Gilda Nicolau, Genevive Pignarre et RŽgis Lafargue,

 

Ethnologie juridique. Autour de trois exercices

 

Dalloz, MŽthodes du droit, 2007, 423 p

 

 

LĠouvrage coordonnŽ et Žcrit (premire partie partagŽe avec RŽgis Lafargue et second exercice) par Gilda Nicolau, prŽsente une premire partie thŽorique suivie dĠune seconde plus pratique composŽe de trois exercices.

 

Les deux premiers exercices portent sur la coexistence du droit Žtatique et du droit endogne (coutumier) en Nouvelle CalŽdonie. Le second procde ˆ une comparaison du fonctionnement de la juridiction des mineurs en mŽtropole et en Nouvelle CalŽdonie devant un conflit de cultures. Le troisime traite de ce double contact ˆ travers la nŽgociation dĠune convention collective.

 

Le passage de lĠŽtude ethnologique (faite de descriptions ethnographiques et dĠanalyses dans les trois exercices), ˆ lĠanalyse thŽorique gŽnŽrale destinŽe ˆ les relier et ˆ les comparer est aussi celui de lĠethnnologie ˆ lĠanthropologie (que lĠon peut aussi considŽrer comme synonymes). Le titre retient le plus petit dŽnominateur commun.

 

Les deux parties sont interdŽpendantes tout en pouvant tre lues dans le dŽsordre. La comparaison montre ici ses diffŽrences avec le droit comparŽ dans la mesure o les objets sociaux observŽs appartiennent ˆ des domaines du droit en apparence trs ŽloignŽs mais se rejoignent sur des points essentiels qui tiennent lieu de paradigmes (rŽintroduction du sens de lĠautre dans le droit, communication transculturelle ou dialogie).

 

La comparaison repose sur la recherche dĠŽquivalents homŽomorphes, c'est-ˆ-dire de moyens employŽs par les sociŽtŽs pour parvenir aux mmes fins que le droit (Žtatique). A cette mme fin dĠŽquivalence, lĠouvrage prend le parti de nommer droit (avec une minuscule) ce droit endogne qui en possde bien les caractres gŽnŽralement reconnus.

 

 

Les auteurs sĠaccordant ˆ la collection Ç mŽthodes du droit È font une place essentielle ˆ la mŽthode ; lĠouvrage rŽpond dĠemblŽe par la nŽgative ˆ la question de savoir si lĠethnologie juridique est une simple application des mŽthodes de lĠethnologie au droit. Il y a bien un syncrŽtisme disciplinaire qui va dĠailleurs bien au delˆ des deux disciplines visŽes (Chapitre 1. Žchanges et partages disciplinaires).

 

LĠouvrage montre que les mŽthodes dĠinvestigation de lĠethnologie viennent apporter des mŽthodes Ç de terrain È inusitŽes par les juristes et avec elles, les acquis thŽoriques de lĠethnologie et de lĠanthropologie. La rencontre des disciplines produit aussi ses propres altŽrations rŽciproques ; les cultures juridiques, champ de lĠinterdiscipline sĠentendent ici dans leur sens dynamique, toujours en train de se faire et dŽfaire, et large (recouvrant tout le champ de la juridictitŽ) ; le Droit Žtatique nĠen est quĠune partie avec lequel il y a lieu dĠŽtudier les relations.

 

Ainsi, le souci de lĠinteraction du chercheur avec le terrain observŽ, et partant la recherche dĠune objectivitŽ autrement construite ˆ travers la description ethnographique, sĠajoute ˆ celui de ne pas plaquer dĠautres catŽgories et classifications que celles employŽes par les groupes observŽs. Partant, sĠil y a lieu dĠobserver les juristes, il faut aussi faire du droit ˆ la manire dont les juristes lĠentendent, ce qui est une diffŽrence essentielle avec les mŽthodes de la sociologie.

 

CĠest par ailleurs au droit, que lĠon empruntera la notion de dŽfinition stipulative (M. Troper, D. De BŽchillon). Il sĠagit de sĠentendre sur lĠobjet sur lequel on travaille!

 

CĠest simplement ˆ une dŽfinition plus large que sĠaccordent les anthropologues du droit qui se placent notamment du point de vue des destinataires de la rgle et observent leur capacitŽ dĠoptions juridiques ou non (forum shopping) ; lĠidŽe de non-droit, dŽgagŽe par le doyen Carbonnier, face cachŽe ou invisible des juristes, constituant une des extensions du champ disciplinaire, est le domaine de prŽdilection de anthropologues de formation. Les Žtudes sont fŽcondes dont la confrontation ˆ celles des juristes permettent de stigmatiser tant le panjurisme (voir du droit partout), que les ethnocentrismes (voir la Ç coutume È ou le Ç droit spontanŽ È ˆ lĠidentique du droit Žcrit).

 

Au centre de lĠouvrage, une analyse rŽflexive de la notion dĠethnocide (destruction culturelle de lĠautre et partant de soi) pose en termes de responsabilitŽ du droit ou de son ineffectivitŽ, la permanence de la crise identitaire des sociŽtŽs occidentales et occidentalisŽes. Les pathologies de lĠaltŽritŽ que conna”t la sociŽtŽ contemporaine sont attribuŽes ˆ ce phŽnomne invasif. Il appartient ˆ la recherche juridique dĠŽlaborer des moyens de le combattre. LĠinstitutionnalisation dĠun principe de reconnaissance mutuelle, comme une approche transculturelle des droits de lĠhomme en font partie. LĠensemble de lĠouvrage et particulirement cette partie sont un hommage ˆ lĠethnologue Robert Jaulin.

 

ProcŽdant ˆ une anthropologie du dŽtour, la confrontation du droit Etatique et de la Coutume juridique en Nouvelle CalŽdonie avec celle de la rencontre du Droit Žtatique (exogne) et du droit endogne du travail, offre un regard diffŽrent sur la part juridique du non droit Žtatique ou plut™t sur leur co-Žmergence. Dans les exemples prŽsentŽs, le droit se crŽe par phŽnomnes de procŽduralisation et en rŽalisent lĠendogŽnŽisation (fabrication du droit de lĠintŽrieur dans un cadre Žtatique). De son c™tŽ, en fournissant un cadre juridique ˆ ce processus, le droit entre dans la sociŽtŽ par inculturation (par opposition ˆ acculturation gŽnŽralement imposŽe).

 

Ce pluralisme juridique de fait (pas nŽcessairement organisŽ par lĠEtat) ou multijuridisme nourrit actuellement les controverses doctrinales en anthropologie juridique, au point dĠoccuper lĠessentiel de la discipline.

 

Comme les contradictions font progresser les mŽthodes, lĠouvrage Ïuvre simplement pour une version plus mŽthodique (et Žthique) de lĠŽtude du dialogue entre droit et sociŽtŽ.