RSEAUX, PYRAMIDE ET PLURALISME
ou
Regards sur la rencontre de deux
aspirants-
paradigmes de la science juridique
Jacques Vanderlinden
Professeur mrite lĠUniversit libre de Bruxelles
Professeur associ lĠUniversit de Moncton
(paru dans RIEJ 49, p 11-36)
Dans leur dernier ouvrage[1], Franois Ost et Michel van de Kerchove nous entranent une fois encore dans un cheminement intellectuel dont quiconque les a lus antrieurement sait quĠil leur rvlera des richesses de lui insouponnes. Et il nĠappartient pas quelquĠun dĠaussi dmuni que le soussign de prtendre ne serait-ce que remettre en question tel ou tel point dĠune dmarche de pareils orfvres en leur matire. Les cinq regards qui suivent sont donc ncessairement non-, si ce nĠest im-pertinents; que le lecteur veuille bien pardonner leur auteur.
1. Rseaux et actualit - En ce qui me concerne la dcouverte de lĠimportance du rseau il y a longtemps dj[2] est lie mon exploration des voies dĠun pluralisme qui ne me semblait pas tre le mien[3]. En effet Sally Falk- Moore[4] dfinissait son pluralisme par rapport des champs sociaux. DĠemble le terme champ mĠavait paru inadquat. Dans la mesure o il voquait pour moi -- et peut-tre tort -- un espace relativement bien dfini, support matriel de lĠactivit sociale[5]. La lecture contemporaine de lĠOrdinamento giuridico de Santi Romano[6] mettait en vidence lĠexistence de socits (de lĠEglise la mafia) dont je concevais mal que le systme normatif fut limit un espace. CĠest alors que, souhaitant trouver un terme qui convenait mieux aux ralits que jĠobservais ou surtout au sujet desquelles dĠautres mĠinstruisaient, je choisis dĠadopter le terme rseau pour dsigner lĠobjet de mes rflexions. Il semblait notamment me permettre dĠenglober des ensembles moins complexes que ceux couverts par le mot socit et moins structurs que ceux dsigns par le terme groupe social. Ma rflexion nĠallait gure au-del de cela.
Le texte de Franois Ost et Michel van de Kerchove, mais aussi la lecture rcente de deux ouvrages, de nature semblable en ce quĠils constituent des synthses de vulgarisation au plus haut sens du terme, mĠont confirm dans le bien fond de lĠusage du terme rseau, particulirement pour un pluraliste.
La premire de mes lectures rcentes[7] comprend un chapitre consacr au passage de la socit franaise Òdes classes aux rseauxÓ. Mendras constate que le capital social (lĠensemble des Òrseaux de relations sociales dont un individu sĠentoure et qui lui fournissent des ressources dĠaides et dĠinformations et de soutien identitaire : parentle[8], voisinage, amitis, relations professionnelles, militances religieuses, politiques, idologiques ...) des Franais a cru de faon exponentielle au cours des dernires dcennies. Il nĠen veut pour preuve que le dveloppement exceptionnel des associations sans but lucratif, dites en France Òde type loi de 1901". Il sĠagit certes de rseaux sĠinscrivant dans la pyramide tatique, mais leur gestion au quotidien et les rgles internes qui prsident leur fonctionnement, mme si elles sont couches dans des statuts dposs auprs des pouvoirs publics, chappent presquĠentirement au contrle de ceux-ci. Mendras, souligne galement que ces rseaux Òenjambent les clivages traditionnels de la socit pour surmonter les divisions et relier entre eux les individusÓ[9]. Enfin, il met en vidence lĠimportance des rseaux familiaux centrs en un point, aussi rduit ft-il quĠun appartement Barcelone ou un sauna sur les bords de la Baltique[10]. Je ne puis mĠempcher de penser, mutatis mutandis, les mouvements des rseaux lignagers Tiv centrs sur la case du descendant du lignage fondateur voqus par Etienne Le Roy dans son texte.
Dans la seconde, consacre au Nouvel esprit de famille[11], C. Attias-Donfut, N. Lapierre et M. Segalen abordent cette institution chrie des anthropologues sociaux (qui est aussi un Òrseau de parentsÓ Òpour le dire la faon des ethnologuesÓ) en tant quĠÒlment de la modernitÓ[12] (et pourquoi pas, compte tenu de lĠactualit de leur propos, de la post-modernit, comme diraient certains amateurs de paradigmes). Centre par excellence de cette Òrgulation socialeÓ[13] en tant que Òlieu dĠinjonction des codes, lieu de reproduction dĠun ordre socialÓ[14], la famille contemporaine consacre ÒlĠexistence dĠun ensemble de droits et dĠobligations instituant entre ses membres des liens de solidaritÓ[15]. Resterait alors, en route dans notre qute de de droit ou de juridicit[16], analyser, peut-tre de manire diffrente de celle adopte par les auteurs, cette phrase qui, envisageant les rsultats des invitables tensions familiales dclare que celles-ci "ne connaissent pas de sanctions, sinon morales ... mais ... ont un prix affectif, celui de la souffrance, du rejet, de la solitudeÓ[17]. La sanction doit-elle ncessairement tre physique ? Depuis longtemps galement je nĠen suis pas convaincu[18]. Et de qui doit-elle maner ? Autre redoutable problme auquel lĠanthropologue, lĠhistorien ou le comparatiste est confront. Ne peut-elle prcisment maner de ces rseaux que sont les familles. CĠtait certainement vrai de la famille patriarcale romaine et de ses survivances jusquĠau sicle dernier, voire aujourdĠhui. Micro-rpliques de lĠEtat, elles faisaient partie de ce maillage dĠordres normatifs divers et multiples qui le soutenaient, voire le remplaaient et dont les rgles internes permettaient, en tout cas un certain ÒmondeÓ de se gouverner en marge du code civil, voire du ode pnal. LĠEtat de son ct, tout en leur dniant toute capacit de production du Droit, les protgeaient, allant mme jusquĠ dcourager lĠintrusion de ce Droit dans leur univers clos alors quĠelle se justifiait pleinement, mais risquait dĠbranler une structure aussi fondamentale[19].
Pour le reste je renvoie ce quĠen crivent Franois Ost et Michel van de Kerchove[20] auquel je souscris trs largement. Le rseau, dans ses infinies diversit et complexit est l et bien l, et ce depuis longtemps aussi bien pour les anthropologues que pour les historiens. Je souhaitais seulement souligner que pour moi, comme sans doute tout pour tout pluraliste radical, il est l depuis bien avant quĠon y pense en termes de paradigme ventuel et quĠen aucun cas je ne me sens vis par leur Òmise en garde pistmologique fondamentaleÓ relative une ventuelle confusion entre mon appareil conceptuel -- qui a toujours pour toutes espces de raisons en rapport avec mon parcours acadmique -- t plus que rduit[21] et les ralits que jĠobserve. Ce sont celles-ci qui mĠont conduit lĠimage du rseau il y a bien longtemps; jĠai pris connaissance de lĠide quĠelle puisse, aux yeux de certains, devenir un paradigme lĠoccasion de cette rencontre en lisant lĠintroduction au colloque de mes deux amis.
2. Rseaux et territoire - Pour Henri Mendras, lĠun des caractres essentiels du rseau est quĠil est ÒlĠantithse du territoire et de la frontireÓ[22]. Cette affirmation que je partage se heurte de front ce quĠen crit tienne Le Roy dans la premire version de sa contribution nos travaux[23], mme sĠil se rfre prudemment une ventuelle dimension ÒvirtuelleÓ du rseau. Je ne puis malheureusement le suivre sur ce point. Par contre je me sens moins embarrass -- mais quels jeux de mots ne sommes-nous pas soumis en raison de la polysmie de nos vocabulaires -- lorsque F. Ost et M. Van de Kerchove crivent que le rseau nĠest quĠune des formes du champ juridique. Va pour la forme, mais la rfrence au champ du droit me ramne S. Falk-Moore et aux rticences que suscitait chez moi cette formule, il y a un instant. Elle me parat prcisment contradictoire avec lĠide, essentielle mes yeux et semble-t-il affirme par tienne, que formule le dictionnaire en dfinissant le rseau comme lĠorganisation de plusieurs ÒpointsÓ. Si nous admettons cette prmisse, rien nĠest plus diffrent que le point et lĠespace, quĠvoque pour moi le champ, mme si mon dictionnaire mĠapprend que le point est la plus petite portion dĠespace concevable. Le rseau, bien loin dĠtre une nouvelle dimension de la spatialit, serait, au contraire, le modle (oserais-je dire le paradigme ?) de lĠa-spatialit ou tout le moins de la limite de lĠespace, celle o celui-ci serait gal zro et cesserait donc dĠexister.
