Le Partenariat pour les forts du Bassin du Congo entre non-droit et droit. Contribution ˆ lՎtude de la responsabilitŽ des acteurs,

 

Thse pour le Doctorat en droit, FacultŽ de Droit, UniversitŽ de Gand (Belgique), 2009, 467 p, dŽfendue le 18 mars 2009 par

 

Jean-Paul SEGIHOBE BIGIRA

Jury

PrŽsident : M. Piet TAELMAN, Professeur ˆ lÕUniversitŽ de Gand, Doyen de la FacultŽ de Droit.

Promoteur : M. Eduard SOMERS, Professeur ˆ lÕUniversitŽ de Gand, FacultŽ de Droit, Chef de DŽpartement de Droit international public.

Membres :

M. Frank MAES, Professeur ˆ lÕUniversitŽ de Gand, FacultŽ de Droit

M. Mark Van HOECKE, Professeur ˆ lÕUniversitŽ de Gand, FacultŽ de Droit, Directeur de lÕAcadŽmie EuropŽenne de ThŽorie du Droit (Bruxelles)

M. Gervais NTIRUMENYERWA M. KIMONYO, Professeur ˆ lÕUniversitŽ de Kinshasa, FacultŽ de Droit

M. Rudy DOOM, Professeur ˆ lÕUniversitŽ de Gand, FacultŽ des Sciences Politiques et Sociales.

RŽsumŽ de la thse

 

Cette thse traite du Partenariat signŽ en marge du Sommet Mondial pour le DŽveloppement Durable (Johannesburg 2002) entre les Etats dÕAfrique Centrale et dÕautres Etats du monde, des institutions internationales ainsi que des acteurs privŽs pour la gestion et la sauvegarde durable des forts du Bassin du Congo. LÕauteur analyse les problmes de droit que pose ce type de dÕassociation qui regroupe aussi bien les acteurs publics que privŽs aux statuts juridiques diffŽrents.

DÕentrŽe de jeu, lՎtude rappelle que lÕintŽrt pour le Bassin du Congo ne date pas dÕaujourdÕhui. En effet, depuis la ConfŽrence gŽographique de Bruxelles de 1876 jusquՈ celle de Berlin de 1885, cette partie dÕAfrique Centrale a ŽtŽ au centre de nombreux enjeux gŽostratŽgiques caractŽrisŽs notamment par diverses campagnes dÕexploration, de dŽcouvertes et donnant parfois lieu ˆ de grandes rivalitŽs entre diffŽrentes puissances. CÕest dans ce contexte que lÕActe issu de la ConfŽrence de Berlin consacrera lÕinternationalisation de ce bassin. Cependant, lՎvolution des relations internationales et les changements des rapports de force entre puissances concernŽes ont amenŽ ˆ rŽviser cet Acte, dÕabord par la DŽclaration et lÕActe de Bruxelles, issus de la ConfŽrence de Bruxelles de 1890, ensuite, par la Convention de Saint-Germain-en-Laye de 1919. La signature dÕun traitŽ ˆ cet Žgard, nÕa pas empchŽ que des Etats parties sÕopposent cette fois sur lÕinterprŽtation et lÕapplication de certaines dispositions, tant les intŽrts poursuivis Žtaient plus remarquables dans leur divergence que dans la cohŽsion des objectifs assignŽs, ˆ savoir la libertŽ du commerce et de la navigation sur le fleuve Congo. LÕaffaire Oscar Chinn qui a opposŽ le Royaume-Uni ˆ la Belgique devant la Cour Permanente de Justice Internationale en 1934, illustre parfaitement ce qui prŽcde. Il nÕen demeure pas moins que le statut internationalisŽ du bassin conventionnel cessa de manire dŽfinitive avec lÕaccession ˆ la souverainetŽ internationale des Etats qui sÕy trouvent.

