IFAID Aquitaine

 

 

 

 

 

 

Perception du comportement professionnel

des Malgaches par les étrangers

à Antananarivo, Madagascar

 

 

 

Mémoire présenté sous la direction de :

M. Désiré Razafindrazaka

 

 

 

 

 

 

Roura Flore

Promotion 2000/2003

 

 

 

Année de remise : 2004


Remerciements

 

Je tiens à remercier tout particulièrement mon directeur de mémoire, M. Désiré Razafindrazaka. Outre l’aide technique qu’il m’a apportée pour la réalisation de ce mémoire et la mine d’informations qu’il représente, c’est lui qui m’a aidée à me poser les bonnes questions et à me remettre en question « interculturellement » pour réaliser ce mémoire le plus objectivement possible.

De plus, la patience et la tolérance de l’équipe d’encadrement d’IFAID, en particulier de Fabrice Lissayou et Mamadou Ouattara m’ont grandement apporté dans la compréhension des objectifs à atteindre pour réaliser mon mémoire.

Je souhaite également remercier M. Désiré Ramakavelo et Mme Suzy Ramamonjisoa qui m’ont consacré leur temps en partageant leur culture avec moi.

Je m’excuse de tout cœur auprès des Malgaches que j’ai également enquêtés dans le cadre que mon mémoire mais dont je n’ai pas pu exploiter les résultats d’enquête pour cause de réorientation de mes objectifs.

Je remercie également l’équipe malgache de COEF Ressources, tellement dynamique et ouverte sur les autres, qui m’a permis d’apprécier au mieux ma dernière expérience professionnelle et de réaliser mon mémoire dans d’excellentes conditions. D’autre part, je remercie aussi mes amis malgaches des associations Kely Kely Madagascar et Gasy Care avec qui nous avons partagé des moments de vie et nos cultures respectives.

Je suis heureuse de partager toutes ces expériences interculturelles avec Médéric Carpier. Sans l’amour et la volonté qui nous unit, ces dernières années de ma vie n’auraient sûrement pas autant concrétisé ma soif de découverte de l’autre par la création d’une association interculturelle et ce projet de vie à Madagascar.

Enfin, je tiens à attirer toute l’attention sur Danielle Roura, ma maman, qui m’a permis de m’ouvrir au monde et aux autres depuis ma plus jeune enfance, chose qui finalement m’a permis de me préparer peu à peu à l’expérience interculturelle que je vis à Madagascar. Plus techniquement, je la remercie pour l’aide logistique qu’elle m’a fourni et lui souhaite de pouvoir vivre un tournant important et heureux de sa vie prochainement.


 

 

Sommaire

 

1.      Introduction..................................................................................................................... 1

2.      Première partie : Concepts de l’étude......................................................................... 9

2.1.      Définitions des concepts de l’étude....................................................................... 9

2.2.      Perception mentale................................................................................................ 12

3.      Deuxième partie : Contexte de l’étude...................................................................... 16

3.1.      Contexte malgache................................................................................................ 16

3.2.      Contexte culturel................................................................................................... 20

3.3.      Contexte lié aux étrangers................................................................................... 30

4.      Troisième partie : Analyse des résultats.................................................................... 38

4.1.      Présentation de l’outil d’enquête......................................................................... 38

4.2.      Regards sur le rapport au temps......................................................................... 42

4.3.      Regards sur la communication............................................................................ 44

4.4.      Regards sur la hiérarchie...................................................................................... 49

5.      Conclusion..................................................................................................................... 55

Lexique des termes malgaches employés

Sources

Annexes

 


1.    Introduction

 

Expérience à Madagascar justifiant ce mémoire

Lors de mon expérience à Madagascar, j’ai eu la chance de travailler au sein de deux ONG[1] internationales de développement autonomisées ou plus communément appelées « ONG malgachisées ». J’ai ainsi effectué mes missions à Anjiro[2] et Antananarivo[3] pour Trans Mad Développement et Aide et Action. Les directeurs de programmes étaient malgaches et non des expatriés comme dans de nombreuses ONG internationales.

J’ai ressenti dans les deux cas quelques malaises relationnels et professionnels entre certains agents de développement nationaux et étrangers (dont moi-même) de la capitale malgache.

Ma deuxième mission fut écourtée par Aide et Action en raison d’une incompréhension culturelle qui fait partie de ces malaises observés. En effet, j’ai dans un premier temps proposé un thème de mémoire sur la culture malgache et il m’a été fait « sentir » que ce thème ne convenait pas aux attentes fondées sur mon stage. Je l’ai remanié pour mettre mes objectifs personnels de mémoire en adéquation avec les objectifs de l’association. Le jour où j’ai présenté la nouvelle problématique, la décision définitive de mettre fin à ma mission m’a été annoncée par mon directeur.

L’incompréhension est venue du fait qu’un maître de stage français m’aurait clairement prévenue que si je ne changeais pas de thème il ne pourrait pas me garder alors que mon maître de stage malgache et son équipe m’ont adressé des « signes » bien assez tôt pour que je change mon thème de ma propre initiative avant leur décision. Or j’ai compris trop tard que l’on m’adressait ces signes implicites. Une meilleure compréhension des codes culturels malgaches m’aurait sûrement évité cette mésaventure.

C’est pourquoi, j’ai décidé de me joindre à l’équipe du cabinet COEF Ressources, pour bénéficier de l’expérience biculturelle malgache et française de son directeur, Mr Désiré Razafindrazaka pour réaliser mon mémoire.

 

Problématique

Je me suis demandée dans quelle mesure les limites de l’expérience interculturelle que j’avais vécue avec Aide et Action pouvaient se reproduire dans d’autres contextes professionnels mettant en confrontation des expatriés à des salariés nationaux.

En effet, une grande communauté d’étrangers occupe des postes de responsables dans le domaine du développement et travaille avec leurs collègues malgaches. Les collègues de nationalités différentes ont des capacités professionnelles à travailler sur un projet commun (acquises par leur formation ou expérience), mais il n’en est pas de même pour la culture qui constitue pourtant un élément incontournable des relations professionnelles entre malgaches et expatriés. Il est beaucoup plus difficile pour un étranger de prendre conscience de la culture malgache en même temps que du travail qu’il doit effectuer. Le temps « d’immersion » étant relativement court, le travail commence souvent les premiers jours après l’arrivée à Madagascar. La confrontation de ces deux cultures différentes dans le cadre professionnel peut donc amener à des incompréhensions qui ne relèvent pas de l’incompétence professionnelle mais d’une incompréhension de l’autre culture.

 

J’ai donc été amenée à me poser la question suivante :

Comment le comportement professionnel des Malgaches peut être perçu par les étrangers ?

 

Hypothèses

Une première hypothèse se base sur le rapport au temps. Du fait de deux cultures différentes, ce rapport au temps peut être mal interprété. Une maxime française énonce que « le temps c’est de l’argent » alors que les Malgaches n’ont pas de souci de « rentabilité » du temps, qui est facteur de sociabilité dans leur culture. « Le temps est à Madagascar une notion circulaire et non linéaire : la culture du moramora ou celle de prendre son temps et de vivre pleinement son présent. » Les guides touristiques précisent déjà que cela peut dérouter l'étranger « sous l'emprise de vitesse et parfois de précipitation[4]. »

M. Ramakavelo, écrivain poète, membre de l’Académie Malgache, explique la notion « élastique » du temps à Madagascar. En effet, le sens des relations (fihavanana) à Madagascar permet aux Malgaches de favoriser ces relations au profit du respect strict du temps et des délais. De plus, le rapport à la nature, dans la vie des Malgaches, entraîne une forte relativité du temps dans la culture malgache.

 

La deuxième hypothèse concerne la différence d’importance donnée à la communication par les expatriés et les Malgaches. Les étrangers ont souvent pour habitude d’énoncer les choses de la façon la plus claire, franche et directe possible. Il n’en est pas de même pour la société orale de Madagascar, encore traditionnelle, qui a pour valeur sacrée le respect de la parole donnée. Comme de nombreuses sociétés africaines, ce proverbe du Burkina Faso s’applique à Madagascar : « la parole blesse et comme une arme, elle tue ! » D’où le respect nécessaire dans les paroles et comportements à ne pas avoir publiquement, la nécessité de ne pas entrer dans l’intimité de l’autre.

La société malgache a une particularité supplémentaire : elle est régie par le principe du fihavanana ou lien social. Le « havana désigne les parents, mais il ne s’agit pas seulement de la solidarité entre les membres d’une famille. C’est une notion [le fihavanana] qui dépasse la famille et même la nation[5]. » Ainsi on peut expliquer la recherche constante de consensus, qui oblige dans certains cas le Malgache à « ne pas exprimer sa pensée (ce qui) ne veut pas forcément dire mentir[6]. »

 

La troisième hypothèse porte sur l’attitude vis à vis de la hiérarchie qui pose des problèmes énormes de compréhension aux expatriés dans le cadre des relations de travail. Les personnes âgées ont une place dominante dans toute prise de décision et la hiérarchie s’immisce dans toute relation professionnelle avec des Malgaches. Beby Rakotobe Rajaonesy, maître de conférence au département de langue et lettres malgaches à l’université d’Antananarivo, explique que le « concept d’égalité sociale (…) ne peut pas exister à Madagascar. (Car) dans toute situation on (les Malgaches) se positionne soit en Raiamandreny, soit en Zanaka. (…) Tout cela va donc institutionnaliser un fait admis depuis la nuit des temps, à savoir la division des Malgaches en deux catégories bien définies et sans contestation possible : les Raiamandreny (littéralement « le père et la mère », par extension le supérieur ou chef) et les Zanaka (littéralement les « enfants », par extension l’inférieur ou le peuple). » Un proverbe qu’elle rapporte insiste sur le fait que les raiamandreny ont toujours raison. Sa traduction est la suivante : aucun raiamandreny ne tendra une pierre brûlante à son enfant. Ceci s’explique car « un raiamandreny ne veut que le bien de ses enfants[7]. » Les guides touristiques préviennent également les nouveaux arrivants étrangers à propos du respect et de l’obéissance dus aux personnes âgées dans la société malgache[8].

 

Méthodologie

Pour réaliser ce mémoire, j’ai employé plusieurs méthodes de collecte d’information.

La première partie de mon travail a été l’observation participante. J’ai ainsi pu faire ressortir quelques thématiques dominantes en consignant mes observations du monde du développement pendant plusieurs mois dans un cahier de note. Ainsi, les incompréhensions fréquentes qui pouvaient avoir lieu dans le monde du travail m’ont décidée à centrer mon étude sur les relations unissant les Malgaches aux expatriés, en particulier aux Français. J’ai particulièrement ciblé la perception des comportements des salariés malgaches par leurs collègues étrangers.

J’ai ensuite commencé une recherche bibliographique sur les différents traits culturels majeurs de la culture malgache et en particulier de la culture merina, cette culture étant prédominante à Antananarivo. J’ai également recherché des sources sur les études liées à l’interculturalité. Cette recherche s’est principalement effectuée à la bibliothèque de l’Université d’Antananarivo et au CCAC. Elle a été complétée par le fond documentaire réuni par M. Désiré Razafindrazaka, mon directeur de mémoire. Cette recherche m’a permis d’élaborer des hypothèses sur la différence de perception des comportements selon qu’on les explique à partir de la culture malgache ou européenne.

Dans un troisième temps, j’ai réalisé des entretiens auprès des expatriés travaillant dans le domaine du développement dans la capitale sur leur perception du comportement de leurs collègues malgaches. Ces entretiens se sont portés sur la perception du comportement des Malgaches, mais également sur différents facteurs susceptibles d’expliquer cette perception. En effet, il est plus aisé de comprendre certaines perceptions si l’on connaît le type de relation qu’a l’enquêté avec les Malgaches, ainsi que les rapports sous-jacents à ces relations. De même, il était intéressant de tenter de détecter le degré de connaissance qu’avait l’enquêté de la culture malgache, et de savoir comment il expliquait le comportement des Malgaches[9].

J’ai commencé à exploiter les résultats des entretiens auprès des expatriés et en ai fait ressortir certaines tendances majeures autour des comportements suivants : le rapport au temps, à la communication et à la hiérarchie. J’ai ensuite interrogé trois personnes ressources « spécialisées » sur la culture malgache à propos de ces trois aspects de la culture pour permettre d’obtenir des informations actuelles. Je les ai recueillies lors d’entretiens auprès de M. Désiré Razafindrazaka, psychosociologue, directeur du cabinet COEF Ressources[10], président des Amis du Patrimoine Malgache et de Madajazzcar et membre correspondant de l’Académie Malgache, de M. Désiré Ramakavelo[11], docteur en sciences politiques, également membre des Amis du Patrimoine Malgache et de l’Académie Malgache, écrivain et poète, et de Mme Suzy Ramamonjisoa[12], psychosociologue et experte pour le dialogue des cultures en Afrique de l’Est, membre de l’Académie Malgache. J’ai aussi utilisé une étude sur la culture, les traditions malgaches et la prospective – les décideurs devant la question culturelle[13] réalisée pour le PNUD.

 

Il s’avère que le mode d’enquête choisi pour les expatriés peut fournir un grand nombre d’informations intéressantes. C’est pourquoi j’ai utilisé cet outil de sociologie sans être moi-même sociologue. J’ai aménagé cette méthode pour faciliter le recueil des informations que je recherchais. Dans un premier temps j’ai dû « faire connaissance », au moins partiellement, avec les enquêtés. C’est pourquoi, j’ai préféré enquêter des expatriés avec lesquels j’entretenais une certaine familiarité, ou avec lesquels une collaboration professionnelle passée avait été fructueuse. Enfin, dans la mesure du possible, j’ai essayé d’interroger ces personnes en dehors de leur cadre de travail : chez moi, chez elles, autour d’un café en ville… Il était de toute façon nécessaire que ce soit moi qui commence les présentations et qu’elles prennent connaissance de mon parcours personnel ainsi que de l’étude que je menais. Il fallait que ces personnes me fassent confiance pour accepter de livrer leur point de vue. D’ailleurs, la plupart d’entre elles a accepté que j’enregistre l’entretien pour en faciliter l’exploitation totale. Cependant, il est fort possible que certaines « barrières », qu’elles soient de bienséance, de diplomatie, ou autre, aient biaisé une partie de la vérité du message fourni par les enquêtés.

 


Portées et limites de l’étude

Une enquête qualitative réalisée sur un échantillon réduit me permettra de tenter de mesurer la perception qu’ont les étrangers du comportement professionnel des Malgaches à Antananarivo. J’essayerai également de faire ressortir leur compréhension de la culture malgache qui peut expliquer cette perception.

Pour obtenir les données les plus fiables, je réaliserai un entretien plus complet et détaillé que ne le nécessite cette étude.

 

Il faut cependant observer plusieurs limites à cette étude :

Bibliographie :

Les contraintes temporelles m’ont empêchée de rechercher une bibliographie importante sur l’état des lieux de la perception interculturelle à Madagascar. M’étant fixée un délai relativement court pour réaliser ce mémoire, et l’analyse des questionnaires qualitatifs étant longue et fastidieuse, j’ai préféré axer mes recherches sur les données de terrain. De plus, le fonds documentaire en français sur le sujet ne semble pas aussi disponible à Madagascar qu’en France. J’ai donc également étendu mes recherches aux données internet.

Etendue de l’échantillon :

Ayant misé mon étude sur les aspects qualitatifs, j’ai préféré éviter de prendre un échantillon trop large. J’ai donc limité mon champ d’étude à Antananarivo, principalement aux expatriés français.

Sélection de l’échantillon :

Il aurait été intéressant de comparer les résultats des Français avec ceux d’expatriés venant de pays communistes ou issus de la colonisation.

De plus, il serait intéressant de comparer ces résultats avec ceux qui pourraient être obtenus auprès d’expatriés travaillant dans les villes côtières.

Formation et capacités personnelles :

De formation et de profession, je ne suis ni sociologue, ni ethnologue, ni psychologue. J’ai réalisé ce mémoire dans le cadre de mes études et de mon expérience de coordination de projet. Cette formation se veut polyvalente et englobe la gestion de personnel, y compris la gestion de conflits. C’est dans cette optique que j’ai réalisé mon mémoire, pour faciliter les relations interpersonnelles entre personnes de cultures différentes.

Je n’ai cependant pas employé la totalité des capacités et la méthodologie requises pour atteindre les buts sociologiques et ethnologiques que se donne une telle étude. Il ne faut voir dans cette étude qu’une porte ouverte à de nouvelles études approfondies pour des étudiants en sociologie, ethnologie, voire psychologie.

Cependant, Désiré RAZAFINDRAZAKA, mon directeur de mémoire, et psychosociologue, m’a été d’un grand recours pour tenter de combler cette lacune personnelle. Il a orienté ma réflexion pour que l’élaboration et la réalisation de cette enquête puissent me permettre d’utiliser les résultats de manière cohérente et a complété ma bibliographie en particulier en matière d’ouvrages de psychologie.

 

Il est donc de nombreux détails, qui ont peut-être une grande importance, que j’aurai omis de souligner dans mon travail d’enquête. Les résultats de cette enquête sont donc à tempérer par ces limites.

