UNIVERSITE RENE DESCARTES - PARIS V

Observatoire des Relations Internationales, du

Développement et de la Francophonie

(ORIDEF)



FRANCOPHONIE EN HAITI :

ETAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES








Mémoire de DEA de Droit de

l'Economie Internationale et du Développement

présenté par

Jean Rosier DESCARDES

sous la direction du

Professeur Edmond JOUVE

Année Universitaire :

1998-1999




DEDICACE



A la mémoire de ma mère, Rachelle DESCARDES pour que, par delà la tombe, elle sache que j'ai gardé une fidélité exemplaire à son enseignement et que le rêve n'est pas brisé …

A mes enfants Joëlle, Grégory et Fafart pour qu'ils gardent espoir dans l'avenir de leur pays …

A mes filleuls Donald Mackney, Dimitri Arn-Ly et Sherley

A mon jeune frère Arnoux et mes sœurs Marie-Rose, Névita et Nativita en témoignage de ma plus profonde gratitude.








REMERCIEMENTS



Ce travail n'aurait pas pu voir le jour sans l'aide désintéressée de nombreuses personnes. Qu'on nous permette de dire publiquement notre gratitude envers :

Le Professeur Edmond JOUVE, notre directeur de recherche.

Tous les professeurs de l'Université René Descartes Paris V, en particulier Monsieur le Professeur CASSAN qui nous a encouragé à réaliser cette recherche.

Nos camarades de promotion : L. BENAHI et Jean-Robert CONSTANT pour leur appui moral.

Nos camarades de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne).

Mes frères Alphonse CHARLEMAGNE et Jordany ATHIS.



LISTE DES ABREVIATIONS

ACCT Agence de Coopération Culturelle et Technique

ADELF Association des Ecrivains de langue française

ADIFLOR Association pour la diffusion internationale francophone des livres, ouvrages et revues

AF Agence de la Francophonie

AFAL Association Francophone d'amitié et de liaison

AFI Année Francophone Internationale

AIMF Association Internationale des Maires et Responsables des capitales et métropoles partiellement ou entièrement Francophones

ALF Avenir de la langue française

ASPELF Association française de solidarité avec les peuples de la langue française

AUPELF Association des universités partiellement ou entièrement de langue française

AUPELF-UREF Agence francophone pour l'enseignement supérieur et la recherche

CERES Centre d'étude et de recherche en socialisme

CIEF Centre international d'études francophones de la Sorbonne

CILF Conseil international de la langue française

CONFEJES Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports des pays d'expression française

CONFEMEN Conférence des Ministres de l'Education des pays ayant le français en partage

CPF Conseil permanent de la Francophonie

CPLF Conférence des peuples de langue française

CSA Conseil supérieur de l'audiovisuel

CSLF Conseil supérieur de la langue française

DLF Défense de la langue française

DGLF Délégation générale à la langue française

DGRCST Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques

FIPF Fédération internationale des professeurs de français

FMI Fond monétaire international

GATT Accord général sur les tarifs douaniers

HCF Haut Conseil de la Francophonie

LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence

NOEI Nouvel ordre économique international

NRF Nouvelle revue française

OEA Organisation des Etats américains

ONG Organisation non gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

ONUDI Organisation des nations Unies pour le dévelop-pement industriel

PFNSP Presses de la fondation nationale des sciences politiques

PMA Pays les moins avancés

PMS Pantone Matching System

PNUD Programme des nations Unies pour le développement

PUF Presses universitaires de France

RINT Réseau international de néologie et de terminologie

SAF Service des affaires francophones

UCTF Union culturelle et technique de langue française

UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (Organisation des nations Unies pour l'éducation, la science et la culture)

SOMMAIRE

Introduction 1

Première partie - Haïti, citadelle de la Francophonie 12

Chapitre I. - Littérature haïtienne et Francophonie 13

Section A. - Sur les traces de la France 13

Section B. - Métissage culturel 21

Chapitre II. - Haïti et l'essor de la Francophonie 26

Section A. - Haïti et la Francophonie institutionnelle 26

Section B. - Vers le sommet par les sommets 31

Chapitre III. - La Francophonie au quotidien 36

Section A. - Francophonie, éducation et information 36

Section B.- Francophonie et promotion sociale 42

Seconde partie - Problèmes et perspectives 45

Chapitre I. - Les réactions hostiles 47

Section A. - Le nationalisme 47

Section B. - Les autres causes 49

Chapitre II. - Les faiblesses objectives 53

Section A. - Les disparités 53

Section B. - L'américanisation 58

Chapitre III. - Quelques recommandations 64

Section A. - Education et Francophonie en Haïti 64

Section B. - Francophonie et développement d'Haïti 70

Conclusion 75



INTRODUCTION GENERALE

Située dans l'archipel des Antilles, l'île d'Haïti, avant l'arrivée de Christophe Colomb et de ses compagnons espagnols, le 5 décembre 1492, hébergeait une civilisation amérindienne représentée par cinq caciquats ou royaumes : le Marien, la Maguana, le Xaraguah, le Higuey et la Magua. Assez tôt, les Espagnols réduisirent les Aborigènes d'Haïti en esclavage. Contraints aux travaux forcés dans les mines, les Indiens moururent en très grand nombre. Leur décimation rapide entraîna l'importation de Noirs venus d'Afrique.

La colonisation espagnole dura plus d'un siècle. Mais, au début du XVIe siècle, l'île fut aussi la proie des corsaires français et anglais que l'esprit de lucre avait poussé vers le Nouveau Monde. Ainsi, pendant près d'un quart de siècle, les Espagnols, les Anglais et les Français convoitèrent cette île. La France, pour les besoins de sa politique, va donner une base officielle à l'action de ses aventuriers. Elle y dépêcha des représentants : Le Vasseur, De Fontenay, Du Rausset ou Bertrand d'Ogeron qui sera considéré comme le colonisateur type par excellence. Le traité de Ryswick (1697) mit fin aux rivalités entre les grandes puissances de l'époque en cédant à la France la partie occidentale de l'île devenue Saint-Domingue.

La colonisation française dépassa la colonisation espagnole en atrocités et marqua de façon plus profonde la " Perle des Antilles ". Après trois siècles de vicissitudes dans la géhenne de l'esclavage, les va-nu-pieds de Saint-Domingue arrachèrent leur indépendance à la Métropole. Le 1er janvier 1804, à l'issue d'une épopée sanglante, Jean Jacques Dessalines fonda le Premier Etat nègre du monde et redonna au pays son nom indien : Haïti.

Ancienne colonie française, Haïti va garder la langue et la culture françaises et restera profondément attachée à la France. Un professeur français va jusqu'à affirmer qu'" Haïti est un pays francophone, francophile et même francolâtre ".

Le Docteur Price Mars faisait remarquer que " la communauté nègre d'Haïti revêtit sa défroque de la civilisation occidentale au lendemain de 1804. Dès lors, avec une constance qu'aucun échec, aucun sarcasme, aucune perturbation n'a pu fléchir, elle s'évertue à réaliser ce qu'elle crut être son destin supérieur en modelant sa pensée et ses sentiments à se rapprocher de son ancienne métropole, à lui ressembler, à s'identifier à elle ".

Et des observations répétées autorisent à affirmer que la culture française a fortement imprégné la société haïtienne. Aussi, avons-nous cru nécessaire de chercher des réponses suffisantes à quelques interrogations fondamentales.

Quelle est la situation de la Francophonie à Haïti ? Quelle est la contribution haïtienne à l'essor de la Francophonie ? Haïti peut-elle tirer profit de la Francophonie ? Quels sont les défis et les difficultés à surmonter pour garder ou alimenter cette flamme francophone, en apparence, inextinguible ?

Pour répondre à toutes ces questions et à d'autres, nous avons réalisé cette étude autour du thème : la Francophonie en Haïti : Etat des lieux et perspectives.

La démarche méthodologique retenue nous conduira, tout d'abord, dans un chapitre préliminaire baptisé " Introduction ", à retracer l'histoire de la Francophonie. Puis, nous étudierons l'affirmation de l'identité francophone haïtienne. Enfin, nous rendrons compte des défis à surmonter, sans omettre de faire quelques recommandations susceptibles d'éclairer les responsables pour une Francophonie plus large, plus fraternelle, plus vivante en Haïti.

L'idée même de la Francophonie renvoie à la langue française dont la naissance et le triomphe furent le résultat d'un long processus. Au début, le latin fut la langue du Royaume. Le premier livre d'histoire de France est rédigé en latin et porte le titre de Historia francorum. Plus tard, dans les deux moitiés de la France, il y eut la " langue d'oil " au nord et la " langue d'oc " au sud. Il faut rappeler que la langue française a reçu sa première consécration officielle avec " les Serments de Strasbourg en 842, lorsque Charles le Chauve et Louis le Germanique, les fils de Louis le Pieux décidèrent de mettre fin à leur querelle d'héritage ". Mais c'est seulement en 1539 que par décision politique, le roi François Ier impose la francophonie légale. L'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 substitue le français au latin dans les actes notariés et les jugements des tribunaux.

Voici un extrait de cette ordonnance :

" Et pour que telles choses (ambiguïtés ou incertitudes) sont souventes fois advenues sur l'intelligence des mots latins contenus ès dits arrêts. Nous voulons dorénavant que tous arrêts (…) soit de nos cours souveraines ou autres subalternes, et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice (…) soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel francoys et non autrement ".

François Ier

Le réformateur protestant Calvin édite en français " l'Institution de la religion chrétienne ". Ambroise Paré, chirurgien, publie en français. Et " enfin Malherbe vint ". Avec lui, la langue française épurée connut la puissance d'une expression simple, claire et limpide. D'autres ouvriers du classicisme, Richelieu et Louis XIV, créent l'Académie Française et normalisent le français, facilitant ainsi l'éclosion des chefs-d'œuvre des grands classiques comme Racine, Molière, La Fontaine.

Le professeur Edmond Jouve a suivi le progrès de la législation relative à la langue française : " Les mesures concrètes n'ont pas manqué. Deux décrets sont publiés le 14 janvier et le 2 octobre 1790. Le premier institue la traduction des textes officiels dans les diverses langues de l'Etat, le second leur lecture en français à la messe du dimanche. Une loi du 24 octobre 1793 et un décret du 26 octobre instituent les écoles primaires d'Etat délivrant un enseignement uniquement en français. Le 17 décembre 1793, l'usage de l'allemand est interdit en Alsace. Le 27 janvier 1794, un décret institue la nomination, dans chaque commune non francophone, d'un instituteur francophone. Enfin, un autre décret, du 17 novembre 1794, dispose que " les écoles primaires seront distribuées sur le territoire de la République. L'enseignement se fera en langue française ".

" Au XIXe siècle, le français connaîtra une ascension fulgurante. En 1832, la connaissance de l'orthographe est rendue obligatoire pour accéder aux emplois publics (…). En 1921, Anatole France le compare à une femme : " Et cette femme, écrit-il, est si belle, si fière, si modeste, si hardie, si touchante, si voluptueuse, si chaste, si noble, si familière, si folle, si sage, qu'on l'aime de toute son âme, et qu'on n'est jamais tenté de lui être infidèle "

Quant au mot Francophonie, il apparaît pour la première fois sous la plume de Onésime Réclus (1837-1916) dans son livre " France, Algérie et Colonies ", publié aux éditions Hachette en 1880.

" Nous mettons aussi de côté quatre grands pays, le Sénégal, le Gabon, la Cochinchine, le Cambodge dont l'avenir au point de vue francophone est encore très douteux sauf peut-être pour le Sénégal.

Par contre, nous acceptons comme francophones tous ceux qui sont ou semblent destinés à rester ou à devenir participants de notre langue : Bretons et Basques de France, Arabes et Berbères du Tell dont nous sommes déjà les maîtres. Toutefois, nous n'englobons pas tous les Belges dans la francophonie bien que l'avenir des Flamingants soit vraisemblablement d'être un jour des Fransquillons ".

Mais après lui, le mot " Francophonie " tomba dans l'oubli au profit du terme francité pour ne faire sa réapparition qu'en 1962 dans le Larousse de la langue française qui en donne la définition suivante :

" Collectivité constituée par les peuples parlant le français ".

Le sens linguistique du mot s'élargit à d'autres domaines. Ainsi, Xavier Déniau, dans son ouvrage publié en 1983 lui en trouve quatre sens :

L'origine du substantif " francophonie " est l'adjectif " francophone ". Son sens ne pose pas de problème ; il signifie " qui parle la langue française " ou " personne parlant le français ". Dans ce contexte linguistique, la francophonie signifie " le fait d'être francophone ", le fait de " parler français ".

Le deuxième sens du mot est également matériel, géographique cette fois, et dérive du premier (…). L'identité de langue fonde un ensemble géographique.

La francophonie ne désigne pas simplement une réalité linguistique, géographique et sociale, mais également le sentiment d'appartenir à une même communauté. Cette solidarité naît du partage de valeurs communes aux divers individus et communautés francophones.

L'ensemble des associations et organisations publiques et privées, éventuellement une communauté plus vaste de concertation et de coopération.

La Francophonie doit sa naissance ou du moins sa codification aux louables efforts des Présidents Léopold Sédar Senghor du Sénégal, le général de Gaulle de France et Habib Bourguiba de la Tunisie. C'est à juste titre qu'ils en sont considérés comme les Pères Fondateurs.

Aujourd'hui, la Francophonie est devenue une réalité tangible et peut être définie comme " un mouvement qui vise à transformer les liens linguistiques, culturels et historiques qui rapprochent certains peuples, dans un ensemble politique et économique plus large et qui se traduit par la mise en place d'institutions et de programmes multilatéraux de coopérations ".