Comme lĠa si bien montr Paul Bohannan[24], la relation des Tiv la terre nĠest pas dtermine tellement par un espace gomtriquement dfini, mais bien par le rseau existant au sein de leur socit sur base du lignage fondateur. Ce lien nĠest pas territorial, mais bien personnel et la trame ainsi forme sĠarticule effectivement, comme le dit Le Roy, autour de lĠun de ses points, la case de la ligne de lĠanctre fondateur. Nous sommes bien hors dĠune reprsentation spatiale, cartographique, cadastrale, propre aux socits occidentales contemporaines (et peut-tre -- pourquoi pas ? -- certaines socits dĠautres continents) dont lĠimpens projette immdiatement cette vision dans les mondes extrieurs[25]. Mais pas seulement dans les mondes extrieurs travers la dimension spatiale de la comparaison. Sa dimension temporelle, celle de lĠhistoire nous pousse galement dans ce sens. Heureusement que certains historiens ragissent contre cette tendance lĠanachronisme qui nous guette sans cesse. Dans son monumental ouvrage relatif aux fonctionnaires des bailliages de France[26], Gustave Dupont-Ferrier nous propose une carte des bailliages mdivaux qui ne leur trace pas de limites, mais indique par des flches les juridictions allant en appel au sige de chaque bailliage. Dans ce cas de nouveau la vision nĠest pas territoriale, mais personnelle, ou, plus prcisment, institutionnelle. LĠensemble de lĠorganisation judiciaire de la France est constitue dĠun certain nombre de rseaux forms des juridictions locales, des tribunaux de bailliages et des parlements sans quĠy soit associe une reprsentation territoriale. Ceci ne veut pas dire que les cartographes nĠaient pas ultrieurement appliqu leur vision du monde aux bailliages et cartographis ceux-ci. Il nĠempche que dans lĠesprit du moyen ge, centr sur les liens personnels, le bailliage tait, du point de vue judiciaire et peut-tre au-del, un rseau davantage quĠun espace. Le terme semble dĠailleurs tardif (dbut du XIVe sicle) dans son sens dĠtendue sur laquelle sĠexerce le pouvoir du bailli.
Ceci pour les apports respectifs de lĠanthropologie et de lĠhistoire. Je ne crois pas utile dĠlaborer longuement sur les relations contemporaines qui peuvent ou non oprer au dpart dĠun point central, voire revtir lĠaspect dĠune pyramide sans pour autant le faire lĠintrieur dĠun espace dfini (je ne considre pas le monde comme un espace dfini). Les exemples quĠvoque Mendras dans La France que je vois sont clairs de ce point de vue, mme si ce nĠest pas cet aspect de notre problmatique quĠil aborde : rseau mafieux ou ecclsial, jsuite ou trotskyste, des syndicats ou de la Rsistance, sportifs ou intellectuels, de charit ou de profit, lignagers ou consensuels, secrets ou publics, autant dĠexemples de ces ÒsocitsÓ dont le rle et lĠinfluence sur les rapports sociaux sont considrables et qui, au sens du pluralisme radical[27], sont susceptibles de gnrer du droit.
Je voudrais galement souligner combien le territoire est, dans la construction juridique qui est la ntre, rattach lĠEtat, au point dĠen constituer un lment essentiel au sens le plus strict du terme. Ainsi pendant la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements en exil, Londres notamment, ne pouvaient tre considrs comme des Etats faute dĠun territoire sous leur contrle. Il en rsulte une corrlation troite entre le territoire et le droit travers prcisment lĠEtat : pas dĠEtat sans territoire et pas de droit sans Etat. Et si lĠEtat est ventuellement prt reconnatre dans certaines limites dĠventuels statuts personnels, ds lors que lĠordre public est en cause le Code civil ne nous apprend-t-il pas que les Òles lois de police et de sret obligent tous ceux qui habitent le territoireÓ.
Les rseaux constituent donc le domaine par excellence des droits a-spatiaux et cĠest dire mon embarras devant toutes les analyses qui semblent persister traiter dĠun droit qui serait pluraliste (Chevalier) ou polycentrique (Eriksson, Hirvonen, Minkinen et Pyhnen). En effet, ces approches semblent demeurer enfermes, sur un point au moins, dans le cadre classique des analyses juridiques positivistes, celui de lĠEtat et donc dĠun territoire dtermin. CĠest prcisment ce cadre quĠil faut cesser de considrer comme le terme de rfrence par excellence, mme sĠil peut voir cohabiter pyramides et rseaux, voire rseaux en forme de pyramides.
3. Rseaux et pyramide - Disons-le dĠemble : tout mon apprentissage de la vie scientifique depuis un demi-sicle -- mĠa convaincu de ne jamais penser en termes de paradigmes, si ce nĠest celui de lĠimmense relativit de tout savoir et de la ncessit de sans cesse le remettre en question. CĠest dire que jĠobserve avec une considrable mfiance ceux qui sĠavancent dans cette direction et que le point dĠinterrogation que mes collgues et amis de Saint-Louis ont jug bon dĠadjoindre au titre de leur ouvrage mĠa ravi. En effet, le paradigme Ñ en tant que conception thorique dominante qui a cours une certaine poque dans une communaut scientifique -- est une telle source de reproduction de lĠordre tabli, de conformisme lĠgard du Òscientifiquement correctÓ, de fermeture des esprits, que je prfre essayer de mĠen passer plutt que dĠy succomber.
Aussi suis-je enclin croire davantage un monde fait dĠentrelacs[28] de rseaux et de pyramides -- ce qui correspond, en ce qui me concerne, au constat dj fort ancien de lĠexistence des rseaux -- quĠ une vision que je qualifierais -- sans doute trop svrement -- de simpliste qui exclut lĠun au profit de lĠautre. JĠai eu lĠoccasion de prciser ce point de vue dans des textes rcents relatifs aux perspectives qui sĠouvrent au dveloppement du droit en Afrique[29]. Le constat de lĠaffaiblissement, voire lĠcroulement de lĠEtat africain contemporain en de nombreux endroits du continent et lĠefflorescence des rseaux divers qui se sont substitus lui pour permettre aux populations de survivre imposent, mon sens, de reconstruire un autre tat de droit fond sur le pluralisme et caractris prcisment par la reconnaissance des rseaux. Mais la pyramide tatique demeure aussi ncessairement partie prenante cette reconstruction dans laquelle personne ne pourrait la remplacer lĠheure actuelle dans certaines de ses activits. DĠune part, mme battue en brche, elle demeure encore le centre de la reprsentation internationale des socits nationales[30]; dĠautre part, en raison de cette fonction, elle serait, dans certains cas, susceptible de mieux dfendre certains intrts de ses citoyens face aux dangers de la mondialisation que certains rseaux qui ambitionnent de prendre sa place[31]. Le pluraliste ne rve donc pas dĠune destruction complte des pyramides. Si quarante sicles ont pu nous contempler depuis leurs sommets, cĠest dans doute que, dans une certaine mesure, elles avaient, certains moments un rle jouer; lĠhistoire nous apprend quĠelles lĠont fait parfois avec une redoutable efficacit. Le pluraliste demande seulement que lĠEtat ne sĠattribue pas le monopole de la production du droit, particulirement en des temps o le citoyen a particulirement pris conscience de lĠintrt de sa participation ce processus[32].
Car, si ncessit il y a en Afrique, intrt il y a dans dĠautres parties du monde o un double phnomne se manifeste. DĠune part la trs grande difficult pour le droit positif encore remplir les tches -- notamment dans le domaine de lĠadministration non seulement du droit, mais encore de la justice (que je distinguerais, contrairement lĠusage courant, de celle du droit) -- qui sont traditionnellement les siennes et dĠautre part la prise de conscience par les citoyens -- en grande partie sous lĠinfluence dĠassociations se prsentant sous la forme de rseaux -- de lĠimportance de leur implication dans la production du droit. DĠo le phnomne de la mdiation non seulement contrle par lĠEtat, comme en France, mais surtout celle, pratique notamment au Canada, dans laquelle le rsultat atteint par les parties avec ou sans la participation du mdiateur produit ses effets (de droit ?) sans intervention de lĠEtat.
