranger développant des activités au pays de l’oncle Sam se verra dans les mêmes circonstances soumis à ces règles juridiques et aura donc un intérêt à adopter un code de conduite.

 

            Les Organisations internationales poussent également les entreprises à s’autoréguler. Nous avons évoqué les normes non contraignantes adoptés par l’OCDE ou l’OIT ainsi que le projet du Global Compact. Ces initiatives sont autant d’incitants à l’adoption par l’entreprise d’une politique active en matière des droits de l’homme.

 

            D’autres types d’incitants existent pour les pouvoirs publics. On pense par exemple à la création de prix décernés aux entreprises les plus méritantes en matière de responsabilité sociale de l’entreprise. Cette reconnaissance par les autorités publiques des efforts effectués par certaines entreprises a tendance à doper les actions socialement responsables vu l’impact positif d’un tel évènement sur leur image et la culture d’entreprise. En guise d’exemple on peut citer les Awards for Excellence remis tous les ans par l’association britannique Business in the Community, en étroite collaboration avec le Ministère du commerce[132].

 

            Les pouvoirs publics jouent également le rôle d’entremetteur pour la négociation de codes de conduite entre partenaires sociaux. Ce rôle n’est pas neuf, il prend racine dans une longue tradition européenne de dialogue entre patronat et syndicats sous l’égide des pouvoirs publics. Cette tradition nationale s’est d’ailleurs exportée au niveau européen. L’article 139 du traité de Rome, introduit en 1999, stipule que le dialogue entre partenaires sociaux au niveau communautaire peut conduire, si ces derniers le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris des accords[133].

 

            L’Europe offre dans le cadre de ce dialogue social une plateforme de discussion à grande échelle à l’intention des partenaires sociaux. Ce cadre de négociation a été à la base de d’adoptions de différentes chartes et codes de conduite sectorielle.[134]

 

 

 

 

D.   Effets juridiques des codes de conduite

 

1.    Effets juridiques des codes de conduite

 

           

            Instruments juridiques, du marketing ou de management, la nature hybride des codes de conduite rend difficile une systématisation de leur portée juridique. Si leur efficacité ne relève pas uniquement de leurs effets juridiques, nous verrons qu’ils n’en sont pas pour autant dépourvus.

(A)      Effets contraignants

 

1)         Statut juridique

 

            Pour connaître un objet, le droit doit se l’approprier, le coder à l’aide de son référentiel terminologique. Les codes de conduite ne font pas exception. Le droit ne prend pas en compte la réalité telle qu’elle est, mais plutôt telle qu’il la perçoit. Le droit est un système ouvert cognitivement mais doté d’une fermeture opératoire[135]. Pour exister dans le système juridique, les codes de conduite vont devoir passer par la phase d’étiquetage, de « labellisation juridique ».

 

            Quels statuts juridiques reconnaît-on à ces codes ? Il faut d’abord noter que le droit ne reconnaît pas de statut propre aux codes de conduite. Plusieurs réponses existent selon la nature des codes. Dans le meilleur des cas, le code de conduite pourra faire office de convention collective. Cela impliquera le respect des procédures précises régulant la matière, ce qui est très rare en pratique. Si ces conditions ne sont pas remplies, il est également possible de considérer le code de conduite comme un engagement par déclaration unilatérale de volonté ou un acte unilatéral. C’est ici le contenu de l’engagement et la volonté de l’entreprise d’être lié par cet instrument dont dépendra cette qualification juridique.

Un tel engagement ne liera l’entreprise qu’à partir du moment où celle-ci a conscience des conséquences de son engagement sur les tiers et si elle souhaite ces conséquences[136].

 

2)         Effets contraignants pour l’entreprise

 

            Il est rare qu’une entreprise, soit suive les procédures visant les conventions collectives, soit veuille expressément se lier juridiquement à ces codes de conduite. Ce n’est donc que dans de très rares exceptions que les codes de conduite pourraient être directement invoqués devant un tribunal par les employés ou d’autres parties prenantes de l’entreprise. L’hypothèse de codes de conduite contraignants n’est pourtant pas irréaliste[137] [138] même si l’entreprise utilisera souvent d’autres instruments juridiques que les codes pour contenir ses engagements contraignants.

3)    Effets contraignants pour les travailleurs

 

            Nous avons évoqué le fait que certains codes de conduite prévoient un régime de sanctions en cas de violation du code par les employés de l’entreprise[139]. Le code de conduite de la firme italienne ENI prévoit par exemple que « l’observation des normes du Code doit être considérée comme partie essentielle des obligations contractuelles des salariés d’ENI au sens de l’article 2104 du code civil [et que] la violation des normes du code pourra constituer un non accomplissement des obligations primordiales du rapport de travail ou un délit disciplinaire, avec toutes les conséquences légales[140].

 

            L’effet interne des codes de conduite est donc bien réel. Mais il faut tout de même rappeler que les Cours et Tribunaux nationaux gardent un droit de regard sur les conditions et les motivations de licenciement. Les entreprises n’ont donc pas de pouvoir discrétionnaire à ce sujet et sont susceptibles de devoir justifier leurs sanctions devant les juridictions étatiques.

 

4)    Effets contraignants pour les tiers

           

            Un des effets juridiques les plus prometteurs des codes de conduite provient des ses effets externes potentiels. De plus en plus d’entreprises possédant un code de conduite l’insèrent sous forme de clause contractuelle dans les contrats passés avec leurs sous-traitants. De ce fait, les groupes transnationaux sont potentiellement capables de réguler une grande partie de la chaîne de production liée à leurs activités.

 

            Les pouvoirs publics appellent d’ailleurs de leurs vœux à cette extension des codes aux cocontractants des grands groupes transnationaux. L’O.C.D.E. considère par exemple que les multinationales devraient encourager, dans la mesure du possible, leurs partenaires commerciaux, y compris leurs fournisseurs et leurs sous-traitants, à appliquer des principes de conduite des affaires conformes aux principes directeurs[141].

 

(B) Instrument d’interprétation

           

            Il arrive fréquemment que des entreprises se réfèrent explicitement dans leurs codes de conduite aux lignes directrices de l’O.C.D.E[142] ou à la déclaration tripartite de l’O.I.T[143] destinées aux multinationales. Cette référence peut produire des effets juridiques et servir d’outil d’interprétation en cas de litige.

 

            La situation s’est déjà produite devant les juridictions hollandaises[144]. Dans les années 70, la firme « batco », filiale de la multinationale British American Tabacco Company décida de déplacer une partie de sa production sans en avertir les représentants du personnel, ce qui, selon les syndicats n’était pas conforme aux lignes directrices de l’OCDE. L’entreprise soulignait pourtant dans un rapport annuel de 1978 que sa politique était conforme à ces lignes directrices et qu’elle soutenait leur application à large échelle. La Cour d’Appel d’Amsterdam a interdit ce déplacement de lieu de production, invoquant notamment que l’acceptation des lignes directrices de l’OCDE était d’une importance considérable. Ces lignes directrices impliquaient selon la Cour que l’entreprise établisse un dialogue avec les représentants syndicaux[145].

 

            Il existe d’autres exemples qui attestent de la force interprétative des codes de conduites internationaux[146]. Il faut donc considérer que les codes de conduite des entreprises, particulièrement si ceux-ci se réfèrent explicitement aux codes émanant d’Organisations internationales, peuvent être utilisés par les Cours et Tribunaux afin d’apprécier la légalité de la décision d’une entreprise.

 

(C) Droit de la concurrence

 

Le droit de la concurrence et le droit commercial en général s’intéressent de plus en plus aux codes de conduite. L’avantage concurrentiel que ceux-ci peuvent apporter ainsi que le contrôle accru que ces codes peuvent instaurer à l’égard des membres du personnel ont rendu les interventions du législateur et du pouvoir judiciaire nécessaire. En voici quelques exemples.

 

1)    Loi Sarbanes-Oxley

 

            La Loi Sarbanes-Oxley adoptée en 2002 aux Etats-Unis, invite la puissante Security and Exchange Commission (SEC) à édicter une réglementation[147] obligeant les multinationales à mentionner dans des rapports périodiques si elles possèdent un code de conduite s’appliquant à leurs directeurs financiers[148]. Si les sociétés n’en possèdent pas, celles-ci devront expliquer pourquoi.

 

            Il est intéressant de constater que la loi n’oblige pas les entreprises à adopter un code mais leur demande juste de le dire si elles en ont un et de justifier les raisons en cas d’absence de code. L’utilisation de ce type de procédure, dite de Comply or explain est de plus en plus fréquente[149]. Non contraignante, mais obligeant les entreprises à se justifier, ce nouveau type de régulation laisse donc une grande liberté à l’entreprise dans le choix de ses politiques tout en gardant un certain contrôle sur les justifications données par les entreprises.

 

            Dans l’application de la loi Sarbanes-Oxley, La SEC a d’ailleurs étendu la portée de cette demande de justification. Les sociétés devront, soit mentionner l’existence, soit justifier la non-existence d’un code de conduite s’appliquant à tous les directeurs de la société et non uniquement aux directeurs financiers. La SEC impose également aux entreprises de rendre ces codes disponibles au public afin d’assurer un maximum de transparence sur ces questions.

 

            La loi Sarbanes-Oxley a été édictée dans un contexte de méfiance des marchés face aux abus perpétrés par certains administrateurs de sociétés américaines. Elle vise à un meilleur contrôle des gérants de société. Le législateur américain a parfaitement pris conscience de l’impact des codes de conduite et il était donc normal de retrouver dans cette législation une section spécifique encadrant l’usage de ces codes. Notons toutefois qu’aucune norme substantielle ne fixe le contenu que doivent avoir les codes de conduite en matière de contrôle des dirigeants de sociétés. A nouveau, il est fait confiance aux entreprises pour choisir discrétionnairement le type de contrôle.

 

2)    Directive européenne sur les pratiques commerciales

 

            L’Union européenne est également consciente de l’utilisation grandissante des codes de conduite et de leur impact sur l’image de l’entreprise. La directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales[150] réserve son chapitre trois à la question des codes de conduite. La directive reconnaît explicitement la possibilité pour les Etats membres de reconnaître des codes de conduite comme instruments de pratiques déloyales[151].

 

            On peut donc imaginer qu’une entreprise se fasse condamner devant les juridictions nationales si son code de conduite comprend des informations incorrectes visant à lui donner un avantage illégitime par rapport à ses concurrents.

 

            Les entreprises vont devoir faire preuve d’une vigilance accrue quant au contenu de leurs codes de conduite. Des déclarations de principe quant à leur engagement social et au respect des droits de l’homme devront se baser sur des politiques concrètes de l’entreprise. Ironiquement c’est le droit de la concurrence qui va peut-être apporter une plus grande effectivité des codes de conduite, et indirectement du respect des droits de l’homme par les entreprises. On constate également l’enchâssement qui existe entre droit imposé et autorégulation. L’autorégulation n’est imaginable que dans un cadre défini plus ou moins large. La liberté absolue n’existe pas. Elle a besoin de limites pour se concrétiser.

 

3)    Affaire Kasky v. Nike[152]

 

            L’affaire Kasky v. Nike prouve que le pouvoir judiciaire a également son mot à dire dans le contrôle des codes de conduite. En l’espèce, la compagnie Nike était poursuivie par un particulier suite à la publication par la firme d’informations erronées sur sa politique en matière de droits de l’homme. Le plaignant, Mark Kasky, fonda son action sur base de la loi californienne sur la compétition déloyale et de la loi sur la publicité mensongère[153], et l’introduisit au nom de tous les citoyens californiens.