L'institutionnalisation de la Francophonie a été rendue possible grâce aux efforts des associations, des organisations qui ont travaillé à la promotion de la langue et de la culture françaises.

Le 21 juillet 1883 a été créée l'Alliance française dans le but de " maintenir et d'étendre l'influence de la France par la propagation de sa langue ". Elle a servi à promouvoir et à enseigner le français sur tous les continents. Aujourd'hui, cette association est présente dans une centaine de pays et permet à plus de 240.000 étudiants de 140 nationalités d'apprendre le français, de se documenter ou de parfaire leurs connaissances.

La Mission Laïque, fondée en 1902, s'est lancée dans un vaste programme de construction et de gestion d'établissements d'enseignements. Elle opta pour " l'association des cultures " et axa son enseignement sur le biculturalisme avec la collaboration des institutions locales. " Actuellement, 16 établissements sont affiliés à la Mission Laïque Française et regroupent au total plus d'un millier d'enseignants. Souvent détachés par le gouvernement français, ils prodiguent leur savoir à 14.000 élèves. Environ 90 établissements enseignant le français entretiennent des liens avec la Mission ".

La défense et la promotion de la langue française a été aussi assurée très tôt par la Belgique. En effet, le roi Albert Ier avait fondé dès 1920, l'Académie Royale de langue et de littérature française de Belgique. Cette Académie octroie des prix pour des travaux consacrés à la littérature d'expression française et s'intéresse, particulièrement, au développement de la linguistique.

Le Canada emboîta le pas avec la création du Conseil de Vie Française en Amérique qui voit le jour au Québec en 1952. Les activités officielles du Conseil consistent à établir un ensemble de programmes pour " promouvoir l'unité des francophones d'Amérique du Nord dans leur diversité de situation ", jouant ainsi le rôle de prestataire de services pour les initiatives francophones outre-Atlantique.

En 1980, le président François Mitterand va donner une dimension politique à la Francophonie en travaillant à la tenue du Premier Sommet des Chefs d'Etats et de Gouvernements ayant en commun l'usage du français. Le rêve devient réalité : depuis 1986, le Sommet, organe suprême de la Francophonie, rassemble tous les deux ans les responsables francophones.

Après le Sommet de Paris (1986), il y eut le Sommet de Québec (1987), le Sommet de Dakar (1989), le Sommet de Chaillot (1991), le Sommet de l'Ile Maurice (1993), le Sommet de Cotonou (1995), le Sommet de Hanoi (1997). Et actuellement, on travaille d'arrache-pied à la tenue du Sommet de Moncton, prévu pour septembre 1999 qui doit fournir " aux jeunes de la francophonie mondiale l'occasion de construire des bases solides pour assurer leur avenir ".

Le suivi des Sommets est assuré par la Conférence Ministérielle de la Francophonie (CMF) composée des ministres des Affaires Etrangères ou de la Francophonie de tous les Etats et Gouvernements partenaires. En 1991, la préparation des Sommets était confiée au Conseil Permanent de la Francophonie (CPF) et sa présidence assurée par le pays hôte. Mais depuis son élection, c'est le nouveau Secrétaire général, représentant politique de l'ensemble de l'espace francophone, qui préside le CPF.

D'autres institutions méritent qu'on s'y attarde quelque peu.

L'Agence de Coopération culturelle et technique, créée en 1971 à Niamey au Niger est devenue l'Agence de la Francophonie. L'Agence s'est attachée à affirmer la place de la francophonie dans le monde en nouant des relations étroites avec les Nations Unies et d'autres grandes organisations internationales. Aujourd'hui, elle est l'interlocutrice des pays du Sud auprès du PNUD, de l'ONUDI, de l'UNESCO, de l'Union Européenne ou de la CEDEAO.

Depuis sa création en 1961, l'Association des Universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF-UREF) a œuvré de façon significative pour assurer l'essor de la Francophonie. Elle réalise des programmes d'échanges et de coopération inter-universitaires, d'assistance technique, d'organisations de stages, de colloques et subventionne des publications. AUPELF-UREF, devenue depuis 1993 Agence francophone pour l'enseignement supérieur et la recherche est présente dans 38 pays.

Pour promouvoir " le développement des échanges commerciaux, industriels et technologiques au sein de l'espace francophone universel et le renforcement de la coopération entre ses membres ", il est créé depuis la Conférence de Québec de 1987, le Forum des Affaires.

D'autres institutions donnent à la Francophonie une certaine vitalité. On peut citer les TV5, les Conférences interministérielles (CONFEMEN, CONFEJES) ou l'Université Senghor d'Alexandrie.

Après avoir tenté de louables efforts dans les domaines de l'éducation et de la formation, de la communication audiovisuelle, de coopération juridique et judiciaire ou d'animation culturelle en milieu rural, les instances de la Francophonie ont arrêté un plan d'action à l'issue du VIIe Sommet tenu à Hanoi, le 16 novembre 1997.

Les grandes orientations de ces " programmes mobilisateurs " sont :









PREMIERE PARTIE

HAITI, CITADELLE DE LA FRANCOPHONIE

CHAPITRE I

LITTERATURE HAITIENNE

ET FRANCOPHONIE

" Quand nos ancêtres se sont rendus indépendants en 1804 et qu'ils ont voulu faire connaître au monde, dans un acte d'indépendance solennel, leur détermination de vivre à jamais séparés de la France, c'est à la langue de leurs anciens maîtres qu'ils recourent à cette fin (…). Ils acceptaient ainsi, dans l'ensemble de l'héritage colonial, la langue française ". Et nos écrivains ont produit une littérature qui, malgré son caractère national, " peut être incorporée à la grande littérature française ". On peut considérer les œuvres des écrivains comme assurant la défense et la promotion de la Francophonie.

SECTION A. - SUR LES TRACES DE LA FRANCE

1. - Formation de l'écrivain haïtien

Les premiers écrivains haïtiens ont fait leurs études en France, sous la direction de professeurs français et dans des livres écrits en français. Plus tard, ceux qui seront formés en Haïti, iront pour la plupart en France parfaire leur formation. Rentrent dans la première catégorie des écrivains comme : Antoine Dupré, Juste Chanlatte, Jules Solime Milscent, Boisrond-Tonnerre, Thomas Madiou, Joseph Saint-Rémy. Tous les autres, à quelques rares exceptions, appartiennent à la seconde catégorie. Mentionnons : Charles Séguy-Villevaleix, Massillon Coicou, Tertulien Guilbaud, Louis-Joseph Janvier, Anténor Firmin, Alcibiade Pommayrac, Georges Sylvain, Jean-Price Mars, Carl Brouard, Jacques Roumain, etc.

2. - Influence des mouvements littéraires français

L'appellation même des mouvements littéraires haïtiens montre clairement les liens de parenté avec la littérature française.

Voici à titre illustratif la périodisation de la littérature haïtienne :

  1. Les Pionniers ou pseudo-classiques (1804-1836).
  2. L'Ecole de 1836 ou la naissance du Romantisme haïtien (1836-1860).
  3. L'Ecole Patriotique ou l'Epanouissement du romantisme haïtien (1860-1898).
  4. La Génération de la Ronde ou l'Apogée du romantisme haïtien (1898-1915).
  5. L'Ecole indigéniste (1915-1946).
  6. L'Epoque contemporaine (1946 à nos jours).

Il apparaît donc que les deux principaux mouvements littéraires français (classicisme et romantisme) sont prédominants dans les Lettres haïtiennes. Mais comme nous le montrerons plus loin, les autres mouvements français, tels le Symbolisme, le Parnasse ou le Surréalisme, n'ont pas laissé indifférents les écrivains haïtiens.

Commentant Hymne à la Liberté du poète Antoine Dupré, le Docteur Pradel Pompilus et le Frère Raphaël Berrou, F.I.C. constatent :

" Il est facile de reconnaître le style pseudo-classique dans cet hymne. Dès le début paraît la périphrase "Dieu de nos ancêtres", "O toi de qui la chaleur fait exister tous les êtres", ainsi que le vocabulaire noble : "ma carrière", "auguste clarté" ".

Les autres poètes de cette époque restent aussi fidèles à Jean-Baptiste Rousseau (1671-1741), Lebrun-Pindare (1729-1807) et surtout l'abbé Delille (1738-1813) qui étaient les représentants de la littérature pseudo-classique française.

Le romantisme de Nau et de Coriolan Ardouin se rattache à celui de leurs modèles français, Lamartine, surtout. Les poètes de l'Ecole patriotique gardent une fidélité exemplaire à leurs maîtres français. Le plus célèbre d'entre eux, Oswald Durand ne le cache pas : " J'écris un sonnet à mon maître Coppée ".

Avec la Génération de la Ronde, l'imitation de la littérature française se transforme en un véritable impératif. Dans un article publié dans la revue Haïti littéraire et sociale du 5 février 1905, Ussol affirme : " Notre langue est française, françaises sont nos mœurs, nos coutumes, nos idées et, qu'on le veuille ou non, française est notre âme "..

Georges Sylvain, après avoir considéré la littérature haïtienne comme " une branche détachée du vieux tronc gaulois qui transplantée en terre tropicale produirait des variétés nouvelles de fleurs et de fruits ", estime que " de l'imitation des modes littéraires de Paris, il tend à se dégager de plus en plus une poésie haïtienne très raffinée, il y aurait quelque témérité à le prétendre, tout à fait originale, je ne me hasarderais pas encore à l'affirmer mais, en somme, vivante ".

Tous les poètes de la génération de 1946 se sont servis de Surréalisme pour faire éclater leur colère. Dans la Ruche, organe de la nouvelle génération, dirigée par René Dépestre, on peut lire : " André Breton a conquis nos cœurs, et il a rallié nos sympathies pour le surréalisme qui est non seulement une entreprise de libération des richesses psychiques du cerveau humain, mais aussi un mouvement antifasciste qui n'a jamais manqué d'affirmer sa fin dans les aspirations légitimes de l'homme vers la justice sociale et la liberté ".

Le surréalisme pensant que " le langage ne sert pas seulement à l'homme à exprimer quelque chose, mais aussi à s'exprimer lui-même " va inspirer les poètes haïtiens du temps qui s'interrogeront sur leurs origines, leur société et le monde qui les environne. Dans les numéros consacrés au " Surréalisme et Révolte en Haïti ", la revue Conjonction montre l'influence de ce mouvement et offre à la dégustation de ses lecteurs des textes de grands écrivains comme : Hamilton Garoute, Raymond Chassagne, Philippe Thoby-Marcelin, Georges Castera fils, René Philoctète, Anthony Phelps ou René Dépestre :

" Le sang a trahi chaque battement de mon cœur

Le soleil s'est rendu sans tirer un coup de fusil

La lune est un ivrogne la pureté une légende

La mer n'est qu'un piège le ciel est un mensonge

L'amour a passé dans le camp ennemi

N'en parlons plus Recommençons le monde avec nos

seules ressources ".

Etablissant l'influence des systèmes littéraires français sur notre littérature, le professeur Joseph Désir écrit :

" D'ailleurs, c'est au contact des littératures d'Europe que nos écrivains ont fait l'expérience de l'art d'écrire et sont parvenus à perfectionner leurs talents. C'est donc avec fondement qu'ils se sont réclamés des systèmes littéraires éprouvés en France. En effet, dès l'époque des pionniers, la mode consistait à demander aux classiques français des thèmes, des goûts et critères littéraires, des modes de pensée et d'expression. Par exemple, des classiques ils ont appris le goût des allusions mythologiques, de la périphrase, du mot noble et le sens de l'universel ; ils ont hérité des romantiques le goût du pittoresque, de l'emphase, de l'extraordinaire ; des parnassiens le goût des images éclatantes, la pratique des genres à forme fixe, la hantise de l'art gratuit, des symbolistes le secret des correspondances et des symboles ".

On peut aussi faire remarquer que la littérature haïtienne a connu une évolution analogue à celle de la littérature française. En effet, celle-ci s'est renouvelée au XIXe siècle, grâce à des écoles successives, nées par opposition les unes aux autres. Par exemple, le Romantisme s'est voulu l'antithèse du Classicisme, le Parnasse à son tour a renié le Romantisme et le Symbolisme enfin s'est insurgé contre le mouvement parnassien.

Chez nous, l'Ecole de 1836 s'est opposée aux Pionniers, l'Ecole Patriotique pense que le Cénacle des Frères Nau et Ardouin n'a pas tenu sa promesse de doter le pays d'une littérature autonome. La Génération de la Ronde refuse la poésie trop militante de leurs prédécesseurs et se propose d'écrire une littérature franco ou humano-humaine qui puisse plaire à la fois à tous les nationaux et à tous les francophones de la terre. Le mouvement indigéniste condamnera cette ouverture, ce relâchement de la corde nationaliste et traitera les confrères de la Ronde de " poètes évadés " ou de " poètes français égarés sur la terre d'Haïti ".

3. - Eloge de la France

Si l'influence des écrivains français est manifeste sur la littérature haïtienne, l'éloge de la France prononcé par la plupart de nos écrivains, y compris des " nationalistes " permet d'affirmer que cette influence est voulue, recherchée même.