JĠai eu lĠoccasion de mĠen rendre compte lĠoccasion dĠun colloque relativement rcent consacr par le notariat qubcois en partenariat avec le notariat rhodanien et les universits McGill et de Montral[33], dans la synthse duquel je constatais, aprs certains participants plus qualifis que moi : ÒParalllement (ou peut-tre conscutivement) cet effondrement de la justice institutionnelle se manifeste parmi les citoyens un double mouvement : dĠune part, il y a leur demande, voire leur exigence, de cesser dĠtre des sujets (mme de droit) pour devenir partie prenante lĠlaboration de leur devenir et dĠautre part, leur souci de restaurer, voire de crer, des points de solidarit anciens ou nouveaux afin de revenir un minimum de bases sociales susceptibles de garantir un certain ordre dans des agglomrats dĠindividus tendant irrsistiblement vers ce quĠil est convenu dĠappeler la jungle quand on se rfre sa loi. Les parties dues dans leurs attentes lgitimes sĠefforcent de construire un autre lieu dans lequel leur problme pourra se rsoudre par la ngociation[34] sans que la solution en soit la victoire de lĠun sur lĠautre, sans que sur le terrain ne subsistent deux ennemis dont lĠun au moins pense une ventuelle revanche. Cette qute aboutit , quel que soit le nom quĠon lui donne, une justice contractuelle.Ó
Ma seule tentation, un an aprs avoir crit ces lignes, est dĠen mettre de nombreux mots au pluriel. En effet ce nĠest pas un lieu, mais plusieurs lieux pas plus que ce nĠest un modle de ngociation, mais plusieurs modles que les individus rinventent, en fonction prcisment des nouveaux points de solidarit quĠils se donnent au sein de rseaux. Ces multiples justices cohabiteront de manire autonome, avec la justice pyramidale de lĠEtat pour autant que celui-ci se rsolve, ce qui ne semble pas encore le cas partout, au compromis indispensable qui est peut-tre la condition mme de sa survie.
Le problme est sans doute l. Le systme existant peut-il se rsoudre un compromis clair dans lequel pyramide et rseaux cohabiteraient et ne seraient plus perus comme des rivaux, comme cĠest souvent le cas actuellement particulirement dans le chef des partisans du tout-pyramidal ? Peut-tre le moment nĠest-il pas encore venu pour ces derniers qui sĠillusionnent encore en sĠimaginant avoir chapp au danger travers une transmutation (du vin neuf dans une vieille bouteille ou du vieux vin - aigre - dans une nouvelle bouteille ?) conduisant quelque chose de nouveau tout en conservant les apparences dĠune rassurante continuit[35]. Pareils replis stratgiques, inspirs du judo, ne peuvent cependant masquer la dsaffection de fractions de plus en plus grandes de la population, que ce soit dans le monde rput dvelopp ou lĠautre, lĠgard de lĠEtat et plus particulirement de son administration du droit. Ces fractions de la socit sont-elles prtes en outre accepter un Etat Òqui, renonant sa fonction instituante, se contenterait [de leur] ouvrir des espaces de ngociationÓ? Sans doute oui, si lĠEtat nĠen tire pas prtexte pour contrler ces espaces et donc pour les inclure dans le sien dans ce que jĠai appel un pseudo-pluralisme; mon sens, non dans le cas contraire.
Avant que le dialogue puisse sĠouvrir entre les deux conceptions, il est toutefois essentiel que tous ceux qui sont tents de voir les choses avec un certain recul contribuent clarifier au maximum lĠtat des choses. CĠest ainsi que lĠargument au pire du chaos, au minimum de lĠinscurit juridique rsultant de lĠcroulement de la pyramide doit tre srieusement mis en doute. Je lĠai crit ailleurs[36] : lĠcroulement de lĠEtat en Afrique nĠest pas ncessairement corrl ce quĠon appelle trop facilement la loi de la jungle dans la mesure o prcisment les rseaux se sont substitus en nombre de cas lĠEtat dfaillant pour rguler la vie quotidienne dĠune grande fraction de la population. Dans leur Introduction, Michel van de Kerchove insistent sur ÒlĠambigut du thme de la rgulationÓ[37]. En ce qui concerne le premier sens, jĠy vois une application concrte du phnomne de rcupration auquel les thurifraires de lĠEtat ÒmoderneÓ menacs dans leurs intrts, se sont attels avec un certain succsou un succs certain -- cĠest selon -- depuis quelques dcennies[38]. On ne peut que les rejoindre dans le second sens quĠils donnent au terme rgulation ds lors quĠil sĠagit des Etats africains contemporains. A ceci prs toutefois que je nuancerais, dans ce cas, leur propos, dj cit, au sujet de lĠouverture par lĠEtat-rgulateur dĠespaces de ngociation; en Afrique, aujourdĠhui, les espaces de ngociation se sont ouverts dans les faits sans que lĠEtat joue dĠautre rle dans cette ouverture que de laisser involontairement, mais ncessairement, le champ libre aux acteurs sociaux en raison de son effondrement. On est donc dans lĠhypothse voque par nos collgues, selon laquelle les acteurs sociaux se sont dj appropri la rgle sociale, voire lĠont dpasse pour en crer une nouvelle mieux adapte leurs besoins. Ceci sur le plan de la garantie de lĠefficacit du droit travers lĠadministration de la justice.
Si, en outre, il est question de la scurit juridique au sens des garanties quĠoffre un droit connu de tous quant lĠissue dĠun ventuel conflit, quĠon me permette de douter de la scurit quĠoffrent mme les systmes juridiques rputs dvelopps. Je ne puis en consquence rejoindre Ost et van de Kerchove lorsquĠils voquent Òla disparition possible des valeurs positives associes au modle pyramidalÓ en prcisant que Òcelle de la scurit juridiqueÓ est lĠune de celles quĠils souhaitent mettre en exergue. Empiriquement, je ne puis croire cet idal avec lequel Jeremy Bentham mĠa familiaris ds le dbut de mes travaux relatifs la codification il y a tout juste cinquante ans[39]. Chaque jour le droit devient de plus en plus incertain et le dveloppement rcent de la place prpondrante confre aux concepts flous revtus du label constitutionnel et sĠimposant toutes les branches du droit ne fait quĠamplifier cet tat de choses. Est-ce dĠailleurs bien de droit, tel que lĠarticulent sur base de ces concepts flous, la Cour suprme du Canada ou la Cour des droits de lĠhomme de Strasbourg, dont les sujets rvent ? Ou de justice ? Et donc de solutions hautement relativises susceptibles de recueillir un maximum dĠadhsions au sein des rseaux dans lesquels elles naissent. Ce qui nous ramne lĠanthropologie juridique, lĠimportance quĠelle constate du maintien de lĠintgrit des tissus sociaux, au peu dĠintrt -- supposer quĠil existe -- manifest dans nombre de socits pour la notion de faute, et au caractre minemment collectif du processus de rconciliation, tous aspects dĠune autre conception du droit.
De nouveau, il sĠagit l de nouvelles tiquettes sur de vieilles bouteilles. Ce type de rgulation ou de gouvernance tait bien connu des anthropologues du droit et on dcouvre aujourdĠhui des phnomnes connus par eux depuis une demi-sicle. Certes, ils ignoraient ces termes sotriques et au contenu encore peu clair encore que rgulation tait mieux onnu que gouvernance. Ils parlaient simplement -- et il ne sĠagissait pas ncessairement du fond du panier de la profession -- de Òtribus (et oui !) sans gouvernantsÓ. Parmi eux[40] se trouvaient Paul Bohannan et sa femme Laura, auxquels leurs travaux sur les Tiv allaient apporter une aura incontestable. Mais aussi celui qui osait crire quĠÓ proprement parler les Nuer nĠavaient pas de droitÓ -- il sĠagit, bien entendu dĠE.E. Evans Pritchard. Et dĠautres encore dont John Middleton qui dirigeait lĠouvrage avec David Tait. Face au caractre ouvertement collectif de ces socits aucun dĠentre eux ne sĠimaginait avoir retrouv le paradis perdu sauf avoir -- ce qui nĠtait pas le cas de ceux que jĠai cit -- une propension marque lĠanglisme. Derrire les interventions de la collectivit existaient dĠune part des mcanismes complexes et sophistiqus destins assurer lĠquilibre social -- on dirait peut-tre aujourdĠhui la bonne gouvernance -- travers des mcanismes de rgulation des tensions rsultant de la vie en socit, et dĠautre part des luttes pour le pouvoir, plus ou moins masques et jouant sur tous les registres susceptibles dĠexister en la matire. ÒRien ne garantit que les ajustements [qui en rsultent, quĠil sĠagisse de rgulation ou de gouvernance] produisent des solutions quilibres et quitablesÓ crivent trs justement Ost et van de Kerchove[41]. Mais peut-on raisonnablement dire que lĠtat actuel de la rglementation et du gouvernement conduise de telles solutions travers le monde ? Il est srieusement permis dĠen douter, mme en nĠtant pas un pessimiste-n.
