Christoph Eberhard                                                                          15/09/2002

E-mail : c.eberhard@free.fr

 

 

 

Lanthropologie du Droit :

Un itinraire entre altrit, complexit et interculturalit

(Confrence donne lUniversit Jules Verne de Picardie,

Amiens, 24 mai 2002, paratre)

 

 

Lobjectif de cet article est de donner au lecteur un aperu de lanthropologie du Droit contemporaine. La prsentation ne sera pas exhaustive et refltera seulement une manire parmi dautres de lenvisager. Elle visera aborder cet lment du champ intellectuel non pas comme une discipline ou comme une perspective particulire sur le Droit et la ralit sociale, mais comme un  itinraire [1]. Nous entendons par l une dmarche oscillant entre les ples de laltrit, de la complexit et de linterculturalit et les nouant de manire originale, en pondrant plus ou moins lun des ples, selon les sensibilits personnelles ou les problmatiques particulires de recherche. Si nous crivons  Droit  avec majuscule, cest pour indiquer que cest bien le Droit comme phnomne juridique qui nous intresse et non pas uniquement le  droit  tel que nous lentendons comme juristes, cest--dire comme corps de normes plus ou moins directement li lՃtat. Il sagira dans les pages suivantes de partager ce cheminement en vue dՎclaircir un peu le  mystre du Droit  qui mne lanthropologue du Droit adopter selon ses intrts et ses problmatiques diffrents points de vue sur les faits quil essaye de comprendre et dont les balises sont laltrit, la complexit et linterculturalit. Ces trois ples constituent des perspectives bien distinctes, mais ils sont nanmoins intimement imbriqus. Et dans un certain sens on pourrait mme les voir comme des tapes successives dune analyse : ce nest quՈ travers la reconnaissance de laltrit quon peut souvrir pleinement la complexit des situations observes - et de manire plus gnrale, la comprhension de la juridicit. Puis la prise en compte de cette complexit et lessai de la traduire dans le langage scientifique occidental nous renvoie ncessairement la prise de conscience du cadre culturel de nos constructions thoriques (celui de la science occidentale) et nous pose la question de linterculturalit : comment vritablement rentrer en dialogue avec des visions du monde, des systmes de savoir et de savoir-faire fondamentalement diffrentes des ntres, et sans les ramener en dernire analyse notre cadre de rfrence[2] ?

 

On constate que lՎvolution gnrale de lanthropologie semble aussi aller dans cette direction. Au dpart lanthropologie tait fondamentalement la science de la diversit culturelle, de  lautre [3]. Elle se dfinissait, par rapport la sociologie, autre science du social, par ses terrains  exotiques , lointains,  non-modernes ,  non-civiliss . Puis son regard sest progressivement rorient vers nos socits occidentales se rapprochant ainsi de la sociologie, mais continuant sen distinguer par le regard neuf que pouvaient porter les anthropologues sur leur propre socit aprs le dtour anthropologique par dautres socits[4]. Si au dpart cՎtait lobjet  altrit  qui faisait la spcificit de lanthropologie, petit petit cest le  regard autre , celui particulirement sensible toute altrit quelle quelle soit dans une situation donne, qui devient son signe diacritique. Ensuite ont merg des approches plus dynamiques qui essayaient de rendre compte de toute la complexit du rel social observ et qui remettaient en cause la vision simpliste de  lautre . La rencontre avec ce dernier sinscrit en effet toujours dans des contextes rels. La prise de conscience des situations et jeux de pouvoir complexes lis au lien entre lՎmergence de lanthropologie et des processus de colonisation occidentale de la plante, a oblig de repenser lautre autrement. Lintroduction du dynamisme et lattention porte aux processus ont orient la recherche anthropologique vers des approches plus centres sur la complexit, que ce soit sur des terrains  exotiques  ou occidentaux[5]. La mondialisation nest dailleurs trs probablement pas trangre cette rorientation. Ne met-elle pas en exergue par une compression de notre espace-temps la cohabitation simultane de visions du monde diffrentes aux niveaux locaux ainsi que sur le globe en entier, leurs comptitions rciproques, les phnomnes dacculturation ? Sy ajoute une progressive prise de conscience du fait que les altrits ne se dissolvent pas (ni ne se dissolveront) pour finalement laisser la place la modernit occidentale comme on le pensait encore assez rcemment (et certains continuent dailleurs y croire)[6]. On assiste bien lՎmergence de situations o simbriquent visions du monde et logiques diffrentes de manire plus ou moins conflictuelle, et o nos diversits culturelles sont nouveau perues entre elles et non pas uniquement en termes de mesure de diffrence ou de distance face un standard ou talon  universel , celui de la modernit occidentale (Balandier 2001 : 51-52). Enfin, avec la prise de conscience de plus en plus aigu de linterculturalit de nos situations, des questions relatives lՎcriture de lAutre, de la faon de rendre compte de lui sans le trahir, voire de co-crire avec lui les travaux scientifiques mergent maintenant en anthropologie[7] Mais si elle semble merger comme  aboutissement , cette interculturalit est en mme temps le point de dpart de toute la dmarche anthropologique. Cest la confrontation lAutre, au sens fort du terme voqu ci-dessus, quune premire rponse est une approche et un essai de comprhension de laltrit travers nos outils conceptuels et nos traditions scientifiques occidentales. La boucle semble boucle. Et pourtant

 

Si nous avons donn limpression dՐtre dans une squence qui dfaut dՐtre linaire serait circulaire, quon se dtrompe. Nest-ce pas la complexit des situations observes qui oblige pour commencer lanalyse de faire un tri, de diffrencier ce qui mne la dcouverte de laltrit et aussi de linterculturalit ? Sil peut y avoir continuit entre les trois ples de laltrit, de la complexit et de linterculturalit, ce nest pas dans le sens dun  volutionisme strict , si rcus dailleurs maintenant de faon gnrale dans lanthropologie contemporaine. La continuit nest pas de lordre de la distinction propose par Claude Lvi-Strauss (1995 : 413) entre ethnographie, ethnologie et anthropologie, o on va progressivement du plus local au plus global et du plus singulier au plus gnral. Il sagit plutt de trois ples dune dmarche, qui ne sont pas forcment dans une relation diachronique, auxquels il me semble que tout anthropologue du Droit se trouve confront et dont il approfondira plus ou moins lun ou lautre selon ses propres sensibilits et ses problmatiques. Nanmoins il y a bien une continuit entre ces trois ples, mme si elle nest pas unidirectionnelle, mais peut mener de lun lautre au gr des recherches et des volutions personnelles. Que le lecteur garde bien ceci lesprit lors des prsentations suivre o nous serons obligs par pragmatisme et souci pdagogique de suivre un mode dexpos plus linaire.