Etzer Vilaire, le plus grand poète du plus grand mouvement littéraire haïtien, après avoir condamné le réalisme primaire de ses devanciers qui recherchaient " un palmiste au bout de méchantes rimes, dans des vers décousus où le bon sens et la langue française sont tour à tour et quelquefois en même temps violés avec une fougue toute tropicale ", dévoile le grand rêve de sa vie :

" C'est l'avènement d'une élite haïtienne dans l'histoire littéraire de la France, la production d'œuvres fortes qui puissent s'imposer à l'attention de notre métropole intellectuelle ; faire avouer que nous n'avons pas toujours démérité d'elle (…). Et mon chagrin le plus profond, c'est de voir à quel point mes compatriotes s'écartent de ce haut idéal, dans leur désir irréfléchi d'improviser une littérature autonome. Ils ne s'aperçoivent pas qu'à force de rechercher une originalité de surface et factice, d'imprimer un caractère de réalisme purement local, étroit et banal à des œuvres impuissantes et avortées, ils mettent à la mode un langage bâtard qui n'est tout à fait le patois créole, ni surtout du français ".

" Etzer Vilaire s'enorgueillit de partager avec les représentants de la France littéraire, "l'amour du nom français", "le culte de notre aïeule intellectuelle", et de faire de la France "notre Patrie idéale" ".

Antenor Firmin, auteur de " L'Egalité des races humaines ", fait l'éloge du français comme langue de culture et de civilisation :

" Toutes les plus belles conceptions humaines n'ont été aucune part exprimées d'une façon plus pénétrante que dans le livre français ".

Dans Haïti et ses visiteurs, le Docteur Louis-Joseph Janvier n'est pas moins enthousiaste :

" Si pour la race noire, Haïti c'est le soleil se levant à l'horizon, c'est parce que la France est la capitale des peuples et qu'Haïti, c'est la France noire ".

Dantès Bellegarde se révèle lui aussi un défenseur intraitable de la langue française, donc de la Francophonie :

" Si la langue française n'est pas la première du monde au point de vue du nombre des personnes qui la parlent, elle est sans conteste l'idiome dont la connaissance importe le plus aux gens cultivés de tous les pays. Par la richesse de son vocabulaire (philosophie, science, médecine, droit, théologie, critique), par ses qualités supérieures de clarté, de précision et de souplesse ; elle mérite le nom de "langue de civilisation". Ces qualités, qui l'ont fait considérer comme la langue diplomatique par excellence et la maintiennent aujourd'hui comme l'un des deux idiomes officiels des Nations Unies, lui ont également assuré une diffusion mondiale … Nos programmes scolaires font à l'anglais et à l'espagnol une place légitime parmi les matières obligatoires de l'enseignement des lycées et des écoles normales : des nécessités politiques, commerciales et culturelles rendent désirable la diffusion de ces langues en Haïti. Mais ce n'est pas une raison pour que nous portions atteinte aux droits imprescriptibles de la langue française que nos constitutions ont toujours respectée, parce qu'elle est à la base de notre vie morale et qu'elle constitue l'une des assises spirituelles de la nationalité haïtienne ".

SECTION B. - METISSAGE CULTUREL

1. - Ambivalence de l'écrivain haïtien

En oscillant entre la civilisation africaine et la civilisation latine, la société haïtienne est traversée par un grave conflit de cultures. L'écrivain haïtien doit-il se résigner à écrire dans une langue qui n'est pas celle de la majorité de la Nation ? Malgré sa fidélité à ses origines africaines, peut-il renoncer à la France sans en ressentir une amputation de son génie ? Ces interrogations fondamentales le bouleversent. Le poète Léon Laleau traduit l'état d'âme de ses pairs ; il se croit coupable en choisissant le parti de l'ancienne Métropole :

" Le cœur obsédant, qui ne correspond

Pas avec mon langage et mes costumes

Et sur lequel mordent, comme un crampon

Des sentiments d'emprunt et des coutumes

D'Europe, sentez-vous cette souffrance

Et ce désespoir à nul autre égal

D'apprivoiser, avec des mots de France

Ce cœur qui m'est venu du Sénégal ? ".

2. - Haïtianisation du français et haïtianismes

Pour contourner ce dilemme, faute de pouvoir le résoudre entièrement, l'écrivain cherchera son équilibre en utilisant la langue française pour exprimer des idées et des aspirations propres à sa collectivité en attendant la maturité qui garantira le métissage culturel.

L'œuvre des Pionniers cherche à entretenir chez tous les Haïtiens la même ardeur combative qui animait nos aïeux. Les thèmes dominants sont la liberté et l'indépendance.

" Si quelque jour sur tes rives

Reparaissent nos tyrans

Que leurs hordes fugitives

Servent d'engrais à nos champs ".

Après la reconnaissance de notre indépendance par le roi Charles X, en 1825, cette littérature héroïque, chevaleresque et militante cède le pas à une littérature nationale. Il s'agit désormais de chanter " l'âme de son pays ". Emile Nau, théoricien de l'Ecole de 1836, apprend aux poètes de son Cénacle que :

" La poésie pour vous est en vous et chez vous ".

Les poètes de l'Ecole patriotique chanteront la patrie, célébreront les beautés de la race ou les charmes de notre nature :

" C'est là, mon île bien-aimée

Où la nature est animée

(…) Dans ses forêts, aucun danger !

Pour la soif, voici l'oranger

Et le noir dit à l'étranger :

"Entre, assieds-toi, tu peux manger" ".

Le métissage culturel débute véritablement avec les Romanciers de la Ronde : Frédéric Marcelin, Fernand Hibbert, Justin Lhérisson ou Antoine Innocent.

La langue de Marcelin est truffée de termes locaux. Dans Thémistocle Epaminondas Labasterre, son premier roman, on lit :

" Le père Ladouceur, avec un licol, fait à l'âne une babouquette, sorte de nœud à tours répétés sur la tête ou dans la bouche de l'animal " (p. 32), " vous serez moins "banda" (élégeant) que les autres qui sont en vernis (p. 48) ou " celui qui vous conseille d'acheter un cheval à gros ventre ne vous aide pas à le nourrir dans la sécheresse " (p. 13).

Fernand Hibbert recherche aussi des haïtianismes :

" M. le sénateur Jean-Baptiste Rorrotte calait un ouest (somnoler) en attendant le déjeuner.

Justin Lhérisson, auteur de deux " audiences ", " La famille Pititecaille " et " Zoune chez sa ninnaine " a réussi le tour de force de colorer le français de Paris sur la terre haïtienne. En plus des titres évocateurs de ses deux œuvres précitées, il donne à ses personnages des noms assez bouffons : Boutenègre, général Borôme, colonel Cadet Jacques, Fré Truyélampe et leur fait parler le langage de leur condition sociale.

Malgré ces louables efforts, il a fallu attendre le mouvement indigéniste pour voir triompher le métissage culturel.

Le poème " Marabout de mon cœur " d'Emile Roumer peut être cité à titre d'exemple. En voici un extrait :

" Marabout de mon cœur au sein de mandarine

tu m'es plus savoureux que crabe en aubergine

Tu es un afiba dedans mon calalou,

le domboeuil de mon pois, mon thé de

z'herbes à clou

Tu es le bœuf salé dont mon cœur est la couane

L'acassan au sirop qui coule en ma gargane "

René Dépestre a le mérite de mettre à profit les principes surréalistes pour parfaire le métissage culturel. Dans un " Arc en ciel pour l'Occident ",, il est particulièrement et totalement haïtien synthétisant les valeurs africaines et celles de la France :

Je suis Guédé-Nibo

Sobadi Sobo Kalisso

Je danse sur votre table

Sobadi Sobo Kalisso

La danse obscène de mes lampes

Sobadi Sobo Kalisso

(…) Je suis Azaka-Médé

Ministre Zaka-Médé

Azaka-Tonnerre

Général Zaka-si

Azaka-Tombo-Vodoun ".

" En trouvant un langage qui ne considère pas les valeurs privilégiées de la culture française comme des archétypes normatifs pour la culture haïtienne, Dépestre a donné au lecteur occidental une connaissance concrète des différences qui séparent ces deux mondes culturels et a évité également de trahir son moi profond ".

Auguste Viatte a raison d'écrire que " la francophonie n'apparaît plus comme un mimétisme, mais comme une synthèse où les cultures, par l'intermédiaire d'une langue commune, s'enrichissent mutuellement ".

CHAPITRE II

HAITI ET L'ESSOR DE LA FRANCOPHONIE

SECTION A. - HAITI ET LA FRANCOPHONIE

INSTITUTIONNELLE

Dans la moitié occidentale de l'île de Saint-Domingue devenue française en 1697 (Traité de Ryswick) et indépendante depuis 1804, le français était jusqu'en 1987 la seule langue officielle du pays. Malgré l'influence des Etats-Unis d'Amérique du Nord et l'environnement hispanophone, Haïti a gardé jalousement son amour de la langue française et peut être considérée comme un artisan de l'essor de la francophonie. Son apport à la langue et la culture française est indéniable.

1. - Dans les relations internationales

Premier Etat nègre du monde, la République d'Haïti ne limita pas son action politique à ses seuls ressortissants. Elle se constitua le phare de la race noire. Durant longtemps, les réunions internationales n'eurent que des Haïtiens comme représentants de race noire avec l'utilisation du français comme langue de travail obligatoire.

On ne peut passer sous silence la précieuse contribution d'Haïti pour faire admettre le français aux Nations Unies, à côté de l'anglais et de l'espagnol. En effet, c'est la Délégation haïtienne à la Conférence de San Francisco, en 1945, qui mena un combat sans merci auprès des pays du Sud pour obtenir leur soutien et imposer le français comme langue de travail dans toutes les activités de l'Organisation, nouvellement créée. On rapporte que l'intervention du Représentant haïtien, le grand tribun Emile Saint-Lot avec un exposé des motifs, fut si brillante, si éloquente et si convaincante que Monsieur Paul Boncour et toute la délégation française lui firent une ovation indescriptible. Les auteurs André Reboullet et Michel Tétu confirment :

" Sur le plan international, il faut rappeler - reconnaissance oblige - que l'entrée d'Haïti à l'Union panaméricaine, l'actuelle O.E.A. (Organisation des Etats américains), a permis au français de devenir l'une des langues officielles de libération de cet organisme ; et que lors de la fameuse conférence de Bretton Woods, où l'utilisation du français comme langue de travail à l'Organisation des Nations Unies naissante ne fut décidée que par une voix de majorité, Haïti avait voté en faveur de cette décision ".

Dans le domaine de la coopération internationale, l'apport de la République d'Haïti est tout aussi remarquable. Elle se mit au service des Nations Unies pour l'aider à réaliser ses projets au bénéfice des nouveaux Etats francophones qui venaient d'accéder à l'Indépendance, au tournant des années 1960. Ainsi Haïti fut-elle un réservoir de cerveaux. Médecins, enseignants, juristes, agronomes, furent présents là où le devoir ou la conscience de leur appartenance francophone leur commandait d'être. Aujourd'hui encore, nombre de pays de l'Afrique francophone vouent une grande admiration à leurs congénères haïtiens.

Enfin, la présence haïtienne fut remarquée dans les organisations internationales comme l'Organisation des Nations Unies (ONU), la FAO, l'OMS ou l'UNESCO.

Hospitalier, serviable, dévoué et désintéressé, le peuple haïtien ne cesse de prouver au monde entier sa quête d'un monde meilleur de paix, de justice et de fraternité humaine.

2. - Haïti, membre fondateur de l'ACCT

Pour mener à bien sa noble mission, la Francophonie dut tisser des liens étroits et serrés avec ses différents membres de façon à mettre sur pied un " réseau de collaboration fonctionnel entre partenaires qui ont tous des intérêts vitaux ".

Dans cette perspective, le 17 février 1969, les représentants des gouvernements de 28 pays francophones se réunissaient à Niamey, au Niger, pour jeter les bases d'une grande association. André Malraux, alors ministre de la Culture, prononça un de ses grands discours où il célébra à travers la Francophonie " la culture de la fraternité ". Il assura les participants de l'appui total et sincère de son pays à un projet porteur d'espérance.

Le 20 mars 1970, de nouveau à Niamey, une entente finale est signée par les représentants de 21 gouvernements qui vont devenir les membres fondateurs du nouvel organisme. Haïti ne tarda pas à rejoindre le groupe.

Baptisée Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), la nouvelle organisation internationale s'est donnée pour but de promouvoir et de diffuser les cultures des Hautes Parties contractantes et d'intensifier la coopération culturelle et technique entre elles. Elle se veut l'expression d'une nouvelle solidarité et un facteur supplémentaire de rapprochement des peuples par le dialogue permanent des civilisations.

Seule organisation intergouvernementale de la Francophonie, l'Agence de Coopération Culturelle (ACCT) représentait à l'époque le premier maillon de la Francophonie institutionnelle avant d'être progressivement intégrée à la nouvelle structure mise en place avec l'avènement des Sommets.

A partir du Sommet de Québec en 1987, l'Agence a été véritablement intégrée au dispositif institutionnel de la Francophonie et chaque Sommet a vu le renforcement de son rôle.

L'Agence de Coopération et Technique (ACCT) est devenue l'Agence de la Francophonie qui travaille à assurer la présence et la vitalité de la Francophonie au sein des grands forums de négociations internationales. Elle est " accréditée " auprès des Nations Unies à New York et à Bruxelles auprès de l'Union Européenne.

3. - Implantation des Alliances françaises

L'Etat haïtien a toujours facilité l'implantation de structures pour maintenir et étendre l'influence de la langue et de la culture françaises en Haïti. Dans ce chapitre, nous parlerons des Alliances françaises.

Dans chaque chef-lieu de département, il existe une Alliance française. Dans la plupart des cas, les locaux sont offerts par la Municipalité et des bénévoles haïtiens collaborent généreusement au succès de l'entreprise. Avec une direction haïtienne supervisée par un coopérant français, ces Alliances organisent des bibliothèques publiques garnis en livres de tous genres, enseignent la langue et la civilisation françaises, et offrent des activités culturelles où la culture nationale est valorisée. Parfois, on y apprend aussi l'art dramatique, le chant et la danse.