 

            De son coté, Nike alléguait que ces informations relevaient de son droit à la liberté d’expression, protégé par le premier amendement de la Constitution américaine. La Cour suprême californienne rejeta les arguments avancés par Nike, considérant que les prises de positions de la firme relevaient de la sphère commerciale. La Cour considérait en effet que : In Describing its own labor policies, and the practices and working conditions in factories where the products are made, Nike was making factual representations about its own business operations.

 

            L’affaire fut portée devant la Cour suprême des Etats-Unis suite à un recours introduit par Nike afin qu’elle détermine si les informations litigieuses étaient de nature politique ou commerciale. La Cour renvoya l’affaire devant les juridictions californiennes sans trancher la question pour des raisons de procédure. Un accord à l’amiable intervint alors entre Nike et la partie plaignante qui portait sur le versement $1.5 million à une association internationale de défense des travailleurs.

 

            Cette affaire est intéressante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle confirme l’attention particulière que doivent apporter les entreprises au contenu de leurs communications en matière de droits de l’homme. Il ne suffit pas aux entreprises d’établir un code de conduite purement marketing, il faut encore que ce code soit fondé sur une politique concrète de responsabilité sociale. On pourrait résumer cette idée par l’expression suivante :  « make your best case, but always tell the truth »[154] .

 

            Un second élément intéressant de cette affaire est l’impact qu’une telle décision peut avoir sur le monde économique dans son ensemble. Nous sommes ici en présence d’une législation d’un Etat américain qui peut potentiellement influencer le comportement des entreprises transnationales à l’échelle de la planète. La loi californienne possède en effet une portée extrêmement large. Elle prévoit que individual activist or organization can assume the mantle of a « private attorney general » to sue to stop any person or company from communicating, directly, including by way of the Internet, or indirectly, through reporters or reviewers, in a manner that might have a « tendency to confuse » a California consumer, even if the statement are true[155]. Toute personne, tout groupe de pression peut dès lors intenter une action contre n’importe quelle entreprise qui vendrait ses produits à un Californien. Notons également qu’une intention frauduleuse n’est pas requise. Une simple propension à entraîner la confusion dans l’esprit des consommateurs californiens suffit. Etant donné le nombre important de sociétés américaines et étrangères qui commercent dans l’Etat de Californie, conjugué au fait que la législation est également applicable au commerce électronique, une telle décision « régionale » peut avoir un impact mondial.

 

            Kasky v. Nike illustre également l’enchevêtrement des systèmes juridiques nationaux. Certains Etats, comme la France, imposent à leurs entreprises cotées de publier dans leur rapport annuel, des informations sur la politique sociale des entreprises[156]. Cette obligation de communiquer des informations, associée au contrôle potentiel des tribunaux californiens a pour effet de resserrer l’étau sur les entreprises soumises aux deux législations. L’interaction des législations d’ordres juridiques différents semble donc influencer l’impact de ces normes. Les ordres juridiques s’entrechoquent créant des effets de leviers entre plusieurs législations qui tissent ainsi une toile juridique émancipée d’une quelconque volonté subjective.

 

 

 

            Enfin, cette affaire nous montre l’utilisation inattendue d’une législation. L’entreprise que l’on veut laisser s’autoréguler est soudainement rattrapée par le droit étatique. La complexification des législations et leurs interactions mutuelles font que le droit rejaillit par ricochet là où on ne l’attendait pas.

 

           

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre II. Labels sociaux, instruments de certification et de notation

 

           

            Du fait de leur grande diversité, il est souvent difficile d’évaluer la portée exacte et l’efficacité des codes de conduite sur base de critères objectifs. Mesurer l’investissement social d’une entreprise relève toujours aujourd’hui du domaine du défi. Afin de parer à ces faiblesses, des outils de standardisation et d’évaluation des codes de conduite ont progressivement vu le jour, ce sont les instruments de labellisation sociale. Paradoxalement, ces instruments dont le but est de permettre une meilleure lisibilité de l’investissement social des entreprises sont presque aussi nombreux que les codes eux-mêmes. On recense par exemple plus de 200 initiatives et normes existantes sans compter les codes de conduite individuels[157].La tendance va pourtant vers une standardisation de ces instruments, condition nécessaire à leur efficacité.

 

            Tous ces instruments ne remplissent pas pour autant la même fonction. Ils ne sont d’ailleurs pas tous destinés au même public. Labels sociaux, certification sociale et notification sociale ont chacun leurs particularités et ils peuvent d’ailleurs être utilisés de manière complémentaire. Il est pourtant possible de voir une certaine chronologie dans le développement de ces trois instruments. Ils peuvent s’analyser comme différentes étapes d’un processus de perfectionnement des méthodes d’information des consommateurs ou des investisseurs. Il est certain que cette idée de « perfectionnement » est assez subjective car elle revient à dévaloriser les instruments précédents. Or, tous ces instruments coexistent aujourd’hui. L’idée de perfectionnement doit donc être entendue dans le sens du succès rencontré par ces différents instruments auprès des entreprises et de leur influence à grande échelle sur leur comportement en matière de droits de l’homme.

 

 

2.    Labels sociaux

 

            Le premier type d’instruments à avoir émergé est le label social au sens classique du terme. Son apparition remonte déjà aux années soixante, avant de se développer définitivement dans les années quatre-vingts. A cette époque, différentes O.N.G. lancèrent dans le commerce les premiers produits « commerce équitable ». A la tête de ce mouvement se trouvent les O.N.G telles Oxfam – magasins du monde, Max Havelaar, Fairtrade Labelling Organisation. Ces organisations travaillent directement avec les producteurs locaux, souvent originaires de pays du tiers-monde. Ceux-ci doivent respecter un certain cahier des charges pour pouvoir commercialiser leurs produits sous le label choisi. Notons que c’est généralement l’O.N.G. elle-même qui s’occupe de la commercialisation des produits. Le label prédomine ici par rapport au nom de l’entreprise productrice. C’est ici le produit qui est labellisé plus que l’entreprise qui le fabrique. L’impact de ces labels est croissant, surtout depuis la commercialisation de certains produits dans les grandes surfaces, mais il reste assez anecdotique à l’échelle mondiale.

 

3.    Instruments de certification

          

 

            La différence principale entre les labels sociaux classiques et ces instruments de certification est que dans le cas de la certification, c’est la société, voire toute la chaîne de production qui est labellisée. Dans le cas des labels sociaux, le produit, seul, fait l’objet du label. Dans la pratique, c’est souvent sous le même vocable de « label » que l’on retrouvera ces deux types d’instruments.

 

(A) Certification normative

 

            Dans les années nonante, on a vu se développer des labels sociaux mieux adaptés aux grandes entreprises. Suivant l’exemple des eco-labels déjà bien implantés dans le paysage normatif, les organisations promotrices de cette nouvelle génération de labels proposent aux entreprises un cadre normatif standardisé comprenant les principes fondamentaux à respecter en matière de droits de l’homme. Ces principes sont le plus souvent inspirés des normes internationales du droit du travail et des droits de l’homme.

 

            Le travail de ces organisations ne s’arrête pas là. Elles assistent également les entreprises à la mise en exécution de ces normes, forment le personnel de l’entreprise et assurent le suivi en contrôlant le respect des normes. C’est donc bien un produit fini que proposent ces organismes.

 

            Si les critères sont bien respectés par l’entreprise, elle pourra se prévaloir du respect de ces normes et utiliser le nom et le logo du certificateur dans sa stratégie de communication

 

 

            Il existe un certain nombre d’instruments de certification sur le marché. Le SA 8000 est sans doute le plus connu. Créé par l’O.N.G. Social Accountability International, il certifie les activités de près de 700 usines dans plus de 40 pays différents[158]. Notons également que le célèbre organisme de certification I.S.O. planche pour l’instant sur un projet de norme en matière de responsabilité sociale de l’entreprise.

 

            Les pouvoirs publics se lancent aussi dans la création d’outils de certification. La Belgique, précurseur en la matière, lança par une loi du 27 février 2002 son label social belge. Quatre entreprises ont jusqu’à présent souscrit à ce label dont Randstad (secteur intérimaire) et Ethias (assurances). Le Danemark est en train de créer également son propre outil de certification.

 

 


(B) Certification procédurale

 

            Ces dernières années, de nouveaux instruments de certification que l’on peut qualifier de procéduraux, sont apparus sur le marché. En effet, des organisations telles que Accountability et Global Reporting Initiative ont développé leurs propres outils de certification. Ces outils ont la particularité de ne pas imposer un standard de normes à respecter mais plutôt de proposer une procédure de dialogue entre partenaires sociaux afin de fixer collectivement la substance de l’engagement social de l’entreprise.

 

            Aucune référence n’est faite ici aux normes substantielles en matière de droits de l’homme et de droit du travail. Toute l’attention est focalisée sur la mise en place d’un espace de dialogue entre les différentes parties prenantes de l’entreprise encadré de règles procédurales. L’évaluation se fait sur base du respect de ce dialogue ainsi que des avancées sociales progressives dégagées par ce processus de discussion.

 

 

4.    Instruments de notation

 

            Si les instruments précédents sont essentiellement tournés vers le consommateur, les instruments de notification sont destinés à informer les marchés financiers quant aux politiques sociales de l’entreprise. La notation sociale ne fait qu’évaluer les performances sociales des entreprises sans prendre part à l’amélioration de celles-ci, comme le font les organes de certification.

 

            Il existe aujourd’hui une exigence grandissante des marchés financiers d’obtenir des informations sur la politique sociale des entreprises en plus des informations économiques traditionnelles. Les entreprises, dont le développement dépend des investissements qui lui sont consentis, sont obligées de se soumettre à cette demande et communiquent dès lors certaines informations sur le contenu de leur politique sociale.

 

            Le monde financier tend à être de plus en plus exigeant au sujet du respect des règles éthiques par l’entreprise. On parle dorénavant d’investissement éthique. Plus de 12% des investissements aux Etats-Unis sont déjà dirigés par des critères éthiques. Ces critères peuvent être négatifs. On pense au refus d’investir dans les secteurs de l’armement, de l’alcool ou du tabac. D’autres critères sont positifs. Les investisseurs qui se tiennent à ces critères n’injecteront de l’argent que dans les entreprises socialement responsables.

 

            Les fonds de pension, dont le poids économique n’est plus à démontrer, sont très attentifs à ces critères sociaux. Le célèbre fonds américain Calper - qui pèse quelque 151 milliards de dollars - s’est, par exemple, retiré de quatre pays d’Asie du Sud-Est car il entendait étendre ces critères d’investissement aux conditions de travail et au respect des droits de l’homme.

 

            Se comporter de manière éthique, respecter et promouvoir les droits de l’homme s’avèrent désormais payant pour les entreprises. Ne pas investir dans une politique socialement responsable a pour conséquence de se couper d’une partie des investisseurs dont le poids ne cesse de grandir.

 

            Cette demande nouvelle de critères extra-financiers a permis le développement d’un véritable marché de la notation sociale. Différentes sociétés se sont spécialisées dans ce secteur d’évaluation sociale des entreprises. En Belgique, c’est la société Ethibel qui est numéro un du secteur. Cette société belge vient d’ailleurs d’être rachetée par son concurrent français AGEO dans une perspective de développement du groupe à l’échelle européenne.