 

 

1. La dcouverte de laltrit.  Penser le Droit  de manire dialogale.

 

Quentendons nous par altrit ? Francis Affergan (1987) met en garde contre le glissement dune perception de laltrit une approche en termes de ressemblances  / diffrences, qui aussi ncessaire quelle put tre pour la constitution dune approche  scientifique  de lautre, porte en elle ses limites  travers la cration dun continuum entre les deux ples de la comparaison :  nous  et  les autres . Laltrit nous confronte ce qui est  autre . Et bien videmment, toute prise de conscience dune altrit prsuppose une comparaison et donc aussi une reconnaissance de ce qui est partag, de ce qui unit. Construire des comparables cest cristalliser ce qui unit autant que ce qui spare. Cependant, si dans cette comparaison entre  soi  et  lautre  on glisse vers une approche en termes de ressemblances / diffrences on risque au bout du compte de voir lautre sՎvanouir et ne trouver sa place plus que sa propre image inverse. Comme le note Francis Affergan (1987 : 226)  toute diffrence, partir du moment o elle oppose, nie quelque chose de quelque chose, enlve, retire ou annule afin de trouver un dnominateur ou un diviseur commun aux sujets compars. Non seulement, la diffrence nest pas pens en soi, mais en opposant, elle dsidentifie puisquelle galise. . Souvrir laltrit, essayer de la penser et den rendre compte ncessite de sՎmanciper dune manire ou dune autre du  continuum , de lunivers suppos homogne et puisable travers les lumires de la Raison. Il sagit dadmettre quil ny a pas forcment un horizon universel pour comprendre nos vies en socit, mais quil peut y en avoir diffrents. Si nous prenons  lautre  au srieux, nous devons reconnatre que ses manires de percevoir le monde sont toutes aussi lgitimes que les ntres et que toutes nos visions du monde sont ancres et fondes dans un topos particulier. Il ny a pas de perspective partir dun point de fuite neutre, que ce soit la Raison ou Dieu ou autre chose - et dans ce sens, si nous prenons laltrit au srieux, il ny a pas  dunivers  : nous vivons dans un  plurivers [8].

 

Dun point de vue mthodologique, nous venons desquisser en passant du paradigme de lunivers celui du plurivers, un changement dapproche qui de dialectique sest faite dialogale pour reprendre la distinction de Raimon Panikkar (1984a) entre dialogue dialectique et dialogue dialogal. Dans la premire approche, on se situe uniquement au niveau de nos constructions explicites, du logos. On voit le monde avant tout comme transparent. Cest un objet qui peut tre dcouvert objectivement et tre entirement dvoil par les lumires de la Raison. Si lun a raison, lautre a ncessairement tort et cest en confrontant les arguments que nous arriverons nous approcher de plus en plus de la  ralit  - que nous considrons comme un objet existant en soi. Le problme de cette approche est quelle ne prend pas en compte les sujets que nous sommes et qui font partie de notre monde. Notre monde nest pas uniquement un monde dobjets, mais de sujets qui ont leurs propres reprsentations et qui contribuent btir ce monde, ce  plurivers , dans leurs interactions. Or ces sujets ne sont pas totalement transparents. ct du logos, il y a la dimension du mythos dans notre apprhension de la ralit. Le mythos cest le domaine de nos prsupposs implicites, de ces choses auxquelles nous croyons tellement que nous ne croyons pas que nous y croyons. Cest la lumire qui nous permet de voir, mais que nous ne voyons pas (voir Panikkar 1982 : 14). Reconnatre lexistence du mythos est primordial pour souvrir laltrit. En effet, tant que lon reste uniquement au niveau du logos, on risque de tomber dans notre construction de lautre dans ce que Louis Dumont (1991 : 140-141) a appel lenglobement du contraire et qui fait cho lintuition de Francis Affergan prsente plus haut : au lieu daborder lautre dans son originalit, on le construit en rfrence soi mme. Explicitement on lenglobe dans la catgorie gnrale dhumanit, mais implicitement cest nous qui restons les modles de cette humanit. Les constructions  autres  sont compares laune des ntres que nous posons comme universelles : par rapport nos socits tatiques sont dfinies des socits non-tatiques ; par rapport notre droit tatique et crit les coutumes seraient caractrises avant tout par leur manque congnital de ne pas tre crites, les pratiques alternatives du droit par le fait quelles ne dcoulent pas de lautorit lgitime, lՃtat ; au secteur formel est oppos linformel, au rationnel lirrationnel  etc ... Mais ces dfinitions ngatives empchent en fait de comprendre de manire positive les phnomnes tiquets davance. Juste un exemple : en construisant comme  informel  tout ce qui nest pas  formel , la catgorie est dfinie par un manque par rapport une catgorie idale. Mais quid de toute la diversit lintrieur de  l informel  ? Ny a-t-il pas l des ralits diffrentes quil faudrait distinguer ? Or pour distinguer, il faut bien commencer sintresser aux caractristiques positives des phnomnes observs[9]. Et l on sapercevra quau lieu davoir deux catgories  formel  et  informel  il y en a une multitude - et les deux catgories initiales se rvleront trs vite comme souvent insuffisamment pertinentes et heuristiques. Il pourrait se rvler possible de regrouper ensuite certaines expriences ensemble, mais en vue dun principe daddition qui respecte les diffrences l o elles existent et ne reconnat les ressemblances que dans la mesure o elles existent. Ce qui est trs diffrent dun postulat a priori de ce qui rassemble ou diffrencie et qui est bas sur une logique soustractive o est postule dabord la catgorie et soustrait ensuite tout ce qui ny rentre pas en le transformant en catgorie inverse et infrieure de la premire (voir Le Roy 1998 : 37).

