Christoph Eberhard (dir.)

 

Le courage des alternatives

 

Paris, Karthala, 2012, 318 p.

 

 

 

Le courage des alternatives.

Explorations

 

Christoph Eberhard

 

Oser lĠAutre : voilˆ une autre manire de dire le titre de cette introduction. Comment oser nous ouvrir ˆ la vie, cette vie qui est transformation permanente et nous confronte constamment ˆ nos limites tout en rŽvŽlant nos potentialitŽs cachŽes, individuellement et collectivement ? Robert Vachon, directeur scientifique de lĠInstitut Interculturel de MontrŽal et rŽdacteur en chef de sa revue Interculture, aime ˆ dire que Ç LĠautre nĠest pas un vide ˆ remplir. CĠest une plŽnitude ˆ dŽcouvrir. È Cette intuition mĠa ŽnormŽment inspirŽe et est devenue lĠhorizon dans lequel je mĠinscris en tentant de me rappeler et de rappeler aux autres que : Ç La vie nĠest pas un vide ˆ remplir. CĠest une plŽnitude ˆ dŽcouvrir. È [1] Cette dŽcouverte ne peut se faire seule. Elle nĠest possible que dans le dialogue avec les autres, notre environnement, les aspects de nous-mmes que nous ignorons. Elle nŽcessite une dŽmarche intŽrieure personnelle, des Žchanges interpersonnels, des explorations transpersonnellesÉ et aussi une traduction des intuitions ainsi glanŽes dans nos modes de vie individuels et collectifs.

 

Origines

 

Cela fait une bonne quinzaine dĠannŽes que nous explorons dans une dŽmarche de dialogue et dĠenrichissement mutuel des questions dĠun vivre ensemble responsable et solidaire. Nous : un petit groupe de chercheurs qui se sont initialement rencontrŽs lors de la mise en place, ˆ la fin des annŽes 1990, dĠun groupe de travail Droits de lĠhomme et dialogue interculturel au Laboratoire dĠanthropologie juridique de Paris (LAJP) ˆ lĠUniversitŽ Paris 1 PanthŽon – Sorbonne[2]. Ce groupe a vu Žmerger un petit noyau dur de chercheurs qui sĠest petit ˆ petit Žlargi : le sŽminaire itinŽrant mis en place dŽbut 2001 entre le LAJP et les FacultŽs universitaires Saint Louis ˆ Bruxelles (FUSL) pour explorer les enjeux dĠune approche interculturelle du Droit (Eberhard 2002) sĠest transformŽ en une vŽritable dynamique mondiale lorsque nous avons lancŽ, ˆ partir de 2003, la dynamique de recherche Ç Droit, gouvernance et dŽveloppement durable È, coordonnŽe ˆ partir des FUSL et regroupant des chercheurs des cinq continents. Cette dynamique, financŽe par la Fondation Charles LŽopold Mayer pour le progrs de lĠhomme (FPH), a permis de faire Žclore des graines semŽes lors de la premire pŽriode au LAJP, dĠen partager les fruits avec un public plus large ˆ travers bon nombre de publications et de semer quelques nouvelles graines, plus particulirement en lien avec les enjeux Žmergents de la gouvernance et du dŽveloppement durable comme horizons pour un vivre responsable, dialogal et solidaire[3]. Elle sĠest trouvŽe soutenue, enrichie et complŽtŽe par le Projet Courage de la Fondation Bernheim, initiŽ en 2007 et cl™turŽ en 2010, que jĠai dŽclinŽ sous son volet de Ç Courage des alternatives È aux FUSL[4]. LĠouvrage que le lecteur a entre les mains reprend les actes du colloque international de cl™ture de ces deux dynamiques, qui sĠest tenu aux FacultŽs universitaires Saint Louis du 20 au 22 octobre 2010. Je voudrais profiter de cette introduction pour dire un grand merci aux chercheurs et institutions qui ont contribuŽ ˆ cette entreprise collective et pour exprimer ma gratitude ˆ la FPH et ˆ la Fondation Bernheim. Sans leur soutien, ni cet ouvrage, ni les belles dynamiques de recherche et dĠŽchanges qui ont ŽtŽ menŽes au cours de ces dernires annŽes nĠauraient ŽtŽ possibles. Merci aussi ˆ la collection des Cahiers dĠanthropologie du Droit dĠaccueillir cette publication, sept ans aprs avoir accueilli le premier ouvrage collectif issu de la dynamique Droit, gouvernance et dŽveloppement durable en 2005. Enfin, un merci spŽcial ˆ tous ceux qui ont participŽ ˆ la relecture des textes et ˆ leur Ždition, et plus particulirement ˆ Bruno Mallard et ˆ Pascale C. Annoual qui y ont contribuŽ de manire substantielle.

 

Quel est lĠenjeu de ce livre ? Ë quelle Žtape de la dynamique collective correspond-il ?

 

On raconte quĠun jour le Mulla Nasrudin voyageait en bateau lorsquĠune tempte se leva. Rapidement, sa petite embarcation fut dŽbordŽe par le dŽcha”nement des ŽlŽments et commena ˆ couler. Le capitaine et lĠŽquipage tentrent de sauver leur bateau. Ils se saisirent de seaux et commencrent frŽnŽtiquement ˆ tenter de vider le bateau de toute lĠeau qui sĠengouffrait de tous c™tŽs. Seul le Mulla ne coopŽrait pas. Non seulement il ne bougeait pas, mais il puisait de lĠeau dans la mer et en remplissait le bateau. En le voyant, le capitaine lĠinterpella : Ç Mulla, es-tu fou ? Que fais-tu ? Arrte ! Aide nous ! Nous allons couler ! È Le Mulla rŽpondit : Ç Ma mre mĠa toujours appris de me mettre du c™tŽ du plus fort. È

 

Voilˆ une belle mŽtaphore de notre situation contemporaine. Le bateau – notre organisation du vivre ensemble – prend lĠeau de tous c™tŽs. Et pourtant, sommes-nous si diffŽrents du Mulla Nasrudin ? Si son action para”t folle, nĠagissons nous pas de mme en tentant cožte que cožte de nous mettre du c™tŽ du plus fort, du systme tel quĠil existe, mme sĠil est mortifre ? Il se pourrait que nous non plus nĠosions pas nous ouvrir vŽritablement ˆ tous les enjeux contemporains, et quĠen refusant de le faire, nous alimentions ce qui risque de nous mener au naufrage. Je ne suis pas trs portŽ sur les prophŽties de malheur, mais peut-tre un peu de Ç catastrophisme ŽclairŽ È (Dupuy 2002) pourrait-il tre utile pour nous Žveiller.

