LES CORRIDORS ECOLOGIQUES

Vers un troisime temps du droit

de la conservation de la nature ?

 

Marie BONNIN

 

Collection : Ç Droit du patrimoine culturel et naturel È

 

ISBN : 978-2-296-05581-0 ¥ 26 Û ¥ 276 pages

 

 

 

 

 

 

 

Les corridors Žcologiques sont dŽsormais au cÏur des politiques de conservation de la nature. En cherchant ˆ relier entre eux les espaces naturels, ils freinent le dŽclin de la diversitŽ biologique en limitant les effets de la fragmentation des habitats naturels et en compensant les effets du changement climatique.

 

Cet ouvrage retrace l'histoire de l'intŽgration du concept de corridor en droit international et en droit comparŽ et permet de comprendre l'Žvolution du droit qui a accompagnŽ les politiques de conservation de la nature. Le droit de la protection de la nature s'est, dans un premier temps, attachŽ ˆ la protection des espces. La prise de conscience de l'importance des Žcosystmes a permis, dans un deuxime temps, l'adoption de textes visant ˆ protŽger les espces et leurs habitats naturels. Cependant, cette mŽthode de protection de la nature a abouti ˆ la prŽservation d'”lots de nature qui se sont avŽrŽs incapables de rŽpondre aux enjeux de maintien de la diversitŽ biologique. L'introduction des corridors Žcologiques dans les textes juridiques implique une conservation de la nature au-delˆ des aires protŽgŽes, intŽgrŽe aux politiques d'amŽnagement du territoire. Ces Žvolutions sont la marque d'une transition vers un troisime temps de la conservation de la nature.

 

Marie BONNIN est chargŽe de recherche ˆ lÕInstitut de recherche pour le dŽveloppement (IRD).

 

 
PrŽface

 

La nŽcessitŽ de protŽger la vie sauvage est apparue assez t™t et est devenue au XXme  sicle l'un des piliers du droit international de l'environnement. Mais les Etats, qui en matire d'environnement rŽagissent toujours ˆ chaud et ˆ minima, se sont le plus souvent contentŽs d'instaurer une protection spŽcifique de l'espce menacŽe contre les atteintes anthropiques par des interdictions de chasse, de capture, de transport ou de vente, sans tenir compte de ses besoins vitaux. Ce n'est que tardivement que le lŽgislateur ˆ pris en compte l'Žquation : Žcosystme = biocŽnose + biotope ; c'est alors que la protection de l'espace est devenue une prŽoccupation tout aussi importante que la prŽservation de l'espce. Les zones protŽgŽes de diverses nature juridiques se sont multipliŽes non plus seulement du fait de leurs qualitŽs esthŽtiques, historiques ou pittoresques, mais bien en tant qu'espace vital au maintien des espces -cibles animales ou vŽgŽtales. C'est ainsi que furent protŽgŽes des zones de nourrissement, des zones d'hivernages, des aires de repos des migrateurs, des zones de reproduction. Selon cette nouvelle perception de la nature, le droit ne se contentait plus de protŽger les oiseaux utiles ˆ l'agriculture (Paris 1902), mais protŽgeait des biotopes particuliers comme les zones humides (Ramsar 1971), ou bien un ensemble ŽcosystŽmique ˆ l'Žchelle d'un continent comme la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe (Berne 1979). De parcs en rŽserves naturelles, d'habitats prŽservŽs en aires marines protŽgŽes, le droit international comme le droit national ont crŽe un ensemble de "taches" ou l'homme a plus ou moins rŽduit ses activitŽs, ou mme il a restaurŽ puis entretenu un certain Žtat de la nature afin de faciliter les relations des tres vivants avec leur milieu. Cette vision ŽcosystŽmique reprŽsente une avancŽe certaine dans les relations entre l'homme et la nature: la vie sauvage Žtait reconnue comme possŽdant une valeur intrinsque, la nature n'Žtait pas uniquement au service de l'homme, et celui-ci avait en consŽquence le devoir de partager la Terre avec les autres formes de vie.

Cette Žvolution, pour intŽressante qu'elle fut, ne reprŽsentait cependant qu'une Žtape. En effet, la politique des espaces protŽgŽs conduisait ˆ crŽer des Ç ”lots È de nature au milieu d'un Ç ocŽan È urbanisŽ et d'industrialisŽ. La question des isolats biologiques n'avait jamais ŽtŽ ŽvoquŽe par les juristes; lorsqu'en 1972 les Principes de la DŽclaration de Stockholm avaient ŽtŽ rŽdigŽs, la question fondamentale du maintien de la faune et de la flore sauvages n'avait ŽtŽ envisagŽe comme essentiel que pour le dŽveloppement Žconomique (Principe 4) et le problme de la prŽservation des plasmas germinatifs tout comme celui des ressources gŽnŽtiques n'Žtaient soulevŽs que pour maintenir les capacitŽs de production de la plante (Recommandation 43). Il faut attendre la Charte de la Nature adoptŽe par l'assemblŽe GŽnŽrale des Nations Unies le 29 octobre 1982, pour que la prŽservation de la diversitŽ gŽnŽtique et le maintien des diffŽrents types d'Žcosystmes soient abordŽs au nom de la valeur intrinsque de la nature. Les Žcologues avaient depuis longtemps attirŽ l'attention pouvoirs publics sur les dangers des isolats naturels enfermant des populations et de ce fait, limitant les brassages gŽnŽtiques au dŽtriment de la survie des espces endŽmiques. Des observations et mme des expŽriences avaient ŽtŽ faites sur des "chemins" susceptibles de relier entre eux les espaces protŽgŽs afin de dŽsenclaver les espces, de permettre leur dŽplacement et donc un brassage minimum des gnes. On citera parmi les plus intŽressantes ou les plus surprenantes de ces voies de liaison: les berges des fleuves, les bermes des routes, les haies des boccages et mme les ballasts de voies ferrŽes. Tous les espaces de liaison furent qualifiŽs de corridors biologiques, qu'ils servent ˆ la reproduction, aux migrations, ˆ l'hibernation ou ˆ la dispersion des espces.