A la suite de la crise Žcologique qui se trouve dŽsormais au centre des prŽoccupations de la communautŽ internationale par le biais des questions relatives ˆ la protection de lÕenvironnement et au dŽveloppement durable, le Bassin du Congo a, une fois de plus, retenu lÕattention des Etats, des Institutions internationales, des Organisations non gouvernementales et autres groupes privŽs, particulirement pour ses ressources forestires. En effet, lÕAfrique Centrale abrite le deuxime massif forestier au monde, aprs celui de lÕAmazonie. LՎtude relve que sa biodiversitŽ est dÕimportance considŽrable ˆ la fois par le nombre dÕespces florales et fauniques qui nÕexistent nulle part ailleurs sur la plante. Plus prŽcisŽment, les forts du Bassin du Congo sont habitŽes par lÕassemblage le plus diversifiŽ de plantes et dÕanimaux. Ce nÕest que sur ces vastes Žtendues dÕAfrique Centrale quÕon trouve des ŽlŽphants de fort, de gorilles, de buffles de fort, des bongos et des okapis en grand nombre. Certains chercheurs conjecturent mme que les lointains anctres de lÕhomme sont peut-tre originaires de cette rŽgion qui abrite encore nos trois plus proches parents, ˆ savoir, le gorille, le chimpanzŽ et le bonobo. De plus, rien que par leur taille, ces massifs forestiers constituent une rŽserve de carbone dÕimportance mondiale pour la rŽgulation du gaz ˆ effet de serre. Ils ont aussi un r™le rŽgulateur sur le climat rŽgional et local ; assurent le recyclage de lÕeau, denrŽe rare pour de nombreux pays et vŽritable problme pour une grande partie de lÕAfrique. Il est par ailleurs fait remarquer que la richesse de la diversitŽ de ces forts constitue une ressource incommensurable pour des dizaines de millions dՐtres humains en Afrique Centrale.

Aprs avoir prŽsentŽ lÕimmense potentiel dont dispose les forts du Bassin du Congo, lÕauteur souligne que leur exploitation est au cĻur de plusieurs enjeux :

           Sur le plan Žconomique, le commerce des bois, leur certification, lÕindustrialisation de la filire et lÕexpansion du marchŽ des bois tropicaux justifient lÕarrivŽe massive de nouveaux acteurs dans la rŽgion ˆ la recherche de concessions forestires ˆ exploiter.

                       Au niveau social et culturel,  les forts du Bassin du Congo sont au centre du mouvement de dŽvolution de la gestion des ressources forestires aux populations locales. Environ 65 millions de personnes dŽpendent encore trs largement des ressources spontanŽes de la fort pour complŽter leur agriculture, pour des soins de mŽdecine traditionnelle en lÕabsence dÕaccs aux soins de santŽs modernes. Dans certaines rŽgions de la RDC, du Cameroun et du Gabon, cette tendance sÕest rŽcemment accentuŽe ˆ cause de la situation Žconomique quÕengendre le retour de populations urbaines sans emploi ˆ la chasse en fort afin de subvenir ˆ leurs besoins fondamentaux ainsi quՈ ceux de leurs familles. Aussi, les forts contribuent-elles ˆ lÕidentitŽ culturelle de nombreuses communautŽs autochtones et jouent-elles un r™le esthŽtique et spirituel significatif.

                       Sur le plan scientifique, il existe de nombreux dŽfis ˆ relever pour tendre vers lÕamŽnagement durable de ces forts, parmi lesquels une bonne prŽdiction de lՎvolution des Žcosystmes forestiers, une gestion durable des populations animales.

                      Au niveau politique, chaque Etat, considŽrant que les forts implantŽes sur son territoire constituent une richesse nationale sur laquelle chacun exerce sa souverainetŽ permanente, adopte des mesures Ē nationalistes Č privilŽgiant avant tout ses intŽrts.

                       Sur le plan environnemental, la dŽgradation des ressources forestires produit des effets nŽgatifs pouvant influencer des phŽnomnes globaux tels que les changements climatiques, la dŽsertification, lÕhabitat des populations forestires elles-mmes.