 

            Les grands marchés financiers internationaux ont également pris acte de cette demande de transparence en matière sociale des entreprises. La bourse de New-york, par exemple, a lancé en 1999 le Dow Jones Sustainability Index, un indice boursier reprenant les entreprises investies durablement dans une politique responsable en matière sociale et environnementale[159].

 

            Dans la même lignée, notons l’initiative de la bourse londonienne qui a développé un questionnaire standardisé afin d’harmoniser les critères d’évaluation des politiques sociales.[160]

 

            Enfin, les pouvoirs publics prennent également le train en marche. En France, par exemple, la loi sur les nouvelles régulations économiques fixe (art.116), pour les sociétés française cotées sur un marché réglementé, l'obligation de rendre compte dans leur rapport annuel de leur gestion sociale et environnementale au travers de leurs activités. Il est précisé dans la loi que ce rapport doit bien sûr tenir compte des activités à l’étranger.

           

            Les entreprises n’ont donc pas le choix ! Les voilà contraintes par divers moyens tant juridiques qu’économiques d’avoir une politique plus engagée en matière des droits de l’homme. Progressivement les entreprises adoptent le triple bilan, en d’autres termes, un bilan comprenant une analyse économique mais aussi sociale et environnementale. Cet engrenage vertueux concerne toutes les multinationales. L’intégration des marchés financiers et la présence grandissante de ces sociétés à travers le monde font que, à un endroit ou un autre, elles devront communiquer et justifier leurs politiques sociales devant leur tribunal naturel : le marché.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre III : Analyses, et conclusions

 

 

            Nous avons jusqu’ici tenté de démontrer que l’autorégulation de l’entreprise en matière de droits de l’homme dépassait le simple phénomène de mode. Nous proposerons dans cette partie certaines pistes de réflexion théorique ainsi qu’une analyse sociologique des différents acteurs privés impliqués dans le processus.

 

            Deux questions vont donc être abordées dans cette partie. Tout d’abord nous tenterons de cerner le jeu des acteurs privés impliqués dans le développement des codes de conduite et des labels sociaux. La deuxième question portera sur les enseignements théoriques pouvant être tirés de cette pratique. Evitons néanmoins de nous méprendre sur la nature de ces pistes. Nous n’avons pas la prétention de décrire le droit dans toute sa diversité contemporaine. Nous disons simplement que certaines tendances fortes sont décelables dans les nouveaux processus de régulations juridiques contemporains.

 

 

            Enfin, notre dernière partie sera consacrée aux rapports qu’entretiennent droit et morale. Nous verrons en quoi ces deux types de normes sociales participent concomitamment au processus de régulation des comportements.

 

 

I.     Stratégie des acteurs privés

 

Une analyse sociologique des acteurs impliqués dans le champ de la responsabilité sociale de l’entreprise peut nous donner un nouvel éclairage sur les enjeux sous-jacents au phénomène. Le développement des codes de conduites, l’apparition de mécanismes de labellisation ne peuvent s’expliquer sans une prise en compte des positions tant de l’entreprise que de la société civile. Ces outils sont le fruit de rapports de force, de conflits d’intérêts, de stratégies développés par ces acteurs. Deux aspects nous paraissent mériter une attention particulière. Nous analyserons dans un premier temps la position des entreprises face à ces nouvelles libertés régulatrices qui leur sont octroyées. On s’intéressera ensuite aux développements qu’ont connus les ONG dans leurs efforts de contrôle des acteurs économiques.

 

A.   L’entreprise

           

            Les entreprises ont acquis le droit d’autoréguler leur comportement. Cette reconnaissance n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte d’un long travail de sape à l’encontre des tentatives de régulation plus contraignantes des pouvoirs publics, allant à l’encontre de l’intention affichée d’une meilleur prise en compte des droits de l’homme . Pour illustrer nos propos, nous reviendrons sur deux exemples déjà analysés que sont la loi Alien Tort claim et l’affaire Kasky contre Nike. Nous décrirons comment la sphère économique a réagi à leur apparition.

 

            Nous avons vu que l’Alien Tort Claim Act (ACTA) permettait à des ressortissants non américains de saisir les tribunaux des Etats-Unis pour obtenir réparation suite à la violation de leurs droits fondamentaux. Nous avons vu également que cette législation pouvait s’appliquer à l’encontre des personnes morales.

 

            Cette évolution jurisprudentielle fait l’objet de fortes pressions de la part des entreprises dans et en dehors des prétoires. En décembre 2002, le président de la très puissante Chambre de commerce américaine adressa une note au gouvernement américain exigeant « to curb the missuse of actca by allowing foreign companies to be sued in U.S. courts for alleged events in third countries »[161]. En 1997, une coalition de quelques centaines de multinationales se forma sous le nom de USA-Engage[162] afin de faire entendre leur position devant les juges comme auprès des pouvoirs publics contre l’ACTA. Les arguments invoqués sont variés. L’ACTA violerait la souveraineté des autres Etats, il consisterait une menace pour les intérêts stratégiques américains à l’étranger, il entraînerait un désavantage concurrentiel aux firmes américaines[163]. Les entreprises poursuivies sur base de l’ACTA se défendent également en invoquant qu’elles n’étaient pas directement l’auteur de l’infraction. Elle renvoyait de ce fait la faute à l’auteur formel de l’infraction qui se trouvait être une de ses filiales[164]. Enfin, l’intérêt considérable qui fut consacré à la récente affaire Sosa contre Alvarez Machain[165] montre, si besoin était encore, la volonté pour les entreprises de limiter l’impact de cette loi.

 

            Dans l’affaire Kasky contre Nike, la firme américaine a vu engager sa responsabilité au sujet de la communication au public d’informations erronées en matière de droits de l’homme. Cette décision a renforcé le contrôle des politiques sociales des entreprises et a eu pour effet pervers de refroidir l’enthousiasme des entreprises en matière de politique sociale. On a constaté une diminution des rapports sociaux émanant des multinationales de près de 20% l’année qui a suivi la décision dans l’affaire Kasky[166]. Un contrôle contraignant est donc à nouveau la cause d’une désapprobation des entreprises.

 

 

            L’entreprise se veut responsable et respectueuse des droits de l’homme mais pas à n’importe quel prix. A l’ombre des discours sirupeux, on découvre une volonté farouche, au relent néolibéral, d’éviter toute intervention étatique en la matière. Les pouvoirs publics et les entreprises semblent jouer au chat et à la souris. L’Etat fait planer le spectre d’une régulation contraignante afin d’inciter les entreprises à s’autoréguler. De leur côté, les acteurs économiques tentent d’en faire juste assez pour repousser ce spectre de la contrainte.

 

 

B.   Les ONG

 

 

            Les modes de contrôle de la politique sociale des entreprises se sont affinés. Des petits magasins du monde vendant les produits de producteurs locaux, on est passé à la certification à grande échelle de toute la chaîne de production. Les techniques se sont donc adaptées à l’évolution générale des entreprises, l’état d’esprit également. Les promoteurs des labels sociaux classiques prennent le pari d’un commerce équitable, d’un développement alternatif. Ils veulent un monde plus solidaire, plus égalitaire et se méfient de l’économie de marché capitaliste. A l’inverse, les initiateurs des nouveaux instruments de certification prennent acte du monde capitaliste qui nous entoure. Partant de ce postulat de départ ils tentent de trouver les moyens de le rendre plus juste sans pour autant vouloir changer les règles du jeu.

 

            Cette conception, quoique manichéenne, prend appui sur la diversification des acteurs impliqués dans le processus de labellisation. Dans le rapport « 21st Century NGO »[167] publié par l’ONG Sustainability, en collaboration avec le programme du Global Compact et du programme des Nations Unies pour l’environnement, les ONG se voient classées dans 4 catégories différentes symbolisées par un animal marin[168]. Il y a tout d’abord les ONG-requins. Celles-ci sont les plus critiques vis-à-vis des entreprises. Elles sont opposées au processus de mondialisation et sont prêtes à utiliser la violence contre les sociétés. On trouve ensuite les ONG-Orques qui sont également hostiles aux multinationales. Elles semblent agir de manière plus intelligente que les requins et n’hésitent pas à entrer en conflit avec les autres ONG. Les ONG-lions de mer forme la troisième catégorie. Elles sont plus coopératives avec les entreprises, partant du principe qu’il ne faut pas mordre la main qui les nourrit. Elles agissent souvent en groupe et veulent s’impliquer dans les forums de dialogue avec les entreprises. Il y a enfin les ONG-dauphins qui sont les plus amicales avec les multinationales. Elles s’adaptent aux évolutions des relations économiques et créent des partenariats solides avec les grandes entreprises.

 

            Toujours selon le rapport « 21st century NGO », la tendance va vers une augmentation sensible des deux derniers types d’ONG, plus amicales vis-à-vis entreprises. Les ONG modernes reprennent d’ailleurs à leur compte le mode de fonctionnement des entreprises. Elles aussi établissent des codes de conduite, appliquent à leurs organisations les principes de gouvernance et de transparence. Leurs modes de financement évoluent de la même manière. Plus de 50 % de leurs revenus proviennent directement de rémunération de services telle que la consultance d’entreprise en matière de responsabilité sociale ou encore l’implantation d’un label social.

 

            Les ONG s’adaptent aux enjeux de la globalisation. Pour éviter une confrontation stérile entre monde économique et tissu associatif, elles sont prêtes à adopter les règles du jeux applicables à la sphère économique. Cette prise de conscience est à la base des développements qu’ont connu les instruments de certification.

 

            Ces évolutions ne se font pas sans heurts au sein même de la société civile. Une certaine animosité, voire concurrence s’installe entre ONG « du 21ème siècle » et ONG « alter mondialistes ». Le marché du label social est en effet très porteur pour les ONG, elles qui sont également à la recherche de visibilité médiatique, synonyme de crédibilité et de financement plus important.

 

            En Angleterre par exemple, la compétition est bien réelle entre labels. La Fairtrade Foundation, leader national dans la labellisation de café vient de perdre certaines des entreprises qu’il certifiait au profit de la Rainforest Alliance[169]. Parmi ces entreprises se trouvait tout de même la société américaine d’agro-alimentaire Kraft dont le poids économique n’est plus à démontrer. Détail intéressant, le label éthique proposé par Rainforest Alliance possède un cahier des charges plus souple pour les producteurs de café. Il ne possède par exemple aucune exigence de salaire minimum ce qui permet une communication éthique importante à moindre coût pour les entreprises.

 

            Le monde associatif semble tiraillé entre les différentes postures possibles face aux entreprises. L’intérêt de ce phénomène s’est vu exacerbé par les nouvelles responsabilités qui pèsent aujourd’hui sur les ONG. Elles sont devenues des acteurs importants dans le contrôle des entreprises. Pour remplir leur mission il leur faut donc établir des stratégies efficaces qui influenceront durablement le comportement des acteurs économiques. On le voit, le choix n’est pas simple. Une posture critique a le mérite de l’intégrité mais risque d’effaroucher les entreprises et de les rendre peu enclines à coopérer. A l’opposé, une posture trop docile permet une coopération plus poussée mais pêche peut-être par un manque d’ambitions et peut entraîner une instrumentalisation des ONG par les entreprises. Un juste équilibre entre ces deux tendances semble devoir être préconisé.

 

            Se rajoute à cette équation les intérêts propres des ONG. Celles-ci doivent se placer sur le marché du développement pour pouvoir continuer à exister. Elles aussi doivent composer avec des considérations de visibilité, d’efficacité et de légitimité. C’est ce pari difficile consistant à combiner intérêt personnel et collectif, stratégie agressive et conciliante qui constitue le défi majeur des ONG du 21ème siècle.