Un responsable de l'une des Alliances françaises en Haïti a vanté l'utilité de cette association qui facilite la pratique du français. Les instituteurs et institutrices bénéficient d'une formation permanente. Et chose curieuse : les premiers cours d'initiation à la langue et à la grammaire créoles ont débuté dans ce cercle. Des bourses de courte durée sont octroyées aux membres qui permettent aux bénéficiaires de visiter la France et de faire la pratique de la langue française.

SECTION B. - VERS LE SOMMET PAR LES SOMMETS

La contribution haïtienne à l'essor de la Francophonie peut être aussi établie par les soins que la République d'Haïti met - malgré les contraintes de toutes sortes - à participer aux Sommets.

1. - Le Sommet de Paris (1986)

La préparation de la Conférence fut confiée à un groupe de représentants personnels des chefs d'Etat et le gouvernement de pays représentatifs des diverses grandes régions du monde utilisant la langue française. La mission était de définir les objectifs de la Conférence, de déterminer les thèmes de travail et un projet d'ordre du jour et de proposer une méthode afin de faciliter le déroulement des travaux.

Haïti fut représentée au sein du Comité préparatoire par Monsieur Paul-Emile Dorsainvil, Premier secrétaire à l'ambassade d'Haïti en France et au Sommet par le professeur Rosny Desroches, ministre de l'Education Nationale.

La délégation haïtienne demanda " aux différents chefs d'Etat et de gouvernement (…) d'apporter leur soutien moral, politique et économique au Conseil national de gouvernement et au peuple haïtien en vue de les aider à jeter les bases d'un Etat véritablement démocratique. En particulier, elle sollicite leur voix pour soutenir la candidature d'Haïti au Caricom (Marché commun caraïbéen) et aux bénéfices des accords de Lomé ".

Le représentant haïtien expliqua que sans l'appui des peuples amis, Haïti ne pourra pas résoudre ses graves problèmes économiques et donner sa vraie mesure aussi bien dans le concert des pays d'expression française que dans la communauté internationale.

Rappelons au passage que ce Sommet a eu lieu quelques jours après la chute de Jean-Claude Duvalier qui avait mis frein au règne trentenaire des Duvalier père et fils (1957-1986).

2. - Les autres Sommets

Fidèle à la Francophonie, la République d'Haïti sera présente aux autres sommets.

Monsieur Yvon Perrier, ministre des Affaires Etrangères, présida la délégation haïtienne, à Dakar au Sénégal, du 24 au 26 mai 1989. Il rappela que " notre choix est clair : la République d'Haïti sans renier ses racines africaines ni ses valeurs culturelles propres, veut être chaque jour davantage le relais privilégié de la francophonie dans les Caraïbes ".

A la quatrième Conférence tenue à Chaillot du 19 au 21 novembre 1991, la République d'Haïti a été représentée par son président constitutionnel (chassé du pouvoir par un coup d'Etat militaire). Le Sommet prit la Résolution n° 5 qui " condamne énergiquement ce renversement violent et illégal qui prive le peuple haïtien du libre exercice de ses droits démocratiques ".

A l'Ile Maurice (du 16 au 18 octobre 1993) et à Cotonou (du 2 au 4 décembre 1995), la participation haïtienne a été assurée respectivement par Madame Claudette Werleigh et Monsieur Fritz Longchamp, ministres des Affaires étrangères.

Enfin, à Hanoi, l'ambassadeur Etzer Charles en poste à l'UNESCO lut le message de Monsieur René Préval, Président de la République, qui " malheureusement pour des raisons politiques internes n'a pas pu être présent (…) il est tout simplement occupé à mettre en place un nouveau gouvernement ".

Le message présidentiel rappelle à la bienveillante attention des organisateurs de la Conférence " l'ardent souhait exprimé par la République d'Haïti (…) d'accueillir en 2001 le neuvième Sommet ".

3. - Des activités ponctuelles

A l'initiative de son dynamique doyen, le professeur Pierre Vernet, la Faculté de Linguistique Appliquée célèbre la journée de la Francophonie.

Il raconte avoir initié timidement en 1993 les festivités pour marquer la date du 20 mars retenue à travers le monde comme la Journée de la Francophonie par une conférence autour du thème " Francophonie et Mondialisation ". Mais depuis 1995, chaque année est célébrée en Haïti " la semaine de la Francophonie ". Ces activités sont organisées et supportées par la Faculté.

En octobre 1996, il sollicita et obtint l'appui de l'Ambassade de France, l'ambassade du Canada, des représentants de la Suisse, de la Belgique et de certains pays africains. Aujourd'hui, il compte parmi ses supporters une vingtaine de partenaires dont quelques universités et maisons de commerce.

La Faculté de Linguistique Appliquée réalise aussi des concours de textes français pour les élèves de Troisième et Seconde des lycées et collèges d'Haïti. Un second concours de niveau plus élevé est destiné aux étudiants des première et deuxième années des universités. Les lauréats sont récompensés d'un voyage en France dont les frais sont assumés par l'Ambassade de France en Haïti. Cette année l'un des lauréats du concours a pu partir pour le Canada où il participera au Concours international d'orthographe.

La semaine de la Francophonie donne lieu à de nombreuses conférences, expositions d'ouvrages et émissions radiophoniques.

Il faut aussi souligner que Monsieur Pierre Vernet est membre du Comité scientifique du RINT. A ce titre, il s'enorgueillit d'avoir contribué avec d'autres chercheurs, à offrir à la langue française des mots techniques pour remplacer le vocabulaire anglais qui avait envahi et monopolisé le domaine de l'informatique.

On ne peut pas passer sous silence le travail de l'Institut Français d'Haïti qui organise des projections cinématographiques, des expositions de peinture, édite une revue " Conjonction " et propose des cours de français. L'Institut gère une bibliothèque assez garnie d'ouvrages en tous genres.

CHAPITRE III

LA FRANCOPHONIE AU QUOTIDIEN

De l'indépendance (1804) à 1987, le français fut la seule langue officielle de la République d'Haïti, donc la langue de l'enseignement, de la justice, de l'administration et de la quasi-totalité de la presse écrite, parlée et télévisée.

SECTION A. - FRANCOPHONIE, EDUCATION ET

INFORMATION

1. - Education

Dantès Bellegarde, ancien ministre de l'Instruction publique, n'allait pas par quatre chemins : " Notre choix est fait : c'est dans les voies de la civilisation française - conçue dans sa pureté première - que nous voulons marcher ".

Pour comprendre la place accordée à la civilisation française dans l'éducation haïtienne, il faut interroger l'histoire de ce pays : la colonisation française avait marqué de façon indélébile la société haïtienne. Après l'indépendance les premiers professeurs étaient des Français et les fondateurs des premiers établissements d'enseignement classique furent des Haïtiens nouvellement arrivés de Paris. Nous citerons, entre autres, Jonathas Grandville et Charles Hardy.

Le gouvernement d'Alexandre Pétion qui voulait répandre l'instruction, fonda à Port-au-Prince, en 1816, un lycée qui porte son nom. Il en confia la direction à un français, M. Ballet. Le président Geffrard, après avoir travaillé sans relâche pour le rétablissement des relations entre Haïti et le Vatican, réussit là où ses prédécesseurs avaient échoué. Le 1er avril 1860, le document du Concordat signé le 28 mars, est ratifié par le Sénat. De cette époque date l'arrivée des premières congrégations religieuses (les Frères de l'Instruction Chrétienne et les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny) qui vont dispenser un " enseignement de qualité en français ". Plus tard, arrivèrent les Frères du Sacré-Cœur du Canada, francophones unilangues.

Dans ces écoles comme dans celles qui verront le jour dans la suite sous la direction de nationaux ou dans les écoles publiques créées par l'Etat, le français sera l'unique langue d'enseignement. Dans les " règlements intérieurs " de tous les établissements d'enseignement publics ou privés, il sera consigné : " Le créole est formellement interdit ".

L'élève surpris en flagrant délit de parler le créole est puni. La peine peut aller jusqu'au renvoi. Cette situation persista jusqu'en 1979, date à laquelle le Gouvernement de la République conscient du nombre élevé d'échecs scolaires décida que " l'usage du créole en tant que langue parlée par 90 % de la population haïtienne est permis dans les écoles ". (C'est nous qui soulignons " permis ").

Quant à l'université, la situation était plus grave. D'ailleurs, celui qui ne maîtrise pas le français n'est pas apte à poursuivre des études. Le français fut aussi la langue de l'Eglise catholique qui recrutait les futurs religieux parmi ceux ayant une belle écriture, une bonne orthographe et une parfaite élocution en français.

Cet attachement aux valeurs culturelles françaises était bien sincère. Pour le prouver, nous allons offrir une " revue de la presse " quand, au tournant des années 80, le Gouvernement voulu introduire le créole dans l'enseignement primaire fondamental (sans modifier le curriculum en français dans le secondaire ou à l'université).

- " (…) La culture nationale risque de sombrer dans la médiocrité (…). Au moins trois des plus belles parures de l'université d'Etat, Docteur ès-Lettres de la Sorbonne viennent directement des bourgs et sont donc considérés comme les fils de ruraux (…) ". (René Piquion, écrivain, directeur de l'Ecole Normale Supérieure) in Le Nouveau Monde du 19 février 1982).

- " (…) Nous n'avons qu'une langue : le français, notre langue officielle, presque notre langue maternelle ". (Ernest Bennett, industriel et père de Michèle Bennett, épouse de Jean-Claude Duvalier, Président de la République, in Le Nouveau Monde du 28 février 1982).

- " (…) L'affaire risque de diviser le pays tout entier, portant des époux à s'entre-déchirer et de vieux amis à se retirer le salut ". (Louis Moravia, journaliste in Le Matin du 19 mars 1982).

- " (…) Notre créole s'arrête à nos frontières. Combien nous Haïtiens sommes fiers d'exhiber nos connaissances dans la langue de Voltaire " (Alphonse Cameau, journaliste in Le Matin du 22 mars 1982).

- " Le créole a des possibilités insoupçonnées de devenir une langue de culture (…). Mais le français demeure un facteur de promotion sociale. La réforme telle que je la vois maintenant est une sorte de despotisme au détriment de l'intelligence. La raison me prescrit d'être contre cette réforme " (Aubelin Jolicoeur, journaliste, in Le Nouvelliste du 16-18 avril 1982).

Pour finir, voici un extrait d'une lettre ouverte adressée au Président de la République :

- Les parents prennent position

" Si d'aventure ce programme miracle se révélait être un nouvel échec (…). Dès lors, Excellence, ceux-là qui se posent aujourd'hui en sauveteurs des petits Haïtiens seront prompts à s'éclipser (…). Alors, Excellence, l'Histoire, à tort, pointera du doigt Votre Gouvernement comme Responsable de la perte de toute une génération " (Le Matin, 24 mars 1982).

2. - Information

En Haïti, les journaux, périodiques et revues édités en France ou purement et simplement d'expression française ont leur côte. Dans les années cinquante et jusqu'à une période assez récente, les Haïtiens se passionnaient pour " Paris-Match ". Avec une pointe teintée de snobisme, les gens de la couche bourgeoise qui se réclamaient à tort ou à raison de la classe des intellectuels se faisaient un devoir de s'abonner à cette revue. Vers la même période, la version française de la revue " Sélection " éditée au Canada avait droit de cité ainsi que la revue " Historia ".

La campagne d'Haïti pour sa participation à la Coupe du Monde où finalement elle a eu à prendre part à celle organisée en Allemagne en 1974, devait assurer le rayonnement de " France Football ". Dans les librairies, les points de vente de magazines et revues (kiosque et tabac sont deux vocables pratiquement inemployés en Haïti) on se faisait le devoir d'acheter " France Football " pour être au courant des dernières informations relatives au ballon rond. Et continue cet engouement pour cette revue car plus que jamais les Haïtiens sont maintenant très intéressés au championnat de la Ligue, à l'UEFA et à la dynamique des transferts et mutations dans les grands clubs européens.

Tout intellectuel haïtien qui se respecte est abonné quelque part à " Express ", " Le Monde Diplomatique ", " Nouvel Observateur ". Ces journaux et revues leur permettent à partir de leur contenu géopolitique et géostratégique de faire le point sur certains événements chauds de la planète. " Jeune Afrique " est une revue également très populaire en Haïti et s'enlève tous les week-ends comme du pâté chaud dans les différents points de vente.

Le monde de l'audiovisuel francophone est aussi important en Haïti. Depuis quelque temps, sur le coup de 14 heures (heure d'Haïti, il faut compter le décalage horaire), le journal télévisé de la deuxième chaîne française est retransmise en direct à travers Télé Haïti. On est au courant comme les Français de ce qui fait l'actualité au jour le jour.

La télévision canadienne TV5 est à l'honneur car son émission " Le Point " est relayée quotidiennement par une des nombreuses stations de télévision de la capitale haïtienne. Par cette période où sévit l'insécurité grandissante, les gens ne pouvant pas participer aux soirées mondaines n'ont que la télévision comme distraction, à côté de l'audition de chansonnettes françaises. Céline Dion, Bruno Pelletier, Michel Sardou, Mireille Mathieu, Frédéric François … sont très connus en Haïti et bien prisés de la population tant de l'élite que de la classe moyenne. Ces chansons sont également captées directement sur les ondes de RFI qui est la station de radio étrangère la plus populaire devançant ainsi " La Voix de l'Amérique " en dépit même de certaines émissions en créole.

