A la mémoire de ma mère, Rachelle DESCARDES pour que, par
delà la tombe, elle sache que j'ai gardé une fidélité
exemplaire à son enseignement et que le rêve n'est pas brisé
A mes enfants Joëlle, Grégory et Fafart pour qu'ils gardent
espoir dans l'avenir de leur pays
A mes filleuls Donald Mackney, Dimitri Arn-Ly et Sherley
A mon jeune frère Arnoux et mes surs Marie-Rose, Névita
et Nativita en témoignage de ma plus profonde gratitude.
Ce travail n'aurait pas pu voir le jour sans l'aide
désintéressée de nombreuses personnes. Qu'on nous permette
de dire publiquement notre gratitude envers :
Le Professeur Edmond JOUVE, notre directeur de recherche.
Tous les professeurs de l'Université René Descartes Paris
V, en particulier Monsieur le Professeur CASSAN qui nous a encouragé
à réaliser cette recherche.
Nos camarades de promotion : L. BENAHI et Jean-Robert CONSTANT pour
leur appui moral.
Nos camarades de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne).
Mes frères Alphonse CHARLEMAGNE et Jordany ATHIS.
ACCT Agence de Coopération Culturelle et Technique
ADELF Association des Ecrivains de langue française
ADIFLOR Association pour la diffusion internationale francophone des livres, ouvrages et revues
AF Agence de la Francophonie
AFAL Association Francophone d'amitié et de liaison
AFI Année Francophone Internationale
AIMF Association Internationale des Maires et Responsables des capitales et métropoles partiellement ou entièrement Francophones
ASPELF Association française de solidarité avec les peuples de la langue française
AUPELF Association des universités partiellement ou entièrement de langue française
AUPELF-UREF Agence francophone pour l'enseignement supérieur et la recherche
CERES Centre d'étude et de recherche en socialisme
CIEF Centre international d'études francophones de la Sorbonne
CILF Conseil international de la langue française
CONFEJES Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports des pays d'expression française
CONFEMEN Conférence des Ministres de l'Education des pays ayant le français en partage
CPF Conseil permanent de la Francophonie
CPLF Conférence des peuples de langue française
CSA Conseil supérieur de l'audiovisuel
CSLF Conseil supérieur de la langue française
DLF Défense de la langue française
DGLF Délégation générale à la langue française
DGRCST Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques
FIPF Fédération internationale des professeurs de français
FMI Fond monétaire international
GATT Accord général sur les tarifs douaniers
HCF Haut Conseil de la Francophonie
LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence
NOEI Nouvel ordre économique international
NRF Nouvelle revue française
OEA Organisation des Etats américains
ONG Organisation non gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
ONUDI Organisation des nations Unies pour le dévelop-pement industriel
PFNSP Presses de la fondation nationale des sciences politiques
PMA Pays les moins avancés
PMS Pantone Matching System
PNUD Programme des nations Unies pour le développement
PUF Presses universitaires de France
RINT Réseau international de néologie et de terminologie
SAF Service des affaires francophones
UCTF Union culturelle et technique de langue française
UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization (Organisation des nations Unies pour l'éducation, la science et la culture)
Introduction 1
Première partie - Haïti, citadelle de la Francophonie 12
Chapitre I. - Littérature haïtienne et Francophonie 13
Section A. - Sur les traces de la France 13
Section B. - Métissage culturel 21
Chapitre II. - Haïti et l'essor de la Francophonie 26
Section A. - Haïti et la Francophonie institutionnelle 26
Section B. - Vers le sommet par les sommets 31
Chapitre III. - La Francophonie au quotidien 36
Section A. - Francophonie, éducation et information 36
Section B.- Francophonie et promotion sociale 42
Seconde partie - Problèmes et perspectives 45
Chapitre I. - Les réactions hostiles 47
Section A. - Le nationalisme 47
Section B. - Les autres causes 49
Chapitre II. - Les faiblesses objectives 53
Section A. - Les disparités 53
Section B. - L'américanisation 58
Chapitre III. - Quelques recommandations 64
Section A. - Education et Francophonie en Haïti 64
Section B. - Francophonie et développement d'Haïti 70
Conclusion 75
Située dans l'archipel des Antilles, l'île d'Haïti, avant
l'arrivée de Christophe Colomb et de ses compagnons espagnols, le
5 décembre 1492, hébergeait une civilisation amérindienne
représentée par cinq caciquats ou royaumes : le Marien,
la Maguana, le Xaraguah, le Higuey et la Magua. Assez tôt, les Espagnols
réduisirent les Aborigènes d'Haïti en esclavage. Contraints
aux travaux forcés dans les mines, les Indiens moururent en très
grand nombre. Leur décimation rapide entraîna l'importation
de Noirs venus d'Afrique.
La colonisation espagnole dura plus d'un siècle. Mais, au début
du XVIe siècle, l'île fut aussi la proie des corsaires
français et anglais que l'esprit de lucre avait poussé vers
le Nouveau Monde. Ainsi, pendant près d'un quart de siècle,
les Espagnols, les Anglais et les Français convoitèrent cette
île. La France, pour les besoins de sa politique, va donner une base
officielle à l'action de ses aventuriers. Elle y dépêcha
des représentants : Le Vasseur, De Fontenay, Du Rausset ou Bertrand
d'Ogeron qui sera considéré comme le colonisateur type par
excellence. Le traité de Ryswick (1697) mit fin aux rivalités
entre les grandes puissances de l'époque en cédant à
la France la partie occidentale de l'île devenue Saint-Domingue.
La colonisation française dépassa la colonisation espagnole
en atrocités et marqua de façon plus profonde la " Perle
des Antilles ". Après trois siècles de vicissitudes dans
la géhenne de l'esclavage, les va-nu-pieds de Saint-Domingue
arrachèrent leur indépendance à la Métropole.
Le 1er janvier 1804, à l'issue d'une épopée
sanglante, Jean Jacques Dessalines fonda le Premier Etat nègre du
monde et redonna au pays son nom indien : Haïti.
Ancienne colonie française, Haïti va garder la langue et la culture
françaises et restera profondément attachée à
la France. Un professeur français va jusqu'à affirmer
qu'" Haïti est un pays francophone, francophile et même
francolâtre ".
Le Docteur Price Mars faisait remarquer que " la communauté
nègre d'Haïti revêtit sa défroque de la civilisation
occidentale au lendemain de 1804. Dès lors, avec une constance qu'aucun
échec, aucun sarcasme, aucune perturbation n'a pu fléchir,
elle s'évertue à réaliser ce qu'elle crut être
son destin supérieur en modelant sa pensée et ses sentiments
à se rapprocher de son ancienne métropole, à lui ressembler,
à s'identifier à elle ".
Et des observations répétées autorisent à affirmer
que la culture française a fortement imprégné la
société haïtienne. Aussi, avons-nous cru nécessaire
de chercher des réponses suffisantes à quelques interrogations
fondamentales.
Quelle est la situation de la Francophonie à Haïti ? Quelle est la contribution haïtienne à l'essor de la Francophonie ? Haïti peut-elle tirer profit de la Francophonie ? Quels sont les défis et les difficultés à surmonter pour garder ou alimenter cette flamme francophone, en apparence, inextinguible ?
Pour répondre à toutes ces questions et à d'autres,
nous avons réalisé cette étude autour du thème :
la Francophonie en Haïti : Etat des lieux et
perspectives.
La démarche méthodologique retenue nous conduira, tout
d'abord, dans un chapitre préliminaire baptisé
" Introduction ", à retracer l'histoire de la Francophonie.
Puis, nous étudierons l'affirmation de l'identité francophone
haïtienne. Enfin, nous rendrons compte des défis à surmonter,
sans omettre de faire quelques recommandations susceptibles d'éclairer
les responsables pour une Francophonie plus large, plus fraternelle, plus
vivante en Haïti.
L'idée même de la Francophonie renvoie à la langue
française dont la naissance et le triomphe furent le résultat
d'un long processus. Au début, le latin fut la langue du Royaume.
Le premier livre d'histoire de France est rédigé en latin et
porte le titre de Historia francorum. Plus tard, dans les deux
moitiés de la France, il y eut la " langue d'oil " au nord
et la " langue d'oc " au sud. Il faut rappeler que la langue
française a reçu sa première consécration officielle
avec " les Serments de Strasbourg en 842, lorsque Charles le Chauve
et Louis le Germanique, les fils de Louis le Pieux décidèrent
de mettre fin à leur querelle d'héritage ". Mais c'est
seulement en 1539 que par décision politique, le roi François
Ier impose la francophonie légale. L'ordonnance de
Villers-Cotterêts de 1539 substitue le français au latin dans
les actes notariés et les jugements des tribunaux.
Voici un extrait de cette ordonnance :
" Et pour que telles choses (ambiguïtés ou incertitudes) sont souventes fois advenues sur l'intelligence des mots latins contenus ès dits arrêts. Nous voulons dorénavant que tous arrêts ( ) soit de nos cours souveraines ou autres subalternes, et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice ( ) soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel francoys et non autrement ".
François Ier
Le réformateur protestant Calvin édite en français
" l'Institution de la religion chrétienne ". Ambroise
Paré, chirurgien, publie en français. Et " enfin Malherbe
vint ". Avec lui, la langue française épurée connut
la puissance d'une expression simple, claire et limpide. D'autres ouvriers
du classicisme, Richelieu et Louis XIV, créent l'Académie
Française et normalisent le français, facilitant ainsi
l'éclosion des chefs-d'uvre des grands classiques comme Racine,
Molière, La Fontaine.
Le professeur Edmond Jouve a suivi le progrès de la législation
relative à la langue française : " Les mesures
concrètes n'ont pas manqué. Deux décrets sont publiés
le 14 janvier et le 2 octobre 1790. Le premier institue la traduction des
textes officiels dans les diverses langues de l'Etat, le second leur lecture
en français à la messe du dimanche. Une loi du 24 octobre 1793
et un décret du 26 octobre instituent les écoles primaires
d'Etat délivrant un enseignement uniquement en français. Le
17 décembre 1793, l'usage de l'allemand est interdit en Alsace. Le
27 janvier 1794, un décret institue la nomination, dans chaque commune
non francophone, d'un instituteur francophone. Enfin, un autre décret,
du 17 novembre 1794, dispose que " les écoles primaires seront
distribuées sur le territoire de la République. L'enseignement
se fera en langue française ".
" Au XIXe siècle, le français connaîtra
une ascension fulgurante. En 1832, la connaissance de l'orthographe est rendue
obligatoire pour accéder aux emplois publics (
). En 1921, Anatole
France le compare à une femme : " Et cette femme,
écrit-il, est si belle, si fière, si modeste, si hardie, si
touchante, si voluptueuse, si chaste, si noble, si familière, si folle,
si sage, qu'on l'aime de toute son âme, et qu'on n'est jamais tenté
de lui être infidèle "
Quant au mot Francophonie, il apparaît pour la première fois sous la plume de Onésime Réclus (1837-1916) dans son livre " France, Algérie et Colonies ", publié aux éditions Hachette en 1880.
" Nous mettons aussi de côté quatre grands pays, le Sénégal, le Gabon, la Cochinchine, le Cambodge dont l'avenir au point de vue francophone est encore très douteux sauf peut-être pour le Sénégal.
Par contre, nous acceptons comme francophones tous ceux qui sont ou semblent
destinés à rester ou à devenir participants de notre
langue : Bretons et Basques de France, Arabes et Berbères du
Tell dont nous sommes déjà les maîtres. Toutefois, nous
n'englobons pas tous les Belges dans la francophonie bien que l'avenir
des Flamingants soit vraisemblablement d'être un jour des
Fransquillons ".
Mais après lui, le mot " Francophonie " tomba dans l'oubli au profit du terme francité pour ne faire sa réapparition qu'en 1962 dans le Larousse de la langue française qui en donne la définition suivante :
" Collectivité constituée par les peuples parlant le
français ".
Le sens linguistique du mot s'élargit à d'autres domaines.