 

En anthropologie du Droit, la prise en compte de laltrit sest traduite par la mise en uvre dune dmarche diatopique et dialogale (Le Roy 1990 ; Vachon 1990b). Face la non-universalit du droit (toutes les cultures ne connaissent pas la notion de droit, voire nont mme pas de terme pour traduire ce concept)[10], celle-ci ncessitait aussi au pralable de dfinir un champ de comparaison. En effet, la dmarche diatopique et dialogale vise dans une premire acceptation du terme de comprendre les constructions dune culture partir du topos dune autre culture en mettant travers un dialogue dialogal en tension cratrice deux topoi culturels et leurs mythoi et logoi respectifs[11]. Cest un processus de dvoilement mutuel dialogal o lon essaye de comprendre comment une autre culture par rapport sa vision du monde pose certaines questions que nous posons de notre faon. Raimon Panikkar, grand philosophe de linterculturel et qui a ddi sa vie au dialogue interreligieux, lillustre dans son fameux article  Les droits de lhomme sont-ils un concept occidental ?  (1984b). Il rpond cette question par laffirmative aprs avoir procd une comparaison avec la pense indienne et note quil est de mauvaise mthode de se demander si des cultures ne partageant pas la mme matrice culturelle connaissent ou non la notion des droits de lhomme. Il faut plutt se demander ce qui joue dans la culture indienne lՎquivalent fonctionnel, ou quivalent homomorphe, du rle des droits de lhomme dans la culture occidentale ? Cest le dharma, une notion qui dsigne des ralits trs diffrentes des droits de lhomme puisquelle renvoie, entre autres, lordre cosmique et quen partant du dharma cest probablement la religion qui apparatrait comme son quivalant homomorphe dans la culture occidentale

 

Pour mener ce genre de dmarche dans le domaine du Droit, il faut commencer par dfinir celui-ci de manire plus large que ce quon a lhabitude de faire. A linstar de Michel Alliot (1983), il faut manciper sa dfinition de la rfrence lEtat, la Raison, lexistence de normes gnrales et impersonnelles abstraites des autres ralits sociales. Il faut en proposer une dfinition fonctionnelle qui permette de dcouvrir le  phnomne juridique  dans son originalit dans la diversit des socits. Ces dtours par laltrit peuvent nous permettre ensuite de mieux comprendre travers une logique additive la  juridicit  ou le Droit avec un  D  majuscule, dont le droit avec  d  minuscule, celui tatique et moderne, nest quun aspect. Cest ainsi quon aborde gnralement au Laboratoire danthropologie juridique de Paris (LAJP) le Droit comme ce qui  met en forme et met des formes la reproduction des socits dans les domaines quelles considrent comme vitales  et aussi comme  une lutte et le consensus sur les rsultats des luttes et leur mise en forme dans les domaines quune socit considre comme vitaux. [12] Ces dfinitions ne sont ni vraies ni fausses, mais elles permettent de dfinir un champ de comparaison rendant comparables des expriences humaines trs diverses travers le prisme du  Droit  tout en permettant une logique additive. Bien sr cette dmarche reste ancre dans un topos occidental , puisque la question de dpart, celle de la juridicit y a son origine. Mais cest bien l la caractristique de toute dmarche diatopique et dialogale : elle reconnat son ancrage ce qui lui permet dՐtre fertile, en reconnaissant ses limites, dans la rencontre avec dautres approches ancres dans des topoi diffrents. Loin de nous donc lide de prsenter une thorie prtention universelle. Cependant loin de nous aussi lide que cette dmarche par  manque duniversalit  serait futile ou ne nous permettrait pas de mieux comprendre les phnomnes relatifs la reproduction de nos vies en socit, la  juridicit . Bien au contraire.

 

Cest sur les prmisses exposes ci-dessus et dans le souci de comprendre la mise en forme du social en relation avec les diffrents univers mentaux, donc en rapportant les logoi des diffrentes cultures leurs mythoi respectifs, que Michel Alliot (1983 : 84 ss) a propos une thorie des archtypes juridiques. Prenant des exemples dans lEgypte ancienne et  lAfrique traditionnelle , dans lunivers confucen et dans lunivers occidental et celui de lIslam, il distingue trois archtypes juridiques : respectivement celui de la diffrentiation ou manipulation, celui de lidentification et celui de la soumission. Dans le premier, le monde est vu comme rsultant dune harmonie dynamique dune multitude (plus de deux) de forces diffrencies mais complmentaires. Ce sont les principes de la diffrentiation et de la complmentarit des diffrences qui sont au fondement du lien social. En outre, est valoris linternalit. Si la socit est structure par le jeu de groupes diffrencis et interdpendants, les conflits se rglent de prfrence toujours au sein du groupe qui les a vus natre. Dans le deuxime archtype, on est dans une vision plus dualiste : lunivers volue (ce qui inclue apparitions, maintiens et disparitions) en suivant sa propre voie (tao) et dans le balancement entre les deux principes opposs mais complmentaires que sont le yin et le yang. Lidal est que la socit humaine se conforme cet ordre cosmique par lautodiscipline de chacun qui se cristallise dans le respect des rites (li). Cependant si le li est central, on reconnat quil faut dautres mthodes pour ceux qui ne respectent pas, ou ne connaissent pas le li. Cest ainsi que le li se trouve complt par le fa, qui correspond plus notre droit et surtout sa version pnale. Enfin, dans lunivers chrtien et ses descendants laciss, cest lun qui prime. Et linstar du monde qui est cr et rgul par lextrieur par des lois universelles, le Droit est avant tout pens dans nos socits occidentales comme soumission des normes gnrales et impersonnelles prexistantes tout conflit. Nous partageons avec lIslam la reprsentation que le droit vient en quelque sorte den haut et que nous devons nous y soumettre. Voil, en bref, exposs les trois archtypes dgags par Michel Alliot. Dautres sy sont ajouts au fil des annes, tels ceux de larticulation caractrisant lInde et celui de rationalisation caractrisant plus particulirement lՎvolution moderne des socits occidentales (Eberhard 2002a : 129 ss). Mais les trois premiers nous suffisent en ce qui concerne notre brve exploration du parcours anthropologique tendant jeter des lumires sur le mystre du Droit, ou de la juridicit. En effet, ce sont ces trois formes fondamentalement diffrentes de nouer la juridicit, donc une reconnaissance de laltrit, qui a permis petit petit de mieux comprendre le phnomne gnral de la juridicit dans sa complexit.