Bien quÕune grande partie de leur superficie soit encore prŽservŽe, lՎtude mentionne que ces Žcosystmes forestiers dÕAfrique Centrale restent confrontŽs ˆ plusieurs menaces directes et indirectes constituant des risques ŽlevŽs qui nŽcessitent une action globale concertŽe pour les empcher dÕadvenir.

           Pour les menaces directes : le braconnage et le commerce de viande de brousse, lÕagriculture, lÕexploitation du bois, lÕexploitation minire, lÕexploitation du pŽtrole et du gaz, la pche, les maladies, les conflits armŽs et la pollution.

                       SÕagissant de menaces indirectes, il y a les changements climatiques, lÕurbanisation, les conflits armŽs et  dŽplacements des populations, la croissance dŽmographique, le dŽfaut de bonne gouvernance, lÕabsence de capacitŽ institutionnelle, lÕinsuffisance des financements ˆ long terme, le manque de comprŽhension des problmes dՎchelle, le manque de capacitŽ des ONG et organisations communautaires locales de suivi et dՎvaluation des activitŽs entreprises sur les forts.

Face ˆ cette situation, le cadre juridique international relatif aux forts est loin de donner des signaux de convergence, dans la mesure o il ressemble encore ˆ Ē une terre de contrastes Č.

Primo, ˆ lՎtat mondial des forts plut™t prŽoccupant, le rŽgime international ne renvoie quÕun Ē Žcho assourdi Č de cette situation. Contrairement aux questions relatives ˆ la diversitŽ biologique et au changement climatique, ayant donnŽ lieu ˆ la signature des conventions internationales en 1992, les forts nÕont gure fait lÕobjet dÕun tel instrument juridique dans le cadre de la ConfŽrence des Nations Unies pour lÕEnvironnement et le DŽveloppement (CNUED). Des tentatives ont pourtant ŽtŽ faites dans ce sens, mais lÕidŽe dÕune convention forestire, souhaitŽe par certains (les Etats du Nord, les Etats-Unis et la Grande- Bretagne, en lÕoccurrence) et combattue par dÕautres (les pays du Sud, en majoritŽ), a ŽtŽ rondement ŽtouffŽe dans lÕĻuf. Les vellŽitŽs pro-conventionnelles se sont estompŽes. Et faute dÕun traitŽ, les Etats se sont tout de mme accordŽs sur un texte de nature rŽsolutoire. CÕest la DŽclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autoritŽ, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et lÕexploitation Žcologiquement viable de tous les types de fort qui appara”t ainsi comme un palliatif ˆ lÕabsence dÕun instrument conventionnel, alors que de par sa nature, cet instrument relve de la soft law, cÕest-ˆ-dire du Ē droit vert Č. De lÕimpasse conventionnelle, on sÕest contentŽ dÕun simple compromis dŽclaratoire.

Secundo, lՎtude relve Žgalement un contraste entre les enjeux internationaux que reprŽsente la gestion commune de lՎcosystme forestier et les politiques forestires des Etats. Estimant que les menaces qui psent sur lՎquilibre climatique remettent en cause Ē les conditions mme de la vie sur la plante Č et sont susceptibles de porter atteinte Ē aux intŽrts les plus vitaux de ŌlÕhumanitŽ toute entireÕ, le monde industrialisŽ a arrtŽ une stratŽgie visant ˆ obtenir la prŽservation de ces forts. Pour cela, le principe de libre disposition des ressources naturelles devrait tre adaptŽ aux besoins des gŽnŽrations futures par des nouveaux moyens de coopŽration, mais Žgalement par des mesures dÕingŽrence, lŽgitimŽes par les impŽratifs de la sŽcuritŽ Žcologique internationale. De son c™tŽ, arguant que la destruction des forts tropicales sÕeffectue pour une part dŽterminante afin de rŽpondre aux besoins Žconomiques et aux exigences financires du monde industrialisŽ, le Tiers-Monde met en avant la responsabilitŽ particulire des pays riches dans lÕapparition et la propagation de ce flŽau. Aussi, les Etats en dŽveloppement estiment-ils que les forts constituent une richesse nationale sur laquelle chacun exerce sa souverainetŽ permanente, en vertu de la rŽsolution 1803 (XVII) adoptŽe par lÕAG de lÕONU. Cette rŽsolution fait dŽsormais partie intŽgrante du droit international positif au mme titre que le droit des peuples ˆ disposer dÕeux-mmes dont il constitue dÕailleurs un Ē ŽlŽment fondamental Č. Le principe de souverainetŽ permanente indique, en effet, que toute mesure prise aux fins de la rŽsolution 1515 (XV) Ē doit se fonder sur la reconnaissance du droit inaliŽnable quÕa tout Etat de disposer librement de ses richesses et de ses ressources naturelles, conformŽment ˆ ses intŽrts nationaux et dans le respect de lÕindŽpendance Žconomique des Etats Č. LÕAssemblŽe gŽnŽrale des Nations Unies ajoute dans cette perspective que Ē la violation des droits souverains des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles va ˆ lÕencontre de lÕesprit et des principes de la Charte des Nations Unies et gne le dŽveloppement de la coopŽration internationale et le maintien de la paix Č. Ainsi, se fondant sur ces diffŽrentes rŽsolutions, des Etats du Sud adoptent des politiques forestires nationales visant ˆ se protŽger des influences extŽrieures aux tendances internationalisantes des massifs forestiers.