 

Annonce du plan

La première partie expliquera les concepts de l’étude : la culture, le dialogue interculturel et les perceptions.

Une deuxième partie présentera le contexte de l’étude : le contexte malgache, la population du centre de Madagascar, les Merina, et le contexte culturel, à savoir les caractéristiques de la culture malgache (des Merina) constituant l’objet de l’étude : l’attitude vis à vis du temps, de la parole et de la hiérarchie/des aînés. Cette partie présentera également le contexte lié à l’échantillon d’étrangers concernés par l’étude.

Enfin, la troisième partie analysera la vision des étrangers sur le rapport au temps, à la communication et à la hiérarchie des Malgaches dans le cadre professionnel après avoir présenté l’outil d’enquête. Nous essayerons, dans cette partie de comprendre sur quelles bases repose cette compréhension.

 


2.    Première partie : Concepts de l’étude

2.1.  Définitions des concepts de l’étude

Ce mémoire tente d’étudier les perceptions qu’ont les étrangers de leurs collègues malgaches. Nous allons donc définir les concepts y afférant. Outre la notion centrale de perception, il nous faut également détailler celle de culture dont nous ne cesserons de parler et celle de « confrontation » de deux cultures, en l’occurrence, le dialogue interculturel, sur lequel repose cette recherche.

2.1.1.    Culture

La culture représente, selon le psychologue Henry Piéron, l’ensemble des actions qui assure une socialisation des individus et nécessite entre autre l’acquisition de moyens de communication, de certains instruments de pensée et d’action[14].

Nous retiendrons également la définition de l’UNESCO : « la culture peut être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, en outre les arts et lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux des êtres humains, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances[15]. »

La notion de culture est primordiale dans cette étude car c’est elle qui peut expliquer les représentations et perceptions mentales de l’enquêté, que ce soit la compréhension de la culture malgache ou dans une moindre mesure la culture propre de l’enquêté[16].

2.1.2.    Dialogue interculturel

Toujours selon l’UNESCO, le « dialogue entre les cultures (interculturel) apparaît comme l’un des principaux enjeux culturels et politiques du monde actuel et est une condition indispensable de la coexistence pacifique » des peuples[17].

 

Le Larousse définit le dialogue comme un entretien entre deux personnes. Cependant cette action d’échanger des paroles avec une personne, l’entretien, ne suffit pas à entrer dans un dialogue si ceux qui échangent des paroles restent réciproquement indifférents au point de vue de l’autre et restent solidement ancrés dans leurs positions respectives. Pour permettre un enrichissement mutuel, Christoph Eberhard, dans son mémoire ayant pour thématique l’interculturel, définit comme condition nécessaire au dialogue l’enrichissement mutuel de chacun[18].

D’autre part Peter Stockinger pose l’interculturel comme « une relation entre des acteurs appartenant à deux (ou plusieurs) cultures[19] ». Etant donné la complexité que peut recouvrir une relation, nous restreindrons pour la suite de l’étude l’interculturel à un dialogue entre deux personnes de cultures différentes.

 

Le dialogue interculturel, primordial dans cette étude, est donc la confrontation et l’échange entre deux cultures. La perception des comportements des Malgaches par les étrangers nous oblige à confronter deux cultures radicalement différentes, la perception étant fortement influencée par le dialogue interculturel auquel a pu se prêter l’enquêté expatrié.

2.1.3.    Perceptions

En essayant d’expliquer les situations interculturelles, le docteur Hans Nicklas décrit le phénomène suivant : dans une situation inhabituelle, encore non expérimentée, les individus ont tendance à appliquer « les mêmes critères qu'ils connaissent dans leur vie quotidienne. Cela signifie que ce que l'on voit à l'étranger, on l'interprète et le juge d'après les critères de son expérience quotidienne, au sein de sa propre culture[20]. »

 

Au cours de cette étude, nous ne ferons que survoler la notion de représentation, qui est le contenu concret de la pensée, pour nous concentrer sur celle de perception, qui est l’organisation des sensations et la connaissance du réel. Ces notions sont définies dans le Dictionnaire de la psychologie de Norbert Sillamy (1967)[21] et le Vocabulaire de la psychologie de Henri Piéron (1994)[22].

 

Représentation collective :

La représentation que l'on peut se faire d'un étranger est un phénomène complexe faisant intervenir des éléments multiples et hétérogènes[23].

Les représentations collectives sont en relation avec la conscience collective. Notion introduite par Durkheim, elles sont produites par les actions et réactions échangées entre les consciences élémentaires dont est faite la société[24].

Plus généralement, nous retiendrons que les représentations collectives sont ce qu’un groupe de personnes s’accorde à dire sur un sujet précis. Ainsi, la perception du comportement des Malgaches pourrait être influencée par les représentations collectives qu’a la communauté d’expatriés (en particulier française) à ce sujet.

 

Perception[25] :

La perception est la prise de connaissance sensorielle d’objets ou d’évènements extérieurs. Cette action nous permet d’organiser et de structurer le réel pour qu’il nous devienne acceptable et vivable. La perception est une interprétation qui implique la personnalité toute entière, élaborée à partir de notre expérience personnelle et sociale. Ainsi, un objet n’aura jamais tout à fait la même signification pour deux individus qui ont chacun un système de référence particulier.

La perception mentale, qui peut être évolutive en fonction du temps et de l’expérience, se base donc sur le recueil d’informations par les organes sensoriels, qui repose lui-même sur des filtres individuels et communs d’interprétation à un groupe.

Ainsi, la plupart des malentendus proviennent du fait que les perceptions sont différentes car les systèmes de références ne sont pas identiques.

La perception cherche donc à décrire une réalité en fonction de la connaissance ou l’expérience que l’on en a. Elle est dépendante des repères personnels et collectifs fortement liés à la culture de l’enquêté, mais aussi à son ouverture d’esprit et sa capacité de remise en cause.

 

Cette définition de la perception nous permet donc de poser le cadre de l’étude. Si l’on veut connaître la perception qu’ont les expatriés des comportements de leurs collègues nationaux, il nous faut également connaître le type d’expérience et la connaissance qu’ils ont de cette réalité. Nous essayerons de faire ressortir les facteurs susceptibles d’influencer d’une manière ou d’une autre ces perceptions, la connaissance de la culture malgache en faisant partie. Cependant, il ne sera pas possible d’analyser totalement les repères personnels des enquêtés liés à leur propre culture en raison de la diversité de cultures représentées par l’échantillon réduit de l’enquête.

 

 

Après avoir donné une définition générale des principaux critères de l’étude, nous allons nous pencher particulièrement sur celui de la perception mentale, pivot de cette étude.

 

2.2.  Perception mentale

2.2.1.    Critères de perception mentale

Les critères de perception mentale de l’Autre sont la manière de le décrire.

Dans notre étude, ils concerneront la perception qu’ont les étrangers (les enquêtés) des agents de développement malgaches, collègues ou partenaires avec lesquels ils travaillent (les individus), soit :

-       la connaissance que l’enquêté a des individus

-       la connaissance que l’enquêté a de la culture des individus,

-       la connaissance que l’enquêté a du comportement des individus

La connaissance concrète et réelle sera, nous l’avons compris, étendue à ce que l’enquêté croit connaître.

 

Les critères pouvant influencer ces perceptions mentales sont les repères personnels des étrangers (enquêtés). Ils concernent :

-       la position de l’enquêté par rapport aux individus,

-       l’ouverture au dialogue de l’enquêté avec les individus,

-       l’expérience de l’enquêté à Madagascar,

-       le contexte personnel et individuel de l’enquêté,

-       le comportement de l’enquêté

-       la culture de l’enquêté

Nous n’étudierons pas en détail les quatre derniers critères. En effet, il aurait fallu un échantillon beaucoup plus vaste pour commencer à trouver des tendances communes aux enquêtés en fonction de ces critères. De plus, il est généralement beaucoup plus difficile de se livrer sur des informations très personnelles. Les deux difficultés sont l’ouverture à un inconnu sur des sujets si personnels et le manque d’objectivité quant à ses propres comportements.

2.2.2.    Mode d’identification du facteur interculturel dans les perceptions mentales

Deux niveaux d’interprétation interculturelle sont identifiables.

L’un concerne l’interprétation de données « objectives », telles que l’âge, la nationalité…, l’autre concerne les données « subjectives » : des données observées telles qu’un comportement, une réaction…

 

En général, la connaissance réelle (objective) d’un fait est rarement complète mais souvent partielle, bien qu’elle se base sur la réalité, sur des faits qui ne peuvent souffrir d’interprétation culturelle.

Cependant, cette photographie à un instant t, en l’occurrence du comportement des Malgaches, peut bénéficier d’une interprétation culturelle de la situation du Malgache.

Ainsi, selon certains jeunes Français, une personne âgée de 55 ans sera taxée de sénilité et écartée des débats dans de nombreuses réunions. Au contraire, cette même personne de 55 ans dans certains lieux malgaches sera l’emblème de la sagesse et de l’expérience et sera l’élément incontournable de prise de décision dans une réunion. Ainsi, un élément aussi simple que l’âge permet-il deux interprétations culturelles radicalement opposées.

 

Les données subjectives sont celles qui sont observées par l’enquêté. Bien que décrivant une réalité, elles ne font pas appel à une connaissance, à un savoir, mais à un sens : l’observation. Cette interprétation subjective est directement liée au contexte individuel et personnel de celui qui observe.

 

Ces facteurs d’interprétation culturelle seront plus ou moins grands selon l’interprétation qu’auront les enquêtés de leurs rapports avec les Malgaches, la connaissance de la culture malgache, l’expérience vécue à Madagascar, le recul sur leur propre culture, et surtout leur ouverture au dialogue, et éventuellement les préjugés sur ce peuple.[26]

2.2.3.    Perceptions et développement

Dans les pays du Sud et spécifiquement dans le monde du développement, la perception est une notion d’autant plus cruciale, que les relations de travail confrontent des travailleurs de nationalités différentes.

De plus, il s’avère qu’à Madagascar, la plupart du temps, les expatriés tiennent les places de haute responsabilité dans les structures de développement : directeurs ou représentants d’associations internationales, chef ou coordinateur de projet de développement dans les structures internationales, assistants techniques de projet…

Faire travailler ensemble des salariés de deux cultures différentes augmente le risque de mésententes liés à une mauvaise connaissance de la culture de l’autre et peut ainsi brouiller les relations de travail. Ce type de relations peut entraver le bon déroulement d’un projet de développement.

Il est donc important pour le bon fonctionnement des projets que responsables étrangers et salariés locaux puissent communiquer sans de trop grandes barrières culturelles influencées par les perceptions. Ainsi, le fonctionnement concret des projets n’en pâtira pas.

 

 

Après avoir défini les critères de perception mentale ainsi que le facteur interculturel y afférant, en particulier dans le monde du développement, nous pouvons décrire maintenant le contexte malgache dans lequel a été réalisé l’étude.


3.    Deuxième partie : Contexte de l’étude

3.1.  Contexte malgache

3.1.1.    Madagascar, une île à part

3.1.1.1.        La diversité malgache

Géographie :

Madagascar est une île du continent africain dans l’Océan Indien séparée de l’Afrique (Mozambique) par les 400 km du canal du Mozambique. Le pays est situé à 10 000 km de la France et 3 500 km de l’Inde. Il est entouré des archipels des Comores, Maurice, Seychelles et la Réunion.

Le tropique du Capricorne traverse l’île à hauteur de Tuléar (dans l’extrême Sud du pays). Excepté cette région, Madagascar se situe dans la zone tropicale de l’hémisphère Sud.

Madagascar est la quatrième île du monde par sa superficie après le Groenland, la Nouvelle-Zélande et Bornéo. Elle mesure 1580 km du nord-est au sud ouest et 570 km en sa partie la plus large. L’île a une superficie de 587 041 km2 et son littoral compte 5000 km de côtes.

Madagascar se scinde en trois bandes parallèles dans le sens Nord Sud : les bas plateaux et les plaines de l’Ouest, les Hautes Terres du Centre, et l’étroite côte orientale.

Les Hautes Terres, ou hauts plateaux, traversent presque tout le pays dans sa longueur du nord au sud. Elles s’élèvent entre 750 et 1350 m d’altitude. La capitale de Madagascar, Antananarivo se situe au centre des Hautes Terres.

 

Développement :

Le développement humain du pays n’est pas des plus brillant. Il est estimé que 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. L’espérance de vie à la naissance ne dépasse pas 52 ans pour les hommes et 53 pour les femmes. Le taux de mortalité infantile est de 92/1000 avec un taux de fécondité de 6 enfants par femme. Enfin, bien que le taux d’alphabétisation soit de 65% en ville, il n’est que de 31% en milieu rural, ce qui laisse 48% de la population malgache « sans instruction ».

 

Population :

Madagascar compte environ 17 000 000 d’habitants dont 45 % ont moins de 15 ans. La capitale concentre 1 100 000 habitants. Le pays a une densité de 27 habitants au km2, avec 72% de population rurale.

La population se compose de 18 ethnies ou « tribus » dont le territoire correspond à d’anciens royaumes plutôt qu’à de véritables caractéristiques ethniques.

Certains groupes, comme les Merina, montrent des traits à dominante indonésienne et d’autres, comme les Vezo, de la côte sud-ouest, semblent plus proches des peuples de l’Afrique de l’Est. La plupart se revendique d’origines diverses et se définit avant tout comme malagasy.

Outre la population malgache, la population se compose d’Européens (surtout de Français), de Comoriens, d’Indiens, de Pakistanais et de Chinois. Le terme vazaha désigne les étrangers blancs en particulier les Français, qui sont 31 000 à résider à Madagascar.

En France, la communauté malgache s’élève à 70 000 personnes environ.

 

Histoire :

Au début de notre ère, les Indonésiens bantouisés débutent le peuplement de l’île.

Le XIIe s. voit la fondation de comptoirs arabes à Vohémar, dans le nord du pays ainsi que l’immigration malaise.

L’île est découverte en 1500 par le Portugais Diégo Diaz.

Au cours du XVe s., le royaume Sakalava (peuple de l’ouest du pays) est fondé et celui de l’Imerina se met peu à peu en place. En 1610, Analamanga, future Antananarivo devient la capitale des Merina.

Les Français commencent à s’installer dans le nord de l’île au XVIIe s.

Après des guerres civiles entre royaumes et tribus malgaches de 1710 à 1800, le roi Andrianampoinimerina unifie la Grande Ile.

De 1810 à 1828, le règne de Radama Ier ouvre le pays sur l’occident, alors que Ranavalona Ière qui règne après lui, jusqu’en 1861 marque une période de repli. Les deux années du règne de Radama II qui suivent apportent réouverture et confusion.

En 1885, Madagascar est placée sous protectorat français, puis annexée en 1896. Gallieni devient le gouverneur de l’île et Ranavalona III est exilée à Alger.

Des manifestations massives pour la naturalisation ont lieu en 1929 qui permettent l’élargissement de l’accession des Malgaches aux droits du citoyen français en 1938.

L’insurrection indépendantiste de 1947 est réprimée dans le sang par l’armée française. En 1958 Madagascar devient une république autonome dans le cadre de la communauté française puis elle accède à l’indépendance le 22 juin 1960. Philibert Tsiranana est alors président jusqu’en 1972 où les militaires prennent le pouvoir.

En 1975, Didier Ratsiraka devient président du Conseil de la Révolution et proclame la IIè République démocratique de Madagascar. Il reste au pouvoir jusqu’en 1993 où Albert Zafy, après le soulèvement populaire de 1991 devient président jusqu’en 1996. Il est alors destitué et Didier Ratsiraka revient au pouvoir jusqu’en 2002. Les nouvelles élections proclament après six mois de crise le nouveau président : Marc Ravalomanana.

 

Ainsi, à l’heure actuelle, Madagascar, carrefour de cultures, a connu de nombreux revirement dans son histoire qui l’ont tantôt ouverte sur l’extérieur, tantôt refermée sur elle-même depuis son peuplement.

3.1.1.2.        Origines de la population malgache

L'origine de Madagascar est lointaine et date d’il y a 240 millions d'années. Cette île était rattachée au Gondwana, continent aujourd'hui disparu qui a donné naissance à l'Afrique, au continent sud-américain, à l'Australie, à l'Inde, etc.

Pourtant l'origine de l'île de Madagascar en elle-même est plus récente. Elle s'est en effet détachée du continent Africain il y a 160 millions d'années et de l'Inde il y a 90 millions d'années. Cette particularité a permis à Madagascar de conserver une faune et une flore incroyable car coupée de toute communication avec le monde extérieur avant l’apparition de l’espèce humaine en Afrique et en Asie.

A l’heure actuelle, il n’a pas été retrouvé de trace de civilisation primitive propre à l’île. Cependant, la tradition orale fait état d’une peuplade de pygmées à peau claire et aux yeux bleus, les vazimba, qui aurait « toujours été là ».

