(1re version
dun texte paru dans les Cahiers danthropologie du Droit 2, 2003)
Christoph
Eberhard*
Selon
lexpression bambara Maa ka maaya ka ca a yere kono, les personnes de la personne sont
multiples dans la personne (B 2000 : 130). Ce proverbe nous semble
triplement pertinent pour introduire cette rflexion sur une approche
pluraliste du pluralisme juridique dans le cadre de la dynamique dune
laboration dune thorie interculturelle du Droit[1].
Tout dabord,
par rapport notre problmatique nous pouvons commencer par constater que les
pluralismes juridiques sont multiples dans le pluralisme
juridique aussi nombreux peutАtre que les personnes qui sy intressent
(Vanderlinden, 1998 : 665). Cest une premire ralit pluraliste quil
nous faudra garder lesprit lors de notre dmarche.
Deuximement, ce
proverbe nous introduit au pluralisme fondamental de la personne qui soustend
toute approche en termes de pluralisme juridique[2]. On ne saurait raisonner en termes de
pluralisme tant que lon pense sur la base dՎlments unitaires qui seraient
juxtaposs. Toute approche vritablement pluraliste du Droit doit senraciner
dans un mythe du pluralisme (Panikkar, 1990, voir aussi
1977 ; Vachon, 1997) qui suppose un pluralisme de la personne autant que
de la ralit dans laquelle celleci sinscrit[3]. Au niveau de la thorisation[4], elle nous oblige nous enraciner dans
un paradigme de la complexit (et non pas uniquement de la complication) qui
reste une application dune pistmologie de la simplicit[5].
Enfin, lorigine
bambara du proverbe, nous rappelle quau Laboratoire dAnthropologie Juridique
de Paris, cest le dtour par les socits africaines qui nous a ouvert au
pluralisme la dcouverte du pluralisme sest trouv intimement lie une
anthropologie du dtour et une dmarche interculturelle. Interculturalisme et
pluralisme apparaissent ainsi comme profondment lis. On peut mme considrer
linterculturalisme et le pluralisme culturel comme deux aspects de la mme
ralit (Vachon, 1997 : 29).
Vu la diversit
des approches possibles notre thmatique qui est illustre par toutes les
autres contributions ce Bulletin, il nous faut dans les pages suivantes
oprer des choix. Nous le ferons en proposant au lecteur un rsum de notre
propre initiation au pluralisme lors de notre recherche sur des approches
interculturelles des droits de lhomme, et plus gnralement des Droits de
lHomme, compris comme les diffrentes manires quont les humains pour nouer et
mettre en forme leur vivre ensemble, ces deux dmarches tant intimement lies
(voir Eberhard 1998 et 2000). Trois auteurs nous ont plus particulirement
inspirs dans notre dmarche, les trois mettant en lumire des aspects
diffrents mais nanmoins fondamentalement complmentaires dune approche
pluraliste du phnomne juridique qui pourrait nous permettre de
pluraliser et d interculturaliser nos approches
des droits de lhomme et de la thorie du Droit qui restent pour linstant
assez monistes et monoculturelles. Ceci ne signifie pas que nous ne considrons
pas comme intressantes dautres approches, ni mme que dautres auteurs ne
nous aient pas beaucoup interpells et enrichis[6]. Mais il se trouve que petit petit,
par notre frquentation de ces trois auteurs, dont le travail nous
parlait , se sont dcantes certaines diffrences qui nous apparaissent
maintenant comme trs complmentaires dans la tentative dune approche
pluraliste du pluralisme juridique en vue dapproches et de thorisations plus
interculturelles du Droit. Il sagit de Robert Vachon, dՃtienne Le Roy et de
Jacques Vanderlinden.