Tertio, il existe aussi une disproportion entre les multiples drames et les moyens mobilisŽs pour y faire face. LÕune des catastrophes les plus terribles de notre histoire est la tragŽdie humaine exprimŽe par lÕextrme pauvretŽ qui expose des millions des  populations, en particulier les communautŽs riveraines des forts du Bassin du Congo, exacerbant ainsi des conflits qui mettent en danger, par voie de consŽquence, la paix et la sŽcuritŽ dans les rŽgions touchŽes. Les drames biologique et climatique restent dÕactualitŽ. Cependant, les mŽcanismes juridique, institutionnels et financiers mis en place restent loin de rŽpondre aux attentes suscitŽes par les prŽoccupations ci-dessus esquissŽes.

CÕest dans ce contexte que fut signŽ le Partenariat pour les forts du Bassin (PFBC). Celui-ci est simplement dŽfini comme Žtant une association conclue ˆ lÕamiable et non juridiquement contraignante de gouvernements, dÕentreprises privŽes et de la sociŽtŽ civile constituŽe pour mettre en exŽcution le calendrier convenu au SMDD.  Ses objectifs sont essentiellement la protection des massifs forestiers dÕAfrique Centrale et la lutte contre la pauvretŽ, ˆ travers lÕamŽlioration du niveau de vie des populations riveraines desdites forts, le tout dans une perspective du dŽveloppement durable.

Contrairement aux partenariats classiques des bailleurs des fonds avec des institutions nationales ou rŽgionales que lÕon peut qualifier de Type I, celui qui a fait lÕobjet de la thse est de Type II. Il se caractŽrise par une logique multiacteurs (bailleurs des fonds, Etats, Administrations, Institutions interŽtatiques, ONG, secteur privŽ, sociŽtŽ civile, etc.) sur des thŽmatiques transversales ( protection de lÕenvironnement par lÕamŽnagement durable des forts, lutte contre la pauvretŽ). Ainsi, se trouvent rŽunis en son sein des acteurs aussi bien publics que privŽs.