 

 

II.   Evolution du droit

 

 

            La conception kelsenienne du droit imprègne encore profondément l’imaginaire collectif des juristes comme des non juristes. Selon cette conception, le droit serait un système pyramidal, hiérarchique, étatique, trouvant son fondement dans une norme métaphysique appelée Grundnorm[170]. Cette construction théorique presque parfaite a pourtant dû subir les assauts répétés de la pratique. Des failles sont progressivement apparues dans l’édifice, mettant en péril les fondations de cette pyramide que l’on croyait éternelle. Aurait-il pu en être autrement ? Nous ne le pensons pas. Le droit n’est pas une discipline que l’on peut figer. Le droit est vivant et s’adapte à la réalité qu’il est censé réguler. Un bref saut dans le temps nous montre à quelle point la vision positiviste kelsenienne du droit est ancrée dans son époque. Pire même, peut-on vraiment affirmer que le système proposé par Kelsen a, un jour, décrit parfaitement le fonctionnement du droit ? L’école de la sociologie juridique et les mouvements critiques et réalistes tendent à croire le contraire. Les évolutions contemporaines du droit nous éloignent en tout cas d’une approche juridique positiviste.

 

            Il convient de se demander dans quelle direction se dirige le droit contemporain.

Nous pensons que l’étude des codes de conduite et des labels sociaux peuvent nous apporter certains éléments de réponse.

 

 

A.   Corégulation

 

            L’Etat n’est plus aujourd’hui source de tout droit. La loi, jadis vecteur par excellence de régulation juridique, se voit complétée voire supplantée par de nouveaux outils législatifs plus performants, provenant d’acteurs privés. Conséquence de cela, la norme s’assouplit, s’adapte aux situations individuelles. Les codes de conduite par exemple illustrent cette idée de « droit sur mesure ». Chaque entreprise régule son comportement en fonction de ses besoins et des pressions extérieures.

 

            Ces pressions peuvent être le fait d’autres acteurs privés (ONG, consommateurs) comme c’est le cas pour les labels sociaux. Elles peuvent également émaner d’acteurs publics. Le rôle des pouvoirs publics est en train de changer. D’un Etat tuteur, planificateur, nous passons à un Etat partenaire[171], incitateur[172]. Dépossédé de la maîtrise des principaux leviers économiques, l’Etat [est] contraint à la modestie (…), à la stratégie[173]. On le voit pour les codes de conduites, les Etats exhortent les entreprises à s’autoréguler. Ils prodiguent également un cadre de référence déterminant les limites à ne pas dépasser. Ici ce sont les sacro-saints principes de concurrence qui servent de repères.

 

            La procédure de « comply or exlain » telle qu’instaurée par la loi Sarbanes-Oxley illustre également cette corégulation. La loi se borne à imposer uniquement une obligation de justifier l’acceptation ou le refus d’adopter un code de conduite. Les entreprises gardent la liberté d’en adopter un ou pas.

 

B.   Rationalité juridique

 

            Au delà de cette articulation nouvelle de la régulation entre acteurs publics et acteurs privés, la nature de la norme tend également à évoluer. Depuis Hobbes, la loi a pris la forme d’un commandement unilatéral assorti le plus souvent de sanctions. Ces commandements consistent en des obligations ou des interdictions soit d’agir, soit de se comporter de manière déterminée. Les techniques de régulation des comportements ont aujourd’hui avoir évolué. Nos sociétés pluralistes, individualistes ne semblent plus se satisfaire de ces commandements directifs dont la légitimité se fondait essentiellement sur l’aura de son auteur (le prince, la nation) ou le caractère quasi sacré de son support (la loi). L’Etat, au même titre que la loi, ne jouit plus de cette légitimité immanente. La validité des normes doit s’appuyer sur des fondements rationnels puisque leur autorité n’est plus suffisante en soi.

 

            Un premier moyen de légitimer l’intervention législative est de faire participer les acteurs intéressés à son élaboration. Il faut que les destinataires des normes puissent aussi se concevoir comme leurs auteurs[174]. Les Codes de conduites internationaux ainsi que le Global compact concrétisent cette idée. Entreprises et représentants de la société civile sont invités à la table des négociations et collaborent à l’élaboration des normes.

 

            Les vertus de la participation des différents intérêts en présence touchent également la rationalité de la norme. C’est l’idée de rationalité communicationnelle d’Habermas[175]. De l’échange des points de vue dans un forum de discussion soumis à certaines règles procédurales naîtra la rationalité. On retrouve ici l’approche choisie pour les nouveaux outils de certification procédurale qui privilégient l’instauration dans l’entreprise de méthodes propres à une culture de discussion plutôt qu’à la soumission des entreprises aux normes substantielles.

           

            Les pouvoirs publics procèdent également de la même manière. Ils veillent à ce que les conditions nécessaires à la communication rationnelle soient réunies. L’obligation de transparence peut être comprise dans ce sens car elle assure l’égalité d’informations entre les parties prenantes à la discussion. L’essentiel pour l’Etat n’est plus de réguler les comportements par voie d’autorité, mais de mettre en place les procédures nécessaires à l’émergence de la norme.

 

            Les droits de l’homme représentent un autre fondement de la rationalité juridique contemporaine. Ils constituent dans nos sociétés libérales un magma de principes censés irradier l’ensemble du système juridique. On l’a vu, l’omniprésence des droits de l’homme n’épargne personne, même les sujets purement juridiques. Les entreprises se voient saisies par ces droits fondamentaux qui servent de base à la consécration de nouvelles responsabilités à charge des acteurs économiques, vis-à-vis de la société toute entière.

 

C.   Idéologie libérale

 

            Les évolutions que connaît le droit doivent être rattachées à l’influence grandissante qu’exerce la pensée économique sur les autres sphères sociales. Le droit ne fait pas exception à ce phénomène. Le courant Law and Economics en témoigne.

 

            Selon la pensée néolibérale, l’Etat ne peut jouer qu’un rôle subsidiaire sous peine d’empiéter sur les libertés individuelles. Il ne doit réguler les comportements que si cela se révèle tout à fait nécessaire pour ne pas interférer avec le bon fonctionnement du marché ainsi qu’avec les libertés individuelles, pierres de touche de ce courant de pensée[176]. Selon Hayek, toute société, organisation, repose sur un ordre spontané[177] (Cosmos) qui se forme par adaptation des éléments individuels qui le composent à des circonstances qui n’affectent directement que certains d’entre eux … . Cet ordre peut englober des circonstances si complexes qu’aucun esprit n’est capable de les embrasser toutes[178]. Cet ordre spontané s’oppose à l’ordre établi (Taxis) qui est imposé par voie de commandement. D’après Hayek, les règles de la taxis n’ont d’autre intérêt que celui de faire respecter et d’améliorer les règles qui conduisent à la formation de l’ordre spontané. Il ne peut jamais être avantageux, là où les actions sont guidées par des règles générales de conduite, d’ajouter à ces règles génératrices d’un ordre spontané, des commandements fragmentaires prétendument subsidiaires concernant ces activités. C’est là le point central de l’argumentation contre l’immixtion ou « intervention » dans l’ordre du marché[179].

 

            Ordre spontané ou main invisible du marché, voilà d’après les théories libérales l’espace naturel de production des normes sociales. Les commandements étatiques doivent uniquement veiller à ce que les lois du marché puissent se développer le plus efficacement possible. Cette tendance influence fortement les législations actuelles. Au lieu d’imposer des comportements aux entreprises, on impose la transparence pour que le marché les sanctionne lui-même. Labels sociaux et codes de conduite sont également destinés au marché afin que celui-ci juge des politiques des entreprises. Le rôle de l’Etat porte plutôt sur le contrôle de la justesse des informations émises par les entreprises (affaire Kasky v. Nike).

 

 

D.   Complexité

 

            La conception pyramidale du droit possédait l’avantage d’offrir une description cohérente, ordonnée du droit. Il a pourtant fallu se rendre à l’évidence de la complexification du droit contemporain. Nous l’avons évoqué, les systèmes juridiques sont devenus interdépendants. Plus aucun législateur national ne peut se vanter de maîtriser la totalité de la production normative imposée à ses citoyens. Nous avons vu l’influence potentielle de décisions judiciaires en matière de codes de conduite (affaire Nike v. Kasky), ainsi que pour les législations nationales. La loi Sarbanes-Oxley s’applique par exemple à toute entreprise exerçant des activités sur le territoire américain. D’autres phénomènes étranges apparaissent. La loi américaine alien tort claim (ATCA) est resté sans effet pendant près de deux cent ans avant de renaître de ses cendres comme par enchantement.

 

            Le droit devient de moins en moins prévisible, on assiste à une véritable accélération du temps juridique[180]. Les codes de conduite tentent de parer à ces faiblesses en apportant un peu de cette stabilité juridique qui fait défaut à l’entreprise.

 

            La complexité fait aujourd’hui partie intégrante de la vie du droit. Le droit s’est réticulé, diversifié. On s’acheminerait ainsi vers un modèle non plus hiérarchique mais « hétérachique » ou de « domination sans maître »[181].

 


E.   Dangers

 

            Ne courrons-nous pas un risque en voulant trop vite enterrer la légalité au profit de l’efficacité ? La loi possède en effet des vertus que l’autorégulation ou un système basé uniquement sur des incitants ne possédera jamais. Tout d’abord, rappelons que la rigidité de la loi provient essentiellement du fait qu’elle est la garante de l’égalité entre les individus. Un système plus souple permet sans doute une prise en compte plus importante des intérêts et besoins de chacun mais il peut être la source de situations inéquitables.

 

            Chaque entreprise par exemple détermine elle-même la substance de son code de conduite. Est-il logique que les travailleurs d’une firme possèdent un statut juridique plus favorable que les ouvriers d’une firme concurrente ? Il est bien question ici de statut juridique car nous parlons des droits les plus fondamentaux des êtres humains. Il est évident que les conditions de travail peuvent varier entre pays, secteurs d’activité, entreprises mais ne doit-il pas y avoir un seuil minimum imposé à tous les acteurs économiques ? Poser la question, c’est y répondre.

           

            Pourtant, le flou juridique entourant les codes de conduites ne favorise pas la reconnaissance effective de ces standards minimaux. On voit même poindre le risque de normes sociales au rabais. Seul 45% des codes de conduite abordent la question du travail des enfants. En ce qui concerne la liberté d’association des travailleurs les chiffres descendent à 15%[182]. Le risque de la perte d’égalité de droit entre individus est donc bien réel.

 

            La loi possède également une fonction pédagogique et symbolique. Ce que l’autorégulation gagne en efficacité, elle le perd en symbolisme. Respecter la loi est une valeur en soi. Son respect ne dépend pas uniquement de la présence de sanctions. La réciproque est moins vraie pour les nouveaux instruments de régulation dont la valeur ne se juge qu’en fonction du degré d’efficacité visé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

III. Droit et morale

 

 

            Notre dernière partie traitera des rapports entre le droit et les autres modes de régulation des comportements. L’homme est un animal social ce qui implique qu’il doit s’imposer certaines règles aménageant la vie en collectivité. Ces règles peuvent prendre la forme du droit, mais d’autres normes sociales existent en parallèle. Les travaux de l’anthropologie du droit nous éclairent à ce sujet ; l’ordre social peut se concevoir sans système juridique, sans Etat.