L’étude du pays a mis en évidence deux origines de la population malgache : africaine et indonésienne. Dans l’Imerina (région où vivent les Merina) des Hautes Terres, les membres de certaines castes sont de type asiatique, proche des Javanais, tandis que les Bara du plateau méridional ressemblent aux Bantous de la côte Est de l’Afrique. Toutefois, dans l’ensemble, c’est la mixité qui caractérise les individus des dix-huit tribus de l’île. Les Malgaches ne s’affirment donc ni Africains ni Asiatiques.

 

Quant à la langue, elle atteste elle aussi de la double origine précitée. Un lien unit la langue malgache à la branche indonésienne des langues malayo-polynésienne. L’indonésien originel aurait été transformé par une prononciation africaine habituée à des syllabes finales.

 

On trouve également cette double influence asiatique et africaine à travers certains traits socioculturels et certaines techniques : la pirogue à balancier, les méthodes de pêche et de chasse, la forme des maisons, le culte des ancêtres, l’usage de la politesse et la littérature orale rappellent directement l’Indonésie alors le lien avec l’Afrique de l’Est se ressent dans l’importance du bœuf comme signe de richesse, la poterie et la circoncision.

3.1.2.    Organisation sociale de la population merina

Classes sociales :

Les Merina se divisent en trois classes sociales principales.

Les Andriana forment la noblesse. La définition de ce groupe social est la liaison au roi, qu’il s’agisse d’une parenté réelle ou fictive.

Les Hova peuvent être définis comme les roturiers ou bourgeois de la société merina.

Enfin, il est commun de définir les Andevo ou Mainty comme descendants d’esclaves (ou plutôt « travailleurs ») noirs. Cependant, cette expression d’esclave n’est pas réellement adaptée. Il serait plus juste de dire qu’ils étaient « attachés » à un autre groupe.

Bien que le système de classes ne soit plus officiel, il est encore très présent dans les esprits.

 

Origine géographique et généalogique :

Jean Pierre Raison explique dans son ouvrage[27], que sur les Hautes Terres, la société merina se divise en foko ou karazana, dont les membres sont définis par une commune résidence ou du moins aujourd’hui une commune origine géographique, et un nom commun. Ces groupes sont caractérisés par une très forte endogamie, celle-ci pouvant même être pour certains une règle.

Le plus souvent, ces foko, groupements géographiques et sociaux se réunissent en unités de taille supérieure, de même nature pour aboutir, au sommet à l’unité, clairement géographique, mais largement artificielle.

Le plus souvent, les noms des foko expriment l’idée de parenté commune. Ainsi, la signification géographique et la signification généalogique du nom du groupe sont étroitement imbriquées dans l’esprit des Merina.

 

 

Pour aborder les informations spécifiques de la culture malgache qui concernent notre étude, nous utiliserons notamment les entretiens réalisés auprès de M. Désiré Razafindrazaka, psychosociologue, président des Amis du Patrimoine Malgache et de Madajazzcar et membre correspondant de l’Académie Malgache, de M. Désiré Ramakavelo, docteur en sciences politiques, écrivain et poète, membre des Amis du Patrimoine Malgache et de l’Académie Malgache, et de Mme Suzy Ramamonjisoa, psychosociologue et experte pour le dialogue des cultures en Afrique de l’Est, également membre de l’Académie Malgache. Nous complèterons ces « données actualisées » par l’étude sur la culture, les traditions malgaches et la prospective – les décideurs devant la question culturelle[28] réalisée pour le PNUD.

3.2.  Contexte culturel

3.2.1.    Attitude vis à vis du temps

Le respect du temps :

La notion de fihavanana nous permet de mieux comprendre la place réservée au temps dans la culture malgache. En effet, ce concept se traduit par la possibilité de toujours trouver un terrain d’entente. En malgache, il se dit « marimaritra iraisana » qui regroupe les significations de consensus, compromis et tolérance. Celui qui arrive en retard, par exemple, n’a pas tout à fait tort et celui qui est à l’heure n’a pas tout à fait raison. Il s’agit alors que personne ne soit blessé. Pour mieux comprendre cet esprit de fihavanana assez éloigné de la culture française, nous prendrons un deuxième exemple : à la fin d’un combat de taureaux, le vainqueur ne sera pas félicité et on ne donnera pas tort au vaincu.

Ainsi, ce n’est pas le respect du temps, mais le respect de l’autre qui prime : « Mieux vaut perdre de l’argent que perdre de l’amitié (au sens fort du terme, fihavanana) », proverbe malgache qui se ressent également dans le monde professionnel malgache. En effet, les dirigeants Malgaches doivent trouver des solutions alliant les temps de production et les « temps traditionnels » (exemple d’absentéisme ou de retard dans les échéances pour accomplir des visites familiales à la campagne) qui ne nuisent pas à la production de l’entreprise tout en conservant des relations harmonieuses avec les salariés.

Grâce à cette perception du temps, les Malgaches sont un peuple très convivial et sont accueillants dans leur façon de vivre. D’autant plus que le temps, à Madagascar, est une notion très relative et « élastique » qui se base principalement sur le cycle naturel.

 

Un cycle naturel :

Les Malgaches vivant en symbiose avec la nature, l’horloge malgache se base également sur la nature, c’est à dire sur les animaux et les être vivants en général.

Ainsi, le découpage de la journée dans les campagnes ne se base pas sur vingt-quatre heures, mais sur un horaire relatif aux événements qui surviennent tout au long de la journée. Ainsi, on se repère au lever du soleil, au moment où l’on sort le zébu, où les travailleurs vont au champ…

De même, il existe une corrélation entre les distances et le temps. Lorsqu’il est demandé à la campagne où se trouve tel village, un paysan ne nous répondra pas à 4 kilomètres mais nous dira qu’il faut le temps de cuire le riz pour s’y rendre (soit environ une heure).

Il est donc facilement compréhensible que la notion du temps soit toute relative à Madagascar. En notion mathématique, elle pourrait se percevoir comme la « logique floue » : tout comme le nombre Pi ou racine carrée de 2, elle n’est pas aléatoire mais bien précise, cependant elle ne peut pas se définir de manière absolue et ne peut pas être totalement saisissable.

D’autre part, deux autres cycles viennent ponctuer le temps à Madagascar : le cycle lunaire et celui des saisons.

Pour illustrer le cycle des saisons, ce sont certaines plantes qui vont donner des repères de temporalité. L’apparition des fleurs de la plante ambiaty va donner le départ du semis du riz. Ce riz s’appellera d’ailleurs le « vary vaky-ambiaty » (traduction littérale : riz fleur d’ambiaty).

Malgré l’introduction du calendrier grégorien de 30 jours par mois, le cycle lunaire, mois de 28 jours, est encore d’actualité dans les campagnes et la traduction malgache de « mois » est « volana » qui signifie également « lune ». Tirant son origine de la civilisation arabe, il conditionne l’utilisation de l’astrologie dans de nombreux événements. Par exemple, les jours fastes (ou non) définis par l’astrologie donneront la date de construction d’une maison ou d’un tombeau. De plus, ce « calendrier astrologique » définit également des jours où il est interdit de travailler (le mardi sur la côte Est), ou des jours où il est interdit d’enterrer avant le coucher du soleil (le mardi à Antananarivo).

 

Ce lien du temps avec la nature, encore très présent dans les campagnes des Hautes Terres, aurait pourtant tendance à se perdre en ville avec l’influence occidentale. Cependant, « l’élasticité » du temps est toujours très présente dans le comportement des habitants de la capitale qui se remarque par les étrangers sous la forme du moramora (aller doucement).

 

Le moramora :

Pour expliquer la place de la lenteur à Madagascar, nous prendrons l’explication fournie par l’étude sur la culture, les traditions malgaches et la prospective du PNUD.

« La lenteur n’est pas forcément un défaut pour un malgache ; elle est parfois application et amour du travail bien fait, sans souci premier l’obtention de bénéfices.

Un dicton malgache définit que « le beau et le bien rendent lent » : ny soa mampiadan, ce qui équivaudrait à dire que le moramora fait partie de la qualité ou même du bonheur. Ce qui signifierait que la précipitation est contraire à la qualité de la vie. La vitesse pour rendre un travail donne souvent des produits bâclés alors que la lenteur accompagne le travail fignolé. Il y a donc un problème d’utilisation du temps dans la compréhension même de la qualité du travail. Un bel objet d’artisanat est rarement une commande à rendre avec des délais très courts. »

 

Influence occidentale :

Déjà vers 1820, le christianisme apporté par les britanniques, a fortement influencé les habitudes et coutumes malgaches en bravant des tabous de la société. Un proverbe malgache illustre jusqu’où les missionnaires, qui ont commencé à construire des églises et le palais de la reine en pierre, ont pu choquer les Malgaches : « un mort sort par la porte en bois et entre par la porte en pierre. »

Puis la colonisation a tenté de renier la notion relationnelle et culturelle malgache auprès de l’administration et du secteur de l’enseignement (enseignants et pasteurs) en faisant de la France la mère patrie de Madagascar. L’histoire de France et non plus de Madagascar était enseignée aux Malgaches.

Le calendrier grégorien et le découpage en 24 heures « fixes » de la journée ont alors été imposés et sont maintenant respectés dans la capitale.

3.2.2.    Attitude vis à vis de la parole

Les Malgaches ont trois valeurs fondamentales, la vie (aina), le verbe (la parole, teny) et la Terre (tanindrazana), dont le lien est la vie. D’après Mr Ramakavelo, ce sont ces valeurs qui font que les Malgaches sont intrinsèquement croyants (à cause du lien à la vie). Nous ne nous attarderons pas sur la dernière notion de la Terre qui est celle qui nourrit les Hommes et donc qui leur donne la vie. Nous expliquerons par contre les valeurs de la vie et du verbe, pour mieux comprendre le comportement vis a vis de la parole et de la hiérarchie.

 

Le verbe :

Dans la culture malgache, « la parole a une force mystique sacrée » ny teny manan-jiny. Elle se base sur une confiance mutuelle, elle aussi quasi sacrée, d’où la très grande importance de dialoguer pour obtenir cette parole, ce teny ifampierana ou consensus en français, qui a une réelle valeur de contrat.

Pour cela, il faut absolument encourager l’autre à donner son avis pour qu’il y ait un consentement mutuel à la fin du dialogue. Ainsi, ne pas laisser quelqu’un dire ce qu’il a envie de dire est proscrit à Madagascar. Un proverbe malgache résume ce comportement : « si vous coupez la parole à quelqu’un, c’est comme si vous lui enleviez la vie », en malgache : « manapaka teny, manapaka aina » (traduction littérale : couper la parole, couper la vie).

Cette conception du dialogue est la base de la démocratie. Il est même possible d’ajouter que les Malgaches sont un peuple démocrate « culturellement ». Ainsi l’organisation en fokonolona, associations villageoises, permet de « gouverner » le village en obtenant le consensus de tous les villageois.

 

Le dialogue dans la culture malgache implique donc une grande diplomatie de la part des Malgaches qui ne veulent pas vexer leur interlocuteur, et qui par cette forme de politesse, le respectent. Ainsi, par exemple, les Malgaches répondront par l’affirmative à une question négative pour confirmer la négative. Par exemple, à la question « N’ais-je pas reçu de courrier aujourd’hui ? », un Malgache ne répondra pas « non » comme un Français, mais « oui, tu n’as pas reçu de courrier aujourd’hui ».

 

Unicité de langue de Madagascar :

Madagascar se distingue des pays des continents asiatique et africain par l’unicité de la langue malgache. En effet, que ce soit en Inde, en Côte d’Ivoire ou dans d’autres pays, de nombreuses tribus vivent dans le même pays sans parler la même langue ou le même dialecte. D’ailleurs, celle qui leur permet de communiquer est souvent celle de l’ancien pays colonisateur alors qu’à Madagascar, les 18 ethnies se comprennent, même s’il existe des variantes dans les dialectes locaux. Il est donc possible pour un Malgache de se déplacer dans toutes les parties de l’île sans interprète, de comprendre et se faire comprendre par la population locale aisément.

 


Différence principale entre le malgache et le français :

Nous l’avons vu précédemment (voir définition au paragraphe 3.2.1), la langue malgache utilise une « logique floue » alors que la langue française se sert d’une logique cartésienne. En français, on ira beaucoup plus vite à l’essentiel, par exemple : « vous m’ennuyez, je ne peux pas vous recevoir », alors qu’en malgache on prendra de nombreux détours pour annoncer (ou non) sa pensée : « vous savez, j’ai encore beaucoup de choses à faire, j’ai des personnes à recevoir… ».

Lors d’un dialogue, d’ailleurs, il est très impoli de regarder l’interlocuteur dans les yeux à Madagascar alors que c’est le contraire en France.

De même, il faut être très prudent, car en français une expression dit : qui ne dit mot consent, alors que si un Malgache ne s’exprime pas lors d’un dialogue, c’est souvent qu’il n’est pas d’accord. Le comportement sympathique d’un Malgache ne signifie en rien qu’il soit d’accord avec la discussion.

Par contre, il peut arriver qu’un Malgache consente aux propos d’un étranger sans en être convaincu : il n’a peut-être pas tout compris ou est peut-être sous pression. Il faut donc dissocier le « oui-contrat » dont nous avons parlé plus haut du « oui-obligé ». Le « contrat » n’a lieu que si le Malgache est convaincu par son « oui » et c’est à l’interlocuteur d’inciter le Malgache à donner son avis et de sentir la conviction (ou non) dans ses paroles.

 

Problèmes de franchise ?

Les Malgaches étant très jaloux de leur vie privée, il peut arriver qu’ils ne donnent pas la vérité dans certains cas. Ils estiment en effet que leur vie privée n’a pas à être étalée au grand public et qu’elle doit rester au sein du foyer.


3.2.3.    Attitude vis à vis des aînés et de la hiérarchie

La société malgache est très hiérarchisée autour du père et de la mère (raiamandreny ou ray aman-dreny). Pour comprendre cette importance, nous allons commencer par expliquer la troisième valeur fondamentale malgache qu’est le lien de vie.

 

Lien de vie :

D’après la croyance de la majorité des Malgaches, Dieu donne la vie aux hommes. Donc le lien entre les hommes et Dieu est la vie. Cette relation sacrée de vie règle également la relation entre parents (époux) et enfants (frères et sœurs). Il est possible de schématiser grossièrement la relation de vie comme suit :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Dieu donne la vie à l’homme, les parents (qui sont les futurs ancêtres) donnent la vie à leurs enfants… et ainsi de suite.

Les Malgaches ont ainsi le sens et l’amour de l’Autre. Cette valeur de la vie unit tous les Malgaches en leur montrant que chacun ne peut exister sans l’autre (par l’exemple de l’enfant qui ne serait pas là sans sa mère).

 


Hiérarchie familiale :

Place des parents

 
La hiérarchie familiale se schématise ainsi par différents groupes sociaux :

Place des invités de marque

 

Place des jeunes

 

Place des enfants

 

Place des domestiques

 
 

 

 

 

 

 

 

 


Cette hiérarchie est très forte dans de nombreuses familles malgaches. En effet, dans certaines maisons, les enfants n’ont pas le droit de s’asseoir sur le lit ou le siège des parents ni de s’adresser aux parents.

En règle générale, d’ailleurs, les personnes doivent être de même rang social pour pouvoir s’adresser la parole : parents entre parents, enfants entre enfants…

 

Légitimité des dirigeants :

Sur ce même principe de hiérarchie des parents (raiamandreny), les dirigeants ou autorités tirent leur légitimité du fait qu’ils sont les parents du peuple car ils dirigent, organisent et prévoient la vie de la famille, du peuple.

Le peuple, quant à lui est sur le même pied d’égalité que les autorités puisqu’il en est aussi le parent : il fait vivre les autorités, les nourrit et leur assure la sécurité. Cette réciprocité donne la possibilité au peuple de s’adresser aux autorités et vice et versa.

Ce dialogue a permis d’appliquer une démocratie directe dans la gestion des affaires du peuple depuis longtemps. Cependant, la démocratie représentative (« à l’occidentale » selon Mr Ramakavelo) introduite en 1960 n’arrive pas à faire ses preuves à Madagascar.

 

Autorité hiérarchique[29] :

De plus, la hiérarchie est conçue comme indispensable à tout groupe social, car l’autorité est nécessaire pour le fonctionnement de toute organisation. « Même une bête a une tête » biby aza manan-dohany, dit on pour justifier le caractère inéluctable de l’autorité.

Le respect de la hiérarchie par les Malgaches est inconditionnel, tant que le fondement de la hiérarchie est perçu comme justifié : « un chef est toujours un chef », ny lehibe lehibe ihany. La culture malgache a un respect immense pour la hiérarchie, qui frise apparemment la servilité, mais il ne faut jamais oublier que l’exercice de l’autorité est toujours sous très haute surveillance (observation du mérite et de la valeur notamment).

Les fondements de la hiérarchie sont divers : l’âge, le sexe, la compétence professionnelle, la liaison au pouvoir politique peuvent instituer des hiérarchies dont l’exercice doit toujours se faire dans le strict respect de l’honneur dû aux êtres humains, Haja et des égards auxquels ils ont droit, Zo. Mais surtout, ils engendrent des devoirs et des responsabilités, Adidy, obligeant le chef à des activités de tutelle et de protection de ses subordonnés.