Ainsi, Xavier Déniau, dans son ouvrage publié en 1983 lui en
trouve quatre sens :
L'origine du substantif " francophonie " est l'adjectif
" francophone ". Son sens ne pose pas de problème ;
il signifie " qui parle la langue française " ou
" personne parlant le français ". Dans ce contexte linguistique,
la francophonie signifie " le fait d'être francophone ",
le fait de " parler français ".
Le deuxième sens du mot est également matériel,
géographique cette fois, et dérive du premier (
).
L'identité de langue fonde un ensemble géographique.
La francophonie ne désigne pas simplement une réalité
linguistique, géographique et sociale, mais également le sentiment
d'appartenir à une même communauté. Cette solidarité
naît du partage de valeurs communes aux divers individus et
communautés francophones.
L'ensemble des associations et organisations publiques et privées,
éventuellement une communauté plus vaste de concertation et
de coopération.
La Francophonie doit sa naissance ou du moins sa codification aux louables
efforts des Présidents Léopold Sédar Senghor du
Sénégal, le général de Gaulle de France et Habib
Bourguiba de la Tunisie. C'est à juste titre qu'ils en sont
considérés comme les Pères Fondateurs.
Aujourd'hui, la Francophonie est devenue une réalité tangible
et peut être définie comme " un mouvement qui vise à
transformer les liens linguistiques, culturels et historiques qui rapprochent
certains peuples, dans un ensemble politique et économique plus large
et qui se traduit par la mise en place d'institutions et de programmes
multilatéraux de coopérations ".
L'institutionnalisation de la Francophonie a été rendue possible grâce aux efforts des associations, des organisations qui ont travaillé à la promotion de la langue et de la culture françaises.
Le 21 juillet 1883 a été créée l'Alliance
française dans le but de " maintenir et d'étendre
l'influence de la France par la propagation de sa langue ". Elle a servi
à promouvoir et à enseigner le français sur tous les
continents. Aujourd'hui, cette association est présente dans une centaine
de pays et permet à plus de 240.000 étudiants de 140
nationalités d'apprendre le français, de se documenter ou de
parfaire leurs connaissances.
La Mission Laïque, fondée en 1902, s'est lancée
dans un vaste programme de construction et de gestion d'établissements
d'enseignements. Elle opta pour " l'association des cultures "
et axa son enseignement sur le biculturalisme avec la collaboration des
institutions locales. " Actuellement, 16 établissements sont
affiliés à la Mission Laïque Française et regroupent
au total plus d'un millier d'enseignants. Souvent détachés
par le gouvernement français, ils prodiguent leur savoir à
14.000 élèves. Environ 90 établissements enseignant
le français entretiennent des liens avec la Mission ".
La défense et la promotion de la langue française a été
aussi assurée très tôt par la Belgique. En effet, le
roi Albert Ier avait fondé dès 1920,
l'Académie Royale de langue et de littérature française
de Belgique. Cette Académie octroie des prix pour des travaux
consacrés à la littérature d'expression française
et s'intéresse, particulièrement, au développement de
la linguistique.
Le Canada emboîta le pas avec la création du Conseil de Vie
Française en Amérique qui voit le jour au Québec
en 1952. Les activités officielles du Conseil consistent à
établir un ensemble de programmes pour " promouvoir l'unité
des francophones d'Amérique du Nord dans leur diversité de
situation ", jouant ainsi le rôle de prestataire de services pour
les initiatives francophones outre-Atlantique.
En 1980, le président François Mitterand va donner une dimension politique à la Francophonie en travaillant à la tenue du Premier Sommet des Chefs d'Etats et de Gouvernements ayant en commun l'usage du français. Le rêve devient réalité : depuis 1986, le Sommet, organe suprême de la Francophonie, rassemble tous les deux ans les responsables francophones.
Après le Sommet de Paris (1986), il y eut le Sommet de Québec
(1987), le Sommet de Dakar (1989), le Sommet de Chaillot (1991), le Sommet
de l'Ile Maurice (1993), le Sommet de Cotonou (1995), le Sommet de Hanoi
(1997). Et actuellement, on travaille d'arrache-pied à la tenue du
Sommet de Moncton, prévu pour septembre 1999 qui doit fournir " aux
jeunes de la francophonie mondiale l'occasion de construire des bases solides
pour assurer leur avenir ".
Le suivi des Sommets est assuré par la Conférence
Ministérielle de la Francophonie (CMF) composée des ministres
des Affaires Etrangères ou de la Francophonie de tous les Etats et
Gouvernements partenaires. En 1991, la préparation des Sommets était
confiée au Conseil Permanent de la Francophonie (CPF) et sa
présidence assurée par le pays hôte. Mais depuis son
élection, c'est le nouveau Secrétaire général,
représentant politique de l'ensemble de l'espace francophone, qui
préside le CPF.
D'autres institutions méritent qu'on s'y attarde quelque peu.
L'Agence de Coopération culturelle et technique, créée
en 1971 à Niamey au Niger est devenue l'Agence de la
Francophonie. L'Agence s'est attachée à affirmer la place
de la francophonie dans le monde en nouant des relations étroites
avec les Nations Unies et d'autres grandes organisations internationales.
Aujourd'hui, elle est l'interlocutrice des pays du Sud auprès du PNUD,
de l'ONUDI, de l'UNESCO, de l'Union Européenne ou de la CEDEAO.
Depuis sa création en 1961, l'Association des Universités
partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF-UREF)
a uvré de façon significative pour assurer l'essor de
la Francophonie. Elle réalise des programmes d'échanges et
de coopération inter-universitaires, d'assistance technique,
d'organisations de stages, de colloques et subventionne des publications.
AUPELF-UREF, devenue depuis 1993 Agence francophone pour l'enseignement
supérieur et la recherche est présente dans 38 pays.
Pour promouvoir " le développement des échanges commerciaux,
industriels et technologiques au sein de l'espace francophone universel et
le renforcement de la coopération entre ses membres ", il est
créé depuis la Conférence de Québec de 1987,
le Forum des Affaires.
D'autres institutions donnent à la Francophonie une certaine
vitalité. On peut citer les TV5, les Conférences
interministérielles (CONFEMEN, CONFEJES) ou l'Université
Senghor d'Alexandrie.
Après avoir tenté de louables efforts dans les domaines de l'éducation et de la formation, de la communication audiovisuelle, de coopération juridique et judiciaire ou d'animation culturelle en milieu rural, les instances de la Francophonie ont arrêté un plan d'action à l'issue du VIIe Sommet tenu à Hanoi, le 16 novembre 1997.
Les grandes orientations de ces " programmes mobilisateurs " sont :
" Quand nos ancêtres se sont rendus indépendants en 1804
et qu'ils ont voulu faire connaître au monde, dans un acte
d'indépendance solennel, leur détermination de vivre à
jamais séparés de la France, c'est à la langue de leurs
anciens maîtres qu'ils recourent à cette fin (
). Ils
acceptaient ainsi, dans l'ensemble de l'héritage colonial, la langue
française ". Et nos écrivains ont produit une
littérature qui, malgré son caractère national, " peut
être incorporée à la grande littérature
française ". On peut considérer les uvres des
écrivains comme assurant la défense et la promotion de la
Francophonie.
1. - Formation de l'écrivain haïtien
Les premiers écrivains haïtiens ont fait leurs études
en France, sous la direction de professeurs français et dans des livres
écrits en français. Plus tard, ceux qui seront formés
en Haïti, iront pour la plupart en France parfaire leur formation. Rentrent
dans la première catégorie des écrivains comme :
Antoine Dupré, Juste Chanlatte, Jules Solime Milscent, Boisrond-Tonnerre,
Thomas Madiou, Joseph Saint-Rémy. Tous les autres, à quelques
rares exceptions, appartiennent à la seconde catégorie.
Mentionnons : Charles Séguy-Villevaleix, Massillon Coicou, Tertulien
Guilbaud, Louis-Joseph Janvier, Anténor Firmin, Alcibiade Pommayrac,
Georges Sylvain, Jean-Price Mars, Carl Brouard, Jacques Roumain, etc.
2. - Influence des mouvements littéraires
français
L'appellation même des mouvements littéraires haïtiens montre clairement les liens de parenté avec la littérature française.
Voici à titre illustratif la périodisation de la littérature haïtienne :
Il apparaît donc que les deux principaux mouvements littéraires
français (classicisme et romantisme) sont prédominants dans
les Lettres haïtiennes. Mais comme nous le montrerons plus loin, les
autres mouvements français, tels le Symbolisme, le Parnasse ou le
Surréalisme, n'ont pas laissé indifférents les
écrivains haïtiens.
Commentant Hymne à la Liberté du poète Antoine Dupré, le Docteur Pradel Pompilus et le Frère Raphaël Berrou, F.I.C. constatent :
" Il est facile de reconnaître le style pseudo-classique dans cet hymne. Dès le début paraît la périphrase "Dieu de nos ancêtres", "O toi de qui la chaleur fait exister tous les êtres", ainsi que le vocabulaire noble : "ma carrière", "auguste clarté" ".
Les autres poètes de cette époque restent aussi fidèles
à Jean-Baptiste Rousseau (1671-1741), Lebrun-Pindare (1729-1807) et
surtout l'abbé Delille (1738-1813) qui étaient les
représentants de la littérature pseudo-classique
française.
Le romantisme de Nau et de Coriolan Ardouin se rattache à celui de leurs modèles français, Lamartine, surtout. Les poètes de l'Ecole patriotique gardent une fidélité exemplaire à leurs maîtres français. Le plus célèbre d'entre eux, Oswald Durand ne le cache pas : " J'écris un sonnet à mon maître Coppée ".
Avec la Génération de la Ronde, l'imitation de la littérature française se transforme en un véritable impératif. Dans un article publié dans la revue Haïti littéraire et sociale du 5 février 1905, Ussol affirme : " Notre langue est française, françaises sont nos murs, nos coutumes, nos idées et, qu'on le veuille ou non, française est notre âme "..
Georges Sylvain, après avoir considéré la
littérature haïtienne comme " une branche détachée
du vieux tronc gaulois qui transplantée en terre tropicale produirait
des variétés nouvelles de fleurs et de fruits ", estime
que " de l'imitation des modes littéraires de Paris, il tend
à se dégager de plus en plus une poésie haïtienne
très raffinée, il y aurait quelque témérité
à le prétendre, tout à fait originale, je ne me hasarderais
pas encore à l'affirmer mais, en somme, vivante ".
Tous les poètes de la génération de 1946 se sont servis de Surréalisme pour faire éclater leur colère. Dans la Ruche, organe de la nouvelle génération, dirigée par René Dépestre, on peut lire : " André Breton a conquis nos curs, et il a rallié nos sympathies pour le surréalisme qui est non seulement une entreprise de libération des richesses psychiques du cerveau humain, mais aussi un mouvement antifasciste qui n'a jamais manqué d'affirmer sa fin dans les aspirations légitimes de l'homme vers la justice sociale et la liberté ".
Le surréalisme pensant que " le langage ne sert pas seulement à l'homme à exprimer quelque chose, mais aussi à s'exprimer lui-même " va inspirer les poètes haïtiens du temps qui s'interrogeront sur leurs origines, leur société et le monde qui les environne. Dans les numéros consacrés au " Surréalisme et Révolte en Haïti ", la revue Conjonction montre l'influence de ce mouvement et offre à la dégustation de ses lecteurs des textes de grands écrivains comme : Hamilton Garoute, Raymond Chassagne, Philippe Thoby-Marcelin, Georges Castera fils, René Philoctète, Anthony Phelps ou René Dépestre :
" Le sang a trahi chaque battement de mon cur
Le soleil s'est rendu sans tirer un coup de fusil
La lune est un ivrogne la pureté une légende
La mer n'est qu'un piège le ciel est un mensonge
L'amour a passé dans le camp ennemi
N'en parlons plus Recommençons le monde avec nos
seules ressources ".