 

            Si ce n’est pas du droit alors qu’est-ce que c’est ? John Locke distingue trois « Lois auxquelles les hommes rapportent en général leur actions pour juger de leur rectitude ou de leur défaut »[183]. Il s’agit de la loi divine, la loi civile et la loi de l’opinion ou de la réputation (qu’il appelle également loi de la vertu et du vice ou même loi philosophique). Seules la réputation est intrinsèquement inhérente aux relations entre les hommes. D’après Locke, personne ne lui échappe ce qui l’amène à affirmer que c’est elle qui dirige principalement les comportements humains[184]. La loi de l’opinion est ce qui ne dispose pas de critères et de qualifications déterminés pour s’établir ; c’est la loi la plus forte, la plus innée, mais corrélativement la moins fondée[185].

 

            Les modernes ont cru pouvoir phagocyter cet état des choses et consacrer la loi civile comme seul norme de comportement. La loi vue comme l’émanation du peuple, peut seule légitimer une atteinte aux libertés individuelle. C’est le triomphe de la rationalité juridique qui évacue le rôle des passions dans la régulation des comportements.

 

            Le développement de la psychologie et notamment de la psychologie comportementale est venu troubler cette fiction constituante. Les mécanismes cognitifs qui sous-tendent les actions humaines se révèlent extrêmement complexes et enchevêtrés. La sociologie du droit, avec notamment le courant legal consciousness, nous a également apporté de précieuses informations sur la manière dont le droit est vécu, ressenti par les individus, avec pour effet de relativiser la portée normative du droit.

 

            Parmi les juristes, les travaux de Joseph Raz ont démontré que les normes juridiques constituaient autant de raisons pour l’action humaine qui peuvent entrer en compétition avec d’autres types de raisons non juridiques dans le choix d’un comportement[186].

 

            Enfin, le courant Law and Economics va appliquer les théories de la psychologie comportementale dans l’analyse des modes de régulation des individus. Avec comme objectif la recherche des normes sociales les plus efficaces, en se fondant notamment sur la théorie des jeux, ces auteurs vont analyser l’influence des procédés sociaux extérieurs au droit régulant les comportements humains. L’altruisme, l’envie, le besoin de conformité, la réputation, la confiance, l’imitation, sont autant d’éléments à prendre en considération si l’on veut comprendre ce qui pousse les hommes à adopter un comportement spécifique[187].

 

            Les tendances législatives contemporaines prennent en compte la diversité des raisons qui poussent les hommes à adopter certains comportements. Les juristes réalisent que l’édiction d’une loi ne suffit pas toujours à modifier ceux-ci. En d’autres termes, il ne suffit pas d’interdire un certain comportement pour que celui-ci disparaisse. Or, l’efficacité devient le critère principal d’évaluation des législations.

 

            L’efficacité est la capacité d’obtenir un maximum de résultats en un minimum d’efforts. Il faut donc mettre en balance le résultat obtenu avec le coût de son obtention. L’efficacité des commandements normatifs entraîne généralement un coût très élevé pour un résultat parfois décevant. Une loi, pour être efficace, nécessite la mise en place d’un système de contrôles et de sanctions très coûteux.

 

            Influencé par le courant d’analyse économique du droit, on fait aujourd’hui appel à d’autres modes de régulations moins coûteux. L’approche est différente, on tente d’inciter les acteurs sociaux plutôt que de les menacer de sanctions. On remplace le bâton par la carotte. Le mode de fonctionnement des codes de conduite et des labels illustre nos propos. On vante les avantages commerciaux de ces nouveaux outils aux entreprises, on crée des « awards » pour les acteurs les plus coopératifs. Les bons élèves peuvent également profiter de l’aura de certaines institutions publiques. Le Global Compact permet aux entreprises qui y souscrivent d’utiliser le logo des Nations Unies dans leurs communications. On voit les pouvoirs publics promouvoir les échanges de bonnes pratiques (benchmarking), ce qui peut avoir un effet vertueux entre acteurs économiques.

 

            Parallèlement à ce passage de la sanction juridique aux incitants juridiques, la loi tente de fixer le cadre nécessaire à l’émergence de sanctions sociales non étatiques. On retrouve en filigrane la pensée d’Hayek qui cantonne l’intervention étatique à une optimisation de l’ordre spontané. Les sanctions prennent ici la forme d’atteinte à la réputation de l’entreprise, or on a vu l’importance que l’entreprise accorde à son image.

 

            Cet enchevêtrement entre normes légales et normes sociales, entre sanctions disciplinaires et sanctions populaires fut au cœur de notre sujet. Limiter notre étude aux effets juridiques « purs » des codes de conduites aurait eu pour conséquence de nous couper d’un pan entier des enjeux de l’autorégulation des entreprises en matière de droits de l’homme. Plus que des instruments juridiques, les codes de conduite représentent un objet d’étude interdisciplinaire riche en enseignements.

 

 

 

           

                                                                                                                     

           

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des matières

 

 

Introduction…………………………………………………………………………………… 2

 

Première partie : l’entreprise aujourd’hui................................................................................... 4

 

Liminaire : terminologie.......................................................................................................... 4

 

 

Chapitre I. Un monde globalisé.............................................................................................. 5

A.    Les faits...................................................................................................................... 5

B.    Les acteurs.................................................................................................................. 7

1.     L’entreprise............................................................................................................ 7

2.     La société civile....................................................................................................... 9

3.     L’Etat.................................................................................................................... 10

 

 

Chapitre II. Les changements touchant l’entreprise............................................................ 12

 

I.      Corporate governance et intérêt social de l’entreprise.................................................. 12

A.    Corporate governance au sens strict......................................................................... 12

B.    Intérêt social de l’entreprise..................................................................................... 13

 

II.    L’entreprise, sujet de droit........................................................................................... 17

A.    Introduction.............................................................................................................. 17

B.    L’entreprise, vers un sujet de droit à part entière..................................................... 17

1.     Principe de la spécialité légale............................................................................... 18

2.     Principe de spécialité statutaire............................................................................ 18

3.     Conception institutionnelle de l’entreprise.......................................................... 19

C.    L’entreprise, sujet des droits de l’homme................................................................ 19

1.     Entreprise titulaire des droits de l’homme............................................................ 20

(A)      Principe......................................................................................................... 20

(B)       Capacité d’ester en justice............................................................................ 20

(C)       Droits de l’homme reconnus aux entreprise................................................. 20

2.     Entreprise garante des droits de l’homme............................................................. 21

(A)      Position du problème.................................................................................... 21

(B)       Etendue des garanties.................................................................................... 22

(C)       Mécanismes de contrainte............................................................................ 24

3.     Commentaires....................................................................................................... 26

D.    L’entreprise, sujet de droit international ?................................................................ 26

 

III.       L’entreprise, sujet éthique........................................................................................ 28

A.    Contexte.................................................................................................................... 28

B.    Ethique ou morale ?.................................................................................................. 28

C.    Réalité....................................................................................................................... 29

D.    Dimensions............................................................................................................... 29

IV.       L’entreprise, ordre juridique..................................................................................... 30

V.    Conclusion.................................................................................................................... 32

 

 

Deuxième partie : codes de conduite et labellisation sociale..................................................... 33

Liminaires............................................................................................................................. 33

A.    Introduction.............................................................................................................. 33

B.    Définitions................................................................................................................ 34

 

 

Chapitre I. Les codes de conduite......................................................................................... 35

A.    Historique................................................................................................................. 35

B.    Morphologie des codes de conduite......................................................................... 36

1.     Source................................................................................................................... 36

2.     Mode de formation............................................................................................... 36

3.     Contenu................................................................................................................ 36

4.     Nature de l’engagement......................................................................................... 37

5.     Mise en œuvre et suivi......................................................................................... 37

6.     Champ d’application............................................................................................ 38

C.    Incitants à l’adoption d’un code de conduite............................................................ 38

1.     Soigner l’image de l’entreprise.............................................................................. 39

(A)      Image de l’entreprise tournée vers l’extérieur............................................... 39

(B)       Image de l’entreprise en interne.................................................................... 39

2.     Eviter les régulations plus contraignantes............................................................. 40

3.     Eviter le vide juridique.......................................................................................... 40

4.     Incitants législatifs................................................................................................ 41

D.    Effets juridiques des codes de conduite.................................................................... 42

1.     Effets juridiques des codes de conduite................................................................ 42

(A)      Effets contraignants...................................................................................... 42

1)     Statut juridique............................................................................................. 42

2)     Effets contraignants pour l’entreprise.......................................................... 43

3)     Effets contraignants pour les travailleurs..................................................... 43

4)     Effets contraignants pour les tiers................................................................ 44

(B)       Instrument d’interprétation.......................................................................... 44

(C)       Droit de la concurrence................................................................................. 45

1)     Loi Sarbanes-Oxley....................................................................................... 45

2)     Directive européenne sur les pratiques commerciales.................................. 46

3)     Affaire Kasky v. Nike.................................................................................. 46

Chapitre II. Labels sociaux, instruments de certification et de notation............................... 49

 

 

3.     Labels sociaux....................................................................................................... 49

4.     Instruments de certification.................................................................................. 50

(A)      Certification normative................................................................................. 50

(B)       Certification procédurale.............................................................................. 51

5.     Instruments de notation........................................................................................ 51

 

Chapitre III : Analyses, et conclusions................................................................................ 53

 

 

I.      Stratégie des acteurs privés.......................................................................................... 53

A.    L’entreprise................................................................ 53Erreur ! Signet non défini.

B.    Les ONG.................................................................................................................. 53

II.    Evolution du droit......................................................................................................... 56

A.    Corégulation......................................................................... Erreur ! Signet non défini.

B.    Rationalité juridique....................................................... Erreur ! Signet non défini.

C.    Idéologie libérale............................................................. Erreur ! Signet non défini.

D.    Complexité..................................................................... Erreur ! Signet non défini.

E.     Dangers.......................................................................... Erreur ! Signet non défini.

 

III.   Droit et morale.............................................................................................................. 61

 

Conclusion……………………………………………………………………………………63   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Filartiga v. Pena-Irala case, 630 F. 2d (2d Cir. 1980) (USA)

 

R vs Big M Mart Ltd, 1985, 18 DLR (4th) 321. (USA)

 

 

John Doe v. Unocal Corp., 963 F. Supp. 880 (C.D. Cal. 1997) (USA)

 

 

Aguinda v. Texaco, Inc., 142F. Supp. 2d534 (S.D.N.Y.2001).

 

 

Sinaltrainal, et al. v. Coca-Cola Co., 256F. Supp. 2d 1435, S.D. Fla. (2003). (USA)

 

 

Kasky v. Nike, Inc., 45 P.3d 243, 248 (Cal.2003), Cert. Granted, 537 U.S. 1099 (2003), and cert. dismissed, 123 S. Ct. 2554 (2003). (USA)

 

Sosa v. Alvarez-Machain, 124 S. CT. 2739 (2004) (USA)

 

 

Législations

 

 

Etrangères

 

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[1] Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaire Le Robert.

[2] Notons que le caractère commercial n’est plus indispensable depuis la création de formes de société à finalité sociale. Voy. art.1 al.3 du code des sociétés.

[3] A. SUPIOT, « Groupes de sociétés et paradigme de l’entreprise », Revue trimestrielle de droit commercial, 1985, p.621.