 

Cependant, Mme Suzy Ramamonjisoa rajoute lors de notre entretien qu’il ne faut perdre de vue que la hiérarchie institutionnelle est toujours très lourde dans les pays sous développés, d’autant plus s’ils ont connu une période de socialisme.

 

Hiérarchie de la parole :

Dans la tradition, la parole appartient en priorité aux anciens, ensuite aux parents, puis aux gens de même rang et enfin aux cadets.

Ainsi dans le cas du kabary (discours), celui qui discourt commence par s’excuser de prendre la parole auprès des personnes plus âgées et de rang social plus élevé, puis auprès des personnes de même rang social qui pourraient être plus habiles discoureurs que lui et aux cadets qui pourraient également être plus adroits. Enfin, il s’excuse d’avance du risque de blesser qui que ce soit sans le vouloir par ses paroles. Car, rappelons-le, les Malgaches croient en la parole (sacrée) qui va être prononcée au cours du discours.

Si un Malgache est « supérieur » en âge, en connaissance ou en rang social, il est considéré comme l’aîné, le parent et le respect lui est dû de par sa position hiérarchique. Celui qui est en position inférieure hésitera à s’exprimer car il est là pour écouter.

Par contre, si il est invité à parler, c’est qu’il est considéré du même rang que celui qui est « supérieur ». Donner la parole à quelqu’un montre donc qu’on l’estime.

 

Place des étrangers :

N’ayant pas ce lien de vie qui unit les Malgaches, les étrangers n’entrent pas vraiment dans le respect hiérarchique qui s’applique aux Malgaches mais ont droit à du respect et de la politesse en tant que personnes dans la mesure où ils ne se comportent pas de manière condescendante. Ainsi, le tutoiement (en malgache) s’adressant à une personne qui n’est pas du même rang social ou plus simplement à une personne « supérieure » sera considéré comme une injure. Bien que moindre lorsqu’il est en français, le tutoiement d’un Malgache par un étranger sera quand même mal perçu.

Cependant, certaines règles de hiérarchie s’appliquent peu ou prou aux étrangers : « les cheveux blancs » (qu’ils soient malgaches ou étrangers) sont de toute façon respectés. D’autre part, même si une personne jeune (malgache ou étrangère) a une place et responsabilité plus importante qu’une personne âgée, il est important de respecter le plus ancien. Ainsi une personne à la retraite pourra plus facilement tutoyer un ministre plus jeune que lui, alors que le contraire ne se fera pas.

Par contre,le lien de vie qui n’existe pas entre Malgaches et étrangers peut se créer à partir du moment où les étrangers prononcent quelques mots en langue malgache. En effet, la force de la parole (du verbe), qui établit ce lien de vie entre les Malgaches, unit les étrangers qui parlent malgache aux habitants de l’île. A partir de ce moment, les étrangers sont « traités » de la même façon que les Malgaches quant au respect de la hiérarchie, de la parole… En règle générale, placer quelques mots de malgache au début d’une conversation change l’état d’esprit du Malgache qui participe à la discussion.

 

Résistance aux influences ?

Les Malgaches, vivant sur une île, sont d’autant plus envahis par les cultures étrangères que les nouvelles technologies (internet, télévision, câble, téléphone…) sont arrivées à Madagascar. Ceci incite la population à prendre ses dispositions pour préserver sa culture des cultures étrangères. Mais plus qu’une résistance aux influences étrangères, les Malgaches ont tendance à mettre leur culture en valeur.

 

 

La conclusion de l’entretien de Mme Suzy Ramamonjisoa nous permettra de relativiser ces données sur le temps, la parole, la hiérarchie et les aînés à Madagascar. En effet, selon elle, la culture est loin de n’être que le passé, mais elle est aussi le présent et surtout le futur de la société. Ainsi, il est important pour les Malgaches d’adopter une attitude de concertation et d’intégrer le cadre actuel de la mondialisation aux valeurs culturelles malgaches.

 

3.3.  Contexte lié aux étrangers

3.3.1.    Echantillonnage

Etant donné la complexité et la durée de l’enquête, il a été décidé de réaliser un petit nombre d’enquêtes  (treize) auprès de onze Français et de deux personnes d’autres nationalités (un Italien et une Japonaise).

La volonté d’interroger une majorité de Français a une double origine.

Initialement, il est nécessaire de rappeler le lourd passé qui unit les Français aux Malgaches. La France a été le dernier pays colonisateur de Madagascar et la décolonisation fut particulièrement sanglante dans les années 60. Ensuite eu lieu le renvoi des Français et le déni de toute référence aux Français (y compris linguistique) dans les années 70 (malgachisation). Il s’avère que depuis la fin des années 90, avec l’arrivée de l’aide au développement, une forte communauté de Français s’est établie dans le monde du développement à Antananarivo. A Madagascar, elle constitue la plus forte communauté occidentale avec plus de 30 000 expatriés français.

Une notion complémentaire permettra de mieux cerner la place des Français à Madagascar actuellement. Le mot malgache vazaha se traduit littéralement en français par étranger. Pourtant, dans la société, il désigne les étrangers blancs et plus généralement les français. Ainsi, si le Français est un étranger à Madagascar, dans la société malgache, l’étranger est un Français ! Ces considérations permettent de mettre une priorité sur l’axe des relations interculturelles malgacho-françaises.

De plus, étant moi-même française, il m’était plus facile de comprendre les références culturelles auxquelles faisaient appel les enquêtés et il m’aurait été plus difficile de mener une enquête dans une autre langue que le français.

J’ai cependant choisi d’enquêter également auprès d’étrangers d’autres nationalités pour tenter de pointer les perceptions plus spécifiquement françaises qui seraient susceptibles de différer d’autres nationalités.

Lors de l’exploitation des données, toutes les nationalités étrangères à Madagascar entreront dans la même analyse des résultats.

 

Outre la nationalité, un deuxième critère de sélection est la nécessité d’être responsable dans le monde du développement à Antananarivo. Les enquêtés doivent avoir une expérience d’au moins six mois à Madagascar. Des personnes effectuant de courtes missions, dont les passages à Madagascar seraient très courts (moins de deux mois), pourraient ne pas se sentir concernées par la culture malgache. De plus le temps est un facteur très important dans la compréhension que l’on a d’une culture[30].

 

Il était ensuite souhaitable d’avoir un panel d’enquêtés pouvant côtoyer différents milieux à Antananarivo et avoir différents niveaux de responsabilités. Ainsi il fallait enquêter auprès de personnes de la coopération bilatérale (assistants techniques de l’Ambassade de France, coopération entre le Japon et Madagascar) d’organisme international (Organisation Mondiale de la Santé), de responsables de programme de développement (expatriés ou salariés locaux, volontaires[31] ou bénévoles).

 

Présentation des profils des enquêtés :

Tableau 1 : Présentation du profil des étrangers enquêtés

Age

nationalité

statut

responsabilité

durée de séjour passé

à Madagascar

durée prévue avant le départ de Madagascar

1

60

française

volontaire

responsable d'ONG

4 ans

peut-être 1 ou 2 ans

2

29

française

volontaire

coordination de projet

13 mois

1 an

3

62

française

bénévole

responsable de projet

6,5 mois

1,5 mois

4

27

française

salarié local

coordination de projet

10 mois

1,5 ans

5

50

française

homme d’église

adjoint au directeur

14 ans

3 ou 4 ans maximum

6

50

française

salarié local

gestion de projet

15 ans

à vie si possible

7

54

française

assistant technique

chef de projet

1,5 ans

1,5 ans

8

26

franco-belge

bénévole

coordination de projet

1 an

départ immédiat

9

28

française

bénévole

coordination de projet

2,5 ans

2,5 mois

10

30

française

assistant technique

coordination de projet

2,5 ans

1,5 ans et peut être renouvellement 2 ans

11

46

italienne

salarié international

focal point

2 ans

2 ans (en théorie)

12

32

franco-suisse

assistant technique

chef de projet

5 ans (en 2 séjours)

1 an et plus si possible

13

36

japonaise

salarié international

chargé d'études

8 ans

1 an

 

3.3.2.    Investissement dans le travail des enquêtés

Nous l’avons présenté plus haut, tous les enquêtés ont un poste à responsabilité dans le monde du développement. Ils s’impliquent à plusieurs niveaux dans le développement à Madagascar : dans la gestion de projet et d’équipe, le conseil, le développement à proprement parler des projets, le lien avec les partenaires, mais aussi dans certains cas avec les bénéficiaires.

 

Tableau 2 : Responsabilités professionnelles des enquêtés

Gestion de projet

Gestion d’équipe

Lien avec les partenaires

Développement du projet

conseil

Lien avec les bénéficiaires

1

n.d[32]

n.d

n.d

n.d

n.d

n.d

2

X

X

X

 

 

X

3

 

 

 

X

X

 

4

X

X

X

X

 

X

5

 

 

X

 

 

 

6

X

X

X

X

 

X

7

X

 

 

X

 

 

8

X

X

 

 

 

 

9

 

 

X

 

 

 

10

X

 

 

 

 

 

11

 

 

 

 

X

 

12

X

 

X

 

X

 

13

X

 

X

X

X

 

 

Le tableau 1 (page 33) dénombre six enquêtés qui n’ont pas de statut de salarié : homme d’église, volontaires ou bénévoles. Ces statuts montrent la démarche volontaire et désintéressée des étrangers dans le développement malgache car ils n’ont pas de salaire mais simplement des indemnités pour certains d’entre eux ou aucune source de revenus pour les autres. Ce type de statut nécessite également un engagement de chacun qui se traduit par un investissement en temps important dans leur projet de développement.


3.3.3.    Lien des expatriés avec Madagascar et les Malgaches

Les étrangers enquêtés ne sont pas tous venus travailler à Madagascar pour les mêmes raisons et n’ont pas tous la même approche du pays et de sa culture sur place.

 

Motivation au départ (voir tableau 3 page suivante) :

Chacun a une motivation différente pour avoir décidé de venir travailler à Madagascar, mais on peut remarquer deux motivations très différentes auprès de notre échantillon. Pour certains d’entre eux, l’aboutissement de leur parcours personnel est la mission à Madagascar. L’expérience culturelle et/ou professionnelle de ces personnes a orienté leur réflexion sur le choix de vivre une expérience d’expatriation, en particulier à Madagascar. Leur motivation est donc ancrée au fond d’eux même, au contraire de certains qui ont tenté de quitter quelque chose qui ne leur convenait pas dans leur « vie antérieure » ou de venir à Madagascar pour relativiser la vie européenne. Ces derniers n’ont pas adopté la même démarche de réflexion sur eux même pour les mener à Madagascar, mais peuvent avoir entamé une réflexion sur la vie qu’ils menaient auparavant.

De même, deux personnes se sont rendues à Madagascar pour les spécificités de ce pays. Elles n’ont donc peut-être pas la même approche du pays que celles qui n’ont pas choisi réellement leur destination, qui se sont vues attribuer une mission dans un pays qu’elles ne connaissaient pas.

 

Comportement avant le départ ( voir tableau 3 page suivante) :

Hormis deux enquêtés, tous les autres se sont renseignés sur Madagascar avant leur arrivée dans le pays. Nombreux sont ceux qui ont consulté les guides touristiques sur Madagascar ou lu des ouvrages (ou des sites internet) sur l’île, sa géographie, son histoire, son peuplement…

Cependant, certains ont adopté une démarche plus active en rencontrant des compatriotes qui s’étaient déjà rendues dans le pays pour différentes raisons (tourisme, associatif, professionnel…) ou encore en rencontrant des membres de la diaspora malgache en France.

 

Tableau 3 : Conditions de départ des étrangers

Motivation au départ

Choix du pays

Préparation au voyage

Aboutissement d’un parcours personnel

Pour quitter quelque chose

Pour relativiser la vie occidentale

Pour sa spécificité

Pas choisi le pays

Rien ou presque rien

Guides touristiques

Autre lectures

Rencontre de compatriotes s’étant déjà rendus à Madagascar

Rencontre de membres de la diaspora malgache

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Retour au pays natal

Facteur secondaire mais intéressant, seul quatre expatriés (n° 2, 4, 9 et 13) n’ont pas effectué de « retour au pays » depuis leur arrivée à Madagascar. Il s’avère qu’ils font partie des personnes qui sont là depuis moins longtemps (moins de 13 mois) et qui ont des statuts plus précaires (deux bénévoles, un volontaire et un salarié local). Ces quatre personnes n’ont d’ailleurs pas effectué de voyage touristique ou professionnel en dehors de l’île depuis leur arrivée.

 


Implication extraprofessionnelle auprès des Malgaches (voir tableau 4 ci-dessous) :

Les expatriés ont différentes manières de s’impliquer auprès des Malgaches en dehors du travail.

L’enquêté n°3 est le seul a n’avoir que des relations amicales dans le cadre professionnel avec les Malgaches. Certains comptent peu d’amis natifs de l’île bien qu’ils puissent être très proches de ceux-ci. Ainsi, quatre des expatriés ont des amis avec lesquels ils entretiennent de très bonnes relations.

D’autre part, certains se sont encore plus impliqué dans le quotidien de leurs amis en partageant la vie de ces derniers ou en choisissant un conjoint, époux(se) ou concubin(e) malgache. Ceci peut leur avoir permis de mieux prendre conscience de certains modes de vie et de la culture malgache.

Enfin, presque la moitié des expatriés a fait l’effort d’apprendre la langue malgache à son arrivée pour faciliter la communication avec les habitants du pays.

 

Tableau 4 : Implication extraprofessionnelle des expatriés

Relations amicales avec les Malgaches

Lien avec les Malgaches

A des amis

Que dans le cadre professionnel

Peu d’amis

Amis très proches

Partage la vie avec les malgaches

Conjoint ou concubin malgache

Apprentis-sage de la langue malgache

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Relations professionnelles avec les collègues (voir tableau 5 ci-dessous) :

La plupart des étrangers ont de bonnes relations de travail avec leur collègues qui se situent au niveau du partenariat et de l’entraide, mais l’un d’entre eux a également de mauvaises relations avec certains d’entre eux.

Ces relations sont souvent basées sur de la confiance (plus d’un quart des cas) et complétées de relations informelles, voire même de réelles relations amicales.

Ces différents types de relations professionnelles peuvent influencer la perception du comportement des collègues malgaches de l’échantillon d’expatriés de manière positive ou négative.

 

Tableau 5 : Type de relations professionnelles

Bonnes

Mauvaises

De partenariat, d’entraide

Amicales

De confiance

Liens informels en plus

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4.    Troisième partie : Analyse des résultats

4.1.  Présentation de l’outil d’enquête

4.1.1.    Choix de l’outil de recueil d’informations auprès des étrangers

Etant donné la diversité et le nombre d’informations, ainsi que l’implication demandée à l’enquêté, un entretien a été préféré à un questionnaire écrit. Il fallait pouvoir s’assurer que les enquêtés étaient assez honnêtes dans leurs réponses et être sûr de pouvoir relire les réponses aisément. De plus un climat de confiance similaire devait être instauré pour permettre à l’enquêté de se livrer peu à peu. Pour répondre à ces différentes attentes et être sûre d’obtenir des réponses comparables, j’ai fait le choix d’être seule enquêtrice.

Un entretien directif était impossible étant donné les réponses qualitatives recherchées, cependant une enquête totalement non directive n’aurait pas permis une exploitation scientifique aisée des données. Le choix s’est donc porté sur un entretien semi-directif.

Le principe général est de poser une question générale du type « décrivez-moi le comportement des Malgaches » auquel répond l’enquêté selon ses propres critères. Différents éléments de réponse sont ensuite testés pour avoir une homogénéité dans le type de réponses obtenu des enquêtés.

 

Après réalisation des pré-enquêtes, une durée moyenne de une heure et demie est fixée pour les entretiens.

4.1.2.    Pré-enquête

Une pré-enquête a été mise en place pour déterminer les critères qui permettraient de compléter les questions générales de l’entretien de type «description du comportement des Malgaches ».

Cette pré-enquête a comporté trois thèmes sur lesquels trois personnes (françaises) se sont exprimées librement pendant une heure :

-       les relations entre les étrangers et les Malgaches dans le développement de Madagascar,

-       le comportement professionnel des Malgaches,

-       l’explication de ce comportement selon la culture malgache.

4.1.3.    Type d’informations collectées auprès des expatriés

Les informations collectées concernent l’expérience de l’enquêté, les relations que l’enquêté a avec les Malgaches, les comportements qu’il a observé chez eux ainsi que la culture de ces derniers[33].

 

L’expérience des enquêtés :

Cette partie recueille des informations personnelles sur l’enquêté, mais aussi les conditions dans lesquelles il s’est rendu à Madagascar, son poste et responsabilités et le type de relations qu’il entretien avec les Malgaches.

 

Les Malgaches dans la gestion du développement à Madagascar

Une première sous partie permet d’établir le contexte des relations que l’enquêté entretien avec les Malgaches. Elle permet donc de décrire les Malgaches avec qui travaille l’expatrié, leurs postes et responsabilités ainsi que capacités à assumer les responsabilités. Les points forts et points faibles des Malgaches par rapport aux étrangers du monde du développement permettent à l’enquêté de commencer peu à peu à décrire les Malgaches.