Etablissant l'influence des systèmes littéraires français sur notre littérature, le professeur Joseph Désir écrit :
" D'ailleurs, c'est au contact des littératures d'Europe que
nos écrivains ont fait l'expérience de l'art d'écrire
et sont parvenus à perfectionner leurs talents. C'est donc avec fondement
qu'ils se sont réclamés des systèmes littéraires
éprouvés en France. En effet, dès l'époque des
pionniers, la mode consistait à demander aux classiques français
des thèmes, des goûts et critères littéraires,
des modes de pensée et d'expression. Par exemple, des classiques ils
ont appris le goût des allusions mythologiques, de la périphrase,
du mot noble et le sens de l'universel ; ils ont hérité
des romantiques le goût du pittoresque, de l'emphase, de
l'extraordinaire ; des parnassiens le goût des images
éclatantes, la pratique des genres à forme fixe, la hantise
de l'art gratuit, des symbolistes le secret des correspondances et des
symboles ".
On peut aussi faire remarquer que la littérature haïtienne a
connu une évolution analogue à celle de la littérature
française. En effet, celle-ci s'est renouvelée au
XIXe siècle, grâce à des écoles
successives, nées par opposition les unes aux autres. Par exemple,
le Romantisme s'est voulu l'antithèse du Classicisme, le Parnasse
à son tour a renié le Romantisme et le Symbolisme enfin s'est
insurgé contre le mouvement parnassien.
Chez nous, l'Ecole de 1836 s'est opposée aux Pionniers, l'Ecole
Patriotique pense que le Cénacle des Frères Nau et Ardouin
n'a pas tenu sa promesse de doter le pays d'une littérature autonome.
La Génération de la Ronde refuse la poésie trop militante
de leurs prédécesseurs et se propose d'écrire une
littérature franco ou humano-humaine qui puisse plaire à la
fois à tous les nationaux et à tous les francophones de la
terre. Le mouvement indigéniste condamnera cette ouverture, ce
relâchement de la corde nationaliste et traitera les confrères
de la Ronde de " poètes évadés " ou de
" poètes français égarés sur la terre
d'Haïti ".
3. - Eloge de la France
Si l'influence des écrivains français est manifeste sur la
littérature haïtienne, l'éloge de la France prononcé
par la plupart de nos écrivains, y compris des
" nationalistes " permet d'affirmer que cette influence est voulue,
recherchée même.
Etzer Vilaire, le plus grand poète du plus grand mouvement littéraire haïtien, après avoir condamné le réalisme primaire de ses devanciers qui recherchaient " un palmiste au bout de méchantes rimes, dans des vers décousus où le bon sens et la langue française sont tour à tour et quelquefois en même temps violés avec une fougue toute tropicale ", dévoile le grand rêve de sa vie :
" C'est l'avènement d'une élite haïtienne dans l'histoire littéraire de la France, la production d'uvres fortes qui puissent s'imposer à l'attention de notre métropole intellectuelle ; faire avouer que nous n'avons pas toujours démérité d'elle ( ). Et mon chagrin le plus profond, c'est de voir à quel point mes compatriotes s'écartent de ce haut idéal, dans leur désir irréfléchi d'improviser une littérature autonome. Ils ne s'aperçoivent pas qu'à force de rechercher une originalité de surface et factice, d'imprimer un caractère de réalisme purement local, étroit et banal à des uvres impuissantes et avortées, ils mettent à la mode un langage bâtard qui n'est tout à fait le patois créole, ni surtout du français ".
" Etzer Vilaire s'enorgueillit de partager avec les représentants de la France littéraire, "l'amour du nom français", "le culte de notre aïeule intellectuelle", et de faire de la France "notre Patrie idéale" ".
Antenor Firmin, auteur de " L'Egalité des races humaines ", fait l'éloge du français comme langue de culture et de civilisation :
" Toutes les plus belles conceptions humaines n'ont été aucune part exprimées d'une façon plus pénétrante que dans le livre français ".
Dans Haïti et ses visiteurs, le Docteur Louis-Joseph Janvier n'est pas moins enthousiaste :
" Si pour la race noire, Haïti c'est le soleil se levant à
l'horizon, c'est parce que la France est la capitale des peuples et
qu'Haïti, c'est la France noire ".
Dantès Bellegarde se révèle lui aussi un défenseur intraitable de la langue française, donc de la Francophonie :
" Si la langue française n'est pas la première du monde au point de vue du nombre des personnes qui la parlent, elle est sans conteste l'idiome dont la connaissance importe le plus aux gens cultivés de tous les pays. Par la richesse de son vocabulaire (philosophie, science, médecine, droit, théologie, critique), par ses qualités supérieures de clarté, de précision et de souplesse ; elle mérite le nom de "langue de civilisation". Ces qualités, qui l'ont fait considérer comme la langue diplomatique par excellence et la maintiennent aujourd'hui comme l'un des deux idiomes officiels des Nations Unies, lui ont également assuré une diffusion mondiale Nos programmes scolaires font à l'anglais et à l'espagnol une place légitime parmi les matières obligatoires de l'enseignement des lycées et des écoles normales : des nécessités politiques, commerciales et culturelles rendent désirable la diffusion de ces langues en Haïti. Mais ce n'est pas une raison pour que nous portions atteinte aux droits imprescriptibles de la langue française que nos constitutions ont toujours respectée, parce qu'elle est à la base de notre vie morale et qu'elle constitue l'une des assises spirituelles de la nationalité haïtienne ".
SECTION B. - METISSAGE CULTUREL
1. - Ambivalence de l'écrivain haïtien
En oscillant entre la civilisation africaine et la civilisation latine, la société haïtienne est traversée par un grave conflit de cultures. L'écrivain haïtien doit-il se résigner à écrire dans une langue qui n'est pas celle de la majorité de la Nation ? Malgré sa fidélité à ses origines africaines, peut-il renoncer à la France sans en ressentir une amputation de son génie ? Ces interrogations fondamentales le bouleversent. Le poète Léon Laleau traduit l'état d'âme de ses pairs ; il se croit coupable en choisissant le parti de l'ancienne Métropole :
" Le cur obsédant, qui ne correspond
Pas avec mon langage et mes costumes
Et sur lequel mordent, comme un crampon
Des sentiments d'emprunt et des coutumes
D'Europe, sentez-vous cette souffrance
Et ce désespoir à nul autre égal
D'apprivoiser, avec des mots de France
Ce cur qui m'est venu du Sénégal ? ".
2. - Haïtianisation du français et
haïtianismes
Pour contourner ce dilemme, faute de pouvoir le résoudre entièrement, l'écrivain cherchera son équilibre en utilisant la langue française pour exprimer des idées et des aspirations propres à sa collectivité en attendant la maturité qui garantira le métissage culturel.
L'uvre des Pionniers cherche à entretenir chez tous les Haïtiens la même ardeur combative qui animait nos aïeux. Les thèmes dominants sont la liberté et l'indépendance.
" Si quelque jour sur tes rives
Que leurs hordes fugitives
Servent d'engrais à nos champs ".
Après la reconnaissance de notre indépendance par le roi Charles X, en 1825, cette littérature héroïque, chevaleresque et militante cède le pas à une littérature nationale. Il s'agit désormais de chanter " l'âme de son pays ". Emile Nau, théoricien de l'Ecole de 1836, apprend aux poètes de son Cénacle que :
" La poésie pour vous est en vous et chez vous ".
Les poètes de l'Ecole patriotique chanteront la patrie, célébreront les beautés de la race ou les charmes de notre nature :
" C'est là, mon île bien-aimée
Où la nature est animée
( ) Dans ses forêts, aucun danger !
Pour la soif, voici l'oranger
Et le noir dit à l'étranger :
"Entre, assieds-toi, tu peux manger" ".
Le métissage culturel débute véritablement avec les
Romanciers de la Ronde : Frédéric Marcelin, Fernand Hibbert,
Justin Lhérisson ou Antoine Innocent.
La langue de Marcelin est truffée de termes locaux. Dans Thémistocle Epaminondas Labasterre, son premier roman, on lit :
" Le père Ladouceur, avec un licol, fait à l'âne
une babouquette, sorte de nud à tours
répétés sur la tête ou dans la bouche de
l'animal " (p. 32), " vous serez moins "banda"
(élégeant) que les autres qui sont en vernis (p. 48) ou
" celui qui vous conseille d'acheter un cheval à gros ventre
ne vous aide pas à le nourrir dans la sécheresse " (p.
13).
Fernand Hibbert recherche aussi des haïtianismes :
" M. le sénateur Jean-Baptiste Rorrotte calait un ouest
(somnoler) en attendant le déjeuner.
Justin Lhérisson, auteur de deux " audiences ", " La famille Pititecaille " et " Zoune chez sa ninnaine " a réussi le tour de force de colorer le français de Paris sur la terre haïtienne. En plus des titres évocateurs de ses deux uvres précitées, il donne à ses personnages des noms assez bouffons : Boutenègre, général Borôme, colonel Cadet Jacques, Fré Truyélampe et leur fait parler le langage de leur condition sociale.
Malgré ces louables efforts, il a fallu attendre le mouvement indigéniste pour voir triompher le métissage culturel.
Le poème " Marabout de mon cur " d'Emile Roumer peut être cité à titre d'exemple. En voici un extrait :
" Marabout de mon cur au sein de mandarine
tu m'es plus savoureux que crabe en aubergine
Tu es un afiba dedans mon calalou,
le domboeuil de mon pois, mon thé de
z'herbes à clou
Tu es le buf salé dont mon cur est la couane
L'acassan au sirop qui coule en ma gargane "
Je suis Guédé-Nibo
Je danse sur votre table
Sobadi Sobo Kalisso
La danse obscène de mes lampes
Sobadi Sobo Kalisso
( ) Je suis Azaka-Médé
Ministre Zaka-Médé
Azaka-Tonnerre
Général Zaka-si
Azaka-Tombo-Vodoun ".
" En trouvant un langage qui ne considère pas les valeurs
privilégiées de la culture française comme des
archétypes normatifs pour la culture haïtienne, Dépestre
a donné au lecteur occidental une connaissance concrète des
différences qui séparent ces deux mondes culturels et a
évité également de trahir son moi profond ".
Auguste Viatte a raison d'écrire que " la francophonie n'apparaît plus comme un mimétisme, mais comme une synthèse où les cultures, par l'intermédiaire d'une langue commune, s'enrichissent mutuellement ".
SECTION A. - HAITI ET LA FRANCOPHONIE
INSTITUTIONNELLE
Dans la moitié occidentale de l'île de Saint-Domingue devenue
française en 1697 (Traité de Ryswick) et indépendante
depuis 1804, le français était jusqu'en 1987 la seule langue
officielle du pays. Malgré l'influence des Etats-Unis d'Amérique
du Nord et l'environnement hispanophone, Haïti a gardé jalousement
son amour de la langue française et peut être considérée
comme un artisan de l'essor de la francophonie. Son apport à la langue
et la culture française est indéniable.
1. - Dans les relations internationales
Premier Etat nègre du monde, la République d'Haïti ne
limita pas son action politique à ses seuls ressortissants. Elle se
constitua le phare de la race noire. Durant longtemps, les réunions
internationales n'eurent que des Haïtiens comme représentants
de race noire avec l'utilisation du français comme langue de travail
obligatoire.
On ne peut passer sous silence la précieuse contribution d'Haïti pour faire admettre le français aux Nations Unies, à côté de l'anglais et de l'espagnol. En effet, c'est la Délégation haïtienne à la Conférence de San Francisco, en 1945, qui mena un combat sans merci auprès des pays du Sud pour obtenir leur soutien et imposer le français comme langue de travail dans toutes les activités de l'Organisation, nouvellement créée. On rapporte que l'intervention du Représentant haïtien, le grand tribun Emile Saint-Lot avec un exposé des motifs, fut si brillante, si éloquente et si convaincante que Monsieur Paul Boncour et toute la délégation française lui firent une ovation indescriptible. Les auteurs André Reboullet et Michel Tétu confirment :
" Sur le plan international, il faut rappeler - reconnaissance oblige
- que l'entrée d'Haïti à l'Union panaméricaine,
l'actuelle O.E.A. (Organisation des Etats américains), a permis au
français de devenir l'une des langues officielles de libération
de cet organisme ; et que lors de la fameuse conférence de Bretton
Woods, où l'utilisation du français comme langue de travail
à l'Organisation des Nations Unies naissante ne fut décidée
que par une voix de majorité, Haïti avait voté en faveur
de cette décision ".
