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Haoua LAMINE 03/02/1999
Questionnement :
Quelle est la place de l'étranger au sein de la société d'accueil ? Quelle est sa situation, comment est - il appréhendé par les nationaux .
Notre interrogation portera sur le statut de l'étranger.
Champ de réflexion :
Nous tenterons d'élucider quel est le rôle de l'Etat, dans la
détermination de ce statut, d'une part et d'autre part, quelle en
est la part de l'autochtone (uniformisé, concrétisé
par l'opinion public). Notre terrain d'étude est la situation en France,
avec pour axe d'orientation, le mouvement des sans papier.
Auparavant nous présenterons brièvement les grandes étapes
de l'immigration en France et nous cernerons la notion
d'immigré en l'isolant de celle
d'étranger.
Brève présentation de l'évolution historique des
grandes étapes de l'immigration en France :
En dépit des apparences, l'immigration n'est pas un phénomène récent en France.
Dans cet espace, ce carrefour, se superposent et se mêlent, depuis
la nuit des temps, des hommes d'origines très diverses.
Dès la préhistoire, ce territoire se distingue par l'accumulation
et le mélange de populations.
Différentes étapes d'immigration : (entrée
d'étrangers sur le territoire)
* migrations belliqueuses
- conquêtes romaines
- nombreuses vagues d'invasions
*immigrations économiques, religieuses, politiques
.
Cette immigration ne correspond pas à un besoin démographique,
car la France est alors le pays le plus peuplé d'Europe. Elle répond
à un appel de spécialistes dont le pays manque (artistes italiens,
armateurs castillans, fabricants de drap hollandais, mercenaires suisses
ou espagnols, ils font souche en France dans le commerce, l'armée
ou l'administration).
Après 1850 la situation change totalement. La révolution
industrielle provoque un énorme besoin de main-d'oeuvre non
qualifiée. Au même moment les couples réduisent leur
progéniture par la contraception naturelle qui se répand en
dépit des interdits de l'Eglise. Les premières vagues d'immigration
moderne proviennent uniquement des pays limitrophes : Belgique, Luxembourg,
Hollande, Angleterre, Suisse, Allemagne, Italie
Dès la première guerre mondiale, la République puise
dans ses colonies les forces qui lui manquent. Des tirailleurs
sénégalais sont expédiés au front tandis que
des indochinois sont appelés à travailler dans les usines
d'armement.
L'appel massif à la main d'oeuvre étrangère est rendu
nécessaire par la conjonction des impératifs de la reconstruction
et de la tragique saignée de la Première guerre mondiale.
L'après 1918 consacre l'arrivée massive des premiers immigrés non frontaliers (Pologne, Ukraine, Russes blancs, Algérie, Chine). La France devient un véritable pays d'immigration, à l'instar des USA, en 1931 avec 2,7 millions d'étrangers pour 42 millions d'habitants (soit 6,4 %, taux record identique à celui de 1990).
L'immigration reprend massivement à partir des années 50, fortement
encouragée par l'Etat et par le patronat. Après-guerre, Italiens,
Espagnols, Polonais et Belges forment encore à eux seuls l'essentiel
de l'effectif étranger, mais ils se fondent progressivement dans la
population française. Leur succèdent les Algériens puis
à partir de la fin des années 50, les Marocains et les Tunisiens,
eus même suivis par les Portugais un peu plus tard. Depuis la suspension
officielle de l'immigration de travail non qualifié en 1974, les Africains
noirs et asiatiques progressent au sein de la population étrangère,
principalement à travers le regroupement familial, même si leur
poids relatif reste faible.
Ces nouveaux mouvements ont considérablement bouleversé la physionomie de la population étrangère. Si l'immigration demeure pour l'essentiel un mouvement de proximité (Europe du Sud, Maghreb), ses origines se sont considérablement diversifiées.
Même si les Portugais restent en 1990 la première communauté
par le nombre, la part des ressortissants européens a décru
spectaculairement. Les Algérien figurent endeuxième rang
(1975 : 55% des étrangers originaire de la CEE, 1990 : 36%).