 

 

2. De laltrit la complexit. Le multijuridisme et le  jeu des lois .

 

Si la thorie des archtypes tait ncessaire pour rendre moins ethnocentrique la comparaison entre des traditions humaines qui ne partagent pas le mme horizon de sens et qui de ce fait norganisent pas leurs perceptions du monde et leurs interactions avec lui en se basant sur les mmes concepts[13], il faut se garder denfermer lautre dans une altrit qui nest, comme nous lavons indiqu plus haut, quune construction intellectuelle. Si des diffrences existent dans nos manires de vivre ensemble et de voir le monde, il faut rester conscient que lexplicitation de ces diffrences et lapproche de laltrit sont toujours des constructions intellectuelles enracines dans des contextes spcifiques (Affergan 1987 ; Geertz 1996 ; Kilani 1994). Les archtypes ne sont rien dautres que des modles (Rgnier 1971 : 18-19), des idaux-types (Weber 1995) qui permettent de dgager loriginalit de diverses traditions dans leur manire de nouer la juridicit dans une macro-comparaison. Cependant, il ne faut jamais perdre de vue lՎchelle des comparaisons et le but des analyses. Si les archtypes sont utiles pour nous clairer sur nos diffrences au niveau macro et pour approfondir notre comprhension de la juridicit, il ne faut pas les considrer comme des absolus qui simposeraient des situations concrtes : il y a beaucoup de diffrences entre les diverses traditions africaines ou europennes etc., mme si entre elles, elles partagent une matrice culturelle commune. De mme les situations concrtes, nos vrais  jeux du Droit  sont toujours complexes et ne se laissent pas rduire des explications monocausales et structuralistes. Il faut donc souvrir dans les approches anthropologiques la complexit du phnomne juridique, dune part au niveau de sa thorisation gnrale, et dautre part au niveau des mille et une manire dont il se noue de manire concrte dans les diverses situations. Nous illustrerons le premier point par la thorie du multijuridisme (Le Roy 1998), le second par le jeu des lois (Le Roy 1999).

 

 

2.1. Le multijuridisme

 

La thorie du multijuridisme sest btie sur la thorie des archtypes. Elle propose une approche complexe de la juridict qui est base sur le paradigme de laltrit. Nous retrouvons ici la spcificit du regard anthropologique qui est profondment marqu par laltrit. Dune part, le travail de terrain et lobservation participante a pour but de permettre lanthropologue de comprendre les auto-reprsentations des divers acteurs, de dgager leurs pratiques, leurs discours, leurs logiques et leurs visions du monde et leurs rapports et interactions dans une situation donne. La complexit que dcouvre lanthropologue est donc fondamentalement une complexit assise dans  nos altrits , plus que par exemple une  complexit systmique  tel quelle peut apparatre dans dautres approches de thorie, voire de sociologie du droit[14]. Dautre part, les terrains, mme  chez soi , rvleront leur complexit lanthropologue dans son  regard dcal , son regard qui un moment ou un autre a aussi t port vers  lailleurs  (une culture ne partageant pas la mme matrice culturelle) et qui par son exprience de  lAutre  lui permet de voir autrement des ralits qui lui sont proches.

 

Ainsi travers lapproche multijuridique, le phnomne juridique se trouve mancip de sa rduction au droit, entendu comme plus ou moins li lՃtat, et comme ensemble de normes gnrales et impersonnelles. Il ne repose pas sur un seul fondement, mais en compte au minimum trois quon peut ramener aux trois archtypes exposs ci-dessus : les normes gnrales et impersonnelles (NGI) lis un ordonnancement impos de la ralit sociale, les modles de conduite et de comportement (MCC) lis un ordre ngoci et les habitus ou systmes de dispositions durables (SDD) lis un ordre accept. Toutes les socits semblent connatre dune manire ou dune autre ces trois pieds du Droit tout en les articulant diffremment. Le Droit serait donc  tripode . tienne le Roy (1999 : 2002) illustre dans le tableau suivant comment ce droit tripode se noue diffremment dans quelques traditions :

 

Traditions juridiques

Fondement privilgi

Fondement de

deuxime ordre

Fondement de

troisime ordre

occidentale/chrtienne

NGI

MCC

SDD

africaine/animiste

MCC

SDD

NGI

asiatique/confucenne

SDD

MCC

NGI

arabe/musulmane

NGI

SDD

MCC

 

 

Nous sommes donc passs maintenant de laltrit un premier niveau de complexit : ni  nous , ni les  autres  ne sont des ralits simples, mais complexes. Cest dailleurs probablement lexistence en nous, au moins au niveau du potentiel, de lautre, qui nous permet de comprendre dans une certaine mesure les constructions de socits trs diffrentes de la ntre. Mais il y a un second niveau. Si, comme le tentent les anthropologues, on veut penser le Droit non plus partir du  droit , de lՃtat ou de la thorie, mais partir de la totalit sociale, encore faut-il savoir comment aborder cette totalit. Voyons une des possibilits en exposant brivement le  jeu des lois .

 

 

2.2. Le jeu des lois

 

Nous avons not plus haut que de nombreuses socits tudies par les anthropologues nont pas de traduction pour notre concept de  droit . Elles ne connaissent pas non plus nos dcoupages de la ralit en  nature / culture , ou de la  socit  en  politique ,  conomique ,  juridique  etc. Si nous voulons donc vraiment comprendre loriginalit des autres socits, nous sommes obligs, pour commencer, de mettre de ct ces distinctions, et de comprendre comment elles se construisent du point de vue de leurs propres visions delles-mmes et du monde. Ce qui nous oblige de manire gnrale de repenser la juridicit non pas partir dun a priori, mais en partant de la totalit sociale. Cest--dire quil faut  considrer la socit comme le point de dpart et lhorizon (lalpha et lomga) de toute rflexion et expliquer le Droit dans sa contribution au grand jeu de la vie en socit, la fois comme produit social et producteur de la socialit.  (Le Roy 1999 : 178-179). Pour tre cohrent, en vue dune laboration dune thorie gnrale non-ethnocentrique du Droit tel que lentrevoyait par exemple Michel Alliot, il faut aussi appliquer cette exigence mthodologique lՎtude du Droit de nos propres socits. Nous avons sembl le faire : dabord travers les archtypes, puis travers le Droit tripode et le mutlijuridisme. Le problme est que la socit ne se rduit pas aux reprsentations, ni aux logiques, ni leurs thorisations. Elle comprend aussi nos pratiques (Bourdieu 1980) qui sinscrivent dans des processus et des interactions complexes. Cest en vue de pouvoir aborder le phnomne juridique tel quil se cristallise dans toute sa complexit dans la  vraie vie sociale , celle qui inclut aussi nos pratiques, que le jeu des lois peut se rvler utile.