[4] Pour une analyse juridique du processus de « généralisation sélective » des réformes touchant les sociétés cotées aux autres types de société, voy. X. DIEUX, « De la société anonyme comme ‘modèle’ et de la société cotée comme ‘prototype’ », in J. KIRKPATRICK (sous dir.) Liber amicorum Lucient Simont, Bruxelles, Bruylant, 2002.

[5] Certains auteurs refusent d’ailleurs de lier l’apparition d’un phénomène de globalisation à la fin de la guerre froide, le considérant plutôt comme une phase de l’évolution capitaliste, se basant sur la théorie des mouvements cycliques de Kondratieff. Dans ce sens : A. G. FRANK, B. GILLS, The World System : Five Hundred Years or Five Thousand, London, Routledge, 1996.; I. WALLERSTEIN, “Globalization or the Age of Transition? A Long-Term View of the Trajectory of the World-System., International Sociology, June 2000, Vol. 15 Nr. 2, p.249-265.

[6] F. FUKUYAMA, La fin de l’histoire et le dernier des hommes, Paris, Flammarion, 1992.

[7] J. WIENER, « ‘Globalisation’ : The Political Function of Ambiguity », in About Globalisation. Views on the Trajectory of Mondialisation. Bruxelles, VUB Brussels University Press, 2004, p.19

[8] A ce sujet: L. WEISS, The Myth of the Powerless State: Governing the Economy in a Global Era, Cambridge, Polity Press, 1998.; I. WALLERSTEIN, “Globalization or the Age of Transition? A Long-Term View of the Trajectory of the World-System., International Sociology, June 2000, Vol. 15 Nr. 2, p.249-265.

[9] D. HELD, A. MCGREW, D. GOLDBLATT, J. PERRALTON, Global Transformations: Politics, Economics and Culture, London, Polity, 1999.

[10] B. FRYDMAN, « Coregulation : a Possible Legal Model For Global Governance », in About Globalisation. Views on the Trajectory of Mondialisation. Bruxelles, VUB Brussels University Press, 2004, p.227.

[11] FMI, World Economic Outlook, oct. 1997.

[12] Voy. : G. MILLMAN, Around the World on a Trillion Dollars a Day, New York, Bantam Press, Giroux, 1999.

[13] Voy. : J. WIENER, « ‘Globalisation’ : The Political Function of Ambiguity », in About Globalisation. Views on the Trajectory of Mondialisation. Bruxelles, VUB Brussels University Press, 2004, p.26-27.

[14] P. DE WOOT, Responsabilité sociale de l’entreprise. Faut-il enchaîner Prométhée ?, Paris, Economica, 2005.

[15] Le Centre des Nations unies des les entreprises transnationales en propose la définition suivante : A transnational corporation (TNC) is an enterprise that controls assets of other entities in economies other than

its home economy, usually by owning a certain equity capital stake. An equity capital stake of 10% or more of

the ordinary shares or voting power for an incorporated enterprise, or the equivalent for an unincorporated

enterprise, is normally considered a threshold for the control of assets. Voir dans: United Nations Conference on Trade and Development, Development and Globalization: Facts and Figures, New York, Genève, 2004, p.40.

[16] UNITED NATION CONFERENCE ON TRADE AND DEVELOPMENT, Development and Globalization: Facts and Figures, New York, Genève, 2004, p44.

[17] S. ANDERSON et J. CAVANAGH, The Rise of Corporate Global Power, Institute for Policy Studies, Washington, 2000.

[18] Shell par exemple est présente dans plus de 140 pays (www.shell.com), Siemens A.G. dans près de 190 (www.siemens.com).

[19] Par exemple, la société allemande Siemens A.G. emploie 426.000 personnes dont 251.000 à l’étranger. Pour des statistiques détaillées à ce sujet, consultez : United Nations Conference on Trade and Development, World investment report. Overview, 2004, p.10.

[20] Offre public d’achat

[21] Rappelons à ce sujet que, selon Ronald Coase, l’objet même de l’entreprise est de réduire les coûts de transaction en préférant la production interne au recours au marché. A ce sujet : R. H. COASE, « The Nature of the Firm », in Readings in Price Theory, Stigler and Boulding, editors. Chicago, R. D. Irwin, 1952.

[22] A. SOBCZAK, Réseaux de sociétés et codes de conduite. Un nouveau modèle de régulation des relations de travail pour les entreprises européennes, Paris, L.G.D.J., 2002, p.20. Voyez également : D. FERRIER, Droit de la distribution, 2e éd., Paris, Litec, 2000. ; sur le principe de subsidiarité :D. COHEN, « De la mondialisation à la troisième révolution industrielle », in Les chances des Français, Paris, Albin Michel, 1998, p. 39.

[23] Relevons peut-être le phénomène inverse dans le secteur des télécommunications. On y assiste d’une part à une concentration horizontale de groupes de sociétés actives dans l’ensemble des domaines touchant à la communication (télévision, cinéma, musique, presse écrite). D’autre part, ces groupes s’imposent une politique de développement verticale visant à maîtrisant tous les stades de production des produits créés. Voyez : F. ANTOINE, Les multinationales des média : principales entreprises mondiales et grands acteurs européens, Louvain-la-Neuve, éd. Académia Bruylant, 2002.

[24] COMMISSION EUROPEENNE, Annales du Deuxième Forum européen de la sous-traitance, Graz, 5-6 octobre 1998, p.16.

[25] Pour nuancer ces propose, il faut mentionner la possibilité admise dans de nombreux Etats, dont la Belgique, de ne faire primer la réalité sur la fiction juridique en cas d’une utilisation frauduleuse de la personnalité juridique.

[26] A. SOBCZAK, Réseaux de sociétés et codes de conduite. Un nouveau modèle de régulation des relations de travail pour les entreprises européennes, Paris, L.G.D.J., 2002, p.38.

[27] Voy. F.H. EASTERBROOK, D. R. RISCHEL, The Economic Structure of Corporate Law, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1991; E.L. RUBIN, “Images of Organizations and Conséquences of Regulation, Theoretical Inquiries in Law, Vol 6. Juillet 2005.

[28] Voy. : P. DE WOOT, Responsabilité sociale de l’entreprise. Faut-il enchaîner Prométhée ?, Paris, Economica, 2005, p. 43-48.

[29] Pour une approche historique de la notion, Voy : N. GIOVANNINI, « Hegel et la ‘Bürgerliche gesellschaft’. Du concept juridico-politique au concept socio-économique », in B. FRYDMAN (dir.) La société civile et ses droits, Bruxelles, Bruylant, coll. Penser le droit, 2004, p.57-79.

[30] COMMISSION EUROPEENNE, Gouvernance européenne, un livre blanc, COM (2001) 428, 25 juillet 2001, p.17.

[31] Il est intéressant de relever que la Commission englobe sous le vocable ‘société civile’, les acteurs tant sociaux que économiques. Ce détail montre le sens ambigu de la notion elle-même.

[32] Information recueillie sur le site : www.un.org/esa/coordination/ngo

[33] B. FRYDMAN, « La société civile et ses droits », in B. FRYDMAN (dir), La société civile et ses droits. Bruxelles, Bruylant, coll. Penser le droit, 2004, p.7.

[34] Voy. à ce sujet le rapport 21st Century NGO, in the Market of Change, disponible sur le site www.sustainability.com

[35] B. BADIE, La fin des territoires, Paris, Fayard, 1995, 4e de couverture ; cité par F. OST, M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une dialectique du droit. Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002.

[36] Voy. : E. A. ENGLE, The Transformation of the International Legal System : The Post-Westphalian Legal Order, Quinnipiac Law Review, 2004, S. MACLEOD D. LEWIS, “Transnational Corporations, Power, Influence and Responsibility”, Global Social Policy, Vol. 4, No. 1, 2004, p. 78.

[37] Exemple récent : le ‘contrat nouvelles embauches’, disponible depuis août 2005 en France. Ce contrat de travail à durée indéterminée, réservé il est vrai pour les entreprises de moins de 20 travailleurs, étend la période d’essai à deux ans. Conséquence de cette réforme, l’employeur pourra licencier le travailleur sans justification durant cette période. Voyez : « Le gouvernement assouplit le droit du licenciement », in Le Monde, 2 août 2002.

[38] F. OST, M. VAN DE KHERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une dialectique du droit. Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis., p. 125.

[39] M. FOUCAULT, Naissance du biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, E. Gallimard – Seuil, 2004 p.120.

[40] En Belgique, la référence au terme de contrat dans le jargon institutionnel fait florès. Cette référence peut être cosmétique : contrat d’avenir pour la Wallonie, contrat pour l’enseignement. Elle peut aussi révéler une reconfiguration des relations Etat – particuliers. Les contrats de gestion passé entre « entreprises publiques autonomes » ( Belgacom, SNCB) et le gouvernement l’illustrent bien.

[41] Cette montée en puissance du Conseil d’administration des sociétés connaît son point culminant en Belgique dans la loi du 6 mars 1973 (aujourd’hui article 522 du code des sociétés), transposant en droit belge la première directive européenne de 1968, qui inverse la présomption de compétence à la faveur du conseil d’administration et au détriment de l’assemblée générale. Le Conseil d’administration a alors le pouvoir d’accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à la réalisation de l’objet social de la société, à l’exception de ceux que la loi réserve à l’assemblée générale.

[42] Voy. H.P.LEMAITRE, « Actionnaires citoyens + administrateurs citoyens = sociétés citoyennes ? », in Mélanges Philippe Gérard, Bruxelles, Bruylant 2002, p.213-248. ; X. DIEUX, « L’exercice du pouvoir au sein de la société anonyme – observations sur quelques incertitudes, in J. PARDON, Bruxelles, Bruylant, 1997, p.253-272.

[43] On pense par exemple aux principes de gouvernance d’entreprise de l’O.C.D.E (,2004), disponible sur le site : www.oecd.org ; au code belge sur la gouvernance d’enreprise (2005) disponible sur le site www.corporategovernancecommittee.be ; Loi Sarbanes-Oxley aux Etats-Unis (2002).

[44] Les fonds de pensions représentent aujourd’hui le deuxième plus grand groupe d’investisseurs institutionnels (après les compagnies d’assurance) avec des avoirs d’une valeur de US $8 trillons dans les seuls pays de l’O.C.D.E. Voy. : O.C.D.E. , Strengthening Private Pension. International Standards, Data and Analysis, OCDE, 2003.

[45] Voy. M. FRIEDMAN, “The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits”, New York Times Magazine, 13 September 1970.; M. WOLF, Sleepwalking with the Enemy, Financial Times, 16 may 2001.

[46] Littéralement ce mot signifie ‘porteurs d’enjeux’. On préférera pourtant la traduction de parties prenantes, plus usitée.

[47] Voy. K. RENNER, The Institutions of Private Law and Their Social Functions, London and Boston, Routledge and Kegan Paul, 1949, p. 82-93.

[48] A. BERLE et G. MEANS, The Modern Corporation and Private Property, New York, The Macmillan Company, 1932.

[49] A. SMITH, The Wealth of Nations, Everyman’s Library edition, Vol. 11, p. 229.

[50] Nous rajoutons la parenthèse.

[51] A. BERLE et G. MEANS, The Modern Corporation and Private Property, New York, The Macmillan Company, 1932, p.346-347.

[52] A. BERLE et G. MEANS, The Modern Corporation and Private Property, New York, The Macmillan Company, 1932, p.346-347.

[53] Cette procedure permet à un actionnaire possédant plus de 95 % des titres d’une société de racheter les titres restant sans l’accord de leur proprétaire. Voy. art. 513 du Code des sociétés.

