Gerti Hesseling, Moussa DjirŽ et Barbara M. Oomen (Žditeurs),

 

 

Le droit en Afrique. ExpŽriences locales et droit Žtatique au Mali

 

 

Leyde et Paris, Afrika-Studiecentrum et Karthala,

Collection Hommes et sociŽtŽs, 2005, 294 p.

 

 

Fruit dÕun projet de coopŽration entre le Mali et les Pays-Bas, ce livre prŽsente huit Žtudes qui portent sur diffŽrents aspects de la dŽcentralisation au Mali ˆ partir dÕune approche dÕanthropologie du droit mise en Ļuvre par des juristes, tous professeurs dÕuniversitŽ, dont sept Maliens et une NŽerlandaise. Le tout est prŽcŽdŽ dÕune excellente introduction qui expose, dÕune part, les ŽlŽments essentiels de la problŽmatique telle quÕelle a ŽtŽ construite pour les fins de cette recherche et, dÕautre part, la trajectoire suivie et les effets que lÕenqute de terrain a entra”nŽs chez ces enseignants prŽalablement engagŽs dans une logique de droit Žtatique ˆ la franaise.

 

En 2001, au moment o lÕenqute dŽbute, la dŽcentralisation est devenue partie intŽgrante de la rŽalitŽ politique malienne : prs de 10 000 conseillers ont ŽtŽ Žlus au sein des 701 communes et diverses confrontations se sont manifestŽes entre villages, communes rurales, groupes ethniques, autochtones et Ē Žtrangers Č. Tout en gardant en mŽmoire leur connaissance des textes relatifs ˆ cette dŽcentralisation, les chercheurs ont ŽlaborŽ leur projet de recherche en utilisant la perspective et les concepts qui caractŽrisent actuellement lÕanthropologie du droit. Cette perspective privilŽgie le point de vue des acteurs et leur utilisation des processus de nŽgociation ou dÕimposition et des ressources mobilisables au sein des diffŽrents rŽseaux en cause. Parmi les notions et concepts utilisŽs par les anthropologues du droit, deux ont ŽtŽ particulirement mis ˆ profit : 1) le champ social semi-autonome qui se situe dans une matrice sociale plus large, qui lÕinfluence, mais quÕil influence aussi, et qui est capable de gŽnŽrer et de faire respecter un certain nombre de rgles et manires dÕagir; 2) lÕarne politique qui propose une analyse en termes dÕacteurs clŽs, des ressources dont ils disposent et de leurs stratŽgies. Comme le souligne lÕintroduction rŽdigŽe par Gerti Hesseling et Barbara Oomen, alors quÕelle cherche ˆ lier les localitŽs ˆ lՃtat national, dans le but de le fortifier, la dŽcentralisation et ses effets locaux, notamment en ce qui concerne lÕaccs aux ressources naturelles, constituent un des sujets dՎtude les plus appropriŽs ˆ la perspective des anthropologues du droit. En outre, le fait dÕutiliser cette perspective nÕa pas pour autant fait perdre aux chercheurs leurs qualitŽs de juristes, mais les a plut™t entra”nŽs vers une Ē une interrŽflexion fructueuse des deux disciplines Č (p. 21)

 

Chacune des huit contributions tŽmoigne du succs de lÕentreprise. Sont abordŽs tour ˆ tour : les dynamiques locales et la sŽcurisation foncire dans le contexte de la dŽcentralisation ˆ Sanankoroba; les pratiques foncires dans un contexte marquŽ par le pluralisme institutionnel et juridique ˆ Bancoumana; la dŽcentralisation vue sous lÕangle dÕun projet de lotissement ˆ Douentza; les stratŽgies dŽployŽes face ˆ la tutelle, en tant que contr™le de la lŽgalitŽ et en matire dÕassistance conseil sur les collectivitŽs dŽcentralisŽes de YŽlŽkŽbougou et de Sanankoroba; le recours par les diffŽrents acteurs aux diverses ressources disponibles Š droit Žtatique, tradition, violence Š pour conquŽrir lÕaccs aux bourgoutires et en contr™ler lÕutilisation dans le delta du Niger; la dŽcentralisation et la gestion des ressources naturelles associŽes ˆ une mare situŽe entre deux communes rurales dans le cercle de Sikasso; le r™le jouŽ par une sociŽtŽ initiatique dans la gestion des ressources naturelles dans le village de NÕgorogodji; et la dynamique de fixation des populations tamacheq nomades sur les terres agropastorales du fleuve Niger et ses implications foncires.

 

Un livre dont la lecture est vraiment instructive. Un projet de coopŽration si fructueux quÕil mŽrite dՐtre Žtendu ˆ dÕautres domaines, par exemple ˆ la promotion et la protection des droits de la personne au Mali, en ayant toujours recours ˆ des chercheurs juristes de profession et formŽs aux mŽthodes de recherche caractŽrisant la mme perspective dÕanthropologie du droit et visant ˆ conna”tre le mieux possible la rŽalitŽ vŽcue par les acteurs directement engagŽs sur le terrain.

 

 

 

Alain Bissonnette

avocat et anthropologue

Consultant auprs de lÕAgence canadienne de dŽveloppement international (ACDI)