Dans le domaine de la coopération internationale, l'apport de la République d'Haïti est tout aussi remarquable. Elle se mit au service des Nations Unies pour l'aider à réaliser ses projets au bénéfice des nouveaux Etats francophones qui venaient d'accéder à l'Indépendance, au tournant des années 1960. Ainsi Haïti fut-elle un réservoir de cerveaux. Médecins, enseignants, juristes, agronomes, furent présents là où le devoir ou la conscience de leur appartenance francophone leur commandait d'être. Aujourd'hui encore, nombre de pays de l'Afrique francophone vouent une grande admiration à leurs congénères haïtiens.
Enfin, la présence haïtienne fut remarquée dans les organisations internationales comme l'Organisation des Nations Unies (ONU), la FAO, l'OMS ou l'UNESCO.
Hospitalier, serviable, dévoué et désintéressé,
le peuple haïtien ne cesse de prouver au monde entier sa quête
d'un monde meilleur de paix, de justice et de fraternité humaine.
2. - Haïti, membre fondateur de l'ACCT
Pour mener à bien sa noble mission, la Francophonie dut tisser des
liens étroits et serrés avec ses différents membres
de façon à mettre sur pied un " réseau de collaboration
fonctionnel entre partenaires qui ont tous des intérêts
vitaux ".
Dans cette perspective, le 17 février 1969, les représentants des gouvernements de 28 pays francophones se réunissaient à Niamey, au Niger, pour jeter les bases d'une grande association. André Malraux, alors ministre de la Culture, prononça un de ses grands discours où il célébra à travers la Francophonie " la culture de la fraternité ". Il assura les participants de l'appui total et sincère de son pays à un projet porteur d'espérance.
Le 20 mars 1970, de nouveau à Niamey, une entente finale est signée
par les représentants de 21 gouvernements qui vont devenir les membres
fondateurs du nouvel organisme. Haïti ne tarda pas à rejoindre
le groupe.
Baptisée Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT),
la nouvelle organisation internationale s'est donnée pour but de
promouvoir et de diffuser les cultures des Hautes Parties contractantes et
d'intensifier la coopération culturelle et technique entre elles.
Elle se veut l'expression d'une nouvelle solidarité et un facteur
supplémentaire de rapprochement des peuples par le dialogue permanent
des civilisations.
Seule organisation intergouvernementale de la Francophonie, l'Agence de Coopération Culturelle (ACCT) représentait à l'époque le premier maillon de la Francophonie institutionnelle avant d'être progressivement intégrée à la nouvelle structure mise en place avec l'avènement des Sommets.
A partir du Sommet de Québec en 1987, l'Agence a été véritablement intégrée au dispositif institutionnel de la Francophonie et chaque Sommet a vu le renforcement de son rôle.
L'Agence de Coopération et Technique (ACCT) est devenue l'Agence de
la Francophonie qui travaille à assurer la présence et la
vitalité de la Francophonie au sein des grands forums de
négociations internationales. Elle est
" accréditée " auprès des Nations Unies à
New York et à Bruxelles auprès de l'Union Européenne.
3. - Implantation des Alliances françaises
L'Etat haïtien a toujours facilité l'implantation de structures
pour maintenir et étendre l'influence de la langue et de la culture
françaises en Haïti. Dans ce chapitre, nous parlerons des Alliances
françaises.
Dans chaque chef-lieu de département, il existe une Alliance
française. Dans la plupart des cas, les locaux sont offerts par la
Municipalité et des bénévoles haïtiens collaborent
généreusement au succès de l'entreprise. Avec une direction
haïtienne supervisée par un coopérant français,
ces Alliances organisent des bibliothèques publiques garnis en livres
de tous genres, enseignent la langue et la civilisation françaises,
et offrent des activités culturelles où la culture nationale
est valorisée. Parfois, on y apprend aussi l'art dramatique, le chant
et la danse.
Un responsable de l'une des Alliances françaises en Haïti a vanté l'utilité de cette association qui facilite la pratique du français. Les instituteurs et institutrices bénéficient d'une formation permanente. Et chose curieuse : les premiers cours d'initiation à la langue et à la grammaire créoles ont débuté dans ce cercle. Des bourses de courte durée sont octroyées aux membres qui permettent aux bénéficiaires de visiter la France et de faire la pratique de la langue française.
SECTION B. - VERS LE SOMMET PAR LES SOMMETS
La contribution haïtienne à l'essor de la Francophonie peut
être aussi établie par les soins que la République
d'Haïti met - malgré les contraintes de toutes sortes - à
participer aux Sommets.
1. - Le Sommet de Paris (1986)
La préparation de la Conférence fut confiée à
un groupe de représentants personnels des chefs d'Etat et le gouvernement
de pays représentatifs des diverses grandes régions du monde
utilisant la langue française. La mission était de définir
les objectifs de la Conférence, de déterminer les thèmes
de travail et un projet d'ordre du jour et de proposer une méthode
afin de faciliter le déroulement des travaux.
Haïti fut représentée au sein du Comité
préparatoire par Monsieur Paul-Emile Dorsainvil, Premier secrétaire
à l'ambassade d'Haïti en France et au Sommet par le professeur
Rosny Desroches, ministre de l'Education Nationale.
La délégation haïtienne demanda " aux différents chefs d'Etat et de gouvernement ( ) d'apporter leur soutien moral, politique et économique au Conseil national de gouvernement et au peuple haïtien en vue de les aider à jeter les bases d'un Etat véritablement démocratique. En particulier, elle sollicite leur voix pour soutenir la candidature d'Haïti au Caricom (Marché commun caraïbéen) et aux bénéfices des accords de Lomé ".
Le représentant haïtien expliqua que sans l'appui des peuples amis, Haïti ne pourra pas résoudre ses graves problèmes économiques et donner sa vraie mesure aussi bien dans le concert des pays d'expression française que dans la communauté internationale.
Rappelons au passage que ce Sommet a eu lieu quelques jours après
la chute de Jean-Claude Duvalier qui avait mis frein au règne trentenaire
des Duvalier père et fils (1957-1986).
2. - Les autres Sommets
Fidèle à la Francophonie, la République d'Haïti sera présente aux autres sommets.
Monsieur Yvon Perrier, ministre des Affaires Etrangères, présida la délégation haïtienne, à Dakar au Sénégal, du 24 au 26 mai 1989. Il rappela que " notre choix est clair : la République d'Haïti sans renier ses racines africaines ni ses valeurs culturelles propres, veut être chaque jour davantage le relais privilégié de la francophonie dans les Caraïbes ".
A la quatrième Conférence tenue à Chaillot du 19 au 21 novembre 1991, la République d'Haïti a été représentée par son président constitutionnel (chassé du pouvoir par un coup d'Etat militaire). Le Sommet prit la Résolution n° 5 qui " condamne énergiquement ce renversement violent et illégal qui prive le peuple haïtien du libre exercice de ses droits démocratiques ".
A l'Ile Maurice (du 16 au 18 octobre 1993) et à Cotonou (du 2 au 4 décembre 1995), la participation haïtienne a été assurée respectivement par Madame Claudette Werleigh et Monsieur Fritz Longchamp, ministres des Affaires étrangères.
Enfin, à Hanoi, l'ambassadeur Etzer Charles en poste à l'UNESCO lut le message de Monsieur René Préval, Président de la République, qui " malheureusement pour des raisons politiques internes n'a pas pu être présent ( ) il est tout simplement occupé à mettre en place un nouveau gouvernement ".
Le message présidentiel rappelle à la bienveillante attention
des organisateurs de la Conférence " l'ardent souhait exprimé
par la République d'Haïti (
) d'accueillir en 2001 le
neuvième Sommet ".
3. - Des activités ponctuelles
A l'initiative de son dynamique doyen, le professeur Pierre Vernet, la Faculté de Linguistique Appliquée célèbre la journée de la Francophonie.
Il raconte avoir initié timidement en 1993 les festivités pour marquer la date du 20 mars retenue à travers le monde comme la Journée de la Francophonie par une conférence autour du thème " Francophonie et Mondialisation ". Mais depuis 1995, chaque année est célébrée en Haïti " la semaine de la Francophonie ". Ces activités sont organisées et supportées par la Faculté.
En octobre 1996, il sollicita et obtint l'appui de l'Ambassade de France,
l'ambassade du Canada, des représentants de la Suisse, de la Belgique
et de certains pays africains. Aujourd'hui, il compte parmi ses supporters
une vingtaine de partenaires dont quelques universités et maisons
de commerce.
La Faculté de Linguistique Appliquée réalise aussi des
concours de textes français pour les élèves de
Troisième et Seconde des lycées et collèges d'Haïti.
Un second concours de niveau plus élevé est destiné
aux étudiants des première et deuxième années
des universités. Les lauréats sont récompensés
d'un voyage en France dont les frais sont assumés par l'Ambassade
de France en Haïti. Cette année l'un des lauréats du concours
a pu partir pour le Canada où il participera au Concours international
d'orthographe.
La semaine de la Francophonie donne lieu à de nombreuses conférences, expositions d'ouvrages et émissions radiophoniques.
Il faut aussi souligner que Monsieur Pierre Vernet est membre du Comité
scientifique du RINT. A ce titre, il s'enorgueillit d'avoir contribué
avec d'autres chercheurs, à offrir à la langue française
des mots techniques pour remplacer le vocabulaire anglais qui avait envahi
et monopolisé le domaine de l'informatique.
On ne peut pas passer sous silence le travail de l'Institut Français d'Haïti qui organise des projections cinématographiques, des expositions de peinture, édite une revue " Conjonction " et propose des cours de français. L'Institut gère une bibliothèque assez garnie d'ouvrages en tous genres.
De l'indépendance (1804) à 1987, le français fut
la seule langue officielle de la République d'Haïti, donc la
langue de l'enseignement, de la justice, de l'administration et de la
quasi-totalité de la presse écrite, parlée et
télévisée.
INFORMATION
1. - Education
Dantès Bellegarde, ancien ministre de l'Instruction publique, n'allait
pas par quatre chemins : " Notre choix est fait : c'est dans
les voies de la civilisation française - conçue dans sa
pureté première - que nous voulons marcher ".
Pour comprendre la place accordée à la civilisation française
dans l'éducation haïtienne, il faut interroger l'histoire de
ce pays : la colonisation française avait marqué de
façon indélébile la société haïtienne.
Après l'indépendance les premiers professeurs étaient
des Français et les fondateurs des premiers établissements
d'enseignement classique furent des Haïtiens nouvellement arrivés
de Paris. Nous citerons, entre autres, Jonathas Grandville et Charles
Hardy.
Le gouvernement d'Alexandre Pétion qui voulait répandre
l'instruction, fonda à Port-au-Prince, en 1816, un lycée qui
porte son nom. Il en confia la direction à un français, M.
Ballet. Le président Geffrard, après avoir travaillé
sans relâche pour le rétablissement des relations entre Haïti
et le Vatican, réussit là où ses prédécesseurs
avaient échoué. Le 1er avril 1860, le document du
Concordat signé le 28 mars, est ratifié par le Sénat.
De cette époque date l'arrivée des premières
congrégations religieuses (les Frères de l'Instruction
Chrétienne et les Surs de Saint-Joseph de Cluny) qui vont dispenser
un " enseignement de qualité en français ". Plus
tard, arrivèrent les Frères du Sacré-Cur du Canada,
francophones unilangues.
Dans ces écoles comme dans celles qui verront le jour dans la suite sous la direction de nationaux ou dans les écoles publiques créées par l'Etat, le français sera l'unique langue d'enseignement. Dans les " règlements intérieurs " de tous les établissements d'enseignement publics ou privés, il sera consigné : " Le créole est formellement interdit ".
L'élève surpris en flagrant délit de parler le créole est puni. La peine peut aller jusqu'au renvoi. Cette situation persista jusqu'en 1979, date à laquelle le Gouvernement de la République conscient du nombre élevé d'échecs scolaires décida que " l'usage du créole en tant que langue parlée par 90 % de la population haïtienne est permis dans les écoles ". (C'est nous qui soulignons " permis ").