 

Les recherches sur les manires alternatives dĠenvisager notre vivre ensemble qui ont ŽtŽ engagŽes dans nos travaux prŽcŽdents semblent de plus en plus dĠactualitŽ. Mais, ™ paradoxe, alors mme que leur importance ne cesse de sĠaffirmer, les moyens pour explorer et mettre en Ïuvre lesdites alternatives se rŽduisent ˆ vue dĠÏil. Pour ne mentionner que lĠexemple de quelques compagnons de route : lĠInstitut Interculturel de MontrŽal, le International Council on Human Rights Policy ˆ Genve et lĠassociation Juristes SolidaritŽs ˆ Paris ont tous du fermer leurs portes en 2012, aprs des dŽcennies de travail extrmement pionnier et importantÉ Les fondations nĠont plus dĠargent pour les projets Ç alternatifs È, les universitŽs se recentrent sur des Ç fondamentaux È, des cours et recherches rentables et bien cadrŽs, en laissant de c™tŽ la recherche fondamentale et les explorations aux marges qui – lĠhistoire des sciences lĠa montrŽ – sont celles qui cristallisent les ruptures ŽpistŽmologiques et font Žmerger de nouveaux possibles[5]. On voit bien lˆ le syndrome du Mulla Nasrudin : la crise financire se dŽcha”ne, et quelle est notre rŽponse ? Nous fermons petit ˆ petit tous les lieux qui pourraient permettre de repenser un vivre ensemble sur dĠautres bases. Nous avons fondamentalement peur de nous ouvrir ˆ la vie, au monde dans lequel nous vivons, et nous nous accrochons ˆ des certitudes et ˆ notre instinct de survie, dans ce quĠil peut avoir de plus Žgo•ste. Heureusement, la vie est faite de cycles et il est ˆ prŽvoir que des pŽriodes plus fastes et plus ouvertes aux explorations suivront. La question de lĠouverture de nous-mmes ˆ nos vies individuelles et collectives restera nŽanmoins toujours dĠactualitŽ.

 

Courage

 

Un enjeu primordial aujourdĠhui, en cette pŽriode de transition, est celui dĠun courage des alternatives. Courage, dĠabord. Avons-nous le courage de nous ouvrir ˆ lĠaltŽritŽ et au changement ? Un jour, quelquĠun trouva le Mulla Nasrudin ˆ quatre pattes sous un lampadaire. Ç Mais que fais-tu, Nasrudin ? È, demanda son ami. Ç Je cherche la clef de ma maison. È Ç Mais o lĠas tu perdu exactement ? È Ç Dans ma maison. È Ç Mais alors pourquoi la cherche tu ici ? È Ç Parce quĠil y a plus de lumire ici que dans ma maison. È Nous avons tendance ˆ vouloir comprendre les situations qui se prŽsentent ˆ nous et ˆ trouver des solutions aux problmes quĠils posent ˆ travers nos cadres mentaux dŽjˆ Žtablis. Comme ils ont fait leur preuve par le passŽ, nous sommes convaincus quĠils seront aussi ˆ la hauteur du futur. Mais est-ce nŽcessairement le cas ? Ne serions-nous pas en train de vivre une Žpoque de changement paradigmatique o la complexitŽ (voir par exemple Morin 1995), le pluralisme et lĠinterculturalisme (Vachon 1997) Žmergeraient comme nouveaux horizons, o nous nous orienterions vers des approches Ç post- È ou Ç transmodernes È, o nous quitterions notre univers familier pour un plurivers qui reste ˆ dŽcouvrir (Eberhard 2008a, 2013) ? DĠabord, ˆ un niveau intrapersonnel, le courage consiste en un certain dŽsarmement existentiel : admettre que nos Ç armes È, nos outils de comprŽhension du rŽel ne sont peut-tre plus tout ˆ fait adŽquats. QuĠil faut donc les dŽposer pour pouvoir envisager les situations dĠun nouveau point de vue. Continuer ˆ creuser un puits lˆ o il nĠy a pas dĠeau peut sembler logique, voire inŽvitable, lorsque lĠon a mis en place toute une infrastructure et quĠil faut la justifier – en soulignant que lĠinfrastructure de nos approches du rŽel constitue en grande partie ce que nous sommes. La remettre en cause, cĠest oser une crise existentielle. Comme aime le dire Robert Vachon ˆ propos de la rencontre interculturelle – porteuse du genre de crise liŽe ˆ la rencontre avec lĠaltŽritŽ – en partant dĠun point de vue chrŽtien : Ç Le dialogue interculturel est crucifiant, mais libŽrateur. È Mais ne vaudrait-il pas mieux, dans certains cas, renoncer ˆ tout lĠoutillage mis en place et oser creuser ailleurs ?

 

Ensuite, le courage est aussi nŽcessaire dĠun point de vue interpersonnel : en Žtant ˆ la marge de lĠopinion majoritaire, on se retrouve trs vite marginalisŽ. On est peru au mieux comme un doux rveur, dŽconnectŽ des rŽalitŽs de la vie mais inoffensif dans ses rveries, au pire comme un dangereux anarchiste, voire un terroriste qui voudrait saper ou faire exploser les soubassements de ce quĠun groupe donnŽ considre comme ses fondements. On raconte quĠˆ une Žpoque lointaine, les astrologues de la cour prŽvinrent leur roi quĠune pluie magique allait sĠabattre sur son royaume : lĠeau serait contaminŽe et tous ceux qui en boiraient deviendraient fous. Le roi dŽcida de prendre des mesures : il fit collecter de lĠeau et lĠentreposer dans le palais, afin de pouvoir garder lĠesprit sain pour gouverner son royaume. Puis il plut. Aprs quelques jours, toute lĠeau du royaume, sauf celle entreposŽe par le roi, Žtait contaminŽe, et il ne fallut pas longtemps pour que tous les sujets du roi deviennent fous. Plus personne ne comprenait le roi. Tous considŽraient que cĠŽtait lui qui Žtait devenu fou ! Que faire ? Aprs des journŽes dĠhŽsitation, le roi se rŽsolut ˆ boire lui aussi lĠeau empoisonnŽe. Pour pouvoir jouer son r™le, il devait tre un fou parmi les fousÉ

 

Garder sa perspective malgrŽ tous les problmes que cela cause et le faire de manire cohŽrente et continue sur de longues annŽes, voilˆ certainement un acte de courage, qui nĠest possible que parce quĠil est alimentŽ par ce que nous ressentons profondŽment, par notre cÏur.

 

ƒcouter son cÏur et agir en consŽquence, quelle belle inspiration de lĠŽtymologie du mot Ç courage È ! Elle nous invite ˆ sa dimension transpersonnelle, celle de sĠouvrir – sans pour cela renoncer ˆ notre enracinement humain, nos sentiments, notre intellect – ˆ la dŽcouverte dĠune Ç confiance cosmique È (Panikkar 1993 ; Vachon 1985), une confiance dans la vie non pas comme vide ˆ remplir mais comme plŽnitude ˆ dŽcouvrir.