Le PFBC compte ˆ ce jour 45 partenaires (acteurs) engagŽs. Des acteurs publics, sujets de droit international, et privŽs, non sujet de droit international. Pour les acteurs publics, il y a les Etats (Afrique du Sud, Allemagne, Belgique, Burundi, Cameroun, Canada, Commission europŽenne, Congo, Espagne, Etats-Unis, France, Gabon, Grande-Bretagne, GuinŽe Equatoriale, Japon, Pays-Bas, RŽpublique Centrafricaine, RDC, Rwanda, Sao TomŽ et Principe, Tchad) et les Organisations intergouvernementales ou Institutions internationales (BAD, BM, COMIFAC, FAO, OIBT, PNUD, PNUE, UNESCO) ; alors que pour les acteurs privŽs, nous avons des ONG  et instituts de recherche (African Wildlife Fundation (AWF), Conservation International, Forest Trends, Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), Wildlife Conservation Society (WCS), Center for International Forestry Research (CIFOR), Jane Goodall Institute, World Resources Institute (WRI), Conservation International (CI), Fond mondial pour la nature (WWF), Forest Trends, Centre de coopŽration internationale en recherche agronomique pour le dŽveloppement (CIRAD), Dutch Development Organisation (SNV), TRAFFIC, rŽseau pour le suivi du commerce en faune sauvage) et des Entreprises multinationales ou structures relevant du secteur privŽ  (Association technique internationale des bois tropicaux (AITBT), International American Forest and Paper Organization, Interafrican Association of Forest Industries (IFIA), Society of American Foresters, Precious Woods Holding).

Au-delˆ de sa nature, le Partenariat ainsi prŽsentŽ suscite Žgalement de nombreux problmes juridiques. En effet, comment comprendre quÕune association dÕEtats, dÕorganisations internationales, dÕentreprises privŽes et de la sociŽtŽ civile existe sur base dÕaucun instrument juridique. Quelles sont les rgles de son fonctionnement ? Pourrait-elle atteindre efficacement ses objectifs sans outils juridiques rŽgulant ses activitŽs et sur base desquels certains conflits Žventuels seraient rŽglŽs ? En vertu de quelle rgle certains partenaires librent-ils des contributions financires? (SÕagissant des contributions financires, et ce, ˆ titre indicatif, lՎtude fait constater que dŽjˆ en janvier 2003, Ē The United States pledged up to $53 million through 2005 via USAID's Central Africa Regional Program for the Environment CARPE). EU countries have begun or finished projects amounting to 151.9 million Euros ($177,511,335.25). Broken down, this funding includes (some pledges/figures are only estimates or indicative):
ECOFAC is investing 65 million Euros in biodiversity in the Congo Basin ($75,959,425.88). France noted contributions of 15 million Euros ($17,529,098.28) over 3 years; and French Development Agency could increase loan-based financing for forest concession management plans to 30 million Euros ($35,058,196.56) over three year period. French GEF will earmark 5 million Euros ($5,843,032.76) for biodiversity in the Congo Basin. Germany ongoing cooperation projects of 20 million Euros and pledges 5 million Euros for FY 03-07 ($29,215,163.80). Belgium 4 million Euros over three years. ($4,674,426.21). Japan supports CBFP through ITTO contributions $152,000 for SFM; $25,000 for Forest Law Enforcement in Africa; $200,000 for Remote Sensing Technology use in Republic of Congo total $377,000 pledged in 2002 for Congo Basin activities plus Official Development Assistance (Bilateral aid) of 1.3 billion dollars to the 6 Congo Basin countries in FY01 (includes all assistance for econ development, poverty alleviation and governance, not forest specific)Č). En cas de non respect ou de violation des engagements pris par un ou plusieurs partenaires, quel droit invocable pour lՎtablissement de leur responsabilitŽ ?

Dans son effort de comprŽhension des problmes ci-haut relevŽs, lՎtude part de lÕhypothse selon laquelle le PFBC fonctionne principalement dans un cadre non juridiquement dŽfini en mme temps que son exŽcution gŽnre progressivement un ordre juridique qui contribue partiellement ˆ sa propre rŽgulation. Subsidiairement, il est probable que lÕinexistence dÕun ordre juridique spŽcifique ˆ cette association de multiples acteurs aux statuts juridiques diffŽrents soulve des difficultŽs du point de vue du droit international, mais nÕexclut pas lÕinvocation de la thŽorie gŽnŽrale du droit en vue de lՎtablissement de la responsabilitŽ des diffŽrents partenaires pour non respect des engagements souscrits.