La deuxième sous partie traite des relations qu’a l’expatrié avec les Malgaches et de la manière dont il pense être perçu par ces derniers au travail. Cette question permet d’évaluer la remise en question dont est capable l’enquêté sur lui-même.

Bien qu’intéressantes, les données de ces questions ne seront pas réellement exploitées dans cette étude.

 

Comportement professionnel des Malgaches

Après avoir donné sa vision générale du comportement des Malgaches, l’enquêté doit donner son avis sur différentes notions pouvant faire appel à un comportement particulier qu’il aurait observé auprès de leurs collègues ou de partenaires malgaches.

Ces notions sont de l’ordre de la diplomatie, de la ponctualité, de la conscience professionnelle[34]

 

Explications culturelles de ce comportement

Dans cette partie, il est demandé à l’enquêté d’expliquer selon sa connaissance de la culture malgache les comportements évoqués plus haut. Ensuite, certaines notions sont approfondies telles que les fondements du rapport aux aînés, les valeurs, traditions…

4.1.4.    Démarche de l’enquête

La progression de l’enquête permet à l’enquêteur d’arriver à recueillir des données concernant l’enquêté et son environnement professionnel malgache.

Une première partie sur l’expérience personnelle de l’enquêté lui permet de se présenter personnellement et de présenter son séjour et son expérience à Madagascar. Ainsi, il est mis en confiance par des questions plus « habituelles » qui peuvent se rencontrer dans d’autres questionnaires.

Pour ne pas provoquer de réticences de la part de l’enquêté, une série de questions lui permet de donner des informations objectives ou faiblement subjectives sur les Malgaches de leur entourage professionnel. Elles permettent d’atténuer ses craintes « de généralisations » sur les Malgaches et le placent comme « observateur » pour décrire ensuite ses relations avec les Malgaches.

L’enquêté est ensuite prêt à livrer des informations sur le comportement des Malgaches. Les questions l’aident à aborder plusieurs facettes comportementales des Malgaches, et commencent à mettre en place une réflexion sur l’origine culturelle de ces comportements.

Il est ainsi possible de demander à l’expatrié de livrer sa connaissance de la culture malgache. Il peut donc expliquer plus facilement des comportements observés chez les Malgaches. Ou bien, au contraire, c’est à cet instant que l’on découvre le manque de connaissance de la culture malgache.

4.1.5.    Méthode d’analyse

Une analyse de contenu des entretiens nous permettra d’établir la perception que les étrangers ont du comportement professionnel des Malgaches.

Nous verrons ensuite quels sont les facteurs culturels malgaches avancés par les étrangers pour expliquer cette perception. Certains comportements sont-ils explicables par la culture malgache ou sont-ils simplement liés aux individus d’après les enquêtés ?

La comparaison de ces résultats avec les traits culturels malgaches, issus de recherches biographiques et d’entretiens avec des personnes ressources, nous permettra d’établir ensuite les écarts de perception de la culture malgache par les expatriés par rapport à la théorie décrite et d’essayer de comprendre les situations d’incompréhensions notées par les expatriés.

4.1.6.    Résultats de l’enquête

Les résultats de l’enquête se trouvent en annexe III. Ils présentent sous forme de tableaux les proportions de réponses correspondant à des comportements observés par les enquêtés et leur explication culturelle. Les proportions sont fournies sur un total de treize enquêtes. Pour ne pas surcharger ces tableaux de données peu utiles, les thèmes qui n’ont pas obtenu plus de deux réponses ne sont pas mentionnés. Selon leur nécessité, ils peuvent cependant être signalés au cours de l’exploitation de l’enquête.

 

Présentation des tableaux de l’annexe III :

Lorsque la question générale a été posée, et avant d’entrer dans les questions spécifiques, les étrangers ont particulièrement évoqué certains comportements cités dans le tableau 6 et certaines explications culturelles dans le tableau 8. Ils ont souvent été confirmés et amplifiés lorsque les étrangers devaient décrire les aspects particuliers du comportement des Malgaches (tableau 7) et de leur culture (tableau 9). Bien que l’enquête ait porté sur des thèmes plus variés, le tableau 7 ne fait ressortir que les aspects de comportement concernant l’étude : sur le temps, la hiérarchie et la communication.

4.2.  Regards sur le rapport au temps

4.2.1.    Une gestion du temps difficilement acceptée par les étrangers

Constatations sur les problèmes de gestion du temps :

Plus de la moitié des expatriés enquêtés déplore d’office de la part des Malgaches un problème avec la gestion du temps, souvent cité comme point faible de leur comportement. Trois d’entre eux précisent qu’un de ces problèmes de gestion du temps se situe au niveau de l’organisation.

Ainsi, lorsque la question sur le comportement en matière de ponctualité est posée, une grande majorité n’hésite pas à affirmer que les Malgaches sont souvent en retard.

Près de la moitié des enquêtés a du mal à accepter un problème de « lenteur » chez les Malgaches, et notamment le fait que ces derniers travaillent moins vite, retardant ainsi le travail qui doit être fourni.

 

Une difficile prise sur le temps dans la culture malgache :

La notion culturelle du rapport au temps a été une explication du comportement des Malgaches pour plus des deux tiers des entretiens avant de poser spécifiquement la question des fondements du rapport au temps des Malgaches.

Cette valeur, fortement ancrée dans la société malgache d’après les étrangers enquêtés, semble être fermement liée à la vie malgache : certains mettent l’accent sur l’oralité, d’autres sur l’espérance de vie des Malgaches, la durée de la journée et l’instant présent. Par exemple, en campagne, le temps est assimilé aux différents stades du soleil : se lève-t-il, est-il au zénith ou se couche-t-il ? Les paysans ont également la valeur du temps que met le riz à cuire, l’eau à être puisée ou les récoltes à être réalisées mais pas celle des heures.

Cette perception de la culture malgache est confirmée lorsque un tiers des enquêtés précise que les Malgaches n’ont pas de prise sur le temps, que ce soit sur le passé ou le futur. Une personne explique ce phénomène avec la place de Zanahary (Dieu) qui seul pourrait avoir une influence sur le temps et deux autres avec la place de la vie après la mort qui régit la vie sur Terre.

Une expression citée par deux enquêtés (n°1 et 4) pourrait résumer la différence entre les vazaha et les Malgaches : les vazaha ont une montre et les Malgaches ont le temps !

Il est intéressant de relever que trois expatriés rappellent la notion malgache du moramora lorsqu’ils parlent du temps à Madagascar. Cependant, un d’entre eux attribue trop rapidement cette notion à une technique du moindre effort.

De plus, les enquêtés n°1 et 3 avancent une explication des retards en expliquant qu’ils seraient en réaction à la colonisation et aux colons à l’époque. L’enquêté n°1 précise la pensée des Malgaches sur ce point « on n’est plus colonisé, on est libre ! »

 

 

Ainsi les expatriés enquêtés s’expliquent tout à fait les nombreux retards ou lenteurs qu’ils regrettent chez leurs collègues malgaches par leur perception culturelle du temps dans la culture malgache.

 

4.2.2.    Un avis modéré sur la gestion du temps des Malgaches

Ponctualité :

Seuls deux enquêtés estiment que tous les Malgaches sont stricts sur les horaires. Pourtant, lorsqu’ils tentent de chercher les fondements du rapport au temps, ils ont tendance à expliquer un comportement plus laxiste de la gestion du temps (par le moramora, le lien à la nature, la sacralité du temps…).

Trois autres expatriés précisent que seul le personnel de leur équipe est à l’heure, deux ajoutant que ce « résultat » est dû à une sérieuse discipline ou à l’évolution des valeurs et du comportement des Malgaches qui ont eu l’opportunité de vivre à l’étranger.

 

Relativisation de la gestion du temps :

Les enquêtés n° 5 et 7 se distinguent par un avis relativement positif sur la gestion du temps des Malgaches. Ils expliquent qu’il y a simplement une différence de gestion du temps et non problème de gestion du temps qui ne se fait pas obligatoirement au dépend du travail, mais au profit des relations humaines et de l’importance primordiale de la vie. Ceci expliquerait pourquoi le temps ne serait pas considéré comme une valeur en soi par l’un des deux enquêtés dans la culture malgache. De plus, bien que les retards puissent être « catastrophiques » pour le travail selon l’enquêté n°7, cela aurait tendance à montrer la supériorité des Malgaches en laissant les vazaha s’énerver pour rien dès le moindre retard alors qu’eux-mêmes savent qu’il faut respecter le temps en toute circonstance.

 

D’autre part, deux autres enquêtés (n°1 et 6) travaillant à Madagascar depuis plusieurs années tempèrent leur vision négative de la gestion du temps des Malgaches. Selon eux, les problèmes de lenteur peuvent être la manifestation de patience et d’adaptation (« une demi heure de retard n’est pas du retard ici » d’après l’enquêté n°1) ou prouver que les Malgaches n’identifient pas autant que les expatriés le temps à de l’argent.

L’enquêté n°6 prouve ses dires par une méthode mise en place au sein de son projet pour éliminer les retards : après avoir acheté une montre à tous ses collègues, il leur a retiré de l’argent pour chacun de leurs retards au travail et actuellement toute son équipe est ponctuelle ou bien prévient en cas de retard.

 

 

Bien que la plupart des enquêtés aient du mal à accepter la gestion du temps de leurs collègues malgaches, ceux qui ont engagé un travail sur le respect des horaires avec eux en sont le plus souvent satisfaits.

De plus, les enquêtés n° 1, 5, 6 et 7 se rendent compte qu’ils n’ont peut-être pas à juger le comportement des Malgaches en fonction de leur propre culture, mais en fonction de celle de leurs collègues. Cela nous permet d’avancer l’hypothèse que ces personnes essayeraient de comprendre la culture malgache de l’intérieur[35].

 

4.3.  Regards sur la communication

4.3.1.    Des problèmes de franchise et de diplomatie des Malgaches

Le manque de franchise et la diplomatie mal acceptés par les étrangers :

Plus des trois quarts des expatriés parlent, de leur propre initiative, d’un problème de communication et la totalité des enquêtés confirme ce point de vue lorsqu’ils abordent la question de la communication dans le comportement des Malgaches.

Nous avons observé dans la partie précédente un certain manque d’organisation des Malgaches relevé par trois enquêtés. L’un d’entre eux (n°3) ainsi que l’enquêté n° 4 confirment cet aspect du comportement des Malgaches dans leur communication en déplorant le manque de clarté, de cohésion et de cohérence de leurs propos. De même l’enquêté n° 6 nous explique « qu’avec les Malgaches, c’est beaucoup de palabres pour peu de décisions ». L’enquêté n°9 apporte peut-être un début d’explication à ce comportement en expliquant tout simplement que la communication est « différente » à Madagascar.

Exprimée différemment par trois enquêtés, la manière de faire circuler les informations (restitutions aux partenaires du projet pour l’enquêté n°2, passage de l’information, n°7, et retour d’informations, n°10) semble également les gêner.

Nous pouvons également noter que presque un tiers des étrangers enquêtés a remarqué que les Malgaches attendent pour annoncer les choses importantes, ce qui peut entraver le bon déroulement des projets. Tout simplement, l’enquêté n°2 remarque que les Malgaches « ne vont pas nier ce qu’il faudrait nier ce qui fait prendre des retards importants ».

 

D’autre part, les non dits (relevés par deux tiers des enquêtés), les personnes qui ne sont pas directes (près d’un quart des enquêtés), et celles qui ne disent pas ce qu’elles pensent (idem) confirment un manque de franchise perçu par la quasi totalité des enquêtés (12) lorsqu’il leur est demandé leur avis sur ce thème. Ce manque de franchise est perçu très négativement par certains : l’enquêté n°8 affirme que la franchise n’existe pas à Madagascar et le n°2 affirme même que les Malgaches sont tout simplement hypocrites.

A ce stade, nous pouvons remarquer que les enquêtés n°2 et 8 expliquent le comportement des Malgaches en fonction de leur propre culture ce qui peut avoir tendance à les mener à des critiques (ou louanges) de la culture malgache en la comparant à leur[36].

 

De plus, une forte diplomatie (relevée par deux tiers des enquêtés) est souvent associée au manque de franchise et par conséquent assimilée à un comportement plutôt négatif.

 

Explication manque de franchise, diplomatie et communication :

Plus de la moitié des étrangers tente de justifier automatiquement les causes de manque de franchise et plus précisément des non-dits lorsqu’ils évoquent ce comportement qui les gêne. Ils estiment que les Malgaches ne sont pas francs dans le but de ne pas vexer leur interlocuteur. La peur de blesser, froisser ou décevoir l’Autre, d’envenimer une situation (enquêtés n°4 et 13) de contredire (n°11) ou d’être impoli (n°7) sont les raisons avancées par les étrangers.

L’enquêté n°3 avance un complément d’explication. Il estime que l’on a « jamais de certitude sur le fond de la pensée  des Malgaches en raison de leur origine asiatique». Il explique également que l’insularité a « forcé » les 18 ethnies à cohabiter et donc à chercher un moyen de « s’entendre à tout prix quitte à garder des rancoeurs cachées » ce qu’il appelle le « consensus mou ».

 

Pour compléter la compréhension qu’ont les étrangers de la communication, il nous faut parler de leur interprétation de la résistance aux influences de leurs collègues locaux. Les enquêtés n°12 et 13 précisent que le manque de résistance aux influences ne serait qu’apparent mais qu’au fond les Malgaches gardent toujours leurs idées. L’enquêté n°5 confirme cette idée en expliquant que ses collègues malgaches opposent « une résistance passive aux étrangers : ils s’adaptent mais changent rarement ». Ce comportement pourrait justifier la forte diplomatie et le manque de franchise observés. En effet, ce comportement permettrait aux Malgaches de ne pas affirmer leur position réelle en donnant raison à leur interlocuteur. Cette parade ou « solution accommodante » d’après l’enquêté n°5, leur permettrait de ne pas avoir besoin de remettre en cause leurs avis par des débats inutiles et de garder ainsi leur jugement intact. Selon l’enquêté n°11, cette réaction serait « le tombeau de nombreuses stratégies », en effet, les décideurs étrangers seraient persuadés que leurs interlocuteurs sont d’accords avec eux puisqu’ils ont consenti alors que ce n’est pas le cas.

Seul l’enquêté n°13 explique ce comportement par la force de l’oralité à Madagascar, comme si « ce qui était dit était une chose déjà réalisée ».

 

Cependant, trois enquêtés louent la patience et la tolérance des Malgaches. Ces qualités peuvent atténuer leur point de vue initialement négatif sur la communication des Malgaches et appuyer l’hypothèse précédente.

 

Soumission à la hiérarchie dans la culture malgache :

La soumission à la hiérarchie est un comportement observé par la grande majorité des enquêtés. Près d’un quart des étrangers estime qu’elle fait partie à part entière des valeurs malgaches (nous y reviendrons dans la partie suivante), ce qui peut également justifier la forte diplomatie dont font preuve les Malgaches.

Pourtant l’enquêté n°7 estime que les Malgaches ont la possibilité de s’affranchir de ce poids culturel avec les vazaha ce qui peut faciliter la communication avec eux dans certains cas.

 

 

Tout comme le rapport au temps, les expatriés ne semblent pas réellement apprécier les blocages de communication (diplomatie trop importante, manque de franchise, circulation des informations difficile…) de leurs collègues malgaches. Pourtant, la plupart arrive à expliquer ce comportement par l’organisation de la vie sociale des Malgaches (respect de la personne qui s’exprime et de la hiérarchie) ainsi que par la résistance aux influences.

 

4.3.2.    Contourner les problèmes de communication

Cependant, il est nécessaire de tempérer ces données par presque deux tiers d’enquêtés expatriés qui trouvent également des points forts à la communication des Malgaches.

Bien que nous ayons parlé des biais de la communication malgache en insistant sur le fait que les Malgaches puissent omettre de dire certaines choses, l’enquêté n°5 reconnaît que les blocages évoqués puissent être dus à la recherche d’harmonie des Malgaches qui cherchent à éviter systématiquement les conflits.

 

D’autre part, les enquêtés n°4 et 13 expliquent que le dialogue est facilité lorsqu’il est en langue malgache, en précisant (enquêtés n°4 et 8) qu’il l’est encore plus lorsque les Malgaches communiquent entre eux. Peut-être que l’enquêté n°5 apporte une piste d’explication en précisant que la langue malgache regorge de « diplomaties » avec, par exemple, des intonations en fin de mots « ê, ô », le doublement des adjectif pour en atténuer le sens ou l’emploi du passif et de « mots d’atténuation» (ou de politesse)  qui n’existent pas en français « mba, moa, ange… »

 

De plus, l’enquêté n°2 remarque que lorsque les problèmes de franchise sont brisés, la communication s’améliore, de même pour l’enquêté n° 11, lorsqu’une bonne dynamique de groupe est établie.