On assiste aussi à l'émergence en Haïti de nouvelles stations de radio, de nouvelles chaînes de télévision. Selon Jean Ary Céant, Directeur général du Conseil national des télécommunications (CONATEL), il y aurait en Haïti quarante trois stations de radios en FM, dix-huit stations de téléviseurs et vingt-six stations de radio émettant sur la bande AM. Toutes ces stations de radios et chaînes de télévision font une large part aux émissions culturelles où la langue et la littérature françaises sont à l'honneur. Des interventions ponctuelles des membres de l'intelligentsia haïtienne sur la peinture, l'art, les articles de revues et journaux français, les thèmes littéraires d'actualité … sont également enregistrées.

SECTION B. - FRANCOPHONIE ET PROMOTION

SOCIALE

1. - Le français à tout prix

Langue de la justice et de l'administration, le français est perçu comme un outil de promotion sociale. Sans vouloir commenter les opinions citées plus haut et opiner sur le débat de la Réforme de l'Enseignement proposé en 1979, nos observations nous mettent d'affirmer que les parents étaient très hostiles à l'idée. Ceux qui n'avaient pas la chance de fréquenter l'école se sacrifiaient pour permettre à leurs enfants d'apprendre le français. A l'époque (et cela n'a pas vraiment changé), les correspondances, les circulaires, les convocations, les jugements et même les mandats de comparution étaient rédigés en français. La maîtrise du français garantissait un emploi dans l'administration publique et privée. Cette réforme initiée par ceux qui parlaient correctement le français, interdisaient le créole chez eux et dont les enfants étudiaient à l'étranger (France ou Canada) a été vue comme une injustice supplémentaire faite à des catégories sociales défavorisées. Les masses craignaient que leur progéniture soit écartée de la gestion de la chose publique ou n'ait une égalité de chance. Leurs appréhensions étaient d'autant plus justifiées que la Réforme n'a débuté que dans les écoles publiques. Deux frères étudiaient dans des livres différents selon qu'ils étaient dans une école nationale ou une école privée.

Au-delà de toute prise de position, il faut reconnaître que le français en Haïti ouvre des portes. Pour s'en convaincre, voici deux opinions que nous avons notées en relisant des documents d'époque. La première est du Docteur Nemours Auguste, lauréat de la Faculté de Médecine de Paris et date de 1909. La seconde de Madame Rose-Marie Perrier, elle date de 1982. Elles recouvrent donc une longue période marquée par la même tendance.

" Dans le miracle de notre indépendance et dans le tumulte de nos origines, la fortune complaisante nous a laissé deux outils : une lange (…) une doctrine. Gardons-les précieusement de la rouille du temps et de la moquerie des incrédules ",

et, " … dès qu'un homme prononce un seul mot du bon français, tout le monde accourt, forme un cercle autour de lui et reste suspendu à ses lèvres non sans laisser échapper cette exclamation : "il parle français, c'est merveilleux". Alors, alors seulement, il devient une vraie fureur, une véritable "lamayotte" (boîte à surprise) ".

2. - Classes moyennes, masses et français

On aurait tort de croire que le français est apprécié de la seule élite minoritaire qui le parle avec élégance. Les classes moyennes aspirant à une promotion sociale y attache un très grand prix. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le rapport du Conseil de la Francophonie relatif à Haïti dans " Etat du français dans le monde, en 1993 ".

" En dehors d'une élite francophone universitaire, formée dans les universités françaises ou québécoises, le français est rarement utilisé de façon courante, le créole restant la langue de communication. La bourgeoisie haïtienne utilise toujours le français mais elle est de plus en plus culturellement tournée vers les Etats-Unis.

On notera cependant un réel engouement de la classe moyenne de la petite bourgeoisie et des classes à revenu modeste pour le français. C'est ainsi que l'Institut français d'Haïti ne voit pas baisser la fréquentation de ses cours de français, malgré la crise ".

Le Docteur Pradel Pompilus remarque que " l'homme de la masse admire ceux qui le parlent et aspire, lui aussi, à le parler, car la connaissance de cette langue est l'un des facteurs essentiels du progrès social : les échelons supérieurs de l'administration ne sont pas accessibles à ceux qui l'ignorent ".

Il faut aussi dire que la langue française confère un certain statut personnel à celui qui la parle.











SECONDE PARTIE

PROBLEMES ET PERSPECTIVES

PRESENTATION

La Francophonie est une réalité vivante en Haïti, comme nous venons de le montrer dans la première partie.

Mais aujourd'hui, elle fait face à un grand nombre de défis qu'elle se doit de résoudre sous peine de s'effriter. Aussi, la seconde partie du travail traitera-t-elle des " Réactions hostiles " (chapitre I) et des " Faiblesses objectives " (chapitre II), avant de faire les recommandations jugées nécessaires (chapitre III).

CHAPITRE I

LES REACTIONS HOSTILES

SECTION A. - LE NATIONALISME

1. - Les arguments

Les nationalistes haïtiens, " indigénistes " et " griots " surtout faisaient reposer la construction de l'identité haïtienne sur trois piliers : le vodou, la race noire et le créole. Ils pensaient que pour atteindre cet objectif, il fallait livrer une guerre sans merci à ce qui est supposé être le contraire de ces valeurs : le christianisme, l'élite mulâtre et la langue française. Dans le cadre de ce travail, nous nous arrêterons aux principaux arguments retenus contre le français.

2. - Les motifs

Roger Gaillard qui a compilé ces arguments pense que ces attitudes excessives s'expliquent par divers motifs :

SECTION B. - LES AUTRES CAUSES

1. - Populisme et démagogie

Sur le plan politique quand les tenants du populisme et de la démagogie flattent les bas instincts du peuple pour mieux l'exploiter, lui font croire que le français est la cause principale de sa misère, la Francophonie prend aussi des coups sévères.

Poussant à l'extrême leur démagogie, ils manipulent des foules pour chahuter des intervenants qui s'expriment en français dans des débats publics. On a été " jusqu'à priver de parole, dans les assemblées où tous étaient pourtant francophones, ceux qui s'oubliaient à parler "la langue du blanc". Jusqu'à interpeller (le mot n'est pas trop fort) dans les salles de classe des facultés, le professeur, qui même enseignant la littérature française ou la littérature haïtienne de langue française, exposait son cours en français ".

Stratégie payante pour envahir les avenues du pouvoir politique. N'importe qui peut aspirer aux plus hautes fonctions électives. N'importe qui peut s'improviser avocat. Adieu le temps où les Haïtiens veillaient avec un soin particulier à la correction, à la pureté et à l'élégance du français. Adieu le temps des belles polémiques où " après avoir lu sa réplique du samedi 21 novembre, l'un des deux adversaires disait de l'autre : "nous avons relevé des perles qui ne font point honneur à quelqu'un qui se dit intellectuel et qui doit connaître d'abord les règles élémentaires de la grammaire française avant d'essayer d'analyser et de confronter les données combien difficiles de l'histoire nationale" ".

2. - L'amour-propre blessé

Les politiques d'immigration de la France apportent de l'eau au moulin des détracteurs de la Francophonie. Les Haïtiens sentent leur amour-propre blessé quand ils sont victimes de traitements discriminatoires de la part des autorités françaises installées au pays. Les longues files d'attente avant d'accéder au bureau du Consul ne sont pas de nature à raviver la flamme francophone. Ils ne comprennent pas les restrictions au niveau des visas ou tout simplement le fait qu'en arrivant dans des conditions régulières, dans les aéroports français, ils ne sont pas gratigfiés d'un accueil privilégié.

De nombreux citoyens français d'origine haïtienne se voient refuser un visa pour leurs parents qu'ils souhaitent revoir après dix ou quinze ans d'absence. De la même manière des étudiants haïtiens inscrits dans des universités françaises n'obtiennent pas de visa pour poursuivre leurs études. La communauté francophone ne procure pas les mêmes avantages que la communauté économique.

On est alors amené à se demander si cette francophilie vivace en Haïti a sa raison d'être ?

3. - Mépris du peuple haïtien

Pour des raisons d'ordre culturel, les Haïtiens ont toujours été attachés à la France. La tendance générale était de miser sur l'ancienne Métropole pour contrecarrer les visées impérialistes des Etats-Unis d'Amérique. Mais le peuple haïtien a dû apprendre, à son corps défendant, que les grandes puissances ont des intérêts avant d'avoir des amis.

Ce revirement de tendance est dû au fait que la France a emboîté le pas à la suite des Etats-Unis pour imposer au pays un embargo dont les conséquences sont incalculables sur l'économie nationale, déjà agonisante. On reproche aussi à la France d'avoir arrêté tous ses projets en Haïti. La crise n'a fait qu'amplifier un processus de dégradation du système éducatif haïtien. Dans un tel contexte, l'enseignement du français subit de plein fouet la déliquescence généralisée des structures d'enseignement.

La situation de l'enseignement supérieur en mauvaise posture fut aggravée par le départ des coopérants et la fin de la coopération universitaire. Aux niveaux primaire et secondaire, il faut signaler que les difficultés économiques liées à la poursuite de l'embargo ont accru les abandons en cours d'année dans des proportions encore plus importantes qu'à l'ordinaire.

A tous ceux qui pour des motifs intéressés diront que la France n'avait pas le choix : il fallait rétablir l'ordre constitutionnel, nous leur proposons de répondre à cette question fondamentale :

" Peut-on forcer, par le sacrifice de son peuple, un Etat à devenir démocratique ? ".

CHAPITRE II

LES FAIBLESSES OBJECTIVES

Parmi les problèmes auxquels la Francophonie doit faire face, il y a malheureusement les faiblesses objectives. Dans le cas haïtien, on peut les ranger entre deux grandes catégories : les disparités de toutes sortes (A) et " l'américanisation " (B).

SECTION A. - LES DISPARITES

Au moment où les Nations nanties jouissent du confort de la prospérité économique matérielle et technologique, la République d'Haïti (seul PMA de l'Amérique) offre le spectacle désolant et affligeant de la misère et de la pauvreté. L'embargo décrété, à son encontre, a achevé de détruire ses institutions et son tissu social.

La globalisation de l'économie et la mondialisation du commerce place le pays dans une situation dont la précarité inspire beaucoup d'inquiétude, quant à son avenir. Les milliers de boat-people, le chômage massif, la détérioration de l'environnement, la paupérisation croissante, le poids de la dette, tel est le lot d'Haïti, à la veille du XXIe siècle. Voyons ces disparités de plus près.

1. - Sur les plans économique et social

L'espace francophone ne forme pas un bloc homogène. Si la Suisse, le Canada, le Luxembourg, la France et la Belgique ont un poids économique qui dépasse leur importance démographique, tel n'est pas le cas d'Haïti dont les caractéristiques économiques sont peu reluisantes : la majorité de la population haïtienne vit de l'agriculture, est répartie dans les zones rurales, connaît la malnutrition et les maladies endémiques.

Devant ce triste constat, les belles promesses de la " fraternité francophone " laissent un goût amer. Le rêve de l'autosuffisance alimentaire tarde à se concrétiser et la dette extérieure ne fait que s'accroître. L'amélioration de la situation économique dans les pays du Nord n'a pas eu l'effet d'entraînement escompté dans les pays du Sud. Quant à Haïti, l'insuffisance des transferts de ressources, le déclin de l'aide publique au développement et le fardeau insupportable de la dette constituent des handicaps sérieux. La situation économique est dramatique. Vraiment "" Les pays riches ont oublié leurs promesses ".

Interpellés par ces disparités révoltantes, les pays riches ont décidé de procurer au Tiers Monde des ressources financières. Le rééchelonnement de la dette est envisagé ainsi que la formation de cadres

et une coopération technique plus adaptée. Mais cette aide est conditionnée à un effort durable d'ajustement structurel et la définition d'une politique austère.

Monsieur Michel Campdessus, Président du Fonds monétaire international dans un entretien au journal Le Monde, fixe les nouvelles règles du jeu : " Le plus grand mal pour un pays pauvre, c'est qu'une mauvaise politique économique s'ajoute à sa pauvreté. Il faut corriger ce mal quoi qu'il en coûte ".

Sur le plan social, en essayant de " corriger ce mal quoi qu'il en coûte ", le monde allait être marqué du sceau de la mondialisation et de la libéralisation des échanges internationaux. Il s'en est suivi l'engagement des Etats à promouvoir un développement fondé essentiellement sur le démantèlement des systèmes de préférence et de protection économiques. Si dans ce cadre, le commerce mondial a connu une expansion significative, Haïti, comme la plupart des pays du Sud, n'a cessé de décroître. Jusque-là, ses efforts pour restructurer son économie afin de mieux faire face aux nouveaux défis mondiaux ont eu des répercussions sociales lourdes : chômage, violence, banditisme, etc.

2. - Sur le plan culturel

La crise qui sévit en Haïti a imposé des contraintes budgétaires au pays, affectant ainsi le système scolaire. La fonction enseignante est dévalorisée puisque les professeurs sont sous payés. La capacité d'accueil des élèves à tous les niveaux se rétrécit. De plus, le coût des fournitures classiques interdit l'accès à l'école à beaucoup d'enfants. Les livres français sont trop chers pour le pouvoir d'achat des Haïtiens. Il est fini le temps où l'écolier haïtien s'achetait tous les " classiques français " et les dévorait avec un appétit insatiable. Nos écoliers récitaient par cœur les monologues de Don Diègue, de Rodrigue, de Chimène dans le Cid, de Camille dans Horace, d'Andromaque, d'Esther …

L'école haïtienne productrice de francophonie est malade. Contrairement aux époques passées, il semble qu'il sera difficile de trouver en Haïti les champions décidés de la cause de la Francophonie, si la communauté francophone ne fait rien pour nous aider à résoudre cet épineux problème. La généralisation de l'éducation de base afin de favoriser pour tous l'accès à l'école et la mise en valeur de la culture nationale, voilà ce qui nous manque le plus.