Quant à l'université, la situation était plus grave.
D'ailleurs, celui qui ne maîtrise pas le français n'est pas
apte à poursuivre des études. Le français fut aussi
la langue de l'Eglise catholique qui recrutait les futurs religieux parmi
ceux ayant une belle écriture, une bonne orthographe et une parfaite
élocution en français.
Cet attachement aux valeurs culturelles françaises était bien sincère. Pour le prouver, nous allons offrir une " revue de la presse " quand, au tournant des années 80, le Gouvernement voulu introduire le créole dans l'enseignement primaire fondamental (sans modifier le curriculum en français dans le secondaire ou à l'université).
- " ( ) La culture nationale risque de sombrer dans la médiocrité ( ). Au moins trois des plus belles parures de l'université d'Etat, Docteur ès-Lettres de la Sorbonne viennent directement des bourgs et sont donc considérés comme les fils de ruraux ( ) ". (René Piquion, écrivain, directeur de l'Ecole Normale Supérieure) in Le Nouveau Monde du 19 février 1982).
- " ( ) Nous n'avons qu'une langue : le français, notre langue officielle, presque notre langue maternelle ". (Ernest Bennett, industriel et père de Michèle Bennett, épouse de Jean-Claude Duvalier, Président de la République, in Le Nouveau Monde du 28 février 1982).
- " ( ) L'affaire risque de diviser le pays tout entier, portant des époux à s'entre-déchirer et de vieux amis à se retirer le salut ". (Louis Moravia, journaliste in Le Matin du 19 mars 1982).
- " ( ) Notre créole s'arrête à nos frontières. Combien nous Haïtiens sommes fiers d'exhiber nos connaissances dans la langue de Voltaire " (Alphonse Cameau, journaliste in Le Matin du 22 mars 1982).
- " Le créole a des possibilités insoupçonnées de devenir une langue de culture ( ). Mais le français demeure un facteur de promotion sociale. La réforme telle que je la vois maintenant est une sorte de despotisme au détriment de l'intelligence. La raison me prescrit d'être contre cette réforme " (Aubelin Jolicoeur, journaliste, in Le Nouvelliste du 16-18 avril 1982).
Pour finir, voici un extrait d'une lettre ouverte adressée au Président de la République :
- Les parents prennent position
" Si d'aventure ce programme miracle se révélait être
un nouvel échec (
). Dès lors, Excellence, ceux-là
qui se posent aujourd'hui en sauveteurs des petits Haïtiens seront prompts
à s'éclipser (
). Alors, Excellence, l'Histoire, à
tort, pointera du doigt Votre Gouvernement comme Responsable de la perte
de toute une génération " (Le Matin, 24 mars 1982).
2. - Information
En Haïti, les journaux, périodiques et revues édités
en France ou purement et simplement d'expression française ont leur
côte. Dans les années cinquante et jusqu'à une période
assez récente, les Haïtiens se passionnaient pour
" Paris-Match ". Avec une pointe teintée de snobisme, les
gens de la couche bourgeoise qui se réclamaient à tort ou à
raison de la classe des intellectuels se faisaient un devoir de s'abonner
à cette revue. Vers la même période, la version
française de la revue " Sélection "
éditée au Canada avait droit de cité ainsi que la revue
" Historia ".
La campagne d'Haïti pour sa participation à la Coupe du Monde
où finalement elle a eu à prendre part à celle
organisée en Allemagne en 1974, devait assurer le rayonnement de
" France Football ". Dans les librairies, les points de vente de
magazines et revues (kiosque et tabac sont deux vocables pratiquement
inemployés en Haïti) on se faisait le devoir d'acheter " France
Football " pour être au courant des dernières informations
relatives au ballon rond. Et continue cet engouement pour cette revue car
plus que jamais les Haïtiens sont maintenant très
intéressés au championnat de la Ligue, à l'UEFA et à
la dynamique des transferts et mutations dans les grands clubs
européens.
Tout intellectuel haïtien qui se respecte est abonné quelque
part à " Express ", " Le Monde Diplomatique ",
" Nouvel Observateur ". Ces journaux et revues leur permettent
à partir de leur contenu géopolitique et géostratégique
de faire le point sur certains événements chauds de la
planète. " Jeune Afrique " est une revue également
très populaire en Haïti et s'enlève tous les week-ends
comme du pâté chaud dans les différents points de
vente.
Le monde de l'audiovisuel francophone est aussi important en Haïti.
Depuis quelque temps, sur le coup de 14 heures (heure d'Haïti, il faut
compter le décalage horaire), le journal télévisé
de la deuxième chaîne française est retransmise en direct
à travers Télé Haïti. On est au courant comme les
Français de ce qui fait l'actualité au jour le jour.
La télévision canadienne TV5 est à l'honneur car son
émission " Le Point " est relayée quotidiennement
par une des nombreuses stations de télévision de la capitale
haïtienne. Par cette période où sévit
l'insécurité grandissante, les gens ne pouvant pas participer
aux soirées mondaines n'ont que la télévision comme
distraction, à côté de l'audition de chansonnettes
françaises. Céline Dion, Bruno Pelletier, Michel Sardou, Mireille
Mathieu, Frédéric François
sont très
connus en Haïti et bien prisés de la population tant de l'élite
que de la classe moyenne. Ces chansons sont également captées
directement sur les ondes de RFI qui est la station de radio
étrangère la plus populaire devançant ainsi " La
Voix de l'Amérique " en dépit même de certaines
émissions en créole.
On assiste aussi à l'émergence en Haïti de nouvelles stations
de radio, de nouvelles chaînes de télévision. Selon Jean
Ary Céant, Directeur général du Conseil national des
télécommunications (CONATEL), il y aurait en Haïti quarante
trois stations de radios en FM, dix-huit stations de téléviseurs
et vingt-six stations de radio émettant sur la bande AM. Toutes ces
stations de radios et chaînes de télévision font une
large part aux émissions culturelles où la langue et la
littérature françaises sont à l'honneur. Des interventions
ponctuelles des membres de l'intelligentsia haïtienne sur la peinture,
l'art, les articles de revues et journaux français, les thèmes
littéraires d'actualité
sont également
enregistrées.
SECTION B. - FRANCOPHONIE ET PROMOTION
SOCIALE
1. - Le français à tout prix
Langue de la justice et de l'administration, le français est perçu
comme un outil de promotion sociale. Sans vouloir commenter les opinions
citées plus haut et opiner sur le débat de la Réforme
de l'Enseignement proposé en 1979, nos observations nous mettent
d'affirmer que les parents étaient très hostiles à
l'idée. Ceux qui n'avaient pas la chance de fréquenter
l'école se sacrifiaient pour permettre à leurs enfants d'apprendre
le français. A l'époque (et cela n'a pas vraiment changé),
les correspondances, les circulaires, les convocations, les jugements et
même les mandats de comparution étaient rédigés
en français. La maîtrise du français garantissait un
emploi dans l'administration publique et privée. Cette réforme
initiée par ceux qui parlaient correctement le français,
interdisaient le créole chez eux et dont les enfants étudiaient
à l'étranger (France ou Canada) a été vue comme
une injustice supplémentaire faite à des catégories
sociales défavorisées. Les masses craignaient que leur
progéniture soit écartée de la gestion de la chose publique
ou n'ait une égalité de chance. Leurs appréhensions
étaient d'autant plus justifiées que la Réforme n'a
débuté que dans les écoles publiques. Deux frères
étudiaient dans des livres différents selon qu'ils étaient
dans une école nationale ou une école privée.
Au-delà de toute prise de position, il faut reconnaître que le français en Haïti ouvre des portes. Pour s'en convaincre, voici deux opinions que nous avons notées en relisant des documents d'époque. La première est du Docteur Nemours Auguste, lauréat de la Faculté de Médecine de Paris et date de 1909. La seconde de Madame Rose-Marie Perrier, elle date de 1982. Elles recouvrent donc une longue période marquée par la même tendance.
" Dans le miracle de notre indépendance et dans le tumulte de nos origines, la fortune complaisante nous a laissé deux outils : une lange ( ) une doctrine. Gardons-les précieusement de la rouille du temps et de la moquerie des incrédules ",
et, "
dès qu'un homme prononce un seul mot du bon
français, tout le monde accourt, forme un cercle autour de lui et
reste suspendu à ses lèvres non sans laisser échapper
cette exclamation : "il parle français, c'est merveilleux". Alors,
alors seulement, il devient une vraie fureur, une véritable "lamayotte"
(boîte à surprise) ".
2. - Classes moyennes, masses et français
On aurait tort de croire que le français est apprécié de la seule élite minoritaire qui le parle avec élégance. Les classes moyennes aspirant à une promotion sociale y attache un très grand prix. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le rapport du Conseil de la Francophonie relatif à Haïti dans " Etat du français dans le monde, en 1993 ".
" En dehors d'une élite francophone universitaire, formée dans les universités françaises ou québécoises, le français est rarement utilisé de façon courante, le créole restant la langue de communication. La bourgeoisie haïtienne utilise toujours le français mais elle est de plus en plus culturellement tournée vers les Etats-Unis.
On notera cependant un réel engouement de la classe moyenne de la
petite bourgeoisie et des classes à revenu modeste pour le français.
C'est ainsi que l'Institut français d'Haïti ne voit pas baisser
la fréquentation de ses cours de français, malgré la
crise ".
Le Docteur Pradel Pompilus remarque que " l'homme de la masse admire
ceux qui le parlent et aspire, lui aussi, à le parler, car la connaissance
de cette langue est l'un des facteurs essentiels du progrès social :
les échelons supérieurs de l'administration ne sont pas accessibles
à ceux qui l'ignorent ".
Il faut aussi dire que la langue française confère un certain
statut personnel à celui qui la parle.
La Francophonie est une réalité vivante en Haïti, comme
nous venons de le montrer dans la première partie.
Mais aujourd'hui, elle fait face à un grand nombre de défis
qu'elle se doit de résoudre sous peine de s'effriter. Aussi, la seconde
partie du travail traitera-t-elle des " Réactions hostiles "
(chapitre I) et des " Faiblesses objectives " (chapitre II), avant
de faire les recommandations jugées nécessaires (chapitre
III).
1. - Les arguments
Les nationalistes haïtiens, " indigénistes " et
" griots " surtout faisaient reposer la construction de
l'identité haïtienne sur trois piliers : le vodou, la race
noire et le créole. Ils pensaient que pour atteindre cet objectif,
il fallait livrer une guerre sans merci à ce qui est supposé
être le contraire de ces valeurs : le christianisme, l'élite
mulâtre et la langue française. Dans le cadre de ce travail,
nous nous arrêterons aux principaux arguments retenus contre le
français.
2. - Les motifs
Roger Gaillard qui a compilé ces arguments pense que ces attitudes
excessives s'expliquent par divers motifs :
1. - Populisme et démagogie
Sur le plan politique quand les tenants du populisme et de la démagogie flattent les bas instincts du peuple pour mieux l'exploiter, lui font croire que le français est la cause principale de sa misère, la Francophonie prend aussi des coups sévères.
Poussant à l'extrême leur démagogie, ils manipulent des
foules pour chahuter des intervenants qui s'expriment en français
dans des débats publics. On a été " jusqu'à
priver de parole, dans les assemblées où tous étaient
pourtant francophones, ceux qui s'oubliaient à parler "la langue du
blanc". Jusqu'à interpeller (le mot n'est pas trop fort) dans les
salles de classe des facultés, le professeur, qui même enseignant
la littérature française ou la littérature haïtienne
de langue française, exposait son cours en français ".
Stratégie payante pour envahir les avenues du pouvoir politique. N'importe
qui peut aspirer aux plus hautes fonctions électives. N'importe qui
peut s'improviser avocat. Adieu le temps où les Haïtiens veillaient
avec un soin particulier à la correction, à la pureté
et à l'élégance du français. Adieu le temps des
belles polémiques où " après avoir lu sa réplique
du samedi 21 novembre, l'un des deux adversaires disait de l'autre :
"nous avons relevé des perles qui ne font point honneur à quelqu'un
qui se dit intellectuel et qui doit connaître d'abord les règles
élémentaires de la grammaire française avant d'essayer
d'analyser et de confronter les données combien difficiles de l'histoire
nationale" ".