 

Ce modle sest cristallis vers la fin des annes 1980 dans le domaine des tudes sur le foncier en Afrique (voir par exemple Le Roy 1996) et sur la justice des mineurs (voir par exemple Le Roy 1995) pour permettre de rendre compte de la complexit de terrains anthropologiques dans leur restitution, tout en y mettant un certain  ordre  et donc une certaine lisibilit. Ce nest quՈ la fin des annes 1990, quՃtienne Le Roy (1999) a finalement prsent le jeu des lois comme ossature gnrale permettant de sengager dans une anthropologie dynamique du Droit[15]. Le jeu des lois est cens nous permettre de rentrer dans nos jeux juridiques partir de la totalit sociale et afin de dgager au terme dun parcours de dix cases, les  rgles du jeu  de la situation observe. Nous nous retrouvons donc ici aussi, dans notre approche du terrain, dans une dmarche dynamique caractristique dune anthropologie du Droit comme  itinraire . Chaque case est plus particulirement lie une discipline diffrente et donc une perspective diffrente sur la totalit, tels que la sociologie, lՎconomie, lhistoire, la gographie etc. Cependant il ny a pas simple juxtaposition qui nous permettrait au plus de parler de  multidisciplinarit , mais tous ces regards diffrents sont mis contribution pour rpondre la question anthropologique du fonctionnement de la juridicit dans un contexte donn. Il sagit bien dune situation dinterdisciplinarit (voir Ost & van de Kerchove 1987 : 69 ss). Notons aussi que les cases sont organiquement relies les unes aux autres. Tout changement de paramtre dans lune dentre elles a des consquences sur les autres. Et linstar du jeu de loie on navance pas sur les cases de manire linaire, mais selon les alas, ici non pas des ds, mais de la vie et de la recherche. Le modle du jeu des lois fait donc une part lincertitude et au flou dans son approche de la ralit sociale. Il se distancie par l de modles plus mcanistes et causalistes et senracine rsolument dans une approche complexe et dynamique (Le Roy 1999 : 38-42 ; voir aussi Arnaud 1998 : 153) Je ne prsenterai ici le modle que dans ces grands traits, le lecteur pouvant se reporter sans problme des exposs plus dtaills. On entre dans le jeu par les acteurs et leurs statuts (case1). Puis on sintresse leurs ressources qui peuvent tre aussi bien matrielles, quidelles ou humaines (case 2) et la manire dont elles se trouveront utilises dans les conduites entre tactiques et stratgies (case 3) en suivant diffrentes logiques (case 4). Les processus seront ensuite replacs dans leurs chelles spatiales (ex : global, rgional, national, local - case 5) et temporelles (du mgaprocessus de trs long terme au microprocessus de quelques journes en passant par les macro- et les msoprocessus - case 6) en notant que dans la mme situation sentrecroisent toujours des chelles diffrentes autant au niveau spatial que temporel. Puis on sintressera aux forums o se nouent les jeux (case 7). On dgagera les ordonnancements sociaux privilgis (case 8). On y ajoutera aux trois ordonnancements dgags plus haut en relation avec les archtypes juridiques, celui de lordre contest, ou plutt de la contestation de lordre. Enfin faudra-t-il regarder de plus prs les enjeux du jeu (case 9) pour enfin pouvoir dgager les rgles du jeu qui peuvent relever des NGI, des MCC ou des SDD (case 10).

 

Nous voil passs de laltrit la complexit et il pourrait nous sembler que nous avons maintenant tous les lments pour rpondre aux questions que peut nous poser le mystre de la juridicit. Et bien dtrompons nous. Pour linstant nous navons abord  lautre , ou la totalit sociale quՈ travers un prisme occidental de sciences sociales - qui reflte une approche trs anthropocentre et logocentre. Au cur de nos interrogations se trouve lhomme et sa relation aux autres et son environnement. Et pour y rpondre nous recourons principalement sinon exclusivement loutil de la raison. Or dans dautres cultures le rle de lhomme est moins central face Dieu ou au cosmos, et on reconnat dautres modes de connaissance que la raison, comme par exemple  lexprience mystique  (Panikkar 1993 ; Vachon 1990b). Dans quelle mesure notre positionnement nous permet-il donc de vraiment nous engager dans un dialogue avec  lautre , dont les fruits pourront tre un dvoilement et une comprhension, voire un enrichissement, mutuels ? Dans mes recherches sur les droits de lhomme et le dialogue interculturel, il ma ainsi sembl par exemple ncessaire dintroduire une case avant celle de statuts des acteurs : celle de nos positionnements mtaphysiques (voir Eberhard 2002a et 2002d). Ce nest quune fois accepte la prmisse dun monde anthropocentr que le jeu des lois fait sens - or il existe des visions du monde plus cosmocentres ou thocentres. Nous rencontrons ainsi le ple de linterculturalit.