L'aide à apporter à l'enseignement devrait aussi servir à la valorisation de notre culture nationale qui constituera un des facteurs de rapprochement et d'intéressement de nos populations à la Francophonie. Une coopération concrète axée sur l'Homme, agent de progrès et de développement sera le meilleur gage de popularité et de rayonnement de la Francophonie. On ne dira jamais assez l'importance de la culture comme moyen de vivre ensemble et comme conditionnement de la capacité d'une société à produire des concepts lui permettant de s'inscrire dans le temps et de produire ses propres richesses.

3. - Sur le plan technologique

Si l'heure est au maillage méthodique de la planète, par le moyen de gigantesques réseaux utilisant les câbles de téléphonie ou de télévision, des ondes hertziennes, les satellites, Haïti accuse un retard considérable. Nous n'avons pas encore accès à ces " nouveaux services ".

Notre retard contraste avec les progrès réalisés par certains pays de l'espace francophone qui préparent les enfants d'aujourd'hui à être les citoyens de demain en mettant à leur disposition Internet, autoroutes de l'information. Par exemple, des milliers d'écoles primaires, secondaires et supérieures des 15 pays membres de l'Union Européenne, furent invitées à participer aux Erreur! Signet non défini. européens du 18 au 25 octobre 1997. Cette initiative a eu pour but d'aider les établissements scolaires à prendre le train WEB de l'information afin de combler les lacunes dans le multimédia.

Ce sont là de nouveaux défis que la Francophonie se doit de résoudre.

SECTION B. - L'AMERICANISATION

A côté des faiblesses objectives de la Francophonie étudiées plus haut, il faut faire une place de choix à ce que nous appelons " l'américanisation ".

1. - Faiblesses de comportement

Dès 1983, Xavier Déniau constatait les " défaillances francophones face à l'anglais " et déplorait le fait que " les faiblesses de comportement représentent le plus lourd handicap pour l'avenir de la Francophonie. Ainsi des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires Etrangères emploient l'anglais plutôt que le français lors des réunions internationales, et cela sans nécessité ". Ainsi la situation du français au sein des organisations internationales s'est progressivement mais régulièrement dégradée. Les conséquences pratiques de la multiplication des langues utilisées dans les principales enceintes internationales se sont révélées le plus souvent défavorables à la langue française. Ce dépérissement s'accentue quand les représentants de pays francophones s'efforcent de s'exprimer en anglais.

Il faut aussi dire que les fonctionnaires internationaux originaires de pays francophones ne sont pas placés, par leur effectif et par leurs positions hiérarchiques, au niveau souhaitable. Parfois l'espace francophone est sous-représenté. C'est le cas au PNUD, à la CNUCED où l'anglais, malgré l'environnement, reste prédominant.

2. - Le poids des Etats-Unis

Le rôle privilégié des Etats-Unis d'Amérique dans un certain nombre d'organisations explique la domination de la langue anglaise. C'est le cas au sein du FMI ou de l'OTAN. L'usage du français est quasiment inexistant du fait de son statut officiel. Mais il arrive aussi que le français cède peu à peu le pas à l'anglais en dépit du statut privilégié qu'il partage avec l'anglais. C'est le cas à l'ONU et ses institutions spécialisées.

Le fait de percevoir la science en anglais est un facteur très négatif pour la francophonie. Par exemple, il y a une dizaine d'années, avant les travaux du RINT, tous les mots utilisés dans la science informatique appartenaient à la langue anglaise.

Dans le domaine médical et scientifique, les résultats des recherches et les comptes-rendus des congrès étaient faits en anglais. Le professeur Langevin regrettait que des " congrès organisés en France par des sociétés françaises se tiennent entièrement en anglais et (que) ce mouvement commence à gagner l'enseignement de certaines facultés où les conférences se donnent en anglais ".

A tort ou à raison, les jeunes chercheurs pensent qu'ils ont plus de chance à publier en anglais.

3. - En Haïti : l'anglais rivalise avec le français

Les relations entre Haïti et les grandes nations de langue anglaise qui remontent à un passé lointain, avaient surtout marqué le créole. Mais aujourd'hui, l'anglais est pour le français un rival de taille. Comment expliquer cette situation ?

Si l'occupation américaine d'Haïti de 1915 à 1934 avait révolté les patriotes et suscité une haine de l'impérialisme, la deuxième guerre mondiale allait être bénéfique pour les Etats-Unis d'Amérique qui vont devenir les créanciers du monde entier. L'Europe ruinée dut se remettre au plan Marshall pour sa reconstruction. La France, n'arrivant pas à résoudre ses problèmes intérieurs, dut se désengager vis-à-vis de ses anciennes colonies. Haïti, par tragique nécessité dut compter sur les Américains pour les besoins de sa survie économique.

Notre pays ne produisant presque rien, accepta que l'industrie américaine, sans concurrence, déservât sur son marché ses machines et leurs accessoires, ses outils, ses tissus, ses conserves en boîte, ses médicaments, ses instruments chirurgicaux. Les maisons de commerce haïtiennes étaient des succursales des grandes sociétés américaines.

La détérioration de la situation économique entraîna l'immigration massive des Haïtiens vers les Etats-Unis. Les premières manufactures établies en Haïti furent la propriété des hommes d'affaires américains, attirés par une main-d'œuvre abondante et à bon marché. Le développement du commerce rendit nécessaire l'implantation de banques commerciales. De nouvelles banques privées, américaines surtout, ouvrirent une succursale à Port-au-Prince. l'anglais devient un atout pour accéder aux emplois dans le privé.

En retirant leurs troupes en Haïti en 1934, les Américains envisagèrent de contrôler le pays par d'autres moyens. Ils multiplièrent les sectes religieuses, créèrent de nombreuses ONG et planifièrent une politique culturelle qui, au fil des ans, s'est révélée d'une grande efficacité. " Des bourses d'études, prodiguées avec une rare générosité, permirent à des éducateurs, à des artistes, à des agronomes, à des médecins, à des journalistes haïtiens, etc., de se perfectionner dans les centres universitaires des Etats-Unis. Le mouvement continue de s'intensifier. L'hégémonie politique exercée dans le monde occidental depuis la dernière guerre mondiale par la patrie de Washington, les réussites de son industrie, la simplicité de ses méthodes d'éducation, l'importance grandissante du technicien, du commerçant, de l'industriel, de l'homme d'affaires dans notre milieu orientent vers les établissements d'enseignement américain un nombre chaque année croissant de jeunes Haïtiens en quête d'une rapide formation spécialisée ".

Les Américains investissent des fonds importants pour vulgariser leur langue en Haïti. Dans cette perspective, l'Institut Haïtiano-Américain est créé. Depuis 1942, on y enseigne l'anglais aux Haïtiens. Les retombées de la mondialisation ne font qu'accroître le prestige de l'anglais. Aujourd'hui, force est de reconnaître que cette langue offre plus de débouchés que le français.

Il faut aussi faire remarquer que la coopération bilatérale entre les Etats-Unis et Haïti s'est révélée plus intelligente que la coopération française. Celle-là a choisi d'intervenir d'abord au niveau rural et avec des partenaires de la société civile, laissant à celle-ci la part des petits bourgeois ou de l'élite patronnée par l'Etat haïtien. De plus, le développement prodigieux de la technologie, à ses débuts l'apanage des Américains, a contraint les plus francophiles à s'intéresser à la langue anglaise. Aujourd'hui tout le monde en Haïti sait que l'anglais est incontournable.

Les parents haïtiens encouragent leurs enfants à apprendre l'anglais, car un jour, ils partiront pour l'étranger, soit pour poursuivre des études, soit pour chercher des conditions de vie meilleures. Et par expérience, ils savent qu'il est plus facile et plus rentable de séjourner en terre américaine que dans les pays de l'espace francophone. Il n'est pas sans intérêt de rappeler qu'une école de commerce qui enseignait la comptabilité française, dut fermer ses portes, faute d'inscrits. La comptabilité américaine l'emporte - contrairement à avant - haut la main. Les nouvelles formations professionnelles comme l'informatique, le secrétariat, réservées aux jeunes gens n'ayant pas bouclé leur cycle d'études secondaires pour accéder à l'Université, consacrent la plus grande part de leur " curriculum " à l'anglais. A chaque coin de rue de la capitale haïtienne, il y a une école d'anglais. Certains établissements d'enseignement classique fondés pour les enfants de diplomates ou de fonctionnaires internationaux enseignant uniquement en anglais sont largement fréquentés par les fils de l'élite et même par ceux de la petite bourgeoisie. Depuis quelques années, une université américaine est fondée aux Cayes, troisième ville du pays.

Un autre paradoxe tout aussi frappant : il y a dans les représentations d'organisations internationales basées en Haïti plus d'anglophones que de francophones. Les Etats-Unis jettent tout leur poids dans la balance pour faire caser de façon prioritaire les diplômés des universités américaines dans les principales branches d'activités. Une association, très dynamique : " l'Association des Anciens Boursiers du Gouvernement Américain " (ANAB), réfléchit sur les problèmes spécifiques à chaque département du pays, en attendant de pouvoir proposer quelques solutions.

Pour finir, il faut dire que l'intervention des Nations Unies avec 20 mille hommes de troupes sous commandement américain n'a fait que consolider l'emprise de l'anglais sur le français.


CHAPITRE III

QUELQUES RECOMMANDATIONS

Les difficultés et les dangers qui menacent la Francophonie en Haïti ne sont pas insurmontables. Ces écueils peuvent être évités si le Gouvernement haïtien et les instances de la Francophonie assument pleinement leurs responsabilités.

SECTION A. - EDUCATION ET FRANCOPHONIE
EN HAITI

1. - Le bilinguisme

" Si nous n'y prenons garde et si nous n'agissons pas de concert pour qu'il en soit autrement, nos élites d'abord et peut-être ensuite nos peuples ne parleront plus le français. Voici le péril extérieur qui nous guette à l'horizon ". Ainsi s'exprimait S.E.M. Henri Konan Bédié, Président de la République de Côte d'Ivoire au Sommet de Hanoi, en novembre 1997.

Le cri d'alarme se justifiait par la crise du système éducatif. La menace est réelle. Cette menace est d'autant plus inquiétante que les tentatives pour enrayer le danger se sont avérées à ce jour inefficaces. Toutes les prévisions, même les moins pessimistes, annoncent une aggravation des causes profondes de cette crise et laissent craindre des conséquences qui risquent de devenir catastrophiques en ce qui concerne la société, la culture et l'économie, aux plans social, culturel et économique en réduisant de façon continue les chances offertes à la jeunesse de demain.

Ces sombres perspectives loin de conduire au découragement, devraient offrir l'occasion d'engager avec une détermination un ensemble d'actions en vue de freiner, dans un premier temps, la progression de la crise et dans un second temps, de la surmonter.

Dans cette perspective, le Gouvernement haïtien doit auparavant procéder à une évaluation courageuse et lucide de son système éducatif et adopter des choix réalistes pour mobiliser de manière concertée les ressources de la solidarité francophone, en vue d'atteindre les objectifs primaires.

Compte tenu de l'interaction permanente entre l'amélioration de l'apprentissage des langues et l'amélioration des systèmes éducatifs, le choix pourrait porter sur le bilinguisme consacré par la Constitution.

a) - Amélioration de l'enseignement du français

Cet effort passe d'abord par la formation des personnels d'éducation : enseignants, cadres responsables de la pédagogie, de l'administration et de l'élaboration des manuels scolaires.

La formation des enseignants du français se situera dans une perspective dynamique et continue. Il serait souhaitable qu'ils parachèvent leur formation initiale en bénéficiant d'une préparation professionnelle dans un pays francophone. Le bain linguistique et l'environnement culturel leur seront du plus grand profit. Les échanges linguistiques et culturels seront aussi d'une grande utilité.

Pour les inspecteurs et les conseillers pédagogiques, les techniques d'évaluation devraient constituer l'objet principal de la formation sans laisser de côté l'actualisation continuelle de la connaissance dans le domaine des différentes spécialités.

La formation des administrateurs et planificateurs de l'éducation et de la formation porterait sur les techniques de planification et de gestion de l'éducation de manière à la fois théorique et pratique.

La conception et l'élaboration de manuels scolaires seront une garantie certaine de l'adaptation des programmes et des contenus ou contexte socioculturel du pays.

Enfin, le soutien à l'édition scolaire et à la fabrication de matériels didactiques s'attachera à promouvoir la réalisation de manuels scolaires adaptés et de grande diffusion.

b) - Valorisation du créole

Au lieu de s'arrêter à des débats polémiques, voire démagogiques d'opposition créole/français, il faut valoriser la langue maternelle. Il n'y a pas d'incompatibilité entre les deux langues. Le jeune haïtien a besoin de ces deux vecteurs de communication. D'ailleurs, on considère avec raison que le français, langue d'usage minoritaire en Haïti, ne peut assurer à lui seul le développement économique, scientifique et culturel de la Nation.

La question qui se pose aujourd'hui est de savoir comment concevoir et mettre en œuvre une nouvelle philosophie du développement qui part de l'homme et qui se met au service de l'homme. Dans cette optique, il est nécessaire de faire de la langue maternelle et de la culture, en général, la finalité même du développement.