L’enquêté n°2 affirme d’autre part que le dialogue de ses collègues avec la population locale est très bon alors qu’il ne l’est pas réellement avec les acteurs institutionnels. Ainsi ses collègues auraient plus de facilités à communiquer lorsqu’ils sont à l’aise, en l’occurrence sur le terrain ou lorsqu’une bonne dynamique d’équipe est mise en place dans les cas précédents. L’enquêté n°4 précise que se considérer au même niveau que ses collègues malgaches « parler d’égal à égal » l’aide à les mettre à l’aise et à mieux communiquer.

 

Enfin, l’enquêté n°1 apporte une solution aux problèmes de compréhension qu’il a avec les Malgaches. Il adapte ses questions au type de réponse qu’il souhaite obtenir. Par exemple, sachant pertinemment que ses collègues répondront toujours oui à la question « Est-tu d’accord ? », il préfère demander « Qu’en penses-tu ? » qui lui permettra d’avoir plus de chances de recueillir l’avis de l’intéressé. Ainsi des questions ouvertes ont plus de chances de fournir des informations sur la pensée des Malgaches selon lui que des questions fermées.

L’enquêté n°12 complète cette « stratégie » en proposant d’intervenir en « amont des idées », car souvent il est trop tard pour demander leur avis aux Malgaches lorsque l’étranger a déjà proposé une idée (sous entendu : le Malgache n’ayant pas la même idée et ne voulant pas, ou brusquer le vazaha, ou risquer de remettre son idée en question, n’en débattra plus).

 

 

Certains enquêtés, bien qu’ayant du mal à accepter la communication de leurs collègues telle quelle, ont trouvé des moyens de contourner la situation a leur avantage. Ainsi les enquêtés n°1 et 12 ayant une expérience de plusieurs années à Madagascar ont abandonné leur mode de communication habituel, plus direct pour permettre à leurs collègues de s’exprimer tout en respectant leurs propres moyens de communication. Ceci a obligé ces deux individus à prendre du recul sur leur propre culture[37].

 

4.4.  Regards sur la hiérarchie

4.4.1.    Résistance aux influences 

La résistance aux influences est une notion sensible pour les étrangers. En effet, elle peut aussi bien être interprétée par les enquêtés comme positive (gage de volonté), que négative (personnes têtues). Mais les deux tiers d’avis crédités à ce comportement sont fortement amoindris par près de la moitié des enquêtés qui estiment que les Malgaches résistent mal aux influences dans certains cas, soit en apparence, soit en particulier face à la hiérarchie professionnelle et de l’âge.

Lorsqu’il est demandé aux étrangers l’influence de l’insularité de Madagascar sur la culture malgache, les étrangers expliquent naturellement la résistance aux influences, mais vers deux directions opposées.

Près d’un tiers de l’échantillon estime que le fait que Madagascar soit une île et par conséquent isolée de l’extérieur a rendu les habitants dépendants de l’extérieur. L’enquêté n°13, lui même insulaire car Japonais, dépasse même la notion d’insularité pour insister sur cette dépendance avec le manque de mobilité interne qui isole d’autant plus les habitants de l’île : « certains n’ont jamais vu la mer ». Selon lui, l’insularité devient alors un phénomène indirect qui touche la population avec des échanges « passifs » : les Malgaches ne font que « recevoir» de l’extérieur. Enfin l’enquêté n°5 insiste sur le phénomène de malgachitude[38] en lien avec le complexe des îliens. Selon lui, la culture malgache est encore jeune à cause de la spécificité de l’île et en pleine construction, en pleine recherche d’identité.

Pourtant, près des deux tiers de l’échantillon interprètent cette situation comme le meilleur moyen de se protéger des influences extérieures et donc de mieux résister aux influences. Au contraire de l’enquêté n°12, le n°8 estime que le manque de mobilité n’a pas rendu dépendant, mais au contraire a évité les mélanges avec l’extérieur. D’où, peut-être l’avis très tranché de l’enquêté n°2 qui précise que « sous des abords souriants, les Malgaches sont plutôt xénophobes et refuseraient tout mélange ». Ce point de vue est aussi relevé par l’enquêté n°7 avec la nécessité, selon lui d’être nationaliste pour que les Malgaches puissent préserver leur culture.

 

 

La résistance aux influences est un comportement qui a du mal à être interprété par les enquêtés. Il est sûr que chaque situation est différente, mais, l’explication de la résistance (ou non) aux influences laisse également place à des explications confuses. Il semblerait toute fois que l’insularité en soit la principale cause.


4.4.2.    Un immense respect des aînés

Avant de leur poser concrètement la question, plus d’un tiers des enquêtés remarque qu’il y a un fort respect des aînés dans le comportement professionnel des Malgaches. En insistant sur ce point, tous les enquêtés à l’exception d’un seul accentuent cette réponse. L’enquêté n°1, âgé de 60 ans, caricature la situation en parlant du « respect des cheveux blancs » et l’enquêté n°5 rajoute qu’il ressent également ce phénomène auprès des jeunes défavorisés des rues avec lesquels il travaille. A l’aide de la compréhension de l’enquêté n°9, ce phénomène est plus facilement compréhensible : « les enfants écoutent pour pouvoir enseigner lorsqu’ils seront vieux ».

Cependant, plus de la moitié d’entre eux estime qu’une soumission totale des jeunes Malgaches qui ne parleront pas avant que leurs aînés se soient exprimés (n°13) et qui, alors, ne se permettront aucune critique sur leur avis (n°12) peut aussi avoir des conséquences négatives.

Des rapports conflictuels entre les jeunes étrangers et les Malgaches plus âgés, qui attendent plus de respect (ou de soumission ?), sont également apparus dans les cas des enquêtés n°2 et 9 âgés de moins de 30 ans.

 

Près de la moitié des enquêtés explique directement l’importance du respect des aînés au travail par la place prépondérante qu’il prend dans les valeurs malgaches. Lorsqu’ils sont interrogés sur le rapport aux aînés dans la culture malgache, un peu moins d’un tiers des enquêtés explique que le respect des aînés fait partie de l’éducation de tous les Malgaches et que les aînés sont porteurs de la sagesse dans la société. Plus d’un tiers d’entre eux fait appel à la notion culturelle de raiamandreny qui désigne littéralement les personnes âgées, mais aussi toute personne à qui l’on doit le respect en général. Si les Malgaches doivent le respect aux personnes âgées d’après plus de deux tiers des enquêtés, c’est que les anciens sont un lien avec les ancêtres : proches de la mort, ils sont également proches des ancêtres et constituent donc une interface avec les ancêtres (selon 4 enquêtés). De plus, l’enquêté n°3 explique que les familles malgaches sont tournées vers les ancêtres au contraire des familles françaises qui sont orientées vers la descendance. Le fort rapport à la mort dans la vie des Malgaches (importance des enterrements et famadihana[39]) ressenti par presque la moitié des enquêtés, confirmerait l’importance des aînés dans la société malgache, tout comme l’importance du culte des ancêtres (9 enquêtés).

 

 

Si tous les enquêtés (ou presque) remarquent un fort respect des aînés au travail, cela ne veut pas dire qu’ils l’apprécient pour autant. Pourtant, bien que plus de la moitié des enquêtés regrette ce comportement, sa justification à leurs yeux ne fait pas de doute : personne ne remet en question l’importance du respect des aînés dans la culture malgache.

 

4.4.3.    Une hiérarchie et un leadership nécessaires qui peuvent être abusifs

Leadership :

Les avis des étrangers sont partagés quant à la gestion du leadership des Malgaches. Lorsqu’ils sont interrogés sur ce thème, un peu moins d’un quart des enquêtés estime que les Malgaches ont des problèmes d’autorité, qu’ils en abusent lorsqu’ils en ont, ou n’en usent pas assez lorsqu’ils ont encore un supérieur hiérarchique. L’enquêté n°12 explique qu’un « sous-fifre ne prend pas de responsabilités, car s’il en prend et qu’elles sont positives, elles seront mises au compte de son chef, alors que si elles sont négatives, il en portera la pleine responsabilité ». Ce phénomène se ressentirait d’après les enquêtés n°2, 5 et 11 principalement au niveau des « officiels » (communes, ministères, présidence…) mais également, selon l’enquêté n°3, auprès de toute personne ayant accès au pouvoir. Il cite l’expérience d’une mère supérieure à Madagascar qui s’accapare dans sa chambre « l’outil de pouvoir », à savoir le seul ordinateur.

Au contraire, presque un tiers apprécie le comportement des responsables Malgaches et en particulier « leur autorité naturelle » (selon l’enquêté n°1). L’enquêté n°4 semble s’appuyer sur le phénomène de la hiérarchie que nous avons décrit ci-dessus pour vanter les vertus du leadership à Madagascar qui seules peuvent faire avancer un projet .

 

Ainsi, nous nous contenterons de conclure qu’il semble difficile, selon les enquêtés, à une personne qui n’a pas les pleines responsabilités d’en prendre. Par contre, il ne fait aucun doute pour certains enquêtés que ceux qui en ont le pouvoir vont en user… ou en abuser.

 

Hiérarchie :

Plus de la moitié des enquêtés remarque chez les Malgaches un problème lié à la hiérarchie dans leur comportement général. Ce chiffre est confirmé ensuite par plus des trois quarts des expatriés (11) qui affirment que les Malgaches respectent la hiérarchie. Près des deux tiers des enquêtés considèrent cette hiérarchie comme négative avec une soumission totale et un manque évident de critique.

Selon plus des trois quarts des expatriés enquêtés, la hiérarchie est fortement ancrée dans la société et les valeurs malgaches. En leur posant ce thème de réflexion, près de la moitié de l’échantillon estime qu’elle a des influences négatives sur le comportement des Malgaches : la peur liée au manque de confiance en soi citée dans l’enquête n°11 pourrait provoquer la soumission totale qu’évoque près d’un quart des étrangers.

Les enquêtés n°4 et 6 expliquent cette dépendance par la nécessité d’avoir un responsable pour de nombreux Malgaches. Le proverbe malgache cité par l’expatrié n°4 illustre bien ces propos : « un animal sans tête, ça ne marche pas ». L’enquêté n°5 précise d’ailleurs que cette soumission « hiérarchique » s’applique aussi aux domaines de la politique et de la religion.

Pour sa part, l’enquêté n°8, qui a vécu en Russie, pays dont est originaire sa mère, retrouve des traces de ressemblance avec l’attitude des habitants des pays communistes dans le respect de la hiérarchie à Madagascar.

 

S’affranchir des barrières culturelles de la hiérarchie

Seuls deux enquêtés (n°6 et 10) affirment clairement qu’ils apprécient la hiérarchie telle qu’elle est à Madagascar. Le n°6 est âgé de 50 ans et vit à Madagascar avec sa femme malgache depuis 15 ans et connaît donc bien le système malgache. Le n°10 a, pour sa part, l’habitude de travailler avec l’administration française (expériences en collectivité territoriale, archives départementales, cour de cassation…) et ne trouve pas de réelle différence entre le respect de la hiérarchie en France et à Madagascar.

L’enquêté n°7, bien que remarquant le fort respect de la hiérarchie en particulier de l’âge auprès de ses collègues note qu’avec les vazaha, les jeunes malgaches peuvent se dispenser de la retenue habituelle qu’ils ont avec leurs aînés et supérieurs hiérarchiques.

 

 

Selon les enquêtés, la hiérarchie à Madagascar semble tellement ancrée dans la culture qu’il serait difficile d’essayer de s’en affranchir au travail. Cette importance de la hiérarchie qui semble dérouter de nombreux enquêtés pourrait ainsi être en lien avec le fort respect des aînés. Ces deux notions sont d’ailleurs parfois confondues par les enquêtés. Il faut cependant noter que la hiérarchie face aux étrangers n’est pas nécessairement la même que celle des Malgaches entre eux. La résistance aux influences, qu’elle soit passive ou effective aux yeux des étrangers, pourrait expliquer les comportements de docilité face à la hiérarchie des vazaha qui ne restent pas à Madagascar et au même poste à l’échelle d’une vie mais pendant une ou deux années en général. Un enquêté résume à peu près la situation ainsi : « dans 2 ans, le responsable vazaha partira et sera remplacé par un nouveau responsable vazaha à qui il nous (salariés malgaches) faudra réapprendre le projet et ainsi de suite… »

 


5.    Conclusion

 

Suite à l’enquête réalisée auprès d’une douzaine d’étrangers travaillant dans le développement, il apparaît que leur perception du comportement de leurs collègues malgaches n’est pas très positive. Au niveau du temps, la tendance générale est de remarquer les retards ; au niveau de la communication, elle est de regretter la trop forte diplomatie, un manque de franchise ainsi qu’une certaine résistance aux influences extérieures ; enfin, au niveau de la hiérarchie, omniprésente aux regard des enquêtés, son respect ainsi que celui des aînés ne sont pas toujours appréciés.

 

Cependant, ces tendances générales sont à tempérer par le fait que les étrangers tentent de comprendre ces comportements par la culture malgache. Certains ont d’ailleurs une perception positive des mêmes comportements présentés plus haut. Comment peut-on expliquer ces deux perceptions différentes d’un même comportement ? Nous avons fait ressortir à travers la démonstration différents niveaux de maîtrise de l’interculturel qui permettent de comprendre comment les étrangers perçoivent le comportement et la culture des Malgaches.

 

Expliquer l’autre culture depuis la sienne :

Une partie des étrangers a tendance à prendre sa propre culture comme point de repère pour expliquer celle de l’Autre. Ainsi, ils peuvent comparer les comportements des Malgaches aux comportements qu’ils connaissent déjà, à leur propre expérience de la vie. Ils utilisent la même manière de percevoir, d’observer, le comportement des Malgaches que celle qu’ils utiliseraient pour percevoir des collègues de leur propre culture. Lorsqu’ils observent un comportement différent de celui qu’ils auraient (qui ne leur convient pas), ils cherchent à expliquer les différences de la culture des Malgaches par rapport à leur culture d’origine.

Ils oublient cependant de prendre en compte que la culture malgache n’est pas une culture occidentale, qu’elle n’a pas les mêmes repères et valeurs que la leur. La perception de ces étrangers serait tout à fait différente s’ils observaient les Malgaches comme porteur d’une propre culture, différente de la culture occidentale et provoquant des comportements propres ne nécessitant pas obligatoirement d’être comparés aux comportements occidentaux pour être acceptés.

Il est possible d’expliquer cette façon de voir l’autre culture à partir de la sienne par différentes notions qui dépendent de chacun. Ainsi, le manque de recul sur la culture malgache est un premier obstacle, mais également un manque de détachement de sa propre culture, qui demande une remise en question de ses propres valeurs.

 

Expliquer l’autre culture depuis l’intérieur :

L’autre partie des étrangers est passée à un stade de compréhension interculturelle supérieur. En effet, elle change de point de vue et ne se place plus depuis sa propre culture pour percevoir celle des Malgaches, mais depuis l’intérieur même de la culture malgache. Ainsi, ces personnes ne perçoivent pas le comportement des Malgaches comme celui de collègues occidentaux « différents » par leur culture, mais réellement comme des collègues malgaches sur lesquels on ne fonde pas d’attentes « occidentales ».

Ces étrangers se mettent donc à la place des Malgaches pour comprendre les comportements de leurs collègues. Ils ont une certaine connaissance de la culture malgache et arrivent à se remettre en question pour changer de système de valeur lorsqu’ils perçoivent leurs collègues malgaches. Ceci leur évite les biais et le filtre de leur propre culture pour percevoir le comportement des Malgaches. Ainsi, ils utilisent un système de perception occidental pour percevoir leurs collègues occidentaux et un système de perception malgache pour percevoir leurs collègues malgaches.

La réalisation de cette « transposition » de leur système de valeurs est possible pour différentes raisons qui sont fonction de chacun. En général, les étrangers qui en sont capable habitent à Madagascar depuis une longue période, ont appris la langue malgache, ont un conjoint malgache, ont une démarche interculturelle volontaire ou ont un « parcours culturel » dans d’autres pays qui leur ont déjà permis de remettre leur système de valeurs en cause dans d’autres circonstances.

 

La perception des étrangers, quelle qu’elle soit, est donc influencée par leur maîtrise de la culture malgache, leur implication personnelle dans cette culture et la remise en question de leur propre culture. Ainsi, on peut dire que les étrangers perçoivent « de l’extérieur » ou « de l’intérieur » la culture malgache, ce qui leur permet de percevoir différemment les comportements des Malgaches.

 

Voir la culture de l’intérieur permet aux étrangers de travailler dans un cadre beaucoup plus objectif. Il est donc souhaitable de favoriser cette prise de conscience auprès des étrangers pour leur permettre de travailler dans un réel cadre de concertation interculturelle. Ainsi, c’est à chacun de s’adapter à la culture de l’autre pour diminuer les malentendus et les incompréhensions culturelles. Cet adage est d’autant plus important qu’il concerne des étrangers qui font la démarche volontaire de venir travailler à Madagascar dans le domaine du développement.