[54] A. BERLE et G. MEANS, The Modern Corporation and Private Property, New York, The Macmillan Company, 1932, p.333.

[55] Voy. M. HOPKINS , The planetary Bargain. Corporate Social Responsibility Matters, Royaume Uni, Macmillan, 1999, p. 49-68.

[56] Rappelons que sur les organes d’administration de la société pèse une responsabilité légale de diriger la société dans l’intérêt de celle-ci. La nature des critères à prendre en compte pour cette tâche est donc essentielle et dépasse le cadre d’un simple débat philosophique.

[57] S. LEADER, « Participation and Property Rights”, in Journal of. Business Ethics, 21, 1999, p. 97-109.

[58] Nous soulignons

[59] S. LEADER, « Participation and Property Rights”, in Journal of. Business Ethics, 21, 1999, p. 97-109.

[60] S. LEADER, « Participation and Property Rights”, in Journal of. Business Ethics, 21, 1999, p. 97-109.

[61] T. TILQUIN, V. SIMONART, Traité des sociétés, t. 1, Diegem, Kluwer, 1996, p.540.

[62] L. MICHOUD, La théorie de la personnalité morale. Son application au droit français, t.2, Paris, L.G.D.J., 1924, p.145.

[63] Cette conception part du principe critiqué par certains que le sujet de référence est la personne physique et que la personne morale ne serait qu’un sujet diminué du fait de sa ‘nature’. Contra : Voy. à ce sujet V. SIMONART, La personnalité morale en droit privé comparé, Bruxelles, Bruylant, coll. De la faculté de droit Université Libre de Bruxelles, 1995, p.276 et s.

[64] Voy. à ce sujet V. SIMONART, La personnalité morale en droit privé comparé, Bruxelles, Bruylant, coll. De la faculté de droit Université Libre de Bruxelles, 1995, p.179 et s.

[65] Cal. Gen. Corp. § 207, (e).

[66] Cass., 31 mai 1957, R.C.J.B., 1958, p. 283-285.

[67] Voy. aujourd’hui l’article 526 du Code des sociétés.

[68] Cass., 12 novembre 87, R.C.J.B., 1989, p.385-387.

[69] X. DIEUX, « De la société anonyme comme ‘modèle’ et de la société cotée comme ‘prototype’ », in J. KIRKPATRICK (sous dir.) Liber amicorum Lucient Simont, Bruxelles, Bruylant, 2002.

[70] En Belgique :Loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, M.B,. 22-06-1999. ; En France : art. 121 du Code pénal adopté le 22 juillet 1992 ; En Angleterre : Interpretation Act 1978.

[71] Rapport fait au nom de la Commission de la Justice précédant la loi instaurant la responsabilité pénale des personnes morales, Doc. Parl., Ch. Repr., sess. ord. 1998-99, n° 2093/5, p.3.

[72]Voy. Par exemple art 34 C.E.D.H.

[73] Voy. Cour eur. d. h., Autronic A.G. c. Suisse, 22 mai 1990.

[74] FIRST NATIONAL BANK OF BOSTON v. BELLOTTI, 435 U.S. 765 (1978)

[75] Voy. P.F. DOCQUIR, “L’entreprise, titulaire et garante des droits fondamentaux”, in L’entreprise et les droits de l’homme, à paraître.

[76] R vs Big M Mart Ltd, 1985, 18 DLR (4th) 321

[77] N. JAGERS, Corporate Human Rights Obligations : In search of Accountability, Antwerpen – Oxford – New York, Intersentia, 2002, p. 8.

[78] Voy. John Doe v. Unocal Corp., 963 F. Supp. 880 (C.D. Cal. 1997)

[79] On pense évidemment aux partenariats entre pouvoir totalitaire et entreprises. Les sociétés les plus exposées sont bien évidemment les sociétés pétrolières qui multiplient les investissements dans les régimes politiquement infréquentables et qui semblent dès lors être plus exposées à ce genre de poursuite. Pour une analyse des relations plus spécifiques entre droits de l’homme et industrie pétrolière, voy. A.EIDE, H. OLE BERGENSEN et P. RUDOLFSON GOYER, Human rights and the Oil Industry, Anvers – Groningen – Oxford, Intersentia, 2000.

[80] Sondage 15 juin 2005 réalisé par l’institut de sondage IPSOS, à consulter sur le site : www.ipsos.fr .

[81] Voy. SOUS – COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME, Rapport sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises, E/CN.4 /2005, 15 février 2005.

[82] SOUS – COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME, Rapport sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises, E/CN.4 /2005, 15 février 2005, p.14.

[83] L. HENNEBEL, « Comment contraindre le entreprise à respecter les droits de l’homme « , in L’entreprise et les droits de l’homme, à paraître ; voy. également : N. JAGERS, Corporate Human Riths Obligations : in Search of Accountability, Antwerpen – Oxford – New York, Intersentia, 2002, p. 36 et s. ; F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’homme, 6ème édition, Paris, P.U.F., 2003, p.234 et s. ; W. VAN GENUGTEN, « The Status of Transnational Corporations in International Public Law », in Human Right and the Oil Insustry, Antwerpren - Groningen – Oxford , Intersentia, 2002, p.78 et s.

[84] Voyer En europe : Cour. eur. d. h., Moreno Gomez v.. Espagne, 16 novembre 2004., Cour. eur. d. h., Lopez Ostra v. Espagne, 9 décembre 1994, Com. eur. d. h., Young, James and Webster v. Royaume Uni, 13 août 1981 ; Sur le continent américain :Cour. interaméricaine d. h. , Affaire de la Communauté Mayagna (Sumo) Awas Tingni v. Nicaragua, 31 août 2001 ; Com. interaméricain d. h., Affaire 4425 v. Guatemala, 25 juin 1981.

[85] voy. P.F. DOCQUIR, “L’entreprise, titulaire et garante des droits fondamentaux”, in L’entreprise et les droits de l’homme, à paraître.

[86] Convention sur la lutte contre la corruption des agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales de l’OCDE, entrée en vigueur le 15 février 1999, accessible sur le site www.ocde.org .

[87] Art. 2 de la convention sur la lutte contre la corruption des agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales

[88] Voy. également aux Etats-Unis le Foreign Corrupt Practices Act, adopté en 1977, qui criminalise les actes de corruption d’agents publics étrangers.

[89] Voy. les mesures prévues par la Convention sur le droit de la mer en matière de pollution (art. 139, 216 (1) et 217 (1) (b).

[90] Voy. le protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, 2000.

[91] Voy. par exemple Filartiga v. Pena-Irala case, 630 F. 2d (2d Cir. 1980). En l’espèce un ancien inspecteur de police paraguayens était poursuivi par un couple de compatriote qu’il tortura en raison des convictions politique du mari. Après que le juge ne se soit déclaré incompétent en première instance, la Cour d’appel reçu la demande et condamna le policier.

[92] En Février 2005 par exemple, Unocal, multinationale pétrolière transigea avec les plaignants dans une affaire qui visait à sa condamnation conformément à l’ACTA.

[93] SOSA v. ALVAREZ-MACHAIN 124 S. CT. 2739 (2004).

[94] N. CARPENTER, « SOSA v. ALVAREZ-MACHAIN 124 S. CT. 2739 (2004) », New York Internation Law Review, Été 2005, p.179 et s.

[95] C. ARB., arrêt n°68/2005 du 13 avril 2005 ; Cass, arrêt du 29 juin 2005.

[96] Cité par N. JAGERS, Corporate Human Riths Obligations : in Search of Accountability, Antwerpen – Oxford – New York, Intersentia, 2002, p.v.

[97] Voy : N. JAGERS, Corporate Human Riths Obligations : in Search of Accountability, Antwerpen – Oxford – New York, Intersentia, 2002, p. 19 et s.; W. VAN GENUGTEN, « The Status of Transnational Corporations in International Public Law », in Human Right and the Oil Insustry, Antwerpren - Groningen – Oxford , Intersentia, 2002, p.78 et s.; KINLEY D., TADAKI J., “From Talk to Walk: The Emergence of Human Rights Responsibilities for Corporations at International Law”, Virginia Journal of International Law, Summer 2004, p.931 et s.; I. BANTEKAS, “Corporate Social Responsibility in International Law”, Boston University International Law Journal, Automne 2004, p.309-347.

[98] T. BERNS, « Si les entreprises ont une âme », L’entreprise et les droits de l’homme, à paraître.

[99] Voy. le site internet du Global Compact : www.unglobalcompact.org .

[100] O.C.D.E., Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales, O.C.D.E., 1976 (Révision 2000). Disponible sur le site : www.ocde.org .

[101] O.I.T., Déclaration tripartite sur les entreprises multinationales, Genève, O.I.T., 1977 (révision 2000), disponible sur le site : www.oit.org .

[102] SOUS-COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME, Projet de normes sur la responsabilité des sociétés transnationales et autres entreprises en matière de droits de l’homme, E/CN.4/Sub.2/2003/12/Rev.2., disponible sur le site : http://www.ohchr.org .

[103] SOUS – COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME, Rapport sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises, E/CN.4 /2005, 15 février 2005.

[104] On pense à l’impact qu’a eu l’encyclique rerum novarum par exemple. Edictée par Léon XIII fin du XIXème siècle, elle invite à meilleur prise en compte de la situation des ouvriers.

[105] P.-F. SMETS, Ethique ou cosmétique ? Le retour des valeurs dans un monde paradoxal. Bruxelles, Bruylant, 2002, p.12.

[106] Voy. P.-F. SMETS, Ethique ou cosmétique ? Le retour des valeurs dans un monde paradoxal. Bruxelles, Bruylant, 2002.

[107] J. P. ROBÉ, L’entreprise oubliée par le droit, 2001, publié sur le site www.ecole.org .

[108] S. ROMANO, Ordinamento giuridico(1918). L’ordre Juridique, Paris, Dalloz, 1975, p.29.

[109] J. P. ROBÉ, L’entreprise et le droit, Paris, PUF, n° 3442, 1999...

[110] Disponible sur son site internet : www.halliburton.com .

[111] On peut lire ensuite : Persons subject to disciplinary measures shall include, in addition to the violator, others involved in the wrongdoing such as (i) persons who fail to use reasonable care to detect a violation, (ii)persons who if requested to divulge information withhold material information regarding a violation, and (iii)supervisors who approve or condone the violations or attempt to retaliate against employees or agents for reporting violations or violators.

[112] Voy. « Quand des entreprises poussent leurs salariés à se faire justiciers », Le Monde, 11 février 2005.

[113] S. ROMANO, p.146

[114] S. ROMANO, p.94.

[115] Voy. N. LUHMANN, Law as a Social System, Oxford, Oxford Socio-Legal Studies, 2004.

[116] OST F., VAN DE KERCHOVE M., De la pyramide au réseau ? Pour une dialectique du droit. Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002.

[117] X. DIEUX, « ‘Corporate Governance’. De la loi du 2 août 2002 au ‘Code Lippens’ », in J.T., 2005, p. 57

[118] M. FOUCAULT, Naissance de la biopolitique. Cours au collège de France (1978-1979), Paris, Gallimard/Seuil, coll. « Hautes Etudes »,2004, p.4.

[119] Voy. le site de la Chambre de Commerce internationale : www.iccwbo.org .

[120] On peut citer par exemple : Guiding Principles of Good Corporate Behaviour for Subsidiaries in Canada of Foreign Companies (1967), Guidelines for International Investment of the International Chamber of Commerce (1972)

[121] Ces principes furent d’ailleurs rendus contraignants par le Comprehensive Anti-Apartheid Act de 1986.