Robert Vachon,
dans la ligne des travaux de Raimon Panikkar a explicit limportance
accorder au mythe du pluralisme et au fait que celui-ci nest pas
uniquement un problme intellectuel rsoudre, mais une ralit existentielle
vivre. Ceci a des consquences importantes de mthode dans notre approche des
diffrentes cultures juridiques homomorphes de notre monde, qui se doit dՐtre
fondamentalement diatopique et dialogale (voir
Vachon 1990 ; Panikkar 1984).
tienne Le Roy
(1998 ; 1999 : 189 ss) a explicit le pluralisme des mises en forme
de la juridicit : en se basant sur les travaux de Michel Alliot (1983),
il en est venu une thorisation du Droit comme tripode, cest--dire fond
sur le jeu entre normes gnrales et impersonnelles, modles de conduite et de
comportement et habitus. Ces trois pieds du droit renvoient aussi trois ordonnancements
sociaux diffrents, ou manires diffrentes de mettre en forme le social
dans sa juridicit : les ordonnancements impos, ngoci ou accepts. De
plus, comme il y a jeu , il y a aussi dynamique. Et cest une
analyse processuelle qui permet de comprendre la complexit du jeu juridique
qui articule diffremment selon les situations ces trois pieds du Droit.
Jacques
Vanderlinden a explicit le pluralisme juridique radical [7] au niveau de ce que nous pourrions
appeler, en comparaison avec le multijuridisme de Le Roy, un pluralisme
juridique substantiel, plutt que formel. Pour Jacques Vanderlinden, ce sont en
effet moins les diffrents fondements de la juridicit qui ont retenu son
attention que lexistence dune multiplicit dordres normatifs
susceptibles de revendiquer la qualification de juridiques et de sappliquer
simultanment au comportement dun individu (Vanderlinden 1998 : 665).
Prsentons donc
rapidement ces trois approches pour pouvoir en dgager des horizons possibles
o inscrire des approches pluralistes du pluralisme juridique dans une
rflexion interculturelle sur le Droit.
Peut-tre est-il utile ici de rsumer les fondements dune attitude pluraliste
telle que propose par le philosophe de linterculturel Raimon Panikkar
(1990 : 96-97) et qui sous-tend toute la dmarche de Robert Vachon (voir
aussi la synthse de ce dernier : 1997 : 10-13)[8].
Le pluralisme ne dnie pas la fonction du logos et par exemple le principe de non-contradiction, mais ouvre la dimension du mythos[9], non comme objet mais comme horizon de la pense (1). Le pluralisme est avant tout un symbole, et est donc davantage du domaine du mythos que du logos. Cest lexpression dune attitude de confiance cosmique qui permet la coexistence polaire et tensionelle entre attitudes humaines, cosmologies et religions finalement diffrentes et qui nՎlimine, ni nabsolutise le mal ou lerreur (2). Le pluralisme nous rend conscients de notre contingence et de la non-transparence totale de la ralit. Lattitude pluraliste, tout en cherchant un maximum dintelligibilit du rel, accepte cependant les limites de cette entreprise et na pas besoin de lidal dune comprhensibilit totale du rel (3). Le pluralisme nautorise pas de systme universel, un systme pluraliste tant contradictoire dans ses termes mmes. un certain niveau des systmes ultimes sont incommensurables ce qui peut nous donner une intuition quant la nature de la Ralit : rien ne saurait lenglober (4). Le pluralisme ne considre pas lunit comme un idal indispensable, mme si cette dernire laisserait de la place des variations lintrieur de son cadre, mais accepte lirrductibilit de certaines positions tout en reconnaissant les aspects communs l o ils existent (5). Enfin, le pluralisme nest pas la simple reconnaissance de la pluralit qui peut rester soustendue par un dsir dunit (6).