L'utilitŽ de ces corridors au plan biologique n'est plus ˆ dŽmontrer, mais on constate d'emblŽe que le dŽveloppement de tels espaces linŽaires va se heurter ˆ de nombreux impŽratifs gŽographiques, sociaux, Žconomiques et donc juridiques. Le concept mme de corridor va s'opposer ˆ ceux de frontire et de territoire et vient s'ajouter ˆ une cartographie administrative et Žconomique dŽjˆ complexe sur des territoires anthropisŽs : le corridor biologique va gŽnŽrer des conflits de compŽtences et d'intŽrts. On comprend ainsi que ce concept ne pouvait que susciter l'intŽrt du juriste. Marie Bonnin, spŽcialiste de droit de l'environnement, a eu l'idŽe dans cet ouvrage de confronter cette thŽorie issue de la biologie des populations aux principes juridiques. Il s'agissait d'inventorier les conflits, d'Žtudier la possibilitŽ d'instaurer une coopŽration dŽpassant les frontires et de superposer des rŽgimes juridiques dont les objectifs sont souvent opposŽs. L'auteure a recherchŽ aussi bien les mesures contraignantes que non contraignantes, a inventoriŽ l'ensemble des acteurs concernŽs et a ŽtudiŽ les rŽactions juridiques ˆ la fragmentation des habitats naturels. Marie Bonnin a ensuite recensŽ les initiatives ˆ tous les niveaux de compŽtence: locales, nationales, internationales et a prouvŽ une progressive intŽgration des corridors dans le droit positif, marquant ainsi un troisime temps dans la conservation de la nature. Son raisonnement s'articule autour de quatre constatations, tout d'abord l'Žmergence d'une coopŽration internationale autour des habitats naturels, ensuite la recherche d'une rŽelle conciliation entre activitŽs anthropiques et habitats naturels, en troisime lieu l'intŽgration des corridors ˆ tous les niveaux de crŽation de la rgle de droit, enfin l'auteure dŽmontre que les corridors sont un facteur d'amŽnagement durable de l'espace. Marie Bonnin conclut son ouvrage en faisant remarquer que le droit de la conservation de la nature relevait essentiellement  d'une approche verticale de l' Etat sur son territoire o il Ždictait des normes coercitives ; au contraire la mise en place de corridors biologiques semble relever de ce qu'elle qualifie de "dŽsordre" car les mesures de nature juridique diffŽrentes relvent tant™t d'une approche ascendante, d'autres sont Žtablies au plus haut niveau dans une approche descendante et les outils juridiques utilisŽs sont tous diffŽrents. Ainsi les corridors relvent d'une nouvelle approche tant Žcologique que juridique, preuve d'un dynamisme de la discipline pour la grande cause qu'elle entend servir.

L'ensemble du travail qui nous est livrŽ, outre son aspect novateur, fortement synthŽtique et trs rigoureux, prŽsente incontestablement un intŽrt tant thŽorique que pratique faisant qu'il dŽpasse nettement le seul intŽrt des juristes, mais qu'il s'offre ˆ la rŽflexion des chercheurs des sciences exactes, des Žlus comme des amŽnageurs. Si l'on ajoute ˆ cela une incontestable qualitŽ d'Žcriture, on comprendra que sa lecture est non seulement intŽressante mais Žgalement agrŽable.

Enfin, je conclurai ce propos en disant que le suivi de cette recherche qui permit ˆ Marie Bonnin de montrer sa persŽvŽrance, m'a donnŽ l'occasion de dŽcouvrir une chercheuse de grande qualitŽ, passionnŽe et donc passionnante, ainsi qu'une personnalitŽ forte et attachante. Que ce travail soit le dŽbut d'une longue et belle carrire au service de l'environnement!

 

 

                                                                   Jean-Pierre BEURIER

 

 

 


SOMMAIRE

 

 

Chapitre prŽliminaire : Approches scientifiques des corridors Žcologiques

 

 

Premire partie

Les prŽmices de la prise en compte des corridors par le droit

 

Titre 1 : L'Žmergence d'une coopŽration internationale autour des habitats naturels

     Chapitre 1 : La coopŽration internationale dans les zones protŽgŽes

     Chapitre 2 : La coopŽration internationale en dehors des zones protŽgŽes

 

Titre 2 : La recherche d'une conciliation entre les activitŽs anthropiques et les habitats naturels

     Chapitre 1 : Agriculture et sylviculture, vecteurs d'une dŽfragmentation ?

     Chapitre 2 : Infrastructures Žcologiques et infrastructures de transport

 

 

Deuxime partie

La reconnaissance juridique des corridors

 

Titre 1 : Une reconnaissance au niveau international

     Chapitre 1 : Les ŽlŽments conventionnels relatifs ˆ la protection des corridors

     Chapitre 2 : Les ŽlŽments non contraignants relatifs ˆ la protection des corridors

 

Titre 2 : L'intŽgration des corridors dans les droits nationaux

     Chapitre 1 : DiffŽrentes approches du concept de rŽseaux Žcologiques

     Chapitre 2 : Le r™le de mise en Ïuvre des autoritŽs locales