 

 

3. Linterculturalit : au-del du  Droit  et des sciences sociales.

 

            Avec le ple de linterculturalit, nous allons au-del du  Droit , mme avec un  D  majuscule et nous dbordons du cadre des sciences sociales occidentales. Il me semble quen anthropologie du Droit, au moins dans son aspect plus thorique, il peut tre distingu deux genres de dmarches diffrentes et nanmoins trs complmentaires, mais dont le premier seul a pour linstant t approfondi. Tout dabord il y a des efforts de constitution dune thorie interculturelle du Droit, telle quexemplifie par les dmarches de Michel Alliot et dՃtienne Le Roy. Il sagit de comprendre lautre dans son originalit, mais par rapport la question de la juridicit qui reste pose en rfrence notre tradition scientifique et juridique. Mme si lon souvre aux autres visions du monde, cest pour mieux comprendre le  phnomne juridique  dans sa gnralit. Aprs limmersion dans lautre univers, il sagira donc den dgager les lments qui rpondent notre question de la juridicit et de les traduire dans notre cadre conceptuel tout en essayant de respecter au maximum loriginalit des pratiques, discours, logiques, visions du monde entrevus. Effectivement, dun point de vue des sciences sociales, cette approche nous fait beaucoup avancer et nous fait mieux comprendre comment des individus interagissent dans et pour la reproduction des socits, pour garder lesprit une dfinition anthropologique du Droit comme  ce qui met en forme et met des formes la reproduction de lhumanit dans les domaines quune socit considre comme vitales  qui est btie sur des dfinitions de Michel Alliot, de Pierre Bourdieu et de Pierre Legendre (Eberhard 2001 : 178 & 2002 : 130 ss). Elle amliore notre comprhension de la juridicit et par l contribue lavancement de la thorie gnrale du Droit, en soulignant avant tout limportance de la prise en compte des perspectives et pratiques des acteurs et des paradigmes de laltrit et de la complexit. Reste que les notions  dindividu  et de  socit , qui sont aux fondements mmes de nos sciences sociales, ne se retrouvent pas forcment dans dautres cultures. Beaucoup de cultures ne voient pas de ligne de fracture entre lhumain, le cosmique et le divin ; entre la nature et la culture ; entre les humains, les animaux et les plantes ; entre le pass, le prsent et le futur ; entre les vivants et les morts ; entre les mondes visibles et invisibles Ils ne nouent pas leurs questions comme nous les nouons, et la question de la juridicit, mme dans toute sa gnralit, ne fait pas forcment sens pour eux. La question qui se pose alors est de dgager des manires pour entrer en un  dialogue dialogal  (Panikkar 1984a) permettant le dvoilement et lenrichissement mutuels. On sort ainsi dune thorie interculturelle du Droit pour sacheminer vers une approche interculturelle du Droit lors de laquelle on pourra se retrouver en fin de compte parler dautre chose que de Droit[16]. Peut-tre de  dharma  dans le contexte dun dialogue avec des interlocuteurs indiens, peut-tre de  pluralisme dharmique  plutt que de pluralisme juridique, voire de  pluralisme dharmico-juridique  ? On pourra aussi se trouver encore au-del, en acceptant que chacun des interlocuteurs parlera de sa perspective : chacun aura, travers sa dcouverte de lautre, ouvert plus grand sa fentre sur le monde, tout en restant conscient de loriginalit de la perspective quelle offre et de son incommensurabilit partielle avec dautres perspectives. Il nest pas ncessaire de trouver un cadre englobant - ce qui est plutt un problme de la thorie, du logos. Dans lapproche interculturelle du Droit, on se situe avant tout au niveau du mythos, peut-tre de celui que nous pourrions appeler le  mythe mergent du pluralisme et de linterculturalisme de la ralit  (Vachon 1997). Pour Robert Vachon linterculturalisme est profondment li au pluralisme qui nest pas la simple pluralit.  Le pluralisme est certes bas sur la perception de la pluralit, mais il inclut aussi une conviction que quelque soit le degr de ralit que nos ides puissent avoir, elles ne sont pas toute la ralit. Cest une attitude fondamentale, une conscience ontique, qui nappartient aucun chafaudage conceptuel particulier. Elle surgit quand on reconnat les limites de la raison et quon ne les identifie pas avec les limites de ltre, cest--dire quand on ne met pas sur le mme pied la Pense et ltre, quand on ne prsuppose pas lintelligibilit totale du rel.  (Vachon 1997 : 7 ; voir aussi Panikkar 1990). Ce qui nimplique pas moins quon rflchisse aux conditions ncessaires pour une rencontre vritablement dialogale des diffrentes traditions  juridico-politiques  (pour parler de notre point de vue) de notre plante, que ce soit pour ouvrir de nouvelles pistes quant notre vivre-ensemble global, ou pour aborder des questions  plus concrtes , telles que les relations avec les divers peuples autochtones de notre plante[17]. De manire gnrale, il semble dailleurs primordial de vraiment commencer prendre les diverses traditions de savoir de notre plante au srieux, linstar de nos traditions scientifiques occidentales, et de rflchir aux conditions et la mthode de leur mise en relation mutuelle - ce qui implique un srieux dfi pistmologique et mthodologique pour nos propres sciences.

 

En guise de conclusion ?

 

Conclusion nest peut-tre pas le bon terme pour nous quitter (provisoirement), vu que ds le dpart nous avons prvenu le lecteur de la non-linarit de notre dmarche. Attisons donc notre vigilance et ouvrons nous de nouveaux horizons travers une petite histoire dont le hros agit comme nous avons parfois tendance le faire dans nos itinraires de recherche et qui illustre bien lenjeu de lanthropologie du Droit telle que nous la concevons :

 

 Nasreddine faisait un voyage en bateau. Soudain la tempte se dchana et le bateau commena prendre leau. Le capitaine affol lanait ses ordres la ronde :

- Marins et passagers, que chacun de vous prenne un seau. Il faut vite coper !

Les marins et les voyageurs se mirent tous la tche : chacun, un seau la main, vidait leau du bateau et le jetait dans la mer. Tous, sauf Nasreddine qui faisait tout fait le contraire : il prenait leau dans la mer et la versait dans le bateau. Le capitaine, en le voyant, poussa un cri :

- Mais que fais-tu malheureux ? Tu veux nous faire prir, ou quoi ? Cest absolument le contraire quil faut faire !

- Ah vraiment ! lui rpondit Nasreddine. Pourtant, ma mre ma toujours dit quil fallait se mettre du ct du plus fort.  (Darwiche 2000 : 71-73)

 

Il me semble que lanthropologie du Droit, quel que soit le ple quon privilgie dans son propre itinraire, nous pousse dcaler notre regard et notre attention du  centre  vers les marges. Ainsi nous permettons nous de voir des choses qui demeuraient caches et pouvons nous contribuer dgager des pistes pour notre vivre ensemble aux diffrents niveaux dans une optique plus dialogale, visant jouer nos diffrences dans le mode de la complmentarit plutt que dans lexclusion rciproque ou limposition de lune delles et lՎcrasement des autres. Se rejoignent ici la science et lՎthique et peut-tre pourrait-on dire, au moins pour certains dentre nous, que la dmarche anthropologique peut se rvler au-del dune dmarche scientifique un itinraire de vie.