Par-delà les origines éparses, les différents contextes
historiques et économiques qui ont présidé à
leur arrivée en France, les immigrés de France, depuis un
siècle, ont en commun d'avoir été amenés à
choisir, à un moment de leur parcours, rarement sans douleur, de rester
en France et, pour certains de faire venir leur famille.
L'intégration des étrangers s'opère par le jeu d'une
volonté politique qui, si elle a été rarement
proclamée, est le produit de la longue histoire des migrations.
COMMENT DÉFINIR L'IMMIGRÉ ?
Alors que le Petit Robert définit l'immigré comme celui
qui est venu de l'étranger, l'usage courant donne à
ce mot un sens ambigu, mêlant une donnée juridique - la
nationalité - à des éléments subjectifs .
Le terme immigré fait ainsi référence à
l'apparence physique, à la couleur de la peau, tout comme au statut
social, au mode de vie, voire à la crainte qu'inspire quelqu'un. Un
banquier ou un diplomate étranger n'est pas considéré
comme un immigré, alors que des enfants de travailleurs immigrés,
nés en France et de nationalité française, sont couramment
qualifiés d'immigrés alors qu'ils ne sont nullement
venus de l'étranger .
Jusqu'à la fin des années 1930, la France était un pays d'immigration, mais elle n'avait pas de politique de l'immigration. La nécessité d'en construire une devient cependant un enjeu à l'approche de la guerre. Le combat qui en résultera aboutira à la libération, à l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Cette ordonnance est encore aujourd'hui le cadre juridique de la politique
française de l'immigration. Conçue pour planifier une immigration
attendue, cette ordonnance est devenue progressivement un instrument de
contrôle des étrangers considérés comme des intrus.
A l'époque où s'élaborait ce qui allait devenir l'ordonnance
de 1945, l'immigration n'était pas traitée en problème
mais en nécessité nationale.Si elle faisait l'objet
de débats chez les décideurs, c'était pour savoir s'il
fallait privilégier la quantité ou la
qualité . La question était de savoir s'il était
préférable d'accueillir en raison d'impératifs
démographiques, avec cependant un souci d'assimilation, une population
sélectionnée parmi les étrangers les plus à
même d'intégrer à terme le corps social français
ou si le besoin urgent de main d'oeuvre devait contribuer à l'accueil
massif d'une population étrangère sans distinction d'origine.C'est
la seconde solution qui l'emporta. Le gouvernement va même jusqu'à
faciliter les conditions dans lesquelles les travailleurs étrangers
installés en France peuvent se faire rejoindre par les membres de
leur famille.
En 1945, le gouvernement attendait une immigration contrôlée
mais bienvenue. De nos jours, l'immigré est devenu un intrus. Tout
commence à dégénérer
en 1974, date à laquelle la France, comme beaucoup de ses partenaires
européens, a décidé de mettre fin à l'immigration
de travail. Depuis, la question de l'immigration à fait, l'objet d'une
vingtaine de réformes législatives, à quelques nuances
près, celles-ci ont toujours été conduites au nom de
la même logique : mieux réprimer l'immigration clandestine,
rendre plus efficace les dispositifs d'expulsion, renforcer les contrôles
des frontières, pour favoriser l'intégration des
étrangers réguliers . Or, les statiques qui soulignent
que le nombre des entrées d'étrangers en France, toute
catégorie confondue (et non pas seulement des travailleurs ) a
considérablement baissé, montrent bien que l'objectif de la
politique gouvernementale menée depuis quelques années,
n'était pas principalement de lutter contre l'immigration clandestine
mais bien de tarir le flux migratoire.
Comme il a été précisé les modifications
législatives, dans le domaine du droit des étrangers, se
caractérisent par leur durcissement.