Ceci dit, je rejoins entirement Ost et van de Kerchove sur plusieurs points. Tout dĠabord lorsque, dfendant une Òscience critique du droitÓ Òsans prtendre une (impossible) neutralitÓ, ils refusent Òde rduire la complexit des phnomnes observs en les ramenant lĠune des deux interprtations en conflitÓ mais, au contraire, souhaitent Òles maintenir en tensionÓ dans une constante dialectique fonde sur une Òsuperposition de paradigmes plus [quĠune] substitution [de ceux-ci]Ó[42].
4. Rseaux et pluralisme - Dans sa contribution un prochain Bulletin du LAJP paratre cet t, Isabelle Nianogo met dĠemble en vidence la polysmie du syntagme pluralisme juridique. Je dirais simplement que, pour un pluraliste, cela nĠa rien dĠtonnant; il y a certainement encore plus de conceptions du droit. Ceci pos, celui que je prsente est le mien et le succs relatif quĠa pu avoir sa premire mouture en raison de son inclusion, par la grce de Jean-Guy Belley, dans le Dictionnaire encyclopdique de thorie et de sociologie du droit dĠArnaud ne lui confre aucune validit particulire mes yeux; la preuve en est que jĠai compltement renvers cette conception vingt ans plus tard et que jĠai ainsi gliss sur une pente qui mĠa fait, aux yeux dĠune collgue et amie canadienne, rejoindre Rod Macdonald dans une catgorie trs choisie, puisque nous nĠy sommes que deux : celle des pluralistes radicaux. Ayant t le premier en tre inform tout fait par hasard, je transmis la nouvelle Rod, qui me rpondit, avec un clin dĠoeil que cela valait bien une mention dans le dictionnaire dĠArnaud puisque radical avait pour tymologie radix , en latin la racine. Lui et moi remontions ainsi la racine mme du phnomne ! De son ct Rod parle de son pluralisme comme dĠun pluralisme ÒcritiqueÓ. Enfin, dans lĠenthousiasme -- souvent injuste -- qui me caractrise jĠai souvent parl de ma premire version -- celle que jĠai brle aprs lĠavoir adore -- comme dĠun faux pluralisme ou dĠun pseudo-pluralisme. Ce sont l -- disons-le nettement -- carts de langage qui ne conviennent pas dans ma bouche dans la mesure o jĠai appliqu ces termes ceux qui avaient, pendant vingt ans, t mes compagnons de route -- et ils sont trs nombreux -- dans cette voie que jĠai abandonne aujourdĠhui. Dans ce texte[43], il ne sera question que de ma position actuelle telle quĠelle apparat avec certaines nuances entre eux dans mes deux textes des annes Quatre-vingt dix[44] et aussi telle quĠelle a pu voluer depuis suite mes contacts avec un complice de coeur et dĠesprit, Rod Macdonald[45].
Le pluralisme juridique selon JV2002 implique ncessairement :
- lĠabandon de la notion de systmes normatifs (et pourquoi pas de droits ?) semi-autonomes dans la mesure o, en analyse ultime, la reconnaissance ncessaire dĠordres juridiques autres a pour effet de les incorporer lĠordre juridique qui les reconnat. Le cas des droits originellement africains (appels le plus souvent et tort selon moi les droits coutumiers) qui servaient de point de dpart M.B. Hooker[46] dans sa rflexion sur le pluralisme juridique[47] est particulirement convaincant de ce point de vue. Ils sont reconnus certes en certaines matires, mais cette ÒreconnaissanceÓ aboutit en fait leur insertion dans lĠordre juridique prvalant sur le territoire o ils sont ainsi applicables puisque leur application est soigneusement contrle par le colonisateur travers des dispositions de caractre trs gnral invoquant lĠordre public, les bonnes moeurs, la bonne conscience, etc tels que les expriment lĠordre juridique colonial. Le raisonnement me semble identique dans le cas o lĠapplication dĠun droit tranger est reconnue en droit international priv (celui-ci met effectivement en prsence des ordres juridiques que lĠon peut rputer autonomes); cette reconnaissance est toujours subordonne certains principes -- mme minimaux -- relevant de la souverainet tatique. JĠen conclus donc que les droits, dĠune manire ou dĠune autre, ne tolrent pas, dans les limites de leur sphre dĠaction, lĠexistence dĠautres ordres juridiques qui soient proprement parler autonomes;
- lĠabandon du cadre dĠune socit dtermine, cadre affirm dans le pluralisme selon JV1972 et dans de nombreuse dfinitions classiques du droit dans la mesure o il nĠexiste dans chaque socit, comme je viens de lĠcrire, quĠun seul droit prtendant absorber tous les ordres juridiques, voire normatifs, susceptibles dĠexister dans les limites de sa sphre dĠaction, en lĠoccurrence le territoire. Ë chaque socit correspond un droit autonome et un seul ayant vocation reprsenter la norme juridique pour les membres de cette socit quelle quĠelle soit sa nature, son mode de formation ou sa dimension. Ceci ne veut pas dire que ce droit soit ferm et impermable aux influences des autres droits. Au contraire, il existe entre tous les droits des interactions multiples et diverses qui conditionnent, en grande partie et selon une dialectique complexe, leurs volutions respectives[48].
- lĠabandon de la rfrence au territoire (et, dans une certaine mesure -- tout est affaire de mots -- au champ) dans la mesure o de nombreux droits ne sont pas limits un territoire dtermin mais chevauchent des espaces divers et multiples sans dĠailleurs ncessairement dfinir leur champ dĠaction de cette manire. Le cas des rseaux est exemplaire de ce point de vue et je ne crois pas ncessaire de revenir dessus.
- suite aux liminations successives qui viennent dĠtre mentionnes, un recentrage des droitS sur le seul point de leur rencontre : lĠindividu. Celui-ci est en effet soumis, volontairement ou non, une multiplicit de systmes juridiques autonomes entre lesquels il tend raliser un quilibre qui lui convient sur base de principes qui lui sont personnels, mais dpendent aussi de la mesure dans laquelle chaque systme juridique autonome sĠimpose lui. CĠest ce que jĠappelle le magasinage de droit et de for, tant entendu que tout magasinage, mme portant sur les vtements ou lĠalimentation, est fonction dĠune multitude de paramtres hautement relatifs.
JĠen arrive ainsi un regard diffrent sur la ralit juridique et une perception du pluralisme juridique comme tant Òla sujtion simultane de lĠindividu plusieurs droitsÓ. Je lĠaffirme typographiquement en crivant non plus sujet de droit, mais sujet de droitS[49].
Je fournis immdiatement trois exemples de cette sujtion multiple qui me paraissent clairants, ma dmarche se voulant essentiellement pragmatique et fonde sur la vie du droit.
A) Au cours de mes travaux relatifs lĠhistoire du droit en Acadie franaise[50]., jĠai eu le sentiment quĠen nombre de circonstances, le paysan acadien se trouvait confront, que ce soit sous la colonisation anglaise partir de 1710 ou avant celle-ci sous la colonisation franaise, des systmes normatifs multiples, divers et parfois contradictoires entre lesquels il devait, au sens propre du terme, naviguer (je dirais aujourdĠhui, magasiner). Quels taient-ils ?
Le gouverneur, reprsentant de la Couronne en matire militaire et administrative et le plus souvent en conflit ouvert avec le lieutenant gnral, surtout si celui-ci exerait en outre une dlgations de lĠintendant de la Nouvelle-France lui permettant de contrler lĠusage fait par le gouverneur des maigres finances publiques de la colonie.
Le lieutenant civil et criminel dit aussi lieutenant gnral, charg par le Roi de lĠadministration de la justice; souvent absent, devant couvrir un ressort sĠtendant sur dĠimmenses tendues, peu praticables une fois lĠhiver venu, cĠest--dire au moins quatre mois par an, pratiquement sans force publique sa disposition, quand il nĠtait pas prisonnier des Anglais. Autant dire un magistrat plus nominal que rel;
Le seigneur du lieu qui tenait le plus souvent, des lettres lui concdant son fief, basse et moyenne justice, quand la haute justice ne lui tait pas accorde. Heureusement, cĠtait souvent un seigneur absent, mais certains de ceux qui taient l faisait parfois sentir leur poigne ceux qui vivaient sur leurs terres.