2. - L'amour-propre blessé
Les politiques d'immigration de la France apportent de l'eau au moulin des détracteurs de la Francophonie. Les Haïtiens sentent leur amour-propre blessé quand ils sont victimes de traitements discriminatoires de la part des autorités françaises installées au pays. Les longues files d'attente avant d'accéder au bureau du Consul ne sont pas de nature à raviver la flamme francophone. Ils ne comprennent pas les restrictions au niveau des visas ou tout simplement le fait qu'en arrivant dans des conditions régulières, dans les aéroports français, ils ne sont pas gratigfiés d'un accueil privilégié.
De nombreux citoyens français d'origine haïtienne se voient refuser un visa pour leurs parents qu'ils souhaitent revoir après dix ou quinze ans d'absence. De la même manière des étudiants haïtiens inscrits dans des universités françaises n'obtiennent pas de visa pour poursuivre leurs études. La communauté francophone ne procure pas les mêmes avantages que la communauté économique.
On est alors amené à se demander si cette francophilie vivace
en Haïti a sa raison d'être ?
3. - Mépris du peuple haïtien
Pour des raisons d'ordre culturel, les Haïtiens ont toujours été
attachés à la France. La tendance générale
était de miser sur l'ancienne Métropole pour contrecarrer les
visées impérialistes des Etats-Unis d'Amérique. Mais
le peuple haïtien a dû apprendre, à son corps défendant,
que les grandes puissances ont des intérêts avant d'avoir des
amis.
Ce revirement de tendance est dû au fait que la France a
emboîté le pas à la suite des Etats-Unis pour imposer
au pays un embargo dont les conséquences sont incalculables sur
l'économie nationale, déjà agonisante. On reproche aussi
à la France d'avoir arrêté tous ses projets en Haïti.
La crise n'a fait qu'amplifier un processus de dégradation du
système éducatif haïtien. Dans un tel contexte, l'enseignement
du français subit de plein fouet la déliquescence
généralisée des structures d'enseignement.
La situation de l'enseignement supérieur en mauvaise posture fut
aggravée par le départ des coopérants et la fin de la
coopération universitaire. Aux niveaux primaire et secondaire, il
faut signaler que les difficultés économiques liées
à la poursuite de l'embargo ont accru les abandons en cours d'année
dans des proportions encore plus importantes qu'à l'ordinaire.
A tous ceux qui pour des motifs intéressés diront que la France n'avait pas le choix : il fallait rétablir l'ordre constitutionnel, nous leur proposons de répondre à cette question fondamentale :
" Peut-on forcer, par le sacrifice de son peuple, un Etat à devenir démocratique ? ".
Parmi les problèmes auxquels la Francophonie doit faire face,
il y a malheureusement les faiblesses objectives. Dans le cas haïtien,
on peut les ranger entre deux grandes catégories : les
disparités de toutes sortes (A) et " l'américanisation "
(B).
Au moment où les Nations nanties jouissent du confort de la
prospérité économique matérielle et technologique,
la République d'Haïti (seul PMA de l'Amérique) offre le
spectacle désolant et affligeant de la misère et de la
pauvreté. L'embargo décrété, à son encontre,
a achevé de détruire ses institutions et son tissu social.
La globalisation de l'économie et la mondialisation du commerce place le pays dans une situation dont la précarité inspire beaucoup d'inquiétude, quant à son avenir. Les milliers de boat-people, le chômage massif, la détérioration de l'environnement, la paupérisation croissante, le poids de la dette, tel est le lot d'Haïti, à la veille du XXIe siècle. Voyons ces disparités de plus près.
1. - Sur les plans économique et social
L'espace francophone ne forme pas un bloc homogène. Si la Suisse,
le Canada, le Luxembourg, la France et la Belgique ont un poids économique
qui dépasse leur importance démographique, tel n'est pas le
cas d'Haïti dont les caractéristiques économiques sont
peu reluisantes : la majorité de la population haïtienne
vit de l'agriculture, est répartie dans les zones rurales, connaît
la malnutrition et les maladies endémiques.
Devant ce triste constat, les belles promesses de la " fraternité
francophone " laissent un goût amer. Le rêve de l'autosuffisance
alimentaire tarde à se concrétiser et la dette extérieure
ne fait que s'accroître. L'amélioration de la situation
économique dans les pays du Nord n'a pas eu l'effet d'entraînement
escompté dans les pays du Sud. Quant à Haïti, l'insuffisance
des transferts de ressources, le déclin de l'aide publique au
développement et le fardeau insupportable de la dette constituent
des handicaps sérieux. La situation économique est dramatique.
Vraiment "" Les pays riches ont oublié leurs promesses ".
Interpellés par ces disparités révoltantes, les pays riches ont décidé de procurer au Tiers Monde des ressources financières. Le rééchelonnement de la dette est envisagé ainsi que la formation de cadres
et une coopération technique plus adaptée. Mais cette aide
est conditionnée à un effort durable d'ajustement structurel
et la définition d'une politique austère.
Monsieur Michel Campdessus, Président du Fonds monétaire
international dans un entretien au journal Le Monde, fixe les nouvelles
règles du jeu : " Le plus grand mal pour un pays pauvre,
c'est qu'une mauvaise politique économique s'ajoute à sa
pauvreté. Il faut corriger ce mal quoi qu'il en coûte ".
Sur le plan social, en essayant de " corriger ce mal quoi qu'il en
coûte ", le monde allait être marqué du sceau de
la mondialisation et de la libéralisation des échanges
internationaux. Il s'en est suivi l'engagement des Etats à promouvoir
un développement fondé essentiellement sur le
démantèlement des systèmes de préférence
et de protection économiques. Si dans ce cadre, le commerce mondial
a connu une expansion significative, Haïti, comme la plupart des pays
du Sud, n'a cessé de décroître. Jusque-là, ses
efforts pour restructurer son économie afin de mieux faire face aux
nouveaux défis mondiaux ont eu des répercussions sociales
lourdes : chômage, violence, banditisme, etc.
2. - Sur le plan culturel
La crise qui sévit en Haïti a imposé des contraintes budgétaires au pays, affectant ainsi le système scolaire. La fonction enseignante est dévalorisée puisque les professeurs sont sous payés. La capacité d'accueil des élèves à tous les niveaux se rétrécit. De plus, le coût des fournitures classiques interdit l'accès à l'école à beaucoup d'enfants. Les livres français sont trop chers pour le pouvoir d'achat des Haïtiens. Il est fini le temps où l'écolier haïtien s'achetait tous les " classiques français " et les dévorait avec un appétit insatiable. Nos écoliers récitaient par cur les monologues de Don Diègue, de Rodrigue, de Chimène dans le Cid, de Camille dans Horace, d'Andromaque, d'Esther
L'école haïtienne productrice de francophonie est malade. Contrairement aux époques passées, il semble qu'il sera difficile de trouver en Haïti les champions décidés de la cause de la Francophonie, si la communauté francophone ne fait rien pour nous aider à résoudre cet épineux problème. La généralisation de l'éducation de base afin de favoriser pour tous l'accès à l'école et la mise en valeur de la culture nationale, voilà ce qui nous manque le plus.
L'aide à apporter à l'enseignement devrait aussi servir à la valorisation de notre culture nationale qui constituera un des facteurs de rapprochement et d'intéressement de nos populations à la Francophonie. Une coopération concrète axée sur l'Homme, agent de progrès et de développement sera le meilleur gage de popularité et de rayonnement de la Francophonie. On ne dira jamais assez l'importance de la culture comme moyen de vivre ensemble et comme conditionnement de la capacité d'une société à produire des concepts lui permettant de s'inscrire dans le temps et de produire ses propres richesses.
3. - Sur le plan technologique
Si l'heure est au maillage méthodique de la planète, par le moyen de gigantesques réseaux utilisant les câbles de téléphonie ou de télévision, des ondes hertziennes, les satellites, Haïti accuse un retard considérable. Nous n'avons pas encore accès à ces " nouveaux services ".
Notre retard contraste avec les progrès réalisés par certains pays de l'espace francophone qui préparent les enfants d'aujourd'hui à être les citoyens de demain en mettant à leur disposition Internet, autoroutes de l'information. Par exemple, des milliers d'écoles primaires, secondaires et supérieures des 15 pays membres de l'Union Européenne, furent invitées à participer aux Erreur! Signet non défini. européens du 18 au 25 octobre 1997. Cette initiative a eu pour but d'aider les établissements scolaires à prendre le train WEB de l'information afin de combler les lacunes dans le multimédia.
Ce sont là de nouveaux défis que la Francophonie se doit de résoudre.
SECTION B. - L'AMERICANISATION
A côté des faiblesses objectives de la Francophonie
étudiées plus haut, il faut faire une place de choix à
ce que nous appelons " l'américanisation ".
1. - Faiblesses de comportement
Dès 1983, Xavier Déniau constatait les " défaillances francophones face à l'anglais " et déplorait le fait que " les faiblesses de comportement représentent le plus lourd handicap pour l'avenir de la Francophonie. Ainsi des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires Etrangères emploient l'anglais plutôt que le français lors des réunions internationales, et cela sans nécessité ". Ainsi la situation du français au sein des organisations internationales s'est progressivement mais régulièrement dégradée. Les conséquences pratiques de la multiplication des langues utilisées dans les principales enceintes internationales se sont révélées le plus souvent défavorables à la langue française. Ce dépérissement s'accentue quand les représentants de pays francophones s'efforcent de s'exprimer en anglais.
Il faut aussi dire que les fonctionnaires internationaux originaires de pays francophones ne sont pas placés, par leur effectif et par leurs positions hiérarchiques, au niveau souhaitable. Parfois l'espace francophone est sous-représenté. C'est le cas au PNUD, à la CNUCED où l'anglais, malgré l'environnement, reste prédominant.
2. - Le poids des Etats-Unis
Le rôle privilégié des Etats-Unis d'Amérique dans un certain nombre d'organisations explique la domination de la langue anglaise. C'est le cas au sein du FMI ou de l'OTAN. L'usage du français est quasiment inexistant du fait de son statut officiel. Mais il arrive aussi que le français cède peu à peu le pas à l'anglais en dépit du statut privilégié qu'il partage avec l'anglais. C'est le cas à l'ONU et ses institutions spécialisées.
Le fait de percevoir la science en anglais est un facteur très négatif pour la francophonie. Par exemple, il y a une dizaine d'années, avant les travaux du RINT, tous les mots utilisés dans la science informatique appartenaient à la langue anglaise.
Dans le domaine médical et scientifique, les résultats des recherches et les comptes-rendus des congrès étaient faits en anglais. Le professeur Langevin regrettait que des " congrès organisés en France par des sociétés françaises se tiennent entièrement en anglais et (que) ce mouvement commence à gagner l'enseignement de certaines facultés où les conférences se donnent en anglais ".
A tort ou à raison, les jeunes chercheurs pensent qu'ils ont plus de chance à publier en anglais.
3. - En Haïti : l'anglais rivalise avec le
français
Les relations entre Haïti et les grandes nations de langue anglaise
qui remontent à un passé lointain, avaient surtout marqué
le créole. Mais aujourd'hui, l'anglais est pour le français
un rival de taille. Comment expliquer cette situation ?
Si l'occupation américaine d'Haïti de 1915 à 1934 avait
révolté les patriotes et suscité une haine de
l'impérialisme, la deuxième guerre mondiale allait être
bénéfique pour les Etats-Unis d'Amérique qui vont devenir
les créanciers du monde entier. L'Europe ruinée dut se remettre
au plan Marshall pour sa reconstruction. La France, n'arrivant pas à
résoudre ses problèmes intérieurs, dut se désengager
vis-à-vis de ses anciennes colonies. Haïti, par tragique
nécessité dut compter sur les Américains pour les besoins
de sa survie économique.
Notre pays ne produisant presque rien, accepta que l'industrie américaine,
sans concurrence, déservât sur son marché ses machines
et leurs accessoires, ses outils, ses tissus, ses conserves en boîte,
ses médicaments, ses instruments chirurgicaux. Les maisons de commerce
haïtiennes étaient des succursales des grandes sociétés
américaines.