Bibliographie :

 

 

AFFERGAN Francis, 1987, Exotisme et altrit. Essai sur le fondement dune critique de lanthropologie, Vendme, Presses Universitaires de France, 295

 

ALLIOT Michel, 1983,  Anthropologie et juristique. Sur les conditions de lՎlaboration dune science du droit , Bulletin de Liaison du Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris, n 6, p 83-117

 

ARNAUD Andr-Jean, 1998,  De la globalisation au postmodernisme en droit , Entre modernit et mondialisation - Cinq leons d'histoire de la philosophie du droit et de l'tat, France, L.G.D.J., Col. Droit et Socit n 20, 185 (145-185)

 

ARNAUD Andr-Jean & DULCE Maria-Jos Farinas, 1998, Introduction lanalyse sociologique des systmes juridiques, Bruylant, Bruxelles, 378 p

 

BALANDIER Georges, 1967, Anthropologie politique, France, Quadrige / PUF, 240 p

 

BALANDIER Georges, 1971, Sens et puissance, France, Quadrige / PUF, 334 p

 

BALANDIER Georges, 1985, Le dtour. Pouvoir et modernit, Paris, Fayard

 

BALANDIER Georges, 2001, Le Grand Systme, Fayard, Paris, 274 p

 

BOURDIEU Pierre, 1980, Le sens pratique, Lonrai, Les Editions de Minuit, Col. Le sens commun, 474 p

 

DARWICHE Jihad, 2000, Sagesses et malices de Nasreddine, le fou qui tait sage, Paris, Albin Michel, 187 p

 

de SOUSA SANTOS Boaventura, 1995, Toward a New Common Sense - Law, Science and Politics in the Paradigmatic Transition, New York-London, Routledge, After the Law Series, 614 p

 

DUMONT Louis, 1991 (1983), Essais sur lindividualisme - Une perspective anthropologique sur lidologie moderne, Saint Amand (Cher), Seuil, 3e d., Col. Points, Srie Essais, 310 p

 

EBERHARD Christoph, 2000,  Justice, Droits de lHomme et globalisation dans le miroir africain : limage communautaire , Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques, n 45, p 57-86

 

EBERHARD Christoph, 2001,  Towards an Intercultural Legal Theory - The Dialogical Challenge , Social & Legal Studies. An International Journal, n 10 (2), p 171- 201

 

EBERHARD Christoph, 2002a, Droits de lhomme et dialogue interculturel, Paris, ditions des crivains

 

EBERHARD Christoph, 2002b (d.), Le Droit en perspective interculturelle. Images rflchies de la pyramide et du rseau, numro thmatique de la Revue Interdisciplinaire dՃtudes juridiques n49

 

EBERHARD Christoph, 2002c,  Vers une nouvelle approche du Droit travers ses pratiques. Quelques implications des approches alternatives , Revue Interdisciplinaire dՃtudes Juridiques, n 48, p 205-232

 

EBERHARD Christoph, 2002d,  Les droits de lhomme face la complexit : une approche anthropologique et dynamique , Droit et Socit, n 51/52

 

ESTEVA Gustavo, PRAKASH Madhu Suri, 1998, Grassroots Post-Modernism - Remaking the Soil of Cultures, United Kingdom, Zed Books, 223 p

 

FITZPATRICK Peter, 1992, The Mythology of Modern Law, London & New York, Routledge, 235 p

 

GEERTZ Clifford, 1996, Ici et L-bas. Lanthropologue comme auteur, Dijon-Quetigny, ditions Mtaill, 152 p

 

KILANI Mondher, 1992, Introduction lanthropologie, Lausanne, Payot, 368 p   

 

KILANI Mondher, 1994, Linvention de lautre, Dijon-Quetigny, Payot Lausanne, 318 p

 

LENOBLE Jacques, OST Franois, 1980, Droit, mythe et raison. Essai sur la drive mytho-logique de la rationalit juridique, Bruxelles, Facults Universiatires Saint Louis, 590 p

 

OST Franois, van de KERCHOVE Michel, 1987, Jalons pour une thorie critique du droit, Bruxelles, Publications des Facults universitaires Saint-Louis, Col. Travaux et Recherches, 602 p

 

PANIKKAR Raimundo, 1982,  Alternatives la culture moderne , Interculture, Vol. XV, n 4, Cahier 77, p 5-16

 

PANIKKAR Raimon, 1984a,  The Dialogical Dialogue , WHALING F. (d.), The Worlds Religious Traditions, Edinburgh, T. & T. Clark, 311 p (201-221)

 

PANIKKAR R., 1984b (1982),  La notion des droits de lhomme est-elle un concept occidental ? , Interculture, Vol. XVII, n1, Cahier 82, p 3-27

 

PANIKKAR Raimon, 1990,  The Pluralism of Truth , Harry James Carger (d.), Invisible Harmony. Essays on Contemplation and Responsibility, USA, Fortress Press, 210 p (92-101)

 

PANIKKAR Raimon, 1993, The Cosmotheandric Experience - Emerging Religious Consciousness, New York, Orbis Books, 160 p

 

LVI-STRAUSS Claude, 1995 (1958), Anthropologie structurale, Angleterre, Plon, 480 p

 

LE ROY tienne, 1990,  Juristique et anthropologie : Un pari sur lavenir , Journal of legal pluralism and unofficial law, number 29, p 5-21

 

LE ROY tienne, 1995,  Espace public et socialisation dans les mtropoles: quelques prliminaires une problmatique interculturelle , TESSIER Stphane (d.), Lenfant des rues et son univers - ville, socialisation et marginalit, France, Syros, 227 p (31-45)

 

LE ROY tienne, 1996,  Prolgomnes une analyse dynamique de la gestion foncire , LE ROY tienne, KARSENTY Alain, BERTRAND Alain (ds.), La scurisation foncire en Afrique - Pour une Gestion viable des ressources renouvelables, Clamecy, Karthala, 388 p (185-211)

 

LE ROY tienne, 1998,  Lhypothse du multijuridisme dans un contexte de sortie de modernit , LAJOIE Andr, MACDONALD Roderick A., JANDA Richard, ROCHER Guy (ds.), Thories et mergence du droit : pluralisme, surdtermination et effectivit, Bruxelles, Bruylant/Thmis , 266 p (29-43)