Le clerg, comptent en toutes affaires matrimoniales, mais se mlant de tout et surtout souvent dsesprment soucieux de faire rgner au moins un minimum de moralit parmi ses ouailles grands coups dĠanathmes prononcs au prche du dimanche, mais en tout tat de cause impuissant sur le plan juridique compte tenu du fait que le tribunal ecclsiastique le plus proche se trouvait 500 kilomtres.
Le chef de famille, vritable patriarche la romaine, rgnant sur une famille tendue dans laquelle une demi-douzaine dĠenfants constituait peine une moyenne acceptable et tait complte par leurs femmes et enfants. LĠensemble de ces chefs de famille tait garants dĠune tradition juridique coutumire remontant au moment o les premiers dĠentre eux avaient quitt la France.
Voil
quatre ordres normatifs autonomes quĠon me permettra provisoirement de
considrer comme juridiques. Parmi eux je serais tent de dire que deux dĠentre
eux au moins, ceux du clerg et du chef de famille sĠinscrivent dans un rseau.
Mais que se passait-il en cas de conflit entre deux personnes ? Nombre de ces rseaux sĠestimaient vite comptents, mme si,
strictement parlant ce nĠtait pas le cas. Quant aux parties, vritables sujets
de droitS, dans la mesure o elles disposaient dĠun
minimum de capacits dĠaction, elles essayaient de se retrouver la fois
devant le for lato sensu et face au droit, tout
aussi lato sensu, applicable qui leur semblaient le
plus susceptibles de leur tre favorable.
B) Rcemment la presse a fait tat de propos dsobligeants tenus par un joueur de tennis professionnel lĠgard, si mes souvenirs sont bons, dĠun juge de ligne aborigne au cours dĠun tournoi se droulant en Australie. LĠincident fit grand bruit dans le petit monde du tennis professionnel et des grands tournois. Le joueur aurait pu tre poursuivi pour injures caractre racial en vertu de la lgislation locale ( condition quĠelle le prvoie ce que jĠignore); il pouvait tre condamn une lourde amende par lĠAssociation des Joueurs professionnels (ce qui lui arriva); et le club o se droulait lĠvnement aurait pu le dclarer persona non grata sur ses terrains pour conduite indigne dĠun gentleman ( condition que son rglement le prvoie ce que jĠignore).
De
nouveau deux de ces ordres me paraissent se prsenter sous forme de rseaux,
lĠun dĠentre eux ayant en outre un point central de ralliement : le club-house.
C) Je prends lĠexemple[51] dĠun lac, de foi catholique, professeur de lĠenseignement libre ayant atteint un niveau certain de respectabilit et de responsabilits dans lĠenseignement secondaire, mais aussi dans la vie publique du pays (il est snateur) et impliqu dans une affaire de moeurs lĠoccasion de son enseignement, celui-ci sĠexerant paralllement ses responsabilits administratives et son activit dans des mouvements de jeunesse. Les faits qui lui sont reprochs sont justiciables, chacun sa manire, dĠordres juridiques (puisque nous admettons que nous sommes dans le domaine du juridique) contrls par :
- lĠEtat belge, qui examinera par la voie du parquet lĠopportunit de
le poursuivre en justice;
- le pouvoir organisateur du rseau
dĠenseignement dans lequel il fonctionne qui aura sa disposition diverses
ractions, de la discrtion, quivalent du non-lieu, lĠexpulsion du rseau;
- le Snat en fonction de ce que peut prvoir en pareil cas ses rgles propres;
- le mouvement de jeunesse dans lequel il est impliqu jusquĠau plus haut niveau, auquel il consacre une partie importante de son temps libre et qui reprsente pour lui peut-tre davantage que ses activits professionnelles;
- les divers groupements, professionnels ou autres, dont il est membre et qui prendront ou non attitude son gard;
- deux lignages, le sien propre et celui de sa femme, qui, sĠils possdent la cohsion ncessaire cet effet, prendront son gard des dcisions pouvant aller jusquĠ lĠexclusion sĠils dcident de lui Òfermer leur porteÓ rendant par l mme sa vie familiale plus difficile;
- ses proches immdiats enfin, commencer par son pouse, avec laquelle il forme, pour le meilleur et pour le pire une socit fonde sur un contrat soumis leur commune interprtation pour toutes les clauses floues quĠil contient.
Ces exemples mettent en cause un certain nombre de mcanismes plus ou moins normatifs et contraignants au niveau du comportement de lĠindividu. JĠinsiste sur le fait quĠil suffit de la convergence de deux mcanismes de ce type pour justifier un pluralisme minimal. Ainsi des cas, sans aller jusquĠ ceux de lĠEtat et de la mafia, de lĠoccupant et de lĠoccup, dont le monde actuel nous fournit tant dĠexemples, mais aussi lĠhistoire de toutes les colonisations dans lesquelles le rebelle de lĠun est le hros de lĠautre. Ainsi de celui qui assassine ou blesse (ou fait justice, cĠest selon) un mdecin pratiquant des interventions volontaires de grossesse (ces cas se sont produit aux Etats-Unis et au Canada); il enfreint sciemment la loi du pays dont il est un citoyen, mais sĠestime en rgle face la loi de Dieu quĠil invoque, avec lĠappui des communauts (voire de leur hirarchie), pour justifier son acte. Et je pourrais ainsi multiplier les exemples concrets.
JĠaboutirais ainsi un nouveau paradigme de la science juridique, celui du pluralisme qui me parat personnellement -- mais je suis lĠvidence biais -- au moins aussi intressant et autrement drangeant pour les tenants du monisme que le passage de la pyramide au rseau. En effet les exemples fournis lĠappui de la thse pluraliste heurtent de plein fouet le postulat aux termes duquel il nĠest de droit quĠau sein des mcanismes normatifs placs sous le contrle de lĠEtat. Tous les autres ne relvent pas du juridique. Ou bien alors ils font partie de ce ÒdroitÓ que lĠon qualifie de mou au mieux, de sous-droit[52] au pire. Ils sont significatifs, intressants, contraignants (mme plus que le droit), mais ils ne sont pas du droit. Ceci mĠamne au point final et sans doute central des ractions que mĠont inspir la dmarche de Franois Ost et Michel van de Kerchove, les rapports entre les rseaux et le droit.
5. Rseaux et droit - De quelle branche du savoir parle-t-on ? A lĠvidence de celle qui est le principal objet, sinon de notre ressentiment, du moins de notre intrt : le droit .De celui-ci on commence par constater que jusquĠau milieu du XXe sicle, il tait positif et manait ncessairement de lĠEtat. CĠest difficilement contestable et vite dit. Mais encore. A lĠoccasion de lĠcriture de ce texte je me suis rendu compte quĠune distinction dont jĠai lĠimpression quĠelle est particulirement pertinente mĠavait jusquĠ prsent chapp. Je ne distinguais pas ma dmarche en tant que pluraliste de ma dmarche en tant que pluraliste de celle que jĠadopte en tant que comparatiste ou historien.
Le pluraliste, dans la mesure o il a dj fait un choix entre une lecture moniste et une lecture pluraliste du phnomne juridique se trouve confront en ce qui concerne lĠidentification du juridique devant une alternative, celle consistant adopter une conception essentialiste ou non-essentialiste du droit, pour reprendre le vocabulaire de Tamanaha qui habille ainsi une ide extrmenent proche de celle avance par Macdonald trois ans plus tt sous lĠtiquette du pluralisme critique sans apparemment se rendre compte de la similitude vidente de leur rflexion[53]. JĠavoue que, pour des raisons que je prciserai dans un instant, je me suis longtemps rang dans le camp des essentialistes, cĠest--dire de ceux qui estimaient quĠune certaine ide du droit tait un pralable indispensable toute recherche portant sur le pluralisme juridique. Je mĠengageais ainsi sur la pente savonneuse dĠune dfinition ÒlargieÓ du droit[54] qui mĠtait familire en tant que comparatiste et en tant quĠhistorien, comme je le montrerai dans un instant. Bien avant que je lise Tamanaha, Rod Macdonald mĠavait convaincu, au cours dĠentretiens qui taient, eux aussi critiques, que je nĠallais pas assez loin dans la remonte vers les racines du pluralisme et quĠil fallait admettre finalement quĠtait juridique ce que les parties choisissant dĠinscrire leur action dans un groupe social quel quĠil ft considraient comme tant du droit.