La valorisation de la langue maternelle se fera de pair avec la protection et la promotion du patrimoine culturel. Comme on n'a cessé de le répéter, " ce n'est pas donc le français en soi qui caractérise et détermine la Francophonie que sa coexistence avec d'autres langues ".

La Francophonie se doit d'être " globale ", " plurielle ". Elle est riche de sa diversité. Chacune des communautés de l'espace francophone s'identifie à sa langue et à sa culture considérée comme l'excellence de sa vie et de sa pensée. Et la langue française commune à tous unit l'ensemble. Elle est un pont. Elle active la solidarité des peuples à l'intérieur d'une aire de modernité et d'échanges mutuels … L'association du français, des langues et des cultures nationales devient donc dans ce contexte un impératif majeur. " C'est par la défense du singulier que l'on sert l'universel, car la diversité fonde la liberté ".

Conscients que l'héritage légué par le passé est nécessaire à la compréhension du présent et à l'édification du futur, il faudra encourager une politique de restauration des monuments anciens, de recueil, de diffusion et d'utilisation de la tradition orale à des fins d'éducation des générations montantes. De la même façon, il faudra aussi encourager la créativité culturelle, en donnant aux hommes et aux femmes l'habitude de créer dans des domaines aussi divers que la musique, le théâtre, l'artisanat.

La Francophonie doit donner à chacun la fierté de sa culture et faire prendre conscience que celle-ci est le fondement même du développement.

Le renforcement des institutions de recherche en sciences humaines doit être envisagé ; il serait souhaitable de créer de nouvelles institutions. Le développement des langues passe par leur instrumen-talisation, c'est-à-dire, leur transcription et leur codification. Des chercheurs nationaux aidés de confrères étrangers mettront en œuvre un programme de recherche terminologique et néologique afin que les langues nationales soient en mesure de représenter les concepts de la vie moderne.

Les résultats encourageants du RINT devraient permettre l'essai de programmes similaires pour les langues nationales, indispensables pour la vulgarisation des connaissances scientifiques et technologiques. Etant plus accessible aux masses rurales encore analphabètes et illettrées, le créole pourra contribuer plus efficacement à transmettre ces connaissances indispensables au développement.

2. - La communication

Aujourd'hui, aucun pays, quels que soient son niveau d'équipement et la nature de ses ambitions, ne saurait à présent ignorer la mondialisation des phénomènes de communication, liée directement à l'accélération continue des perfectionnements technologiques. La multiplication des réseaux et l'avènement de la diffusion spatiale ont radicalement modifié le paysage de la communication, offrant le champ libre à l'invasion de chaque pays par des messages étrangers, accentuant les écarts entre favorisés et défavorisés, engendrant autant de menaces au plan économique qu'au plan culturel.

La Francophonie devrait aider Haïti à se mettre au diapason. L'informatique n'est plus un luxe, elle est devenue à la fois moyen d'enseignement et instrument de gestion scolaire. Elle présuppose la disponibilité de logiciels et de didacticiels conçus en français et adaptés aux besoins du système scolaire haïtien. Sinon, compte tenu de l'urgente nécessité de se les approprier, l'école haïtienne se verra obligée de les demander aux Etats-Unis.

Il faut opérer un transfert de technologie et veiller à ce qu'il soit bien absorbé par le milieu local pour ne pas donner l'impression de perpétuer une dépendance technologique. Et le moyen le plus sûr est le centrer sur les hommes, ce qui pourra créer une dynamique entre la technologie acquise, sa maîtrise, son adaptation et le développement des ressources humaines. Autrement dit, le facteur humain doit être considéré comme la pierre angulaire de tout processus d'acquisition technologique.

C'est pour nous l'occasion de plaider pour une nouvelle forme de coopération, dans le cadre d'une véritable solidarité, d'un véritable dialogue des cultures et des responsabilités. Nous avons besoin d'aide pour créer ou développer des institutions spécialisées de formation de cadres en fonction de nos besoins spécifiques, depuis la formation professionnelle jusqu'à la formation supérieure, technique et scientifique.

Comme il faudra faire bénéficier de ces progrès au pays tout entier, les radios rurales permettront aux populations de l'arrière-pays d'accéder aux programmes de formation dans les domaines les plus variés, tels que la santé et l'éducation.

SECTION B. - FRANCOPHONIE ET DEVELOPPE-

MENT D'HAITI

Les autres pays de l'espace francophone, surtout ceux du Nord, ont le devoir d'apporter leur contribution au développement durable de la République d'Haïti. L'indispensable essor du Sud est une garantie pour l'avenir de la Francophonie, d'autant plus qu'en l'an 2000 la majorité des francophones vivra dans les pays en développement.

Dans le cas précis de la République d'Haïti, seule une coopération multilatérale repensée " Dans le respect absolu de la souveraineté des Etats " permettra de relever les grands défis qui menacent la Francophonie dans ses assises les plus solides.

1. - Coopérer autrement

De nouveaux regards, de nouvelles approches et de nouvelles solutions s'imposent en matière de coopération et de développement. Le Sud a le douloureux sentiment qu'il est abandonné par ceux qui auraient dû précisément le soutenir et l'aider à faire face à la dureté des temps présents. Toute action de coopération qui se réduira à prolonger les modes anciens de coopération nous semble vouée à l'échec. Aussi appelons-nous de tous nos vœux une coopération nouvelle susceptible de faire de la Francophonie un laboratoire pour un nouveau projet de société.

L'aide à octroyer à Haïti par la Francophonie, la France ou l'Europe doit être perçue et comprise comme un investissement à long terme. Elle facilitera la démocratie, vulgarisant l'éducation, la formation, supports du développement économique. Développement économique qui réduira l'immigration massive, source de tant de conflits dans le monde contemporain.

Combien de temps mettra-t-on pour comprendre que la démocratie est incompatible avec la famine ou la précarité ? Combien de temps mettra-t-on pour comprendre ce que le Sud veut, ce n'est pas un poisson quotidien mais plutôt la technique d'apprendre à pêcher pour aller lui-même à la mer généreuse ?

La Francophonie ne doit pas se comporter comme les deux blocs antagonistes au temps de la guerre froide qui considéraient comme un crime ou une trahison toute ouverture en direction de la puissance rivale. Par son histoire et sa géographie, comme pour les besoins de son développement, Haïti doit multiplier ses partenariats. Tout en restant fidèle à la langue française qui est partie intégrante de son patrimoine, ce pays a besoin de l'anglais et de l'espagnol. Tout en accordant la priorité au français et au créole, la Francophonie haïtienne doit tendre vers le multilinguisme et rechercher un humanisme pluriel.

A plus long terme, il serait souhaitable que l'Haïtien puisse parler quelques langues nationales africaines, question de garder une fidélité à ses origines et de " ne répudier aucune part de l'héritage ancestral, comme le disait le docteur Jean Price Mars ".

Coopérer autrement, signifie aussi que la Francophonie ne peut se contenter de traiter avec les seuls Etats. Il faut aider les Petites et Moyennes Entreprises à s'installer, il faut voler au secours des collectivités territoriales, il faut compter avec les ONG. Bref, il faut l'avènement et le triomphe définitif de la Francophonie populaire.

Tout francophone porteur d'un projet bénéfique pour sa communauté, sa ville natale, devrait pouvoir trouver les moyens de le finaliser et de le faire passer, sans obligatoirement obtenir l'aval des Gouvernements. Le développement du Sud exige des conditions d'un environnement économique mieux construit et le triomphe de la Francophonie sera assuré par la structuration d'un espace économique efficient.

2. - Un environnement sûr et stable

La guerre économique et la course au productivisme transgressent les lois de la nature et menacent l'environnement. Nous plaidons pour un environnement sûr et stable. Par environnement, nous entendons aussi bien la protection de la nature que la protection des personnes, dans leur droit à la vie, à la santé, au respect de leur intégrité physique.

Il faut protéger la terre léguée par les ancêtres, la faire fructifier pour nourrir nos fils. Nous tenons à la pureté de nos sources et de nos rivières et nous déplorons quand l'on vient déposer des déchets toxiques chez nous. Nous voulons arrêter l'érosion de nos terres pour dire non à tous ceux qui voudraient nous tenir par le ventre.

Haïti veut la démocratie. Nous voulons l'Etat de droit. Mais il n'est pas souhaitable que l'on nous impose des modèles centrés sur une vision ethnocentrique du développement démocratique. Car la démocratie peut et doit s'incarner en de multiples formes, s'adapter aux conditions particulièrement redevables à l'histoire, la culture d'un peuple. Or, peut-on croire à une culture unique qui, malheureusement, devait légitimer l'œuvre odieuse de la colonisation ? Au demeurant, les Etats démocratiques d'Occident sont-ils des modèles parfaits et achevés de démocratie ?

De plus, les programmes d'ajustement structurel aggrave l'instabilité politique en Haïti. Des dérapages naissent aussi de l'incapacité d'une démocratie haïtienne naissante de satisfaire très rapidement les attentes très élevées de la population dépouillée pendant trop longtemps de ses droits et d'un minimum de bien-être économique et social. La Francophonie devrait nous aider à surmonter ces difficultés et ces dangers. Et le moyen le plus sûr de le faire est de participer à cet effort de développement démocratique pour l'émergence de l'Etat de droit et de la démocratie.

La démocratie et le développement sont intimement liés : la démocratie est facteur de développement. La bonne gouvernance est indispensable au succès de toute politique économique. La participation des citoyens en ce qui concerne leur avenir à tous est incontournable. La démocratisation qui puise sa source dans la justice, l'équité, le pluralisme politique favorisera l'activité, la responsabilité et par voie de conséquence, le développement.










CONCLUSION

Notre étude nous a permis de retracer l'évolution de la Francophonie et d'apprécier les différentes formes de la contribution haïtienne à l'essor de l'Institution. Comme dans de nombreux pays, répartis sur les cinq continents, la Francophonie est une réalité vivante en Haïti. Malgré les contraintes de toutes sortes, les Haïtiens veulent rester fidèles à la Francophonie. A l'écoute des voix de ses populations, nous avons tenté d'exprimer les revendications essentielles et de faire quelques suggestions pour maintenir intacte cette flamme francophone dans une Haïti qui ne dispose que du français pour faire entendre sa voix dans le concert des Nations. Un pays dont les écrivains se sont toujours enorgueillis de leur filiation française. Un pays qui a compté et veut compter sur la solidarité francophone pour écrire de nouvelles pages de son histoire.

Convaincu que la Francophonie est un outil essentiel de formation, d'information et de développement et qu'elle dispose incontestablement des atouts suffisants pour promouvoir la coopération économique, culturelle fondée sur la spécificité et la complémentarité francophones, nous plaçons en elle de grands espoirs pour l'avènement d'un monde meilleur de paix et de justice.

On peut partager l'optimisme du professeur Edmond Jouve :

" La Francophonie vivra si sont réussies ses noces avec la langue française. Celle-ci sera d'autant mieux à même de jouer son rôle qu'elle respectera les autres langues. Le français, en effet, ne doit pas être "une tour" ou une "cathédrale", mais une passerelle destinées à faire mieux communiquer entre elles les civilisations qui se partagent le monde.

En dépit des difficultés et des bouleversements de tous ordres, la paix, vaille que vaille, a su reprendre le dessus et, du moins le globe ne s'est-il pas embrasé. Les liens de coopération tissés entre les Etats ont, sans aucun doute, contribué à cet apaisement. Un autre facteur y a aidé : la lutte en faveur des droits de l'individu. Aussi longtemps que, sur cette terre, une majorité d'hommes et de femmes lutteront en leur faveur, l'irrémédiable ne devrait pas se produire ".

Au demeurant, peut-on espérer que la Francophonie réussira là où de nombreuses organisations internationales engagées dans la défense de la paix ou du bien-être de l'humanité, avaient échoué pour n'avoir pas choisi " l'unité dans la diversité " ?

TABLE DES ANNEXES*

1. - Liste des 52 Etats et Gouvernements ayant le français en

partage 78

2. - Organigramme de la Francophonie 79

3. - Déclaration et recommandations de la délégation haïtienne

au Sommet de Paris 80

4. - Allocution du Ministre des Affaires Etrangères d'Haïti au

Sommet de Dakar 82

5. - Résolution sur Haïti au Sommet de Chaillot 84

6. - Allocution du S.E. Madame Claudette Werleigh, Ministre

des Affaires Etrangères et des Cultes au Sommet de l'Ile

Maurice 85

7. - Intervention de S.E. M. Fritz Longchamp, Ministre des

Affaires Etrangères de la République d'Haïti au Sommet

de Cotonou 88

8. - Message de S.E.M. René Préval, Président de la République

d'Haïti (lu par S.E.M. Etzer Charles Représentant personnel

du chef de l'Etat au Sommet de Hanoi) 91




* Sources :

1 et 2 : Agence de la Francophonie

4 à 8  : Actes des Conférences

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ANNEXE 3

ANNEXE 4

ANNEXE 5

ANNEXE 6

ANNEXE 7

ANNEXE 8

BIBLIOGRAPHIE

A. - DOCUMENTS OFFICIELS

ACCT : " Actes de la septième conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage ", Paris, 401 p.

ACCT : " Actes de la sixième conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage ", Paris, 383 p.

ACCT : " Actes de la cinquième conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage ", Paris, 434 p.

ACCT : " Actes de la quatrième conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage ", Paris, Documentation Française, 347 p.

ACCT : " Actes de la troisième conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage ", Dakar, Imprimerie du Midi, 545 p.

Assemblée Nationale (Française) : " Rapport d'information sur la Francophonie ", présenté par Yvette Roudy, Paris, 1997, 42 p.

Ministère des Affaires étrangères (France) : " Actes de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage ", Paris, Documentation Française, 1986, 351 p.