La mŽthode utilisŽe pour vŽrifier cette hypothse relve dÕune approche interdisciplinaire qui a permis ˆ lÕauteur dÕintŽgrer lÕutilisation de plusieurs disciplines dans une perspective unique et cohŽrente. Ainsi, lՎtude fait interagir la mŽthode du positivisme juridique, les approches historique et sociologique du droit. LÕinterdisciplinaritŽ supposant, par dŽfinition, le choix dÕune Ē discipline ma”tresse Č qui encadre lÕensemble du raisonnement scientifique, cÕest lÕapproche positiviste qui a servi de cadre principal de rŽfŽrence.

Le travail est structurŽ en trois parties. La premire sÕoccupe ˆ identifier le droit applicable au Bassin du Congo et ˆ la question du dŽveloppement durable. La deuxime analyse ensuite le PFBC et les moyens juridiques mis en place pour sa rŽalisation. Enfin, la troisime partie porte sur le droit de la responsabilitŽ des diffŽrents partenaires engagŽs en cas de non respect des engagements souscrits.

LՎtude aboutit aux rŽsultats suivants :

           SÕagissant du rŽgime juridique applicable au Bassin du Congo, lÕauteur fait constater quÕil a variŽ en fonction de lՎvolution des relations internationales et des problmes qui se posaient. Ainsi, il est passŽ dÕun statut international (1885) ˆ un autre (2005), mais avec des diffŽrences spŽcifiques. Alors quÕil Žtait un bassin conventionnel consacrŽ par lÕActe de Berlin qui y avait dŽcrŽtŽ la libertŽ de commerce et de navigation pour les puissances berlinoises, il est aujourdÕhui aux soumis aux rgles de la Commission des forts dÕAfrique Centrale (COMIFAC), crŽŽe par le TraitŽ de Brazzaville du 5 fŽvrier 2005.

                       LÕinexistence dÕun droit partenarial pouvant accompagner les activitŽs dans le Bassin du Congo.

                       LÕabsence dÕune dŽfinition claire du partenariat lui-mme constitue une aporie. Cette lacune a pour consŽquence le morcellement des centres de dŽcision et dÕaction, nŽe dÕune pluralitŽ de structures institutionnelles formelles ou informelles (la ConfŽrence des Chefs dÕEtats dÕAfrique Centrale, le SecrŽtariat exŽcutif de la COMIFAC, la Facilitation, etc.).

                       Le dŽveloppement durable qui constitue la raison dՐtre du partenariat oscille entre du non-droit et du droit. Non-droit dans la mesure o cÕest plus des textes de compromis politiques qui dŽterminent les modalitŽs de sa mise en Ļuvre. Quand bien mme il y aurait des textes juridiques, ces derniers, au regard de la faiblesse de leur normativitŽ, sont considŽrŽs par le positivisme juridique comme du non-droit ou ˆ la rigueur de la soft law sans mesures contraignantes devant accompagner le dŽveloppement.

                       Le droit a pris une forme conventionnelle, particulirement pour les Etats dÕAfrique Centrale avec le TraitŽ de Brazzaville ˆ la suite du Processus de YaoundŽ, mais cela nÕest pas suffisant car tous les partenaires impliquŽs ne sont pas concernŽs par lÕordre juridique du 5 fŽvrier 2005. Il y a une asymŽtrie qui nŽcessite lÕintervention du droit, car il reste peu comprŽhensible que la Ē Facilitation Č (exercŽe depuis 2002 par les USA, France et Allemagne) assume une aussi importante mission sans rgles juridiques auxquelles elle serait soumise et en vertu desquelles elle rendrait compte ou serait ŽvaluŽe.

                       La responsabilitŽ des Etats reste encore difficile ˆ envisager dans le cadre strict du PFBC. CÕest seulement sur base des dispositions du droit international gŽnŽral et du droit de lÕenvironnement que certaines possibilitŽs peuvent tre trouvŽes. Le problme ne se poserait pas pour les Etats membres de la COMIFAC. Or, la COMIFAC nÕest pas le PFBC.