Rod mĠacculait ainsi accorder avec ma conception du pluralisme une rflexion que je menais depuis longtemps sur la nature des sources du droit et dans laquelle jĠaboutissais la conviction que le contrat tait autant source de droit que la loi et que la distinction classique entre droit objectif et droit subjectif tait non fonde[55]. Reprenant ainsi hors contexte et dans son sens littral le prescrit de lĠarticle 1134 du Code civil jĠavanais que toute convention lgalement (au sens o les parties et non le droit positif entendaient cet adverbe) constituaient le droit (et non la loi, seule source vritable de droit dans le droit positif classique) des parties[56]. Laissons donc aux parties le soin de dfinir la nature juridique ou non des actes quĠils posent. JĠai conscience que nous ouvrons en pareil cas ce que les juristes classiques appelleront facilement une bote de Pandore. Mais nĠest-ce pas ce que la vie du droit nous apprend chaque jour ? Et le droit est-il ce droit mort qui est enfoui dans les livres ou ce droit vivant dont on nous rebat les oreilles en nous disant que lui seul est le vrai droit ! Exit le pluralisme quĠil soit critique, non-essentialiste ou radical.
Entrent en scne lĠanthropologue (du droit, certes), le comparatiste (des droits, videmment) et lĠhistorien (du droit, bien entendu). Pour ceux-ci le problme se pose, me semble-t-il, en termes diffrents de ceux auxquels est confront le pluraliste. Se sparant dĠune approche holistique des socits que prconisent anthropologues (certainement), comparatistes (certes moins et tort) et historiens (autant que les premiers), ces trois personnages ont choisi dĠisoler le juridique dĠautres aspects du social. Or, personne ne semble remarquer, depuis fort longtemps dj, que, quĠil soit anthropologue, comparatiste ou historien, ds quĠil sortait de la pyramide, reprsentation graphique parfaitement acceptable de ce droit moniste, ce personnage se trouvait frquemment dans un paysage dĠo taient absents lĠEtat pour commencer, donc, ncessairement, la pyramide et ... le droit. Or chacun autour de lui et lui bien sr persistaient parler de droit, quĠil soit :
- anthropologue du droit observant, comme Paul Bohannan, les Tiv ou E. Evans Pritchard, les Nuer; lĠun comme lĠautre annonaient un petit volume dĠessais auquel dĠailleurs ils allaient participer, Tribes without Rulers que dirigereaient John Middleton et Richard Tait[57]. Ainsi mergeaient les socits acphaliques, dont il fallait bien constater quĠelles nĠtaient pas tatiques. A ce moment le dilemme tait en principe simple et Evans-Pritchard, dans The Nuer[58], lĠavait bien compris, mais il sĠen tirait par une pirouette lorsquĠil crivait ÒThe Nuer, properly speaking, have no lawÓ. Pirouette admirable, en vrit[59] ! Mais qui ne peut satisfaire ni les uns ni les autres. Bohannan, de son ct, intitulait son ouvrage, devenu classique, Justice and Judgment among the Tiv[60], vitant ainsi soigneusement le mot droit. Comme dans les trains, il est dangereux de se pencher au dehors et, lĠvidence lĠanthropologue se mfiait de la fentre grande ouverte sur la pente savonneuse de la dfinition du droit, dont il ne savait pas o elle pouvait lĠentraner.
- comparatiste sĠgarant dans un monde ÒexotiqueÓ, encore quĠil soit fort proche et le premier dĠentre eux avoir intress les comparatistes, celui de lĠIslam. QuĠapprend-t-il ? Que le droit y est fort proche mais distinct de la religion, quĠil y est identifi par un mot et que celui-ci se transcrit en franais : chariĠa. Poussant plus loin son dsir de connaissance, le comparatiste se penche sur trois ouvrages classiques dĠiuintroduction au droit musulman pour voir ce quĠest exactement cette chariĠa. Et il trouve : 1) la chariĠa est le sentier ouvert par le Crateur; en le suivant les hommes trouveront le bien-tre moral et matriel; 2) la chariĠa rglemente de manire fort dtaille les actes des individus les uns par rapport aux autres et par rapport la communaut; elle comprend tous les devoirs de lĠhomme envers Dieu et ses frres les hommes; flottant au-dessus de la socit musulmane comme une me dsincarne, libre des courants et des vicissitudes du temps, elle reprsente lĠidal ternellement valide vers lequel la socit doit aspirer; 3) le droit sacr de lĠIslam (chariĠa) est un corpus comprhensif de devoirs religieux, la totalit des commandements de Dieu (Allah) ] qui rglementent la vie de tout Musulman dans tous ses aspects; elle comprend sur un pied dĠgalit des ordonnances concernant lĠadoration et le rituel aussi bien que des rgles politiques et juridiques (au sens rtoit du mot)[61]. Du droit, cela ? Vous avez dit du droit ? En tout cas pas ce que moi jĠappelle du droit !
- historien du droit franais sĠaventurant dans les campagnes de son pays au lendemain des invasions barbares lorsque lĠadministration romaine sĠest effondre ou lĠaube de la fodalit alors que lĠempire carolingien ne correspond plus aucune ralit. En ces moments troubls de lĠhistoire de ces rgions qui deviendront la France est-il possible raisonnablement dĠencore parler dĠEtat ? Et pourtant il ne viendrait personne de dire quĠ lĠpoque il nĠy a pas de droit et que les travaux de lĠhistorien du droit (je souligne) sont devenus au sens propre Òsans objetÓ. LĠalternative est simple : soit il nĠy a plus de droit et alors ne parlons plus de cette branche de lĠhistoire, soit le droit existe bien et alors on remet en cause sa dfinition positiviste et donc sa relation indiscutable un Etat par ailleurs inexistant ces moments de lĠhistoire. Il est inutile de dire quel est mon choix entre ces deux branches.
Dans tous ces cas o le mot droit tait employ personne ne semblait se poser une question simple et lmentaire : mais de quoi parlons-nous ? Quelle logique sous-tend le fait que nous avons dcid dĠappeler ce que nous dcrivons du droit et donc de le faire entrer dans le champ de nos disciplines respectives ? Tout simplement nous avons extrapol trs (ou plutt trop) approximativement des lments de notre dfinition tatique qui, lĠvidence nĠont pas de place dans les lieux ou les poques o nous nous situions. Nous avons pratiqu une dmarche que nous reprocherait certainement L. Assier-Andrieu lorsquĠil crit que Òle droit est le produit des socits qui lĠont spcifi comme telÓ[62], ce qui nous rappelle le non-essentialisme dj rencontr chez Tamanaha lorsquĠil nous parlait du pluralisme. Je ne puis les suivre dans cette voie. En effet, si les rapports normatifs ne sont du ÒdroitÓ que si les gens situs lĠintrieur dĠune arne[63] sociale les caractrisent conventionnellement en termes de ÔdroitĠÓ, comme lĠcrit Tamanaha, cela suppose quĠil y ait, dans chaque socit un terme dont nous dcidons quĠil correspond exactement notre ÒdroitÓ[64]. Mais que fait-on des socits situes dans lĠespace et le temps au sein desquelles pareil terme nĠest pas identifiable ou plutt ne lĠest que parce que nous y recherchouns le mot qui corresponde notre vision essentialiste du droit ?
LĠexemple du choix de traduction fait pour chariĠa est loquent cet gard au plan de la mthode comparative et je pourrais lĠextrapoler lĠhistoire ou lĠanthropologie : comment les habitants de la Gaule barbare ou les Zande[65] appelaient-ils le droit dans leur langue ? Mystre ! Vous avez dit mystre ? Le raisonnement dĠAssier-Andrieu et de Tamanaha ne peut sĠappliquer quĠaux socits dans lesquelles les populations se sont faites une ide du droit au sens positiviste du terme et appliquent, par quivalence, le terme droit utilis dans leurs propres socits une certaine ralit normative quĠils choisissent dĠainsi qualifier. Mais au-del de ce contexte prcis, le critre non-essentialiste risque de laisser de nombreuses populations en dehors du champ de la communication par dfaut de langage commun. En outre, il nĠest pas certain que pour chacun des acteurs en prsence dans lĠarne sociale prvale une vision identique du phnomne en cause. Nous en revenons ainsi un autre problme essentiel, apparemment tout aussi impossible rsoudre : celui de la communication[66]. Sous rserve dĠun examen plus approfondi dont la place nĠest pas ici, je ne crois pas que cette manire de rsoudre le problme nous conduise bien loin.