 

Alternatives

 

Alternatives. Alter : lĠAutre – qui nĠexiste quĠen relation ˆ nous-mmes. Alternatives au pluriel, et non pas Ç alternative È au singulier comme il serait plus juste grammaticalement parlant[6]. Car, des autres, il y en a une multitude, et leur dŽcouverte nous rŽvle le pluralisme sous-jacent de la rŽalitŽ. On posa la question suivante au Mulla Nasrudin : Ç Mulla, o se trouve le centre du monde ? È Ç CĠest lˆ o est attachŽ mon ‰ne È, rŽpondit Nasrudin. Le centre du monde est pour chacun dĠentre nous cet endroit o nous avons nos affaires, notre vie. Nous sommes donc tous des centres du monde. Il nĠy a pas, de ce point de vue, de marges, dĠalternatives. Marges et alternatives apparaissent toujours par rapport ˆ un point de vue dominant, quĠil soit le n™tre ˆ titre personnel ou sur un plan collectif (ce que les anthropologues appellent lĠethnocentrisme). LĠenjeu dĠun passage de lĠunivers au plurivers est de sĠouvrir ˆ ce pluralisme radical sans tenter de le rŽduire ˆ une unitŽ (Panikkar 1990) – ce qui ne signifie pas embrasser le chaos, mais plut™t sĠouvrir au cosmos, ˆ la beautŽ de la parure[7] de la rŽalitŽ, cette dernire Žtant un mystre au-delˆ des limites de sa manifestation. On notera que le Mulla Nasrudin nĠa pas rŽpondu que son ‰ne Žtait le centre du monde, mais que le centre du monde Žtait lˆ o Žtait attachŽ son ‰ne. Nos personnalitŽs multiples sont toutes rattachŽes ˆ, ou sont une manifestation de, ce que certains appellent la Ç nature humaine È, dĠautres le Ç christ en chacun dĠentre nous È, dĠautres encore la Ç nature de bouddha È inhŽrente ˆ tout treÉ Comme le dit un proverbe de sagesse : Ç Dieu est une sphre dont la circonfŽrence est partout et le centre nulle part. È On peut remplacer, dans ce proverbe, Ç Dieu È par le mystre : cette libertŽ fondamentale de nos existences qui nous caractŽrise et nous lie, et qui se dŽcline en une myriade dĠexpressions.

 

Dans le cadre de nos recherches, les alternatives ont toujours ŽtŽ prŽsentŽes par rapport ˆ un cadre donnŽ : la vision du monde moderne telles que reflŽtŽe dans les sciences modernes occidentales et nos organisations modernes du vivre ensemble. Parfois, ce point de dŽpart, le fait de poser les questions toujours en partant de notre topos, de notre enracinement culturel, rend de vŽritables dŽcouvertes difficiles. En effet, toutes les cultures, tous les tres humains, non seulement ne donnent pas des rŽponses diffŽrentes aux mmes questions, mais posent des questions fondamentalement diffŽrentes – et ceci dans des langues et visions du monde o la traduction dĠun univers de sens dans un autre est loin dĠaller de soi et relve plut™t dĠune sensibilisation rŽciproque ˆ des fentres diffŽrentes sur la vie. Encore faut-il reconna”tre la pluralitŽ des fentres et le fait que lĠon ne peut vraiment voir quĠen regardant par lĠune de ces fentres[8].

 

Dans le domaine des sciences sociales, Boaventura de Sousa Santos a proposŽ de sĠengager dans une hŽtŽrotopie, dans la redŽcouverte du monde dans lequel nous vivons en dŽcentrant notre regard du centre vers les marges, des centres de pouvoir vers ce qui appara”t marginal ˆ partir de ce centre (1995 : 479 ss). Ce travail lĠa menŽ ˆ sĠinterroger sur la redŽcouverte et la valorisation des Ç savoirs des Suds È (2007 ; 2008), une approche qui fait Žcho ˆ celle mise en Ïuvre par lĠInstitut Interculturel de MontrŽal depuis presquĠun demi-sicle et reflŽtŽe dans sa revue Interculture et le rŽseau INCAD, International Network to Cultural Alternatives to Development, quĠil a animŽ[9]. Ce travail fait aussi Žcho aux appels dĠEdgar Morin pour une pensŽe complexe, qui devra non seulement sĠajouter ˆ nos outils de connaissance mais aussi contribuer ˆ les refaonner profondŽment (1995 : 237-238). En effet, lĠune des intuitions de la pensŽe complexe se rattache ˆ la redŽcouverte dĠune approche holiste de la rŽalitŽ, mais qui ne se fait pas au dŽpens des parties composant le tout. Il sĠagit donc de repenser – comme y invite la pensŽe classique indienne de lĠadvaita, la non-dualitŽ – les relations du Tout avec les parties qui le composent.

 

La vie est une. CĠest notre effort de la comprendre qui a menŽ ˆ la diviser en diffŽrents domaines dont ont ŽmergŽ les diffŽrentes sciences. Malheureusement, lĠhyperspŽcialisation a conduit ˆ ce que lĠarbre dĠune discipline donnŽe a souvent contribuŽ ˆ lĠoccultation de la fort de la vie. Mme le dialogue entre disciplines reste souvent limitŽ ˆ un certain cadre. Dans cet ouvrage, nous avons tentŽ de repousser un peu plus que dans des publications prŽcŽdentes les limites du dialogue, en les sortant du cadre des sciences juridiques, politiques, Žconomiques et sociales et en les ouvrant ˆ la philosophie, ˆ lĠart thŽrapie et ethnopsychiatrie, aux explorations du Yoga. Ainsi, lors du colloque international organisŽ en 2010, les participants pouvaient aussi suivre une initiation au Yoga pour dŽcaler leur regard par rapport ˆ une autre manire, plus basŽe sur la sensation que lĠintellect, pour rentrer en contact avec eux-mmes. La couverture du livre tŽmoigne lui aussi de lĠeffort dĠouverture ˆ dĠautres modes dĠexpression du pluralisme. La peinture ornant cet ouvrage collectif est de Pascale C. Annoual, qui a contribuŽ comme auteur ˆ ce volume, mais dont le mode dĠexpression privilŽgiŽ est lĠart. Elle a tentŽ de faire partager lĠexpŽrience collective de notre dynamique dans cette peinture quĠelle voit comme une invitation, un Žcho ˆ lĠappel du pluralisme.