Cette attitude fondamentale a deux implications par rapport nos approches du Droit. Tout dabord, il faut rester toujours conscient que dans toute rencontre interculturelle on se trouve dans une situation de pluralisme fondamental. Vouloir ramener ou intgrer lautre dans son systme ou sa vision du monde, en perdant de vue la partialit de la dmarche, ne correspond pas une attitude pluraliste. Ainsi il faut tre conscient que parler en termes de pluralisme juridique ou de thorie pluraliste ou interculturelle du Droit en considrant ces approches comme globales ou du moins comme permettant denglober totalement les diverses expriences humaines, reste fondamentalement enracin dans un cadre unitaire : celui prsupposant quil existe un Droit partag par toutes les cultures[10]. Or de nombreuses socits ne connaissent pas les concepts de droit et organisent diffremment leur reproduction et les liens entre leurs membres, le cosmos et le divin. Il nest pas sr que dun point de vue indien par exemple le pluralisme juridique englobe le dharma ce serait peut-tre plutt le pluralisme juridique qui serait une application du dharma. Ainsi, il faut rester conscient que si nous pouvons partager dans le mythos de la rencontre interculturelle, la conceptualisation ne sera pas forcment et mme assez srement pas la mme pour les deux parties la rencontre. Il ny a donc pas de systme englobant. Et ce genre de reconnaissance du pluralisme oblige reposer les fondements de la rencontre entre cultures juridiques homomorphes du monde, autrement quen termes de simple amnagement/intgration des cultures autres dans le cadre du systme dominant moderne, comme dans les dynamiques de revendication des droits des peuples autochtones[11]. Elle oblige aussi repenser le pluralisme juridique autrement quen rfrence lՃtat, au systme juridique, voire mme la socit, qui demeurent souvent implicitement les cadres de rfrence unitaires ultimes.
Deuximement, lattitude pluraliste nous fait prendre conscience que les diffrences que nous pouvons observer dans la vie ne sont pas uniquement dordre conceptuel. Le pluralisme nest pas uniquement un problme rsoudre. Cest une ralit ontologique. Ce qui a deux implications primordiales par rapport nos thories. Tout dabord, aucune thorie ne pourra jamais puiser la totalit de la ralit, ce qui nous invite lhumilit, surtout en tant que juristes utilisant notre science pour agir sur la socit . Ensuite, puisque les thories anthropologiques partent de lobservation de la vie des hommes en socit, il faut faire coller nos thories la ralit[12] et non pas la ralit nos thories comme il est si tentant de le faire. Ceci suppose quon ne peut pas a priori et dductivement construire une thorie du pluralisme juridique . Il faut partir dune logique additive qui organise les faits observs en ne ramenant lunit que les lments qui peuvent lՐtre et en les articulant avec ceux qui sont irrductiblement diffrents (voir Le Roy, 1998 : 37). Ceci nous invite maintenant quitter le domaine du mythos et nous acheminer vers celui du logos en nous confrontant un premier essai de thorisation pluraliste et interculturel du Droit, le modle du multijuridisme dՃtienne Le Roy.
Pour mener bien le projet
anthropologique de faire avancer la connaissance de lhomme dans sa totalit
travers la multitude de ses manifestations (Lvi-Strauss, 1995 : 413), il
est primordial de construire des comparables. Face lincommensurabilit des
cultures, qui ne partagent pas la mme matrice et organisent de faons fort
diffrentes leur reproduction et sa mise en formes, il faut laborer des
modles explicites de comparaison (voir dans ce contexte Le Roy 1994). Comme le
notait Michel Alliot (1983 : 91) dans Anthropologie et
Juristique , quau moins symboliquement on peut voir comme le texte
prcurseur de la thorie du multijuridisme, ramener les expriences
autres aux institutions de sa propre socit nest pas suffisant.
Il faut une thorie de ce que lon veut comparer, puis il faut construire des
modles pour la comparaison. Michel Alliot propose de sintresser au Droit
comme phnomne juridique (1983 : 85-86), et propose une approche fonde
sur la mise en vidence dans le cadre dune macro-comparaison entre cultures
diffrentes darchtypes et de logiques juridiques originaux qui dans leurs
articulations donneraient des modles juridiques diffrents dune socit
lautre. Il ne parat pas ncessaire dans le cadre du Bulletin de rappeler
toute cette thorie (voir Alliot 1983 et pour une prsentation enrichie
Eberhard 2000 : 148 ss). Ce quil sagit de noter ici, cest que cette
approche a permis une ouverture laltrit, en nous faisant prendre conscience
que nos manires de penser nos Droits taient lies nos manires de penser le
monde et quil y avait donc des faons diffrentes de mettre en forme, voire
mme de nouer le juridique dans nos diverses
socits. Cette ouverture laltrit, qui est aussi ouverture au pluralisme
et linterculturalisme dans leffort de comprhension du Droit dans sa
gnralit, a ensuite t complte[13] par une
accentuation du caractre complexe et dynamique de la juridicit. On sest
rendu compte quau moins les mises en forme typiques des trois grands
archtypes juridiques dgags par Michel Alliot, les normes gnrales et
impersonnelles et lordre impos de larchtype de soumission, les modles de
conduite et de comportement et lordre ngoci de larchtype de
diffrentiation, et les systmes de dispositions durables et lordre accept de
larchtype didentification, se retrouvaient dans toutes les cultures et
constituaient donc bien trois fondements distincts du Droit. Le Droit est donc
au minimum tripode et la juridicit ne peut se comprendre que dans le jeu entre
ces diffrents pieds dans les situations observes (Le Roy 1998 ;
1999 : 189 ss).