                       Le droit de la responsabilitŽ des Organisations intergouvernementales (OIG) partenaires dans le Bassin du Congo nÕexiste pas. Si ces OIG peuvent engager leur responsabilitŽ, notamment pour violation des droits fondamentaux des populations autochtones, ou pour violation de rgles de protection de lÕenvironnement lors de leurs activitŽs, ce nÕest pas sur base dÕun ordre juridique rŽgissant la partenariat, mais, au contraire, en vertu du droit international gŽnŽral. Aussi, sÕil sÕest avŽrŽ que la COMIFAC peut voir sa responsabilitŽ engagŽe, cÕest non en fonction dÕun systme juridique Žtabli par le PFBC mais sur base de son ordre juridique propre et de lÕordre juridique international rŽgissant les organisations internationales.

                       En examinant la possibilitŽ de mettre en jeu la responsabilitŽ de partenaires privŽs dans le Bassin du Congo, lՎtude montre que la nature du partenariat auquel ils participent Žtait lÕobstacle majeur. Pour lÕauteur, il para”t hasardeux, en lՎtat actuel du partenariat, dÕinvoquer un quelconque rŽgime juridique sur base duquel la responsabilitŽ des acteurs privŽs serait engagŽe.

                       La possibilitŽ dÕappliquer le droit international gŽnŽral ne couvre pas lÕensemble des problmes posŽs par le partenariat. Les considŽrations faites sur les objectifs et le fonctionnement du PFBC ont montrŽ la possibilitŽ, dans certains cas, de recourir aux dispositions du droit international, notamment dans les domaines de lÕenvironnement et des droits de lÕhomme qui sont concernŽs en lÕespce. Le recours ˆ ces dispositions se justifierait, en lÕoccurrence, dans une situation de violation flagrante des droits consacrŽs par diffŽrents instruments internationaux relatifs aux droits de lÕhomme, particulirement les droits Žconomiques, sociaux et culturels, et de non respect des rgles relatives ˆ la protection de lÕenvironnement par les partenaires. Cette possibilitŽ, bien quÕenvisageable, trouverait des obstacles rŽsultant non seulement du fait que, par exemple, certains partenaires ne seraient pas parties ˆ ces instruments, et surtout quÕen pratique, ce mŽcanisme serait lourd ˆ appliquer ˆ tous les partenaires. Somme toute, lÕexistence du droit international gŽnŽral ne remplace pas la nŽcessitŽ de doter le PFBC dÕun ordre juridique spŽcifique censŽ mieux rencontrer les prŽoccupations des acteurs qui ont acceptŽ de sÕassocier pour des objectifs dŽfinis.

Au final, restant essentiellement sur des considŽrations juridiques et compte tenu des lacunes relevŽes, tant sur le plan du fondement quÕau niveau du fonctionnement, lÕauteur estime appropriŽ, ˆ titre de lege ferenda, de proposer la dotation du partenariat des instruments juridiques nŽcessaires ˆ sa rŽgulation. La pluralitŽ dÕinstruments quÕil propose est dictŽe par la classification que fait le droit international sur ses sujets et les personnes privŽes. A titre suggestif, il y a lieu, dÕune part, dÕenvisager la conclusion dÕun traitŽ entre diffŽrents partenaires (riverains et non riverains du Bassin du Congo), sujets de droit international, pour combler les insuffisances juridiques relevŽes. Ce instrument ainsi conclu dŽterminerait les droits et obligations de chaque partenaire et son existence serait un atout majeur dans lՎtablissement de la responsabilitŽ des partenaires en cas de violation des obligations souscrites dans le cadre du partenariat. DÕautre part, lÕidŽe dÕun contrat dÕEtat conclu, dans le cadre du partenariat, entre les Etats riverains du Bassin du Congo avec les acteurs privŽs menant des activitŽs sur leurs territoires respectifs, contribuerait ˆ rŽsoudre les problmes consŽcutifs au dŽficit normatif ci-haut stigmatisŽ. Ainsi, chaque partenaire partie ˆ ce contrat conna”trait ses droits et devoirs, de sorte que lorsquÕil nÕy a pas respect des engagements souscrits, la responsabilitŽ soit dŽterminŽe sur base du droit prŽvu par ledit contrat.

Jean-Paul SEGIHOBE BIGIRA