 

Sans vouloir vous imposer une lecture de son tableau et en soulignant que toute Ïuvre dĠart doit rester un espace ouvert, jĠaimerais Žvoquer quelques points qui mĠont inspirŽ – pas tellement pour dire une vŽritŽ mais pour vous inviter ˆ contempler vous aussi cette image de couverture, ˆ la mŽditer et ˆ la voir comme partie intŽgrante de cette publication. LĠimage Žvoque pour moi le cercle de la vie et son harmonie. Au centre, se trouve cet ŽlŽphant qui rappelle celui de lĠhistoire de lĠŽlŽphant dans le noir. On invitait des personnes dans une pice sombre o se trouvait un ŽlŽphant. Chacun touchait une partie particulire de lĠŽlŽphant et sĠen faisait donc une reprŽsentation bien particulire. Celui qui avait touchŽ les oreilles concluait que lĠŽlŽphant Žtait semblable ˆ une grande crpe. Celui qui avait saisi la queue en dŽduisait quĠun ŽlŽphant Žtait comme une corde. Quant ˆ celui qui sĠŽtait heurtŽ ˆ une de ses grandes pattes, il lui paraissait Žvident quĠun ŽlŽphant Žtait comme une grande colonneÉ Une fois dehors et partageant leurs expŽriences, ils ne surent se mettre dĠaccord sur ce mystre de lĠŽlŽphant. Voilˆ une belle image du pluralisme au centre de toute manifestation. En plus, lĠŽlŽphant est blanc et renvoie ˆ lĠimaginaire bouddhiste dans lequel un tel ŽlŽphant Žvoque la nature pacifiŽe et illuminŽe de lĠesprit[10]. Pluralisme de la manifestation, pluralisme de la rŽalitŽ – lĠŽlŽphant blanc nous renvoyant ˆ lĠidŽe que, peut-tre, dĠun point de vue ŽveillŽ, il nĠy a mme pas dĠŽlŽphant –, voilˆ un beau cÏur pour une exploration en alternatives. Autour de lĠŽlŽphant, on trouve les quatre ŽlŽments : la terre, lĠeau, lĠair et le feu – et on peut voir lĠŽlŽphant blanc comme le cinquime ŽlŽment classique de la pensŽe indienne, akasha, lĠespace. On y dŽcouvre les rgnes minŽral, vŽgŽtal, animal et humain – voire cosmique ou spirituel ˆ travers lĠimage de la sirne. Le cycle de lĠŽvolution qui y est figurŽ suggre la continuitŽ de la vie et ses cycles. Le volcan en activitŽ et la sirne plongeant dans les profondeurs rappellent que la manifestation puise dans des sources souterraines – qui ne jaillissent pas toujours de manire harmonieuse, mais surgissent parfois ˆ la manire dĠŽruptions volcaniques. On peut y voir aussi lĠinvitation ˆ plonger dans notre subconscient, ˆ explorer nos Ç mythes È, nos horizons invisibles de sens[11], ˆ lĠinstar de la sirne, pour pouvoir approcher le mystre de la vie reprŽsentŽ par lĠŽlŽphantÉ Que dĠinspirationsÉ

 

ƒvoquons maintenant succinctement comment ces intuitions et inspirations du pluralisme et du courage des alternatives se sont manifestŽes dans les explorations et contributions Žcrites des contributeurs, qui, comme le constatera le lecteur, ont osŽ dŽpasser la simple description et analyse de faits pour dŽgager quelques perspectives. Critiquer les paradigmes dominants est certes important. En faire lĠinventaire et tirer le bilan de ce qui est ˆ garder et ˆ dŽvelopper, de ce qui est ˆ transformer ou ˆ rejeter est essentiel. Mais il est tout aussi crucial de tenter de dŽgager de nouveaux horizons de sens o inscrire ces dŽmarches et dĠoser les enrichir par des idŽes ou expŽriences provenant dĠautres mondes et situŽes ˆ lĠŽcart des trajectoires modernes ou postmodernes.

 

Explorations

 

Les explorations de cet ouvrage se prŽsentent en quatre vagues. La premire partie a un caractre introductif. Le premier texte est celui quĠa prŽsentŽ Franois Ost pour la confŽrence de cl™ture du Projet Courage de la Fondation Bernheim en 2010. Il reprend les ŽlŽments qui ont ŽtŽ dŽgagŽs par les chercheurs de ce projet, et plus particulirement par les trois philosophes Thomas Berns, Laurence BlŽsin et Ga‘lle Jeanmart, qui ont Žcrit un prŽcieux petit ouvrage sur la notion de courage[12]. Ce texte permettra au lecteur de baliser la partie Ç courage È de notre exploration. Cela Žtant, le Projet Courage a aussi fait Žmerger les dangers dĠun appel Žmotionnel au courage hŽro•que dans les situations sociopolitiques contemporaines. Les vertus de la prudence, de lĠhumilitŽ, de la reconnaissance de la fragilitŽ doivent aussi jouer leur r™le. CĠest ce que nous rappelle Laurent Desutter dans une contribution qui pourrait, ˆ premire vue, sembler dŽplacŽe dans un tel ouvrage. Aprs une exploration philosophique de la notion de courage, cet auteur nous invite en effet ˆ prendre conscience de la l‰chetŽ du droit – qui, dĠaprs lui, loin dĠtre une tare, en est peut-tre au contraire lĠun des traits les plus prŽcieux car il lui permet de jouer son r™le. Lomomba Emongo complte ces premires rŽflexions sur le courage par quelques propos sur une recherche en alternatives : Ç Il Žtait une fois lĠautre É È. Comme indiquŽ plus haut, sĠouvrir aux alternatives est fondamentalement liŽ ˆ lĠouverture ˆ lĠAutre et au pluralisme. Mais cet Autre, pouvons-nous lĠentendre ? Le legs de lĠhistoire coloniale qui a cristallisŽ le monde dans lequel nous vivons et continue ˆ le marquer mme aprs dŽjˆ des dŽcennies de dŽcolonisation politique nous empcherait-il de rencontrer lĠAutre ? La dŽcolonisation de nos univers mentaux ne serait-elle pour lĠinstant quĠen chantier (voir Nandy 1983) ? Et comment la mener ˆ bien ?

 