Le problme demeure donc entier. Si le rseau peut se distinguer de la pyramide par nombre de ses caractres, en quoi est-il juridique ? Pour Franois Ost et Michel van de Kerchove la rponse semble aller de soi, encore que nous puissions avoir lĠaudace de les souhaiter plus explicites lorsquĠils crivent quĠune fois lancs sur la pente savonneuse de la dfinition du droit le risque est grand de Òla dilution de la normativit juridique dans la rgulation sociale globaleÓ. DĠautres lĠont exprim plus rudement : ÒOu bien tout est droit ou bien rien nĠest droitÓ. Sauf, bien entendu -- et cĠest la solution du plus grand confort -- revenir au paradigme dominant assimilant le droit lĠEtat. Le choix des mots et la substitution de rgulation normativit, comme celle de sociale juridique (je prfrerais personnellement, par souci de clart et afin que la comparaison gagne en rigueur remplacer juridique par tatique puisque la comparaison porte sur lĠorigine de la rgulation ou de la normativit) et de globale .... (puis-je suggrer partielle par opposition globale ?) ne changent rien lĠaffaire. LĠune se diluerait dans lĠautre jusquĠ disparatre et plus rien ne serait droit. On ferait alors, par consquence, lĠconomie de lĠadjectif juridique qui nous cause tant de souci.
Nous en revenons ainsi la tarte la crme dont chacun dĠentre nous est entart et dont aucun dĠentre nous ne parvient tout fait se nettoyer[67]. On peut certes distinguer Droit[68] et juridicit, comme le fait Etienne Le Roy au terme du jeu des lois; je dirais seulement que le premier, symbolis par la pyramide, ne mĠa jamais intress que marginalement, et que seule la seconde -- que je rechercherais personnellement plus volontiers dans la trame complexe que forment les rseaux -- mĠa -- comme dĠailleurs Etienne -- vraiment intress. On peut aussi distinguer rgles et processus[69], opposant ainsi une dmarche de civiliste une dmarche de common lawyer ; nĠest-ce pas dĠailleurs, consciemment ou inconsciemment, ce que font Ost et Van de Kerchove lorsquĠils opposent normativit rgulation, la premire impliquant davantage un tat et la seconde une dmarche, un processus ?A lĠune comme lĠautre distinction, celles dĠtienne comme celle de Franois et Michel jĠadhrerais volontiers si elles ne me laissaient sur ma faim. Mais, celle-ci est-elle justifie ?
Nous sommes les hritiers de gnrations qui ont progressivement dgag cette normativit particulire quĠest la normativit juridique de la rgulation globale quĠest la rgulation sociale. Ce faisant nous avons galement progressivement donn cette normativit une forme, celle de la pyramide. Certains dĠentre nous, sous lĠinfluence de lĠanthropologie, de la comparaison ou de lĠhistoire en sont venus sĠintresser davantage la rgulation sociale globale. Leur seul malheur rside dans le fait quĠils ont souvent t forms au droit, donc la normativit juridique et que, qui plus est, ils y ont t form dĠune manire tellement dogmatique quĠils peuvent difficilement se dbarrasser de ce credo qui rsonne triomphant dans nos facults :ÒEt unum, sanctum, catholicum et apostolicum IusÓ sur le modle du credo de lĠEglise. Cette conception du droit est en effet une, sacre, universelle et objet dĠune diffusion paradigmatique travers le monde.
Comme telle, elle est cependant hautement relative et minoritaire face de nombreux et divers modes de rgulation sociale. En ce qui me concerne et de manire essentialiste et totalement temporaire, jĠai cru pouvoir cerner le juridique dans un article rcent ddi Michel Alliot. Je le concluais en crivant : ÒNous voil, travers la conviction de la multiplicit des droits, revenus au droit dans sa singularit[70]. Celui-ci serait identifiable ds que nous rencontrons des mcanismes de contrainte mis en oeuvre par la socit elle-mme afin dĠexercer sur ses membres un pouvoir quĠelle sĠattribue. Dans cette perspective, comme le dit si bien Michel Alliot : ÔIl nĠy a pas dĠopposition de nature entre les droits europens et les droits traditionnels dĠautres continents. Ceux qui ont oppos mentalit logique et mentalit pr-logique, droit et pr-droit, ou plus rcemment socits chaudes et socits froides, ont t victimes dĠune illusion dĠoptiqueĠ[71]. Et me voil ainsi parvenu, au terme de ce cheminement trs bref et peu nuanc dans sa brivet, au bas de la pente savonneuse de ma dfinition -- pour ce que le mot veut dire -- du droit. Est-elle oprationnelle ? Seule la confrontation aux faits de la vie en socit permettra de le dire. Car, en dfinitive, ce sont eux qui sont lĠorigine des dfinitions et non le contraire.Ó Pour le moment, je ne renie rien de ces propos. Le devoir du roseau pensant est de sans cesse les remettre en question.
[1] De la pyramide au rseau ? Pour une thorie dialectique du droit, Bruxelles, Facult universitaires Saint-Louis, 2002, 597 pp.
[2] Sans bien entendu que jĠaie jamais rv dĠy voir un quelconque paradigme; tout au plus un largissement du champ de mes investigations au-del de la pyramide.
[3] Je reviens sur ce point sub 4 ci-dessous.
[4] Law as a Process, An Anthropological Approach, London, Henley and Boston, 1978.
[5] Je reviens sur ce point sub 2 ci-dessous.
[6] Firenze, Sansoni, 1977, lĠdition originale datant de 1918.
[7] H. Mendras, La France que je vois, Paris, Editions Autrement, 2002.
[8] Voir le second de ces ouvrages lus rcemment, ci-dessous.
[9] Idem, 50.
[10] Idem, 87.
[11] Paris,Odile Jacob, 2002.
[12] Idem, 9.
[13] Je reviens sur cette formule, que F. Ost et M. Van de Kerchove opposent la Ònormativit juridiqueÓ, sub 5 ci-dessous.
[14] Le nouvel esprit de famille, 11.
[15] Ibidem.
[16] Je reviens sur ce point de la juridicit, chre Etienne Le Roy, sub 5 ci-dessous.
[17] Le nouvel esprit de famille, 182.
[18] Voir mon ÒLa peine. Essai de synthse gnraleÓ, La peine, Recueils de la Socit Jean Bodin, Bruxelles Deboeck-Wesmael 1991, 435‑512. Comme jĠai eu lĠoccasion de le prciser lors de ma prsentation orale, je suis un incorrigible dilettante qui butine les fleurs du droit depuis un demi-sicle sans parvenir mĠarrter en un lieu de prdilection. Il en rsulte un caractre trs superficiel et toujours inachev de mes propos. Le hasard a voulu que je trouve dans cette runion un bonheur particulier, car il mĠa remis lĠesprit nombre de fruits de cet incessant butinement auxquels jĠaurai lĠoccasion de me rfrer. JĠen demande pardon au lecteur en le mettant en garde contre de trop grandes esprances sĠil lui advenait de sĠgarer dans ces textes.
[19] Voir mon ÒLe code pnal belge entre 1830 et 1867", Mlanges Robert Legros, Bruxelles Bruylant 1985, 707‑734.
[20] De la pyramide au rseau ?, ÒIntroductionÓ, 23-26.
[21] Ceux qui me lisent doivent sĠen rendre compte !
[22] Idem, 47. Je reviens sur ce point sub 2 ci-dessous.
[23] ÒLe rseau est dĠabord un espaceÓ, in ÒLa dimension spatiale de la structure du rseauÓ, ci-dessus pp. ??-??.
[24] ÒLand, Tenure and Land TenureÓ, African Agrarian Systems, Oxford, O.U.P., 1963, 101-111. JĠai eu le privilge de participer ce sminaire de lĠInternational African Institute et dĠentendre Paul dans cette communication qui fut lĠun des grands moments de mon parcours initiatique sur le chemin du savoir.
[25] Henri Mendras crit a sujet de notre Òftichisme du territoire et de la frontireÓ une brve synthse laquelle je ne puis que renvoyer le lecteur.Op. cit., 47-48.
[26] Gallia regia : ou tat des officiers royaux des bailliages, snchausses et les institutions monarchiques locales en France la fin du Moyen Age, 7 vol., Paris, Imprimerie nationale, 1942-1966..
[27] Je reviens sur le sens de cet adjectif sub 4 ci-dessous.
[28] Dans leur Introduction, Ost et van de Kerchove parlent dĠenchevtrements.
[29] ÒQuo vaditis iura africana ?Ó, Jahrbuch fr afrikanisches Recht, 8 (1997), 145-161; ÒLes droits africains entre positivisme et pluralisme, Bulletin des sances de lĠARSOM, 46 (2000), 279-292; ÒProduction pluraliste du droit et reconstruction de lĠEtat africainÓ, Afrique contemporaine, (211) 2001, 78-84.