Pour faciliter cette adaptation culturelle des étrangers, il serait préconisé de prévoir, pour tout nouvel expatrié en poste à Madagascar, un temps d’adaptation à la culture malgache. Ce temps d’adaptation pourrait prendre la forme d’un stage d’adaptation culturel organisé par des personnes ressources spécialisées dans la culture malgache et le dialogue interculturel.

 


Lexique des termes malgaches employés

 

Andevo : classe sociale merina, descendants d’esclaves

Andriana :classe sociale merina qui forme la noblesse

Bara : une des 18 ethnies de Madagascar

Famadihana : cérémonie de retournement des morts

Fihavanana : littéralement : les relations, mais il désigne plus généralement le lien social qui peut unir les personnes entre elles : même famille (proche ou éloignée), et plus généralement même ethnie, même classe sociale, même paroisse, même quartier ou ville, même nationalité…

Foko : groupements géographiques et sociaux

Havana : les liens avec les parents

Hova : classe sociale merina, roturiers ou bourgeois

Imerina :région des Hautes Terres où vivent les Merina

Kabary : discours

Mainty : couleur noire et classe sociale merina, descendants d’esclaves

Malagasy : malgache(s)

Merina : ethnie majoritaire de la région d’Antananarivo, installée sur les Hautes Terres, dans le centre de Madagascar

Moramora : doucement, lentement

Raiamandreny : littéralement : père et mère, et plus largement les personnes âgées, ce terme peut également désigner les personnes influentes dans le monde professionnel, politique et religieux

Vazaha : littéralement : étranger, mais communément assimilé aux blancs, et dans certains cas en particulier aux Français

Vezo : une des 18 ethnies de Madagascar

Zanahary : Dieu créateur

Zanaka : enfants (par opposition à Raiamandreny)

 


Sources

 

Ouvrages et périodiques :

-       Baudry Pascal, Français et Américains – l’autre rive, Pearson, collection Education France, Paris, Village mondial documents, 20 mars 2003

-       BOUILLON Antoine, Madagascar, Le colonisé et son « âme », essai sur le discours psychologique colonial, édition l’Harmattan, Paris, 1981

-       CARRE Nathalie, « Guides touristiques : un discours ambiguë », Voyages en Afrique : de l’explorateur à l’expert, Notre librairie, mars 2004, n°153, Dumas-Titoulet imprimeurs, p 42 - 47

-       Mannoni Oscar, Le racisme revisité, Madagascar 1947, Editions Denoël, 1997

-       MERCIER BOUVIER Monique, Fiche signalétique : Madagascar, fiche de synthèse, Mission économique de Tananarive, Ambassade de France, février 2004

-       PIERON Henri, Vocabulaire de la psychologie, Presses Universitaires de France, Quadrige, Paris, 1994

-       Raison Jean Pierre, Les hautes terres de Madagascar, Paris, éditions Karthala, 1984

-       RAKOTOBE RAJAONESY Beby, « Pouvoir et rapports sociaux », Madagascar Fenêtres, aperçus sur la culture malgache, Antananarivo, AFCA et CITE, 2003,p. 34 – 43

-       RALIBERA Daniel, « D’Andriamanitra à Dieu : vers un christianisme à la malgache », Madagascar Fenêtres, aperçus sur la culture malgache, Antananarivo, AFCA et CITE, 2003, p. 80 - 91

-       RAMAMONJISOA Suzy, « Rituels ancestraux, les cultes de la vie et la recherche de l’harmonie », Madagascar Fenêtres, aperçus sur la culture malgache, Antananarivo, AFCA et CITE, 2003, p. 20 - 33


-       RUSCIO Alain, « L’image du colonisé noir dans la chanson française », Voyages en Afrique : de l’explorateur à l’expert, Notre librairie, mars 2004, n°153, Dumas-Titoulet imprimeurs, p 64 - 71

-       VERNON Mac Kay, « L’Afrique et les Américains », éditions France-Empire, Montrouge (France), 1973

-       Sillamy Norbert, Dictionnaire de la Psychologie, Paris, Librairie Larousse, 1967

 

Etudes et mémoires :

-       Eberhard Christoph, De l’universalisme à l’universalité des droits de l’homme par le dialogue interculturel – un défi de sortie de modernité, Mémoire de DEA « Etudes Africaines », juin 1996

-       Buvat Emmanuel, Les limites du développement participatif face à certains aspects socioculturels en Imerina, par une étude de cas : Ambohimalaza, Mémoire d’IFAID, 2003

-       RAMAMONJISOA Suzy en collaboration avec Ramarosoa Liliane et Andrianavalona Hasina, Rakotondrazanany Diadema, Ramaherison Isabelle, Randrianasolo Seth André, Razafindrakoto Jacqueline, Etude sur la culture, les traditions malgaches et la prospective – les décideurs devant la question culturelle, étude réalisée pour le PNUD, 2002

 

Sources Internet :

-       http://portal.unesco.org

o      Déclaration sur les politiques culturelles de l’UNESCO, MONDIACULT : conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico, 1982

o      Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles pour le développement, Stockholm, 1998

-       www.dhdi.free.fr

o      Mémoire de Christoph Eberhard


-       JENSEN Olaf, La France et les Français: ce que tout Américain devrait savoir, http://instruct1.cit.cornell.edu/%7Eagl1/Francais.html

-       LADMIRAL Jean-René, LIPIANSKY Edmond Marc, La communication interculturelle, ARMAND COLIN, http://www.dfjw.org/paed /livres/comminter.html

-       LIPIANSKY Marc, La formation interculturelle consiste-t-elle à combattre les stéréotypes et les préjugés ?,

http://www.dfjw.org/paed/texte/stereofr/stereofr4.html

-       NICKLAS Dr. Hans, Du quotidien, des préjugés et de l'apprentissage interculturel, Frankfurt,

http://www.dfjw.org/paed/texte/duquotidien/duquotidien.html

-       STOCKINGER Peter, La communication interculturelle : cours II : la notion de l’ « interculturel », séminaire de maîtrise en communication interculturelle à l’INALCO, Paris, 2002-2003,

e-msha.msh-paris.fr/…/Communication%20interculturelle/Cours_2_abreg (2.1).pdf

-       Les cinq outils de l'interculturel,

http://www.reynier.com/Anthro/Culture/Outils.html

-       http://www.madagascar-guide.com/fr/Pages/culture/ culture.html

 

Personnes ressources :

-       M. Désiré Razafindrazaka, psychosociologue de formation, il est titulaire d’un DESS Formation pour adultes, d’un DESS IAE (institut d’administration d’entreprise) réalisé à Nancy, et d’un DEA langue, littérature et société de l’INALCO langues’O. Après avoir vécu 20 ans en France, il est actuellement directeur du cabinet COEF Ressources[40], président des Amis du


Patrimoine Malgache et de Madajazzcar et membre correspondant de l’Académie Malgache.

-       M. Désiré Ramakavelo, docteur en sciences politique de l’université Paris I Sorbonne, poète et écrivain, général à la retraite et membre de l’Académie Malgache.

-       Mme RAMAMONJISOA Suzy, psychosociologue et experte pour le dialogue des cultures en Afrique de l’Est, membre de l’Académie Malgache, Mme Suzy Ramamonjisoa a mis en place le centre de recherche et d’interventions culturelles à l’Académie Malgache (CRIC) qui a pour nom malgache le fombandrazana sy fivoharana (traduction : traditions et progrès)

-       M. Christoph Eberhard, coordinateur d'une dynamique Droit, Gouvernance et Développement durable initiée par les Facultés Universitaires Saint Louis à Bruxelles pour la période 2003-2006, créateur et animateur de la dynamique Droits de l'Homme et Dialogue Interculturel (DHDI) en 1997

 

Guides touristiques :

-       Madagascar, Guides bleus évasion, Hachette Livre (Hachette Tourisme), Paris, 2001

-       Madagascar, Lonely Planet, Lonely Planet Publications, Paris, 2002

 


 

 

 

 

 

ANNEXES

 

Annexe I : Entretien sur l’interculturalité dans le développement              I

Annexe II : Les sept niveaux de maîtrise de l’interculturel              IV

Annexe III : Résultats de l’enquête aux expatriés              VI

Annexe IV : Anecdotes et avis relevés au fil des enquêtes              XII


Annexe I

Entretien sur l’interculturalité dans le développement

 

Questions personnelles

1.     Age, nationalité, région d’origine

2.     Milieu social, situation familiale

3.     Formation(s), expérience(s) professionnelle(s)

4.     Expérience(s) complémentaire(s) à l’étranger

5.     Motivation au départ pour Madagascar

6.     Durée du séjour à Madagascar

7.     Séjours à l’étranger depuis le séjour à Madagascar

8.     Moyens mis en œuvre pour connaître Madagascar avant et pendant le séjour

9.     Structure d’embauche, poste et responsabilités à Madagascar

10.  Relations amicales avec les Malgaches

11.  Expériences particulièrement positives et/ou négatives à Madagascar

 

Les Malgaches dans la gestion du développement

12.  Pouvez-vous me parler des Malgaches avec lesquels vous travaillez ?

13.  Quels sont leurs postes ?

14.  Quelles sont leurs responsabilités ?

15.  D’après vous, quelles sont leurs capacités à assumer leurs responsabilités ?

16.  Quels sont les points forts des Malgaches par rapport aux étrangers d’après vous ?

17.  Quels sont les points faibles des Malgaches par rapport aux étrangers d’après vous ?

18.  Quel type de relations entretenez-vous avec ces Malgaches qui participent à la gestion du développement ?

19.  Pensez-vous qu’ils perçoivent votre fonction et votre influence à la hauteur effective de vos responsabilités ?

20.  Quels sont les rapports sous-jacents à ces relations avec les Malgaches selon vous ?

21.  Voici quelques notions supplémentaires sur lesquelles j’aimerais recueillir votre avis, dans la mesure où elles vous semblent dicter vos relations (note à l’attention de l’enquêteur : ne pas proposer à nouveau un thème qui a déjà été largement évoqué par l’enquêté auparavant) :

Supériorité hiérarchique et /ou historique, autorité ; différences salariales / inégalités ; dépendance financière ; différence de niveau de formation / d’âge ; durée du séjour à Madagascar, connaissance du système et implication dans le système malgache ; liens informels

22.  Comment pensez-vous que les Malgaches perçoivent votre comportement professionnel ?

 

Comportement professionnel des Malgaches

23.  D’après vos expériences et votre connaissance du monde professionnel malgache, pouvez-vous me décrire les comportements fréquemment rencontrés dans la manière de travailler des Malgaches ?

24.  Voici quelques notions supplémentaires sur lesquelles j’aimerais recueillir votre avis, dans la mesure où elles font appel à un comportement particulier que vous auriez observé (note à l’attention de l’enquêteur : ne pas proposer à nouveau un thème qui a déjà été largement évoqué par l’enquêté auparavant) :

Diplomatie / franchise ; communication interne et externe ; ponctualité et rapport au temps ; conscience professionnelle : sérieux / efficacité ; initiatives / confiance en soi / prise de recul ; résistance aux influences ; hiérarchie / leadership ; rapport aux aînés ; rapport à l’argent / ambition ; solidarité / gratitude ; équilibre entre intérêts personnels et professionnels

 

Explication culturelle de ce comportement

25.  Nous venons d’essayer de présenter le comportement des Malgaches. Je souhaite maintenant savoir comment vous expliquez ce comportement en vous basant sur votre connaissance et votre compréhension de la culture malgache.

26.  Savez-vous sur quel(s) fondement(s) se base(nt) le rapport aux étrangers ?

27.  Savez-vous sur quel(s) fondement(s) se base(nt) le rapport aux aînés ?

28.  Savez-vous sur quel(s) fondement(s) se base(nt) le rapport au temps ?

29.  Savez-vous sur quel(s) fondement(s) se base(nt) le rapport à l’argent ?

30.  Savez-vous sur quel(s) fondement(s) se base(nt) le rapport à la famille ?

31.  Je vais vous énoncer maintenant une liste complémentaire de thématiques culturelles. Si vous estimez qu’elles peuvent influencer le comportement professionnel des Malgaches, je vous demanderai de me l’expliquer :

Ethnie, groupe social, famille ; mode de vie ; éducation ; histoire ; politique ; insularité ; religion et traditions ; valeurs traditionnelles.


Annexe II

 

Les sept niveaux de maîtrise de l’interculturel,

Extrait de Français et Américains – l’autre rive*

(résumé)

 

1.     Ne pas s’apercevoir de différences culturelles

C’est le niveau zéro : on plaque notre culture dans un contexte différent. Il implique le déni, l’ignorance de l’autre culture. Le point positif est qu’il permet d’enjamber les blocages émotionnels liés au pays où l’on a été éduqué

 

2.     Rester cantonné dans la critique ou la louange

Réaction régressive : remise en cause de son identité au contact d’une autre culture (admiration béate, critique systématique). Il y a un risque de comparer la supériorité d’une culture par rapport à une autre.

 

3.     Expliquer l’autre culture depuis la sienne

Au lieu de la rejeter comme inférieure, de l’aduler comme supérieure ou même de l’ignorer, on essaye de la comprendre. Mais nous sommes encombrés d’une culture d’origine qui est un obstacle à la compréhension d’une autre culture.

 

4.     Comprendre une culture depuis l’intérieur

Phénomène possible à la suite d’une longue immersion ou lorsqu’un proche qui a émigré vous accompagne, vous explique. Le courage de la vulnérabilité conjugué à l’effet de surprise, conduira l’expatrié ou l’immigré à s’apercevoir qu’il se met à « penser comme eux », et le soumettra alors à des conflits de valeurs entre sa culture d’origine et celle d’adoption. Un bon indicateur est la compréhension de l’humour.

 

5.     Voir sa propre culture depuis l’extérieur

Lorsqu’on a vu une autre culture, on peut voir ce qui était invisible (que l’on croyait nécessaire, évident) et l’on est confronté à de nouvelles options. On est d’abord critique sur sa propre culture puis on intègre les deux cultures.

 

6.     Communiquer interculturellement

On peut alors communiquer au delà de la gangue culturelle. On intègre le processus empathique, c’est à dire la faculté de s’identifier à quelqu’un, de ressentir ce qu’il ressent.

 

7.     Faire évoluer une culture

A ce stade, on est capable d’agir sur une culture de façon consciente pour la changer.

 


Annexe III

Résultats de l’enquête aux expatriés

 

Tableau 6 : Comportement professionnel des Malgaches par les étrangers, avant précisions complémentaires

Question générale sur le comportement

Nombre d’enquêtes[41] (E)

Proportion

Problème de communication

10

> 3/4

Non dits

8

< 2/3

Problème avec la gestion du temps

8

< 2/3

Problème de confiance

7

> 1/2

Problème lié à la hiérarchie

7

> 1/2

Respect des aînés

5

> 1/3

Personnes de confiance

4

< 1/3

Pas directs

3

< 1/4

Ne disent pas ce qu’ils pensent

3

< 1/4

Manque d’organisation

3

< 1/4

Manque d’analyse

3

< 1/4

Bonne conscience professionnelle

3

< 1/4

 


Tableau 7 : Totalité de la perception du comportement des Malgaches par les étrangers

Thèmes

/ n° d’enquête

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

1

X

 

X

 

X

X

X

X

 

X

 

 

X

X

 

2

X

 

   X

 

X

X

X

X

 

 

X

 

 

X

X

3

X

 

X

X

X

X

 

X

 

 

 

 

 

 

X

4

X

 

 

 

X

X

X

X

 

X

 

X

 

 

X

5

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<1/4

>3/4

<2/3

 

Thème

/ n° d’enquête

16

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>3/4

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>2/3

<1/4

<1/2

>3/4

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Liste des thèmes : comportements observés par les enquêtés

1

Retards

2

Ponctuels

3

Lenteurs

4

Manque de recul

5

Forte diplomatie

6

Manque de franchise

7

Bonne communication

8

Mauvaise communication

9

Attendre pour dire les choses importantes

10

Pas directs

11

Non dits

12

Ne disent pas ce qu'ils pensent

13

Patience et tolérance

14

Respect hiérarchie

15

Influence négative de la hiérarchie

16

Problèmes de leadership

17

Bonne gestion du leadership

18

Respect des aînés

19

Influence négative du respect des aînés

20

Bonne résistance aux influences

21

Résistance passive

22

Peu de résistance aux influences

23

Solidarité

24

Manque de solidarité

 


Tableau 8 : Compréhension de la culture par les étrangers pouvant expliquer le comportement professionnel des Malgaches, avant précisions complémentaires

Question générale sur la culture

Nombre d’enquêtes[42] (E)

Pourcentage (%)

Hiérarchie

10

> 3/4

Temps

8

< 2/3

Explication des non-dits (ne pas vexer l’autre)

7

> 1/2

Explication des non-dits (pas francs)

6

< 1/2

Fihavanana

6

< 1/2

Solidarité

6

< 1/2

Rapport à la mort

6

< 1/2

Langue

6

< 1/2

Colonisation

6

< 1/2

Communisme

6

< 1/2

Respect des aînés

6

< 1/2

Manque de critique des médias

6

< 1/2

Religion

4

< 1/3

Identité culturelle

4

< 1/3

Raiamandreny

4

< 1/3

Fatalité

4

< 1/3

Famille

4

< 1/3

Ethnies

4

< 1/3

Soumission à la hiérarchie inhérente

3

< 1/4

Insularité

3

< 1/4

Pas l'ambition

3

< 1/4

Pauvreté

3

< 1/4

Crise politique

3

< 1/4

Corruption des médias

3

< 1/4

 