La deuxime vague de contributions explore des contestations et alternatives pour un autre monde ˆ travers les prismes du cosmopolitisme, du dŽveloppement durable et de la dŽcroissance en tentant de sĠouvrir ˆ certains Ç autres È. Jim Dratwa ouvre la rŽflexion en nous interrogeant : Dans quel monde voulons-nous vivre ensemble ? Et comment le faire advenir ? Comment sĠy prendre pour le faire advenir, pour le traduire dans la vie institutionnelle ? QuĠest-ce qui fait preuve dans le monde scientifique, juridique, politique ? Comment construire la lŽgitimitŽ de certaines questions et des approches pour les dŽvelopper ? Voilˆ lĠenjeu de lĠŽmergence dĠŽpistŽmologies cosmopolitiques, qui consiste ˆ crŽer un monde partagŽ dans la coexistence et la complŽmentaritŽ des mondes qui le composent, ce qui prŽsuppose leur reconnaissance et leur Žmancipation des structures de pouvoir qui les Žtouffent. Les quatre textes suivants nous plongent dans quatre terrains diffŽrents qui illustrent, chacun ˆ sa manire, lĠenjeu de reconna”tre et de faire advenir des alternatives au cadre de la globalisation Žconomique contemporaine. Bruno Mallard aborde la question bržlante de la pauvretŽ et du progrs social. Face ˆ des situations aussi interpellantes que la pauvretŽ de masse, il semble nĠy avoir quĠune rŽponse naturelle : celle dĠun dŽveloppement Žconomico-social qui permette dĠy remŽdier. Seulement voilˆ, la vision du monde sous-tendant le dŽveloppement, fondant la vie dans lĠŽconomique, nĠest pas naturelle – elle est liŽe ˆ une culture particulire (Rist 1996 ; Latouche 2003 : 339 ss). Ne pas sĠen apercevoir, cĠest foncer tte baissŽe dans des approches qui sĠinterdisent dĠapprendre de la diversitŽ des situations et de b‰tir sur les potentialitŽs quĠelles reclent. LĠauteur propose donc des voies pour sĠŽmanciper du concept de Ç tendance globale È pour sĠouvrir ˆ une Ç trajectoire Žvolutive ouverte È, dans laquelle le dialogue interculturel devra jouer un r™le important. Les analyses de Priscilla Claeys font Žcho aux dŽveloppements plus thŽoriques de Bruno Mallard en approfondissant les dynamiques des organisations paysannes regroupŽes dans le mouvement social de la V’a Campesina[13], la voie paysanne autour dĠun combat pour la reconnaissance dĠun droit ˆ la souverainetŽ alimentaire. Ce mouvement, alternatif par rapport au systme agro-industriel dominant basŽ sur les gros producteurs, et inscrite dans une logique nŽolibŽrale qui est caractŽrisŽ par la soumission des champs politique, social et culturel au champ Žconomique, est confrontŽ ˆ des choix difficiles entre opposition au systme et partielle reconnaissance de celui-ci pour pouvoir faire avancer ses revendications : habiller cette voie par le langage des droits permettra-t-elle de la faire reconna”treÉ ou cette approche ne risque-t-elle pas de dŽsamorcer toute dynamique Žmancipatrice de ce mouvement (voir Eberhard 2010 : 147 ss ; ) ? Ce qui est certain, cĠest que le droit ˆ lĠalimentation, un droit essentiel, a dŽjˆ commencŽ ˆ incorporer la critique telle quĠelle Žmane des mouvements paysans, dŽmontrant par lˆ lĠimportance non seulement dĠalternatives aux systmes dominants, mais aussi celle des espaces dĠentre-deux, de rencontre, de transformations mutuelles de ces champs.

 

Jean-Paul Segihobe et Beno”t Mutambayi ramnent notre attention ˆ un niveau global et pointent du doigt un ŽlŽment structurant de toutes les relations Nord/Sud et impactant profondŽment toute action menŽe au niveau du local : la question de la dette. DĠune certaine manire, leur texte fait Žcho, ˆ un niveau plus politique et juridique, ˆ celui de Lomomba Emongo. La crŽation et la gestion de la dette des pays en voie de dŽveloppement ne constitue-t-elle pas un ŽlŽment dĠune gouvernance nŽocoloniale qui ne dit pas son nom ? Les auteurs, au-delˆ dĠune analyse critique de la dette et de sa mise en relation avec la notion de Ç dette odieuse È, dŽgagent des balises pour passer de Ç lĠunivers de la fabrique des dettes È ˆ un Ç plurivers des contestations È, permettant de dŽgager une voie dialogale alternative. Critique du dŽveloppement, du nŽolibŽralisme, de la dette, enjeux de lĠŽmergence de nouvelles ŽpistŽmologies cosmopolitiquesÉ Quelle meilleure manire de cl™turer cette premire partie quĠun appel au courage politique pour la DŽcroissance, que nous lance NoŽmie Candiago ! En effet, si le succs apparent du dŽveloppement durable semble avoir contribuŽ – au moins dans une certaine mesure – ˆ sĠacheminer vers un dŽveloppement Ç alternatif È plus humain, plus social, plus vert, voire plus respectueux des cultures, il nĠen reste pas moins quĠil nĠinterroge pas le paradigme fondamental dĠune sociŽtŽ de consommation de masse ; ce nĠest pas une alternative AU dŽveloppement (Vachon 1990), entendu ici comme ce mythe occidental de la bonne vie, qui est moins universel quĠil ne para”t ds lors quĠon le met en perspective historique et interculturelle (Rist 1996 ; Sachs 1990, 1992). Mais comment jouer un r™le critique, comment interroger le systme sans faire soi-mme systme ? Ces questions renvoient dĠune autre faon ˆ celles abordŽes par Priscilla Claeys et illustrent concrtement la recherche dĠalternatives, ses limites et ses potentialitŽs, pour sĠacheminer vers une sociŽtŽ de la convivialitŽ (Illich 1973), plus respectueuse de la nature et de lĠÇ autre È, de logiques de dialogue que le paradigme nŽolibŽral actuellement dominant.

 