[122] Voy. par exemple le ICTFU’s Basic Code of Conduct covering Labour Practices

[123] Voy. Par exemple le code d’Amnesty Internationale : Code of Conduct for Business.

[124] S. WEBLEY, « The Nature and Value of Internal Code of Ethics », in M. ADDO (dir.) Human Rights Standards and the Responsibility of Transnational Corporations, London, Kluwer Law International, 1999, p.109.

[125] Pour une analyse détaillée des tendances principales en terme de contenu des codes de conduite, voy. : CARASCO E., JANG S., “The Content and Focus of the Codes of Ethics of the World’s Largest Transnational Corporations”, in Business and Society Review, Volume 108, Number 1, Spring 2003, p. 71-94.

 

[126] Nike fait par exemple appel au service de la firme d’audit Price Waterhouse Cooper pour vérifier son code de conduite.

[127] Cité dans ; CCBE, La responsabilité sociale des entreprises et le rôle de la profession d’avocat. Guide à l’attention des avocats européens consultants d’entreprise, Conseil des barreaux de l’Union européenne, septembre 2003.

[128] COMMISSION EUROPÉENNE, 2nd EU-US Symposium on Codes of Conduct and International Labour Standards, Bruxelles, 1999.

[129] IPSOS, Les Européens veulent des entreprises citoyennes, 1999, disponible sur le site : www.ipsos.fr .

[130] A. STURM, K. MULLER et M. PANAPANAAN, SA 8000 – Corporate Social Accountability Management. A Handbook on the Implementation of the New Standard on Corporate Social Accountability initiated by CEPAA, Ellipson, Basel, 1999. cité par SOBCZAK A., Réseaux de sociétés et codes de conduite. Un nouveau modèle de régulation des relations de travail pour les entreprises européennes, Paris, L.G.D.J., 2002, p.108.

 

[131] A. FLÜCKIGER, Régulation, dérégulation, autorégulation : l’émergence des actes étatiques non obligatoires, Socété suisse des juristes, Rapports et communications, 2004, §168.

[132] Voy. sur le site : www.bitc.org.uk/awards/index.html .

[133] Voy: SOBCZAK A., Réseaux de sociétés et codes de conduite. Un nouveau modèle de régulation des relations de travail pour les entreprises européennes, Paris, L.G.D.J., 2002, p.224 et s.

[134] Voy. CONFÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS NATIONALES DE TANNEURS ET MÉGISSIERS DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE et FÉDÉRATION SYNDICALE EUROPÉENNE DU TEXTILE DE L’HABILLEMENT ET DU CUIR, Code de conduite dans le secteur du textile et de la tannerie, Bruxelles, 2000 ; Voy. également le site internet du dialogue social européen : www.europa.eu.int/scadplus/leg/fr/s02307.htm

[135] G. TEUBNER, Law as an Autopoietic System, Oxford, Blackwell, 1993, p.65; contra: M. VAN HOECKE, Law as Communication, Oxford, Hart Publishing, 2002, p.37-56.

[136] Voy. : M.-L. IZORCHE, l’avènement de l’engagement unilatéral en droit privé contemporain, Aix en Provence, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 1995.

[137] Voy. par exemple aux Etats-Unis : Actually, the adoption of corporate codes can worsen a public company's legal posture. For example, a company that adopts a statement of policy, or an employee manual, is bound to comply with its own statement of procedures and policies. See Toussaint v. Blue Cross & Blue Shield of Michigan, 408 Mich. 579, 614-15, 292 N.W.2d 880, 892 (1980). Moreover, a company that adopts a policy statement but does not "properly" implement and enforce it, may expose itself to greater liability than it would have faced had it adopted no code at all. See Reese v. Seaboard Coastline R.R., 360 So.2d 27, 29 (Fla. Dist. Ct. App. 1978) : K. A. GROSFAUFMANIS et H. PITT, « Minimizing Corporate Civil and Criminal Liability : A Second Look at Corporate Codes of Conduct », Georgetown Law Journal, June, 1990, p.1560.

 

[138] La plupart des législations européennes permettent aux entreprises de prévoir pour ses employés un régime plus favorable que le régime légal. Ces dérogations avantageuses pourraient être inscrites dans un code de conduite. Voy. à ce sujet : SOBCZAK A., Réseaux de sociétés et codes de conduite. Un nouveau modèle de régulation des relations de travail pour les entreprises européennes, Paris, L.G.D.J., 2002, p.205 et s.

[139] Voy. la section : l’entreprise, ordre juridique.

[140] Cité par : SOBCZAK A., Réseaux de sociétés et codes de conduite. Un nouveau modèle de régulation des relations de travail pour les entreprises européennes, Paris, L.G.D.J., 2002, p.302.

[141] OCDE, Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, 27 juin 2000.

[142] O.C.D.E., Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales, O.C.D.E., 1976 (Révision 2000), disponible sur le site : www.ocde.org .

[143] O.I.T., Déclaration tripartite sur les entreprises multinationales, Genève, O.I.T., 1977 (révision 2000), disponible sur le site : www.oit.org .

[144] Cour d’Appel d’Amsterdam, 21 juin 1979, NJ 1980, 71, Batco.

[145] Voy. VAN GENUGTEN W., « The Status of Transnational Corporations in International Public Law », in Human Right and the Oil Insustry, Antwerpren - Groningen – Oxford , Intersentia, 2002, p.72.

[146] Voy. sur cette question : H. BAADE, « The legal Effects of Codes of Conduct for Multinational Enterprises », in N. HORN (dir.), Legal Problems of Codes of Conduct for Multinational Enterprises, Londres, Kluwer, 1980, p.32-37.

[147] Loi Sarbanes-Oxley, Pub. L. No. 107-204, 2002, section 408.

[148] Pour une analyse de la portée de cette loi en matière de codes de conduite, voy. « The Good, the Bad, and their Corporate Codes of Ethics: Enron, Sarbanes-Oxley, and the Problems with Legislating Good Behaviour », Harvard Law Review, mai 2003, p.2123 et s.

[149] Voy. en Belgique la loi belge sur gouvernance d’entreprise (code Lippens) qui établit le même type de procédure.

[150] UNION EUROPÉENNE, Directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur.

[151] Art. 10.

[152] Kasky v. Nike, Inc., 45 P.3d 243, 248 (Cal.2003), Cert. Granted, 537 U.S. 1099 (2003), and cert. dismissed, 123 S. Ct. 2554 (2003).

[153] Selon la législation californienne en vigeur : individual activist or organization can assume the mantle of a « private attorney general » to sue to stop any person or company from communicating, directly, including by way of the Internet, or indirectly, through reporters or reviewers, in a manner that might have a « tendency to confuse » a California consumer, even if the statement are true. Voy. À ce sujet: T. CLARKE, P. CLARKE, “Will Nike v. Kasky Ignite Corporate Social Responsibility Trade Wars Between the U.S. and European Union ?, Mars 2003, disponible sur le site: www.srimedia.com/artman/publish/article_419.shtml .

[154] K. H. CRIPPS, “When it Comes to Letting Companies Speak, Court Should “Just Do It””, Augusta Chronicle, A5, May 5, 2003.

[155] T. CLARKE, P. CLARKE, “Will Nike v. Kasky Ignite Corporate Social Responsibility Trade Wars Between the U.S. and European Union ?, Mars 2003, disponible sur le site: www.srimedia.com/artman/publish/article_419.shtml

[156] Voir infra dans le chapitre sur la labellisation sociale.

[157] SOUS – COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME, Rapport sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises, E/CN.4 /2005, 15 février 2005.

 

[158] Voy. informations disponibles sur leur site : http://www.cepaa.org

[159] Voy. informations disponibles sur le site: www.sustainability-indexes.com .

[160] Voy. informations disponibles sur le site : www.londonstockexchange.com .

[161] Cité par R. SHAMIR, “Between Self-Regulation And the Alien Tort Claims Act: On the Contested Concept of Corporate Social Responsibility”, Law and Society Review, 38, December 2004 p.651.

[162] Voy. www.usaengage.org .

[163] Voy. R. SHAMIR, “Between Self-Regulation And the Alien Tort Claims Act: On the Contested Concept of Corporate Social Responsibility”, Law and Society Review, 38, December 2004 p.652 et s.

[164] Voy. Sinaltrainal, et al. v. Coca-Cola Co., 256F. Supp. 2d 1435, S.D. Fla. (2003); Aguinda v. Texaco, Inc., 142F. Supp. 2d534 (S.D.N.Y.2001).

[165] SOSA v. ALVAREZ-MACHAIN 124 S. CT. 2739 (2004),

[166] MICHELE SUTTON, “Between A Rock And A Judicial Hard Place: Corporate Social Responsibility Reporting and Potential Legal Liability Under Kasky V. Nike” Univeristy of Missouri Law Review, Summer 2004, p.1179.

 

[167] Rapport « 21st Century NGO, in the Market for Change”, disponible sur le site: www.sustainability.org .

[168] Rapport « 21st Century NGO, in the Market for Change”, op. cit. p. 16.

[169] Voy. S. MCALLISTER, « Après le bio et l’équitable, voici le café durable », Courrier International, 16-24 décembre 2004.

[170] Voy. H. KELSEN (trad. C. EISENMANN), Théorie pure du droit, Paris et Bruxelles, L.G.D.J., Bruylant, 1999.

[171] SOBCZAK A., Réseaux de sociétés et codes de conduite. Un nouveau modèle de régulation des relations de travail pour les entreprises européennes, Paris, L.G.D.J., 2002, p.211.

[172] C-A. MORAND, Le droit néo-moderne des politiques publiques, Paris, LGDJ, 1999, p. 17.

[173] F. OST, M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une dialectique du droit. Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002, p.144.

[174] J. HABERMAS, Droit et démocratie : entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997, p.138, cité par FRYDMAN B., « Habermas et la société civile contemporaine », in La société civile et ses droits, Bruxelles, Bruylant, coll. Penser le droit, p.139.

[175] Voy. J. HABERMAS, De l’éthique de la discussion », Paris, Flammarion, 1999.

[176] F. HAYEK, Droit, législation et liberté, Paris, P.U.F., 1980, p.65.

[177] F. HAYEK, Droit législation et liberté, Paris, P.U.F., 1980, p.48.

[178] F. HAYEK, idem, p. 48.

[179] F. HAYEK, idem, p.60.

[180] Voy. l’ouvrage: P. GÉRAD, F. OST, M. VAN DE KERCHOVE (dir.), L’accélération du temps juridique, Bruxelles, Pub. des Facultés universitaires Saint-Louis, 2000.

[181] F. OST, M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau? Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Pub. des Facultés universitaires Saint-Louis, 2002, p.111.

[182] Voy. l’étude de l’O.I.T., Governing body, 273rd Session, Genève, Novembre 1998, (GB.273/WP/SDL/1)

[183] J. LOCKE, Essai sur l’entendement humain, Livre II, Paris, Vrin, 2001, p.548.

[184] J. LOCKE, Essai sur l’entendement humain, Livre II, Paris, Vrin, 2001, p.555-556.

[185] T. BERNS, « Si les entreprises ont une âme », in L’entreprise et les droits de l’homme, à paraître.

[186] Voy. J. RAZ, Practical Reason and Norms, Princeton, Princeton University Press, 1990.

[187] Voy. E. POSNER, Law and Social Norms, Harvard, 2000.