On a pu ainsi contribuer manciper
sous un certain aspect lapproche du Droit des rfrents unitaires tels que
lՃtat ou le systme juridique. En effet, le droit tatique devient alors une mise
en formes de la juridicit particulire, faisant partie du Droit tripode. Il
nest plus que lun des lments du grand jeu de la juridicit
auquel il participe dans une socit donne, et ne constitue plus le rfrent
ultime ou le cadre englobant. On pense ainsi le Droit partir de la socit,
et non pas le droit partir du droit, voire la socit partir du droit (voir
Le Roy 1999 : 177 ss). Cette approche met aussi en lumire cest une
autre de ses ouvertures au pluralisme que le Droit nest pas uniquement
affaire de normes. En effet, on ne peut pas ramener des modles de conduite et
de comportement ou des habitus des normes telles que normalement
comprises par les juristes[14]. Et
notre avis, mme parler en termes de norme au sens sociologique
ou anthropologique du terme[15] pourrait
se rvler tre encore un substrat de monisme . Nous nous
interrogeons, si dun point de vue pluraliste, il est tout fait adquat,
comme le fait tienne Le Roy (1999 : 201-202) de ramener les normes
gnrales et impersonnelles des macronormes , les modles de
conduite et de comportement des mso-normes et les systmes de
dispositions durables ou habitus des micro-normes .
Mais ceci est une autre question
Si cette approche nous a permis de
nous ouvrir au pluralisme des mcanismes de formalisation de la juridicit et
leurs interrelations complexes et dynamiques, elle ne nous permet pas vraiment
de rflchir certaines questions que posent le pluralisme juridique
substantiel. En effet, cette modlisation ne nous dit rien sur les situations
o se confrontent par exemple des modles de conduite et de comportements
diffrents, ou des modles de conduite et de comportement et des normes
gnrales et impersonnelles. Ces questions sont effectivement abordes
lorsquon met en uvre toute lapproche du jeu des lois[16] (voir Le
Roy 1999). Mais il nous parat utile davoir aussi une approche de thorisation
gnrale par rapport cette question du pluralisme juridique substantiel et
nous trouvons dans ce cadre trs stimulantes les propositions de Jacques Vanderlinden.
Jacques Vanderlinden (1989) revenant deux dcennies aprs sur sa premire dfinition du pluralisme juridique est venu la transformer. De la dfinition du pluralisme juridique comme lexistence, au sein dune socit dtermine, de mcanismes juridiques diffrents sappliquant des situations identiques (Vanderlinden 1993 : 573-574), il est pass sa dfinition comme la situation, pour un individu, dans laquelle des mcanismes juridiques relevant dordonnancements diffrents sont susceptibles de sappliquer cette situation. (Vanderlinden 1993 : 583). Il a t conduit ce changement de perspective qui place lindividu (compris au sens sociologique) au cur du pluralisme juridique, par la prise de conscience que fondamentalement tout systme juridique tait moniste dans son totalitarisme, ce qui excluait lexistence de systmes juridiques pluralistes[17]. Or le pluralisme tant une caractristique essentielle du juridique et ce pluralisme ne pouvant se situer au niveau du systme social et donc des systmes juridiques, cest donc au niveau de lindividu quil fallait le chercher, cet individu qui apparat alors travers ses inscriptions dans diffrents rseaux sociaux et juridiques comme sujet non pas de droit, mais de droits (Vanderlinden 1993 : 583 ; 1998 : 665-666). Lapproche fait cho celle dՃtienne Le Roy qui lui aussi, dbute son jeu des lois par la case des acteurs et de leurs statuts. Elle est aussi en rsonance avec les approches de Robert Vachon, si nous envisageons la personne comme nud de relations dans lՎtoffe du rel et donc comme microcosme qui reflte le macrocosme dans son pluralisme