Voilˆ de grands enjeux. Dans ces Žvolutions et rŽvolutions, le Droit[14] a un r™le important ˆ jouer : celui de mettre en forme et de mettre des formes aux nouveaux consensus sociaux et aussi de donner des outils pour lutter, paisiblement, pour arriver ˆ ces nouveaux consensus. Ainsi, la troisime partie de cet ouvrage aborde plus spŽcifiquement les questions dĠune refondation de la gouvernance et du Droit actuels pour dŽgager une nouvelle grammaire du vivre ensemble, plus dialogale et plus respectueuse de nous-mmes, des autres et de lĠenvironnement. Il est introduit par une rŽflexion de FrŽdŽric Bouscaut, qui lie la question du dŽveloppement durable ˆ celle de sa juridicitŽ : sans droit, le dŽveloppement durable risquerait de ne se rŽduire quĠˆ un simple slogan, et on constate en effet quĠil rentre chaque jour davantage dans nos montages institutionnels. Mais pour que la visŽe du dŽveloppement durable puisse tre atteinte, ne faudrait-il pas repenser non seulement le dŽveloppement mais aussi le droit ? LĠauteur, fidle en cela ˆ des approches de la complexitŽ pr™nŽes par Edgar Morin, propose une ontologie relationnelle profondŽment enracinŽe dans une dŽmarche transdisciplinaire, seule capable selon lui de rendre compte de la complexitŽ Žcologique (voir, dans ce contexte, Barrire 2002 ; Le Roy 2011)É Encore faut-il oser sĠengager dans une telle voie Žbranlant les savoirs Žtablis, leurs limites et zones dĠinfluenceÉ Dominik Kohlhagen met en lumire ces enjeux dĠune refondation des droits ˆ travers un autre point dĠentrŽe. Ce nĠest pas, pour lui, lĠenvironnement qui oblige ˆ repenser les droits dans des contextes africains tels que le Burundi ; cĠest la rŽalitŽ criante, mais largement occultŽe, de la dŽliquescence des systmes de rŽgulation des conflits pendant et aprs la pŽriode coloniale qui a menŽ ˆ des situations o certains Žtats nĠarrivent pas ˆ assurer la sŽcuritŽ juridique la plus ŽlŽmentaire pour leur population – quand ils ne sont pas eux-mmes ˆ lĠorigine de la violation de ses droitsÉ Comment refonder un droit sur des bases endognes dans des contextes africains contemporains (Le Roy 2004) ? Comment reconna”tre les limites du droit Žtatique et sĠouvrir ˆ la diversitŽ des terrains o existent des manires de penser et dĠÏuvrer pour la rŽgulation des conflits qui ne sont pas des Ç obstacles ˆ surmonter et ˆ Žliminer pour mettre en place la modernitŽ juridique È mais des ŽlŽments permettant dĠinventer une contemporŽanitŽ juridique africaine, entre les institutions importŽes dĠinspiration juridique moderne et les approches du droit plus endognes. Le principal dŽfi, ici, semble tre de Ç rendre la production du droit aux peuples È, pour faire un clin dĠÏil ˆ un article de Jacques Vanderlinden (1996). Akuavi Adonon prend ˆ cÏur cette interpellation en abordant le courage de lĠinnovation juridique au Mexique dans un cadre dĠinteraction interculturel entre ƒtat, institutions modernes et peuples autochtones. Pour lĠauteur, il sĠagit de rendre visibles des dynamiques juridiques, souvent ignorŽes, construites en marge de la structure Žtatique, mais qui se manifestent clairement ˆ travers la quotidiennetŽ du vivre ensemble de populations dites Ç marginales È et Ç minoritaires È et de mettre en Žvidence les logiques dĠarticulation mises en Ïuvre par les populations autochtones, qui illustrent la possibilitŽ dĠalternatives rŽelles au systme dominant et pointent vers lĠhorizon du pluralisme et de lĠinterculturalisme de la rŽalitŽ. Aprs ces deux explorations plus juridiques, Monique Kouaro nous invite sur un terrain plus local au BŽnin. Elle illustre ce que sĠouvrir Ç aux peuples È, aux acteurs peut signifier dans le domaine du dŽveloppement : des projets ont souvent ŽchouŽ pour la double raison quĠils nĠont pas associŽ les bŽnŽficiaires ou quĠils ont voulu rendre obligatoire leur participation – le parallle avec le droit dans les textes prŽcŽdents saute ˆ lĠÏil. Quels sont alors les enjeux dĠune vŽritable participation communautaire ? Le travail axŽ sur la gestion des dŽchets ˆ Natitingou illustre et rŽvle la difficultŽ dĠorganiser une Ç vraie participation È (Rahnema 1997 ; Eberhard 2009) des parties prenantes ou stakeholders dans un cadre donnŽ et nous interroge sur les enjeux dĠune dŽmocratie participative (Callon et al. 2001). Les deux derniers textes explorent les transformations de nos paysages juridiques ˆ travers lĠirruption du dŽveloppement durable et de la gouvernance. Jovita de Loatch soulve les questions de la redŽfinition des champs et des processus de juridicitŽ en les ouvrant ˆ une prise en compte des communautŽs pour pouvoir mettre en Ïuvre une gouvernance environnementale adaptŽe et efficace pour protŽger le littoral en Corse. Une des originalitŽs de sa dŽmarche consiste ˆ croiser, pour ce faire, les approches de lĠanalyse Žconomique du droit et de lĠanthropologie. Elle insiste sur la nŽcessitŽ de sĠouvrir ˆ des approches complexes inspirŽes de modles fractales pour traduire – autant que faire se peut – les approches qualitatives de lĠapproche anthropologique dans des modles plus mathŽmatiques du domaine de lĠanalyse Žconomique. Un des enjeux de la dŽmarche Žtant de rendre audible des alternatives existantes dans le langage prŽdominant actuellement : celui de lĠŽconomie, tout en ouvrant de nouveaux espaces de rŽflexion interdisciplinaires. Le dernier texte, de Christoph Eberhard, prŽsente une synthse des recompositions actuelles du Droit sous lĠinfluence des notions de gouvernance et de dŽveloppement durable. Il dŽvoile certains piges ˆ Žviter, rŽvle des potentialitŽs et insiste sur la nŽcessitŽ de redŽfinir nos responsabilitŽs individuelles et collectives dans un horizon dĠaction et de rŽflexion dialogal et participatif balisŽ par cinq grands principes : la responsabilitŽ, la participation, la traduction, le dialogue et le pluralisme. Par les mises en question que ces refondations du Droit suscitent, nous sommes invitŽs ˆ nous plonger dans les aspects plus intŽrieurs – ce qui ne signifie pas forcŽment plus individuels – des enjeux, ˆ oser nous ouvrir ˆ la vie et au pluralisme, ce qui est lĠobjet de la dernire vague des textes.

 

Le dernire partie ouvre aux dimensions du Ç mŽtapolitique È qui pointe vers la relation non-dualiste entre lĠintŽrioritŽ et lĠextŽrioritŽ È (Panikkar 1999 : 45) et Ç rŽtablit lĠunion intrinsque entre lĠactivitŽ politique et lĠtre humain. È (Panikkar 1999 : 43). Pascale C. Annoual dŽmarre la quatrime vague par une exploration des dialogues interdisciplinaires entre ethnothŽrapie et art thŽrapie. Au-delˆ des enjeux de lĠinterdisciplinaritŽ et des difficultŽs de tout travail Ç ˆ la marge È et Ç entre deux È, son texte soulve la question de la construction psychologique de nos vŽcus et le lien entre notre intŽrioritŽ et notre inscription dans le monde Ç extŽrieur È social, politique, culturel[15]. Si la politique et le droit sĠintŽressent surtout ˆ nos jeux institutionnels, son travail met en lumire la structuration des personnes que nous sommes par ces dynamiques qui nous dŽpassent et se manifestent en nous de manire plus ou moins harmonieuse ou conflictuelle. Nos Ç problmes psychologiques È ne sont pas quĠindividuels : ils refltent les structures de pouvoir, les chocs entre les mondes dans lesquels nous pouvons tre pris dans nos vies. La science non plus nĠest pas neutre. Le racisme institutionnel a des effets trs concrets sur les tres humains qui en souffrent, et pourtant il est niŽ par la science qui devrait contribuer ˆ les soigner, les institutions modernes et la science qui leur est liŽe Žtant perues non pas comme des visions du monde particulires et exerant un certain pouvoir mais comme des universaux, au-delˆ de la sphre des jeux de pouvoir par leurs porte-parole. LĠethnothŽrapie, en prenant au sŽrieux la dimension culturelle de lĠtre humain – mais sans le rŽduire ˆ celle-ci –, appara”t donc comme touchant un tabou – la dimension interdisciplinaire en lien avec lĠart thŽrapie souligne la difficultŽ quĠil y a ˆ aborder lĠhumain dans sa totalitŽ. Toute science doit rŽduire le tout quĠelle Žtudie pour pouvoir lĠaborder. Malheureusement, cette nŽcessitŽ mŽthodique devient souvent une forme de prison dont il ne semble ne pas y avoir dĠissueÉ ou alors au risque de lĠexcommunication par les gardiens du temple de la discipline donnŽe dont on a eu lĠaudace dĠouvrir les limites ou ˆ partir de laquelle on a osŽ lĠouverture ˆ dĠautres approches. La dernire contribution, illustre de manire diffŽrente le lien entre intŽrioritŽ et Ç vie dans la monde È. Ce texte, tirŽ dĠune interview avec Meenakshi Devi Bhavanani, prŽsente, selon une perspective indienne, et plus particulirement de Yoga, une approche plus holiste de la question du courage, ou virya. Cet Žquivalent indien ˆ la notion de courage est intimement liŽ ˆ la notion de vertu : il ne saurait y avoir de vrai courage sans cadre, sans mode de vie vertueux. Mais si virya souligne lĠimportance du cadre dans son aspect de vertu, il pointe aussi vers lĠexploration de nos mondes intŽrieurs. Le vŽritable virya, le vŽritable hŽro, incarnant courage et vertu est celui qui ose se lancer ˆ la dŽcouverte de lui-mme pour dŽcouvrir ce quĠil est au niveau le plus profond. CĠest un hŽro qui nĠa pas peur de sĠouvrir ˆ lui-mme, aux autres et au monde, et ainsi de rentrer en harmonie avec ce qui est[16]. Cette dŽmarche existentielle rappelle lĠimportance de ne pas rŽduire lĠtre humain ˆ une somme de connaissances ou de savoirs faire, mais de ne jamais perdre de vue le mystre quĠil est.