La détérioration de la situation économique entraîna
l'immigration massive des Haïtiens vers les Etats-Unis. Les premières
manufactures établies en Haïti furent la propriété
des hommes d'affaires américains, attirés par une
main-d'uvre abondante et à bon marché. Le développement
du commerce rendit nécessaire l'implantation de banques commerciales.
De nouvelles banques privées, américaines surtout, ouvrirent
une succursale à Port-au-Prince. l'anglais devient un atout pour
accéder aux emplois dans le privé.
En retirant leurs troupes en Haïti en 1934, les Américains
envisagèrent de contrôler le pays par d'autres moyens. Ils
multiplièrent les sectes religieuses, créèrent de nombreuses
ONG et planifièrent une politique culturelle qui, au fil des ans,
s'est révélée d'une grande efficacité. " Des
bourses d'études, prodiguées avec une rare
générosité, permirent à des éducateurs,
à des artistes, à des agronomes, à des médecins,
à des journalistes haïtiens, etc., de se perfectionner dans les
centres universitaires des Etats-Unis. Le mouvement continue de s'intensifier.
L'hégémonie politique exercée dans le monde occidental
depuis la dernière guerre mondiale par la patrie de Washington, les
réussites de son industrie, la simplicité de ses méthodes
d'éducation, l'importance grandissante du technicien, du commerçant,
de l'industriel, de l'homme d'affaires dans notre milieu orientent vers les
établissements d'enseignement américain un nombre chaque
année croissant de jeunes Haïtiens en quête d'une rapide
formation spécialisée ".
Les Américains investissent des fonds importants pour vulgariser leur langue en Haïti. Dans cette perspective, l'Institut Haïtiano-Américain est créé. Depuis 1942, on y enseigne l'anglais aux Haïtiens. Les retombées de la mondialisation ne font qu'accroître le prestige de l'anglais. Aujourd'hui, force est de reconnaître que cette langue offre plus de débouchés que le français.
Il faut aussi faire remarquer que la coopération bilatérale
entre les Etats-Unis et Haïti s'est révélée plus
intelligente que la coopération française. Celle-là
a choisi d'intervenir d'abord au niveau rural et avec des partenaires de
la société civile, laissant à celle-ci la part des petits
bourgeois ou de l'élite patronnée par l'Etat haïtien.
De plus, le développement prodigieux de la technologie, à ses
débuts l'apanage des Américains, a contraint les plus francophiles
à s'intéresser à la langue anglaise. Aujourd'hui tout
le monde en Haïti sait que l'anglais est incontournable.
Les parents haïtiens encouragent leurs enfants à apprendre l'anglais,
car un jour, ils partiront pour l'étranger, soit pour poursuivre des
études, soit pour chercher des conditions de vie meilleures. Et par
expérience, ils savent qu'il est plus facile et plus rentable de
séjourner en terre américaine que dans les pays de l'espace
francophone. Il n'est pas sans intérêt de rappeler qu'une
école de commerce qui enseignait la comptabilité française,
dut fermer ses portes, faute d'inscrits. La comptabilité américaine
l'emporte - contrairement à avant - haut la main. Les nouvelles formations
professionnelles comme l'informatique, le secrétariat,
réservées aux jeunes gens n'ayant pas bouclé leur cycle
d'études secondaires pour accéder à l'Université,
consacrent la plus grande part de leur " curriculum " à
l'anglais. A chaque coin de rue de la capitale haïtienne, il y a une
école d'anglais. Certains établissements d'enseignement classique
fondés pour les enfants de diplomates ou de fonctionnaires internationaux
enseignant uniquement en anglais sont largement fréquentés
par les fils de l'élite et même par ceux de la petite bourgeoisie.
Depuis quelques années, une université américaine est
fondée aux Cayes, troisième ville du pays.
Un autre paradoxe tout aussi frappant : il y a dans les
représentations d'organisations internationales basées en
Haïti plus d'anglophones que de francophones. Les Etats-Unis jettent
tout leur poids dans la balance pour faire caser de façon prioritaire
les diplômés des universités américaines dans
les principales branches d'activités. Une association, très
dynamique : " l'Association des Anciens Boursiers du Gouvernement
Américain " (ANAB), réfléchit sur les problèmes
spécifiques à chaque département du pays, en attendant
de pouvoir proposer quelques solutions.
Pour finir, il faut dire que l'intervention des Nations Unies avec 20 mille
hommes de troupes sous commandement américain n'a fait que consolider
l'emprise de l'anglais sur le français.
Les difficultés et les dangers qui menacent la Francophonie en Haïti
ne sont pas insurmontables. Ces écueils peuvent être
évités si le Gouvernement haïtien et les instances de
la Francophonie assument pleinement leurs responsabilités.
1. - Le bilinguisme
" Si nous n'y prenons garde et si nous n'agissons pas de concert pour
qu'il en soit autrement, nos élites d'abord et peut-être ensuite
nos peuples ne parleront plus le français. Voici le péril
extérieur qui nous guette à l'horizon ". Ainsi s'exprimait
S.E.M. Henri Konan Bédié, Président de la République
de Côte d'Ivoire au Sommet de Hanoi, en novembre 1997.
Le cri d'alarme se justifiait par la crise du système éducatif.
La menace est réelle. Cette menace est d'autant plus inquiétante
que les tentatives pour enrayer le danger se sont avérées à
ce jour inefficaces. Toutes les prévisions, même les moins
pessimistes, annoncent une aggravation des causes profondes de cette crise
et laissent craindre des conséquences qui risquent de devenir
catastrophiques en ce qui concerne la société, la culture et
l'économie, aux plans social, culturel et économique en
réduisant de façon continue les chances offertes à la
jeunesse de demain.
Ces sombres perspectives loin de conduire au découragement, devraient offrir l'occasion d'engager avec une détermination un ensemble d'actions en vue de freiner, dans un premier temps, la progression de la crise et dans un second temps, de la surmonter.
Dans cette perspective, le Gouvernement haïtien doit auparavant procéder à une évaluation courageuse et lucide de son système éducatif et adopter des choix réalistes pour mobiliser de manière concertée les ressources de la solidarité francophone, en vue d'atteindre les objectifs primaires.
Compte tenu de l'interaction permanente entre l'amélioration de
l'apprentissage des langues et l'amélioration des systèmes
éducatifs, le choix pourrait porter sur le bilinguisme consacré
par la Constitution.
a) - Amélioration de l'enseignement du
français
Cet effort passe d'abord par la formation des personnels d'éducation : enseignants, cadres responsables de la pédagogie, de l'administration et de l'élaboration des manuels scolaires.
La formation des enseignants du français se situera dans une perspective dynamique et continue. Il serait souhaitable qu'ils parachèvent leur formation initiale en bénéficiant d'une préparation professionnelle dans un pays francophone. Le bain linguistique et l'environnement culturel leur seront du plus grand profit. Les échanges linguistiques et culturels seront aussi d'une grande utilité.
Pour les inspecteurs et les conseillers pédagogiques, les techniques d'évaluation devraient constituer l'objet principal de la formation sans laisser de côté l'actualisation continuelle de la connaissance dans le domaine des différentes spécialités.
La formation des administrateurs et planificateurs de l'éducation et de la formation porterait sur les techniques de planification et de gestion de l'éducation de manière à la fois théorique et pratique.
La conception et l'élaboration de manuels scolaires seront une garantie certaine de l'adaptation des programmes et des contenus ou contexte socioculturel du pays.
Enfin, le soutien à l'édition scolaire et à la fabrication
de matériels didactiques s'attachera à promouvoir la
réalisation de manuels scolaires adaptés et de grande
diffusion.
b) - Valorisation du créole
Au lieu de s'arrêter à des débats polémiques, voire démagogiques d'opposition créole/français, il faut valoriser la langue maternelle. Il n'y a pas d'incompatibilité entre les deux langues. Le jeune haïtien a besoin de ces deux vecteurs de communication. D'ailleurs, on considère avec raison que le français, langue d'usage minoritaire en Haïti, ne peut assurer à lui seul le développement économique, scientifique et culturel de la Nation.
La question qui se pose aujourd'hui est de savoir comment concevoir et mettre en uvre une nouvelle philosophie du développement qui part de l'homme et qui se met au service de l'homme. Dans cette optique, il est nécessaire de faire de la langue maternelle et de la culture, en général, la finalité même du développement.
La valorisation de la langue maternelle se fera de pair avec la protection
et la promotion du patrimoine culturel. Comme on n'a cessé de le
répéter, " ce n'est pas donc le français en soi
qui caractérise et détermine la Francophonie que sa coexistence
avec d'autres langues ".
La Francophonie se doit d'être " globale ",
" plurielle ". Elle est riche de sa diversité. Chacune des
communautés de l'espace francophone s'identifie à sa langue
et à sa culture considérée comme l'excellence de sa
vie et de sa pensée. Et la langue française commune à
tous unit l'ensemble. Elle est un pont. Elle active la solidarité
des peuples à l'intérieur d'une aire de modernité et
d'échanges mutuels
L'association du français, des
langues et des cultures nationales devient donc dans ce contexte un
impératif majeur. " C'est par la défense du singulier
que l'on sert l'universel, car la diversité fonde la
liberté ".
Conscients que l'héritage légué par le passé est nécessaire à la compréhension du présent et à l'édification du futur, il faudra encourager une politique de restauration des monuments anciens, de recueil, de diffusion et d'utilisation de la tradition orale à des fins d'éducation des générations montantes. De la même façon, il faudra aussi encourager la créativité culturelle, en donnant aux hommes et aux femmes l'habitude de créer dans des domaines aussi divers que la musique, le théâtre, l'artisanat.
La Francophonie doit donner à chacun la fierté de sa culture
et faire prendre conscience que celle-ci est le fondement même du
développement.
Le renforcement des institutions de recherche en sciences humaines doit
être envisagé ; il serait souhaitable de créer de
nouvelles institutions. Le développement des langues passe par leur
instrumen-talisation, c'est-à-dire, leur transcription et leur
codification. Des chercheurs nationaux aidés de confrères
étrangers mettront en uvre un programme de recherche terminologique
et néologique afin que les langues nationales soient en mesure de
représenter les concepts de la vie moderne.
Les résultats encourageants du RINT devraient permettre l'essai de programmes similaires pour les langues nationales, indispensables pour la vulgarisation des connaissances scientifiques et technologiques. Etant plus accessible aux masses rurales encore analphabètes et illettrées, le créole pourra contribuer plus efficacement à transmettre ces connaissances indispensables au développement.
2. - La communication
Aujourd'hui, aucun pays, quels que soient son niveau d'équipement
et la nature de ses ambitions, ne saurait à présent ignorer
la mondialisation des phénomènes de communication, liée
directement à l'accélération continue des perfectionnements
technologiques. La multiplication des réseaux et l'avènement
de la diffusion spatiale ont radicalement modifié le paysage de la
communication, offrant le champ libre à l'invasion de chaque pays
par des messages étrangers, accentuant les écarts entre
favorisés et défavorisés, engendrant autant de menaces
au plan économique qu'au plan culturel.
La Francophonie devrait aider Haïti à se mettre au diapason.
L'informatique n'est plus un luxe, elle est devenue à la fois moyen
d'enseignement et instrument de gestion scolaire. Elle présuppose
la disponibilité de logiciels et de didacticiels conçus en
français et adaptés aux besoins du système scolaire
haïtien. Sinon, compte tenu de l'urgente nécessité de
se les approprier, l'école haïtienne se verra obligée
de les demander aux Etats-Unis.
Il faut opérer un transfert de technologie et veiller à ce
qu'il soit bien absorbé par le milieu local pour ne pas donner
l'impression de perpétuer une dépendance technologique. Et
le moyen le plus sûr est le centrer sur les hommes, ce qui pourra
créer une dynamique entre la technologie acquise, sa maîtrise,
son adaptation et le développement des ressources humaines. Autrement
dit, le facteur humain doit être considéré comme la pierre
angulaire de tout processus d'acquisition technologique.