[30] Encore que sur ce point, elle soit galement battue en brche par une reconnaissance ventuelle de la capacit de traiter au plan international dĠentits infra-tatiques, comme, en Belgique les communauts et les rgions ou au Canada les provinces.
[31] Voir sur ce point mon ÒHarmonie et dissonance - Langues et droit au Canada et en Europe ou De lĠutilit des synthsesÓ, Revue de la common law en franais, 3 (1999-2000), 217-278. Encore que lĠefficacit des rseaux face la mondialisation semble avoir t rcemment mise en vidence.
[32] Voir, sur ce point, mon ÒË propos de la vocation de notre temps la rvision de la thorie des sources de droit et des instruments de justiceÓ, Sources du droit et instruments de justice en droit priv (N. Kasirer et P. Noreau, dir.), Montral, Themis, 2002.
[33] Ibidem.
[34] De ce point de vue lĠexpression droit ngoci me parat adquate, encore que je ne sois pas certain que cette forme de production du droit soit ncessairement la caractristique du rseau.
[35] Sur ce point voir les nombreuses stratgies quĠils sont suceptibles de mettre au point dans De la pyramide au rseau ? ÒIntroductionÓ, et aussi C. Varga, ÒArtificiality, Relativity and Interdependency of Structuring Elements in a Practical (Hermeneutical) ContextÓ, Projet de Rapport national hongrois pour le XVIe Congrs international de droit compar (Brisbane 2002).
[36] Voir notamment ÒVilles africaines et pluralisme juridiqueÓ, Journal of Legal Pluralism and Unofficial Law, 42 (1998), 245-274.
[37] De la pyramide au rseau, 26-28, particulirement 28.
[38] Supra, note 35.
[39] Voir mon ÒCode et codification dans la pense de Jeremy BenthamÓ, Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis, 1964, 4-78.
[40] Je cite de mmoire, nĠayant pas lĠouvrage sous la main.
[41] De la pyramide au rseau, 31.
[42] Idem, 37-39. Ost et van de Kerchove parlent dĠune science du droit critique et, esprant les avoir bien compris, je prfre inverser la place de lĠadjectif.
[43] Ë la demande dĠEtienne Le Roy, jĠai rserv pour un prochain Bulletin du LAJP (t 2002) lĠhistoire de mes ÒTrente ans dĠune longue marche sur la voie du pluralisme juridiqueÓ.
[44] Ce sont ÒReturn to Legal Pluralism ‑ Twenty Years LaterÓ, Journal of Legal Pluralism, (28) 1991, 149‑157 et ÒVers une conception nouvelle du pluralisme juridiqueÓ, Revue de la Recherche juridique - Droit prospectif, 1993, 573-583.
[45] On en trouve des traces dans divers crits peu achevs qui ne sont peut-tre pas exempts de contradictions entre eux et qui tmoignent de mes perplexits devant un problme qui est loin, pour moi, dĠtre rsolu.
[46] Legal Pluralism, Clarendon Press, Oxford. 1975.
[47] Le sous-titre de son ouvrage est parlant cet gard : An Introduction to Colonial and Neo-colonial Laws.
[48] Je souligne combien cette conception est proche de celle de Franois Ost et Michel van de Kerchove dans leur approche des pyramides et des rseaux.
[49] Cette pratique tonne certains dont Isabelle Nianogo-Serpanti qui, sĠy rfrant dans son article prcit, fait suivre ce syntagme dĠun (sic!) vigoureux.
[50] ÒLa double colonisation juridique de l'Acadie aux XVIIe et XVIIIe siclesÓ, Bulletin des Sances de l'Acadmie royale des Sciences d'Outre-Mer, 1993, 361-384; ÒA la rencontre de l'histoire du droit en AcadieÓ, Revue de l'Universit de Moncton, 1995, 47-80; Manitoba Law Review, 1995, 79-102; ÒAlliances entre familles acadiennes pendant la priode franaiseÓ, Cahiers de la Socit historique acadienne, 27(2-3) 1996, 125-148; ÒUne colonisation atypique - La France en Acadie (1604-1713)Ó, Bulletin des sances de lĠAcadmie royale des sciences dĠoutre-mer, 43 (1997), 517-541; Ò(Avec Stphane LeBlanc)Pauvre en France, riche en Acadie - Ë propos des patrimoines pendant la priode franaiseÓ, Cahiers de la SHA, 29 (1-2) (1998), 10-33; Se marier en Acadie franaise (XVIIe-XVIIIe sicles), Moncton, ditions de lĠAcadie, 1998 et surtout, Le lieutenant civil et criminel - Mathieu De Goutin en Acadie franaise, paratre.
[51] Cet exemple est le fruit de lĠamalgame de situations multiples dont jĠai eu personnellement connaissance au cours de ma carrire, dont chacune comprenait au moins un chevauchement dĠordres normatifs et dont toutes auraient pu se retrouver runies sur un individu.
[52] Je suis particulirement allergique cette qualification, quĠemploie notamment Jean Carbonnier, depuis quĠelle a t utilise pour dsigner une catgorie dĠhommes.
[53] Voir M.-M. Kleinhans et R. Macdonald, ÒWhat is Critical Legal Pluralism ?Ó, Revue canadienne Droit et Socit, 12 (1997) 25-46 et B.Z. Tamanaha, ÒA Non-Essential Version of Legal PluralismÓ, Journal of Law and Society, 27 (2000) 296-321.
[54] Cet largissement sĠimposait dĠailleurs bien au-del de la dfinition du droit en tant que tel; elle embrassait tous les aspects du champ couvert par celui-ci.
[55] Au sujet de mon cheminement difficile dans cette direction, voir ÒLe juriste et la coutume, un couple impossible ? (bis) ou, Ë propos de Mthode dĠinterprtation et sources, contrepoint au dpart dĠune image franaise de la loi et du jugeÓ, Franois Gny, mythe et ralits, Bruxelles/Montral/Paris, Bruylant/Blais/Dalloz, 2000, 55-100.
[56] Voir, sur ce point, J.-P. Chazal, ÒDe la signification du mot loi dans lĠarticle 1134 alina 1er du Code civilÓ, Revue trimestrielle de droit civil, (2001) 265-283.
[57] London, Routledge and Kegan, 1970.
[58] London, Oxford University Press, 1940.
[59] Comme celle du clown dans ÒLe saut du tremplinÓ de Thodore de Banville.
[60] London, Oxford University Press, 1957.
[61] Ces traductions personnelles sont extraites respectivement de H. Afchar, ÒThe Muslim Conception of LawÓ, International Encyclopedia of Comparative Law, Vol. II, The Legal Systems of the World, Chap. I - The Different Conceptions of Law (R. David, dir.), Tbingen, Mohr, 1975, 86; N.J. Coulson, A History of Islamic Law, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1964, 2; et J. Schacht, An Introduction to Islamic Law, Oxford, Clarendon Press, 1964, 1.Voir, sur ce point, mon ÒReligious laws as systems of law : a comparatist's viewÓ, Religion, Law and Tradition : comparative studies in religious law (A. Huxley, ed.), London, Taylor and Francis, 2002, 165-182.
[62] ÒLe juridique des anthropologuesÓ, Droit et socit, (5) 1987, 102.
[63] Je lui laisse la responsabilit du terme; peu dĠespaces sont en effet aussi ferms quĠune arne.
[64] Et encore ! Dans son texte relatif au droit canon dans Religion, Law and Tradition : comparative studies in religious law, prcit en note 61, S. Ferrari sĠinterroge un bref instant au sujet de la similitude de sens entre ius et droit lorsquĠil est question de ius canonicum.
[65] Dont jĠai tudi le droit il y a quelque 45 ans.
[66] Voir les quelques pages que jĠy consacre dans mon Anthropologie du droit, Paris, Dalloz, 1996..
[67] Le Chapitre V de De la pyramide au rseau sĠintitule : ÒLa dfinition du droit : une question sans rponse ?Ó. Il compte quelque 40 pages et sa discussion serait dplace en ce lieu.
[68] La capitalisation du mot nĠest pas de moi; je ne lĠutilise que dans le contexte, bien particulier de cette phrase.
[69] La formule Law as a Process de S. Falk-Moore est loquente cet gard.
[70] Voir, pour une formulation dans cette ligne de pense R. Verdier, ÒLe droit au singulier et au plurielÓ, Droits, (11) 1990, 74.
[71] ÒLes transferts de droit ou la double illusionÓ, Bulletin de liaison du LAJP, no 5, 1983, pp. 122-131, p. 125.