 

LE ROY tienne, 1999, Le jeu des lois. Une anthropologie  dynamique  du Droit, France, LGDJ, Col. Droit et Socit, Srie anthropologique, 415 p

 

MOORE Sally Falk, 1983, Law as Process - An Anthropological Approach, Great Britain, Routledge & Kegan Paul, 263 p

 

RGNIER Andr, 1971,  Mathmatiser les sciences sociales , RICHARD Philippe, JAULIN Robert (ds.), Anthropologie et calcul, France, Union Gnrale dEditions, Col. 10/18, Srie 7, 383 p (13-37)

 

ROULAND Norbert, 1988, Anthropologie juridique, France, PUF, Col. Droit fondamental Droit politique et thorique, 496 p

 

SINHA Surya Prakash, 1989,  Why has it not been possible to Define Law , Archiv fr Rechts- und Sozialphilosophie, Vol. LXXV, Heft 1 - 1. Quartal, p 1-26

 

SINHA Surya Prakash, 1995a,  Legal Polycentricity , PETERSEN H., ZAHLE H. (eds.), Legal Polycentricity : Consequences of Pluralism in Law, UK, Dartmouth, 245 p (31-69)

 

SINHA Surya Prakash, 1995b,  Non-universality of Law , Archiv fr Rechts- und Sozialphilosophie, Vol. 81, Heft 2 - 2. Quartal, p 185 - 214

 

VACHON Robert (d.), 1990a, Alternatives au dveloppement. Approches interculturelles la bonne vie et la coopration internationale, Victoriaville (Qubec), Institut Interculturel de Montral - dititons du Fleuve, Col. Alternatives, 350 p

 

VACHON Robert, 1990b,  LՎtude du pluralisme juridique - une approche diatopique et dialogale , Journal of Legal Pluralism and Unofficial Law, n 29, p 163-173

 

VACHON Robert, 1995a, Guswenta ou limpratif interculturel - Premire partie : Les fondements interculturels de la paix, Interculture, Vol. XXVIII, n 2, cahier n 127, 80 p

 

VACHON Robert, 1995b, Guswenta ou limpratif interculturel - Partie 1, Volet II : Un horizon commun, Interculture, Vol. XXVIII, n 3, cahier n 128, 43 p

 

VACHON Robert, 1995c, Guswenta ou limpratif interculturel - Volet III : Une nouvelle mthode, Interculture, Vol. XXVIII, n 4, cahier n 129, 47 p

 

VACHON Robert, 1997,  Le mythe mergent du pluralisme et de linterculturalisme de la ralit , Confrence donne au sminaire Pluralisme et Socit, Discours alternatifs la culture dominante, organis par lInstitut Interculturel de Montral, le 15 Fvrier 1997, 34 p. Can be consulted at http://www.dhdi.org

 

VACHON Robert, 1998,  LIIM et sa revue : Une alternative interculturelle et un interculturel alternatif , Interculture, n 135, p 4-75

 

van de KERCHOVE Michel, OST Franois, 1992, Le droit ou les paradoxes du jeu, Vendme, PUF, 1992, Col. Les voies du droit, 268 p

 

VANDERLINDEN Jacques, 1996, Anthropologie Juridique, Dalloz, France, 123 p

 

WEBER Max, 1995, conomie et socit. Tome 1 : Les catgories de la sociologie, France, Pocket, 410 p

 



Collaborateur scientifique du Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS, Belgique), Facults Universitaires Saint Louis / Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris.

[1] Parmi les introductions lanthropologie du Droit en langue franaise nous pouvons renvoyer par exemple Eberhard (2002), Rouland (1988), Le Roy (1999) et Vanderlinden (1996).

[2] Ces proccupations  sont au cur des dmarches de lInstitut Interculturel de Montral et forment le Leitmotiv des thmes abords dans sa revue Interculture.

[3] Pour une bonne introduction lanthropologie voir Kilani 1992.

[4] A un niveau plus thorique et pour des travaux touchant plus directement au Droit, voir par exemple les travaux de Louis Dumont sur lindividualisme  et lidologie moderne (1991), ceux de Georges Balandier (1985) sur le pouvoir dans la modernit , ceux de Peter Fitzpatrick (1992) sur la mythologie du droit moderne.  Pour se faire une ide des terrains anthropologiques contemporains dans le domaine juridique comme lorganisation de la famille, lamnagement urbain, ladministration, les rglements alternatifs de conflits et la justice informelle, le rituel judiciaire et la justice des mineurs voir Rouland1988 (plus particulirement 409 ss) et Le Roy 1999 (plus particulirement 277 ss).   Pour des exemples hors du domaine de lanthropologie du Droit voir Kilani 1992 (plus spcialement 65 ss).

[5] Voir par exemple Balandier (1967 & 1971), Moore (1983).

[6] Voir dans ce contexte Vachon (1990a).

[7] Voir par exemple Geertz 1996 et aussi Kilani 1994.

[8] Voir par exemple Esteva &Prakash  1998 : 36-39 et Eberhard  2000 : 73-81. Voir aussi les rflexions de de Sousa Santos sur  lhtrotopie  (1995 : 479 ss).

[9] Pour une rflexion par rapport aux  pratiques alternatives du droit  voir Eberhard  2002a.

[10] Sur la  non-universalit du droit  voir Sinha  1989, 1995a & 1995b.

[11] Pour la relation entre droit et mythe en Occident voir par exemple Lenoble & Ost 1980 et Fitzpatrick 1992.

[12] Pour lorigine de ces dfinitions voir Eberhard 2001 : 176-177.

[13] Il ny a pas de traduction pour  droit  dans de nombreuses langues.

[14] Pour des exemples de ce que nous appelons des approches plus systmiques de la complexit voir Arnaud & Dulce 1998 et van de Kerchove  & Ost 1992.

[15] Le lecteur se reportera aussi avec intrt la prsentation du jeu des lois par Alain Bissonnette dans son cours danthropologie du Droit consultable sur http://www.dhdi.org.

 

[16] Pour une distinction plus approfondie des deux voir Eberhard 2001 : 181 ss.

[17] Voir par exemple Vachon 1995a,b & c et 1998.