DHDI

groupe de travail Droits de l'Homme et Dialogue Interculturel


FICHE DE LECTURE

Préface à l'ouvrage " Mondialisation de la mondialisation " du Pr. Mahdi Elmandjra
Editions Ezzaman, 2000, (Par Yahya El Yahyaoui)

Retour à la page précédente

Rarissimes sont les cas où il est possible de tomber sur des écrits ou des conférences où le Pr. Mahdi Elmandjra emploie le terme de mondialisation ou l'utilise pour approcher les relations internationales. C'est que l'auteur est très réservé quant à l'exagération sémantique dont la notion est devenue l'objet par ses tenants comme par ses détracteurs.

En fait, Mahdi Elmandjra, dans son nouveau livre " la mondialisation de la mondialisation ", comme d'ailleurs dans la plupart de ses écrits, ne s'accommode pas du terme et l'adopte rarement, et ce non pas parce que l'homme dispose d'une référence intellectuelle autonome ou d'un espace sémantique indépendant, mais parce qu'il est convaincu que la lecture de l'évolution des rapports Nord-Sud, sur la base d'un concept telle la

mondialisation, ne s'inscrit pas (et ne peut s'inscrire) dans la conception que l'auteur a, toute sa vie durant, forgée, défendue et privilégiée par rapport aux autres conceptions.

Au-delà de la multiplicité d'approches et de la diversité des interprétations, le phénomène de la mondialisation n'est, pour Mahdi Elmandjra, qu'une nouvelle phase du néo-colonialisme que les grandes puissances (dont notamment les Etats-Unis) s'attèlent à instituer et à faire propager non pas uniquement au niveau de l'action et de la pratique mais aussi sur le plan de la culture et de la pensée.

La mondialisation actuelle, pour Mahdi Elmandjra, est la traduction d'un système de valeurs développé au Nord et imposé aux pays du Sud avec l'appui des régimes et des gouvernements de ces derniers et grâce à un certain nombre d'intellectuels opportunistes qui ne cessent de se mettre au service de gouvernants complices avec leurs anciens colonisateurs.

Une telle réflexion ne se rapporte pas uniquement aux gouvernants du Tiers-Monde et à leurs élites intellectuelles, mais la dépasse particulièrement à ceux et à celles du monde arabe et islamique car n'ayant pu garantir et créer les conditions d'immunité à même de parer à l'invasion culturelle et civilisationnelle que leurs nations et peuples ont été pour longtemps( et le demeurent) l'objet et le théâtre.

Mahdi Elmandjra, en grand connaisseur de la nature des relations internationales et de leurs détails les plus fins, ne se révolte pas contre la mondialisation en tant que phénomène néo-colonial nouveau seulement, mais aussi en tant qu'abus semantique et domination linguistique. On viole le sens des mots privant ainsi les pays et les nations de leur droit à choisir leurs termes, leurs notions, leurs concepts et leurs vocables pour exprimer leur réalité et prétendre par conséquent, à la libération, à l'indépendance et à la dignité ; et ce sous le simple

prétexte qu'ils n'ont pas la maîtrise de l'argent, du savoir et des réseaux d'information.

C'est la raison pour laquelle, son refus de la mondialisation actuellement en vogue, est au fond, un refus de sa teneur néo-coloniale, de ses dimensions économicistes et excluantes, de son contenu intellectuel centré sur les référents occidentaux aux fondements judéo-chrétiens, de sa tendance à " mouler " toutes les cultures du monde dans la dominante d'entre elles, de sa consécration de la logique de la force (comme en Irak ou ailleurs) et

de sa propension à écarter les principes de pluralité et de diversité dont dépend l'avenir de l'humanité.

C'est, en définitive, la " pensée unique " que l'auteur ne lésine pas à faire découvrir, à contester, à dévoiler son assise, ses forces et les forces des élites qui en prennent appui et ont intérêt à développer et diffuser.

C'est pour cela, et pour plusieurs autres raisons, que la problématique de ce livre trouve sa justification et sa véritable substance.

La " mondialisation de la mondialisation " dont il est question ici, ne signifie pas uniquement la revalorisation du contenu sémantique que la notion (de mondialisation) devait traduire mais aussi la nécessité de rebâtir à nouveau son contenu pour y faire entrer les valeurs culturelles et civilisationnelles devant prévaloir en droit international au lieu de celles prônant la " libéralisation de la politique de la force " et la " privatisation " des relations entre Etats, peuples et cultures.

Car, l'existence historique et civilisationnelle, dit l'auteur, " ne peut prendre corps que sur la base du principe de la pluralité : le Nord ne peut pas survivre à travers une communication par les outils, les marchandises et les discours politiques creux, il doit s'intégrer dans un projet de communication culturelle et civilisationnelle fondé sur le respect des valeurs humaines et le principe de la pluralité des civilisations et des cultures ".