Les loi du 11 mai 1998, relative à l'entrée et au séjour
des étrangers et à l'asile, et celle du 16 mars 1998 en
matière de nationalité obéissent à cette logique
de restriction. Elle a pour effet de contourner (détourner), l'idée
même d'intégration des étrangers. Par ces instruments
législatifs, l'étranger s'est vu progressivement enfermer dans
une situation de précarisation . Il se voit
de plus en plus confirmer son caractère de
transit .
Avant les modifications récentes, était exempt des textes,
des manifestations de prise en considération des familles
étrangères constituées et établies de longue
dates sur le territoire français (résidant habituellement en
France depuis plus de 7 ans, avec des enfants, la plupart du temps, née
sur le territoire et effectuant leur scolarité). Il s'agit de famille
en situation irrégulière au regard de la législation
en matière du séjour, mais de famille ayant cependant la ferme
intention de s'établir durablement en France.
Ces familles-là participent silencieusement à l'économie
nationale, dans l'angoisse et la peur du clandestin (par le biais du travail
illégal).
C'est alors en 1996 (l'occupation de l'église Saint - Ambroise, le
début du mouvement date du 22 mars, la grande médiation date
du 23 mars, par l'évacuation de l'église Saint - Bernard),
avec l'explosion du mouvement des sans papier, que le silence est rompu.
La situation de plusieurs personnes, contraintes à vivre en marge
de la société, est mise au grand jour.
A travers ce mouvement, on pourrait déceler un double objectif :
- rendre compte aux autochtones de la situation (le vécu de certaines catégories d'étrangers)
- confronter le gouvernement à une certaine réalité
(devenu un fait social) et le mettre en demeure d'agir (réagir
ouvertement).
Quelles furent les conséquences de ce mouvement des sans
papier ?
- Timide action de régularisation, par la circulaire ministérielle
du 24 juin 1997 par la régularisation d'une certaine catégorie
d'étrangers.
- Mise à jour du paradoxe juridique des lois antérieures (prise
de conscience du comportement mitigé du gouvernement). En effets certains
étrangers ne peuvent être ni régularisés, ni
expulsables (Ex. conjoint(e)s de français(e)s entrée en France
sans visa).
- Exploitation de cette situation de trouble par
les mouvements d'extrême droite qui n'hésitent pas à
utiliser ce fond de commerce xénophobe.
C'est cette toile de fond que nous choisissons pour une approche sur le statut
de l'étranger. Celui-là même qui est perçu comme
l'autre.
Comment est-il défini ?
L'étranger n'existe pas en soi, ce n'est pas une essence, mais un
construit social. Les figures de l'étranger sont plurielles dans le
temps et dans l'espace. Pourtant la notion même d'étranger tant
à uniformiser toutes ces figures, parce qu'elle est de plus en plus
conceptualisée et empreinte de juridique.
L'étranger aujourd'hui, c'est tout simplement le non -
national, celui qui n'a pas la nationalité de l'Etat sur le
territoire duquel il se trouve. Il reste d'abord et avant tout
l'autre, celui qui est extérieur au groupe et différent
de ces membres.
L'altérité caractériserait alors presque à elle
seule l'étranger. Cependant, il faut noter que pour cerner plus
précisément les contours de la notion d'étranger, on
est nécessairement ramené au droit. La notion d'étranger
serait donc appréhendée par rapport au droit. Droit certes,
mais quel droit ?
Comme on l'a souligné plus haut, la nécessité de structurer
une législation par rapport aux étrangers est apparue presque
en même temps que la nécessité de structurer une politique
d'immigration.
Du droit, on s'oriente vers le politique. Il apparaît très vite
que le sort des étrangers est étroitement lié au contexte
économique, social et politique du pays d'accueil.
La précarisation de la situation de l'étranger trouve son fondement
par la source dans laquelle sont puisés les éléments
constitutif de son statut : passage du droit, caractérisé
par une certaine objectivité , au politique, dans toute sa dimension
régalienne, concrétisé notamment par le pouvoir
discrétionnaire.