tout en sy inscrivant. Lapproche de Vanderlinden, par sa rfrence explicite aux diffrents ordres normatifs concurrents nous fait prendre conscience de la problmatique du forum shopping (1993 : 581) ; mais elle remet radicalement en question lidal sous-tendant dunit, inhrent aux approches juridiques classiques, nous installant ainsi, si nous acceptons sa dmarche, dans le mythe du pluralisme prsent en premire partie. Ceci est moins vident, de premier abord, dans lapproche dՃtienne Le Roy. Penser en termes darticulation de fondements du Droit diffrents pour comprendre des situations de pluralisme juridique , voire pour repenser lorganisation dun tat de Droit (Le Roy, 1999 : 264), comme situation de Droit rsultant de la relativisation de linstitution de lՃtat de Droit et de son articulation avec les droits vivants et leurs fondements privilgis peut sembler valoriser nouveau lunit par rapport lacceptation du pluralisme. Cependant, mme si leurs points dapproche diffrent, tienne Le Roy et Jacques Vanderlinden nous semblent au fond trs proches dans leurs analyses des situations de pluralisme dans des contextes africains et dans leurs rflexions sur la refondation/reconstruction de lՃtat africain qui ne peut se faire que dans la prise en compte du pluralisme et des pratiques de tous les acteurs juridiques, dont ncessairement lՃtat, mais parmi dautres seulement (comparer Vanderlinden 1996 et 2001 et Le Roy 1997 et 1999 : 363 ss).
Voil la boucle boucle travers ce renvoi un pluralisme radical qui nous fait prendre conscience de la ncessit de changer fondamentalement de mythe, de quitter lunivers pour le plurivers , pour pouvoir penser le pluralisme juridique de manire pluraliste. Le temps semble donc propice pour conclure.
Nous avons introduit cet article par un proverbe, terminons le par une histoire qui, il nous semble, permettra de faire partager lintuition pluraliste mieux que si nous essayions en quelques lignes, trop nombreuses, de faire une synthse de ce qui de toute manire a dj t expos plus haut, ou de lancer en quelques lignes, dans ce cas trop peu nombreuses, des pistes plus concrtes de rflexion et de mise en tension des approches prsentes (Shah, 1989 : 67).
Le Mulla, qui venait dՐtre nomm magistrat, jugeait sa premire affaire. Le plaignant exposa son problme de faon si convaincante que Nasrudin sexclama : Je crois que tu as raison ! Le greffier le pria de se contenir car le prvenu navait pas encore t entendu. Nasrudin fut si transport par lՎloquence du prvenu quil sՎcria, ds que celui-ci eut fini de parler : Je crois que tu as raison ! Le greffier nen put supporter davantage : Votre Honneur, ils ne peuvent avoir raison tous les deux. Je crois que tu as raison ! dit Nasrudin.
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* Collaborateur Scientifique du Fonds National de la Recherche Scientifique FNRS, Belgique. Chercheur aux Facults universitaires Saint Louis, Bruxelles et au Laboratoire dAnthropologie Juridique de Paris.
[1] Lorsque jՎcrirai Droit avec un grand D dans cet article, cest pour faire rfrence au Droit, phnomne juridique des anthropologues du Droit.
[2] Notons en outre que toute la rflexion sur le pluralisme juridique en anthropologie du Droit est lie au fait que lon sintresse au Droit non pas partir du systme (ayant toujours une prtention unitaire), mais partir du point de vue des acteurs qui se trouvent toujours enchevtrs dans de multiples rseaux et donc des situations de pluralisme.
[3] Pour une illustration dans le cadre occidental voir Boltanski et Thvenot et leur modle de lindividu voluant dans une pluralit de mondes (1991, plus particulirement p. 266-267). Pour des exemples dautres cultures, voir Eberhard et Ndongo 2001 (exemples africains), et Eberhard 2002b (exemples amrindien et tibtain).