 

On raconte quĠau Japon il y avait un grand champion de tir ˆ lĠarc. Un jour il f”t la dŽmonstration de ces aptitudes. Tout le monde Žtait fort impressionnŽ. Ses flches atteignaient toutes le cÏur des diffŽrentes cibles quĠil visait. Le public Žtait particulirement impressionnŽ par sa dŽmonstration de dŽcocher en toute vitesse une sŽrie de flches tout en gardant une coupe remplie dĠeau en Žquilibre sur son avant bras, et sans en renverser la moindre goutte. Mais il y avait un homme dans lĠassemblŽe qui ne semblait pas du tout impressionnŽ, ce qui intrigua lĠarcher et le poussa ˆ lĠinterpeller. Ç Votre technique nĠest pas mauvaise, mais vous nĠavez rien rŽalisŽ du Kyudo, de la voie de lĠarc. È constata le vieil homme. Ç Comment a ? È Ç Venez avec moi et vous comprendrez. È Le jeune champion intriguŽ suivit donc le vieil homme qui le mena au sommet dĠune montagne. Lˆ, il se dirigea vers un rocher qui surplombait un prŽcipice qui semblait sans fond, puis se retourna et recula jusquĠˆ ce que les deux tiers de ses pieds dŽpassrent le rocher et surplombrent le vide. Ç Venez prs de moi ! È lana t-il au jeune champion. Ç Venez et tirez une flche dĠici. È Le jeune champion saisi de panique, sĠeffondra compltement. Il essaya nŽanmoins de tenter de relever le dŽfi et se mit ˆ quatre pattes pour approcher du gouffre. Mais cĠen Žtait trop pour lui. InondŽ de sueur, il se retrouva finalement compltement paralysŽ de peur avant de finalement pŽniblement rŽussir ˆ retourner en lieu sžr. Le vieil homme lui dit alors : Ç Vous avec acquis une technique de tir ˆ lĠarc. Mais bien quĠexcellente, ce nĠest pas lˆ la voie de lĠarc qui vous permettra dĠatteindre la cible. È

 

Ç DĠune extrŽmitŽ de son arc

LĠarcher perce le Ciel

De lĠautre, il pŽntre la Terre.

Tendue entre les deux

La corde lance la flche

Au CÏur de la Cible visible

Et invisible. È (Fauliot 1984 : page de garde).

 

Ouvertures

Vous lĠaurez constatŽ, cher lecteur, de passionnantes lectures vous attendent. Pour conclure cette introduction et ouvrir la piste ˆ de nouvelles explorations, revenons ˆ lĠhistoire introductive du Mulla Nasrudin. Si lĠon y regardait ˆ deux fois, se pourrait-il que lĠhistoire contienne aussi un autre enseignement que celui que nous avons mis en exergue au dŽbut de notre rŽflexion ? Aprs tout, le Mulla est cŽlbre comme ma”tre de folle sagesse[17]. Il nĠest pas fou au sens habituel du terme, mais agit dĠune manire qui interpelle et rŽvle une sagesse sous-jacente aux situations. Si nous voyons le bateau et son Žquipage comme les moyens que nous nous sommes donnŽs pour naviguer sur le grand ocŽan de la vie, il peut tre utile de se rappeler que la vie nous dŽpasse, quĠelle dŽpasse les conceptualisations que nous pouvons en avoir, les plans que nous pouvons projeter sur elle. Il arrive quĠelle nous envoie des secousses, nous fasse vivre des chocs existentiels, parfois au niveau individuel, parfois au niveau collectif. La rŽaction naturelle, autant individuelle que collective, est alors de sĠagripper ˆ ses certitudes, de ne surtout pas l‰cher prise sur les seules certitudes que nous avonsÉ Et pourtantÉ La vie sera toujours plus forte. Peut-tre pourrions-nous apprendre ˆ l‰cher prise. Peut-tre quĠˆ un niveau existentiel, le fait de l‰cher prise, de laisser le bateau de nos projections et intellectualisations couler pourrait nous ouvrir ˆ une manire dĠtre diffŽrente, moins peureuse, plus courageuse et compassionnŽe pour ce qui est. Le phŽnix doit dĠabord mourir pour pouvoir ressusciter... et redŽcouvrir peut-tre ainsi une nouvelle harmonie. Peut-tre en est-il de mme avec les tres humains, autant dans leurs aventures personnelles que collectives. Belles inspirations dĠouverture ˆ vous tous, chers lecteurs, et bonnes dŽcouvertes sur les chemins de lĠinterculturalisme et du pluralisme – vous y dŽcouvrirez, peut-tre et entre autres, votre propre humanitŽ ! Le proverbe dit : Ç Le sage pointe du doigt la lune. LĠimbŽcile regarde le doigt. È Lors de la dŽcouverte de cet ouvrage, osez dŽtacher de temps en temps votre regard des textes, des argumentations et des concepts et laissez glaner votre regard vers lĠhorizon vers lequel ils pointent !

 

 

 

 

Bibliographie

 

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Sommaire

 

 

Christoph Eberhard : Le courage des alternatives. Explorations

 

 

 

Courage, l‰chetŽ, alternatives ? Une introduction

 

 

Franois Ost : Courage ? Vous avez dit courage ?

 

Laurent Desutter : La l‰chetŽ du droit.

 

Emongo Lomomba : Il Žtait une fois lĠAutreÉ Propos pour une recherche en alternatives.