Sénat (français) : " Rapport d'information à la suite de la mission d'information effectuée en République socialiste du Viêt-nam sur la Francophonie et l'enseignement du français ", Paris, session ordinaire de 1997-1998.

B. - OUVRAGES GENERAUX

BEAUCE (Thierry de) : Nouveau discours de la langue française, Paris, Gallimard, 1998, 247 p.

CLOUTIER (François) : La mémoire francophone, Montréal, Stanké, 1995, 174 p.

COMBE (Dominique) : Poétiques francophones, Paris, Hachette, 1995, 175 p.

DESIR (Joseph) : L'épreuve de littérature haïtienne au baccalauréat, Port-au-Prince, éd. La Sauvegarde, collection " La Renaissance ", 230 p.

DUMONT (Pierre), sous la direction de : Sociologie du français en Afrique francophone, Vanves, Edicef, Paris, AUPELF-UREF, 1995, 224 p.

GAUVIN (Lise) : L'écrivain francophone à la croisée des langues, Paris, Kahala, 1997, 184 p.

HAGEGE (Claude) : Le français historique d'un combat, Paris, Michel Hagège, 5ème édition, 1996, 175 p.

JOUBERT (Jean-Louis) : Les littératures francophones depuis 1945, Paris, Bordas, 1986, 382 p.

JOUBERT (Jean-Louis) sous la direction de : Littérature francophone : anthologie, Paris, Nathan, 1993, 448 p.

JOUVE (Edmond) : Relations internationales, Paris, PUF, 1992, 479 p.

LEINER (Jacqueline) : Etudes littéraires françaises : imaginaire - langage - identité culturelle - négritude, Paris, Jean-Michel Place, éditeur, 160 p.

LUTHI (Jean-Jacques), sous la direction de : Dictionnaire général de la Francophonie, Paris, Letouzey et Ané, 1986, 396 p.

MIDIEHOUAN (Guy Ossito) : Du bon usage de la Francophonie : Essai sur l'idéologie francophone, Editions CNPMS, BT 135, Porto Novo (Bénin), 1994, 230 p.

POMPILUS (Docteur Pradel) : La langue française en Haïti. Thèse de doctorat ès-lettres, Université de Paris, 1961, 278 p.

POMPILUS (Dr Pradel) et BERROU (Frère Raphaël) : Histoire de la littérature haïtienne illustrée par les textes, Port-au-Prince, Editions Caraïbes, 2 tomes.

REBOULLET (André) et TETU (Michel) : Guide culturel, civilisations et littératures d'expression française, Québec, Hachette, Presses de l'Université Laval, 380 p.

REY (Alain), sous la direction de : Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaire Le Robert, 1992, 2ème vol. vol. 1, p. 1/1156, vol. 2, p. 1157/2382.

ROBILLARD (Didier de) sous la direction de : Le français dans l'espace francophone, Tome I, Paris, Champlon, 1993, 534 p.

ROSSILLON (Philippe), sous la direction de : Atlas de la langue française, Paris, Bordas, 1995.

SENGHOR (Léopold Sédar) : Le dialogue des cultures, Paris, Editions du Seuil, 1993, 295 p.

VIATTE (Auguste) : Histoire comparée des littératures francophones, Paris, Nathan, 215 p.

WIJRANDS (Paul) : Dictionnaire des identités culturelles de la Francophonie, Paris, Conseil International de la langue française, 1993, 447 p.

C. - OUVRAGES SPECIALISES

ABOU (Selim), sous la direction de : Une francophonie différente, Paris, l'Harmattan, 1994, 560 p.

BARRAT (Georges) : Géopolitique de la francophonie, Paris, PUF, 1997, 186 p.

CLAUDENSON (Robert) : La francophonie : représentations, réalités, perspectives, Paris, Didier, 220 p.

CHAYRADE (Aymeric) : L'espace économique francophone, Paris, Ellipses, 1996, 154 p.

CONAC (Gérard) et allii : La coopération multilatérale francophone, Conférences et débats, Paris, Economica, 1987, 377 p.

DANIEL (Valérie) : La francophonie au Viêt-nam, Paris, l'Harmattan, 1992, 141 p.

DENIAU (Xavier) : La francophonie, Paris, Presses Universitaires de France, Que sais-je ? 3ème édition 1995, 127 p.

GALLET (Dominique) : Pour une ambition francophone, le désir et l'indifférence, Paris, l'Harmattan, 1995, 1678 p.

Groupe de Recherche en Géolinguistique : Atlas de la Francophonie. Le Monde francophone, Paris, Editions Frison Roche, 1989.

LEGER (Jean-Marc) : La Francophonie : grand dessin, grande ambiguïté, Paris, Nathan, 1988, 242 p.

Ministère des Affaires Etrangères (France) : La francophonie de A à Z, Paris, Ministère de la Francophonie, 1990, 64 p.

TETU (Michel) : La Francophonie, histoire, problématique, perspectives, Paris, Guérin Universitaire, 1992, 428 p.

TETU (Michel) : Qu'est-ce que la francophonie ? Paris, Hachette-Edicef, 1997, 320 p.

D. - THESES ET MEMOIRES

KOTSONIS TROVA (Hélène) : Le statut juridique de l'action culturelle et linguistique de la France à l'étranger, thèse de doctorat en droit constitutionnel, Université Paris 2, 1990, 648 p.

NOUMA (Zanasouma Ro) : Radio France Internationale : instrument de la présence française dans le monde, thèse de doctorat en science politique : relation internationale, Lille 2, 1990, 552 p.


SAINT ROBERT JASTRAB (Marie-Josée de) : La politique de la France à l'égard de la langue française 1960/1994, doctorat en science politique : relation internationale, Institut d'études politiques, Paris, 1995, 785 p.

TRAISNEL (Christophe) : Opinion publique et francophonie, mémoire de science politique, Lille 2, juin 1996, 32 p.

E. - ARTICLES ET DOSSIERS DE PRESSE

Dossiers de presse

Agence de la Francophonie : En feuilletant la presse francophone, n° 91, février 1998, service Presse et Relations Publiques, Paris, Agence de la francophonie, 94 p.

Secrétariat général de la Francophonie : Revue de presse, premières retombées, n° 1, février 1998, Secrétariat général de la francophonie.

Revues

Agence de la Francophonie : Lettre de la francophonie, ACCT n° 105, octobre 1997, Paris, Agence de la Francophonie, 11 p.

Agence de la Francophonie : Lettre de la francophonie, ACCT n° 106, novembre/décembre 1997, Paris, Agence de la Francophonie, 19 p.

Association des écrivains de langue française : La littérature féminine d'expression française, Paris, ADELF, 1997, n° 22, 128 p.

Jeune Afrique, n° 2000-2001 du 11 au 24 mai 1999, 39e année.

Institut Français d'Haïti : Conjonction, Port-au-Prince, n° 193 à 197, années 1992 à 1997.

Journaux

Articles

BOURGI (Albert) : " La francophonie à la recherche d'un nouveau souffle ", Jeune Afrique, n° 1923, du 11 au 17 novembre 1997, p. 6.

BOURGI (Albert) : " Francophonie, le temps de la suspicion ", Jeune Afrique, n° 1925, du 25 novembre au 19 décembre 1997, p. 5.

CASTERAN (Christian) : " Quand les francophones font de la politique ", JAE, du 17 au 26 novembre 1997, p. 30/37.

FRETSCHER (Frédéric) : " Un intellectuel brillant et francophile ", Le Monde, 18 novembre 1997, p. 4.

GRANGE (Arnaud de la) : " Viêt-nam : la Francophonie en chantier ", Le Figaro, 14 novembre 1997, p. 3.

HARTMANN (Florence) : " Récit d'une vie ", Le Monde, 3 novembre 1997, p. 28.

JOUVE (Edmond) : " Monsieur Boutros-Ghali à l'ADELF ", Lettres et cultures de la langue française, Paris, ADELF, p. 105-108.

JOSSELIN (Charles) : " L'ambition francophone ", Le Monde, 12 novembre 1997, p. 13.

LIMAN (Zyad) : " La bataille de Hanoi ", Jeune Afrique, n° 1924, du 18 au 24 novembre 1997, p. 4.

MARTINI (Philippe) : " La Francophonie se veut aussi économique ", La Tribune, 14 novembre 1997, p. 8.

MASSOU (Assou) : " La francophonie, enfin une charte ", Jeune Afrique, 1er janvier 1997, p. 7.

PELLETIER (Real) : " Interview de Monsieur Boutros-Ghali sur la francophonie ", Al Ahram Hebdo, 26 mars/1er avril 1997, p. 18.

PERONCEL-HUGOZ (Jean-Pierre) : " Monsieur Boutros-Ghali approuve la dimension politique que se donne la Francophonie ", Le Monde, 4 décembre 1995, p. 5.

PERONCEL-HUGOZ (Jean-Pierre) : " La Francophonie veut être un acteur de la démocratisation ", Le Monde, 5 décembre 1997, p. 3.

PERONCEL-HUGOZ (Jean-Pierre) : " Boutros-Ghali, se dit prêt à devenir Monsieur Francophonie ", Le Monde, 22 mars 1997, p. 3.

PLACCA (Jean-Baptiste) : " Le français est-il menacé ? ", Jeune Afrique, du 5 au 11 novembre 1997, p. 4.

TREAN (Claire) : " La francophonie pourrait choisir Monsieur Boutros-Ghali comme secrétaire général ", Le Monde, 19 décembre 1996, p. 3.

TREAN (Claire) : " Les travaux préparatoires ont tourné à la foire d'empoigne ", Le Monde, 14 novembre 1997, p. 2.

TREAN (Claire) : " Le francophonie cherche à sortir de ses combats d'arrière-garde ", Le Monde, 14 novembre 1997, p. 2.

TREAN (Claire) : " Monsieur Chirac a ouvert le 7ème Sommet de la francophonie ", Le Monde, 15 novembre 1997, p. 3.

TREAN (Claire) : " Le rôle du secrétaire général à la francophonie est vivement contesté ", Le Monde, 18 novembre 1997, p. 5.

TREAN (Claire) : " Les ministres de la Francophonie se réconcilient avec Monsieur Boutros-Ghali ", 12 février 1998, p. 8.

VERNET (Daniel) : " Offensive de paix ", Le Monde, 31 octobre 1997, p. 7.

F. - NOUVEAUX SUPPORTS

" François Mitterrand et la Francophonie ", cassette vidéo réalisée par l'émission de télévision Espace Francophone, Paris, Institut pour la Coopération Audiovisuelle Francophone, ICAF, 1997.

" Le droit francophone ", législation, jurisprudence ", Délégation générale à la coopération juridique, Paris, ACCT, Disque optique compact.

" REDOSI ", 2ème édition, banque de données sur les thèses et les mémoires des pays francophones, Montréal, AUPELF-UREF, 1993.

La Francophonie sur le réseau Internet

- Agence de la Francophonie : Erreur! Signet non défini..

- AUPELF-UREF : http://www-refer.org.

- Haut Conseil de la Francophonie :

http://www-diplomatie.Fr/Frmonde/francop/hct.

- Radio France Internationale : http://www-rfi-Fr.

- TUS : Erreur! Signet non défini.adelf

- ADELF : http://www-nugale-org/O6/adelf.

TABLE DES MATIERES

Introduction générale 1

Première partie - Haïti, citadelle de la Francophonie 12

Chapitre I. - Littérature haïtienne et francophone 13

Section A. - Sur les traces de la France 13

1. - Formation de l'écrivain haïtien 13

2. - Influence des mouvements littéraires français 14

3. - Eloge de la France 18

Section B. - Métissage culturel 21

1. - Ambivalence de l'écrivain haïtien 21

2. - Haïtianisation du français et haïtianismes 21

Chapitre II. - Haïti et l'essor de la Francophonie 26

Section A. - Haïti et la Francophonie institutionnelle 26

1. - Dans les relations internationales 26

2. - Haïti, membre fondateur de l'ACCT 28

3. - Implantation des Alliances Françaises 30

Section B. - Vers le sommet par les sommets 31

1. - Le Sommet de Paris (1986) 31

2. - Les autres Sommets 32

3. - Des activités ponctuelles 33

Chapitre III. - La Francophonie au quotidien 36

Section A. - Francophonie, éducation et information 36

1. - Education 36

2. - Information 39

Section B. - Francophonie et promotion sociale 42

1. - Le français à tout prix 42

2. - Classes moyennes, masses et français 43

Seconde partie - Problèmes et perspectives 45

Chapitre I. - Les réactions hostiles 47

Section A. - Le nationalisme 47

1. - Les arguments 47

2. - Les motifs 48

Section B. - Les autres causes 49

1. - Populisme et démagogie 49

2. - L'amour-propre blessé 50

3. - Mépris du peuple haïtien 51

Chapitre II. - Les faiblesses objectives 53

Section A. - Les disparités 53

1. - Sur les plans économique et social 54

2. - Sur le plan culturel 55

3. - Sur le plan technologique 57

Section B. - L'américanisation 58

1. - Faiblesses de comportement 58

2. - Le poids des Etats-Unis 59

3. - En Haïti : l'anglais rivalise avec le français 60

Chapitre III. - Quelques recommandations 64

Section A. - Education et Francophonie en Haïti 64

1. - Le bilinguisme 64

a) - Amélioration de l'enseignement du français 65

b) - Valorisation du créole 66

2. - La communication 69

Section B. - Francophonie et développement d'Haïti 70

1. - Coopérer autrement 71

2. - Un environnement sûr et stable 73

Conclusion 75

Table des annexes 77

Bibliographie 94

Table des matières 105