Quel rôle l'Etat a-t-il dans la détermination du statut de
l'étranger ?
La place plus ou moins importante, accordée - ou plutôt
tolérée - à l'étranger se reflète
à travers la lecture des textes de lois relatifs au droit des
étrangers. Même si nous nous accordons pour dire que les textes
de lois sont votés par le Parlement, représentant du peuple,
il n'en demeure pas moins que les projets de loi sont à l'initiative
du pouvoir exécutif. En témoignent les noms de certaines de
ces lois (Lois dites PASQUA par exemple).
Le rôle de l'Etat est très important, dans ce sens où il pose une emprunte. Cette emprunte est déterminante pour le statut de l'étranger. Abdelmalek SAYAD (sociologue) développe très bien l'importance de cette emprunte à travers l'explication de son expression de Pensée d'Etat (BOURDIEU parle d'Esprit d'Etat). Selon A. SAYAD, cette forme de pensée, constituée d'un fond commun qui est le produit de nos catégories mentales (représentations), reflète les structures de l'Etat, telles qu'elles ont été intériorisées au plus profond de chaque individu.
C'est à travers ces catégories que nous pensons l'immigration
(et plus largement, tout notre monde social, politique, économique,
culture et éthique. Selon l'auteur, ces catégories sont donc
assurément et objectivement (c'est-à-dire à notre insu
et par suite indépendamment de notre volonté) des catégories
mentales nationales, voire nationalistes. Toujours d'après l'auteur,
ce mode de penser est tout entier inscrit dans la ligne de démarcation,
invisible ou à peine perceptible mais dont les effets sont
considérables, séparant les nationaux des non -
nationaux. Pour cet auteur, penser l'immigration c'est
penser l'Etat (c'est l'Etat qui se pense lui même en pensant
l'immigration).
A cette image, nous pouvons confronter l'étude de l'évolution
de la législation en matière des étrangers : logique
de durcissement.
C'est l'occasion privilégiée pour rendre patent ce qui est
latent dans la constitution du fonctionnement de l'ordre social, pour en
démasquer ce qui est caché, pour en révéler ce
qu'on a intérêt à ignorer et à laisser à
l'état d'ignorance ou d'innocence sociale et enfin pour porter au
grand jour ce qui est habituellement enfoui dans l'inconscient social. Le
mouvement des sans papier a eu le mérite de percer une partie de ce
secret de l'impensé social.
Il a été relevé une absence de dispositif
d'intégration de certaines catégories
d'étrangers. Tout porte à croire que l'on voulait laisser sous
silence certaines réalités sociales : la présence
de certaines catégories d'étrangers sur le territoire). La
raison se trouve peut-être dans la crainte d'éveiller l'imagerie
xénophobe d'une invasion, mettant en péril le soi-disant
équilibre social. Fantasme qui est venu compléter la figure
négative du travailleur immigré, menaçant l'emploi et
l'identité des autochtones.
L'analyse des dispositions législatives (attitude mitigée du
gouvernement), semble démontrer que le gouvernement devient victime
de ce qu'il a lui-même suscité (réaction d'auto protection
des autochtones). Sa marche de manoeuvre semble être dictée
par la hantise d'affecter l'opinion publique.
Pistes de réflexion issues de la discussion avec la
salle :
Il est impératif de repenser autre chose .
Sans pour autant changer littéralement de système, mais en
le recentrant . Décalage du système,
il s'agirait de changer de perception. (Hétérotopie
pour employer un terme de Boaventura de Sousa Santos). Par exemple par
l'éducation aux droits de l'homme en situation interculturelle.
Développement de la notion d'identité à travers des
cultures autres qu'occidentales. Construction de l'identité en suivant
d'autres pistes de réflexion : par exemple le métissage.
Développement de la notion de tolérance, d'hospitalité
(puisé dans d'autres cultures, par exemple asiatique).Développement
de l'idée de la justice liée à l'expression de la
population. Utiliser avec prudence des notions tels que intégration,
assimilation.