 

 

 

Cosmopolitisme, dŽveloppement durable et DŽcroissance : contestations et alternatives pour un autre monde

 

 

Jim Dratwa : Dans quel monde voulons nous vivre ensemble ? ExpŽriences collectives alternatives et ŽpistŽmologies cosmopolitiques

 

Bruno Mallard : Pourquoi envisager des alternatives ? Une rŽflexion sur la pauvretŽ et le progrs social.

 

Priscilla Claeys : Vers des alternatives au capitalisme nŽolibŽral par une conception alternative des droits humains ? LĠexpŽrience des organisations paysannes

 

Jean Paul Segihobe & Beno”t Mutambayi : La dette des pays en dŽveloppement ˆ lĠaune des alternatives. Vers un Ç plurivers È de contestations ?

 

NoŽmie Candiago : Du courage politique pour la DŽcroissance

 

 

 

Refonder nos Droits et notre gouvernance ? Vers une nouvelle grammaire du vivre ensemble

 

FrŽdŽric Bouscaut : RŽflexions sur la juridicitŽ du dŽveloppement durable. Glissement vers une ontologie relationnelle ?

 

Dominik Kohlhagen : Oser une refondation de la Justice en Afrique. Attentes citoyennes et alternatives au Burundi.

 

 

Akuavi Adonon : Le courage de lĠinnovation juridique. Dynamiques de lĠinteraction interculturelle au Mexique.

 

Monique Kouaro : La participation communautaire. Enjeux et dŽfis dĠune gouvernance alternative

 

Jovita De Loatch : Imperfect Alternatives and the Invisible Elephant: The Complex Nature of Environmental Governance

 

Christoph Eberhard : Vers une gouvernance responsable ? Le juriste face aux alternatives Žmergentes

 

 

Au-delˆ du droit, de la gouvernance et du dŽveloppement durable. Vers de nouveaux horizons

 

Pascale C. Annoual : Oser le regard interdisciplinaire.  Vers un dialogue culturellement compŽtent entre ethnothŽrapie et art thŽrapie

 

Meenakshi Devi Bhavanani : Virya. A Yoga Perspective on Courage and Virtue

 

 

Contributeurs

 



[1] Voir la sŽrie Dialogues for Change sur http://www.youtube.com/DialoguesForChange

[2] Le site internet Droits de lĠhomme et dialogue interculturel est consultable sur http://www.dhdi.org

[3] Voir plus particulirement Eberhard 2005, 2007, 2008a, 2010, 2011, Eberhard & Gupta 2005 et Vachon & Eberhard 2011.

[4] Mes trois autres collgues philosophes, Thomas Berns, Laurence BlŽsin et Ga‘lle Jeanmart, ont, quant ˆ eux, explorŽ la question dĠun point de vue plus philosophique. Voir leur ouvrage Le courage. Une histoire philosophique (2010) et le numŽro 2 de la revue Dissensus (septembre 2009) coordonnŽ par Laurence BlŽsin et par Ga‘lle Jeanmart et dŽdiŽ aux Figures du courage politique dans la philosophie moderne et contemporaine.

[5] Voir dans ce contexte Joliot 2001, Koestler 1960, Kuhn 1994.

[6] Voir, dans ce contexte, Panikkar 1982 et le numŽro spŽcial nĦ 135 dĠInterculture (1998), paru ˆ lĠoccasion du 35e anniversaire de lĠInstitut Interculturel de MontrŽal et du 30e anniversaire de sa revue Interculture et intitulŽ : LĠIIM et sa revue. Une alternative interculturelle et un interculturalisme alternatif.

[7] Cosmos, en grec, signifie Ç parure È.

[8] Sur ces questions, voir tous les enjeux dĠune dŽmarche diatopique et dialogale et de la recherche dĠŽquivalents homŽomorphes dĠune culture ˆ lĠautre. Pour une introduction voir Eberhard 2011 : 157 ss.

[9] Des informations sur lĠIIM, ses projets et sa revue Interculture sont disponibles sur http://www.iim.qc.ca/. LĠentiretŽ de la collection dĠInterculture est en voie de numŽrisation et devrait bient™t tre accessible sur internet.

[10] Dans la peinture originale, lĠŽlŽphant est plus blanc quĠil nĠappara”t sur la couverture.

[11] Raimon Panikkar (1982 : 14) Žcrit: Ç Le r™le du mythe ! Certes nous sommes dans une certaine mesure les patrons du logos, car nous en connaissons les lois, mais nous ne pouvons pas manipuler le mythe. Le mythe nous Žchappe. Le mythe, nous y croyons ou nous nĠy croyons pas. Et qui plus est, quand nous nous rendons compte que nous croyons au mythe, nous cessons dĠy croire, car le mythe est ce en quoi nous croyons tellement que nous ne croyons pas que nous y croyons. C'est pour a que cĠest un mythe. Les mythes meurent comme les cultures, les hommes. On parle du mythe dŽjˆ en le changeant. LĠordre transitoire dĠune nouvelle modernitŽ serait donc celui qui laisse lĠespace pour que les mythes puissent se dŽvelopper. Il faut pour cela une confiance cosmique. LĠhomme du logos ne peut pas avoir cette confiance, car chez lui, la raison doit tout contr™ler et rester alerte pour ne pas tre dupŽe. Bienheureux les pauvres dĠesprit ! On peut les tromper, mais ils ne peuvent pas errer ! È. Sur la notion de mythos, voir aussi Panikkar 1979 ; Vachon 1995 : 31 ss.

[12] Berns et al. 2008. Voir aussi la revue spŽciale de Dissensus dŽdiŽe aux Figures du courage politique dans la philosophie moderne et contemporaine et coordonnŽe par Laurence BlŽsin et Ga‘lle Jeanmart (op. cit.). Pour un pendant interculturel ˆ partir dĠune approche bouddhiste, voir Eberhard 2012.

[13] V’a Campesina est constituŽ de mouvements paysans nationaux notoires, comme le mouvement des paysans sans terre au BrŽsil (MST), le KRSS en Inde, le CNCR au SŽnŽgal et la ConfŽdŽration paysanne en France. Son secrŽtariat international est basŽ actuellement ˆ Jakarta, en IndonŽsie. Le rŽseau compte aujourdĠhui 148 organisations dans 69 pays. Pour plus dĠinformations, voir : http://www.viacampesina.org.

 

[14] Le Ç Droit È avec une majuscule dŽsigne, dans une perspective anthropologique, ce Ç phŽnomne juridique È qui Ç met en forme et met des formes ˆ la reproduction de nos sociŽtŽs et au rglement de nos conflits È et dont le droit Žtatique et moderne nĠest quĠune variante parmi de nombreuses autres. Voir Eberhard 2011 : 205 ss.

[15] Voir sur ces questions de lien entre nos monde intŽrieurs et extŽrieurs dĠun point de vue bouddhiste Eberhard 2012 : 76 ss.

[16] Voir sur ces questions, dĠun point de vue bouddhiste, Eberhard 2012.

[17] Pour une introduction au personnage de Mulla Nasrudin et aux histoires dĠenseignement dont il est le hŽro voir Shah 1971 : 63 ss.