C'est pour nous l'occasion de plaider pour une nouvelle forme de coopération, dans le cadre d'une véritable solidarité, d'un véritable dialogue des cultures et des responsabilités. Nous avons besoin d'aide pour créer ou développer des institutions spécialisées de formation de cadres en fonction de nos besoins spécifiques, depuis la formation professionnelle jusqu'à la formation supérieure, technique et scientifique.
Comme il faudra faire bénéficier de ces progrès au pays
tout entier, les radios rurales permettront aux populations de
l'arrière-pays d'accéder aux programmes de formation dans les
domaines les plus variés, tels que la santé et
l'éducation.
Les autres pays de l'espace francophone, surtout ceux du Nord, ont le devoir d'apporter leur contribution au développement durable de la République d'Haïti. L'indispensable essor du Sud est une garantie pour l'avenir de la Francophonie, d'autant plus qu'en l'an 2000 la majorité des francophones vivra dans les pays en développement.
Dans le cas précis de la République d'Haïti, seule une coopération multilatérale repensée " Dans le respect absolu de la souveraineté des Etats " permettra de relever les grands défis qui menacent la Francophonie dans ses assises les plus solides.
1. - Coopérer autrement
De nouveaux regards, de nouvelles approches et de nouvelles solutions s'imposent
en matière de coopération et de développement. Le Sud
a le douloureux sentiment qu'il est abandonné par ceux qui auraient
dû précisément le soutenir et l'aider à faire
face à la dureté des temps présents. Toute action de
coopération qui se réduira à prolonger les modes anciens
de coopération nous semble vouée à l'échec. Aussi
appelons-nous de tous nos vux une coopération nouvelle susceptible
de faire de la Francophonie un laboratoire pour un nouveau projet de
société.
L'aide à octroyer à Haïti par la Francophonie, la France ou l'Europe doit être perçue et comprise comme un investissement à long terme. Elle facilitera la démocratie, vulgarisant l'éducation, la formation, supports du développement économique. Développement économique qui réduira l'immigration massive, source de tant de conflits dans le monde contemporain.
Combien de temps mettra-t-on pour comprendre que la démocratie est
incompatible avec la famine ou la précarité ? Combien
de temps mettra-t-on pour comprendre ce que le Sud veut, ce n'est pas un
poisson quotidien mais plutôt la technique d'apprendre à
pêcher pour aller lui-même à la mer
généreuse ?
La Francophonie ne doit pas se comporter comme les deux blocs antagonistes
au temps de la guerre froide qui considéraient comme un crime ou une
trahison toute ouverture en direction de la puissance rivale. Par son histoire
et sa géographie, comme pour les besoins de son développement,
Haïti doit multiplier ses partenariats. Tout en restant fidèle
à la langue française qui est partie intégrante de son
patrimoine, ce pays a besoin de l'anglais et de l'espagnol. Tout en accordant
la priorité au français et au créole, la Francophonie
haïtienne doit tendre vers le multilinguisme et rechercher un humanisme
pluriel.
A plus long terme, il serait souhaitable que l'Haïtien puisse parler
quelques langues nationales africaines, question de garder une
fidélité à ses origines et de " ne répudier
aucune part de l'héritage ancestral, comme le disait le docteur Jean
Price Mars ".
Coopérer autrement, signifie aussi que la Francophonie ne peut se contenter de traiter avec les seuls Etats. Il faut aider les Petites et Moyennes Entreprises à s'installer, il faut voler au secours des collectivités territoriales, il faut compter avec les ONG. Bref, il faut l'avènement et le triomphe définitif de la Francophonie populaire.
Tout francophone porteur d'un projet bénéfique pour sa communauté, sa ville natale, devrait pouvoir trouver les moyens de le finaliser et de le faire passer, sans obligatoirement obtenir l'aval des Gouvernements. Le développement du Sud exige des conditions d'un environnement économique mieux construit et le triomphe de la Francophonie sera assuré par la structuration d'un espace économique efficient.
2. - Un environnement sûr et stable
La guerre économique et la course au productivisme transgressent les
lois de la nature et menacent l'environnement. Nous plaidons pour un
environnement sûr et stable. Par environnement, nous entendons aussi
bien la protection de la nature que la protection des personnes, dans leur
droit à la vie, à la santé, au respect de leur
intégrité physique.
Il faut protéger la terre léguée par les ancêtres,
la faire fructifier pour nourrir nos fils. Nous tenons à la pureté
de nos sources et de nos rivières et nous déplorons quand l'on
vient déposer des déchets toxiques chez nous. Nous voulons
arrêter l'érosion de nos terres pour dire non à tous
ceux qui voudraient nous tenir par le ventre.
Haïti veut la démocratie. Nous voulons l'Etat de droit. Mais
il n'est pas souhaitable que l'on nous impose des modèles centrés
sur une vision ethnocentrique du développement démocratique.
Car la démocratie peut et doit s'incarner en de multiples formes,
s'adapter aux conditions particulièrement redevables à l'histoire,
la culture d'un peuple. Or, peut-on croire à une culture unique qui,
malheureusement, devait légitimer l'uvre odieuse de la
colonisation ? Au demeurant, les Etats démocratiques d'Occident
sont-ils des modèles parfaits et achevés de
démocratie ?
De plus, les programmes d'ajustement structurel aggrave l'instabilité
politique en Haïti. Des dérapages naissent aussi de
l'incapacité d'une démocratie haïtienne naissante de
satisfaire très rapidement les attentes très élevées
de la population dépouillée pendant trop longtemps de ses droits
et d'un minimum de bien-être économique et social. La Francophonie
devrait nous aider à surmonter ces difficultés et ces dangers.
Et le moyen le plus sûr de le faire est de participer à cet
effort de développement démocratique pour l'émergence
de l'Etat de droit et de la démocratie.
La démocratie et le développement sont intimement
liés : la démocratie est facteur de développement.
La bonne gouvernance est indispensable au succès de toute politique
économique. La participation des citoyens en ce qui concerne leur
avenir à tous est incontournable. La démocratisation qui puise
sa source dans la justice, l'équité, le pluralisme politique
favorisera l'activité, la responsabilité et par voie de
conséquence, le développement.
CONCLUSION
Notre étude nous a permis de retracer l'évolution de la
Francophonie et d'apprécier les différentes formes de la
contribution haïtienne à l'essor de l'Institution. Comme dans
de nombreux pays, répartis sur les cinq continents, la Francophonie
est une réalité vivante en Haïti. Malgré les
contraintes de toutes sortes, les Haïtiens veulent rester fidèles
à la Francophonie. A l'écoute des voix de ses populations,
nous avons tenté d'exprimer les revendications essentielles et de
faire quelques suggestions pour maintenir intacte cette flamme francophone
dans une Haïti qui ne dispose que du français pour faire entendre
sa voix dans le concert des Nations. Un pays dont les écrivains se
sont toujours enorgueillis de leur filiation française. Un pays qui
a compté et veut compter sur la solidarité francophone pour
écrire de nouvelles pages de son histoire.
Convaincu que la Francophonie est un outil essentiel de formation, d'information
et de développement et qu'elle dispose incontestablement des atouts
suffisants pour promouvoir la coopération économique, culturelle
fondée sur la spécificité et la complémentarité
francophones, nous plaçons en elle de grands espoirs pour
l'avènement d'un monde meilleur de paix et de justice.
On peut partager l'optimisme du professeur Edmond Jouve :
" La Francophonie vivra si sont réussies ses noces avec la langue française. Celle-ci sera d'autant mieux à même de jouer son rôle qu'elle respectera les autres langues. Le français, en effet, ne doit pas être "une tour" ou une "cathédrale", mais une passerelle destinées à faire mieux communiquer entre elles les civilisations qui se partagent le monde.
En dépit des difficultés et des bouleversements de tous ordres,
la paix, vaille que vaille, a su reprendre le dessus et, du moins le globe
ne s'est-il pas embrasé. Les liens de coopération tissés
entre les Etats ont, sans aucun doute, contribué à cet apaisement.
Un autre facteur y a aidé : la lutte en faveur des droits de
l'individu. Aussi longtemps que, sur cette terre, une majorité d'hommes
et de femmes lutteront en leur faveur, l'irrémédiable ne devrait
pas se produire ".
Au demeurant, peut-on espérer que la Francophonie réussira
là où de nombreuses organisations internationales engagées
dans la défense de la paix ou du bien-être de l'humanité,
avaient échoué pour n'avoir pas choisi " l'unité
dans la diversité " ?
1. - Liste des 52 Etats et Gouvernements ayant le français en
partage 78
2. - Organigramme de la Francophonie 79
3. - Déclaration et recommandations de la délégation haïtienne
au Sommet de Paris 80
4. - Allocution du Ministre des Affaires Etrangères d'Haïti au
Sommet de Dakar 82
5. - Résolution sur Haïti au Sommet de Chaillot 84
6. - Allocution du S.E. Madame Claudette Werleigh, Ministre
des Affaires Etrangères et des Cultes au Sommet de l'Ile
Maurice 85
7. - Intervention de S.E. M. Fritz Longchamp, Ministre des
Affaires Etrangères de la République d'Haïti au Sommet
de Cotonou 88
8. - Message de S.E.M. René Préval, Président de la République
d'Haïti (lu par S.E.M. Etzer Charles Représentant personnel
du chef de l'Etat au Sommet de Hanoi) 91
* Sources :
1 et 2 : Agence de la Francophonie
4 à 8 : Actes des Conférences
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chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant le français en
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ACCT : " Actes de la sixième conférence des
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ACCT : " Actes de la cinquième conférence
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- Agence de la Francophonie : Erreur! Signet non défini..
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- Radio France Internationale : http://www-rfi-Fr.
- TUS : Erreur! Signet non défini.adelf
- ADELF : http://www-nugale-org/O6/adelf.
Première partie - Haïti, citadelle de la Francophonie 12
Chapitre I. - Littérature haïtienne et francophone 13
Section A. - Sur les traces de la France 13
1. - Formation de l'écrivain haïtien 13
2. - Influence des mouvements littéraires français 14
3. - Eloge de la France 18
Section B. - Métissage culturel 21
1. - Ambivalence de l'écrivain haïtien 21
2. - Haïtianisation du français et haïtianismes 21
Chapitre II. - Haïti et l'essor de la Francophonie 26
Section A. - Haïti et la Francophonie institutionnelle 26
1. - Dans les relations internationales 26
2. - Haïti, membre fondateur de l'ACCT 28
3. - Implantation des Alliances Françaises 30
Section B. - Vers le sommet par les sommets 31
1. - Le Sommet de Paris (1986) 31
2. - Les autres Sommets 32
3. - Des activités ponctuelles 33
Chapitre III. - La Francophonie au quotidien 36
Section A. - Francophonie, éducation et information 36
1. - Education 36
2. - Information 39
Section B. - Francophonie et promotion sociale 42
1. - Le français à tout prix 42
2. - Classes moyennes, masses et français 43
Seconde partie - Problèmes et perspectives 45
Chapitre I. - Les réactions hostiles 47
Section A. - Le nationalisme 47
1. - Les arguments 47
2. - Les motifs 48
Section B. - Les autres causes 49
1. - Populisme et démagogie 49
2. - L'amour-propre blessé 50
3. - Mépris du peuple haïtien 51
Chapitre II. - Les faiblesses objectives 53
Section A. - Les disparités 53
1. - Sur les plans économique et social 54
2. - Sur le plan culturel 55
3. - Sur le plan technologique 57
Section B. - L'américanisation 58
1. - Faiblesses de comportement 58
2. - Le poids des Etats-Unis 59
3. - En Haïti : l'anglais rivalise avec le français 60
Chapitre III. - Quelques recommandations 64
Section A. - Education et Francophonie en Haïti 64
1. - Le bilinguisme 64
a) - Amélioration de l'enseignement du français 65
b) - Valorisation du créole 66
2. - La communication 69
Section B. - Francophonie et développement d'Haïti 70
1. - Coopérer autrement 71
2. - Un environnement sûr et stable 73
Conclusion 75
Table des annexes 77
Bibliographie 94
Table des matières 105