[4] Pour la distinction entre les niveaux du mythe et de la raison, et de la diffrentiation entre approche et thorisation interculturelles du Droit qui y est lie voir Eberhard 2001.
[5] Pour cette distinction voir par exemple Arnaud, 1998 : 165 ; Le Roy, 1999 : 381 ss ; van de Kerchove et Ost, 1992 : 90. Pour le lien entre altrit et complexit voir Eberhard 2002a.
[6] Je pense ici plus particulirement aux travaux de Boaventura de Sousa Santos (1995) qui personnellement nous ont normment enrichi mais qui finalement sont pour nous (pour linstant peut-tre) moins directement exploitables par rapport notre approche particulire. Voir aussi les travaux de Surya Prakash Sinha (1989, 1995a et 1995b) que nous trouvons trs stimulants par rapport notre perspective.
[7] Notons que nous nous rfrons dans cet article au nouveau pluralisme juridique de Jacques Vanderlinden tel quil a commenc merger fin des annes 1980, dbut des annes 1990 et qui remet en cause sa vision antrieure qui lui est finalement apparue comme pige dans un monisme implicite (voir pour la rupture ou transition paradigmatique Vanderlinden 1989 et 1993).
[8] Notons que par souci pdagogique, nous inverserons ci-dessous lordre de prsentation original de Raimon Panikkar.
[9] Le mythe est lhorizon invisible sur lequel nous projetons nos conceptions du rel, cest ce quoi nous croyons tellement que nous ne croyons pas que nous y croyons (Panikkar 1982 : 14). Pour une explicitation des liens entre mythos et logos dans nos approches du Droit voir par exemple Eberhard 2000 : 129-147 et 2001 : 182-188.
[10] Lire dans ce contexte Vachon 2000. Notons que, si on a conscience des limites du modle, aborder une comparaison des diverses cultures humaines dans ce qui a trait la mise en formes de leur reproduction, travers une rflexion sur le Droit comme phnomne juridique est extrmement heuristique pour notre comprhension de notre propre droit ainsi que du fonctionnement des hommes en socit. Nous ne nions donc pas le projet de lanthropologie du Droit. Il nous semble juste important de noter que lexigence interculturelle inhrente la dmarche anthropologique ncessite de complter les dmarches plus classiques par des dmarches plus explicitement focalises sur les problmatiques de linterculturalit (voir Eberhard 2001).
[11] Pour prendre conscience des enjeux mais aussi de pistes dj ouvertes dans ce sens voir par exemple Vachon 1995a, b et c. Voir aussi Eberhard 2002b.
[12] Tout en restant conscient de leurs limites intrinsques lies au questionnement particuliers auxquelles elles rpondent et par rapport auquel elles sont supposes apporter un surcrot de connaissance !
[13] JՎcris complt car dj Michel Alliot (1983 : 113) voyait la dmarche de la juristique comme effort visant comprendre comment divers archtypes et logiques juridiques sarticulaient dans des contextes socitaux particuliers pour donner autant de modles du Droit diffrents.
[14] Voir lentre norme dans le Dictionnaire encyclopdique de thorie et de sociologie du droit, LGDJ, deuxime dition, 1993, p. 399-401.
[15] Voir les deux entres respectives dans le Dictionnaire prcit, p. 401-404 et p. 404-406.
[16] Et plus particulirement quand on se trouve dans les cases quatre, des logiques, sept, des arnes et des forums, huit, des ordonnancements sociaux et dix, des rgles du jeu.
[17] Il existe des cultures juridiques (homomorphes) pluralistes, ce qui ne signifie pas quelles sont compltement ouvertes , tels que celle des Mohawk en Amrique du Nord et celle des Tibtains jusquՈ linvasion du Tibet par les Chinois que nous avons prsentes dans un article rcent en voie de publication (2000b). Il est intressant de noter quelles ont en commun davoir en leur centre les individus considrs justement comme nuds dans lՎtoffe du rel et une vision ontonomique de ces individus qui ne sont ni autonomes par rapport cette ralit, ni soumis lhtronomie , mais en font partie et contribuent lharmonie gnrale en jouant le mieux possible leurs propres partitions respectives (ontonomie).