Tableau 9 : Complément des perceptions de la culture malgache évoqué par les étrangers

Thème

/ n° d’enquête

1

2

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5

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4

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proportion

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<1/3

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<2/3

>1/3

<1/4

<1/2

>1/2

>2/3

 

Thème

/ n° d’enquête

22

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33

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1

total

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>1/3

<1/2

>3/4

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<1/4

<1/4

<1/2

<2/3

<1/3

 


Liste des thèmes : explication culturelle des comportements observés par les enquêtés

1

Identité culturelle

2

Fihavanana (valeur)

3

Solidarité

4

L'ambition n’est pas une valeur

5

Fatalité

6

Culte des ancêtres

7

Aînés proche des ancêtres

8

Respect des aînés

9

Raiamandreny

10

Aînés ont la sagesse

11

Education au respect des aînés

12

Aînés proches de la mort, des ancêtres

15

Temps (valeur)

16

pas de prise sur le temps

17

moramora

19

rapport à la mort, importance enterrements

20

explication des non-dits

21

importance de la famille

22

Fihavanana (lié à la famille)

23

famille élargie

25

pauvreté

27

survie

28

pas d'épargne

29

colonisation tient une grande place dans l'histoire malgache

30

l'histoire influence le rapport aux étrangers

31

colonisation influence le rapport aux étrangers

32

la dépendance économique influence le rapport aux étrangers

33

importance du communisme dans l'histoire politique de Madagascar

34

importance de la hiérarchie

35

effets négatifs de la hiérarchie

36

soumission à la hiérarchie

37

corruption des médias

38

manque de critique des médias

40

protection contre les influences étrangères (insularité)

41

dépendance de l’extérieur (insularité)

 


Annexe IV

Anecdotes et avis relevés au fil des enquêtes

 

Le développement à Madagascar

« Les vieux Malgaches disent que ça allait mieux avant les années 60[43] » (n°1)

« Pourquoi tant de postes de responsables sont tenus par des vazaha ? » (n°1)

« On ne fait pas confiance aux Malgaches pour l’octroi de subventions. Avoir un vazaha qui coordonne le projet est un gage de fiabilité, d’honnêteté, de bonne marche et de sérieux du projet aux yeux des bailleurs » (expérience de l’enquêté n°9)

« Je m’intéresse au cadre, à la culture et aux petites choses pour casser l’image du vazaha qui n’est là que pour travailler » (n°4)

« Souvent les étrangers croient que les Malgaches sont d’accord, mais ils ne le sont pas du tout et ceci est le tombeau de nombreuses stratégies » (n°11)

« Le problème c’est que ce sont les normes et procédures européennes qui sont appliquées pour le travail mais qu’elles sont inadaptées au contexte malgache » (n°8)

« Des fois les expatriés de longue durée sont trop dedans et les expatriés de courtes missions peuvent aider à débloquer des situations » (n°7)

« Il n’y a pas d’autofinancement du développement, la coopération internationale n’est qu’une pompe à fric (sous réserve des deux dernières années) » (n°3)

« Madagascar est un grand cimetière de projets  (ils marchent peu dans la longévité) » (n°9)

« Il faut faire la différence entre ce dont Madagascar a besoin et ce que la communauté internationale est prête à offrir » (n°11)

 

Le temps à Madagascar

« Les vazaha ont une montre et les Malgaches ont le temps » (n°1 et 4)

« Une demi-heure de retard n’est pas du retard ici (à Madagascar) » (n°1)

 


Rapport à la mort

« - Pourquoi un tombeau immense alors que vous avez une toute petite maison ?

- Parce que la vie dure moins de 100 ans alors qu’on est mort pour l’éternité » (dialogue rapporté par l’enquêté n°1)

 

Coutumes

« Des enquêtes généalogiques sont réalisées pour préparer le mariage » (n°5)

« Les Malgaches consultent les devins pour construire leur maison ou se marier (il existe des lignes de forces, des protections) » (n°5)

« Il existe encore des histoires de possession (transes par exemple) » (n°5)

« Lorsque nous partons en brousse, les Malgaches versent du rhum sur les pneus de la voiture pour ne pas avoir d’accident » (n°6)

« Les Malgaches tuent une poule lorsque la construction du toit est finie » (n°6)

« Sur la côte Est, les jumeaux sont tabous et sont mis dans un enclos à zébu à leur naissance » (n°2)

 

Famille

« Une de mes collègues malgaches a dû démissionner lorsque son frère est rentré de France pour s’occuper de son neveu. La perte du salaire n’était pas un problème à ses yeux car il n’y avait pas de perte de l’unité familiale » (n°5)

 

Fatalité

« Ceux qui veulent trouvent les moyens, ceux qui ne veulent pas trouvent les raisons » (n°3 lorsqu’il parle du comportement des Malgaches et explique qu’ils s’arrêtent vite au problème)

« Il existe toujours une solution accommodante : les Malgaches disent oui même s’ils savent qu’ils ne feront pas ce qu’ils ont dit. Exemple de la voiture qui est cassée et que l’on répare même si on sait qu’elle va à nouveau se casser plus tard » (n°5)

« Ce qui est fait est fait : il n’existe pas de gratitude à Madagascar (en lien avec le fatalisme) » (n°7)

« Si je ne fais pas, un autre le fera à ma place ; si personne ne le fait, c’est que ce n’était pas important » (comportement des Malgaches observé par l’enquêté n°8)

 

Rapport à l’argent

« C’est un drame ici ! Il y a une tentation manifeste pour l’argent. Ca a d’ailleurs surpris les agriculteurs français qui croyaient être capitalistes et ont trouvé pire ici » (n°3)

« L’argent n’est pas une fin en soi à Madagascar, mais un moyen » (n°7)

« Connaissez-vous le SIDA à Madagascar ? C’est le Salaire Insuffisant Depuis des Années (reprise des médias malgaches) » (n°12)

« La gratitude est un concept étranger : à Madagascar les prêts n’existent pas mais il y a les dons » (n°7)

« A Madagascar, il existe une sorte de tontine obligatoire : si tu as de l’argent tu as intérêt à ne pas le montrer pour ne pas créer de jalousies car si on s’en aperçoit, c’est le nivellement par le bas… » (n°12)

 

Sociabilité

« Les Malgaches sont souvent des gens qui travaillent en recherche d’harmonie ; il n’y a pas de recherche systématique de conflits » (n°5)

« Consensus mou : les Malgaches ne s’impliquent pas personnellement mais il y a risque de rancœur car s’est un consensus imposé » (n°3)

« Les Malgaches sont pacifiques mais pas pacifistes : ils sont pour la paix, mais ne la recherchent pas » (n°3)

« A Madagascar il y a une méfiance de courte durée qui disparaît quand on commence à connaître, au contraire de la cuirasse caractérielle beaucoup plus grande des occidentaux » (n°11)

 

Communication

« A Madagascar, lorsque un kabary est prononcé ou une parole forte est dite, c’est un peu comme si l’action était déjà réalisée » (n°13)

« Dans une réunion en français en présence de vazaha, les Malgaches vont discuter 30 secondes en malgache sur les points épineux pour obtenir un consensus entre eux » (n°13)

« Avec les Malgaches, c’est beaucoup de palabres pour peu de décisions » (n°6)

« Ils (les Malgaches) ne vont pas nier ce qu’il faudrait nier, ce qui fait prendre des retards importants » (n°2)

« Les Malgaches ont l’habitude de dire oui même s’ils savent qu’ils ne vont pas faire cette chose car ils te respectent mais ne croient pas en cette chose ce qui crée un grand fossé entre eux et les étrangers » (n°11)

« Ils te disent ce que tu veux entendre : si tu demandes ton chemin et qu’ils ne savent pas répondre, ils inventent un chemin pour te faire plaisir » (n°8)

« L’enquêteur : Pouvez-vous me parler de la diplomatie et franchise dans le comportement des Malgaches ? Réponse de l’enquêté : Sourires (puis réponse) » (n°13)

 

Hiérarchie :

« Un animal sans tête ça ne marche pas » (n°4, proverbe malgache)

« Les enfants écoutent pour pouvoir enseigner lorsqu’ils seront vieux » (n°9)

« Un sous-fifre ne prend pas de responsabilités à Madagascar car si elles se soldent d’un échec il en portera l’entière responsabilité alors que s’il elles sont positives, elles seront reprises au compte de son chef » (n°12)

« Dans les villages, le pouvoir hiérarchique appartient aux plus vieux, les raiamandreny. Le message passe d’abord par eux. Tout en bas de l’échelle hiérarchique, on retrouve les femmes et les enfants » (expérience de l’enquêté n°13)

 

Prise d’initiatives

« Poser les bonnes questions : plutôt que demander : qu’en penses-tu, préférer demander : es-tu d’accord ? » (n°1)

 

Histoire

« A Madagascar, on observe encore l’attitude du colonisé et colonisateur ; la révolte de 72 (entrée dans le communisme) a renforcé le besoin des blancs » (n°3)

« Nous sommes tous le fruit de notre histoire, donc les Malgaches sont également le fruit de leur histoire : ce mélange et carrefour de culture pendant 4 ou 5 siècles » (n°11)

 

Médias

« Dans les médias malgaches, on ne parle que de Madagascar et de détails. Ca influence la culture des Malgaches qui apprennent à ne penser qu’à leur pays et aux détails » (n°8)


Mots clés

 


Antananarivo - Madagascar

Culture malgache

Perceptions par les Français Rapport au temps

Rapport à la communication

Rapport à la hiérarchie, aux aînés


 

Adaptation culturelle

Dialogue interculturel


 

Résumé


 

Toute relation entre étrangers et Malgaches comporte un facteur culturel important. En effet, la perception du comportement de l’autre est une interprétation qui se base sur des sensations et des critères personnels. Ce filtre d’interprétation est d’autant plus important qu’il est lié à la culture de l’observateur, différente de celle de l’observé, et qu’il peut évoluer en fonction du dialogue culturel entre ces deux personnes.

L’analyse de la perception des Malgaches par les étrangers sur les trois comportements suivants : rapport au temps, à la communication et à la hiérarchie, met en évidence deux types de perception.

D’une part, une partie des étrangers explique la culture malgache à partir de sa propre culture. Cette comparaison lui permet d’évaluer le comportement des Malgaches par rapport aux comportements d’occidentaux. Ce type de perception, très subjectif, peut entraîner des malentendus et incompréhensions culturelles.

D’autre part, les autres étrangers abandonnent leur propre système de références culturelles pour observer leurs collègues malgaches. Leur adaptation à la culture malgache leur permet d’observer cette culture depuis l’intérieur. Ils font ainsi évoluer leur filtre de perception lorsqu’ils observent leurs collègues pour être plus objectifs, faciliter le dialogue interculturel et ainsi les relations interpersonnelles.

Ainsi pour favoriser le travail en synergie des étrangers avec les Malgaches, un temps d’adaptation culturel est préconisé pour les étrangers en début de mission à Madagascar.



[1] ONG : Organisation Non Gouvernementale

[2] Anjiro : commune rurale située à 80 km à l’est d’Antananarivo

[3] Antananarivo : capitale malgache

[4] http://www.madagascar-guide.com/fr/Pages/culture/culture.html

[5] RALIBERA Daniel, « D’Andriamanitra à Dieu : vers un christianisme à la malgache », Madagascar Fenêtres, aperçus sur la culture malgache, Antananarivo, AFCA et CITE, 2003, p. 80 - 91

[6] RAKOTOBE RAJAONESY Beby, « Pouvoir et rapports sociaux », Madagascar Fenêtres, aperçus sur la culture malgache, Antananarivo, AFCA et CITE, 2003,p. 34 - 43

[7] RAKOTOBE RAJAONESY Beby, « Pouvoir et rapports sociaux », Madagascar Fenêtres, aperçus sur la culture malgache, Antananarivo, AFCA et CITE, 2003,p. 34 - 43

[8] Madagascar, Guides bleus évasion, Hachette Livre (Hachette Tourisme), Paris, 2001

[9] Cf. Annexe I : entretien sur l’interculturalité dans le développement

[10] Cabinet de consultants également spécialisé en management culturel

[11] Général à la retraite

[12] Mme Suzy Ramamonjisoa a mis en place le centre de recherche et d’interventions culturelles à l’Académie Malgache (CRIC) qui a pour nom malgache le fombandrazana sy fivoharana (traduction : traditions et progrès)

[13] Etude sur la culture, les traditions malgaches et la prospective – les décideurs devant la question culturelle, réalisée par Suzy Ramamonjisoa en collaboration avec Liliane Ramarosoa et Hasina Andrianavalona, Diadema Rakotondrazanany, Isabelle Ramaherison, Seth André Randrianasolo, Jacqueline Razafindrakoto

[14] PIERON Henri, Vocabulaire de la psychologie, Presses Universitaires de France, Quadrige, Paris, 1994

[15] Déclaration sur les politiques culturelles de l’UNESCO, UNESCO, Mexico, 1982

[16] Etant donné l’échantillon réduit, il ne sera pas possible d’étudier la culture de chaque enquêté pour remettre les compréhensions dans le contexte culturel propre des enquêtés. Ce thème est laissé ouvert pour une autre étude possible.

[17] Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles pour le développement, UNESCO, Stockholm, 1998

[18] Eberhard Christoph, « De l’universalisme à l’universalité des droits de l’homme par le dialogue interculturel – un défi de sortie de modernité » Mémoire de DEA « Etudes Africaines », juin 1996

[19] STOCKINGER Peter, La communication interculturelle : cours II : la notion de l’ « interculturel », séminaire de maîtrise en communication interculturelle à l’INALCO, Paris, 2002-2003,

e-msha.msh-paris.fr/…/Communication%20interculturelle/Cours_2_abreg(2.1).pdf

[20] NICKLAS Dr. Hans, Du quotidien, des préjugés et de l'apprentissage interculturel, Frankfurt

http://www.dfjw.org/paed/texte/duquotidien/duquotidien.html

[21] Librairie Larousse, Paris

[22] PUF, Quadriges, Paris

[23] LIPIANSKY Marc, La formation interculturelle consiste-t-elle à combattre les stéréotypes et les préjugés ?, http://www.dfjw.org/paed/texte/stereofr/stereofr4.html

[24] Définition tirée de Vocabulaire de la psychologie, PIERON Henri, Presses Universitaires de France, Quadrige, Paris, 1994

[25] Définition tirée de Dictionnaire de la Psychologie, Sillamy Norbert, Paris, Librairie Larousse, 1967

[26] cf. annexe II : « Niveaux de maîtrise de l’interculturel »

[27] Raison Jean Pierre, Les hautes terres de Madagascar, Paris, éditions Karthala, 1984

[28] Etude sur la culture, les traditions malgaches et la prospective – les décideurs devant la question culturelle, réalisée par Suzy Ramamonjisoa en collaboration avec Liliane Ramarosoa et Hasina Andrianavalona, Diadema Rakotondrazanany, Isabelle Ramaherison, Seth André Randrianasolo, Jacqueline Razafindrakoto

[29]Source : étude sur la culture, les traditions malgaches et la prospective du PNUD

[30] cf. : annexe II : les sept niveaux de maîtrise de l’interculturel

[31] Statut de volontaire français

[32] n.d : non dit

[33] Cf. Annexe I : entretien sur l’interculturalité dans le développement

[34] Notions tirées d’observations des comportements en entretiens de sélection pour COEF Ressources

[35] D’après l’annexe II, cela correspondrait au quatrième niveau de maîtrise de l’interculturel

[36] D’après l’annexe II, ceci correspondrait au deux ou troisième niveau de maîtrise de l’interculturel

[37] Selon l’annexe II, voire leur propre culture de l’extérieur signifie qu’ils auraient atteint le cinquième niveau de maîtrise de l’interculturel totalement (n°1) ou partiellement(n°5)

[38] Lié à la malgachisation, époque où la langue malgache a été déclarée comme seule langue officielle, abandonnant la langue française qui était jusque là langue d’enseignement (écoles primaires jusqu’à l’université) et administrative

[39] Famadihana : cérémonie de retournements des morts

[40] Cabinet de consultants oeuvrant dans l’appui du secteur associatif et institutionnel dans divers domaines tels que la communication, les ressources humaines, l’évaluation, formation, réalisation d’études… au sein duquel j’ai réalisé ma dernière mission de juin à septembre 2004 et participé à la gestion d’une formation en management culturel, au recrutement de chargés d’études, et à une étude sur l’évolution des prix…

* Baudry Pascal, Français et Américains – l’autre rive, Pearson, collection Education France, Paris, Village mondial documents, 20 mars 2003

[41] Sur un total de treize enquêtes

[42] Sur un total de treize enquêtes

[43] Rappel : l’indépendance de Madagascar a été proclamée en 1960